1Les inondations par crue d’eau, en particulier dans les zones imperméables (Duvernoy, 2022) provoquent actuellement le plus de préjudices dans le monde, qu’ils soient directs (décès, dégâts matériels… : Vinet, 2010) ou indirects (pertes d’emplois et de revenus, désorganisation des services, réduction des capacités de production… : Salomon, 1997). Ces préjudices devraient encore augmenter dans les prochaines années, le dérèglement climatique en cours se traduisant en effet par l’accroissement du nombre, de l’intensité et de la durée des précipitations intenses en Europe du Nord (Météo France, 2021 ; Chauveau, 2021) et – incidemment – par une augmentation des crues des cours d’eau dans la plupart des pays d’Europe, dont la France (Duvernoy, 2022).
2Dans ce contexte d’augmentation du risque d’inondation, la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987, complétée par plusieurs décrets d’application additionnels, établit le droit de la population à l’information sur les risques majeurs. Le maire, en particulier, est tenu d’informer ses administrés sur les risques environnementaux municipaux (Dournel et al., 2015). Les communes ont l’obligation d’informer les habitants des risques qui les concernent directement et de leurs conséquences potentielles ainsi que des consignes à respecter en cas d’aléa. Les communes doivent également détailler les mesures de prévention et fournir des documents, cartes et listes des repères de crue (Douvinet et al. 2013). Ce document est « envoyé par les mairies, en général au moment de [sa] réalisation et de [sa] mise à jour, ou encore fourni avec les contrats de location résidentielle » (Fenet et Daudé, 2020).
3Si plusieurs études se sont intéressées au respect des obligations légales des communes, montrant que la majorité d’entre elles n’avaient pas édité ces documents (Douvinet et al. (2013), aucune ne s’est intéressée à la manière dont la population a reçu et s’est appropriée les documents diffusés dans les communes qui ont respecté la loi. L’appropriation sera entendue ici comme « l’utilisation que fait l’individu d’un texte, d’un message, pour éclairer sa propre situation, évaluer son rapport à la réalité, réorienter (ou non) sa pratique » (Kivits et al., 2014, 15). La recherche ci-dessous va ainsi se focaliser sur la compréhension, l’interprétation et l’appropriation par la population de ces campagnes communales de prévention (Lavigne et al., 2017 ; Thompson et al., 2017), ce qui va apporter un éclairage complémentaire aux études existantes.
4Ce faisant, cette recherche entend évaluer la solidité des présupposés qui sous-tendent la loi de 1987. Celle-ci repose implicitement sur l’idée qu’il suffit d’obliger les autorités locales à produire un discours préventif pour que les habitants soient prévenus des dangers d’une zone d’habitation, voire pour prendre des mesures préventives susceptibles de réduire les dégâts en cas d’aléa (Becerra et al., 2011). Est-ce réellement le cas ? Les communications municipales contribuent-elles à créer ou à entretenir chez les riverains une culture locale des risques d’inondation « tout en évitant d’éventuels biais liés à des idées reçues ou des préférences » (Ferrer, 2018, p. 102). En effet, les risques naturels, quels qu’ils soient, sont souvent sous-évalués par les riverains (Kahneman et al. 1982). Cela a pour effet, entre autres, de diminuer leur anxiété face à ces potentiels dangers (Weiss et al., 2011).
5Pour résumer : comment susciter un intérêt pour les campagnes de prévention du risque d’inondation ? Plus précisément, quelles informations incitent les habitants d’une région concernée par ce risque à se sentir concernés et à rechercher ou à prêter attention aux messages préventifs communiqués par les municipalités ? Si l’impact – par méconnaissance ou faible appropriation - des informations diffusées dans les documents d’information des municipalités s’avère limité, quelles en sont les raisons (Thompson, Lindsay, Graham, 2017 ; Rouquette et al., 2023) ?
6Pour répondre à cette problématique, ce travail s’inscrit dans le modèle des recherches sur le risque. Comme le montrent les études réalisées dans ce modèle, plusieurs paramètres comptent, telle la confiance que les habitants nourrissent à l’égard des autorités locales (Metzger et d’Ercole, 2011), les opinions politiques des habitants en matière d’environnement ou encore leur parcours de vie, puisqu’avoir déjà été confronté à un aléa au cours de sa vie augmente considérablement l’attention accordée à ce risque (Wachinger et al., 2013).
7Cependant, parmi les conditions qui, selon Neuwirth, Griffin et Dunwoody (2000), incitent les individus à se renseigner sur des sujets aussi complexes que les risques environnementaux (ou médicaux), cette recherche vise à se concentrer sur les facteurs informationnels. Plusieurs enquêtes ont en effet établi un lien entre la perception d’un risque et les besoins en information (Neuwirth et al., 2000). Ces études ont montré que le niveau d’implication augmente lorsque la pertinence perçue du risque grandit, suscitant alors un désir d’information (Huurne et Gutteling, 2008), les individus recherchant plus activement des données lorsque le risque devient un problème pertinent et important à leurs yeux (Alaszewski, 2005).
8En d’autres termes, cette recherche cherche à identifier quelles informations sont les plus susceptibles d’accroître la pertinence perçue du risque. Ainsi, pour que les informations diffusées lors de ces campagnes de communication publiques augmentent la perception du risque d’inondation local, ce travail implique de comprendre les préoccupations du public en matière de risques naturels, notamment d’inondation. Plus le type d’information diffusée fait écho aux préoccupations des habitants en matière de danger environnemental, plus ils se sentiront impliqués. Cette ambition théorique prend la forme de différentes questions :
-
Suffit-il de fournir des informations factuelles sur les risques (année du précédent aléa, actions menées par la municipalité depuis celui-ci…) ?
-
Faut-il insister sur la probabilité de subir un préjudice ainsi que la gravité des conséquences potentielles ? Dans ce second cas, faut-il exacerber certaines dimensions spectaculaires et/ou dramatiques du risque, en prenant par exemple appui sur des images qui les renforcent, afin d’augmenter la prise de conscience du danger potentiel représenté par ces risques aux habitants (Schwarz et. al., 2011) ? Vaut-il mieux communiquer sur les dangers, les moyens d’alerte ou sur les comportements à adopter en cas d’aléa (Fenet et Daudé, 2020) ? Ou, est-il préférable de rassurer les habitants en détaillant les mesures déjà prises ?
-
Est-il plus pertinent de fournir des arguments factuels sur les aléas précédents par exemple ? Ou, les habitants se sentent-ils plus concernés par ces campagnes lorsqu’elles privilégient une « heuristique d’affect » (Slovic et al., 2004) en privilégiant des contenus qui cherchent à provoquer de l’inquiétude ou de la peur (ibid.) ?
-
- 1 L’auto efficacité fait référence à la notion selon laquelle l’individu s’attend à être capable de (...)
Faut-il privilégier des messages qui renforcent le sentiment d’auto-efficacité1 ?
9Dans cette optique, cette étude accorde une grande place aux préoccupations des habitants en matière de danger environnemental. En ce qui concerne les inondations, l’interprétation que les habitants ont des campagnes préventives ne peut être isolée de la façon dont ils considèrent leur territoire à l’origine du jugement du caractère risqué d’un certain nombre d’activités […] ou situations » (Chauvin, 2014, p. 19). Ainsi, cette recherche prend en compte « le contexte de vie quotidienne et d’implication dans des activités sociales, économiques ou politiques pour saisir leurs pratiques de réception » (Kivits et al., 2014, p. 152).
10Ce travail s’inscrit alors dans la tradition des études de réception en sciences de l’information et de la communication menées avec des méthodes qualitatives (Pereira da Silva, 2018 ; Kivits et al., 2014). Afin de comprendre quelles sont les informations diffusées par leur municipalité qui, aux yeux des habitants, augmentent la pertinence perçue du risque, la méthode de l’entretien compréhensif est ici adéquate. L’entretien compréhensif a pour avantage de pénétrer le système de représentation des personnes. Deux postulats sous-tendent cette démarche : 1. les pratiques – communicationnelles ici - ont une épaisseur, elles sont complexes et structurées ; 2. le sujet a ses raisons d’adopter tel ou tel comportement, raisons qu’il s’agit autant que possible de comprendre sans les réduire à quelques variables-clefs préétablies (Kaufmann, 1996, pp. 48-50).
11L’échantillonnage des répondants a été établi dans l’objectif de pouvoir répondre à ces questions à partir d’un échantillonnage stratifié non proportionnel. « On parle d’échantillon stratifié lorsque la fraction de sélection diffère en fonction de certaines caractéristiques de la population (sexe, région, statut, âge, etc.). On stratifie pour permettre que toutes les catégories de la population qui nous intéressent soient représentées en nombre suffisant » (Durand, 2002 : 3). Compte tenu de la revue de littérature, plusieurs critères d’échantillonnages ont été pris en compte de façon à constituer un panel qui ne biaise pas les résultats. Celui-ci prend d’abord en compte l’influence du genre dans la perception des risques naturels. Synthétisant les résultats de douze études scientifiques sur ce sujet, Flynn, Slovic et Mertz indiquent en fait que « les hommes tendent à juger les risques comme plus faibles et moins problématiques que les femmes » (Flynn et al., 1994, p. 1101 ; Slovic, 1999, p. 692). Cette inégale perception du risque entre hommes et femmes fait bien écho à l’inégal danger occasionné par les inondations entre hommes et femmes, au moins dans d’autres régions du monde. Aussi, 31 répondants sont des femmes, 19 des hommes.
12En deuxième lieu, le panel a été construit avec un large éventail socioprofessionnel, afin de ne pas biaiser cette étude en raison d’une dimension sociale de perception du risque non contrôlée (Haynes, Barclay et Pidgeon, 2008). En effet, la vulnérabilité ressentie face aux risques extérieurs est – en partie – corrélée au niveau de vulnérabilité perçue pour soi (Satterfield et al., 2004). Or, ce sentiment de vulnérabilité individuelle dépend de plusieurs facteurs tels que l’insécurité financière, le fait d’être propriétaire (32 répondants sont propriétaires de leurs logements, 18 sont locataires) ou encore le fait d’être actif ou non sur le plan professionnel (Verlynde, 2018, p. 140). Ainsi, ce panel de 50 répondants comprend des étudiants (7), cadres et professions intellectuelles supérieures (1 ophtalmologue, 1 responsable de structure, 3 cadres, 1 enseignant-chercheur, 1 responsable logistique), des professions intermédiaires [de la santé : orthophoniste, opticien], de l’enseignement (2 institutrices), du social (1 éducatrice spécialisée), 1 technicien territorial, des ouvriers (1 ouvrier du bâtiment, 1 conducteur routier), des employés (1 secrétaire, 2 assistantes de langue, 1 vendeur, 1 serveuse), 6 retraités, des artisans, commerçants et chefs d’entreprise (5 commerçants, 1 restauratrice, 2 assureurs), 1 demandeur d’emploi.
- 2 Source : Plan de Prévention des Risques Naturels Prévisibles d’inondation (PPRNPi), p. 5.
13Autre paramètre pris en compte : l’âge des répondants. « Parmi les rares facteurs externes qui semblent avoir un impact sur la perception des risques naturels, il y a l’expérience directe » synthétisent ainsi Wachinger et al. (2013, p. 1052). Si les riverains plus âgés ont une plus forte perception des risques que les plus jeunes (Lai et Tao, 2003), cela tient en partie au fait que ces derniers ont moins de probabilité d’avoir vécu un aléa dans leur vie. Clermont-Ferrand, en particulier, est un territoire à risque important d’inondation (TRI) en raison de crues torrentielles graves : « les estimations réalisées dans le cadre de la mise en œuvre de la directive européenne inondations mettent en évidence que près de 36 400 habitants et 46 000 emplois se situent dans les zones inondables sur le TRI pour la crue centennale pour l’ensemble des deux agglomérations »2. Une crue centennale est une inondation qui a une probabilité d’occurrence annuelle de 1/100. Si chaque crue centennale est rare ; elle est aussi de plus en plus risquée au vu de l’urbanisation grandissante de la région. La prochaine touchera un nombre considérable de personnes. Il existe également, sur une partie plus étendue du territoire des risques de crues décennales, moins catastrophiques mais plus fréquentes. Cette gravité n’implique pas que le risque de ces crues soit décennal. Dans les villes étudiées (voir supra), les dernières grandes inondations remontent à 1985 pour le quartier de Saint-Alyre (Clermont-Ferrand : La Montagne, 2/11/2015), en 1994 et en 2003 pour Cournon-d’Auvergne et les Martres-de-Veyre (https://plu-cadastre.fr/). Territorialement, le risque est bien identifié et répertorié (Fig. 1)
Figure 1. Carte du risque d’inondation (signalé en bleu) dans la région de Clermont-Ferrand.
Source : Plan de Prévention du Puy-de-Dôme (https://www.puy-de-dome.gouv.fr/).
14Dans les trois villes, aucun habitant de moins 20 ans n’a de réels souvenirs d’une inondation locale. À Clermont-Ferrand, les habitants de moins de 45 ans avaient au maximum 8 ans lors du dernier grand aléa. Pour inclure quant à cet élément, le panel a intégré des répondants d’âges différents (entre 18-30, entre 31-45 et + 45 ans).
Tableau 1 : échantillonnage des répondants interrogés par entretiens qualitatifs approfondis
Variable homme/femme
|
Hommes : 19
|
Femmes 31
|
Variable par âge
|
18-30 ans : 13
|
31-45 ans : 15
|
46-60 ans : 10
|
+ 60 ans : 22
|
Variable propriétaire/locataire
|
Propriétaires : 32
|
Locataires : 18
|
15Dans le cas d’un échantillonnage stratifié, les panels retenus peuvent être non-proportionnels, au sens où le panel ne constitue pas une représentation miniature de chaque catégorie de la population étudiée. Car l’objectif de l’échantillon n’est pas de faire une étude sur une version réduite et représentative de cette population mais de tester certaines hypothèses, minutieusement choisies, qui peuvent être éprouvées grâce à cet échantillonnage stratifié. Ici, quatre variables concernant les répondants sont testées (voir ci-dessous). Pour cela, l’échantillonnage choisi prête attention à s’assurer d’avoir un échantillon suffisant dans chaque strate » (Durand, 2009, p. 2). Autrement dit, le fait qu’il y ait suffisamment de répondants ayant la caractéristique recherchée pour tester l’hypothèse a été pris en considération. De telle sorte que dans un panel stratifié non proportionnel, la validité du panel ne dépend pas de critères de représentation « au sens quantitatif ou statistique du terme » (Biscarrat, 2013) mais du respect de la typologie des habitants construite en s’appuyant sur la littérature scientifique en matière de risques d’inondation.
16Les personnes interrogées ont été trouvées en faisant du porte-à-porte entre janvier et juin 2022. Chaque entretien a duré entre 30 minutes et une heure car la grille comporte 20 questions sur le risque d’inondation, dont de nombreuses questions ouvertes ainsi que la présentation de deux plaquettes (Fig. 2) de prévention du risque d’inondation.
Figure 2. Exemples de documents de prévention locaux et nationaux utilisés pendant l’enquête 2022
17Deux types de questions ont été posés aux habitants. Les premières ont porté sur leur perception du risque local d’inondation. Cette première partie permet à la fois de mesurer leur connaissance des dangers liés à cette problématique (« quels mots vous viennent à l’esprit ? »), leur mémoire territoriale (« à votre connaissance, votre commune a-t-elle déjà subi des inondations ? »), leur expérience de cet aléa, leur connaissance des comportements à adopter en cas d’inondation (« comment réagiriez-vous ? »). Ces recommandations sont listées sur les DICRIM des municipalités et l’affiche de Vigicrue présentées dans un deuxième temps aux riverains interrogés (couper l’électricité, le gaz, monter à l’étage, ne pas prendre la voiture…). La deuxième partie de l’entretien porte sur la manière dont ces riverains s’approprient les messages de prévention diffusés par leur municipalité et le service l’État français (« Qu’évoquent pour vous ces deux affiches ? »).
18Bien que relevant d’une recherche compréhensive, cette double enquête par entretiens approfondis auprès de 50 personnes complétée par une enquête par questionnaire de 120 autres riverains a été menée de façon à atteindre le seuil de saturation des données, c’est-à-dire le nombre à partir duquel les nouvelles interviews et questionnaires n’apportent pas de savoirs supplémentaires aux données déjà acquises. La deuxième enquête par questionnaire a été réalisée en parallèle et en même temps que la première de façon à se donner les moyens de mesurer sur une plus grande échelle des tendances observées pendant ce travail. De fait, la saturation des données qualitatives (avec les 50 entretiens) et l’obtention de tendances statistiques (avec les 120 questionnaires) aurait, finalement, été obtenue, avec moins de répondants. Mais ces seuils avaient été choisis en amont pour s’assurer d’avoir suffisamment de données pour obtenir cette saturation.
Tableau 2 : échantillonnage des répondants interrogés par questionnaires
Par quartier ou commune
|
Saint-Alyre (Clermont-Ferrand)
|
Martres-de-Veyre
|
Cournon-d’Auvergne
|
Total du panel quantitatif
|
Nombre de répondants
|
40
|
40
|
40
|
120
|
Variable homme/femme
|
20/20
|
16/24
|
22/18
|
58/62
|
Variable par âge : 18-30/31-45/+ 45
|
24/8/6
|
7/18/15
|
21/12/7
|
52/40/18
|
Variable propriétaire/locataire/autre (chez mes parents par ex)
|
14/23/3
|
26/14/0
|
18/15/7
|
58/52/10
|
19Le choix du terrain d’enquête s’est porté sur trois villes concernées par le risque d’inondation et l’obligation légale d’informer leurs habitants. Dans le département du Puy-de-Dôme, c’est le cas des Martres-de-Veyre (environ 3 940 habitants, INSEE 2020) dont le centre ancien et de nombreux bâtiments périphériques, sont soumis au risque d’inondation fort (source PLU3, p. 20). De même, Cournon-d’Auvergne (environ 20 400 habitants, INSEE 2020) a connu ces dernières années (1994 et 2003) deux crues de rivière ; rappelant que plusieurs maisons et le camping sont construits en zone inondable (La Montagne, 24.01.2012). Enfin, Clermont-Ferrand (147 000 habitants, INSEE 2020) fait partie des territoires à risques importants d’inondation (TRI). Même si les rivières qui traversent la ville, souterraines, ne sont pas visibles des riverains, une crue de la Tiretaine à la suite d’un important orage provoquerait une inondation étendue. En effet, ces rivières sont le prolongement de sources nées sur les pentes de la chaîne des Puys. Cette situation topographique facilite – selon la DREAL – l’accumulation d’eau dans la rivière en cas d’orage (La Montagne 05/10/2015). Le Lac qui se formerait dans la ville pourrait alors – d’après les études du service de la Préfecture - aller jusqu’à recouvrir la totalité du quartier de Saint-Alyre composé de 5539 habitants (la Montagne, 2/11/2015), quartier retenu pour cette étude.
20Quinze répondants interrogés travaillent ou résident dans le quartier de Saint-Alyre (Clermont-Ferrand), quinze dans la ville des Martres-de-Veyre et vingt à Cournon-d’Auvergne.
21Les résultats obtenus peuvent être regroupés en deux parties complémentaires. La première mesure le degré de connaissance du risque d’inondation. La deuxième se focalise sur les freins et leviers communicationnels favorables à une meilleure prise en compte du risque par les riverains concernés.
- 4 http://cdn1_3.reseaudesvilles.fr/cities/61/documents/9v8ku2r7tlffaa9.pdf.
22Il apparaît tout d’abord une méconnaissance majoritaire du risque d’inondation dans les trois zones étudiées. En effet, comme le montre le tableau 3, ci-dessous, plus de 90 % des 120 riverains interrogés ne connaissent pas ce risque (deuxième colonne : « Votre quartier ou commune sont-ils soumis au risque d’inondation ?). Même les riverains du quartier de Saint-Alyre, potentiellement le plus à risque des trois, ne se caractérisent pas par une conscience du risque supérieure à ceux des deux autres communes interrogés (2 habitants sur 40, pour 3 et 4 habitants sur 40 dans les deux autres cas). Et ce, malgré des campagnes de prévention diffusées par les communes, par exemple dans le bulletin municipal des Martres-de-Veyre en 20134.
Tableau 3. Une forte méconnaissance du risque d’inondation
|
Saint-Alyre (Clermont-Ferrand)
|
Martres-de-Veyre
|
Cournon-d’Auvergne
|
Total
|
Nombre de répondants
|
40
|
40
|
40
|
120
|
Votre quartier est-il soumis à un risque naturel
|
Oui 8
Non 32
|
Oui 13
Non 27
|
Oui 7
Non 33
|
Oui 28 – 23 %
Non 92 – 77 %
|
Votre quartier est-il soumis au risque d’inondation ?
|
Oui 2
Non 38 (5 %)
|
Oui 4
Non 36 (10 %)
|
Oui 3
Non 37 (7,5 %)
|
Oui 9 – 7,5 %
Non 111 – 92,5 %
|
23Comme le montrent les réponses aux entretiens approfondis, cette méconnaissance ne repose pas seulement sur une ignorance du risque local :
Q. : « Votre ville est-elle soumise au risque d’inondation ? »
R.1 : « Non, je ne pense pas, pas plus qu’ailleurs » [femme, 18-30 ans, propriétaire, Cournon] ;
R.2 : « Non, Je n’ai pas l’impression qu’il y a ce risque à Clermont » [femme entre 31-45 ans, propriétaire, Clermont-Ferrand]
24Deux enseignements peuvent déjà être retenus de ces résultats.
25Le premier est que cette méconnaissance est fondée sur une mauvaise compréhension des facteurs qui peuvent provoquer des inondations de grandes ampleurs. Le risque d’inondation du quartier de Saint-Alyre est lié à l’existence de bassins versants très accidentés en amont de la rivière qui le traverse, la Tiretaine, en particulier dans sa partie sommitale essentiellement volcanique. Pourtant, cet habitant appuie son raisonnement sur autre chose : son quartier, au milieu duquel coule la Tiretaine, est en haut de la ville : « S’il y a des inondations ici il y a de quoi s’inquiéter car on est sur la partie haute de Clermont » (femme entre 31-45 ans, propriétaire). Un autre évalue le risque en fonction de la taille de la rivière en période calme : « Non, je ne pense pas [que ce quartier soit soumis à ce risque] parce qu’on n’a pas de fleuve proche. Je sais qu’il y a la Tiretaine, mais c’est une toute petite rivière » (femme entre 31-45 ans, propriétaire). Alors que, de manière contre-intuitive, « ce sont par exemple les petits ruisseaux qui sont souvent à sec pendant l’année qui seront les plus dangereux pour les automobilistes en cas de crues rapides. Car le danger est lié à la taille du bassin-versant, c’est-à-dire la surface de collecte des eaux : plus celui-ci est petit plus la durée qui sépare les pluies des inondations est faible » (Ruin. 2024), Ainsi, faute d’une compréhension du risque, les habitants pensent spontanément aux grandes rivières en cas d’inondation, ne prenant pas en compte un élément tout aussi important de la dangerosité du phénomène : la pente du bassin-versant en amont de la zone inondable.
26La seconde analyse est que cette méconnaissance est plus prononcée parmi les répondants habitant l’aire urbaine de la zone considérée (Clermont-Ferrand : 95 % des répondants ignorent habiter dans une zone à risque d’inondation) que ceux de la ville moyenne (Cournon-d’Auvergne : c’est le cas de 90 % des résidents interrogés) et du village (Les Martres-de-Veyre : 85 %). Cette méconnaissance accrue dans le cas des résidents de grande ville régionale doit être corrélée avec la perception différenciée de la nature à l’intérieur et à l’extérieur de l’aire urbaine de la part des citadins. Des habitants d’une grande aire urbaine (Grenoble) interrogés sur la différence qu’ils faisaient entre les espaces naturels situés dans leur ville et à l’extérieur opposent de manière significative la nature domestique à la nature sauvage. Les espaces naturels urbains sont considérés comme relevant d’une nature « cultivée, façonnée, dirigée », bien loin de la nature « sauvage », « désordonnée » extérieure à la ville (Tchékémian, 2018 : 10). Dans le cas de Clermont-Ferrand, cette différence de perception entre nature sauvage et nature urbaine domestique (moins risquée) est d’autant plus probable que la rivière la plus concernée par un important risque de crue, la Tiretaine, est une rivière majoritairement souterraine dans le quartier étudié. Cette rivière, considérée comme tout à l’égout, a été d’abord recouverte pour masquer les odeurs qu’elle charriait après la Deuxième Guerre mondiale ; puis par des logements pour répondre à la demande de construction immobilière dans les années 80 (La Montagne, 30/07/2018). Souterraine, invisible et – en apparence – domestiquée, cette rivière correspond ainsi parfaitement à l’image – pourtant fausse – d’une nature « contrôlée ».
27Dans ces conditions, comment faire en sorte que les riverains des communes concernées par les risques d’inondation soient préoccupés par ces dangers et se renseignent sur le sujet ? Quand c’est le cas, quelles campagnes de sensibilisation, arguments et informations les touchent le plus ?
28Plus précisément encore, quelles obligations communicationnelles prévues par le code de l’environnement (articles L 125 – 2 et R 125 – 9 à R 125 – 27) se révèlent les plus pertinentes ? En effet, ces DICRIM doivent contenir un certain nombre d’éléments tels que la liste des risques répertoriés sur la commune, les actions de prévention, de protection et de sauvegarde telles que les consignes individuelles de sécurité, les moyens d’alerte généraux, les systèmes de surveillance et de prévision, les évènements et catastrophes passés arrivés dans la commune, la liste ou la carte des repères de crues, ainsi que toutes les informations que le Maire juge utiles5. Parmi toutes ces informations, lesquelles sont considérées comme particulièrement importantes et intéressantes par les riverains concernés ? Pourquoi d’autres rubriques sont-elles, à l’inverse, jugées secondaires ? En quoi la manière dont les riverains lisent les contenus diffusés dans ces campagnes de sensibilisation nous éclaire sur les logiques individuelles et sociales d’appropriation de ces contenus ?
29Pour répondre à ces questions, les riverains sont interrogés sur leur lecture et leur intérêt comparés pour deux documents (Fig. 2) de sensibilisation. Le premier est le DICRIM de leur commune, plus précisément la partie consacrée au risque d’inondation de leur territoire. L’autre est un document général produit par le service de prévision des crues, Vigicrues. Plusieurs résultats communicationnels ressortent. Ils peuvent être regroupés en deux parties. Les premiers mettent en lumière le type d’argument qui permet de réduire la distance psychologique des riverains vis-à-vis du risque d’inondation. Les deuxièmes éclairent sur les critères de hiérarchisation des informations jugées importantes et pertinentes du point de vue de ces habitants.
30Dans le domaine plus spécifique de l’information préventive, la valeur de l’information dépend de l’existence du risque, de l’importance du risque pour soi (« ce risque me concerne-t-il personnellement ? »), du sentiment que le riverain a de pouvoir faire quelque chose pour réduire ce risque (Huurne, 2008). Autrement dit, une bonne campagne de prévention doit être capable d’expliquer aux habitants que ce risque les concerne directement.
31Or, parmi les résultats de cette enquête, l’une tient à une remarque exprimée spontanément par 10 répondants sur 50 de ne pas savoir, sur la base de ces documents, si leur zone d’habitation ou de travail est spécifiquement concernée par ce risque d’inondation. Cette demande est exprimée de diverses façons. Elle l’est quand les répondants regrettent de ne pas avoir de cartographie de la zone leur permettant de repérer si leur rue ou leur quartier est en zone inondable. C’est encore le cas de ceux qui déplorent de ne pas avoir de photographies d’inondations locales :
R.1 : « Elle n’est pas précise. Il doit y avoir une carte avec, qui montre si l’habitation est soumise au risque ou pas » [Femme, 31-45 ans, propriétaire, Cournon-d’Auvergne, commentaire des documents 1].
R.2 : « Il faudrait une cartographie. On pourrait être plus disciplinés en disant faites attention à tel ou tel endroit. Je pense aux nouveaux arrivants. […] ici. En termes de prévention de risque, les caravanes de Mirefleurs doivent être alertées. Ils sont là depuis 6 mois. Ils ont des enfants. Il y a des familles. Là-bas, il faudrait vraiment les alerter » [Femme, 31-45 ans, propriétaire, Cournon-d’Auvergne, commentaire des documents 1]
R.3 : « Je pense que ça aurait pu être plus intéressant d’avoir une carte. Est-ce que toute la commune est concernée ? Est-ce que c’est juste certaines zones ? Je dois trouver spontanément ma maison sur la carte. Si elle est dans une zone à risque, je vais aller chercher d’autres informations sur ce risque. Mais, là, comme ça, non. C’est une affiche insuffisante. Ça ne me concerne pas » [Homme, 31-45 ans, propriétaire, quartier Saint-Alyre de Clermont-Ferrand, commentaire du DICRIM communal].
R.4 : « Le truc qui manque est une carte qui montre le risque à côté de chez soi, qui permet de visualiser quelles sont les zones vraiment à risque, parce que là on nous dit l’Allier a débordé, mais on ne sait pas sur quel périmètre » [Femme, propriétaire, 18-30 ans, quartier Saint-Alyre de Clermont-Ferrand, commentaire du DICRIM communal].
R.5 : « Cette affiche du gouvernement est moins bien que celle de la commune. Je sais qu’elle est standard, mais elle ne m’apprend pas les risques dans ma commune » [Femme, 18-45 ans, propriétaire, les Martres-de-Veyre, commentaire de l’affiche Vigicrue].
32Comment expliquer le poids accordé aux cartes et aux photographies locales ? Précisément parce que la valeur des informations données par une carte ou une photographie du territoire est, du point de vue d’un habitant, plus forte qu’une information générale. Une carte permet à l’habitant de répondre à l’interrogation suivante : ma rue est-elle ou non dans des zones à risques ? (Verlynde, 2018, p. 148). On peut parler ici de valeur d’usage. Plus un habitant se sent concerné par une information, plus il la trouvera pertinente ou utile pour lui. Mieux, informer les riverains des routes, quartiers ou zones les plus concernés « peut permettre d’éviter que le risque soit surestimé ou sous-estimé […] [voire] favoriser chez les habitants le développement de cette connaissance du risque [qui] peut ainsi renforcer leur sentiment de sécurité ainsi que les liens de confiance envers les autorités publiques » (ibid., p. 377). Ce dernier élément n’est pas anodin. La confiance accordée par les habitants aux experts et autorités, voire élus, en charge de la gestion et/ou de la prévention des risques ayant une influence directe sur leur perception de ces risques, tout comme leur adoption de comportements en atténuant les effets (Wachinger et al., 2013). Pour ce faire, il faut toutefois, que ces cartes de risques soient à la fois clairement lisibles, plus simplifiées pour le grand public que pour des experts, et donc rédigées de manière compréhensible (Arnaud, 2015). Ce travail de mise en forme des cartographies demande des compétences professionnelles dont ne disposent pas forcément toutes les équipes communales, notamment les plus petites (ibid.). L’idée sous-jacente à la publication systématique d’une carte étant que les habitants des quartiers visuellement marqués comme plus risqués se sentiraient plus concernés afin qu’ils prennent plus de mesures préventives. Cette stratégie repose sur l’idée que les populations peuvent vivre dans des zones à risque, si elles sont clairement conscientes de vivre dans ces quartiers davantage soumis à l’aléa (Lavigne et al., 2017). Or, pour le moment, si une partie des DICRIM contient une carte, plus ou moins bien présentée (Arnaud, 2015), d’autres – comme ceux du corpus - en sont dépourvus.
33Outre ce qu’il manque le plus, les données font ressortir un autre résultat : les informations qui comptent le plus. Elles sont de deux types : d’une part, les conseils sur les comportements à adopter en cas d’inondation (Tab. 4), d’autre part, les précisions sur les alertes (13 répondants sur 50 ont relevé et jugé importante cette information). Autrement dit, les informations qui comptent le plus relèvent de deux registres : les conseils pratiques et concrets plus que les explications historiques ou le rôle des acteurs du risque.
Tableau 4. Les informations jugées par les riverains les plus intéressantes
Cette affiche vient du ministère, c’est une affiche standard qui parle aussi des inondations. Qu’est-ce que vous en pensez
|
Ne s’exprime pas sur le sujet
|
Avis négatifs sur le caractère concret et direct des informations
|
Avis positifs sur le caractère direct et concret des informations
|
50 répondants
|
7 (14 %)
|
7 (14 %)
|
36 (72 %)
|
50
|
34Ce double jugement, massif, prend la forme de multiples arguments :
Q. « Est-ce qu’en lisant ce document, cela vous donne envie d’aller vous renseigner sur ce risque ? Quelle note donneriez-vous à ce document de prévention ? »
R.1 : « Cet encart est la partie la plus importante, car on se demande comment on peut agir en cas d’inondation. Là, c’est expliqué » [Femme, 18-30 ans, propriétaire de mon logement, les Martres-de-Veyre, commentaire du document Vigicrue].
R.2 : « Moi, j’aurais centré sur le comment agir. Il n’est pas bien mis en évidence alors que c’est la partie la plus importante à connaître en cas d’inondation [Femme, 18-30 ans, locataire, quartier Saint-Alyre de Clermont-Ferrand, commentaire du DICRIM municipal].
R.3 « Elle est beaucoup plus claire. Enfin, il y a moins d’informations. Finalement, elles sont plus essentielles. Je m’informe, je ne sors pas, je ne prends pas ma voiture, je ne descends pas dans les sous-sols. Je me soucie des personnes proches, je ne m’engage pas dans ma voiture ni à pied, je m’éloigne des cours d’eau, je ne vais pas chercher mes enfants à l’école, c’est clair, c’est précis. C’est une liste de consignes, pan, pan » [Homme, 46-60, propriétaire, Cournon-d’Auvergne, document Vigicrue].
35Comment expliquer la primauté accordée à ces informations ? Il serait possible de n’y voir qu’un souci d’économie cognitive des riverains cherchant à réduire le temps à accorder à ce « travail de prévention » à l’essentiel, en ne privilégiant que les informations les plus indispensables à leur sécurité. Mais cette première explication est loin d’être suffisante. Plusieurs autres facteurs peuvent être convoqués. Le premier tient à l’une des conséquences accordées à la qualité « information de valeur ». Quand un riverain estime recevoir des informations, des explications qui ont, à ses yeux, de la valeur, il se considère au fond « bien informé ». Cette corrélation entre sentiment de connaître ce qu’il faut d’important à propos d’un risque (d’être bien informé) et le niveau de connaissance des consignes de sécurité a d’ailleurs été constatée dans un autre type de risque, le risque industriel. En effet, « les personnes qui se sentent suffisamment informées sont celles qui affirment déjà connaître les consignes de sécurité, les modalités d’alerte et les méthodes de prévention » (Glatron et Beck, 2010, p. 8). Cela ne signifie pas que les riverains soient réellement bien informés des risques locaux, la première partie de cet article en atteste. Cela signifie simplement qu’ils se considèrent comme étant bien informés parce qu’ils ont le sentiment de connaître l’essentiel et qu’à ce titre, ils sont satisfaits de la campagne diffusée.
36Une troisième explication doit être évoquée. Elle prend en compte les théories de la motivation à la protection qui recommandent qu’un message émotionnel soit associé à des propositions de comportements-solutions. Ces recommandations s’appuient sur les théories d’auto-efficacité perçue suivant lesquelles plus un individu se sent capable d’adopter les recommandations (Bandura, 1977), plus il aura la conviction qu’il peut se protéger en adoptant des comportements réalisables, plus il aura de raisons d’agir ou de valider la pertinence des comportements de prévention. De manière complémentaire, plus les recommandations données seront perçues comme réalisables (monter à l’étage, écouter la radio, débrancher les appareils électriques…), plus ce sentiment d’auto-efficacité va augmenter. En d’autres termes, ce n’est pas seulement parce que le comment agir est très protecteur qu’il est jugé très important, c’est aussi parce qu’il donne aux riverains la conviction qu’ils sauront faire face à ce danger si nécessaire.
37Au terme de ce travail, quelles informations sensibilisent davantage les riverains ?
38En premier lieu, aucune des trois communes concernées par le risque d’inondation n’a, à ce jour, réussi à sensibiliser la population. Le taux de connaissance du risque local est très faible. Cette méconnaissance s’étend aux gestes de prévention à adopter avant un aléa et aux comportements à avoir en cas d’inondation.
39Par ailleurs, ces DICRIM ne mettent pas systématiquement en avant de manière compréhensible et lisible les informations jugées, par les riverains, les plus importantes. Aucune des communes étudiées ne diffuse ainsi une carte des risques qui permettrait pourtant aux riverains de savoir si leur quartier, leur rue ou leur zone est directement concerné. Pourtant, cibler sur la dimension personnelle du danger est un des meilleurs moyens pour que les habitants se sentent concernés, s’approprient ce danger et engagent une démarche active d’information complémentaire.
40Ce manque de clarté ne s’explique pas par un défaut de place puisque, en parallèle, les communes n’hésitent pas à réserver un espace conséquent dans leurs documents à un paragraphe sur les « mesures prises », de manière à justifier auprès de leurs électeurs leurs actions en la matière.
41On peut en effet se demander si les documents édités par les communes manquent de clarté en raison de la position dans laquelle se trouvent les municipalités. La loi n° 87-565 les oblige en effet à informer les habitants des risques qui existent sur leur commune. Or, comme tout risque naturel, le risque d’inondation est le produit du niveau de danger de l’inondation potentielle multiplié par le nombre d’habitants, d’habitations et d’équipements possiblement touchés. Autrement dit, les communes ont l’obligation de communiquer sur un risque accru par l’extension des zones constructibles autorisées par les municipalités, précédentes ou actuelles. Qui plus est, les visées des communications communales ne se limitent pas à leurs objectifs d’information publique. S’y mêlent des objectifs institutionnels et politiques de promotion de l’action municipale inhérents à la position d’élus des personnes qui ont la responsabilité de ces opérations de communication.
42À la lumière de ces analyses, une partie des obligations du code de l’environnement régissant le contenu des DICRIM pose question. Plusieurs rubriques, obligatoires, y sont listées : la liste des risques répertoriés sur la commune, les actions de prévention, de protection et de sauvegarde telles que les consignes individuelles de sécurité, les moyens d’alerte généraux, les systèmes de surveillance et de prévision, les événements et catastrophes passés qui se sont produits dans la commune, la liste ou carte des repères de crues. Or, les résultats de cette recherche montrent que, dans un objectif de prévention du grand public, il est important de hiérarchiser ces rubriques en priorisant les consignes individuelles de sécurité. Surtout, cette recherche montre qu’une réflexion doit être menée sur le choix des acteurs les plus à mêmes de mener ce type de campagne de prévention régionale, la position d’élu local comptable de décisions actuelles ou passée n’offrant pas toutes les conditions à la mise en place d’une campagne de prévention à la fois focalisée sur les informations à fournir aux riverains et soucieuse de sensibiliser de manière déterminée à la prise de conscience de l’ampleur des risques locaux. Compte tenu de l’augmentation des risques d’inondation en raison du réchauffement climatique, l’ajustement du volet communicationnel du code de l’environnement apparaît ainsi nécessaire.