1Notre analyse, ancrée dans les Sciences de l’information et de la communication, considère le catalogue comme un médium qui révèle des représentations sociales. Dans cette perspective, l’étude de la poupée Barbie offre un terrain d’exploration intéressant dans la mesure où elle apparaît comme un véritable phénomène de société (Debouzy, 1996). Elle est décrite par son fabricant comme le reflet des changements sociaux, culturels et politiques de l’occident depuis un demi-siècle (Hanquez-Maincent, 2000). La gamme des Barbie sportives, à laquelle nous nous intéressons dans le cadre de recherches en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives dans les catalogues de Mattel, n’échappent pas à cette observation. Elles incarnent les valeurs et les tendances sportives de ces dernières décennies (Haissat, 2017). Dans les années 1980-1990, Barbie pratique les sports fun comme l’aérobic, le surf et le roller. Les années 1990-2000 sont marquées par les sports de nature, notamment l’équitation. Enfin, les années 2010 voient l’émergence du sport spectacle et la participation de Barbie aux Jeux olympiques de Londres, où elle remporte des médailles en natation, tennis et athlétisme.
2Toutes ces activités sportives illustrées dans les catalogues du fabricant constituent des « mises en scène commerciales du jouet » (Brougère, 1999 : 199) dans lesquelles la poupée fait figure de modèle à imiter. Cette volonté de faire de Barbie une référence est clairement assumée dans les propos de Ruth Handler, sa créatrice, qui affirme : « Le concept Barbie, à bien des égards, donne aux petites filles un guide pour mieux vivre » (Troy, 1971 : 53). Le statut d’inspiratrice que Mattel entend faire jouer à la poupée peut être associé à la notion de « role-model » développée par Robert Merton (1968) pour traduire l’exemplarité d’une personne pouvant provoquer l’émulation des plus jeunes. Bien que l’enfant ne soit pas obligé de suivre les logiques sociales du mieux vivre pré-définies par le fabricant, ces mises en scène de la poupée agissent néanmoins comme des invitations au jeu qui ne sont pas neutres. En effet, le catalogue en tant que médium, combine des éléments iconiques et textuels dans un même support de communication (Fèvre-Pernet, 2007). Il est donc susceptible de véhiculer des représentations sociales, c’est-à-dire « des systèmes d’interprétation qui régissent notre relation au monde et aux autres, orientant et organisant les conduites et les communications sociales » (Jodelet, 1989 : 35). Ainsi, l’analyse de ces représentations est un élément intéressant de compréhension des façons de penser l’exemplarité qui se manifestent à travers ce médium polysémiotique.
- 1 Une publication ultérieure utilise l’exemple de la poupée Barbie pour illustrer les idéaux d’excell (...)
3Cet article inaugure une série dédiée à un projet de recherche ambitieux qui se propose d’analyser l’évolution des représentations véhiculées par les Barbie sportives, telles qu’elles apparaissent dans les catalogues de Mattel sur une période de quarante ans, de 1980 à 2020. L’étude débute avec la période s’étendant des années 1980 jusqu’au début des années 1990. Bien que des catalogues adaptés à divers pays existent, notre analyse se focalisera principalement sur les catalogues Mattel destinés au marché américain. Cette décision est justifiée par le fait que ces derniers reflètent le discours original du fabricant. Dès lors, il est possible de se demander quelles sont les représentations transmises par les modèles des Barbie sportives dans les catalogues de Mattel des Etats-Unis d’Amérique des années 1980 au début des année 1990 ? Que traduisent-elles ? En quoi cette poupée jouet constitue-t-elle un role-model pour mieux vivre ? Plus précisément, ne s’agit-il pas finalement de s’interroger sur les représentations des formes d’excellence que la poupée véhicule ? En effet, dans les différentes dimensions de la vie quotidienne, l’excellence peut se traduire comme un degré de maîtrise hors du commun (Perrenoud, 1987) d’une discipline ou d’une pratique par exemple. S’appuyant sur des normes sociales qui fondent l’éminence, elle se réfère donc à des qualités intrinsèques qui varient dans le temps et selon les domaines (Heller, 2007). Par conséquent, si Barbie est présentée comme un modèle à suivre, n’est-ce pas parce qu’elle excelle dans différents domaines ou qu’elle manifeste un degré éminent de qualités dont il serait souhaitable de s’inspirer1 ?
4Après avoir présenté la démarche méthodologique employée et les catégories thématiques identifiées dans l’échantillon d’étude dans une première partie, cet article envisage de montrer, dans la seconde partie, la manière dont Barbie apparaît comme un modèle d’excellence en matière d’apparence. Elle représente, d’une part, un idéal corporel aux mensurations fantasmées et, d’autre part, elle incarne l’élégance par son mode vestimentaire et par sa grâce dans ses attitudes corporelles. La troisième partie appréhende la façon dont la poupée fait figure d’excellence dans ses pratiques du divertissement, suggérant des comportements hédonistes et de consommation, mais aussi de sociabilité autour des valeurs de popularité et de sollicitude. Enfin, la quatrième partie de cet article montre comment l’ensemble de ces représentations sociales forment un imaginaire genré de la réussite sociale américaine.
- 2 Les extraits de textes en anglais présentés dans cet article ont été traduits par nos soins.
- 3 Les catalogues de Mattel U.S.A ont été recueillis sur les sites suivants : http://www.orangeslime.c (...)
5L’étude présentée s’appuie sur une analyse des textes et des images associés aux 22 modèles de Barbie sportives identifiés dans les catalogues de Mattel des Etats-Unis d’Amérique de 1980 au début des années 19902. Dans la mesure où il était difficile et parfois coûteux de se procurer les catalogues originaux, ceux-ci ont été recueillis en format numérique sur des sites commerciaux3.
6L’analyse thématique des textes produits par le fabricant pour vendre ses modèles de Barbie sportives permet de comprendre l’expression d’idées dans un contexte socio-historique. En effet, elle permet de dégager les significations que l’émetteur (ici le fabricant) transporte dans ses messages. Ainsi, ce travail a consisté en l’identification des idées significatives contenues dans les textes de l’échantillon d’étude, notamment par le découpage de ceux-ci en unités sémantiques, puis en la catégorisation de ces dernières en thématiques. Sur un total de 30 textes, 141 unités sémantiques ont été codées pour être catégorisées dans 7 thématiques. Nous avons plus de textes (n = 30) que de modèles de Barbie sportives (n = 22), car 8 modèles ont été présentés deux fois dans des catalogues différents durant la période étudiée. Il s’agissait ensuite de comprendre le sens attribué à chacune des thématiques afin d’en extraire les représentations sociales sous-jacentes. Par ailleurs, la fréquence des thématiques identifiées et les relations qu’elles entretiennent les unes envers les autres (en termes d’association d’idées) sont des indicateurs précieux sur la place que les représentations relevées occupent dans le discours du fabricant.
7À cette méthodologie de recueil de données, s’ajoute une analyse sémiologique de l’image des modèles de Barbie sportives. Cela repose sur une étude descriptive de l’image en identifiant tout d’abord son titre et son année de parution. Il s’agissait aussi d’engager une description plus objective des éléments qui composent l’image à travers des critères classiques : le format, le cadrage, la composition, l’espace, la lumière, la couleur, l’angle de vue. Ensuite, ce travail a consisté en une mise en contexte de la création de l’image afin de la resituer dans une période socio-historique. Enfin, à partir de l’ensemble de ces observations, le travail visait à interpréter le sens donné à l’image. Autrement dit, cette dernière étape repose sur le postulat que celle-ci agit comme un message à destination d’un public cible et peut être porteuse de représentations.
8Les interprétations élaborées à partir de l’analyse thématique et iconographique ont également été comparées. Cette démarche examine si le texte et l’image interagissent pour enrichir la compréhension des modèles de Barbie sportives.
L’analyse des textes délivrés par Mattel dévoile 7 catégories thématiques
Catégories thématiques identifiées
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Définition de la thématique
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Fréquence d’apparition de la thématique (en pourcentage) dans les 30 textes de l’échantillon
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Apparence
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Apparence physique et vestimentaire, attitude corporelle de la poupée
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73 % (n = 22)
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Engagement dans l’activité physique
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Modalités et objectifs de pratique de Barbie
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20 % (n = 6)
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Divertissement
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Manière dont Barbie s’occupe, se divertit
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30 % (n = 9)
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Sociabilité
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Caractère des relations entre Barbie et les personnages
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50 % (n = 15)
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Mode de jeu
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Incitation ou suggestion apportée dans le jeu avec la poupée, mode d’utilisation permettant d’agir avec le jouet
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30 % (n = 9)
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Ergonomie
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Adaptation particulière de la poupée à une situation ou à l’enfant
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23 % (n = 7)
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Accessoires
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Description des accessoires associés à la poupée
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66 % (n = 20)
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9L’analyse de contenu montre que les thématiques de l’apparence (73 %), des accessoires, (66 %) et de la sociabilité (50 %) sont les plus fréquentes. Il apparaît néanmoins dans l’examen des unités sémantiques, que l’apparence, le divertissement et la sociabilité sont les thématiques centrales qui produisent, de manière indépendante ou corrélée, les significations données aux messages du fabricant. Celles du mode de jeu, de l’ergonomie, de l’engagement dans l’activité ou des accessoires n’ont pour finalité que de renforcer les idées déjà émises ou participent peu à la production de représentations. À l’inverse, dans le discours des thématiques centrales, la poupée Barbie sportive est personnifiée et fait figure d’excellence. Plus précisément, elle incarne des formes accomplies, c’est-à-dire « parfaitement maîtrisée et proche de la perfection » (Perrenoud, 1987 : 64) des pratiques du divertissement, de l’apparence et des relations sociales. Ainsi, l’excellence est parfois traduite de façon explicite, notamment lorsque Barbie est qualifiée d’« étoile », voire de « super étoile », de « reine » ou de « sportive talentueuse ». Mais la plupart du temps, l’excellence de Barbie est davantage suggérée à travers ses pratiques qui induisent une manière d’être et de faire, faisant de la poupée un modèle à atteindre. Les résultats de l’analyse iconographique vont également dans ce sens car les images fournissent des interprétations similaires aux textes. L’explication réside très certainement dans le fait que Mattel, en tant que société commerciale, cible principalement les petites filles âgées de 3 à 8 ans. Les messages doivent être accessibles, autant pour les enfants qui savent décrypter les textes que pour ceux qui n’ont pas encore fait l’apprentissage de la lecture. L’image joue donc le rôle d’émetteur d’informations intermédiaires dans la construction de représentations de l’excellence dans les trois thématiques considérées. Mais elle peut également être source d’informations complémentaires. Par exemple, rien n’est dit dans les textes concernant la silhouette de Barbie ou sur la place qu’elle occupe par rapport à ses amis dans les relations sociales, alors que ces aspects apparaissent dans l’analyse des images.
10Les résultats issus des deux méthodologies de recueil de données (textes et images) révèlent donc la production de représentations de l’excellence. Barbie désigne ainsi un exemple d’aboutissement individuel, une sorte d’idéal physique, social et moral, qui accorde une importance particulière au souci du corps, à la consommation matérialiste, au plaisir immédiat et à la recherche du succès comme accomplissement de soi. Les résultats qui suivent s’attardent à développer ce constat.
- 4 Ice Capades Barbie, 1990.
- 5 Seuls les modèles suivants ont été déclinés en poupée noires et hispaniques : My First Barbie Doll (...)
11La beauté corporelle de Barbie est peu exprimée dans les textes des différents modèles de l’échantillon. La poupée bénéficie toutefois d’une beauté exceptionnelle car celle-ci est décrite comme étant à « couper le souffle4 ». Le corps que Barbie représente n’a nul besoin d’être commenté outre mesure, car il se donne à voir à travers toutes les images des modèles proposés. Fabriquée en série dans un moule identique, la morphologie de la poupée a connu peu de variations (Ducille, 1994) et se compose d’attributs facilement observables. Dans toutes les images des catalogues recensés, elle possède un corps hyper-svelte, c’est-à-dire des jambes longues et fines, une taille très mince qui met en valeur une poitrine proéminente et des fesses rebondies, des yeux bleus et de longs cheveux blonds. De plus, bien que la société Mattel ait produit des Barbie racisées dans les années 1980, seulement trois font figure de sportives5. Indéniablement, l’idéal de beauté représenté est associé à la blanchité.
12Ces attributs de beauté façonnent néanmoins un modèle d’excellence corporelle impossible à atteindre (Dittmar et al., 2006). Les mesures faites de la poitrine, de la taille et des hanches dans le cadre d’une étude anthropométrique montrent qu’une femme qui détiendrait de telles caractéristiques physiques serait jugée cliniquement anorectique (Urla et Swedlund, 1995). Cette image normative du corps féminin irréaliste demeure incomplète si l’on omet d’y ajouter la jeunesse comme un des attributs majeurs de sa beauté. En effet, bien qu’elle puisse changer d’identité par le biais d’innombrables accessoires, Barbie ne vieillit pas (son âge reste indéfini), son corps est immuable, épargné par le temps. Le modèle d’excellence en matière d’apparence physique qu’incarne la poupée n’est donc pas sans lien avec le mythe de la jeunesse éternelle.
13Pas étonnant finalement que Barbie soit sportive, surtout lorsque l’activité physique est appréhendée comme une méthode d’entretien du corps. C’est du moins l’idée qui est transmise, par exemple, dans le modèle intitulé Great Shape Barbie en 1985. Le texte précise : « La poupée Barbie a ses propres exercices d’entraînement […]. Les filles peuvent lui faire faire des ciseaux, des abdominaux, des extensions et des étirements – il suffit de suivre les illustrations sur l’emballage et le livret. » L’image montre la poupée accompagnée de Skipper (sa sœur située à sa gauche) et de Ken (son petit ami situé à sa droite). Elle est souriante, appuyée sur une barre de danse classique, devant un miroir, bras fléchis, en train d’exécuter des mouvements de levés de jambes tendues. Les lignes de force horizontales mettent Barbie au centre de l’image. Le croisement des lignes de force horizontales et verticales attire l’attention sur sa taille de guêpe, sa poitrine généreuse (mises en valeur par une tenue d’aérobic bleue près du corps) et sur ses longues jambes fines (mises en évidence par des jambières allant jusqu’au genou).
Photographie 1. Great Shape Barbie (1985)
14Le texte et l’image illustrent parfaitement l’intérêt porté à l’entretien du corps au début des années 1980 à travers la notion de « forme », valeur essentielle de cette période qui mêle la poursuite d’objectifs hygiéniques et esthétiques. Les exercices physiques, plus particulièrement l’aérobic, sont en parfaite concordance avec l’atteinte de l’idéal corporel en vigueur représenté par Barbie. Mais surtout, le message signifie que « la conquête du nouvel idéal corporel, un corps en forme et sportif, semble possible, si l’on veut bien s’en donner la peine » (Travaillot et Haissat, 2006 : 21). Ainsi, les exercices que le fabricant propose d’effectuer avec la poupée, présentés dans un livret et sur l’emballage du produit, font figure de méthodes de pratique, et traduisent l’idée qu’un beau corps ne s’acquière pas ou ne se préserve pas sans effort et travail.
15En somme, Barbie fait figure d’excellence en matière d’apparence corporelle évoquant une manière d’être : une femme blanche, jeune, mince et plantureuse. Mais cette représentation de l’excellence insinue également une manière de faire, qui consiste à se prendre en charge pour devenir ou rester belle.
16Les Barbie sportives sont présentées comme des exemples d’élégance dans 22 textes sur 30. Le champ lexical dans ce domaine est explicite et particulièrement nourri. Les vêtements de la poupée sont dits « colorés » (n = 6), « jolis » (n = 5), « adorables » (n = 3), « éblouissants » (n = 3), « étincelants » (n = 3), « étourdissants » (n = 1) et surtout à la « mode » (n = 20), ce qui lui donne un « look » et du « style ». Lorsqu’il s’agit d’évoquer ses bonnes manières corporelles, elle est dépeinte comme « gracieuse » (n = 4) et « glamour » (n = 7). L’analyse sémantique montre que cette forme d’excellence repose sur le respect de conduites à adopter.
- 6 Roller Skating Barbie and Ken, 1981 et 1983.
- 7 Wet’n Wild Barbie, 1990.
- 8 Ski Fun Barbie and Ken, 1990 et 1991.
17La nécessité de porter des vêtements appariés et appropriés à toutes circonstances est souvent énoncée : « Les tenues de patinage assorties et colorées en noir, rouge et violet ont une finition scintillante parfaite pour la patinoire, le roller en extérieur ou le patinage disco6 […]. » Les vêtements (en tant qu’accessoires) n’ont pas pour seul finalité de déterminer un modèle spécifique de Barbie sportive, mais renforcent aussi ces impératifs. Il semble également fondamental de suivre les diktats de la mode. Ainsi, la poupée s’inscrit dans un processus « d’uniformisation périodique » (Herpin, 2001 : 22) des « formes du paraître » (Simmel, 1993 [1895] : 112). Les tenues sont fréquemment présentées comme étant dans la tendance du moment : « Barbie, sa sœur Skipper, et ses trois meilleures amies Teresa, Christie, et Kira ont toutes les cheveux longs et des styles nouveaux à la mode7. » Ces caractéristiques lui donnent un style qui se veut cool : « Cinq tenues Barbie tendances et un style cool, définissent la mode pour les looks les mieux habillés, sur ou hors des pistes8. » Les vêtements proposés par Mattel s’inscrivent dans le renouveau culturel des années 1980, caractérisé par des tenues couvertes de paillettes et de strass dans une explosion de couleurs. Le vocabulaire « cool » est souvent mobilisé pour désigner un aspect conforme aux attentes sociales de cette période, notamment dans les sports de glisse. Barbie constitue donc un modèle d’excellence en matière d’élégance, car elle dispose toujours de vêtements appariés, à la mode et adaptés à toutes les situations.
18Elle est également élégante par ses manières corporelles parce qu’elle est gracieuse et glamour, c’est-à-dire qu’elle développe du charme et incarne une beauté sensuelle. Les images, plus que les textes, font ressortir cette idée qui est particulièrement perceptible dans le modèle My First Barbie Doll Ballerina de 1987 et 1988. Alors que le texte se contente de dire que « cette année, ma première poupée Barbie est une ballerine glamour. Elle porte un joli nœud, et à ses épaules, des volants amovibles », l’image est beaucoup plus évocatrice sur ce qui la rend glamour. Un plan général en contre plongée attire l’attention sur Barbie effectuant des pas de danse. L’image est dynamique car plusieurs poupées sont mises en perspective pour traduire l’idée du mouvement. La robe de la poupée et le fond de l’image sont entièrement roses (foncé sur le fond et clair pour la danseuse permettant de la faire ressortir en premier plan). L’analyse démontre que la représentation des mouvements de Barbie et de son attitude générale (port de tête haut, pointes de pieds, bras élancés, mains présentées à plat doigts serrés, jambes tendues) dans une robe de danseuse en tutu rose scintillant, évoque la grâce et la légèreté. L’angle de vue en contre plongée où le spectateur est dominé, exprime la supériorité de Barbie dans la maîtrise de ses mouvements. Enfin, la dominante de rose (vêtements et environnement) est une couleur féminine qui traduit la douceur, la délicatesse et la volupté.
Photographie 2. My First Barbie Doll Ballerina (1987)
19Cette forme d’excellence en matière d’élégance recouvre un ensemble de conduites qui s’apparente à une « hexis corporelle », notion introduite dans le vocabulaire de Pierre Bourdieu (1980), comme l’extériorisation de l’habitus. D’ailleurs, le parallèle avec les travaux de Michel Pinçon et Monique Pinçon Charlot (1998) dans ce domaine est assez frappant. Dans leur étude sur la haute bourgeoisie, ils démontrent que l’élégance est davantage associée à la maîtrise de bonnes postures corporelles qu’à des vêtements spécifiques. Cela implique une démonstration subtile de techniques et de compétences relatives à la haute société, comme marcher avec assurance mais légèreté, et avoir une posture de tête fière mais détendue, toutes basées sur un contrôle corporel parfait.
20Ainsi, les Barbie sportives ne véhiculent pas uniquement un physique féminin idéalisé. Elles s’affichent aussi comme une référence esthétique par une maîtrise accomplie des usages vestimentaires et des conduites corporelles. Ces trois dimensions réunies font de la poupée un modèle d’excellence en matière d’apparence, une icône de la beauté à l’état pur.
- 9 Ces activités sont présentes dans les modèles suivants : Horse Lovin Barbie, 1983 ; Ken and Skipper(...)
- 10 All Stars Sports Club, 1990 ; Barbie and Ken Ski Fun,1991.
21La poupée fait aussi figure d’excellence dans ses pratiques de divertissement. Celles-ci sont liées aux emplettes et à certaines activités physiques (balades à cheval, sports nautiques et jeux de plage, tennis, volley-ball, ski de descente, aérobic, basket-ball et base-ball9) souvent décrites comme « amusantes » (n =8). Pour deux modèles10, les textes précisent que ces pratiques récréatives sont prolongées par des fêtes entre amis. Mais dans tous les cas, l’idée de se distraire, comme source de plaisir, obéit à une logique de consommation pour laquelle Barbie apparaît comme un modèle d’excellence.
- 11 All Stars Sports Club, 1990.
22La partie précédente évoquait que la poupée était toujours en possession de vêtements à la mode pour palier toutes occasions. Cette règle n’échappe pas à la thématique du divertissement car le passage d’un loisir à l’autre suppose un changement de tenue : « Beaucoup d’activités amusantes à découvrir […]. Un jeu de volley-ball ou de tennis pour Barbie et Ken […]. Après le jeu, son vestiaire renferme des vêtements à la mode pour faire la fête11. » Les activités de divertissement enjoignent de détenir des tenues sans cesse réactualisées. Par conséquent, les loisirs impliquent une « consommation et un gaspillage ostentatoire » (Veblen, 1970 [1899]), car « chaque vêtement est toléré pour un bref espace de temps, que l’on n’en prolonge pas l’usage, que l’on ne remet pas cette saison-ci la tenue de la saison dernière, il est hors de doute que la dépense ostensible augmente » (Ibid., 114). Une telle représentation du divertissement sous-entend la détention d’« une capacité de paiement » (Ibid., 112). D’ailleurs, l’activité même de consommer apparaît comme un divertissement en soi. Le modèle Suf’n Shop Playset de 1988 illustre bien cette conception du loisir. Le texte précise : « Barbie adore les magasins de surf californiens ! Trop bien pour acheter l’équipement de plage dernier cri ! » La pratique du surf n’est pas évoquée. La fréquentation de commerces de surfs californiens, ainsi que l’achat d’équipement de plage sont une manière de se distraire jugée « trop bien » et que Barbie « adore », ce qui signifie que le shoping lui procure du plaisir. Le message traduit une fois de plus un comportement de consommation ostentatoire, car il est toujours question d’acquérir des « équipements de plage dernier cri ». L’image du modèle renforce cette idée. La poupée en premier plan, légèrement excentrée sur la droite, laisse percevoir les produits de sports de glisse (rollers, T-shirts, surfs, casquettes, serviettes de bain, etc.) sur les étagères d’un magasin situé au second plan. Une lumière et un angle de vue frontal conduisent à considérer que le spectateur est face à la scène. Les couleurs (rose, jaune et bleu) des produits sont appariés aux vêtements de Barbie et à l’environnement (le jaune et le bleu représentent la plage et le ciel). Le plus intéressant réside dans l’observation que les lignes de forces horizontales et verticales, ainsi que la mise en perspective de la photographie, placent la marchandise au milieu et la devanture du magasin dans le centre haut de l’image avec les inscriptions « Surf’n Shop Play set ». Cette image ne laisse aucune équivoque sur le fait qu’elle traduit un comportement de consommation à travers l’activité du shopping.
Photographie 3. Suf’n Shop Playset (1988)
- 12 Splash Cycle, 1986 et 1987.
23La satisfaction que procure le divertissement est souvent associée à la consommation de biens. Tout se passe comme si le plaisir éprouvé était proportionnel à l’innovation technologique du produit et à la quantité des accessoires dont bénéficie la poupée pour se divertir, ce qu’exprime bien cet exemple : « Ce tricycle aquatique permet de s’amuser dans l’eau ! Il roule sur le sable et flotte sur l’eau ! En plus, il y a tout ce dont Barbie et ses amis ont besoin pour une fabuleuse fête sur la plage. Les sièges se convertissent en chaises longues, et il y a un panier de pique-nique dans le compartiment arrière. Le cycle aquatique fait de vrais bruits de moteur et est équipé de pneus gonflables, d’un parasol en plastique, de rétroviseurs, d’un drapeau et de sièges amovibles. Et pour encore plus s’amuser, il est prévu une serviette de plage, un ballon de plage, un gilet de sauvetage et un casque12. »
24L’amusement, est édifié en nouvelle norme, dans une société centrée sur la consommation et dans laquelle « la recherche active de plus en plus de satisfaction devient la condition du plaisir et du bonheur » (Le Pogam, 1997 : 35). Barbie relaye fidèlement cette représentation du divertissement présente depuis les années 1960, mêlant hédonisme et matérialisme, que le capitalisme américain érige en style de vie. En définitive, Barbie représente l’excellence en matière de divertissement car elle possède en quantité les vêtements tendances et les biens matériels innovants, nécessaires à lui procurer les satisfactions les plus intenses.
25Barbie est un modèle de sociabilité, autrement dit, elle est exemplaire dans ses relations avec autrui. Cette exemplarité s’exerce dans sa manière d’incarner les valeurs de popularité et de sollicitude dans les rapports sociaux que les textes et les images suggèrent.
- 13 Ice Capades Barbie, 1990 et 1991.
- 14 Rollerblade Barbie Doll and friends,1990.
- 15 Wet’n Wild Barbie, 1990 ; Barbie and the All Stars,1990.
- 16 Ice Capades Barbie, 1990 et 1991.
26La poupée est présentée comme étant populaire, c’est-à-dire qu’elle est connue et appréciée d’un public qui est suggéré. Ceci ne diffère pas des observations faites dans les travaux de Marie-Françoise Hanquez-Maincent (2000 : 82) où elle apparaît « sollicitée, admirée et très entourée ». Dans le modèle Horse Lovin Barbie, Ken and Skipper de 1983, les petites filles sont invitées dans le message du fabricant à simuler une séance d’autographes : « De retour au ranch, faites signer Barbie sur sa photographie avec un tampon à son propre nom ! » (Cette idée est également présente dans trois modèles : Roller Skating Barbie and Ken en 1981 ; My first Barbie Dance and dress playcase en 1989 et Ice Capades Barbie en 1990). Qu’il s’agisse de pratiquer la danse, le roller ou le patin à glace, la poupée semble tirer sa popularité de ses démonstrations publiques prodigieuses, car elle est de taille à se représenter dans des galas spectaculaires. Elle doit cette capacité à un talent exceptionnel qui lui vaut une notoriété internationale : « La poupée Barbie se glisse sous le feu des projecteurs en tant que star la plus talentueuse du monde13. » L’idée que Barbie possède des aptitudes extraordinaires implique une supériorité. Cette dernière est suggérée lorsque la poupée est exhibée en compagnie de ses amis. Elle est symboliquement placée dans les images, soit devant les autres14, soit au centre du groupe15, avec des angles de vue en contre-plongée qui soulignent le caractère dominant de Barbie. Mais le talent dont elle bénéficie s’avère être au même niveau que son apparence : « Une éblouissante artiste sur glace avec un talent qui n’a d’égal que sa beauté16. » Comme si la figure d’excellence en matière de popularité que Barbie représente (le plus haut degré du talent et de la renommée) était insuffisante, si celle-ci n’était pas associée à une autre forme d’excellence, celle de l’apparence.
- 17 Sans surprise, les jouets reflètent les distinctions de genre (Brougère, 1999). Les catalogues véhi (...)
- 18 Dallas Barbie Doll’s Horse, 1981 et 1983.
27Enfin, une certaine éthique du care se dévoile autour de la poupée. Cette notion largement présente aux Etats-Unis et qui correspond à de la sollicitude, est une autre valeur dominante que Mattel développe dans les discours et les images étudiés17. Elle désigne les soins attentifs prodigués à autrui, le fait de se préoccuper et de s’occuper de quelqu’un (Brugère, 2009). Mais ce souci de l’autre qui transparaît dans les messages ne se rapporte pas à Ken ni aux amis de Barbie, mais à des animaux et plus précisément, des chevaux. En effet, les textes convient les jeunes filles à chérir leur cheval et à s’employer à les toiletter : « Un palomino doré [race de cheval] à aimer et dont il faut prendre soin ! Les filles peuvent jouer pendant des heures, peigner et tresser sa longue crinière blonde et douce18. » En dehors du constat que la thématique de l’apparence est décidément tenace et liée à toutes les formes d’excellence identifiées jusqu’alors, le texte indique également que la sollicitude se met en œuvre. Plus qu’une attention passagère, elle est indissociable d’une prise en charge. Ainsi, « la sollicitude peut être comprise comme un talent à prendre en charge » (Ibid., 141) un être aimé. La manière dont Barbie fait figure d’excellence dans ce domaine et représente une référence pour les petites filles, est perceptible à travers l’image du modèle Barbie Horse de 1991. La photographie est composée de quatre images dont une principale et trois plus petites présentées à droite de celle-ci. L’image principale est statique et montre Barbie debout à droite de son cheval Alezan. Les lignes de forces horizontales et verticales placent la poupée au centre des photographies et attirent l’attention sur les relations affectives qu’elle entretient avec l’animal. L’accent est mis sur la proximité entre les deux protagonistes, notamment par le fait que Barbie rapproche sa tête de celle de son cheval en l’inclinant tendrement et pose sa main sur son museau comme pour le caresser. Les longs cheveux blonds de Barbie sont apparentés à la grande crinière jaune du cheval qui est correctement coiffé et possède des tresses bien agencées. Les vêtements de la poupée (roses et violets) sont assortis à la couverture, aux chaussettes et aux médaillons colorés de la monture, renforçant l’idée d’une relation étroite entre eux. Ces similitudes, associées au caractère affectif évoqué, suggèrent que Barbie sait particulièrement bien s’occuper de son cheval, car elle l’aime et le traite comme elle-même. Les trois autres images sont plus dynamiques et montrent les actions que la petite fille peut réaliser sur la monture : lui mettre et lui retirer sa selle, faire des tresses à sa crinière et la coiffer. Ces dernières images indiquent que le cheval doit faire l’objet de sollicitude de la part de l’enfant et montre la manière dont elle doit s’y prendre pour obtenir le même résultat que Barbie. La poupée est ainsi présentée comme un modèle d’excellence que la petite fille est incitée à imiter.
Photographie 4 : Barbie Horse (1991)
28Barbie représente des valeurs que l’on pourrait supposer contradictoires. D’un côté, celle de la popularité, glorifiée par les médias de masse et la société du spectacle, susceptible d’engendrer des comportements individualistes et narcissiques. De l’autre, celle de la sollicitude, qui implique des conduites empathiques et discrètes, plus prégnantes dans les sociétés traditionnelles. En toute hypothèse, la cohabitation de ces deux valeurs permettrait d’annuler les effets pervers de la poursuite incessante de popularité, rendant la poupée estimable auprès des Américains les plus progressistes comme les plus conservateurs.
29L’univers fictionnel de Barbie : Un imaginaire genré de la réussite sociale américaine
30Un imaginaire structuré et structurant de la réussite sociale
31Les modèles d’excellence que la poupée représente suggèrent des manières d’être et d’agir dans un univers fictionnel. Ce dernier, peut être appréhendé comme un imaginaire social, c’est-à-dire un « ensemble interactif et organisé de représentations » (Popovic, 2011 : 29), de mythes (Bouchard, 2014), de normes et de valeurs qui génèrent des significations collectives (Wunenburger, 2003). Plus précisément, il s’agit d’un « imaginaire institué » (Castoriadis, 1975) dans la mesure où ces modèles incarnent et rendent sensible les significations collectives qu’il renferme. Il est à la fois contenant et contenu de ces significations (Tuaillon Demésy et Haissat, 2019) et doit être considéré comme le produit d’une construction sociale qui ne peut être saisi en dehors de la réalité.
32Dès lors, les significations présentent dans les modèles de Barbie sportives ont la spécificité de composer un imaginaire structuré et structurant de la réussite sociale. Celui-ci est structuré parce qu’il est organisé en un système de représentations, de mythes, de normes et de valeurs qui obéissent à une sémantique bien ordonnée. Il se veut également structurant car il participe à une mise en ordre de l’existence, entend initier les actions et inspirer les pratiques sur la base de modèles d’excellence. Ainsi, cet imaginaire constitue un véritable guide dans la réalisation de soi qui implique d’être ou de rester belle en poursuivant des normes d’apparence physique fantasmées, de respecter des codes vestimentaires et d’avoir une parfaite maîtrise de ses attitudes corporelles. Non sans lien avec ces impératifs, il faut aussi bénéficier d’une certaine aisance économique, pour se divertir et jouir matériellement de tout ce que la société de consommation peut offrir. Il est également important d’être très entourée et de devenir populaire en se distinguant du lot par son talent, sans pour autant se désintéresser des autres, notamment des êtres aimés, en faisant preuve à leur égard d’une grande sollicitude.
33L’imaginaire de la réussite diffusé à travers les Barbie sportives mobilise des stéréotypes traditionnels du genre féminin (Sherman et al., 2014). En d’autres termes, cet imaginaire contribue à propager une conception largement répandue concernant les attributs ou caractéristiques que le genre féminin possède ou est censé posséder, ainsi que les rôles qu’il joue ou est censé jouer.
34Dans ce contexte, l’attention que la poupée porte à son apparence reflète l’idée commune que la beauté est un élément essentiel de la féminité dans les sociétés occidentales (Turkel, 1998). Il est courant que les femmes soient soumises à des normes de beauté rigoureuses et qu’elles soient incitées à investir du temps et des ressources dans leur apparence. Cela peut englober des attentes concernant le maquillage, la coiffure, l’habillement et les accessoires. Ainsi, la poupée, en se comportant comme « un être perçu » (Bourdieu, 1998), illustre le préjugé que la beauté est un bien symbolique que le genre féminin doit entretenir.
35Les activités physiques pratiquées par Barbie n’échappent pas non plus aux stéréotypes de genre notamment en ce qui concerne la distribution différentielle des femmes et des hommes dans le sport (Davisse et Louveau 1998). Ainsi, la poupée investit particulièrement les activités traditionnellement assignées aux femmes, c’est-à-dire les pratiques d’entretien, de loisirs et de l’esthétique (Louveau, 2004) comme l’aérobic, la danse, l’équitation et le patinage artistique.
36L’équitation offre également une occasion de mettre en pratique le care, en se concentrant spécifiquement sur les activités de soin et d’attention envers le cheval, comme le toilettage, le peignage et le tressage. Ces activités font écho à des pratiques liées à la prise en charge et à la sollicitude envers autrui, qui peuvent s’étendre à des rôles tels que la garde d’enfants, l’aide aux personnes âgées, l’assistance aux personnes malades, le soin des animaux et d’autres formes de travail émotionnel. Le care est fréquemment associé aux femmes, du fait de compétences de genre naturalisées leur attribuant des qualités comme l’empathie, la sensibilité et la capacité à prendre soin d’autrui. Dans cette perspective, l’imaginaire de la réussite véhiculé par la poupée mobilise des stéréotypes féminins, en raison de la sollicitude qu’elle manifeste envers son cheval.
37Les Barbie sportives analysées transportent en elles une partie de la culture nord-américaine des années 1980 et du début des années 1990 qui s’est étendue outre-Atlantique. Les modèles d’excellence que la poupée représente suggèrent des manières d’être et d’agir pour se réaliser et redessine l’American way of life dans un univers miniature (Hanquez-Maincent, 2000). Barbie n’est donc pas seulement une poupée en plastique car elle semble plus fondamentalement véhiculer un imaginaire genré de la réussite féminine, confortant l’idée que « les enfants ne jouent pas avec des jouets mais avec des idéologies incarnées » (Zegaï, 2010 : 52).
38Ces représentations de l’excellence semblent à la fois s’inscrire en rupture et en continuité avec les discours journalistiques des années 1980. Dans son ouvrage « Backlash » (retour de bâton), Susan Faludi examine comment les médias de cette période ont contribué à un mouvement de réaction contre les progrès féministes des années 1970. Une campagne politique conservatrice relayée par les médias de masse a tenté de « faire du féminisme l’ennemi des femmes » (Faludi, 1991 : 24) suggérant que leur émancipation aurait conduit à leur déclin en allant à l’encontre de leur nature véritable, domestique et maternelle. Dans ses travaux, Susan Faludi aborde successivement le droit à l’avortement, l’accès à l’emploi, l’égalité salariale, la répartition des rôles domestiques et les normes esthétiques imposées aux femmes. Ainsi, les articles de presse prônent que le bonheur des femmes dépend de leur maintien au foyer et de la division sexuelle des rôles sociaux. Dans ce contexte, les représentations des Barbie sportives semblent prolonger ces discours journalistiques, car elles continuent à renforcer les stéréotypes de genre : Barbie incarne un idéal esthétique féminin, s’engage dans des activités sportives traditionnellement assignées aux femmes et adhère à une éthique du care. Cependant, Barbie est initialement conçue comme une poupée célibataire, active et indépendante. Elle se distingue donc par endroit des discours tenus par les médias de masse du moment. Profondément individualiste, Barbie est également perçue comme une représentation de la féminité accomplie dans tous les aspects de la vie.
39Il sera intéressant de comparer la période étudiée avec celle s’étendant de 1990 à 2020, afin d’examiner les éventuelles évolutions dans les diverses formes d’excellence identifiées, ainsi que leurs relations avec l’histoire du féminisme. Une approche transmédiatique pourrait même être envisagée, étant donné que les Barbie sportives seront également commercialisées via des publicités télévisées. Des modèles tels que Barbie Champion Tawny Horse, Barbie I Can Be Ballerina et Barbie Spin ’n Ride Pups, présentés entre 2010 et 2020, pourraient être inclus dans cette analyse. Les images animées, accompagnées de voix-off descriptives, pourraient fournir des informations supplémentaires sur les imaginaires genrés identifiés dans les catalogues.