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Delcambre Pierre & Gallot Sidonie (dir.), Communications organisationnelles : comprendre et discuter les propositions théoriques de Christian Le Moënne. Un corpus de textes de 1994 à 2016

2021, 342 p., hal-03676021
Raymond Ndtoungou Schouamé
Référence(s) :

Delcambre Pierre et Gallot Sidonie (dir.) Communications organisationnelles : comprendre et discuter les propositions théoriques de Christian Le Moënne. Un corpus de textes de 1994 à 2016, 342 p., 2021, ISBN : 978-2-9575064-0-8. hal-03676021

Texte intégral

  • 1 Dérèze, G. (2009), Méthodes empiriques de recherche en communication, Louvain-La-Neuve, De Boeck, p (...)

1Pour rendre hommage, à travers une publication, à un auteur dont les travaux ont marqué durablement un domaine de la connaissance, il est fréquent de réunir autour du projet éditorial en question, des contributeurs dont les discours n’ont pour dénominateur commun, que la seule dimension apologétique, voire dithyrambique, de l’œuvre du dédicataire. Pourtant, prenant le contre-pied de cette tradition ou tendance, les chercheurs rassemblés sous la direction d’ouvrage de Pierre Delcambre et Sidonie Gallot, invitent à célébrer autrement Christian Le Moënne (CLM), précisément à travers la mise en discussion, y compris dans leur aspect critique, de ses productions en rapport avec les communications organisationnelles. Il s’agit donc, d’une entreprise originale, à bien des égards. À en croire les coordinateurs de l’ouvrage, la première condition de réussite de cette ambition résidait dans une liberté éditoriale, « ce, sans quoi, une telle production n’aurait pas été possible » (p. 16). C’est la raison pour laquelle les auteurs ont opté pour une autoédition de l’ouvrage collectif, de manière à offrir à chaque contributeur la possibilité d’aller le plus loin possible dans le développement du segment de la pensée de CLM soumis à son examen approfondi. Cette liberté de ton et de style n’est cependant pas synonyme de licence, ou de laisser-faire, dans la mesure où cet ouvrage est le fruit d’un travail méthodique et minutieux. En effet, au regard d’une vingtaine d’années de productions intenses de CLM, il aura fallu au préalable s’accorder sur le corpus devant soutenir l’analyse. Comme le dit Gérard Dérèze, dans toute recherche rigoureuse, avant de parvenir à définir le corpus d’élection, il faut passer par le corpus existant, le corpus de référence puis le corpus de travail1. Ainsi, pour la réalisation de l’ouvrage objet de cette recension, 26 textes ont été retenus dans la fourchette historique comprise entre 1994, date de soutenance des travaux d’Habilitation à diriger les recherches de CLM, et 2016. Pour mener à bien ce travail, le premier venu n’était pas forcément le bienvenu. Au contraire, la parole a été donnée en priorité « à des chercheurs qui connaissaient le travail de CLM pour avoir été formés par lui ou avoir participé au développement de la communauté française « Org&Co », parfois dès le début » (p. 18).

2La méthodologie de rédaction de chaque chapitre s’articule autour de deux moments : d’abord, à partir d’une thématique précise, expliciter les formules récurrentes et en livrer une interprétation ; ensuite, mettre en débat la thématique en question.

  • 2 Dubar, C. et Nicourd, S. (2017), Les biographies en sociologie, Paris, La Découverte, coll. Repères (...)

3L’ouvrage comporte deux parties. La première, constituée de deux chapitres rédigés respectivement par les deux directeurs de l’ouvrage, se préoccupe fondamentalement de la construction de la trajectoire de CLM, dans un environnement en pleine mutation. Le premier défi étant de situer ces travaux dans leur contexte : recherches influencées par le courant « poststructuraliste » et portées par des chercheurs « post-soixante-huitards ». Dans ce cadre, présentation est faite des contraintes du travail d’un professeur de sciences de l’information et de la communication, soucieux de la formation à la recherche et du développement scientifique. On y apprend que dans l’analyse des communications organisationnelles, se démarque des perspectives managériales et descriptives en vigueur jusqu’en 1990, pour ouvrir la voie aux perspectives épistémologiques et critiques renouvelées. C’est d’ailleurs habité par ce positionnement jamais figé mais toujours dynamique, qu’il est présenté comme « acteur essentiel de l’émergence d’un nouveau programme de recherche : les communications organisationnelles françaises » (p. 30). L’approche ici retenue est à rapprocher de celle de la tradition de l’Ecole de Chicago et ses prolongements dans l’analyse des parcours de vie, telle qu’étudiée par Claude Dubar et Sandrine Nicourd2. Pour s’en convaincre, il s’agit d’observer que CLM a commencé par considérer l’université, son lieu de travail, comme un objet de connaissance, susceptible de refléter des changements dignes d’intérêt pour sa discipline. La réflexion de CLM s’inscrit dans ce que Sidonie Gallot désigne par le nom composé de « pensée-socle » (p. 67), qui rend compte de l’approche globale des organisations, de l’évolution des formes sociales dans les sociétés contemporaines et à plusieurs niveau d’échelle. Cette analyse est effectuée à partir de trois repères : le cadre sociohistorique, les éléments d’appréciation du processus et les différentes dimensions des organisations. Trois catégories de professionnels sont concernées : les acteurs des organisations, les professionnels de l’information-communication et les professionnels de la recherche.

4La seconde partie regroupe six chapitres, rattachés à autant de thématiques issus des travaux de CLM.

5Le troisième chapitre, que signe Bruno Chaudet, est intitulé : « évolution des communications organisationnelles et transformation du capitalisme » (123-144). Il souligne la thèse selon laquelle la communication organisationnelle renvoie à l’ensemble des dispositifs de mise en forme et de mise en norme qui permettent à une entité de fonctionner. Il décèle une originalité aux travaux de CLM : alors que beaucoup d’auteurs assimilent communication d’entreprise à communication institutionnelle, un nouveau regard est apporté sur la communication en tant que processus de mise en forme qui implique de prendre en compte à la fois ce qui est hérité (routines, normes sociales, mémoire organisationnelle) et ce qui est projeté (p. 125).

6Le quatrième chapitre est rédigé par Valérie Lépine et porte sur : « la communication et ses acteurs : les enjeux et finalités au-delà de la fonction et des métiers » (145-169). Axé sur une approche sociologique du travail dans les organisations, il met l’accent sur le rôle que prend la communication dans l’émergence de la culture d’entreprise, elle-même adossée sur des valeurs sociales. Ce regard sociologique de Valérie Lépine permet de conclure que « CLM a plus envisagé la fonction et les pratiques de la communication professionnelle sous l’angle politique » (p. 20).

7Le cinquième chapitre est l’œuvre de Michel Durampart. Intitulé : « Dislocation-recomposition » : dynamiques organisationnelles face aux mouvements sociotechniques (171-224), il questionne l’ancrage social des dispositifs numériques. Dans cette analyse, il observe que la notion de « dislocation » est centrale et récurrente dans la pensée de CLM. Elle est consubstantielle à toute évolution des formes organisationnelles et le rôle des technologies dans ce domaine. Tout en montrant que la recomposition est indissociable de la dislocation, ce chapitre souligne que CLM a accordé une trop large place aux dispositifs numériques, comme accélérateurs des phénomènes de dislocation-recomposition des formes organisationnelles. Pourtant, leur introduction entraîne surtout de profonds bouleversements qui affectent l’organisation du travail, les comportements individuels et collectifs, donne naissance à de nouvelles pratiques et appelle des aptitudes nouvelles qu’il est important de mettre en relief (p. 171-172).

8Le sixième chapitre, écrit par Jean Luc Bouillon, a pour titre : « Penser les organisations et leurs transformations : rationalisations et formes organisationnelles » (p. 225-246). Il repose sur une question essentielle, à savoir : comment penser l’information-communication, si l’expression rationalisée joue un rôle secondaire ? Mais, au-delà de cette interrogation, ce chapitre se propose de saisir, dans la production intellectuelle de CLM, les dynamiques d’évolution économiques, politiques et institutionnelles, pour en déceler les transformations organisationnelles afférentes (p. 225). Il s’intéresse aux différents visages des formes institutionnelles, ces dernières entrant en crise en se recomposant pour assurer le renouvellement des conditions de valorisation du capital. Il relève, enfin, la capacité des travaux de CLM à conserver une vision globale et de longue durée, mais surtout l’aptitude de CLM à réinscrire les travaux en sciences de l’information-communication et en communication organisationnelle, dans les problématiques en Sciences humaines et sociales (SHS).

9Intitulé : « Vers une anthropologie technique du social : in-formation, formes et individualisation » (p. 247-272), le septième chapitre élaboré par Bertrand Parent met en relief les dimensions sémiotiques, organisationnelles et objectables du concept de « forme ». L’hypothèse principale de ce chapitre situe les travaux de CLM comme « tentative pour constituer la communication organisationnelle en tant qu’anthropologie technique du social » (p. 248). Il en ressort que les formes, dans les organisations, sont des réalités dont les effets se manifestent par « propagation-propension ».

10Le huitième chapitre, sous la plume de Pierre Delcambre, est intitulé : « CLM, critique du « tournant langagier » dans l’analyse des communications organisationnelles : comprendre et discuter » (p. 273-312). Cette réflexion retrace la pensée de CLM tout en présentant ses fluctuations au fil du temps. D’abord opposé à toute approche de la communication qui se développait en marge de la dimension langagière de celle-ci, CLM a fini par conclure que les nouvelles formes de communication organisationnelle se trouvent désormais dans les imaginaires et les représentations idéologiques et symboliques et ne sauraient être réduites au seul aspect langagier.

11C’est par une interview de CLM, sous forme de postface, que s’achève le livre (p. 313-338). Conduite par les deux directeurs de l’ouvrage, cette interview revient sur le cheminement et les singularités de la pensée de CLM. Cette discussion n’a nullement influencé le travail des contributeurs, étant donné que le dédicataire n’a eu accès au contenu qu’à la parution de l’ouvrage.

  • 3 Le Moënne, C. (1994), « Considérations sur les méthodes de recherche en communication organisationn (...)
  • 4 Le Moënne, C. (2004), « Quelques conceptions de la communication organisationnelle à l’heure de la (...)

12Le principal défaut formel de cet ouvrage réside dans le déséquilibre observé dans la répartition des chapitres entre les deux parties : la première compte deux chapitres, alors que la seconde en compte six. On pourrait également regretter l’absence, dans le corpus d’élection, de deux textes majeurs de CLM parus respectivement en 19943 et 20044, alors même qu’ils ont été publiés dans l’intervalle temporel retenu par les éditeurs. Toutefois, cette double gêne d’ordre esthétique et formel ne diminue nullement l’intérêt, l’actualité et la portée de cet ouvrage. En optant pour une autoédition, les coordinateurs de l’ouvrage ont voulu qu’il soit accessible à moindre coût, aux étudiants de master ou en cours de thèse, aux enseignants-chercheurs et aussi aux praticiens de la communication des organisations. Il démontre comment le parcours d’un pionnier peut arriver à se confondre au cheminement d’une discipline, voire d’un domaine de la connaissance.

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Notes

1 Dérèze, G. (2009), Méthodes empiriques de recherche en communication, Louvain-La-Neuve, De Boeck, p. 178-179.

2 Dubar, C. et Nicourd, S. (2017), Les biographies en sociologie, Paris, La Découverte, coll. Repères, p. 7-27.

3 Le Moënne, C. (1994), « Considérations sur les méthodes de recherche en communication organisationnelle », in Arlette Bouzon, Vincent Meyer (dir.), La Communication organisationnelle en question. Méthodes et méthodologies, Paris, L’harmattan, p. 15-30.

4 Le Moënne, C. (2004), « Quelques conceptions de la communication organisationnelle à l’heure de la dislocation spatio-temporelle des entreprises ? », in Sciences et Sociétés, Toulouse, n° 63, p. 209-225.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Raymond Ndtoungou Schouamé, « Delcambre Pierre & Gallot Sidonie (dir.), Communications organisationnelles : comprendre et discuter les propositions théoriques de Christian Le Moënne. Un corpus de textes de 1994 à 2016 »Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 27 | 2023, mis en ligne le 01 décembre 2023, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfsic/15483 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfsic.15483

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Auteur

Raymond Ndtoungou Schouamé

Raymond Ndtoungou Schouamé est docteur en sciences de l’information et de la communication de l’Université Grenoble Alpes. Journaliste Principal et, aussi, expert en communication institutionnelle et stratégique, il est, depuis octobre 2016, Chef de Cellule de la communication, des relations publiques et de l’édition a.i. à l’Agence de Régulation des Marchés Publics du Cameroun.

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