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Usages des médias numériques, santé mentale et bien-être : nouvelles perspectives pour un développement des dimensions sociales dans les recherches

Didier Courbet et Marie-Pierre Fourquet-Courbet

Résumés

Cet article, premièrement, dresse une synthèse critique de récentes recherches sur les liens entre usages des médias numériques et bien-être, peu connues dans la communauté francophone. Le bien-être est défini comme une composante fondamentale de la santé mentale, nécessaire pour s’adapter de manière satisfaisante à l’environnement. Les principaux résultats des études sur les relations entre usages des médias numériques et les bien-être hédonique et psychologique sont indiqués. Deuxièmement, après avoir expliqué pourquoi les travaux actuels sont cantonnés à l’échelle individuelle, l’article propose, pour la première fois dans la littérature, un cadre théorique original qui apporte une dimension plus sociale à ce domaine d’études, à partir du concept de bien-être social de Keyes (1998). A partir de ce cadre, de nouvelles perspectives de recherche heuristiques pour les sciences de l’information et de communication sont proposées.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 En raison de leurs fondements ontologiques et épistémologiques, les problématiques de santé s'intér (...)
  • 2 Dans la suite de l’article, pour éviter les redondances, les médias numériques sont appelés « média (...)

1Au cours des deux dernières décennies, les recherches sur les médias ont été marquées par un fort développement des travaux sur les liens entre les usages des médias numériques, la santé mentale et le bien-être. Un premier courant s‘intéresse aux liens « délétères »1 entre, d’une part, les usages des médias numériques2 (ex. smartphone, médias sociaux, Internet…) et, d’autre part, la santé mentale des enfants, adolescents et adultes. Ainsi, un grand nombre de recherches ont mis en évidence des relations entre certains usages, parfois appelés excessifs et problématiques, et le développement de différents types de troubles et difficultés, plus ou moins marqués, altérant le bien-être : des troubles anxieux, des symptômes dépressifs, du stress délétère, de la « nomophobie » (anxiété liée au risque d’être sans mobile ou que ce dernier soit inopérant), de la FOMO (« Fear Of Missing Out », c’est-à-dire la peur de manquer quelque chose d’important sur les réseaux sociaux numériques -RSN-), des troubles du sommeil et des « troubles addictifs » liés par exemple aux jeux vidéo (pour une synthèse en langue française voir Courbet, Fourquet-Courbet & Amato, 2020 ; Fourquet-Courbet & Courbet, 2020). Sans être focalisés sur une problématique de santé, certains travaux mettent tout de même en évidence des difficultés émotionnelles, comme « une zone de conflit intérieur […] qui tracasse les adolescents » lors d’usages de Snapchat (Corroy & Jehel, 2023).

2Un deuxième courant de recherche, apparu plus récemment, s’intéresse, à l’opposé, aux liens « bénéfiques » entre usages des médias, santé mentale et bien-être (Reinecke & Oliver, 2017). Ce courant trouve sa source dans le paradigme des usages et satisfactions (Katz, Blumler & Gurevitch, 1974) dont l’objectif est d’étudier empiriquement comment les personnes utilisent activement et stratégiquement les médias pour satisfaire, de manière plus ou moins consciente et planifiée, des besoins et objectifs psychologiques et psychosociaux, et en retirer des satisfactions spécifiques (Whiting & Williams, 2013). Ainsi, dans les travaux récents, les chercheurs considèrent qu’une partie significative de ces besoins et satisfactions sont liés au bien-être (Raney et al., 2020).

3Alors que pendant longtemps la santé mentale a été définie comme l’absence de troubles mentaux, dans les conceptions actuelles une deuxième dimension a été ajoutée, représentée par un continuum avec, à chaque extrémité, le bien-être vs le mal-être (voir Doré & Caron, 2017). Plus généralement, selon l’Organisation Mondiale de la Santé3, la santé mentale est « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté ». Un minimum de bien-être est donc indispensable pour apporter des ressources nécessaires à l’être humain pour qu’il puisse, de manière autonome, au niveau individuel et collectif, penser, ressentir, participer et s’intégrer socialement, s’adapter à son environnement, gagner sa vie, satisfaire besoins et objectifs, et « profiter » (au moins un minimum) de l’existence. Lorsque le bien-être est altéré, le niveau de « fonctionnement » de la personne est réduit, qu’elle souffre ou non de troubles mentaux. Ses ressources psychosociales ne lui permettent pas de s’adapter de manière satisfaisante à son environnement, ce qui la handicape pour vivre sa vie, sur les plans physique, psychologique, social et économique.

4Dans la plupart des recherches sur les usages des médias et le bien‑être, ce dernier, synonyme de « santé mentale positive » (Westerhof & Keyes, 2010 ; Keyes, 2013), est ainsi lié à la capacité des personnes à réaliser des fonctions essentielles à « une vie humaine digne » au sens de la philosophe Martha Nussbaum (2012). Au regard de l’importance des usages numériques dans nos sociétés, les enjeux de ces deux courants de recherches concernent explicitement la santé publique. En témoigne la récurrence des débats sociaux et médiatiques sur les questions des relations entre les « écrans », la santé mentale et le bien-être.

5Bien qu’une centaine de mesures différentes du bien-être aient été recensées entre 1960 et 2015 (Linton, Dieppe & Medina-Lara, 2016), d’une manière générale, les recherches actuelles ne conçoivent pas ce concept comme un état subjectif unique mais plutôt comme constitué de plusieurs composantes spécifiques, que nous regroupons, pour des raisons pratiques, en deux composantes (voir Martin-Krumm & Tarquinio, 2021) :

  1. une composante hédonique du bien-être est constituée d’expérience(s) momentanée(s) où la personne ressent des affects plaisants (Diener (1984) l’appelle « bien-être hédonique ») et/ou est engagée avec satisfaction dans une activité « passionnante » (flow) ;

  2. une composante psychologique constituée de types de fonctionnements individuels, sources de satisfaction et d’épanouissement, qu’une personne met en place, sur le long terme (e.g. « un mode de vie »), pour s’adapter à son environnement et réaliser des besoins psychosociaux et existentiels ; Ryff (1989) l’appelle « bien-être psychologique ».

  • 4 Cet article s’intéresse aux recherches sur les adultes et adolescents et ne traite pas des enfants. (...)

6Si les recherches sur les usages des médias du premier courant (sur les « altérations » du bien-être) sont accessibles en langue française, ce n’est pas le cas du second. Or, les chercheurs, notamment allemands et hollandais, travaillant sur les « améliorations » du bien-être sont extrêmement dynamiques et leurs travaux sont publiés dans les revues internationales majeures en sciences de la communication. Aussi le premier objectif de cet article est-il d’établir une synthèse des principaux résultats issus d’enquêtes qualitatives, quantitatives et d’expérimentations, de manière à présenter et faire connaître ce domaine de recherches, récemment apparu, à la communauté francophone4. Les deux composantes du bien-être trouvent leur source dans les philosophies grecques antiques distinguant bien-être hédonique et bien-être eudémonique. Dès lors, les travaux sur les usages des médias sont particulièrement développés et bien cadrés théoriquement. Cependant, nous montrerons que ces travaux portent quasi exclusivement sur des dimensions individuelles du bien-être et occultent les dimensions sociales. Or, d’une part, les récentes études montrent que, parce que les humains sont fondamentalement des êtres sociaux (Baumeister & Leary, 1995), les principaux fondements du bien-être se situent à un niveau social, notamment dans les liens aux autres (Waldinger & Schulz, 2023). D’autre part, les humains cherchent à satisfaire des besoins relatifs à ces liens aux autres avec les médias numériques (Jauréguiberry & Proulx, 2011) et les médias sociaux. Ainsi, il nous semble fondamental de développer une troisième composante du bien-être, plus sociale, reposant sur des interactions et des échanges sociaux médiatisés, sources de satisfaction, avec d’autres personnes et avec des collectifs sociaux. Le deuxième objectif de cet article est donc de proposer, pour la première fois dans la littérature, un cadre théorique original qui apporte une dimension plus sociale, à partir des travaux sur le bien-être social de Keyes (1998). Nous montrons comment ce cadre théorique permet de réinterpréter plusieurs résultats empiriques en leur donnant une signification plus sociale, incitant à travailler sur des hypothèses et modèles fondamentalement sociaux. Le troisième objectif est de montrer dans quelle mesure ce cadre théorique ouvre de nouvelles perspectives de recherche heuristiques en sciences de l’information et de la communication.

Usages des médias et composantes hédoniques du bien-être

7De nombreuses recherches montrent comment certains usages des médias contribuent à la régulation des émotions et permettent en cela d’améliorer, au moins à court terme, la composante hédonique du bien-être (Kramer & Leitao, 2023 ; Wolfers & Schneider, 2020). Ainsi, la théorie de la gestion de l’humeur (Zillmann, 1988) explique que certains usages médiatiques permettent, d’une part de générer des émotions positives et, d’autre part, de diminuer l’état émotionnel négatif. Les individus réguleraient leurs émotions en s’exposant à des médias et contenus médiatiques choisis de manière plus ou moins consciente et intentionnelle, en fonction de trois caractéristiques. La première est le potentiel excitateur du média et du contenu selon qu’ils influencent plus ou moins le niveau d’éveil. Le deuxième est leur valence hédonique, un film pouvant, par exemple, être plus ou moins drôle. La troisième caractéristique est leur potentiel d’absorption, c’est-à-dire leur capacité plus ou moins forte à modifier l’humeur. L’individu est fortement absorbé s’il focalise une très forte attention sur un film qui « le transporte » et « l’immerge » dans son histoire. De nombreux travaux empiriques ont validé cette théorie (voir Nabi & Prestin, 2017). Lorsqu’une personne utilise les médias pour réguler ses émotions et améliorer la composante hédonique du bien-être, trois processus expliquent l’efficacité de cette stratégie.

Générer des émotions positives

  • 5 Pour les chercheurs travaillant empiriquement sur les usages médiatiques, au même titre que la sign (...)

8Dans le premier processus, les contenus génèrent des émotions positives, comme de la joie5. Si la personne est en état émotionnel négatif, la stratégie consiste à « ajouter » des émotions positives en s’exposant à des contenus de valence opposée à l’état émotionnel négatif. Par exemple, des émotions positives générées par l’usage des RSN amélioreraient les états affectifs négatifs induits par le stress délétère (Wolfers & Utz, 2022). Ainsi, d’une manière plus générale, regarder des contenus divertissants comme des vidéos drôles (e.g. des vidéos de chats ; Myrick, 2015) permet effectivement de générer, à court terme, un état émotionnel positif (Halfmann & Reinecke, 2021).

« Se changer les idées » avec les médias

9De nombreuses recherches expliquent qu’un grand nombre d’émotions négatives ont pour source des pensées (« cognitions ») ou de la rumination mentale (des pensées récurrentes) à tonalité affective négative (Nolen-Hoeksema, 2000). Ce deuxième processus agit lorsque les ressources attentionnelles sont fortement focalisées sur des contenus médiatiques à grand potentiel d’absorption. Par exemple, un divertissement comique, un film policier fondé sur une histoire complexe ou un film d’horreur ont un grand potentiel d’absorption : temporairement, les ressources attentionnelles ne sont plus allouées aux cognitions délétères mais au contenu médiatique. Ce dernier permet alors de « se changer les idées » et de réduire les affects négatifs associés.

10Dans certaines situations, la stratégie visant à améliorer la composante hédonique du bien-être permet, en outre et à court terme, d’élargir le champ d’action des individus et de les aider à avoir accès à un plus large éventail de pensées et de comportements, augmentant ainsi leurs ressources personnelles, sociales et adaptatives. Ainsi, pendant le confinement lors de l’épidémie de COVID-19, Nabi et ses collègues (2022) ont montré que les contenus divertissants avaient permis d’apaiser les troubles de l’humeur, le stress et d’améliorer la capacité perçue à faire face à la crise, ce qui a stimulé les comportements d’adaptation efficaces.

11Si, à court terme, cette stratégie accroît effectivement le bien-être hédonique, les effets à long terme seraient multiples et plus complexes. Par exemple, utiliser systématiquement cette stratégie, d’une part, traduirait une volonté de s’évader pour ne pas affronter certains problèmes de la vie quotidienne (Eden et al., 2020). D’autre part, elle serait associée à d’autres effets délétères nuisant au bien être, comme l’accroissement du sentiment de solitude (Mauss et al., 2012 ; pour une synthèse des effets délétères, voir Fourquet-Courbet & Courbet, 2020).

Récupérer de la fatigue

12Un troisième processus conduit à restaurer les capacités et ressources psychologiques et physiologiques (Reinecke & Eden, 2017). En effet, regarder des divertissements apporte certes des émotions positives mais permet aussi de récupérer lorsque l’on est fatigué et de retrouver certaines ressources psychologiques temporairement réduites par des activités intellectuelles, cognitives ou du stress délétère (Tice et al., 2007). C’est notamment le cas des comédies (Rieger et al., 2014). En contexte de travail, utiliser de manière ponctuelle et modérée le smartphone peut être une stratégie pertinente quand la personne est stressée, fatiguée ou lorsque ses ressources cognitives commencent à s’épuiser. En effet, regarder une vidéo amusante, consulter ses notifications ou encore envoyer des SMS, à condition que ces pratiques ne provoquent pas un stress supplémentaire, permet de récupérer des ressources cognitives, de « recharger les batteries » pour continuer à être intellectuellement efficace (Wang & Tchernev, 2012), l’ensemble contribuant à instaurer un état émotionnel positif.

Usages des médias et composantes psychologiques du bien-être

13Le bien être psychologique, parfois appelé « épanouissement », n’est pas directement basé sur l’hédonisme à court terme mais davantage sur des fonctionnements psychologiques que l’individu mettrait en œuvre, dans sa vie, pour satisfaire des besoins psychologiques et existentiels à plus long terme. Ryff (1989) a défini six grands besoins correspondants chacun à une dimension du bien-être psychologique (voir Tableau 1).

Tableau 1. Les six dimensions du bien-être psychologique pour Ryff (1989)

Dimensions

Besoins satisfaits

Acceptation de soi

Se connaître et aimer la plupart des aspects de sa personnalité

Maîtrise de l’environnement

Se sentir compétent dans des activités importantes et pour gérer les responsabilités de la vie

Autonomie

Sentir que l’on décide soi-même de sa vie (sentiment de “liberté”), se sentir en confiance pour penser et exprimer ses propres idées, valeurs…

But(s) dans la vie / Sens de la vie

Avoir le sentiment que sa vie a une direction et un sens

Croissance personnelle

Se sentir progresser et capable de s’améliorer

Relations positives avec les autres

Avoir et être capable de nouer des relations personnelles chaleureuses, enrichissantes et sources de soutien social

14Excepté « les relations positives », tous ces besoins sont exclusivement individuels. En outre, certains auteurs ajoutent au bien-être psychologique une autre dimension individuelle : l’engagement régulier dans des expériences et des activités passionnantes conduisant, par exemple, au flow (Csikszentmihalyi, 2013).

Quelques recherches significatives sur quatre dimensions du bien-être psychologique

15Parmi les études sur les usages des médias et les dimensions du bien-être psychologique, les plus illustratives portent sur la croissance personnelle, le sens de la vie, la maîtrise de l’environnement et l’acceptation de soi.

16Des travaux ont montré comment certains usages d’Internet permettent aux usagers d’accroître leurs connaissances et compétences. L’accès aux plates-formes d’actualités, magazines, dictionnaires en ligne, blogs, vidéos documentaires ou autres tutoriels contribue, en effet, à augmenter le sentiment de croissance personnelle (Whiting & Williams, 2013).

17Plusieurs études ont montré que des films avec des histoires centrées sur des problématiques eudémoniques, c’est-à-dire fortement spirituelles et incitant à réfléchir sur les valeurs, le sens de la vie, les relations humaines, les vertus ou les forces de caractère, diminuent le stress délétère, les symptômes dépressifs et améliorent le bien-être (Skarupski, Fitchett & Evans, 2010). Knobloch-Westerwick et ses collègues (2013) ont montré que ce type de films stimulent la spiritualité des spectateurs et leur volonté de développer leurs propres vertus, contribuant au final à l’amélioration de leur bien-être psychologique. C’est, par exemple, le cas de films avec des héros ou héroïnes ayant de fortes valeurs prosociales (comme Gandhi, Mère Teresa). Les spectateurs développeraient alors leurs ressources personnelles et vertus en observant le héros, en s’inspirant de lui par des mécanismes d’apprentissage social, voire, pour certains, en s’identifiant à lui.

18Les films qui mettent en scène des vertus morales (comme la gratitude, la fidélité, la loyauté, la générosité) contribuent à effectivement faire s’élever spirituellement les spectateurs (Oliver, Hartmann & Woolley, 2012). L’élévation morale ou spirituelle est alors ressentie comme une expérience étant, entre autres, chaleureuse et conduisant à une « expansion de soi ». Selon Oliver & Raney (2011), lorsque la narration du film, soit transmet un message en lien avec des valeurs et le sens de la vie, soit propose une vision différente de celle des récepteurs, elle incite ces derniers à questionner leurs croyances. Ils doivent alors relever un défi cognitif où leurs représentations et valeurs sont mises en tension. Ce conflit entre le monde proposé par le film et le monde du spectateur met ce dernier en état de dissonance cognitive et l’engage à conduire une réflexion intellectuelle pour la résoudre, ce qui finalement peut l’enrichir. De plus, ces films mettent souvent en scène de grandes thématiques sémio-narratives en lien avec les valeurs, les relations humaines et les forces de caractère personnelles. Peterson et Seligman (2004) dénombrent six forces de caractère : la sagesse et la connaissance, le courage, l’humanité et l’amour, la justice, la tempérance et la modération, la transcendance et la spiritualité. En amenant les récepteurs à réfléchir à ces thématiques, ce type de films peuvent les conduire à accroître leurs forces de caractère dans leur propre vie (Bartsch & Oliver, 2017). Par ailleurs, certaines personnes choisiraient de souvent regarder des films tragiques ou poignants car ils leur permettraient de mieux réfléchir au but de la vie (Oliver & Raney, 2011). Ainsi, selon Wirth et ses collègues (2012), la réception de ce type de film et plus généralement des films qui parlent du sens de la vie, d’une part, favoriserait l’émergence d’une croyance, chez les récepteurs, selon laquelle la vie en tant que telle a de la valeur et, d’autre part, favoriserait une meilleure acceptation de soi, de ses qualités et défauts, de la vie telle qu’elle se présente, pour mieux ensuite lui donner un sens.

Amélioration du bien-être psychologique en contexte anxiogène

19Lors du confinement lié à la pandémie de Covid-19, trois types d’usages des médias ont contribué à accroître le sens de la vie en lien avec des valeurs (Courbet et al., 2022). Les personnes interrogées ont en effet développé des « stratégies basées sur les médias » pour mieux s’adapter au confinement. Elles ont déclaré être ensuite devenues plus sereines face à l’incertitude et à l’anxiété associées au contexte de l’épidémie. Une première stratégie, d’orientation affective, a consisté, pour certaines familles, à développer des rituels où elles regardaient régulièrement des films ensemble. Ces usages ont contribué à développer les valeurs parentales et familiales (Schnell, 2009). Une deuxième stratégie d’orientation cognitive a consisté pour certains à développer leurs croyances et leur spiritualité en discutant, par exemple de religion, sur le réseau social Facebook. Une troisième stratégie d’orientation comportementale a consisté à transmettre activement aux autres des valeurs sociales sur le « monde d’après » via le réseau social LinkedIn.

Engagement et flow

20D’autres recherches ont porté sur les usages médiatiques en relation avec le concept d’engagement (Seligman, 2018). L’engagement dans des activités intéressantes, passionnantes incitant à se dépasser pour réaliser des défis peut conduire à vivre des « expériences optimales » ou de flow. Ces dernières sont caractérisées par un sentiment d’absorption totale dans l’activité, avec une intense concentration agréable, un sentiment de plénitude et un sentiment de maîtrise et de savoir-faire (Csikszentmihaly, 1990). Des recherches ont été réalisées sur le flow atteint en jouant à des jeux vidéo (Cowley et al., 2008). Ces usages, à condition que la personne ne soit pas dépendante aux jeux vidéo, conduisent à améliorer le bien-être. Généralement, l’engagement via des usages numériques est d’autant plus fort et a d’autant plus d’impact sur le bien-être qu’il concerne des activités que la personne a elle-même choisies, liées à ses valeurs personnelles et qui la conduisent à sentir qu’elle accroît ses compétences personnelles.

Usages des médias et composantes sociales du bien-être : nouvelles perspectives théoriques

21Dans les travaux sur les liens entre usages des médias et bien-être, ce dernier est essentiellement considéré dans ses dimensions individuelles. Lorsque des aspects sociaux sont pris en compte, ils sont réduits aux rôles de simples déterminants du bien-être individuel (e.g. Ryff, 1989) ; par exemple les relations interpersonnelles positives sont sources de plaisir hédoniste ou de soutien lorsque les personnes ont des difficultés psychologiques. Plusieurs raisons expliquent pourquoi les recherches focalisent autant sur les aspects individuels.

22Globalement, le concept de bien-être est peu étudié en sociologie. Brulé (2021) explique que la plupart des travaux dans cette discipline, se focalisent plutôt « sur ce qui ne va pas », suivant en cela une « inclinaison négativiste ». De plus, sur le plan épistémologique, l’étude du bien‑être subjectif nécessite de construire des théories à partir des perceptions et représentation des acteurs, démarche que certains sociologues considèrent comme étant trop subjective. Par ailleurs, les travaux sur les usages et satisfactions se sont développés au sein de la tradition libérale et « individualisante » des recherches nord-américaines. Ainsi, dans l’espace francophone des sciences de l’information et de la communication, au sein du courant de la sociologie des usages des médias (voir Proulx, 2015 ; Jouët, 2011), on note qu’aucune problématique ne porte sur le bien-être.

23Or, premièrement, de récentes recherches montrent que les principaux fondements du bien-être sont de nature sociale et se trouvent essentiellement dans les liens aux autres (Waldinger & Schultz, 2023). En effet, les humains étant fondamentalement des êtres sociaux, ils essaient activement de satisfaire des besoins associés aux liens sociaux et à la vie collective (Baumeister & Leary, 1995). Deuxièmement, un nombre toujours plus important de personnes cherchent à satisfaire des besoins relatifs à ces liens avec les médias numériques et les médias sociaux (Jauréguiberry & Proulx, 2011) dont la fréquentation s’est fortement accrue ces dernières années. Ainsi, nous proposons d’élargir les perspectives essentiellement individuelles de ce domaine de recherche en apportant une dimension plus sociale, consistant à davantage prendre en compte, en contexte médiatique, les sources de satisfaction en lien avec des interactions et échanges des sujets sociaux entre eux et avec des collectifs sociaux. Il s’agit de considérer le bien-être, concept central de la problématique, à une échelle plus collective, conduisant sur le plan épistémologique à considérer les déterminants, les processus et les conséquences des usages médiatiques sous un angle social et/ou psychosocial. Cependant, très peu de recherches en sciences sociales ont développé une conception sociale du bien-être. À notre connaissance, seul Keyes (1998) a proposé un tel concept, validé empiriquement par des analyses factorielles. Selon ses travaux, le bien-être social serait composé de 5 dimensions (voir Tableau 2).

Tableau 2. Les cinq composantes du bien-être social, traduit et adapté de Keyes (1998)

Composantes

Besoins sociaux satisfaits

Intégration sociale

Se sentir appartenir à une communauté, en cohésion avec elle et socialement soutenu.

Acceptation sociale

Avoir une attitude positive à l’égard des autres ; être “ouvert” aux autres et accepter leurs différences.

Contribution sociale

Considérer que ses propres activités quotidiennes sont utiles et appréciées par la société et les autres.

Cohérence sociale

Penser que ce qui se passe dans sa communauté ou dans la société a un sens et être en accord avec lui

Croissance sociale

Croire que les collectifs (institutions, société, groupes sociaux…) peuvent s’améliorer et améliorer les individus qui y participent.

24Pour mieux comprendre les usages des médias, le concept de bien-être social et ses cinq dimensions semblent pertinents et heuristiques dans la mesure où ils offrent les bases d’un nouveau cadre théorique. Ainsi, nous montrons, comment ce dernier permet, premièrement, de mener des études à une échelle sociale et, deuxièmement, de réinterpréter plusieurs résultats de recherches empiriques et expérimentales, initialement positionnées par leurs auteurs en référence au seul bien-être individuel. Troisièmement, nous expliquons en quoi ce cadre théorique ouvre de nouvelles perspectives de recherche heuristiques en sciences de l’information et de la communication.

Usages des médias et intégration sociale

25Depuis plus d’une décennie, de nombreux travaux ont mis en évidence que des usages actifs des RSN, c’est-à-dire consistant en des échanges effectifs de messages étaient positivement liés au bien-être, à la différence des usages passifs, consistant à « scroller » sans échanger. Deux explications théoriques à ce phénomène ont été apportées récemment, basées sur deux types de processus de nature sociale, favorisant l’intégration sociale. Le premier est lié aux relations sociales, le deuxième au besoin d’identité sociale.

Usages actifs des RSN et relations sociales avec les proches

26Améliorer l’intégration sociale par les usages numériques ne dépend pas de déterminants individuels, ni du nombre de personnes connectées avec soi. Les résultats d’une méta-analyse portant sur 124 études montrent que les usages numériques améliorent le bien-être lorsqu’ils favorisent les relations sociales avec les proches (Liu et al., 2019), c’est-à-dire les personnes auxquelles nous sommes affectivement attachés et qui sont importantes dans notre vie (notre famille, nos amis ; Siongers & Spruyt, 2023). Dans le modèle actif-passif étendu, Verduyn, Gugushvili et Kross (2022) précisent que les relations qui accroissent le bien-être sont, d’une part, perçues comme réciproques, chacun montrant de l’intérêt pour l’autre, et, d’autre part, perçues comme chaleureuses (les auteurs parlant alors de « communion » entre les interactants).

27Ainsi, la communication vocale synchrone ou asynchrone, les échanges écrits sur des messageries et les SMS sont-ils des usages actifs qui favorisent le bien-être parce qu’ils donnent l’occasion d’interactions avec les proches. Ils facilitent également les rencontres en présentiel (sorties, soirées…) avec eux. De même, les vidéos et les divertissements encouragent l’intégration sociale parce qu’ils font également souvent l’objet d’interactions avec les proches, permettant ainsi de vivre des expériences socio-émotionnelles positives qui rapprochent affectivement. Soit les divertissements sont regardés collectivement en présentiel, offrant alors des moments de partages sociaux agréables. Soit ils font l’objet d’un partage en ligne stimulant les interactions sociales médiatisées par les écrans. Ces deux derniers processus sociaux seraient également impliqués dans les usages des jeux vidéo multijoueurs en ligne (Bernard & Courbet, 2023). En reprenant la terminologie de Bourdieu (1980), les usages actifs stimulent le capital social de liaison, c’est-à-dire les liens socio-affectifs dits « forts » avec la famille et les amis (Mitev et al, 2021). Entre proches, et par des processus médiatisés, ils favorisent la coopération, l’entraide, la solidarité et le soutien social. Pour Galibert et Cordelier (2023), ce dernier ne s’inscrit pas uniquement dans une perspective sanitaire mais, au-delà, « dans une perspective existentielle et de bien-être » (p. 10). En outre et plus généralement, l’amélioration de l’intégration sociale joue favorablement sur l’estime de soi et la gestion des émotions (Bum & Jeon, 2016), montrant ainsi que les composantes sociales du bien-être peuvent être des antécédents aux deux autres composantes hédoniques et psychologiques du bien-être.

28Développer les recherches en lien avec le concept d’intégration sociale ouvre d’intéressantes perspectives de recherche. Par exemple, de récents travaux montrent que, globalement, lorsque les personnes n’ont pas ou très peu d’interactions sociales dans leur vie hors ligne, leur bien-être est meilleur lorsqu’elles développent des interactions sociales en ligne. Si des recherches ont montré que ces dernières procurent moins de bien-être que les interactions en présentiel (Kroencke et al, 2023), d’autres ont montré que, parfois, c’est le contraire : certains échanges sociaux en ligne apportent davantage de satisfaction qu’hors ligne (Utz & Breuer, 2017). Le concept d’intégration sociale contribuerait à mieux comprendre ces apparentes contradictions. De même, pourquoi les personnes ressentant un faible bien‑être recherchent‑elles spontanément du soutien social en ligne plutôt que hors ligne (Utz & Breuer, 2017) ? Plus généralement, en accord avec l’hypothèse de la compensation (Kardefelt-Winther, 2014), la communication numérique permettrait de compenser un manque de compétences psychosociales dans la vie hors ligne, par exemple chez ceux qui ressentent de la timidité en situation de communication en présentiel (Attrill, 2015). Le concept d’intégration sociale offre un cadre permettant de mieux comprendre d’autres difficultés communicationnelles susceptibles d’être compensées.

Usages actifs des RSN et identité sociale

29Plusieurs recherches ont montré que les usages actifs des RSN contribuent à satisfaire un besoin d’identité sociale (Liu et al., 2019), ce qui améliore le bien-être. Ils donnent la possibilité de publier les informations qui semblent les plus pertinentes et valorisantes pour « se présenter » aux autres. Ainsi, nombreuses sont les personnes qui présentent une version idéalisée de leur identité personnelle et sociale, correspondant à l’image d’elles-mêmes qu’elles souhaitent donner aux autres. Les travaux de Goffman (1978) expliquent que la présentation de soi satisfait le besoin d’appartenance à des groupes, contribuant ainsi à l’intégration sociale.

30Améliorer le bien-être, via les RSN et plus généralement les médias sociaux, nécessite également d’éviter deux types d’usages. En effet, les récentes recherches ont permis de mieux comprendre les raisons pour lesquelles une intense utilisation de ces médias est liée à davantage d’émotions négatives et un moindre bien-être (Thomée, 2018). Deux hypothèses ont été avancées (Liu et al, 2019), en relation avec ce que nous considérons comme les composantes sociales du bien-être. Aussi de nouvelles recherches pourraient-elles être menées pour mieux comprendre les déterminants et processus sociaux impliqués dans certaines pratiques délétères pour le bien-être social.

31Premièrement, de nombreuses pratiques sur Internet ne favorisent pas ou déplacent les relations sociales avec les proches, conformément à l’hypothèse de déplacement de Kraut et al. (1998). C’est notamment le cas, d’une part, des jeux vidéo qui se jouent seul ou en ligne avec des inconnus, et, d’autre part, des usages passifs des RSN, caractérisés par le fait que l’usager ne communique pas mais « observe » le profil et les posts des autres.

32Deuxièmement, ces mêmes usages passifs entraîneraient des comparaisons sociales délétères. Pour Festinger (1954), se comparer aux autres est un besoin social fondamental permettant d’obtenir des informations sur soi, de s’auto-évaluer et de façonner son identité sociale. La satisfaction du besoin de comparaison sociale est ainsi une des principales motivations à l’usage des RSN (Sheldon & Bryant, 2016). Le processus de comparaison sociale serait déclenché de manière automatique, c’est-à-dire de manière non consciente, non intentionnelle et irrépressible. Toutefois, sur les RSN chacun présente son propre profil et ses activités d’une manière fortement valorisée. Ainsi, les RSN nous inciteraient à effectuer des comparaisons ascendantes, c’est-à-dire avec des personnes que l’on considère, à partir de leur profils et posts, comme « mieux que nous » ou comme « ayant une plus belle vie que nous » (Cramer, Song & Drent, 2016), ce qui créerait des émotions plutôt négatives, comme de la tristesse, notamment chez les personnes ayant une plus faible estime de soi ou ayant une tendance personnologique à souvent se comparer socialement dans leur vie (Verduyn et al., 2022).

33Dans la mesure où les méthodologies développées dans les études actuelles, essentiellement qualitatives et corrélationnelles, parviennent difficilement à établir des liens de causalité, il conviendrait de mener de nouvelles études empiriques pour mieux comprendre les principales causes des usages actifs, des usages passifs et des comparaisons sociales. À la base, est-ce un fort (vs faible) besoin de se comparer socialement qui incite à fréquenter les RSN de manière passive (vs active ; Ozimek & Förster, 2021) ? Par ailleurs, des études ont montré que si la comparaison est en faveur de l’usager (par exemple, lorsqu’il lit qu’une de ses relations a échoué à un examen alors que lui a réussi), la comparaison deviendrait descendante, lui donnant le sentiment d’améliorer son intégration sociale, ce qui augmenterait son bien-être social (Verduyn et al., 2022). Quels processus sont alors en œuvre, en particulier chez les personnes qui ont un faible capital social de liaison ou qui sont moins intégrées socialement ? Enfin, un des déterminants majeurs du bien-être (vs mal être) et des troubles psychologiques liés aux usages d’Internet serait le niveau de FOMO (Erhel et al., 2024), lequel est fondamentalement lié à l’acceptation sociale. Aussi serait-il intéressant de mieux comprendre comment évolue le niveau de FOMO en fonction des besoins et perceptions de chaque individu quant à leur intégration sociale.

Usages des médias et acceptation sociale

34Les recherches montrent que certains usages sont associés à des processus d’empathie et « d’ouverture aux autres » favorables à l’acceptation sociale. Ainsi, parmi les travaux les plus significatifs figurent ceux effectués sur les films et séries.

35Lorsque le spectateur s’identifie au héros ou au personnage d’un film, il voit la narration du point de vue du personnage, adopte ses buts et « ressent » souvent ses sentiments. Même si l’expérience vécue, médiatisée par l’intermédiaire du personnage, est « fictive », elle peut être très engageante et avoir des effets identiques à une expérience de la « vie réelle » (Cohen, 2001). Dès lors, voir le monde à travers les yeux d’un personnage, appartenant par exemple, à un groupe avec lequel nous avons des contacts limités dans notre vie hors ligne, peut accroître notre empathie envers les membres de ce groupe. Chung et Slater (2013) ont notamment montré qu’une expérience « par procuration » vécue à travers les yeux du personnage, appartenant à une minorité sociale, peut aider à mieux comprendre les personnes qui font partie de cette minorité, leurs représentations du monde et leurs comportements. En augmentant l’empathie envers ce groupe, le spectateur augmente sa tolérance à son égard et l’acceptation sociale. Dès lors, l’empathie envers les personnages permet aux spectateurs de réduire l’éventuelle animosité à l’égard des gens qui n’ont pas les mêmes idées qu’eux (Cohen, Tar-Or & Mazor-Tregerman, 2015). Par exemple, certains films peuvent avoir des effets positifs sur l’attitude envers des groupes sociaux stigmatisés, tels que les immigrants, les détenus ou les personnes handicapées (Oliver et al., 2013). Ayant moins de préjugés et moins peur, les spectateurs les verraient de façon plus positive et auraient davantage l’intention de les aider (Bartsch & Oliver, 2017 ; Schiappa, Gregg & Hewes, 2006), augmentant ainsi leur bien-être social.

36De nouvelles recherches empiriques intéressantes pourraient être menées pour mieux comprendre les déterminants communicationnels impliqués dans l’acceptation sociale, particulièrement ceux propres aux récepteurs (comme les rôles joués par l’attitude initiale à l’égard d’une minorité et les stéréotypes sociaux) ou propres aux contenus (comme les rôles joués par des facteurs sémio-narratifs et des structures discursives spécifiques à des films prosociaux).

Usages des médias et contribution sociale

37La contribution sociale renvoie au sentiment d’utilité dans la société (Keyes, 1998). Les travaux sur la réception de vidéos sont particulièrement illustratifs. Les adultes (Piff et al., 2015) et les enfants (Stamkou et al., 2023) qui ont vu des vidéos suscitant de l’émerveillement (awe en anglais) comme, par exemple, des scènes naturelles impressionnantes de volcans en éruption ou de vagues gigantesques, ont tendance à se sentir « petits » et en connexion avec « quelque chose de plus grand que soi ». Ces vidéos induisent un sentiment d’oubli de soi et une impression de faire partie d’un même tout avec les autres. De surprenantes conséquences sociales s’observent alors : les spectateurs développent davantage de comportements altruistes et prosociaux. Ainsi ces vidéos agissent-elles favorablement sur la contribution mais aussi l’acceptation sociales, améliorant le bien-être social. Des effets identiques ont été observés sur des adultes avec des films qui mettent en scène des vertus morales, comme la gratitude, la fidélité, la loyauté et la générosité. Ces derniers contribuent à faire s’élever spirituellement les spectateurs (Oliver, Hartmann & Wooley, 2012). Ressentant le désir d’être alors moins égoïstes, les spectateurs se sentent plus ouverts aux autres, plus enclins à s’engager dans des actions prosociales utiles à la société (Eden et al., 2013 ; Van Cappellen et al., 2013).

38Parmi les perspectives de recherche prioritaires, il conviendrait de mieux comprendre les conséquences sociales de ce type de réception, notamment la nature des comportements prosociaux induits, mais également l’évolution dans le temps des effets bénéfiques sur la contribution sociale.

Usages des médias, cohérence et croissance sociales

39Des recherches ont montré que lorsque des personnes vivent des événements socio-médiatiques hors du commun, dramatiques et provoquant d’intenses émotions négatives (comme lors d’attentats terroristes -Courbet & Fourquet-Courbet, 2003-, lors de la pandémie de Covid et des confinements ou, dans un autre registre, lors du décès de célébrités), elles parviennent rarement à vivre l’évènement seules, comme si ce dernier les « submergeait ». Comme l’expliquait Durkheim (1912), elles ressentent un besoin anthropologique fondamental de communiquer avec les autres, de faire appel au collectif pour, d’une part, vivre et gérer collectivement leurs émotions et, d’autre part, co-construire socialement le sens de l’événement. Elles ressentent alors le besoin de se référer à ce que Durkheim (1912) nommait une « conscience collective » supra-ordonnée, qui correspond à une entité collective abstraite qui est « plus forte que l’individu ». En interactions médiatisées avec les autres, les personnes utilisent les RSN pour (1) exprimer et gérer leurs émotions, (2) co-construire socialement le sens de l’événement et (3) valider et normaliser leurs expériences en les comparant à celles des autres, en accord avec la théorie du partage social des émotions de Rimé (2005). Les RSN joueraient alors le rôle de support d’une « conscience collective numérique » permettant de gérer les émotions collectives majeures et de construire un sens socialement partagé à l’évènement (Courbet, Fourquet-Courbet & Marchioli, 2015), permettant en particulier d’améliorer la cohérence, l’intégration et la croissance sociales.

40Une recherche empirique menée sur les grands fans de Michael Jackson quelques semaines après son décès brutal a mis en lumière que les RSN ont contribué à construire une conscience collective numérique, constituée d’un vaste ensemble social en interconnexion. Les RSN auraient ainsi aidé un grand nombre de fans éplorés à mieux vivre le deuil et la perte de leur idole, à lui donner du sens, à gérer leurs émotions négatives (Courbet & Fourquet-Courbet, 2014). Les fans qui ont fortement communiqué entre eux se sont, par exemple, sentis plus unis.

41Par ailleurs, lors de la pandémie de Covid et la distanciation physique imposée par les confinements, des recherches ont montré comment les RSN avaient permis de resserrer les liens sociaux entre personnes éloignées et procuré des expériences contribuant à la cohérence sociale (Courbet et al., 2022). Les usages des RSN ont participé à co-construire les significations sociales des événements (origines, conséquences de l’épidémie etc.), à une large échelle nationale, contribuant à la croissance et aux développements sociaux du collectif.

42Ces deux exemples montrent comment dans des situations collectives problématiques pour les humains sur le plan cognitif, émotionnel et nécessitant des adaptations environnementales majeures, les RSN peuvent contribuer à la cohérence, à la croissance sociales et donc au bien‑être. Les nouvelles perspectives de recherche étant nombreuses, la priorité pourrait être donnée à l’étude des processus info-communicationnels impliqués, et notamment de l’hypothèse des RSN comme support de conscience collective numérique.

Conclusion

  • 6 Op. cit., p. 2

43Les recherches sur les liens entre usages des médias numériques et bien-être contribuent de manière significative aux théories des sciences de l’information et de la communication dans la mesure où elles permettent de mieux comprendre pourquoi et comment les personnes utilisent les médias numériques pour satisfaire des besoins fondamentaux nécessaires pour être en bonne santé mentale selon l’Organisation Mondiale de la Santé6 : se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté. Ainsi, nous avons montré comment les médias numériques contribuent, premièrement, à améliorer les composantes hédoniques du bien-être : à mieux gérer les émotions, à diminuer la fatigue et le stress, à vivre des expériences de flow ; deuxièmement, à améliorer les composantes psychologiques du bien être : l’adaptation à l’environnement, l’acceptation de soi, le sens de la vie et la croissance personnelle. Comme le concept de bien-être est essentiellement subjectif et individuel, l’article développe la thèse selon laquelle les recherches actuelles se doivent d’être plus sociales. Le cadre théorique proposé, basé sur le bien-être social de Keyes (1998), va dans ce sens et propose de développer, en sciences de l’information et de la communication, des travaux montrant comment les usages des médias numériques et sociaux améliorent également l’intégration, l’acceptation, la contribution, la cohérence et la croissance sociales.

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Notes

1 En raison de leurs fondements ontologiques et épistémologiques, les problématiques de santé s'intéressent nécessairement, dans un premier temps au moins, aux aspects « délétères » et « bénéfiques » pour la santé.

2 Dans la suite de l’article, pour éviter les redondances, les médias numériques sont appelés « médias ». Les médias sociaux sont des plateformes sur Internet grâce auxquelles les usagers peuvent à la fois produire, diffuser et recevoir des contenus médiatiques leur permettant de satisfaire de multiples besoins individuels et collectifs (interagir socialement, collaborer, etc.) : réseaux sociaux numériques (RSN), plateformes audiovisuelles (par exemple YouTube)… (voir Proulx, Millette & Heaton, 2012). Les RSN (par exemple Facebook, Instagram) sont des plates-formes de communication en réseau sur lesquelles les participants (a) ont des profils identifiables ; (b) peuvent  se connectés aux autres;  (c) peuvent consommer, produire et/ou interagir avec des flux de contenu généré par les utilisateurs  (Ellison & Boyd, 2013).

3  https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/mental-health-strengthening-our-response. Consultée le 25/01/24

4 Cet article s’intéresse aux recherches sur les adultes et adolescents et ne traite pas des enfants. Pour ces derniers, voir par exemple Cordier et Erhel (éds., 2023) et Corroy (2016).

5 Pour les chercheurs travaillant empiriquement sur les usages médiatiques, au même titre que la signification n’existe pas dans les contenus médiatiques mais est produite par le système cognitif humain, les émotions et affects n’existent pas dans les médias dans la mesure où ils ne peuvent prendre forme qu’au sein d’un corps biologique au sein duquel nait et est ressentie l’expérience affective. Ainsi, l’expression « affects numériques » (Alloing & Pierre, 2020) doit avant tout être considérée comme une métaphore. Dans les médias figurent avant tout (1) des traces d’affects produites par des usagers ayant possiblement ressenti des affects, (2) des systèmes de signes susceptibles d’induire, lors de la réception, des affects chez les usagers.

6 Op. cit., p. 2

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Pour citer cet article

Référence électronique

Didier Courbet et Marie-Pierre Fourquet-Courbet, « Usages des médias numériques, santé mentale et bien-être : nouvelles perspectives pour un développement des dimensions sociales dans les recherches »Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 28 | 2024, mis en ligne le 17 juin 2024, consulté le 23 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfsic/15803 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11ubp

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Auteurs

Didier Courbet

Didier Courbet est Professeur des Universités et chercheur à l’Institut Méditerranéen des Sciences de l’Information et de la Communication (IMSIC, Université d’Aix-Marseille). Également psychologue, il travaille sur les usages, la réception et les effets des médias en contextes (1) de communication persuasive (commerce, manipulation), (2) de santé publique (nutrition, prévention des accidents domestiques, noyades) et santé mentale (bien-être, problèmes des “écrans”…). Courriel : didier.courbet@univ-amu.fr

Articles du même auteur

Marie-Pierre Fourquet-Courbet

Marie-Pierre Fourquet-Courbet est professeure de sciences de l’information et de la communication à Aix-Marseille Université.  Elle est chercheure à l’Institut Méditerranéen des Sciences de l’Information et de la Communication (IMSIC). Ses recherches portent sur la communication médiatique et numérique, ses usages, sa réception, ses effets, ses influences. Ses travaux récents portent sur les liens entre usages des “écrans” (e.g. smartphone, réseaux sociaux numériques) et santé mentale et bien-être. Courriel : marie-pierre.fourquet@univ-amu.fr

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