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Émergences
Les affects numériques

Des effets aux affects : médiations, pouvoir et navigation sexuelle en ligne

Fred Pailler et Florian Vörös

Résumés

À partir de deux enquêtes sur les sexualités en ligne, cet article interroge la dimension affective de la navigation sur des sites web. Il élabore une approche spinozienne et deleuzienne des affects, comme alternative aux modèles communicationnels qui dépeignent des effets uniques et univoques, afin de décrire, en situation, des forces imbriquées qui se combinent, s’altèrent ou interfèrent, de manière jamais pleinement prévisible. Cette approche permet d’abord d’envisager la navigation sexuelle en ligne comme un enchevêtrement dynamique de corps, d’appareils techniques, d’images, de sons, de textes et de scripts. L’intensification comme la neutralisation de la sexualité sont ensuite décrites comme des condensés d’actions liées autant à la conception et la modération qu’à l’usage des sites web. Appréhendée depuis sa mécanique affective, l’orientation sexuelle de la navigation apparaît comme un processus tumultueux, qui excède toujours l’effet des normes. La conclusion ouvre enfin sur des réflexions relatives au rôle des affects et des émotions dans la production de savoirs situés ainsi que dans le renouvellement des approches critiques de la communication.

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Texte intégral

  • 1 Sur la genèse de ces controverses, voir Armand Mattelart, L’invention de la communication, Paris, L (...)

1Alors que les communications numériques tendent à se centraliser autour de grands infomédiaires et à se verticaliser autour de quelques grands comptes émetteurs (Smyrnaios, 2017), les controverses relatives aux effets des médias de masse se déplacent de la presse, la carte postale, la radio, la bande dessinée, le cinéma et la télévision vers leurs concurrents et prolongements numériques1. Chaque controverse mobilise une pluralité d’acteurs et d’actrices : des industries culturelles, des publics mobilisés, des instances de régulation, des institutions éducatives et des formes contradictoires d’expertise scientifique. La problématisation de ces effets se fait alors depuis des points d’appui normatifs très différents : une même forme médiatique (« la pornographie », « les réseaux sociaux », etc.) peut être simultanément ciblée par des groupes qui défendent la conservation de l’ordre social, par exemple au nom des « valeurs familiales » ou de la « protection de la jeunesse », et par d’autres groupes qui visent sa transformation progressiste, en visant « l’idéologie dominante » ou les « discours discriminatoires ». Aussi, ces mobilisations peuvent œuvrer à la restriction de la diffusion et de l’accessibilité de la forme médiatique en question, comme encourager sa prolifération sous des formes alternatives. En retour, ces mobilisations peuvent se voir opposer l’argument de la limitation de cet effet par une autre force en présence, ou celui de l’absence d’effet « concret », notamment lorsqu’internet est présenté comme un monde « virtuel » sans incidence sur la « réalité ».

2Ces discours prennent rarement en compte les spécificités de la communication numérique que sont l’hybridation des communications massifiées et interpersonnelles, la participation des usagèr·es à la production de contenus, la personnalisation des interfaces, la diffusion simultanée d’un même contenu sous plusieurs formats, ou encore la coexistence de ces contenus avec leurs métadonnées. Le flou définitionnel qui règne au sein de ces controverses tient ensuite à ce que l’« effet » est un objet mal identifié, que les protagonistes affirment et infirment à des niveaux différents. Les causes de cet « effet » relèvent tantôt de la représentation (un texte, un son, une image) tantôt de l’infrastructure (une interface, un appareil) et ses conséquences sont tour à tour présentées comme comportementales, somatiques, idéologiques ou relatives à l’organisation sociale dans son ensemble. La confusion comme la désarticulation de ces différents niveaux d’analyse nous semble génératrice de « passions tristes », pour reprendre les termes de Spinoza (2011 : 207-208), selon qui la représentation inadéquate de ce qui affecte un corps conduit à un affaiblissement de sa puissance d’agir. Reformuler ce problème dans les termes de la « grammaire générale de la puissance » (Lordon, 2016 : 16) spinozienne permet, par contraste, d’élaborer des descriptions synthétiques (Hardt, 2007 : ix) des effets qui interagissent pour définir une situation.

3Cet article s’ouvre sur une synthèse des apports critiques des Cultural Studies, de la sociologie des usages et des Sciences and Technology Studies à la question des effets des médias. Il souligne ensuite l’intérêt des duos conceptuels dispositif-pouvoir (Michel Foucault) et dispositif-affects (Gilles Deleuze) pour l’étude croisée de l’expérience des contenus médiatiques et des appareils techniques. Cet outillage théorique permet de décrire l’enchevêtrement des matières et des idées (approche matérialiste non-dualiste) ainsi que la pluralité et l’hétérogénéité des éléments en jeu dans les médiations numériques (approche non-réductionniste). Envisagés comme des affects, les effets apparaissent alors comme des jeux de forces multiples et imbriquées, d’intensités, de durées et de fréquences variables, qui se combinent, s’altèrent ou interfèrent les unes avec les autres.

  • 2 Voir Fred Pailler, « Les usages des catégories sexuelles en ligne », Politiques des affects [en lig (...)

4Cette approche de la navigation en ligne au prisme des affects est issue de deux recherches doctorales sur les sexualités en ligne, au cours desquelles nous avons été amenés à enquêter sur des terrains saturés de discours sur les effets des médias. À rebours de la dénonciation des effets de la pornographie, l’enquête de Florian Vörös documente les affects qui traversent des pratiques numériques inscrites dans les routines de la vie quotidienne : naviguer et visionner, ressentir et se masturber, archiver et effacer, raconter et taire, ou encore se prendre en photo et les partager en ligne. À partir d’entretiens (Vörös, 2014) avec des hommes gays, bis et hétérosexuels, il analyse la manière dont ces pratiques participent de la production d’espace-temps domestiques, de sociabilités amicales et sexuelles, ainsi que de manières d’imaginer et de ressentir la féminité et la masculinité. Contre l’idée selon laquelle rencontre et pornographie constitueraient des univers étanches, l’enquête de Fred Pailler porte sur des procédures techniques, logiques et discursives qui traversent aussi bien des sites de rencontre, des sites de webcam que de plateformes de diffusion de contenus pornographiques (les « tubes »). L’observation ethnographique documente la manière dont ces procédures configurent les expériences, notamment par la régulation des représentations de la nudité et des usages des catégories sexuelles2.

Les médiations n’ont d’effet ni linéaire ni univoque

5Une approche en termes d’affect s’oppose au paradigme des « effets directs » (Maigret, 2007), c’est-à-dire à l’ensemble des modèles communicationnels qui établissent des liens de causalité directe entre l’« exposition » à un « message » ou à un « stimuli » et un type d’état somatique, de croyance, de comportement ou de désordre social. Ces discours isolent un type de médiation (propagande radiophonique, affichage publicitaire, etc.) d’un complexe de relations et en font un agent à la fois universel et tout-puissant. Cette opération de réduction devient elle-même transposable d’un média à l’autre : un blog conduit à la privation alimentaire (Casilli et Tubaro, 2016) de la même manière qu’un jeu vidéo conduit à la violence. Avec le concept de « flux de communication à deux étages » [two step flow of communication], la sociologie des usages et gratifications montre à partir des années 1940 le rôle de la médiation horizontale des réseaux de sociabilité familiale et professionnelle dans le processus de réception des contenus médiatiques à forte verticalité : un émetteur, beaucoup de récepteurs (Katz et Lazarsfeld, 2008). En écartant définitivement la question de ce « que font les médias aux gens ? » au profit de la question de ce « que font les gens avec les médias », ce modèle présente toutefois l’inconvénient de ne prendre en compte que des « effets limités » sur le court terme.

  • 3 Pour aller plus loin, voir Maxime Cervulle, Nelly Quemener, Florian Vörös (dir.), Matérialismes, cu (...)
  • 4 Yves Citton propose de traduire ainsi le double sens de l’expression anglaise to matter : « se maté (...)

6S’intéressant à des effets de plus long terme, les recherches menées au sein du Centre for Contemporary Cultural Studies de Birmingham à partir des années 1960 interrogent le rôle de la réception des médias dans la formulation des idéologies et dans la production des ordres sociaux. La réception désigne ici un processus de production de significations à partir des ressources offertes et des contraintes posées par les représentations médiatiques et, plus largement, par les contextes culturels auxquels celles-ci participent (Glévarec, Macé et Maigret, 2008). En envisageant la réception comme un « moment » à part entière, relativement autonome et incertain, les Cultural Studies refusent de réduire l’expérience des publics au statut de conséquence prévisible d’un « message » médiatique ou d’une « infrastructure » socio-économique. Les contextes historiques sont, selon cette perspective, le produit d’un faisceau de multiples déterminations, entendues comme la fixation de limites et l’exercice d’une pression dont l’issue n’est jamais donnée à l’avance (Williams, 2014)3. En problématisant la relation entre le texte médiatique et le contexte de réception, les Cultural Studies tendent toutefois à laisser dans l’angle mort l’importance matérielle4 des corps et des appareils techniques dans la détermination des situations qu’elles étudient.

Saisir des faisceaux d’effets en dépliant les médiations

  • 5 Josiane Jouët, Jamil Dakhlia, Géraldine Poels, Art. cit., p. 221.

7L’ethnographie de la réception montre à partir des années 1980 que les publics appréhendent davantage les contenus médiatiques comme des moyens (pour s’informer, se divertir, etc.) que comme des fins en soi. Si le roman Harlequin est un genre littéraire dont la teneur s’apparente à première vue à un « simple résumé des règles, prescriptions, pratiques sociales et de l’idéologie du patriarcat », Janice Radway (1991 :113) décrit comment leur lecture par des mères au foyer du Midwest états-unien constitue aussi une « nourriture émotionnelle par procuration » et transforme temporairement la sphère domestique (dédiée au service des autres) en un espace de repos (pour soi-même). La sociologie des usages des technologies de communication qui se développe au même moment en France montre que l’appropriation sociale des appareils techniques et des interfaces médiatiques excède et déborde les intentions des concepteurs. Retraçant le développement de services clandestins puis commerciaux de messageries conviviales, Josiane Jouët décrit comment les usages du minitel transforment de manière inattendue les rapports à la sexualité. Certes, l’écran n’engage plus les participant·es aussi directement que la séduction en présentiel mais il ouvre en contrepartie un espace d’expression des désirs, jusque-là contraints ou tus5.

  • 6 Madeleine Akrich souligne l’inadéquation de la métaphore balistique qui voudrait qu’une technologie (...)

8Les théories post-médias pensent au même moment l’incidence des infrastructures technologiques sur les expériences médiatiques. Elles s’intéressent en particulier à la réappropriation par et pour les publics des outils de diffusion (radios libres en France et en Italie, MiniFM au Japon, etc.) dans une démarche de remise en cause des rapports sociaux qui opposent producteurs et récepteurs des médias de masse. Dans une démarche différente, les chercheurs et chercheuses du Centre de Sociologie de l’Innovation appréhendent les objets techniques comme des réseaux d’éléments toujours en cours de stabilisation matérielle, pris dans des relations de négociation entre différents groupes d’acteurs. La théorie de l’acteur-réseau envisage l’objet technique en situation, à la fois comme un déterminé et comme un déterminant6. Au-delà de leurs divergences, ces deux courants s’inspirent du concept foucaldien de dispositif pour rouvrir la « boîte noire » (Proulx, 2015) de la technique et décrire les jeux de pouvoir à l’œuvre dans le déploiement des appareillages techniques.

  • 7 Pour un panorama des usages du concept de dispositif dans l’étude des médias, voir Jean-Samuel Beus (...)
  • 8 L’analyse des dispositifs rejoint sur ce point la sociologie des médiations de Paul Beaud : « Nous (...)

9Dans les recherches de Michel Foucault sur la prison et la sexualité, le concept de dispositif désigne un principe historiquement situé de relations de pouvoir qui agencent des énoncés, des corps et des architectures. En tant que dispositif, la sexualité n’est par exemple la propriété d’aucune entité humaine ou non-humaine, mais le principe qui organise leurs relations. Les dispositifs sont fondamentalement hétérogènes dans la mesure où leurs dimensions matérielles (« le non-discursif ») et représentationnelles (« le discursif ») ne sont pas réductibles l’une à l’autre. Selon cette perspective, le dispositif ne désigne ni les contenus médiatiques ni les appareils techniques7 mais le complexe de relations qui, en situation, leur donne formes et significations. Cet usage non-médiacentrique permet d’abord de penser les produits des industries médiatiques comme des médiations parmi les autres8. Elle permet ensuite de ne pas isoler l’analyse des contenus (« Qu’est-ce que cela signifie ? ») de la compréhension des dispositifs au sein desquels ils opèrent (« Comment cela marche ? »). Par ailleurs, les relations de pouvoir qui traversent les dispositifs peuvent être appréhendées comme des affects, c’est-à-dire comme des forces qui agencent des entités hétérogènes, en actualisant leur capacité à affecter et à être affectées.

Les affects sont des forces qui affectent d’autres forces

À la fois causes et conséquences, les affects sont les forces et les mouvements qui traversent et constituent des situations. Ils n’ont en eux-mêmes ni forme ni signification, mais donnent forme à des matières et intensifient des systèmes de signes. Les affects agencent des corps, des contenus médiatiques et des appareils techniques sans jamais se confondre avec ces entités. Tout affect est à la fois actif et réactif : « la force se définit elle-même par son pouvoir d’affecter d’autres forces (avec lesquelles elle est en rapport), et d’être affectée par d’autres forces » (Deleuze, 1986 :78). En tant que principe abstrait d’action et de réaction, les affects constituent, pour reprendre le terme de Gilles Deleuze, le « dehors » des éléments qu’ils assemblent au sein des dispositifs. Les affects forment des relations et redéfinissent les entités qu’ils agencent. À rebours des démarches scientifiques qui s’efforcent de définir « ce que sont » les affects (quelles sont leurs propriétés, leurs formes, leurs contenus ou leurs lieux), l’analyse des dispositifs médiatiques que nous proposons décrit « ce que font » ces affects : « la manière dont [ils] circulent entre les corps, en ‘collant’ et en affectant » (Ahmed, 2004 :4).

  • 9 Il s’agit de l’angle privilégié par Brian Massumi, Parables for the Virtual : Movement, Affect, Sen (...)
  • 10 Il s’agit de l’angle privilégié par Sara Ahmed.

10Les frontières et les propriétés des entités ne préexistent pas aux jeux de forces qui les travaillent. Par ailleurs, ces derniers ne dessinent pas nécessairement des entités discrètes aux contours clairement définis. Le corps apparaît alors comme une entité aux contours et aux manifestations variables, qui existe en dehors des frontières de la peau (à travers nos traces et archives numériques) et se prolonge à travers l’outillage technique (du smartphone, en tant que quasi-prothèse). Il faut ajouter à cela que, selon le principe de symétrie élaboré par les Science and Technology Studies, l’activité organique se fondant sur l’activité technique et réciproquement, les entités humaines et non-humaines ont en principe le même pouvoir d’affecter (Paasonen, Hillis et Petit, 2015). Les affects sont des forces d’intensités, de durées et de fréquences variables. Ils peuvent aussi bien donner lieu à des entités ponctuelles et singulières9 qu’à des entités durables et récurrentes10. Différents affects en rapport peuvent aussi bien converger et s’amplifier que diverger et s’atténuer. Aussi intense soit-il, un affect ne subsume toutefois jamais entièrement la pluralité des forces en présence, dont le rapport en situation ne saurait se réduire à une seule et unique fonction ou principe organisationnel.

11La sexualité est souvent considérée dans les recherches sur internet comme un univers à part, qu’il conviendrait de laisser aux enquêtes spécialisées. Pourtant, des messageries minitel (Jouët, Dakhlia et Poëls, 2012) aux réseaux sociaux numériques (Pailler, 2011), l’histoire récente des technologies rappelle que la sexualité ne se cantonne pas aux interfaces médiatiques spécifiquement conçues pour les échanges sexuels : toute médiation numérique peut virtuellement devenir une médiation sexuelle. Au travers de l’intensification sexuelle de la navigation en ligne, nous esquissons dans les développements qui suivent certaines des manières dont l’attention portée aux affects peut enrichir l’étude d’internet.

Navigation sexuelle et mise en mouvement des appareils et des corps

  • 11 Spinoza, Op. cit., p. 196-197 et 498-502.
  • 12 Sur l’é/motion comme mouvement, voir Sara Ahmed, The Cultural Politics of Emotion, Edinburgh, Edinb (...)

12Afin de montrer que les affects sont indissociablement les mouvements du corps (affectio) et les idées associées à ces mouvements (affectus)11, nous prenons l’exemple de la navigation autosexuelle, c’est-à-dire de l’action de soi sur soi qui consiste à se procurer du plaisir en consultant des contenus érotiques et pornographiques en ligne. Cette pratique active la matérialité des appareils techniques et des corps ainsi que des discours qui traversent à la fois les interfaces, les contenus et leurs usages. L’intensification sexuelle est ici le produit d’agencements techno-corporels aussi bien médiatiques (avec l’ordinateur ou le smartphone) que non-médiatiques (la chambre ou le bureau, le lubrifiant et les sextoys). La quête d’intensité amène à évaluer les contenus à l’aune des connexions qu’ils permettent d’établir : il y a d’un côté ceux qui « marchent », « attirent », « magnétisent » ou « électrisent » et, de l’autre, ceux qui ne « marchent pas », dans la mesure où ils dégoûtent ou laissent indifférent·e. Les images et les sons ne deviennent significatifs (Skeggs et Wood, 2012 : 42) que dans la mesure où ils é/meuvent12, c’est-à-dire dont ils mettent en mouvement les corps.

13La dénonciation des effets de la pornographie présente traditionnellement cette intensification sexuelle sous l’angle de la passivité plutôt que de l’activité. Le processus de réception des sons et des images se voit alors réduit à la répétition mimétique des états corporels lascifs représentés à l’écran (Williams, 2012). Une approche en termes d’affects considère à l’inverse que le pouvoir d’agir d’un corps se nourrit de sa capacité à être agi et qu’une action ne peut être l’unique cause d’une autre action. Ce changement de perspective amène à considérer la vidéo pornographique non plus comme la source du plaisir mais comme une forme de « médiation de l’intensité sexuelle » (Paasonen et Vörös, 2014 : 82) parmi d’autres. De cette manière, lorsque la présence visuelle et sonore de la pornographie sert d’agrément (« pimenter ») ou de stimulant (« amorcer la pompe ») entre partenaires sexuels, la pornographie devient l’un des composants d’un dispositif de sexualisation des relations, au même titre que la décoration, l’éclairage ou la musique. Envisager la sexualité comme un dispositif – c’est-à-dire comme un mode de mise en relation sur la base du plaisir – permet de passer de la question des causes à celles des « points nodaux » (Ahmed, 2014 : 45) autour desquels se détermine une situation.

  • 13 Ibid., p. 40. Voir également Sara Ahmed, The Promise of Happiness, Durham, Duke University Press, 2 (...)

14L’intensité du mouvement (« affects ») est selon Sara Ahmed13 toujours déjà façonnée par son organisation culturelle (« émotions »). Ainsi, la représentation ne fait pas que suivre le mouvement, elle le précède et l’accompagne. L’anticipation des contenus pornographiques, en ce qu’elle sollicite une mémoire sexuelle incorporée, peut elle-même s’avérer génératrice de plaisir. Qu’il s’agisse de feuilleter les pages d’un magazine, d’entrer dans une salle de cinéma X, de parcourir les rayons d’un sex-shop ou de naviguer de vidéo en vidéo sur un ordinateur connecté à internet, la phase de recherche, souvent sur le mode de la flânerie et de la sérendipité, tend à être toute aussi importante que le visionnage dans la production du plaisir sexuel. Ce plaisir est à la fois un excès, qui échappe en partie à sa formulation, et une histoire, qui se répète et se reformule. La navigation autosexuelle est par exemple souvent racontée comme une « libération » et une « évasion » par rapport aux rôles sociaux et aux normes de bonne conduite, vers des ailleurs « exotiques » ou « extrêmes ». La navigation sexuelle est ainsi à la fois activée et limitée par des scripts (Gagnon, 2008), qui dessinent des possibilités de relation les entités en jeu.

L’orientation sexuelle des désirs et sentiments par la conception et la modération des sites web

15Les affects qui traversent les expériences de navigation sont organisés, configurés et régulés par des actions de conception et de modération des sites web. Prenons les exemples des sites de rencontre, de sexcam et de diffusion de vidéos pornographiques, qui ont en commun d’offrir la possibilité de consulter des contenus, comme de développer une sociabilité, à travers la création de profils, l’envoi de messages et la gestion de ses contacts. Les gestes, signes et données rendues accessibles par ces sites conditionnent l’expérience des usagèr·es, c’est-à-dire la capacité d’accéder aux contenus et d’interagir, de séduire et de s’exciter, de rencontrer ou de passer le temps. C’est ainsi que les sites web orientent sexuellement la navigation en ligne (Ahmed, 2006), sans jamais définitivement la contraindre. En ligne comme hors ligne, l’orientation sexuelle est donc moins une propriété des individus qu’un mode de mise en relation entre des corps, des architectures et des discours. Sur les sites spécifiquement dédiés à l’amour et/ou à la sexualité, cette orientation passe à la fois par le tri des abonné·es lors de leur inscription et par la régulation des publications selon leur caractère sexuellement explicite.

16L’inscription sur les sites requiert la déclaration d’informations liées au sexe/genre, à l’orientation sexuelle et au statut relationnel établi ou désiré. La variété des catégories sexuelles mises à disposition dans les formulaires d’inscription, tout autant que les manières de les combiner entre elles, jouent un rôle déterminant dans la configuration des mises en contact. Tandis que les formulaires déploient une rhétorique identitaire (« je suis… », « je cherche… »), la description des affects considère la catégorisation sexuelle comme un réseau d’effets, dont l’identification en termes homme/femme et hétéro/homo n’est qu’une des conséquences possibles. Un premier type de sites propose à l’inscription les seules catégories « homme » et « femme », associées à leurs combinaisons hétéro- et homosexuelles. Ces sites prétendent décrire de façon exhaustive l’ensemble de leurs abonné·es à travers un schéma logique composé de catégories binaires et exclusives les unes des autres. Ce schéma sert à organiser des relations au sein de la base de données et à automatiser des règles d’accès ou d’appairement entre des abonné.es et des contenus. Ainsi, sur un site de rencontres, les femmes hétérosexuelles ne voient que les profils des hommes hétérosexuels, et réciproquement. Sur une plateforme pornographique, les hommes hétérosexuels se voient automatiquement « protégés » du visionnage des contenus catégorisés comme gays, tout en ayant accès au reste du site et y compris aux contenus catégorisés comme lesbiens. Un second type de sites propose par contraste un plus grand nombre de catégories lors de l’inscription, ainsi que des logiques de combinaisons non-binaires et/ou non-exclusives, qui ne peuvent être automatisées. Les catégories déclarées à l’inscription ne conservent alors qu’un rôle descriptif des corps et des désirs. Ainsi, les abonné·es peuvent toujours choisir les contenus ou les partenaires qui leur plaisent, sans souci de cohérence avec leurs déclarations antérieures.

17L’absence de sexualité explicite est le résultat d’un travail invisible de modération, c’est-à-dire de sélection, d’évaluation et de suppression éventuelle des contenus par des équipes bénévoles ou professionnelles. Les sites qui n’autorisent pas l’affichage de contenus sexuellement explicites présentent implicitement l’absence de nudité comme une garantie de bonne moralité, de sentimentalité ou encore de sécurité. La neutralisation des contenus explicites participe alors d’une orientation sexuelle de la navigation autour d’un imaginaire conjugaliste. Les sites qui autorisent à l’inverse l’affichage de textes et d’images pornographiques ne sont pas pour autant exempts de règles de modération, à commencer par celles qui s’alignent sur les législations nationales. Par ailleurs, contrairement à l’idée communément admise selon laquelle l’absence de censure conduirait à l’expression d’une sexualité « débridée », une part non négligeable des contenus publiés sur ces sites ne présente ni nudité ni actes explicites.

  • 14 Bondage, Discipline, Domination, Soumission, Sado-Masochisme.

18L’articulation par les sites du traitement des catégories déclarées à l’inscription avec la gestion du caractère sexuel des contenus génère typiquement deux modes d’orientation sexuelle de la navigation. Le premier mode, caractéristique des sites de rencontre « généralistes », ou hétérocentrés (Bergström, 2011), associe la mise en relation automatisée et binaire avec la censure des contenus explicites. La navigation est implicitement sexualisée à travers l’euphémisation de la sexualité et l’organisation de la mise en relation autour du principe de la différence des sexes. Le second mode de sexualisation de la navigation autorise quant à lui une plus grande variété dans les manières de prendre contact et autorise la présentation sexuellement explicite de soi. Ce mode caractérise à la fois les sites libertins ou échangistes, les sites de rencontre gays ou BDSM14, les tubes et les plateformes de sexcam. Il contraint moins l’établissement de contacts et ne requiert pas des abonné·es la mise en cohérence de leurs actions et identifications selon un script d’usage prédéfini.

L’intensification et la neutralisation des sensations face aux normes sexuelles

19L’intensification et la neutralisation de la sexualité intervient, en même temps, grâce à des opérations de tri et d’appropriation des contenus par les usagèr·es. Tandis que le web donne virtuellement accès à une grande diversité d’imaginaires érotiques et pornographiques, les routines autosexuelles se limitent en fait souvent à une portion congrue. Par exemple, la navigation des hommes hétérosexuels est souvent animée par la volonté d’éviter les images « dégoûtantes », une catégorie large, aux contours variables, qui recouvre notamment le contact entre hommes, l’érotisation de l’anus masculin, les femmes trans’ et la domination féminine. Si l’intensification sexuelle passe souvent par la transgression de règles morales (un scénario d’inceste par exemple), le frisson de la perversité intervient alors dans le seul périmètre du scénario hétérosexuel conventionnel, notamment caractérisé par la domination masculine, la soumission féminine et la pénétration pénis/vagin. Toutefois, inscrire « je suis : un homme » et « j’aime : les femmes » ne garantit pas toujours ce type de résultat. Un homme cisgenre d’une quarantaine d’années se définissant comme hétérosexuel raconte par exemple lors d’un entretien sa surprise d’avoir « bandé » à la vue d’un corps de femme trans’ dans une vidéo qui n’était pas indexée avec ce tag : « C’est étrange parce que d’un coup tu fais [intonation choquée] ‘‘Ah, il a une bite…!?’’ Surtout quand c’est la première fois que tu vois ça ». En effet, selon lui, « quand t’es hétéro, tu préfères une chatte » parce que « c’est plus joli, c’est évident […] et puis un cul de mec et un cul de nana, c’est pas pareil ». La fascination et le plaisir se mêlent, au cours de cette session de navigation, à son dégoût initial envers les « shemales ». Il en vient alors à inclure les femmes trans’, de manière restreinte et exotisée, au périmètre de ses fantasmes. La mécanique affective de la réception n’est ainsi jamais entièrement donnée à l’avance et laisse parfois la place à des surprises corporelles (Paasonen, 2015 : 61). Ces contagions affectives (Kosofsky Sedgwick, 2003) peuvent être source d’anxiété et nécessiter une immunisation émotionnelle, entendue comme une action de soi sur soi orientée vers la neutralisation des expériences sensorielles ambivalentes et polymorphes. Parce qu’elle actualise une norme hétérosexuelle qui organise à la fois le site web sur lequel ces hommes naviguent et les mondes dans lesquels ils évoluent, cette orientation sexuelle de la navigation reste largement invisible à elle-même.

20Les sensations et sentiments, souvent diffus et confus, qui adviennent à travers la navigation sexuelle en ligne sont aussi confrontés à des injonctions à la mise en cohérence de soi et à la déclaration identitaire (Bozon, 2004). La contrainte exercée par ces injonctions devient clairement tangible lorsque, confrontées à la page d’accueil d’un site web, des personnes ne savent ni exactement ce qu’elles désirent ni comment se définir, ou bien encore lorsque leur identification habituelle (bisexuel·le, pansexuel·le, trans’, non-binaire, etc.) n’est pas prévue dans le formulaire. Si ces personnes renseignent par défaut, sans grande conviction ou satisfaction, une des catégories proposées, elles risquent ensuite, dans leurs interactions avec les autres abonné·es, de se voir accusées d’avoir produit un fake (Pailler et Casilli, 2015). Les accusateurs·trices tendent dans ce cas à dénoncer à la fois l’immoralité de l’acte (« tu n’aurais pas dû faire cela ») et les affects négatifs dont cet acte serait la cause malheureuse (déception des attentes, sentiment d’insécurité, de trahison, etc.). L’injonction à la cohérence identitaire intervient par ailleurs de manière plus diffuse, dans les routines de la vie de tous les jours et de toutes les nuits, par exemple lors de la sélection des images ou lors de la réflexion sur les sensations que celles-ci peuvent procurer. L’incitation à l’identification en lien avec les sensations éprouvées lors de la navigation peut donner lieu à des réactions diverses, certaines sur le mode de l’évidence (« oui, je suis… donc je regarde… ») ou de la réassurance (« oui, je ressens… donc je suis… »), d’autres sur le mode du dépassement (« non, il y a en fait a toute une différence entre ce que j’aime faire avec mes partenaires, ce que j’aime voir sur internet et mes fantasmes »). À la différence de ce troisième énoncé, les deux premiers modes présentent l’identité comme une cause stable et l’effet corporel réel ou supposé des images comme une « preuve » à même de la « révéler ». L’injonction à l’identité jalonne ainsi à la fois le parcours de navigation et le retour réflexif sur les impressions qui en sont restées.

Conclusion

21En dépliant les médiations, l’étude des affects appréhende comme une multiplicité d’effets inachevés ce qui était jusqu’ici désigné comme un effet unique et univoque. Le problème de l’effet des contenus médiatiques se voit ainsi reformulé dans le cadre d’un questionnement plus large sur les jeux de force, c’est-à-dire les réseaux d’effets, qui définissent plus ou moins durablement une situation. Ces forces, de durées, d’intensités et de fréquences variables s’imbriquent de manière jamais pleinement prévisible, selon des rapports de combinaison, d’altération ou d’interférence. Aussi contraignante soit-elle, l’emprise d’une force sur les autres forces en présence ne subsume jamais à elle seule la plurivocité du réseau de relations qui constitue une situation. Les exemples du dégoût hétéronormatif et du sentiment de confusion sexuelle montre que ces forces produisent à la fois des individus (qui ressentent du dégoût, de la confusion, etc.) et des groupes, qui se constituent de manière plus ou moins consciente et discernable autour de cet affect. La description des forces qui traversent une situation esquisse alors de manière articulée la microphysique des relations sociales et la macrophysique des rapports sociaux.

22Les émotions (ne) sont ici (que) le point de départ de l’étude des affects. L’étude des affects se fonde sur les émotions, en tant que seuil de dicibilité et de visibilité de leur intensité. Elle ne les considère toutefois pas comme une fin en soi : un affect ne se réduit pas à son expérience subjective et participe d’un réseau plus large d’événements. Les émotions en effet sont des (ré)actions organiques qui selon, le principe de symétrie humain/non-humain peuvent être appréhendées dans leurs continuités avec des (ré)actions techniques. Le diagnostic d’un « tournant affectif » dans les sciences humaines et sociales (Gregg et Seigworth, 2010) a souvent pour défaut de vouloir constituer les affects en objets purs et autonomes. Tout l’intérêt d’une perspective spinozienne, ou deleuzienne, sur les affects consiste inversement à ouvrir à la prise en compte synthétique de la pluralité hétérogène des entités qu’ils mettent en relation pour constituer des situations, c’est-à-dire des « dispositifs », pour reprendre la terminologie des Science and Technology Studies, ou encore des « contextes » et des « conjonctures », pour reprendre la terminologie des Cultural Studies. Faire des affects un nouveau mode de description du rôle des contenus médiatiques et des appareils techniques dans les processus de transformation historiques permet, plutôt que d’ouvrir un nouveau champ de recherche isolé et abstrait, de renouveler les approches critiques de la communication.

  • 15 Jeanne Favret-Saada, Les mots, la mort, les sorts, Paris, Gallimard, 1977.

23L’étude des affects est, enfin, une pratique politiquement située de médiation scientifique. Nous avons vu comment les théories des effets directs confèrent aux scientifiques la capacité de révéler, depuis un point de vue entièrement extérieur à l’action, des vérités pré-discursives concernant les modifications engendrées par les médiations numériques. Par contraste, l’étude des affects se fait toujours depuis l’intérieur même des dispositifs qu’elle prend pour objet. Être affecté·e est en effet la condition sine qua non de la description d’une situation15. La saisie des affects repose alors sur l’usage stratégique, à des fins heuristiques, des intensités qui dés/organisent le rapport des chercheur·es au terrain. Retracer les affects qui traversent un dispositif ne peut se faire que depuis une perspective partielle et partiale (Haraway, 2007) et donc prise dans des enjeux de lutte pour la définition des frontières et des propriétés en jeu dans une situation.

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Notes

1 Sur la genèse de ces controverses, voir Armand Mattelart, L’invention de la communication, Paris, La Découverte, 2011, p. 255-291.

2 Voir Fred Pailler, « Les usages des catégories sexuelles en ligne », Politiques des affects [en ligne], 20 décembre 2016. URL : http://affects.hypotheses.org/

3 Pour aller plus loin, voir Maxime Cervulle, Nelly Quemener, Florian Vörös (dir.), Matérialismes, culture et communication, vol. 2 : Cultural Studies théories féministes et décoloniales, Paris, Presses des Mines, 2016.

4 Yves Citton propose de traduire ainsi le double sens de l’expression anglaise to matter : « se matérialiser » et « avoir de l’importance », dans « Politique de fonds », La Revue des Livres, n° 13, septembre-octobre 2013, p. 26. À propos de Karen Barad, Meeting the Universe Halfway: Quantum Physics and the Entanglement of Matter and Meaning, Durham, Duke University Press, 2007.

5 Josiane Jouët, Jamil Dakhlia, Géraldine Poels, Art. cit., p. 221.

6 Madeleine Akrich souligne l’inadéquation de la métaphore balistique qui voudrait qu’une technologie ait un « impact » sur des personnes, dans « De la sociologie des techniques à une sociologie des usages », Techniques & Culture, 1990, n° 16, p. 83-110.

7 Pour un panorama des usages du concept de dispositif dans l’étude des médias, voir Jean-Samuel Beuscart, Ashveen Peerbaye, « Histoires de dispositifs. Introduction », Terrains & travaux, n° 11, 2006, p. 3-15 ; Christine Barats, Manuel d’analyse du web en sciences humaines sociales, Paris, Armand Colin, coll. U, 2013, notamment le premier chapitre avec la contribution de Laurence Monnoyer-Smith à propos du web comme dispositif.

8 L’analyse des dispositifs rejoint sur ce point la sociologie des médiations de Paul Beaud : « Nous ne distinguons pas sociologiquement – et donc aussi méthodologiquement – l’étude des médias de celle de tous les autres moyens de diffusion culturelle et plus largement de socialisation », La société de connivence. Média, médiations et classes sociales, Paris, Aubier, 1984.

9 Il s’agit de l’angle privilégié par Brian Massumi, Parables for the Virtual : Movement, Affect, Sensation, Durham et Londres, Duke University Press, 2002.

10 Il s’agit de l’angle privilégié par Sara Ahmed.

11 Spinoza, Op. cit., p. 196-197 et 498-502.

12 Sur l’é/motion comme mouvement, voir Sara Ahmed, The Cultural Politics of Emotion, Edinburgh, Edinburgh University Press, 2004, p. 4.

13 Ibid., p. 40. Voir également Sara Ahmed, The Promise of Happiness, Durham, Duke University Press, 2006, p. 230-231.

14 Bondage, Discipline, Domination, Soumission, Sado-Masochisme.

15 Jeanne Favret-Saada, Les mots, la mort, les sorts, Paris, Gallimard, 1977.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Fred Pailler et Florian Vörös, « Des effets aux affects : médiations, pouvoir et navigation sexuelle en ligne »Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 11 | 2017, mis en ligne le 01 août 2017, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfsic/2873 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfsic.2873

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Auteurs

Fred Pailler

Ingénieur d’études en sociologie et doctorant au Centre Atlantique de Philosophie (CAPHI EA-2163) à l’université de Nantes. Mail : fred.pailler@sociographie.net

Articles du même auteur

Florian Vörös

Docteur en sociologie de l’EHESS, chercheur associé au Centre d’Études sur les Médias, des Technologies et de l’Internationalisation (CEMTI EA3388) de l’Université Paris 8 et enseignent contractuel en sciences de l’information et de la communication à l’Université Lille 3. Mail : florian.voros@gmail.com

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