- 1 Le CNRTL indique l’origine du mot et la date d’adoption dans le dictionnaire Nouveau Larousse illus (...)
1L’article se penche sur l’usage dans les imprimés (périodiques, ouvrages et brevets) du mot « télécommunication(s) » et son évolution au cours de la période 1902-1949. Ce mot, surtout dans sa forme plurielle, est d’usage courant pour désigner des communications à distance au moyen de réseaux techniques (Musso, 2008). Robert Escarpit étudie « la télécommunication » (Escarpit, 1976) alors que Pierre Musso parle des « télécommunications » (Musso, 2008). Le mot est néanmoins né au singulier et son usage premier est bien sous cette forme pendant la période 1902-1933. Peu à peu le pluriel s’est plus largement imposé comme le démontre ses usages dans les imprimés. Pourtant l’usage du singulier ou du pluriel fait sens selon les dictionnaires1. Le TLFi indique :
Télécommunication : Émission, transmission à distance et réception d’informations de toute nature par fil, radioélectricité, système optique ou électromagnétique. […]
Au plur. Ensemble des systèmes et des services assurant cette fonction (TLFi)
Pour sa part la terminologie de l’Office québécois de la langue française (2002) précise :
2Télécommunication : Transmission à distance de signaux porteurs d’information, qui s’effectue au moyen de câbles ou d’ondes électromagnétiques […] Au pluriel, le terme télécommunications est habituellement utilisé pour désigner l’ensemble des techniques dont on se sert pour transmettre les signaux.
3Le passage du singulier au pluriel indique ainsi le changement de point de vue, de la transmission à l’ensemble des dispositifs de transmission à distance. L’utilisation de l’une ou l’autre forme est un indicateur à la fois de l’intention dont elle est porteuse et de l’évolution des concepts qui y sont attachés. Cet article vise à mettre en évidence ce phénomène dans la production écrite française entre 1902 et 1949 en exploitant les sources numérisées.
- 2 À partir de ces données brutes, nous avons procédé à des extractions soit avec les outils disponibl (...)
4Nous nous appuyons sur un relevé exhaustif des occurrences du mot « télécommunication(s) » dans les formes « singulier » et « pluriel » relevées dans la presse numérisée consultable sur le site retronews.fr, dans la presse et les ouvrages numérisés sur le site gallica.bnf.fr et dans les brevets déposés consultables sur le site data.inpi.fr sur la période 1900-1949. Un examen attentif a été nécessaire afin d’éliminer les « faux positifs » (dus à des défauts d’OCR le plus souvent) dans les résultats des requêtes2.
5Ce traitement des données permet de mettre en évidence des périodes et des domaines d’usage du mot « télécommunication(s) » et de retracer les évolutions à l’œuvre (élargissement de l’usage, passage du singulier au pluriel, …) ainsi que les amorces de théories de la communication qui apparaissent alors.
6Dans un premier temps nous nous penchons sur les temporalités dans les usages du mot « télécommunication(s) » en distinguant le temps des ingénieurs (dans les deux premières décennies du xxe siècle) suivi du temps des législateurs (années 1920-1930) puis nous nous intéressons aux éléments de théorisation de la télécommunication/des télécommunications apparaissant dès 1905 en regard avec les travaux de Robert Escarpit et Pierre Musso et enfin, nous présentons une étude statistique du corpus.
7Sans doute que faire reculer de quelques années dans le temps la création du néologisme « télécommunication » par Édouard Estaunié, comme nous le montrons, peut sembler anecdotique. Néanmoins, le contexte originel d’utilisation du terme conditionne les emplois suivants avant la dissémination dans de multiples situations discursives et les déplacements sémantiques dont il est l’objet. L’émergence de différents dispositifs de communication électrique à distance entraîne des réflexions à la fois sur leur histoire (et plus largement sur l’histoire de la communication à distance) et sur les enjeux en termes de communication et d’information (notamment sur les permanences et mutations à l’œuvre ainsi que sur les nécessaires apprentissages techniques afin de s’approprier ces nouvelles technologies de l’information et de la communication et sur la question de l’encadrement réglementaire). La numérisation massive de la presse et des imprimés anciens permet ainsi d’affiner certains éléments historiques (chronologie et évolution des usages d’un terme au niveau des fréquences et des glissements sémantiques), d’appréhender différents types de discours (des discours techniques et scientifiques aux discours réglementaires ou littéraires) dans leur globalité ainsi que leur rôle dans l’acceptation, l’adoption et, peut-être, le succès d’une technologie.
- 3 « Le terme « télécommunications » est apparu en 1904 dans le Traité des télécommunications électriq (...)
- 4 « C’est [Édouard Estaunié] qui, en 1904, forgea le terme de « télécommunication » en voulant faire (...)
8Pratiquement toutes les sources datent de 1904 l’apparition du mot « télécommunication » (Musso, 1998 et 20083 ; Dilhac, 2004 et 2008…), année où paraît Traité de télécommunication électrique d’Édouard Estaunié. Sur la page consacrée à l’histoire de l’école, Telecom Paris livre la même date pour l’apparition du mot « télécommunication »4.
9En 1996, quand la revue Communication et langage propose un article « Un mot nouveau, télécommunication », elle réédite l’avertissement de l’ouvrage d’Édouard Estaunié assorti d’une présentation de Régine de La Tour :
- 5 « Un mot nouveau, télécommunication », 1996, p. 11.
À une époque où tout le monde s’accorde à dire que les télécommunications révolutionnent notre environnement tant professionnel que personnel, il n’est pas inutile de retrouver la genèse du mot qui nomme l’objet, source de ce bouleversement. À l’origine étaient la télégraphie optique d’abord, électrique ensuite (transmission d’alphabet par des signaux conventionnels) et la téléphonie (transmission de la voix). Édouard Estaunié propose une science « unifiant les méthodes générales utilisées pour la télécommunication ou transmission de la pensée à distance, au moyen de l’électricité ». Ce néologisme créé au singulier est aujourd’hui utilisé au pluriel5.
10Si l’emploi de la forme « pluriel » est en effet devenu largement majoritaire, le singulier perdure.
11Pour sa part, l’encyclopédie en ligne Wikipedia, citant l’article « From tele-communicare to Telecommunication » (2004) de Jean-Marie Dilhac (présentant « the remarkable coincidence of the simultaneous birth of electronics and of the word telecommunication by Edouard Estaunié, who coined the term in 1904. ») indique que :
Le mot télécommunications vient du préfixe grec tele- (τηλε-), signifiant loin, et du latin communicare, signifiant partager. Le mot télécommunication a été utilisé pour la première fois en 1904 par Édouard Estaunié, ingénieur aux Postes et Télégraphes, directeur de 1901 à 1910 de l’école professionnelle des Postes et Télégraphes (ancêtre de l’École nationale supérieure des télécommunications, devenue Télécom ParisTech), dans son Traité pratique de télécommunication électrique, pour désigner les multiples réseaux créés tout au long du XIXe siècle pour assurer la diffusion des signaux écrits et sonores6.
12En 2008, Jean-Marie Dilhac publie l’article « Édouard Estaunié, ingénieur, enseignant, romancier » dans lequel il explique la construction du néologisme par Édouard Estaunié :
Il bâtit le mot télécommunications à partir du grec τελε (télé– à distance) et du latin communicare (partager, être en contact). Télé est en usage en français depuis le XVIIe siècle (avec par exemple télescope, puis plus tard télégraphe au XVIIIe et téléphone au XIXe). Communicare est en usage depuis le XIVe siècle sous diverses formes, y compris le terme communication. Toutefois, en 1904, communication est probablement pour la première fois introduit dans le domaine technique. À remarquer qu’Estaunié bâtit ainsi un néologisme et ne donne pas une signification nouvelle à un mot déjà existant, évitant ainsi toute confusion de sens.
13Certains auteurs sont moins catégoriques quant à la date précise d’apparition du terme. Louis-Joseph Libois se contente d’indiquer en note :
Quant au mot même de télécommunication, on sait qu’il a été introduit, au début de ce siècle, par un éminent ingénieur des Postes et Télégraphes, plus connu d’ailleurs comme écrivain, Édouard Estaunié, qui était alors directeur de l’Ecole supérieure de P.T.T. (p. 29)
14Ainsi, la plupart des histoires du mot « télécommunication » s’appuient sur le titre de l’ouvrage d’Édouard Estaunié : Traité pratique de télécommunication électrique. Le mot est pourtant antérieur à cette publication.
15En 1901, Édouard Estaunié est nommé directeur de l’École professionnelle des Postes et Télégraphes par Alexandre Millerand, alors ministre des Postes et Télégraphes.
- 7 Bulletin mensuel des postes et télégraphes, n° 6, mai 1902.
16L’annexe n° 2 du Bulletin mensuel des postes et télégraphes7 de mai 1902 publie l’« Arrêté ministériel, du 9 mai 1902, relatif à l’organisation et au fonctionnement de la Ire section de l’École professionnelle supérieure des Postes et des Télégraphes » qui contient le « Programme général de l’enseignement donné à l’école » (p. 207) dans lequel nous pouvons relever :
A. — Commun aux deux sections.
1re Année
1er semestre […]
A. — Principaux généraux de télécommunication (nous soulignons). »
17Édouard Estaunié n’arrive pas à engager un professeur et se charge de cet enseignement jusqu’en octobre 1903.
- 8 Annexe au bulletin mensuel des postes et télégraphes, n° 9, juillet 1902.
- 9 Ibid., p. 677-678.
18En juillet 1902, l’Annexe au bulletin mensuel des postes et télégraphes8 reproduit l’ « arrêté du Sous-Secrétaire d’État des Postes et des Télégraphes en date du 4 juillet 1902 » portant sur les « Nominations des professeurs à l’École professionnelle supérieure des Postes et des Télégraphes […] pour une période de quatre années, à partir du 1er octobre 1903, professeurs à l’École professionnelle supérieure des Postes et des Télégraphes9 » :
14° Principes généraux de télécommunication et exercices pratiques s’y rapportant (commun aux deux sections), M. BAZILLE, ingénieur ordinaire à la Direction des services électriques de la région de Paris, en remplacement de M. ESTAUNIÉ10.
- 11 Paris-Hachette dresse « la liste complète des Professions, des Adresses du commerce et de l’industr (...)
- 12 Paris-Hachette, p. 598.
19En 1903, on trouve dans Paris-Hachette11 les noms des personnels de l’École professionnelle supérieure des postes et des télégraphes, sise au 103 rue de Grenelle. Parmi les disciplines enseignées, Paris-Hachette mentionne : « Principes de Télécommunication : Bazille, Ing. ord.12 »
20Utilisé pour intituler un cours à l’École professionnelle supérieure des Postes et des Télégraphes, le mot « télécommunication » n’a guère de diffusion et le néologisme connaît un usage limité. Il est mentionné par la presse dans les annonces et recensions de l’ouvrage Traité pratique de télécommunication électrique d’Édouard Estaunié.
21Le Journal télégraphique salue le néologisme d’Édouard Estaunié :
- 13 Journal télégraphique, XXVIIe volume, 35e année, 25 décembre 1903, Berne, p. 356.
Télécommunication, voilà encore un mot nouveau, mais heureusement trouvé, pour désigner les divers procédés permettant de communiquer à distance13.
- 14 Revue générale des chemins de fer et des tramways, 27e année, 1er semestre, n° 1, janvier 1904.
- 15 La Revue générale des chemins de fer et des tramways est éditée par Dunod comme le livre d’Édouard (...)
22La Revue générale des chemins de fer et des tramways14 livre une recension de l’ouvrage15 :
- 16 Revue générale des chemins de fer et des tramways, 27ème année, 1er semestre, n° 1, janvier 1904, p (...)
Traité pratique de télécommunication électrique (Télégraphie-Téléphonie) par Édouard Estaunié —
L’auteur désigne par télécommunication électrique les divers procédés permettant de communiquer à distance, qu’il s’agit de télégraphie ou de téléphonie, avec ou sans fil ; il a décrit dans son ouvrage deux procédés de communication qui tendent au même but et dont l’outillage de l’un peut le plus souvent être utilisé par l’autre. Aujourd’hui, ils ne pourraient même plus être étudiés séparément, qu’il s’agisse d’exploitation ou de progrès à réaliser.
La télécommunication est traitée au point de vue de l’ensemble de nos connaissances en télégraphie et en téléphonie, il y est montré les nombreuses analogies qui existent entre le matériel employé dans les deux cas et les rapprochements nécessaires sont effectués : les recherches parfois pénibles et le plus souvent inutiles sont ainsi facilitées aux débutants.
Cet ouvrage présente l’avantage de donner une vue d’ensemble de nos connaissances actuelles sur un sujet qui intéresse non seulement les professionnels, mais aussi tous ceux qui veulent acquérir des notions exactes et précisés sur les procédés électriques de communication à distance16.
23Les divers procédés électriques de communication à distance – la télégraphie, la téléphonie et, dans une moindre mesure, la télégraphie sans fil à laquelle Édouard Estaunié consacre quelques pages (3 pages sur les 670 pages de l’ouvrage) – se trouvent ainsi réunies dans une même généalogie.
- 17 Pionnier des télécommunications militaires, il a proposé et obtenu le 21 janvier 1904 que la Tour E (...)
24Peu à peu, les vulgarisateurs scientifiques adoptent le terme. Par exemple, le 27 janvier 1904, Le Temps publie la « Causerie scientifique » 1904 signée par Max de Nansouty qui est consacrée aux sciences appliquées résume une conférence du capitaine Gustave Ferrié17 donnée à la Société internationale des électriciens. :
L’essor nouveau qui résultera de [la] convention [de Berlin de 1903] pour la télégraphie sans fil favorisera sans doute la découverte de nouveaux perfectionnements et fera entrer complètement dans la pratique ce procédé curieux et novateur de télécommunication.
- 18 « Bibliographie », in Revue pratique de l’électricité, Treizième année, deuxième série, n° 1, 5 nov (...)
- 19 « Chronologie universelle », in Revue universelle, décembre 1903, p. 88.
- 20 « Ouvrages récemment parus », Revue de mécanique numéro novembre 1903, p. 457.
25Le mot est aussi en usage, limité là aussi, dans les revues professionnelles. Fin 1903, il apparaît dans les encarts annonçant la parution du livre d’Édouard Estaunié, par exemple dans La Revue pratique de l’électricité18, la Revue universelle19, la Revue de mécanique20.
- 21 La Revue du génie militaire publie le même texte dans son numéro de juillet 1908, p. 456. Il figure (...)
26En 1904, Le Moniteur de papeterie française et de l’industrie du papier publie des « instructions sur le montage des installations électriques jusqu’à 600 volts. Rédigées par les Associations françaises de propriétaires d’appareils à vapeur ayant un service électrique (Amiens, Lyon, Nancy) ; par l’Association des Industriels du Nord de la France et l’Association normande pour prévenir les accidents21 » :
- 22 « Instructions sur le montage des installations électriques jusqu’à 600 volts », in Le Moniteur de (...)
Ces instructions concernent les installations électriques dont la tension elle clive entre deux conducteurs quelconques est inférieure à 600 volts en courant continu ou alternatif, à l’exception des installations de télé-communication (télégraphes, téléphones, signaux, etc.). Cependant, si ces dernières sont en connexion directe avec une installation industrielle, ces instructions leur sont applicables22.
- 23 L. Magne, « Utilisation de la Télégraphie Sans Fil dans les régions formant le domaine colonial fra (...)
27Les ingénieurs des postes, téléphones et télégraphes ne méconnaissent pas le terme comme en témoigne, en 1904 lors du Congrès colonial français, L. Magne, Inspecteur des Postes et Télégraphes qui s’enthousiasme pour « le splendide ensemble de télécommunications que l’humanité s’est créé23 ». Il inclut la télégraphie, la téléphonie et la télégraphie sans fil.
28Pour ce qui concerne la littérature, Jules Sageret dans la nouvelle d’anticipation « La Race qui vaincra » (1908) offre la première utilisation repérable dans la fiction du mot « télécommunication » (« employés de télécommunication », p. 277). Le terme apparaît avec d’autres comme la « téléphonophotographie » ou les « phono-photo-gazettes ». Il est sans doute mobilisé par l’auteur pour son caractère étonnant et moderne comme merveille scientifique plus que comme un élément de représentation référentielle ou de réflexion sur son temps.
- 24 Babord-Num est la bibliothèque numérique patrimoniale du réseau documentaire des universités de Bor (...)
29Le mot peut enfin apparaître dans des écrits privés comme dans le journal de guerre, à la date du 26 juin 1916, de l’artilleur Louis Durand numérisé par Babord-Num24 :
Sachant que ma batterie est en mesure de battre ces deux points ayant moi-même fait un tir vertical avec ma pièce les jours précédents sur le ravin de Helly, j’essaye de téléphoner à Verdun à l’Artillerie Divisionnaire. Impossible d’avoir la télécommunication. Les téléphonistes affectés à ce service sont, parait-il, partis réparer. Une heure, deux heures se passent et je ne revois pas les hommes cachés dans quelque coin pas plus que je n’obtiens de communication.
30Le sens est ici différent, et pourtant fort moderne, il s’agit, par synecdoque, d’un synonyme de communication téléphonique, l’appareil s’efface, seuls restent la forme de la communication à distance.
31Ainsi, le mot est-il passé d’un usage limité au cadre pédagogique afin de désigner un ensemble de dispositifs de communication à distance à une utilisation plus large fortement marqué par la proposition faite par Edouard Estaunié. Il s’applique à la fois à des dispositifs anciens (comme le télégraphe électrique) et récents (comme la télégraphie sans fil).
32Après la Première guerre mondiale, le terme entre peu à peu dans les domaines de la propriété intellectuelle et législatif qui vont devenir les types de discours où il est le plus utilisé jusqu’en 1949.
- 25 Brevet d’invention demandé le 11 octobre 1906, délivré le 20 décembre 1906 et publié le 6 février 1 (...)
- 26 Deux brevets portant le titre « Dispositif émetteur et récepteur pour les télécommunications à haut (...)
33En France, le premier brevet utilisant dans son titre le mot « télécommunication » est demandé le 11 octobre 1906 par Henri Lelarge qui dépose un « système de télécommunication par courants d’induction ou par oscillations électriques25 » (publié en 1907). Un dépouillement permet de recenser 191 brevets recensés par l’Institut National de la Propriété Intellectuelle publiés entre 1907 et 1949. Dans le domaine de la propriété industrielle, le terme n’a guère de succès avant la fin des années 1920, les brevets chronologiquement déposés en second datent du 23 février 192326 et ce n’est que dans les années 1930 que le mot « télécommunication(s) » commencent véritablement à être utilisé dans les demandes de brevets.
Brevets dont le titre contient le mot « télécommunication(s) » déposés en France entre 1900 et 1949 (date de publication)
|
Télécommunication
|
Télécommunications
|
Total
|
1900-1909
|
1
|
0
|
1
|
1910-1919
|
0
|
0
|
0
|
1920-1929
|
2
|
2
|
4
|
1930-1939
|
58
|
9
|
67
|
1940-1949
|
87
|
32
|
119
|
Total
|
148
|
43
|
191
|
Source : data.inpi.fr
34L’ensemble des usages du terme « télécommunication(s) » dans les brevets concerne des dispositifs, des appareils ou des améliorations relevant de la télécommunication au moyen de l’électricité. Il accompagne le mouvement de l’innovation dans le domaine des communications à distance.
35Si l’on se place du côté institutionnel, le Bulletin mensuel des postes et télégraphes, édité par le Ministère de Postes, n’utilise le mot que pour désigner les cours délivrés à l’École supérieure jusqu’en 1920. Le terme « télécommunication » n’entre pleinement dans la terminologie officielle que dans les années 1930.
- 27 Journal officiel, 23 juillet 1927, p. 7634.
36La première apparition du terme « Télécommunication » dans le Journal officiel date du 23 juillet 1927 avec la publication d’une circulaire du ministre des travaux publics du 30 avril 1927 portant sur la réglementation de la « distribution d’énergie électrique au point de vue de la sécurité des personnes et des services publics intéressés27 ».
- 28 Bulletin législatif Dalloz, août 1927, p. 391.
37Le décret du 29 juillet 1927, « portant règlement d’administration publique pour l’application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d’énergie » utilise largement le terme et comporte même un article, semble-t-il le premier de ce nom, intitulé « Télécommunication28 ».
38Jusqu’alors pratiquement utilisé uniquement par des ingénieurs, le terme passe dans le domaine juridique puis, à partir de 1929, on le trouve plus régulièrement dans la presse généraliste mais surtout dans des chroniques scientifiques et techniques.
39La fusion en 1932, lors de la Conférence de Madrid, de la Convention internationale télégraphique (créée en 1865) et la Convention internationale radiotélégraphique (créée en 1906) conduit dans un premier à définir la télécommunication comme « toute communication, par télégraphe ou téléphone, de signes, signaux, textes, images et sons de quelque nature, par fil, radio ou tout autre procédé de transmission électrique ou visuelle (sémaphore) » puis à voir l’organisation adopter le nom « Union internationale des télécommunications » à partir du 1er janvier 1934. Les dispositifs optiques, notamment utilisés par les chemins de fer ou pour la navigation, sont intégrés au domaine de la télécommunication.
40Aux Etats-Unis le mot « telecommunications » est adopté en 1934. Le Sunday Star du 22 avril 1934, usant de guillemets pour indiquer le néologisme, écrit : « "Telecommunications" is the new name for international radio and telegraph activities, and it is as the International Telecommunications Convention that the United States Senate has been asked to ratify the agreement on world radio and radio-telegraph regulations reached at Madrid in latter 1932 » (p. 52).
- 29 Décret n° 2477 du 10 août 1942 portant organisation de la direction des services d’enseignement des (...)
- 30 « Ministère de l’air. Modifications aux services extérieurs relevant de la direction des travaux et (...)
- 31 La loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 « relative aux communications électroniques et aux services de (...)
41En France, l’École professionnelle supérieure des Postes et des Télégraphes – rebaptisée en 1938 l’École professionnelle supérieure des postes, télégraphes et téléphones – est divisée en 1942 en deux sections distinctes : l’École nationale supérieure des PTT et l’École Nationale Supérieure des Télécommunications29. L’armée de l’air française adopte pour l’un de ses services le nom de « service des télécommunications et de la signalisation » en 193930. Ce n’est qu’en 1959 que le ministère des Postes, Télégraphes et téléphones devient le ministère des Postes et télécommunications31 qui réunit sous une seule direction les branches télégraphe et téléphone.
42Dans l’avant-propos de son Traité pratique de télécommunication électrique, Édouard Estaunié propose le mot « télécommunication » pour nommer une science « unifiant les méthodes générales utilisées pour la télécommunication ou transmission à distance, au moyen de l’électricité ». Il avance que la séparation entre la télégraphie et la téléphonie est artificielle :
Jusqu’à ce jour tous les ouvrages qui ont traité de la télégraphie et de la téléphonie ont été conçus [selon une présentation analytique et descriptive essentiellement historique]. S’ils fournissent au lecteur des renseignements précieux, ils lui laissent le soin d’effectuer les rapprochements nécessaires, et ces rapprochements ne sont pas toujours faits. On peut penser, par exemple, que la séparation profonde instituée entre la télégraphie et la téléphonie proprement dite est due pour une bonne part à une origine pédagogique. Une différence de mots ou de livres est plus puissante à cet égard que tous les règlements du monde.
43Si Édouard Estaunié précise qu’il traite de la « télécommunication électrique », c’est pour écarter de son propos d’autres formes de télécommunication comme le télégraphe pneumatique ou les dispositifs optiques notamment en usage dans les chemins de fer.
- 32 L’Action, n° 3055, 17 novembre 1911.
- 33 Le Siècle, n° 27694, 17 novembre 1911.
44Entre 1902 et 1911, le mot « télécommunication » est utilisé au singulier uniquement. En 1911, le pluriel apparaît avec la publication le 17 novembre 1911 dans L’Action32 et Le Siècle33 d’une brève intitulée « Télégraphie et téléphonie sans fil. Système Sharman ».
45Jean-Marie Dilhac signale le fait qu’Édouard Estaunié, comme en témoigne l’usage au singulier de « télécommunication » dans le titre de son ouvrage, voit dans le téléphone et le télégraphe non pas deux domaines distincts mais un ensemble cohérent :
Édouard Estaunié prend la responsabilité du cours sur les appareils téléphoniques et télégraphiques. Les deux domaines, le téléphone et le télégraphe, avaient jusqu’alors été considérés comme deux champs disciplinaires distincts, mais Édouard Estaunié fut rapidement convaincu que le temps était venu d’associer ces deux domaines, alors suffisamment mûrs et relevant de manière évidente des mêmes grands principes. (Dilhac, 2008).
46Après la Première guerre mondiale, ces deux domaines sont réunis sous une autorité ministérielle unique tout en conservant des directions administratives différentes jusqu’en 1959. L’adjectif relationnel « électrique » apparaît comme une restriction du domaine défini par Édouard Estaunié qui circonscrit un champ particulier auquel il applique le terme sans exclure pas d’autres champs possibles.
47Dans l’introduction au numéro 48 de la revue Hermès, consacré aux « racines oubliées des sciences de l’information », Anne-Marie Laulan et Jacques Perriault écrivent : « Les inventions du télégraphe électrique (1837), du câble sous-marin (1857), du téléphone (1877), du phonographe (1889) induisent dans la matérialité des dispositifs une réflexion approfondie sur la communication » (p. 9). Des praticiens contemporains du développement de ces appareils (ingénieurs notamment) délivrent dans leur présentation des nouveaux dispositifs de (télé-)communication des réflexions sur la communication.
48L’ouvrage La Télégraphie sans fil (1905) du professeur Domenico Mazzotto (orthographié Mazotto dans la version traduite de l’italien par J.-A. Montpellier), est consacré aux « perfectionnements apportés successivement par M. Marconi et par d’autres inventeurs à l’appareil primitif [de télégraphie sans fil], dans le but de réaliser la transmission à grande distance, ainsi que l’indépendance des stations » (p. IX). Le premier chapitre est intitulé : « Notions générales sur les télécommunications sans fil ». Domenico Mazotto décrit le concept de la télécommunication :
« Tout système de télécommunication comporte trois organes distincts :
1° L’organe qui produit le signal ;
2° L’organe qui sert de liaison entre le poste de départ et le poste d’arrivée ;
3° L’organe qui reçoit le signal.
Ces trois organes peuvent respectivement recevoir les noms de transmetteur, ligne et récepteur (p. 1). »
49L’intérêt de son texte est d’inscrire la télécommunication électrique dans une généalogie ancienne. Il indique ainsi que « les feux qui servirent à Alexandre le Grand pour annoncer la victoire des Macédoniens sur les Perses, les cloches des donjons qui, par leurs sons puissants, signalaient l’approche de l’ennemi, un violent incendie ou une inondation ; le bruit du canon jetant l’alarme dans le campement d’une armée sont autant de systèmes de télécommunication sans fil que l’on a utilisés depuis longtemps » (p. 2). Il intègre aussi les signaux du télégraphe optique et de la communication navale par pavillon, les tentatives de transmission de signaux à distance par action magnétique, les essais, pas tous concluants, de télégraphie sans fil au moyen de conducteurs tels que l’eau ou les rails de chemin de fer, de télécommunications sans fil au moyen de la lumière avec des faisceaux de lumière fixant sur une plaque de sélénium des sons ou utilisant les radiations ultraviolettes. La télégraphie sans fil représente pour l’auteur un des états de la recherche sur la télécommunication.
50En 1909, Ernest Chabrand, dans sa communication « La télégraphie à travers les âges », affirme :
De nombreuses peuplades sauvages actuelles, et je ne parle ici que de celles restées stationnaires, que de celles appartenant aux races attardées, en sont encore à la période d’emploi de leur organe vocal, de leur outil phonateur et du geste pour la transmission au loin de nouvelles ou d’ordres ; leur système de correspondance à distance, de télécommunication ou de télégraphie, disons le mot, tient tout entier dans l’émission de cris ou de sons inarticulés conventionnels et dans un langage de signes combinés des bras et des mains, accompagnant et entremêlant ces cris et capables, par leur assemblage, de les expliquer ; la perception de l’œil complétant ainsi les impressions du sens de l’ouïe ; le signe devenant le complément du son (p. 7).
51Si le racisme et l’européocentrisme imprègnent les propos d’Ernest Chabrand, il propose aussi une approche de la télécommunication qui n’est pas seulement technique mais aussi communicationnelle au sein de laquelle « signe » et « son » sont complémentaires.
52Dans L’Action française, le docteur Joseph Maurras, frère de Charles Maurras, signe des chroniques scientifiques sous le pseudonyme de Vesale. En 1908, après avoir rappelé les aspects militaires de la télégraphie sans fil, il entrevoit l’avenir de ce « mode de télécommunication […] appelé à fournir dans l’avenir des applications encore insoupçonnées. »
La télégraphie sans fil est la transmission des signaux à travers l’espace en négligeant le troisième terme, jusque-là obligé, de toute transmission : transmetteur, récepteur, intermédiaire ; cet intermédiaire, qui établit la communication entre le transmetteur et le récepteur, la ligne dans la télégraphie ordinaire, est pratiquement supprimé et remplacé par l’un des milieux naturels : l’air, la terre, l’eau, ou encore par le plus subtil, le plus élastique, le plus décevant, le moins démontré et le plus certain, comment dirai-je, le plus théorique de tous les milieux, l’éther lumineux.
53Joseph Maurras intègre ici la notion d’intermédiaire et s’appuie sur les théories en usage à l’époque : transmetteur → intermédiaire → récepteur. Il voit dans la télécommunication sans fil le remplacement de l’objet ou de la personne jouant le rôle d’intermédiaire disparaître au profit d’un milieu naturel dont il assure qu’il pourra se substituer au fil télégraphique.
54Ces propos sont à rapprocher de ceux que l’on peut lire dans la traduction française (1911) de L’Électricité et ses applications du Dr L. Graetz :
Le télégraphe, cet outil si simple de télécommunication rapide, nécessite cependant, pour relier deux personnes éloignées, un intermédiaire qui reproduise les mots en écriture télégraphique. C’est là une complication qui disparaît, lorsque l’on fait usage du téléphone dont le rôle est, comme l’on sait, de transmettre les paroles, et de permettre, ainsi, une communication directe entre des personnes séparées par de grandes distances (p. 580).
55Néanmoins, le téléphone, tout comme le télégraphe, s’inscrit dans des réseaux et des infrastructures importants. Le discours sur la simplicité d’utilisation, la dématérialisation (fictive) et la simplification de la communication conduit à une abolition symbolique des intermédiaires humains et techniques.
56Un second élément qui apparaît dès le début du xxe siècle est celui de la télécommunication dans son rapport à la corporalité.
57En 1909, dans L’Année scientifique et industrielle, Émile Gautier, après avoir défini la télégraphie sans fil comme « nouveau mode de télécommunication » (p. 112), la distingue de la téléphonie sans fil et rapproche cette dernière de la voix humaine :
Fille de la télégraphie sans fil, la téléphonie par ondes hertziennes est loin d’avoir atteint un développement aussi étendu que son aînée. Cela ne doit pas nous surprendre la téléphonie avec fil, bien que déjà pas très jeune, n’est pas encore parvenue à franchir la Méditerranée. C’est que l’électricité n’est pas employée de la même manière dans l’un et l’autre moyen de télécommunication. Alors qu’en télégraphie, avec ou sans conducteur, il suffit de produire des signaux toujours semblables différenciées seulement quant à leur durée, la téléphonie ne peut exister qu’avec l’aide de courants ondulatoires dont l’intensité varie à chaque instant, comme celle de la voix d’ailleurs (p. 133).
58Pour sa part, Édouard Branly répond au journaliste Maurice Verne :
- 34 Maurice Verne, « Visages et paysages. Branly, nouveau Robinson dans sa cage de verre… », in L’Intra (...)
L’étincelle électrique, nous la voyions… mais le rayonnement échappait à nos sens… Donc, il nous fallait découvrir ce que j’appellerai l’œil électrique… Eh bien, l’œil électrique, c’est le récepteur…34
59Émile Gautier et Édouard Branly usent de rapprochements entre des éléments constitutifs des appareils et les organes du corps, la technique apparaissant à la fois comme proche de la corporalité humaine et prolongement de ce corps, idées qui seront développées notamment par Marshall McLuhan. Le fait de porter le son et la voix au moyen de l’électricité surpasse les moyens plus anciens comme les systèmes visuels et optiques ou le télégraphe électrique.
60S’intéressant au transport et au rendement de l’information dans son ouvrage Théorie générale de la communication, Robert Escarpit avance qu’« un progrès décisif n’a été accompli que lorsqu’on a pu assurer le transport de l’énergie sur de grandes distances et obtenir ainsi une communication lointaine ou télécommunication » (p. 8). Il rappelle les limites de la télécommunication par signaux optiques : « L’inconvénient de ces systèmes de télégraphie visuelle est qu’ils doivent recourir à des relais humains dès que la limite de perception et surtout d’identification des signaux est atteinte. » (p. 9) et affirme « Un dernier progrès a été accompli quand est apparue avec les ondes hertziennes la possibilité d’affranchir l’énergie de la servitude du conducteur linéaire » (p. 10), ce que les contemporains ont entrevu en forgeant de nouveaux mots et de nouveaux concepts pour appréhender la télécommunication au moyen de l’électricité.
61Quant à Pierre Musso, à propos du télégraphe Chappe, il avance que « C’est la rencontre entre un imaginaire social et une technique qui autorise le lancement d’un premier réseau de télécommunications » (Musso, 1998). Le lancement du mot « télécommunication(s) » naît de la volonté de donner un nom unificateur à un ensemble de techniques, largement appropriées par l’imaginaire, afin d’en décrire un état de développement à des fins pédagogiques avant que d’autres s’en saisissent d’une part et ne l’inscrivent à la fois dans un environnement technique mais aussi culturel d’autre part.
62Si le mot « télécommunication » est utilisé à l’École professionnelle supérieure des Postes et des Télégraphes comme intitulé de cours à partir de 1902, puis rendu public avec la parution de l’ouvrage d’Édouard Estaunié, le nombre d’occurrences repérables sur les sites gallica.bnf.fr et retronews.fr reste faible jusqu’en 1938.
63Au moyen des outils de recherche de Retronews, on ne repère, dans la presse française numérisée, que 25 occurrences des formes « télécommunication » et « télécommunications » entre 1902 et 1919, puis 57 entre 1920 et 1929, 417 entre 1930 et 1939, et enfin 1460 entre 1940 et 1949. Ces chiffres doivent néanmoins être pris avec prudence notamment parce qu’ils ne sont pas pondérés par le nombre de périodiques numérisés disponibles sur le site. Toutefois ils indiquent une tendance au développement de l’usage. À partir de 1933, la forme du pluriel s’impose.
Occurrences des formes « télécommunication » et « télécommunications » entre 1900 et 1949
|
Singulier « télécommunication »
|
Pluriel « télécommunications »
|
Total
|
1900-1909
|
14
|
0
|
14
|
1910-1919
|
9
|
2
|
11
|
1920-1929
|
44
|
13
|
57
|
1930-1939
|
114
|
303
|
417
|
1940-1949
|
121
|
1339
|
1460
|
Total
|
303
|
1657
|
1960
|
Source : Retronews.
64Ceci témoigne du déplacement de textes centrés sur la question technique de la communication électrique à distance vers ceux qui accompagnent le développement des systèmes et des services de télécommunication dans toutes ses dimensions (réglementaire, sociale, économique, historique, artistique).
65Un premier essor de l’usage a lieu entre 1932 et 1936, du fait de la Convention de Madrid (1932) : tout d’abord en amont avec l’annonce de sa tenue puis postérieurement avec les transpositions dans le droit français des dispositions internationales. C’est surtout à l’occasion de la Conférence du Caire en 1938 que l’usage se développe fortement selon les mêmes modalités de reprise. L’augmentation de la fréquence de l’usage a donc pour origine une adoption internationale du terme français dont la presse se fait l’écho.
66Pour ce qui concerne les livres et brochures, nous avons repéré 98 monographies numérisées sur gallica.bnf.fr. L’extraction permet de mettre en évidence les domaines ainsi que les plages temporelles dans et pendant lesquels est utilisé le terme « télécommunication(s) » marquant ainsi sa diffusion dans de nombreuses sphères de la pensée humaine. La classification retenue par Gallica indique les classes d’ouvrages dans lesquels apparaît le terme « Télécommunication(s) » au moyen de la CDD (« SDewey » dans le rapport de recherche). Nous retrouvons à la fois les grandes catégories relevées dans la presse (importance des classes 340, droit et 600, techniques) ainsi que les éléments de périodisation (avec une diffusion de plus en plus large dans différentes classes). La date de la 1re occurrence montre la concomitance entre les dimensions techniques et l’encadrement législatif (respectivement 1910 et 1911) ainsi que, s’il y a bien extension des usages du terme, le fait qu’elle peut être tardive dans certains champs comme les sciences humaines et sociales et humaines ou les arts (ici ne sont pas comprises les œuvres littéraires). A la fin de la période qui nous intéresse, le terme s’est répandu et ses usages sont variés.
Occurrences des formes « télécommunication » et « télécommunications » entre 1900 et 1949 dans les livres et brochures numérisés disponibles sur Gallica
Total par classe (indice : nombre occurrences)
|
SDewey (Gallica)
|
Classe
|
Nombre
|
Date 1re occurrence
|
Date dernière occurrence
|
0 : 1
|
010
|
Bibliographie
|
4
|
1908
|
1935
|
1 : 1
|
150
|
Psychologie
|
1
|
1946
|
-
|
2 : 2
|
230
|
Religion chrétienne
|
1
|
1909
|
-
|
|
290
|
Autres religions
|
1
|
1949
|
-
|
3 : 66
|
300
|
Sciences sociales
|
2
|
1949
|
1949
|
|
301
|
Sociologie
|
1
|
1947
|
|
|
310
|
Statistiques
|
1
|
1948
|
-
|
|
320
|
Science politique
|
1
|
1913
|
-
|
|
330
|
Economie
|
1
|
1949
|
-
|
Dont 340 et 350 : 57
|
340
|
Droit
|
47
|
1911
|
1949
|
|
350
|
Administration publique
|
10
|
1907
|
1944
|
|
360
|
Services sociaux
|
1
|
1937
|
-
|
|
380
|
Commerce, communications, transports
|
2
|
1934
|
1935
|
5 : 8
|
500
|
Sciences : Généralités
|
4
|
1937
|
1949
|
|
530
|
Physique
|
3
|
1916
|
1948
|
|
570
|
Biologie
|
1
|
1912
|
-
|
6 : 11
|
600
|
Techniques : Généralités
|
8
|
1911
|
1935
|
|
610
|
Médecine
|
2
|
1947
|
1949
|
|
630
|
Agriculture
|
1
|
1949
|
-
|
7 : 2
|
700
|
Arts et loisirs : Généralités
|
1
|
1947
|
-
|
|
790
|
Loisirs, sports, arts du spectacle
|
1
|
1949
|
-
|
8 : 2
|
800
|
Littérature : Généralités
|
2
|
1923
|
1949
|
9 : 11
|
900
|
Histoire et géographie : Généralités
|
1
|
1942
|
-
|
|
920
|
Biographies et généalogie
|
2
|
1924
|
1931
|
|
940
|
Histoire de l’Europe
|
2
|
1946
|
1947
|
|
944
|
Histoire de France
|
4
|
1946
|
1948
|
|
950
|
Histoire de l’Asie
|
1
|
1940
|
-
|
|
960
|
Histoire de l’Afrique
|
1
|
1946
|
-
|
X : 9
|
X
|
Non classifié (essentiellement des ouvrages techniques type manuels pratiques destinés aux électriciens, aide-mémoire,…)
|
9
|
1910
|
1940
|
Source : Gallica.
67Ainsi entre 1902 et 1949, dans la presse comme dans les monographies, il apparaît que l’institutionnalisation avec l’entrée dans la terminologie officielle du terme « télécommunication(s) » conduit à une adoption toujours plus large dans les domaines scientifique, technique et surtout juridique – avec plus de la moitié des usages pour ce seul dernier domaine, ce qui témoigne d’un encadrement législatif de plus en plus important. Il reste plus rare dans les domaines artistiques (littéraire notamment, qui lui préfère des termes précis comme téléphone, T.S.F. ou téléphote) et quand la presse l’utilise c’est avant tout dans des chroniques relevant des domaines précédents. L’usage se développe ensuite. Le premier pic date de 1938, année au cours de laquelle de nombreux articles et ouvrages, notamment de droit, relatent la conférence internationale des télécommunications du Caire (février-avril 1938) puis 1942 avec la création de l’École Nationale Supérieure des Télécommunication et enfin 1945, année de la création du Centre National d’Études des Télécommunications (CNET).
68Un événement, qu’il soit réglementaire, international, ou lié à la création d’une institution, entraîne une augmentation des usages dans la production écrite (presse et monographies), conséquence certes de la publication de l’information mais aussi de la dissémination du terme lui donnant visibilité et popularité par le biais de son officialisation.
69Dans l’avertissement de son Traité pratique de télécommunication électrique, Édouard Estaunié écrivait : « en raison du but de généralisation recherché, j’ai dû ajouter un mot nouveau à un glossaire déjà trop riche au gré de nombreux électriciens […] Les mots naissent dans les sciences neuves, comme les plantes au printemps. Il faut s’y résigner, et il n’y a qu’un demi-mal, puisque l’été qui doit suivre se chargera d’élaguer les mauvaises pousses ».
70De l’apparition du néologisme pour intituler un cours lors de la réforme de l’École professionnelle des Postes et Télégraphes en 1902, jusqu’à son adoption par la Conférence de Madrid le terme « télécommunication(s) » connaît un glissement sémantique qui trouve son aboutissement en 1947. Cette année-là, lors de l’assemblée plénière d’Atlantic City, l’Union internationale des télécommunications fixe la définition de « télécommunication » en substituant le mot transmission à celui de communication : « toute transmission, émission ou réception de signes, signaux, textes, images, sons ou de renseignements de quelque nature par fil, radioélectricité, liaison optique ou électromagnétique ».
71Avec le fait que le substantif dans sa forme plurielle se soit largement imposé, en désignant le regroupement dans un ensemble de différents moyens de communication à distance dont le point commun est l’idée de transmission, le sens du mot « télécommunication(s) » ne correspond plus exactement à la double définition 1/ d’une science unifiée et unificatrice et 2/ des moyens de communication comme l’entendait à l’origine Édouard Estaunié, cette dernière définition dominant largement depuis les années 1930.