Navigation – Plan du site

AccueilNuméros28VariaFilm de recherche SHS et médiatio...

Résumés

L’intérêt suscité par les projections du documentaire Scoper incite la chercheure réalisatrice à trouver une stratégie de diffusion adéquate. Elle fait le choix d’accompagner le film afin de participer aux débats qui suivent les projections pour comprendre comment le public s’empare du sujet sur les sociétés coopératives et participatives (les scop) proposé dans ce film de recherche. Ces temps d’échange l’amènent à questionner la médiation inhérente au format documentaire. En effet, s’il peut sembler y avoir autant de forme de médiation que d’auteurs et de films, le documentaire Scoper est-il susceptible de trouver un public intéressé par une forme d’organisation méconnue et inhabituelle (où les salariés sociétaires sont décisionnaires des grands axes stratégiques de leur entreprise) ? Les diffusions réalisées dans le cadre de Scoper participent-elles à une possible classification des fonctions de la médiation ? À partir de la littérature sur les films de recherche en SHS, l’auteure propose 12 fonctions de médiation à mobiliser dans d’autres contextes pour être validées. Cette grille d’analyse appliquée à Scoper montre que la médiation est non seulement pédagogique mais peut aussi aller vers l’émancipation du spectateur.

Haut de page

Texte intégral

1Scoper est un documentaire réalisé dans le cadre d’une convention de recherche avec la librairie papeterie Sadel près d’Angers. Il synthétise, en 52 minutes, trois années de suivi de la transformation de l’entreprise en société coopérative et participative (en Scop) puis sa fusion avec deux autres entités. Pour ce faire les salariés doivent devenir sociétaires et donc être volontaires pour prendre des parts dans l’entreprise. Elle possède trois magasins de vente de livres, d’objets d’art créatifs et de papeteries et trois sites logistiques pour livrer des fournitures scolaires dans les écoles et les mairies. La majorité des salariés travaillent dans des dépôts, des rayons ou à la caisse et n’ont donc pas de gros salaires. L’idée de contribuer à la constitution du capital de la Scop leur demande de réaliser un investissement ayant un impact sur leur revenu. L’enjeu du projet des dirigeants consistait à convaincre leurs salariés, qui n’étaient pas initiateurs de ces changements, du rôle qu’ils avaient à jouer pour la pérennité de leur entreprise. Ainsi, l’intention de la chercheure réalisatrice était de capter la complexité de la prise en main par 195 salariés d’une entreprise saine (52 millions de chiffre d’affaires) pour devenir la Scop SavoirsPlus1. En tant que médium, le documentaire Scoper est un support numérique qui permet une diffusion à partir d’un lien internet2 ou d’un disque dur. Il est « la trace de relations sociales reconstruites par les dispositifs informatiques » (Pédauque, 2003). Sorti en juin 2020, à l’issue du premier déconfinement de la première période de la Covid, sa diffusion potentielle arrive dans un contexte où les usages du cinéma sont bouleversés. Les plateformes d’accès aux films se sont développées de façon exponentielle lors du confinement (CSA, p. 25). Du côté des salles de cinéma, la fermeture des salles engendre « une montagne de près de 450 longs-métrages (sont) bloqués en raison de la pandémie » (Vulser, 2021) Certains ne peuvent être programmés tandis que d’autres restent à l’affiche très peu de temps. Les cinq premières séances de projection de Scoper dans les cinémas Pathé et 400 Coups à Angers déplacent 364 spectateurs revenus dans les salles malgré le contexte de crise pandémique. L’intérêt suscité par le film incite la chercheure réalisatrice à trouver une stratégie de diffusion adéquate au sujet et au contexte. Elle questionne la médiation inhérente au format documentaire et aux débats qui suivent les projections pour comprendre comment le public s’empare du sujet sur les sociétés coopératives et participatives (les scop) proposé dans ce film de recherche. En effet, si nous émettons l’hypothèse qu’il y a autant de forme de médiation que d’auteurs et de films, le documentaire Scoper est susceptible de trouver un public intéressé par une forme d’organisation méconnue et inhabituelle où les salariés sociétaires sont décisionnaires des grands axes stratégiques de leur entreprise. Scoper s’est-il alors révélé être un outil pédagogique pour présenter et faire comprendre le monde complexe des Scop ? En définitive, les diffusions réalisées dans le cadre de Scoper participent-elles à une possible classification des fonctions de la médiation ?

  • 3 Annexe 2 : ces entretiens ont été retranscris et font l’objet d’un compte rendu validé par leur aut (...)

2Pour forger une autre proposition au « tout numérique », notre positionnement a été de construire un dispositif favorisant les échanges communicationnels in situ. C’est pourquoi, nous avons mobilisé les réseaux et organisé des projections débats avec les spectateurs. Ce travail propose une analyse exploratoire sur notre rôle de médiateur en tant que chercheure réalisatrice. Comme il s’agissait, pour nous, d’une première expérience de réalisation documentaire dans le cadre de nos recherches sur les coopératives, nous avons éprouvé le besoin d’aller rencontrer des collègues chercheurs réalisateurs qui ont réalisé plusieurs films dans des disciplines différentes. Les entretiens approfondis que nous avons menés auprès d’eux3 avaient pour objectifs de comprendre leur démarche, leur méthodologie et de confronter notre pratique à la leur, notamment sur les fonctions de la médiation. Nous avons complété ces entretiens en rassemblant la littérature sur le film de recherche pour avoir des exemples complémentaires. Après avoir présenté comment le film de recherche peut être mobilisé comme outil de médiation (partie 1), nous proposons de tirer les enseignements d’une médiation expérimentée avec le documentaire Scoper (partie 2).

Films de recherche comme outil de médiation

  • 4 Séminaire ESO-Gridel organisé le 24 juin 2022 à Angers

3Le film de recherche se confond souvent avec le documentaire de création qui donne la parole de façon approfondie à celle ou celui qui est devant la caméra. Les chercheurs réalisateurs, nombreux en anthropologie, en sociologie visuelle et de plus en plus en géographie (Buob et Géhin, 2020) et urbanisme, sont alors en interaction avec leurs « acteurs » sur le terrain et proposent une reformulation de leur vécu sans oublier la complexité du monde dans lequel ils évoluent (Lallier, 2009). À l’autre bout de la chaîne, le spectateur est, lui aussi, « acteur » en interprétant la proposition du chercheur réalisateur. « En cela, il (le documentaire de création) a déjà une dimension politique puisqu’il permet par la représentation qu’il offre du monde d’interagir avec lui » (Cyrulnik, 2018). Dans notre travail, nous mobilisons plus particulièrement l’approche de B. Raoulx, (2022) et du « film de recherche action »4 car il s’inscrit dans un processus de recherche qui est à la fois en amont et en aval et n’est pas illustratif des résultats de la recherche : la recherche est la quête et le film est une étape amenée par la motivation du chercheur. Dans le cas de l’expérience de Scoper, ce documentaire a été identifié comme un film de recherche action « co-création » car il est créé avec ceux qui sont devant la caméra et avec l’équipe réalisatrice. Il est aussi possible de parler de « document-faire sens » (Billaudeau, 2023) avec ceux qui acceptent de livrer leur réflexion, consentent à participer à un récit construit par la recherche et qui donnent leur accord pour le diffuser. En effet, au moment de la création et de la diffusion du film, la chercheure réalisatrice a endossé plusieurs rôles de médiation. Selon la définition de Delamotte-Legrand (2003-2004 : 1) : « […] est médiateur tout élément (vivant ou non) qui, s'intercalant entre deux autres, en modifie les relations ». Le film est donc un médiateur entre le chercheur réalisateur et les spectateurs car lors de sa diffusion, il est « une façon originale d’exposer, par l’intermédiaire des informateurs eux-mêmes, un problème, une situation concrète, en faisant appel aussi bien à l’intelligence qu’à la sensibilité du spectateur » (De Heusch 1962 : 76). Mais le documentaire en construction est aussi un outil de médiation sur le terrain d’enquête. La lecture des thèses publiées sur le film de recherche (Balteau 2019, Kühl 2021), du numéro spécial sur les méthodes visuelles (RFMV, 2018) et les interviews menées auprès de quatre chercheurs réalisateurs, nous amènent à distinguer deux étapes de médiation propre au film de recherche.

Un outil de médiation sur le terrain d’enquête

  • 5 Intervention de Félix Cardoso aux rencontres AISLF, Sfax octobre 2022.

4Lors de la réalisation d’un film, une première étape de médiation est menée durant le travail de recherche : le chercheur doit expliquer son projet et créer une relation de confiance qui permette de faire accepter la présence de la caméra. Cette dernière peut être un frein à lever ou, au contraire, un avantage pour les jeunes notamment, habitués à se filmer et qui ont envie de jouer un rôle (Cardoso, 2022)5. Dans les deux cas, la présence du chercheur sur la durée est fondamentale pour établir une relation de « complicité » entre le cinéaste et la personne filmée (Hoare, 1984, p. 49) « qui donne naissance au témoignage que le spectateur pourra voir sur l’écran au final » (Cyrulnik, 2016b). Certains chercheurs utilisent leurs images avant de réaliser un montage finalisé. Nicolas Kühl (2021), par exemple, visionnent des images avec ses interlocuteurs sur le terrain car il s’est appuyé sur l’approche filmique comme méthode de recherche et support de médiation. Cette médiation lui a « permis dans un double mouvement, d’une part, d’identifier les “situations-problèmes” pour les professionnel·le·s, et d’autre part, d’élaborer et d’affiner, ma compréhension des représentations à l’œuvre vis-à-vis de ces espaces urbains » (op. cit, : 310). Il constate le caractère polysémique des images pour les habitants et l’importance de l’esthétique dans le processus de stigmatisation/déstigmatisation. Il rapporte les propos d’un professionnel travaillant dans une structure socio-éducative sur Villejean (35) : « en fait il y a l’écart entre l’image qui est donnée par ce que tu filmes, la façon dont tu as filmé / des moments où c’est très éclairé on voit du ciel bleu les images sont assez ouvertes ça respire en fait / […] à travers les images […] on reçoit pas du tout ce sentiment d’insécurité le soir […] / des coups de feu il y a eu des agressions » (op. cit. : 310). Le chercheur identifie également une « interpellation réciproque » pendant une médiation menée au long court. Elle provoque des questionnements autant pour le chercheur que chez les professionnels impliqués dans le quartier en leur permettant de « voir » différemment les habitants et les lieux. Ce constat pose la question de la place du chercheur au cours de son projet de recherche filmique : en réalité, une médiation s’établie dès sa présence sur le terrain et pas seulement lors de la diffusion. En effet, si l’étape de médiation sur le terrain est moins appréhendée, celle qui a lieu une fois le documentaire prêt à être diffusé n’est pas systématique. En effet, certains chercheurs réalisateurs déposent leurs travaux sur une plate-forme numérique tandis que d’autres (ceux que nous avons ciblés et interviewés) organisent des débats pour être en lien avec leurs récepteurs. Ils considèrent ces temps comme un aboutissement.

Un outil de médiation lors de la diffusion

5Les principaux objectifs qui motivent les chercheurs réalisateurs de notre échantillon à diffuser leurs documentaires semblent être l’occasion de restituer aux habitants le travail réalisé et, par cette opportunité, notamment, de tenter une diffusion élargie : « Ma démarche s’ancre dans un souhait largement partagé dans le champ de voir se diffuser les résultats de la recherche scientifique et les débats qu’elle est susceptible d’ouvrir au-delà des “murs confortables des mondes cultivés et académiques” (Sebag et al. 2018 : 27) – d’abord auprès des habitants rencontrés (à commencer par les protagonistes du film eux-mêmes), ensuite auprès d’un public plus large » (Balteau, 2019 : 60). Ces temps de diffusion sont des moments de « mise à l’épreuve » pour les acteurs et la chercheure réalisatrice (Balteau, 2019 : 67) qui permettent aussi de capter les réactions du public et de les confronter avec les intentions du documentaire. Car « le spectateur au final reformulera tout ce qui était dans le film avec les autres personnes dans la salle lors du débat qui suit la projection » (Cyrulink, 2015). A travers les échanges avec les chercheurs réalisateurs de notre corpus et une « reformation phénoménologique » (Cyrulnik, 2015), nous avons identifié douze fonctions de la médiation.

Tableau 1. 12 fonctions de la médiation suite à une projection documentaire

A

qui concernent le chercheur réalisateur et le public

A1

S’éloigner des clichés : avoir une appréhension plus nuancée

Se décentrer de ses propres représentations

Cyrulnik (2018), Kühl (2021)

A2

Entendre la(es) parole(s) à laquelle nous ne sommes pas forcément habitués - Cyrulnik (2015)

A3

Faire « dialoguer » des « mondes sociaux qui s’ignorent »

Raoulx (2009)

A4

Se questionner et sortir de « pièges contradictoires »

Encourager la réflexion

Kühl (2021), Balteau (2019)

A5

L’événement où une rupture s’opère entre une dimension singulière et collective

« Alerter » sur l’importance de se questionner collectivement

Cyrulnik (2015), Kühl (2021)

A6

Favoriser des moments de véritables rencontres afin qu’ils deviennent des lieux de résistances où l’échange perdure

Cyrulnik (2015)

A7

Mieux faire entendre ces propos au sujet

Ethnographie partagée

Cyrulnik (2018), Le Houérou (entretien 2022)

B

qui concernent particulièrement le public

B1

Aider à « mieux vivre-ensemble »

Cyrulnik (2018)

B2

Co-responsabiliser du fait de la prise de la parole en public

Cyrulnik (2018)

B3

Tisser du lien par un nouvel espace de paroles et fédère une communauté de spectateurs

Cyrulnik (2015)

B4

Prendre conscience de son identité

Permettre aux professionnel·le·s de pouvoir s’exprimer et d’échanger avec d’autres collègues sur ce qui peut les interroger ou les difficultés rencontrées

Lamizet (2006), Kühl (2021)

B5

Emancipation du spectateur

Rancière (2008)

Cyrulnik (2018)

Source : Classement proposé par l’auteure, 2023

  • 6 Par exemple, des « consignes » peuvent guider le début des échanges : « chaque personne pouvait com (...)

6Nous proposons de classer ces fonctions de la médiation d’un documentaire de recherche en deux catégories : celles qui concernent aussi bien le chercheur réalisateur que les spectateurs de A1 à A7 et celles qui touchent particulièrement le public de B1 à B5. Cette proposition de classement fait apparaître une médiation particulièrement imbriquée entre l’émetteur et le récepteur (A) avec sept fonctions qui permettent de : se décentrer de ses propres représentations (A1), d’entendre des paroles « autre » (A2), de faire dialoguer (A3), d’encourager la réflexion (A4), de valoriser de la dimension singulière et collective (A5), de tendre vers des échanges qui perdurent (A6), bref, de participer à une ethnographie partagée (A7). Les fonctions qui concernent particulièrement le public (B) vont de l’aide à mieux vivre ensemble (B1) à l’émancipation du spectateur (B5) en passant par une prise de parole en public (B2), des liens qui fédèrent une communauté de spectateurs (B3) et le partage d’expériences (B4). Ainsi, il apparaît que le film de recherche offre un éventail de médiations qui dépasse la compréhension et la connaissance (Niney, 2000), pour « une vision du monde sous un aspect existentiel et politique ». (Cyrulnik, 2015 : 7) Dans tous les cas, le « chercheur médiateur » (Kühl, 2021 : 16) met à disposition des contenus dans le documentaire et organise des dispositifs de médiation à chaque fois différent selon des lieux et les personnes qui accueillent la projection qui nécessitent du temps et de la méthode6. L’objectif récurrent étant d’inciter « les différents acteurs à développer une part d’initiative partagée, créatrice de sens » (Gardiès, Fabre, 2012 : 52).

Médiation par le film de recherche sur le sujet de la Scop

7Pour mettre à l’épreuve notre proposition de classement, issu de nos lectures et interviews, avec les réactions des spectateurs, nous avons mobilisé un corpus complémentaire à partir de notre propre expérience.

Corpus de diffusion

8Le documentaire Scoper, réalisé par nos soins, aborde une forme d’organisation où les salariés sont décisionnaires dans leur entreprise. Le statut de société coopérative et participative-Scop a été créé par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 en France. Les salariés possèdent au minimum 51 % du capital social, détiennent 65 % des droits de vote au conseil d’administration (selon le principe un salarié associé = un vote, qu'importe le montant du capital social détenu par chacun) et il leur appartient donc d'élire les dirigeants de la société. En 2021, près de 72 000 salariés travaillaient au sein d'une société coopérative en France (economie.gouv.fr) et la Confédération Générale des Scop incite la création et/ou la reprise d’entreprise sous cette forme. En effet, l’image des Scop est souvent ternie par le relais médiatique d’expériences de reprises d’entreprises en difficulté par les salariés (Garcia, Beltramini, 2014). La convention de recherche entre la chercheure réalisatrice avec l’entreprise Sadel, pour le suivi de sa transformation en Scop SavoirsPlus, ouvrait des perspectives pour une compréhension de l’adhésion des salariés dans une entreprise saine et pour capter l’intérêt d’un public potentiel pour ce sujet. Ainsi, Scoper a bénéficié d’un dispositif de diffusion volontariste en présentiel suivi de débats afin de récolter les questions du public à chaque projection : 40 lieux différents ont accueilli la chercheure réalisatrice (souvent accompagnée des anciens dirigeants ayant passé le relais après la transformation en Scop) entre juin 2020 et décembre 2022 dans un contexte de contraintes sanitaires. Malgré les réminiscences de la Covid, Scoper a réuni au total 1394 spectateurs en deux ans et demi. Les projections débats ont été organisées à l’initiative d’interlocuteurs qui se sont saisis du film pour nourrir une soirée ou un événement. Après une introduction par l’hôte, la réalisatrice présentait d’abord l’origine du projet, son domaine de recherche, sa problématique et ses hypothèses. Il s’agissait de poser le contexte avant la diffusion. Généralement, les échanges après la projection ont permis aux représentants de la librairie papeterie de revenir sur l’histoire de l’entreprise, leur cheminement, les subtilités de l’organisation en scop, la relation aux salariés etc. La prise de parole de la chercheuse a consisté à apporter des compléments d’analyse sur les positionnements des différents acteurs et de répondre sur la partie réalisation d’un documentaire de recherche.

  • 7 Scoper a par ailleurs été diffusé dans 11 projections « universitaire », 5 de « recherche » et 4 de (...)

9Selon les personnes présentes et leur centre d’intérêt, les débats ont duré en moyenne une heure. Ainsi, pour chaque diffusion, nous avons récolté les questions posées qui composent un corpus de 382 questions discutées lors des débats. Afin de rester en phase avec le « public élargi » étudié par nos collègues dans la partie précédente, nous nous concentrons sur les 13 projections « événements » et les 7 projections « cinéma », soit la moitié du corpus Scoper avec 20 projections sur 407 et avec 704 spectateurs sur 1 394.

Tableau 2. Corpus d’analyse à partir des projections « événement » et « cinéma » Scoper

Type de projections

Structures organisatrices

de projections-débats

Nombre spectateurs présents

Nombre des questions posées

Événement : 13

Coopératives : 4

Associations : 9

206

219

19

75

Ciné : 7

Cinéma arts et essai : 7

279

76

Total : 20

Total : 20

Total : 704

Total : 170

Source : auteur, 2023.

10Les 7 projections « cinéma » ont réuni 279 spectateurs sur Angers, Ancenis, Bordeaux, Morlaix et Rennes. Les projections « événement » ont été organisées par 4 coopératives et 9 associations réunissant 425 spectateurs. Ce sont les associations qui ont été les plus actives pour favoriser la médiation du film Scoper et les diffusions où les spectateurs ont également posé le plus de questions. Les questions identifiées dans le corpus présenté ci-dessus représentent 44,5 % de l’ensemble des projections. Un spectateur sur quatre, en moyenne, pose des questions (en considérant que chaque question est posée à chaque fois par une personne différente). Le nombre de questions n’est pas corrélé au nombre de spectateurs. En général, un petit effectif facilite le dialogue. La projection, lors de l’assemblée générale de l’Union Régionale des Scop près d’Angers (49) avec ses 128 participants, a suscité seulement cinq questions alors que la rencontre dans un lieu culturel rural (29) a généré un dialogue avec 25 questions pour 10 participants. Ces éléments permettent de positionner d’ores et déjà les réactions des spectateurs dans les fonctions de médiation A2 « d’entendre des paroles “autre” », A3 « de faire dialoguer » ainsi que B2 « une prise de parole en public » et les bases de B3 « des liens qui fédèrent une communauté de spectateurs ». L’analyse du contenu des questions posées a pour but de confronter les centres d’intérêt des spectateurs avec les fonctions de médiation identifiées pour le film de recherche. En effet, nous considérons que le fait de prendre la parole pour questionner est le résultat d’une double médiation : une réaction aux informations transmises par le réalisateur chercheur et l’envie pour le spectateur de s’exprimer, d’en savoir plus, de faire préciser…

Les centres d’intérêt mis en avant par la médiation du film Scoper

11Ainsi, l’ensemble des questions font ressortir 17 centres d’intérêts provenant des personnes qui se sont exprimées ; ceux qui interrogent en majorité, ont un intérêt particulier pour les salariés (23 questions), le projet de transformation (21) et le statut Scop (20). Ce triptyque coïncide avec l’intention de la chercheure réalisatrice qui s’est saisie d’un contexte (la transformation) d’une structure de l’ESS (statut Scop) pour donner la parole aux salariés. Les spectateurs souhaitent avoir des précisions (si le salaire a augmenté, que deviennent les salariés non associés, combien de temps le dirigeant a consacré à la transformation, etc.) et se projettent potentiellement dans le statut Scop : « est-ce qu’à deux, on peut créer une Scop ? ». Des questions sur la gouvernance (16), la redistribution de la richesse (15 questions portant sur la valeur de l’entreprise, le capital, le partage de résultats), les membres fondateurs (13), les associés (8), le client (5), les représentants de salariés (5), le management (4), l’ESS (3), les conseils pour se transformer en Scop (1), révèlent leur intérêt pour mieux comprendre le fonctionnement complexe d’une Scop : « le tandem Président, Directeur général est-il systématique ? N’est-il pas plus simple de décider tout seul ? Y a-t-il un contrepouvoir pour les salariés non associés ? Le partage des résultats est-il égalitaire ? Est-ce qu’une Scop peut licencier ? Que sont devenus les membres fondateurs ? Comment les associés s’engagent-ils au-delà de l’aspect financier ? Y-a-t-il des salariés syndiqués ? », etc. Les spectateurs ont également très envie d’avoir des échos de la Scop avec la nouvelle équipe, sur l’après transformation (8) et aussi l’impact de la covid (1) : « quelles sont les nouvelles depuis 2020 ? Ya-t-il eu des « petits » ailleurs ? Est-ce que le nouveau DG est bien ? ». Il s’agit de contenus qui dépassent le propos du film même si ce dernier incite à s’y intéresser. La majorité du questionnement concernent donc l’objet de recherche et conduit à des discussions sur le fond. La forme intéresse également avec des questions portant sur la réalisation du fim (16 questions) et les suites du film (4) car la démarche et la présence d’une chercheure dans l’entreprise intriguent : « Comment le partenariat entre l’entreprise et l’Université s’est créé ? Quel est l’impact de la caméra dans l’entreprise et l’influence de la présence de la chercheure ? Comment avez-vous choisi les images ? Est-ce que la télévision est intéressée par votre documentaire ? ». Les débats sur le fond et sur la forme valident le rôle de médiation du documentaire Scoper : le film de recherche a donné « à voir » le mode des Scops. Et les débats ont permis l’expression de centres d’intérêt ainsi que d’approfondir des aspects laissés en suspend ou moins valorisés dans le film.

12Afin de dépasser le rôle informatif et pédagogique de la médiation, nous proposons d’illustrer les fonctions de médiations identifiées précédemment avec les centres d’intérêt des spectateurs de Scoper.

Tableau 3. Les 12 fonctions de médiation d’un film de recherche illustrées par les thèmes questionnés lors des débats Scoper

A- Fonctions de médiation qui concernent le chercheur réalisateur et le public

Thèmes Scoper

B- Fonctions de médiation qui concernent particulièrement le public

Thèmes Scoper

A1

Tous les thèmes abordés

B1

 ?

A2

Salariés, Membres fondateurs, Associés

B2

Tous les thèmes abordés

A3

Statut Scop, client, représentant salariés, associés, salariés, membres fondateurs, conseil d’administration

B3

Tous les thèmes abordés

A4

Projet de transformation, gouvernance, film de recherche, redistribution de la richesse, management

B4

 ?

A5

Projet de transformation, statut Scop, associés, gouvernance, management, impact de la covid

B5

 ?

A6

Statut Scop, suite film, conseils

A7

Film, ESS

Source : auteur, 2023.

13Les fonctions qui concernent le chercheur réalisateur et le public sont toutes illustrées car, les questions posées permettent d’avoir une vision plus nuancée de la Scop (A1), d’entendre les paroles des salariés notamment, habituellement peu accessible (A2), encourage les échanges (A3) et une réflexion lors du débat et au-delà (A4). Le fonctionnement même de la Scop fait réagir sur la dimension collective (A5) et le modèle entrepreneuriat « dominant ». De plus, la réalisation du film offre des moments de véritables rencontres avec une ethnographie partagée (A7)… En revanche, le contenu des débats ne permettent pas d’illustrer le « mieux vivre ensemble » du public (B1) et sa prise de conscience de son identité (B4) même si on peut supposer que la prise de parole coresponsabilise les intervenants (B2) et que les liens qui s’établissent fédèrent une communauté de spectateurs (B3). En effet, les débats permettent d’échanger sur des subtilités que cette communauté aura acquises. C’est le cas, par exemple, de la discussion concernant l’aide imaginée et mise en place par la coopérative pour que tous les salariés puissent acquérir des parts et devenir sociétaires.

14Ainsi, le croisement des fonctions de médiation avec les questions posées dans le cadre du film de recherche Scoper montre que la médiation est non seulement pédagogique mais peut aussi aller vers l’émancipation du spectateur : cette dernière fonction nous semble être l’aboutissement des précédentes. Après avoir vu le documentaire Scoper, questionné et réfléchi sur cette forme d’entrepreneuriat méconnue, les spectateurs sont éventuellement en mesure de répondre à la question qui est posée dans le film « et si le statut Scop était une solution ? » pour entreprendre différemment.

Conclusion

15Notre analyse exploratoire sur « les liens unissant celui qui produit l’information, celui qui permet sa circulation, celui qui intervient pour faciliter la diffusion et enfin celui qui est capable de se l’approprier comme contenu permettant d’agir » (Couzinet, 2011) avait pour but de prendre du recul sur notre réalisation documentaire. En effet, Scoper s’est avéré être un support de médiation qui éveille l’intérêt pour débattre sur de nombreux sujets. Il valide une bonne partie des fonctions de médiation souhaitées par les chercheurs réalisateurs et identifiées lors de nos entretiens. Cette première proposition de classification des fonctions de médiation dans le cadre d’un film de recherche en SHS est une invitation à être utilisée pour être affinée, enrichie et nécessite d’évoluer.

Tableau 4. Synthèse de classification des 12 fonctions de médiation d’un film de recherche

A- Fonctions de médiation qui concernent le chercheur-réalisateur et le public
INTENTIONS vérifiables

lors de débats

B- Fonctions de médiation qui concernent particulièrement le public
IMPACTS identifiables

lors de débats

A1 : S’éloigner des clichés

x

B1 : Mieux vivre ensemble

 ?

A2 : Découvrir l’inhabituel

x

B2 : Co-responsabiliser

x

A3 : Faire dialoguer ce qu’on ignore

x

B3 : Communauté de spectateurs

x

A4 : Encourager la réflexion

x

B4 : Prise de conscience de son identité

 ?

A5 : Se questionner collectivement

x

B5 : Emancipation

x ?

A6 : Favoriser les échanges

x

A7 : Ethnographie partagée

x

Source : auteur, 2023.

  • 8 Dans ce travail, nous n’avons d’ailleurs pas exploité qu’une partie des résultats obtenus. Ceux iss (...)

16Elle nous semble poser des pistes de compréhension de la médiation que les chercheurs réalisateurs ont souvent comme intention et qu’il est difficile de vérifier notamment dans les impacts auprès des spectateurs. En effet, nombre d’entre eux soulignent la difficulté de diffuser largement leur film de recherche (Ganne et al. 2020). C’est pourquoi, Scoper, avec ses 40 lieux de projection représente un échantillon non négligeable complémentaire aux expériences des collègues en ethnographie, sociologie, SIC etc. En définitive, la posture de chercheur-médiateur renvoie à un double enjeu de recherche et de médiation : « un enjeu de recherche, car ce travail vise à interroger les relations entre rapports sociaux et dimensions spatiales à l’aune d’une perspective langagière. Et un enjeu de médiation, car le chercheur est pensé dans cette recherche comme un co-acteur potentiel du changement social » (Külh, 2021 : 17). En ce qui nous concerne, en tant qu’émetteur, l’objectif était d’abord de donner la parole aux salariés dans le documentaire pour ensuite récolter les réactions des récepteurs lors des diffusions. Car le documentaire, au sens de document, n’est pas seulement un donné mais « le produit d’une volonté, celle d’informer ou de s’informer » (Meyriat, 1981a). En effet, les temps de médiation ont été possibles du fait de plusieurs facteurs : le temps consacré par la chercheure réalisatrice pour accompagner le film lors des projections avec un ou deux représentants de l’entreprise, l’activation de réseaux inhérents aux thèmes abordés dans le documentaire comme le milieu des Scop pour le statut, l’économie sociale et solidaire-ESS, les syndicats pour la place des salariés, des liens professionnels avec les chercheurs travaillant sur les Scop et l’ESS8 etc. Cette expérience questionne donc aussi une structuration de contenu médiatique issue de la recherche ainsi qu’une forme de « fabrique médiatique » imbriquant les réseaux sociaux et les liens professionnels et personnels pour la diffusion. Cette « mise en média », notamment par les réseaux sociaux, ont permis un effet d’annonce et de feed back après les rencontres qui mériteraient d’être présentés dans un travail complémentaire.

Haut de page

Bibliographie

Adler Patricia. A., Adler Peter, Membership roles in field research, Newbury Park, CA : Sage, 1987, 95 p.

Balteau Emilie, Rénovation urbaine et continuités populaires : une recherche socio-filmique en ville moyenne.Thèse de doctorat, Université Paris-Saclay (ComUE), 2019, 335 p.

BOULDOIRES Alain, MEYER Michaël, REIX Fabien, Méthodes visuelles, de quoi parle-t-on ? RFMV, n° 2, 2018, 226 p.

Buob Baptiste, Gehin Jean-Paul, « Images du travail, travail des images », Filmer, travailler, chercher, [En ligne], 8 | 2020, mis en ligne le 01 février 2020, consulté le 02 décembre 2023. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/277 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/itti.277.

Couzinet Viviane, Les dispositifs : question documentaire. Coll. Systèmes d'information et organisations documentaires, Lavoisier,Toulouse : Cépaduès-Éditions, 2011, 262 p.

CSA, Panorama : effet de la crise sanitaire sur les audiences des groupes audiovisuels et sur le marché publicitaire, Bilan de l’année 2020, Collections CSA, janvier 2021, 56 p. Mis en ligne le 29 janvier 2021, consulté le 29 novembre 2023, https://www.csa.fr/Informer/Collections-du-CSA/Panorama-Toutes-les-etudes-liees-a-l-ecosysteme-audiovisuel/Les-chiffres-cles/Barometre-des-effets-de-la-crise-sanitaire-sur-le-secteur-audiovisuel-Impact-sur-les-audiences-les-usages-et-les-ressources-public

Cyrulnik Natacha, « Le documentaire, un espace de liberté pour une nouvelle communauté », Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 7 | 2015, mis en ligne le 01 octobre 2015, https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfsic.1744 consulté le 04 octobre 2022, 12 p.

Cyrulnik Natacha, « Rénovations urbaines mises en récit pour de nouvelles représentations des cités » dans Engagement entrepreunarial et territoires, coordonné par Claudine Batazzi et Patrizia Laudati, Revue Communication et Organisations n° 50, Décembre 2016, 111-122 p.

Cyrulnik Natacha, « Espaces publics et processus de créations partagés par le documentaire », Déméter-Théories & pratiques artistiques contemporaines, 2018, 7 p.

Cyrulnik Natacha, « De nouvelles représentations en Tunisie par l’expérience du documentaire de création » Revue française des sciences de l’information et de la communication, 2018, 13 p.

Delamotte-Legrand Régine, Médiations langagières. I, Des faits de langue aux discours. Publications de l’Université de Rouen, 2004, 429 p.

Delamotte-Legrand Régine, Médiations langagières. II, Des discours aux acteurs sociaux. Publications de l’Université de Rouen, 2004, 421 p.

Garcia Laëtitia et Beltramini Véronique, « SCOP et reprise d’entreprise en difficultés : perspectives pour une efficacité renforcée », La Revue des Sciences de Gestion, 2014, vol. 269-270, no. 5-6, 121-128 p.

Gardies Cécile et FABRE Isabelle, « Médiation documentaire et dispositifs info-communicationnels », dans GALOUP Xavier (coord.), Développer la médiation documentaire numérique, Lyon, Presses de l’ENSSIB, 2012, 228 p.

Gehin Jean Paul, Ganne Bernard et Penard Jean Paul, « La sociologie au risque de l’image : retour sur trente ans de recherches filmées autour de l’entreprise et du travail », Images du travail, travail des images [En ligne], 8 | 2020, 40 p. mis en ligne le 01 février 2020, consulté le 14 août 2023. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/itti/327.

Hoare Michael, Problèmes de la participation des personnes filmées à la mise en scène : la réalisation d'un film sur l'atelier populaire d'urbanisme d'Alma Gare, Roubaix. Thèse de doctorat, Université Paris X Nanterre, Paris, 1984, 194 p.

De Heusch Luc, « Cinéma et sciences sociales. Panorama du film ethnographique et sociologique », Document spécial de sciences sociales n° 16, 1962, Paris, Unesco. 104 p.

Kühl Nicolas, Interroger les discours et représentations dominantes sur les quartiers dits prioritaires : l’apport d’une recherche-médiation au sein de Rennes Métropole : approche ethnographique et filmique des relations entre dimensions spatiales et dimensions sociolinguistiques. Thèse de doctorat Université Rennes 2, 2021, 365 p.

Lallier Christian, Pour une anthropologie filmée des interactions sociales. Paris, Éditions des Archives Contemporaines, 2009, 252 p.

Lamizet Bernard, Sémiotique de l’évènement. Paris, Lavoisier, 2006, 314 p.

Meyriat Jean, « Document, documentation, documentologie. L’écrit et le document », Schéma et schématisation 14.1, 1981, 51-63 p.

Ministere De L’economie Et Des Finances, Qu’est-ce qu’une SCOP ?, Bercy Infos, Mis en ligne le 20 septembre 2022, Consulté le 29 novembre 2023, https://www.economie.gouv.fr/entreprises/definition-scop#

Niney François, L’épreuve du réel à l’écran. Essai sur le principe de réalité documentaire. Bruxelles, De Boeck Université, 2000, 346 p.

Pedauque Roger T. « Document : forme, signe et médium, les re-formulations du numérique », 2003,. ⟨sic_00000511⟩, 27 p.

Ranciere Jacques, Le spectateur émancipé. La fabrique éditions, 2008, 150 p.

Raoulx Benoit, « Le film documentaire : une méthode pour rendre audiovisible la marginalité (essai sur la démarche “géodocumentaire”), dans Bastian, S. et Burr, E (dir.) Sociolinguistique urbaine et développement urbain (enjeux et pratiques dans les sociétés francophones et non francophones, Leipzig, Allemagne, München : Meidenbauer, 2009, 245‑269 p.

Vulser Nicole, « Avec 450 films en attente, l’embouteillage s’annonce dans les salles de cinéma », Le Monde, 4 mai 2021 mis en ligne le 5 mai, consulté le 29 novembre 2023. URL : https://www.lemonde.fr/culture/article/2021/05/04/avec-450-films-en-attente-comment-eviter-l-embouteillage-dans-les-salles_6079017_3246.html

Auteur, « Diffusion des films de recherche en SHS : Impacts des articulations entre la création et la recherche sur la diffusion », Revue Interrogations, à paraitre 2024.

Haut de page

Annexe

Annexe 1. Présentation de Scoper

Synopsis : La coopérative de consommateurs Sadel est née en 1955 pour défendre la laïcité dans un contexte tendu entre le privé et le public. Son activité permet aux instituteurs de l’école publique, en Anjou, d’acheter des fournitures scolaires. En regroupant les achats de fournitures scolaires pour les enfants, la Sadel contribue à l’accès au savoir pour tous.

Devenue une librairie papeterie implantée sur l’ensemble du territoire, elle fait partie des leaders français de la distribution de livres et fournitures scolaires.

Forte de ses 135 salariés, les dirigeants de la coopérative et les organisations fondatrices décident de proposer un changement d’organisation qui offre l’opportunité aux salariés de prendre en main leur avenir.

En votant le statut de société coopérative participative-scop en 2018, les salariés prennent les commandes de leur entreprise. Ils sont les plus à même de faire face à la concurrence en étant les experts de leur domaine et en s’associant avec la Scop NLU en Bourgogne.

Mais ils n’ont ni l’expérience de gérer une entreprise de plus 40 millions de Chiffres d’affaires (2017), ni l’habitude d’animer une gouvernance participative au sein de leur nouvelle entité SavoirsPlus qui regroupe 195 salariés.

Le documentaire raconte l’histoire des défis à relever, des doutes, des conflits et des solutions envisagées pour transmettre les clés aux salariés associés.

Dispositif de réalisation : Ce projet est né dans le cadre d’un travail de recherche (convention signée entre le laboratoire de recherche ESO-UMR 6590 de l’Université d’Angers et la Sadel) que nous avons initié à l’automne 2017 pour observer l’évolution de l’entreprise Sadel.

Une première phase de recherche a permis de valider le bienfondé d’un documentaire pour le grand public. Les dirigeants et les salariés souhaitent laisser une trace de leur “aventure collective”, faire connaître leur démarche et démontrer l’intérêt de ce mode d’organisation en scop.

Le suivi et les tournages ont commencé fin 2017 et ont pris fin en février 2020. La capture d’images vidéo avait pour objectifs :

  • dans le cadre de la recherche : de fournir un contenu fidèle facilitant l’analyse ;

  • dans le cadre de la Sadel/SavoirsPlus : de laisser une trace de leur histoire ;

  • dans le cadre du projet de documentaire : de réaliser des images pour mener à bien le scénario du documentaire.

Posture pour la recherche : Nous avons choisi une posture d’observation participative9 puis de recherche action en enregistrant en vidéo toutes les étapes de la transformation et les 20 comités de pilotage. Notre observation a pour but, à la fois de comprendre les enjeux pour l’entreprise, comme étant les points clés ayant un impact pour les salariés afin de nourrir le contenu des entretiens. Cette démarche a pris fin lors de l’assemblée générale du groupe SavoirsPlus en février 2020.

À travers cette enquête, nous nous sommes entretenus avec 50 salariés volontaires en les incitant à parler librement et naturellement de leurs expériences afin que le déroulement libre de la rencontre fasse surgir une vérité (celle de chacun).

Annexe 2

Interviews réalisées dans le cadre de la disponibilité CNRS de l’auteur

Nom

Discipline

Date de l’entretien

F. Le Houérou

Anthropologue

31 octobre 2022

D. Ouedraogo

Anthropologue

7 novembre 2022

N. Cyrulnik

SIC

1er décembre 2022

E. Buccolo

Sociologie

17 Janvier 2023

Les entretiens ont été retranscris et font l’objet d’un compte rendu validé par leur auteur, 2023.

Haut de page

Notes

1 Annexe 1 : Présentation de Scoper.

2 Pour visionner le film : https://savoirsplus.hypotheses.org/scoper-documentaire-50-mn.

3 Annexe 2 : ces entretiens ont été retranscris et font l’objet d’un compte rendu validé par leur auteur.

4 Séminaire ESO-Gridel organisé le 24 juin 2022 à Angers

5 Intervention de Félix Cardoso aux rencontres AISLF, Sfax octobre 2022.

6 Par exemple, des « consignes » peuvent guider le début des échanges : « chaque personne pouvait commencer en disant : une chose qui l’a marquée dans le film, qu’elle a retenue et puis une chose qui l’a questionnée » (Kühl, 2021 p. 300).

7 Scoper a par ailleurs été diffusé dans 11 projections « universitaire », 5 de « recherche » et 4 de « travail ».

8 Dans ce travail, nous n’avons d’ailleurs pas exploité qu’une partie des résultats obtenus. Ceux issus des projections « universitaire », de « recherche » et de « travail » nécessiteraient d’être comparés avec ceux des projections « événement » et « cinéma ».

9 Le chercheur participe suffisamment au phénomène étudié pour être considéré comme un membre à part entière, sans incarner un rôle important au sein de celui-ci. (Adler et Adler, 1987).

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Valérie Billaudeau, « Film de recherche SHS et médiation : l’exemple de Scoper »Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 28 | 2024, mis en ligne le 31 mai 2024, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfsic/15878 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11ubr

Haut de page

Auteur

Valérie Billaudeau

Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université d’Angers. Elle fait partie du laboratoire de recherche Espaces et Sociétés (ESO) UMR 6590 à Angers. Courriel : valerie.billaudeau@univ-angers.fr

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search