1Le digital est omniprésent, dans toutes les sphères sociales et économiques, de l’art à l’industrie en passant par les loisirs et les études, sans oublier la santé, la mobilité ou les médias. Autrement dit, tous les aspects de la société soutenus par des phénomènes communicationnels, informationnels ou organisationnels se structurent à partir, ou s’articulent autour de technologies, de procès ou de datas numériques ou numérisés. Etudiant ces pans de l’activité humaine et ses rapports avec différentes techniques depuis les origines de notre discipline, nous avons suivi, et donc compris et analysé ces mutations du numérique avec suffisamment de recul, de distance critique et de précaution pour ne pas nous arrêter au seul qualificatif numérique, ou digital et encore moins au syntagme d’humanités numérique. Notre pensée vient de la mise en œuvre de processus de communication, de la génération de l’information toujours prises dans des rapports de technique (numérique) et de rapports (sociaux). Autrement dit, les sciences de la communication en France se sont déjà et toujours positionnées au regard de la tension TIC/Société en suivant la ligne d’évolution de ces derniers, que la lignée numérique (Paquienséguy, 2012) n’a fait qu’amplifier.
2Notre discipline a donc progressivement posé des jalons, à partir de plusieurs ouvrages qui ont initié la réflexion entre technique et société ou plus précisément entre technologies, information, communication et logiques sociales. Concrétisant progressivement notre approche du numérique par des problématiques constructives de la discipline. Sans pouvoir être exhaustive plusieurs questions ont ainsi été traitées donnant lieu à des définitions qui ont puissamment structuré nos travaux. Ainsi en est-il des médias : des mass-médias aux médias sociaux ; de l’informatisation : des interfaces à la plateformisation ; de l’interactivité : des design informatiques aux algorithmes ; des représentations : de l’identité à la privacy ; de l’information : du traitement de la langue aux datas ; des usages : dits sociaux à l’innovation ascendante, etc.
3Autrement dit, notre discipline a étudié le numérique avant qu’il ne soit hégémonique, dans la continuité des technologies, des politiques, des pratiques et des représentations dans un continuum théorique qu’elle peut revendiquer sans être jugé versatile ou opportuniste, contrairement à certains disciplines qui ont trouvé, par exemple une planche de salut inespérée dans les Humanités numériques.
4Mais ces évolutions technologiques, économiques et sociales que nous rangeons dans les transformations liées au numérique nécessitent, me semble-t-il, à ce jour que nous reprenions un travail de définition et de spécification comme nos ainés l’ont fait dans les années 1980. En effet, ils identifiaient alors ces triples mouvements qui les conduisaient au porte du numérique et « inventaient » le terme de TIC pour différencier ces dispositifs des médias qu’ils venaient à peine de définir (1986) en autonomie de la définition première des mass-médias par l’Ecole de Columbia, ils pensaient les modèles d’affaires des industries culturelles en pleine mutation, ils identifiaient la grammaire du multimédia naissant.
5De la même façon nous sommes à un seuil, à nous de voir si nous le franchissons en produisant un travail de définition et de redéfinition des termes et syntagmes que nous utilisons en leur accolant l’adjectif de numérique ! L’enjeu est un défi : celui de l’évolution de notre discipline et la démonstration qui reste à faire de sa pertinence à penser le numérique non pas en tant que tel, point de vue dont se réclament les DS, mais assimilé dans les actions et logiques sociales sur un très large spectre.