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1Éducation aux médias en Europe – Histoire, enjeux et perspectives est un ouvrage collectif réalisé sous la direction de Laurence Corroy. Portant sur dix pays européens, l’ensemble des chapitres a pour ligne directrice la réflexion portée sur la construction et l’institutionnalisation de l’éducation aux médias dans ces pays. Ce conducteur est indispensable car les 22 chercheurs et chercheuses collaborant à cet ouvrage abordent la question de l’éducation aux médias avec des prismes parfois très différents tant les situations peuvent diverger d’un pays à l’autre, en fonction notamment des modes d’organisation politique et administratif des États, de leur histoire propre ou encore de l’avancée de la recherche universitaire en sciences de l’information et de la communication et ses retombées sur la formation du corps enseignant et l’élaboration des programmes pédagogiques. Ainsi cet ouvrage entreprend d’analyser la capacité des systèmes éducatifs, formels ou non, à former une compréhension critique des médias et de l’information dans la perspective du débat démocratique et de la participation sociale, pour reprendre les termes de l’UNESCO quant au MIL (Media Information Literacy), que cet ouvrage trouve sa cohérence.

2On notera tout d’abord le soin apporté par les auteurs et autrices à traiter de la structure administrative et politique des pays en question, laquelle joue un rôle crucial dans la manière dont le système éducatif, selon le degré de centralisation ou, au contraire, de décentralisation, appréhende l’éducation aux médias. Sabine Bosler notera ainsi que, en Allemagne, on observe, malgré une définition de la compétence médiatique au niveau fédéral, des déclinaisons variant dans les Länder, où la diversité des ressources, des structures et des visions, produisent un ancrage de l’éducation aux médias dans les programmes scolaires variant d’une région à l’autre. En France ou encore en Belgique, des instances formelles et centralisées (le CLEMI en France, le CSEM en Belgique vont promouvoir certaines représentations de l’éducation aux médias auprès des acteurs de l’éducation, d’où une certaine homogénéisation des stratégies et des pratiques en dépit du morcèlement des acteurs en jeu. C’est en effet la vision structurelle que les chercheurs et chercheuses vont interroger, dans le sens du développement d’une littératie médiatique évoluant géographiquement mais aussi temporellement. Certains chapitres font ainsi la part belle à l’histoire de l’éducation aux médias. C’est le cas d’Alessandro Soriani pour l’Italie ou de Laurence Corroy en France.

4L’éducation aux médias n’est jamais une discipline scolaire, mais un enseignement transversal. Elle est ainsi disséminée, à un degré plus ou moins fort selon les systèmes éducatifs, dans d’autres disciplines, lorsqu’elle n’est pas absente de l’éducation formelle. Le cas de la Roumanie est particulièrement intéressant sur ce sujet puisque la liberté de la presse y est relativement récente et l’étude des médias l’est plus encore. On a donc, sur un temps court, la reconnaissance de l’éducation aux médias et son intégration dans les curricula roumains. Ces initiatives ont été impulsées par des organisations non gouvernementales à travers un ensemble d’actions non concertées qui aboutissent au milieu des années 2000 à l’introduction formelle de l’éducation aux médias en tant que discipline optionnelle au lycée. Cet enseignement fait surtout son nid au collège, où il est dilué dans trois autres disciplines que sont TIC, Langue et littérature roumaine et Éducation sociale. Camelia Cusnir et Adrian Lazarescu évoque une intégration séquentielle sans réelle politique gouvernementale sur la question. Cette dilution est largement observée par les autres chercheurs et chercheuses dans leurs pays et chapitres respectifs : au Portugal, l’éducation aux médias est comprise dans la discipline de l’Éducation à la citoyenneté, elle n’est pas une discipline à part entière. En outre, les initiatives proviennent aussi bien des réseaux d’éducation formels que des associations, entreprises de médias et autres. Toutefois, Catarina Rodrigues et Maria da Luz Correira précisent que la DGE en définit les lignes directrices de manière centralisée, facilitant la cohérence des actions éducatives.

5Il apparaît à la lecture de Éducation aux médias en Europe – Histoire, enjeux et perspectives qu’il n’existe pas de modèle européen d’éducation aux médias. La perspective comparative entre les différents pays européens est particulièrement intéressante en ce qu’elle met en exergue plusieurs traits communs, dont une intégration progressive bien que limitée de l’éducation aux médias dans les curricula à l’initiative de réseaux éducatifs formels et non-formels, la transversalité de cet enseignement et ses finalités citoyennes. Diffèrent pourtant très largement les visions, stratégies et moyens relatifs à la littératie médiatique, entendue comme l’acquisition de connaissances et de compétences permettant l’analyse, la critique, la production et l’utilisation des médias et de l’information. Comprendre ces mécanismes est, pour le chercheur en SIC, essentiel pour appréhender le rapport des publics à l’information et à son traitement médiatique, rapport évidemment exacerbé par le numérique. C’est d’ailleurs dans ce contexte que le champ de l’éducation aux médias semble en expansion constante, mais contraint par un manque de moyens, de compétences et/ou de volonté politique. Ces trois limitations permettent aux chercheurs et chercheuses collaborant à cet ouvrage non seulement d’interroger les cursus d’éducation formels et leur compréhension des enjeux récents des médias et de l’information, les « fake news » par exemple, mais aussi de proposer des pistes d’améliorations à l’échelle de chacun des systèmes éducatifs nationaux.