Rohde, E. L’éthique du journalisme
Rohde, E. (2020). L’éthique du journalisme. Paris : Presses Universitaires de France. 9 €
Texte intégral
- 1 Rohde, E. (2010). L'éthique du journalisme. Paris : Presses universitaires de France.
1Éric Rohde propose ici un ouvrage réédité1 qui interroge la place de l’information dans la Cité à travers la profession journalistique et les notions d’éthique et de déontologie. Cette réédition est aussi l’occasion, pour l’auteur, de constater que le champ de l’information a connu en dix ans des évolutions qui ont été marquées par deux tendances bien marquées ; à savoir, la difficulté croissante de la pratique du journalisme professionnel et la multiplication des initiatives témoignant d’une exigence accrue de qualité. Deux phénomènes massifs sont à l’origine de ces difficultés : le déploiement des outils numériques et le durcissement des responsables politiques et économiques à l’égard des médias. Cela a pour conséquence de générer une profusion d’informations et d’opinions concurrentes synonyme de liberté mais également une confrontation « qui met à mal les principes démocratiques dont l’information est l’une des composantes fondamentales. » (p. 4). Les professionnels prêtent alors plus d’attention à l’information produite ainsi qu’aux conditions de sa production. La question de l’éthique et de la déontologie journalistique est dès lors plus que jamais centrale et les initiatives de régulations de celles-ci se font jour (cf. l’Observatoire de la déontologie de l’information qui milite, avec d’autres organisation pour la création d’un Conseil de déontologie journalistique et de médiation). Pourtant, cette prétention morale divise face aux méfiances et au rejet d’autres organismes qui y voient la mainmise du gouvernement. Se dessine alors un contexte tendu et déroutant où la profession se voit fréquemment malmenée.
2Le premier chapitre « Un univers d’indéterminations » revient sur les éléments qui rendent parfois difficile la perception du monde de l’information. Parmi ceux-ci nous pouvons notamment citer : son vocabulaire constitué de termes dont le sens n’est pas univoque où qui font référence à des objets plus ou moins insaisissables ; les multiples fonctions assumées par les médias où l’information est donnée à la consommation publique en parallèle d’autres éléments distincts bien moins informatifs ; les choix éditoriaux divergents d’un média à l’autre, ces derniers n’ayant pas eux-mêmes accès de manière égale à l’information ; un déficit théorique à propos du « lien de nécessité entre démocratie et information-média, ni a fortiori ses articulations » (pp. 26-27).
3Le deuxième chapitre « L’information-média comme construction » propose de s’intéresser aux conditions, à l’organisation et au processus de production de l’information. Nous nous penchons ici sur : les différentes étapes de la chaîne de fabrication de l’information où le processus est conditionné par le type de support ; l’organisation d’une conférence de rédaction où se décident les choix en termes d’informations à valoriser ; les deux grands cadres qui structurent, gouvernent et délimitent les rédactions : le projet éditorial (parler de quoi, à qui, comment, pourquoi ?) et le « concept » (rubriques, formats, modes d’illustration, genres, mise en page) ; les nouveaux modes d’organisation et de collaboration entre certains médias permettant de traiter des masses considérables d’informations et de faire front commun.
4Le troisième chapitre « Incertaine éthique » se décline en deux parties distinctes ; à savoir, une première partie qui dresse une typologie des dérives des médias dans le traitement de l’information (distorsion, falsification, sous-information, méqualification, uniformisation, recomposition, irresponsabilité), et une deuxième partie qui présente les différents règlements, lois, chartes, codes, comités, conseils, acteurs et autres dispositifs qui encadrent le traitement de l’information au sein de la profession journalistique et des médias.
5Le quatrième chapitre « Voix et voies du droit » est dédié à une approche historique du cadre légal qui accompagne l’information et les médias. On y traite tout d’abord des textes de références sur la liberté d’expression et le droit à l’information comme la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international de New York, la Charte des droits fondamentaux et le Traité sur l’Union européenne. Ensuite, ce sont les différentes lois qui garantissent, en France, la liberté d’expression ainsi que celles qui encadrent le droit à l’information qui sont passées en revue. Enfin, ce chapitre se clôt sur quelques droits, devoirs et interdits dans la diffusion d’informations : la présomption d’innocence, la diffamation et l’injure, la vie privée et le « droit à l’image » ainsi que le droit de réponse.
6Le cinquième chapitre « Philosophie et éthique du journalisme » traite de la pertinence des informations à diffuser. La question ici est de savoir ce qui, selon les médias et les journalistes, mérite d’être diffusé ainsi que la façon dont cela doit l’être. Globalement, il est question ici de la relation intersubjective qui s’installe entre les constituteurs d’une information-média et ses destinataires à travers les différentes formes que peut revêtir sa publication.
7Enfin, le sixième chapitre « Pratiques et déontologie » s’attarde sur la place et la légitimité de l’informateur dans la Cité. Celui-ci a le devoir d’intervenir « Dès lors qu’en qualité de citoyen, j’ai la possibilité et le devoir de me prononcer sur la marche de la Cité, il y va d’une nécessité. Le journaliste est ainsi celui qui exerce cette médiation lorsque l’ampleur et la complexité de la Cité la rendent nécessaire ; celui qui, dans la Cité démocratique, assure la fonction d’informateur public du citoyen cosouverain » (p. 109). Ce devoir d’informer « comporte notamment deux obligations qui proviennent de deux possibilités qui leur sont données : le droit et le devoir d’interpellation, ainsi que le droit et le devoir de complétude » (p. 121). In fine, la diffusion de l’information-média doit s’accompagner, autant que possible, des conditions de son élaboration, et ce, dans un souci de transparence.
8Ce chapitre énumère ensuite les différents moyens d’obtention d’une information. Il revient également sur la question de ce qui mérite d’être publié ou non.
9Pour conclure sur une note pratique, le lecteur appréciera l’écriture très accessible – accompagnée de tableaux, d’encadrés et de multiples exemples – d’Éric Rohde et la clarté remarquable du découpage de son propos à travers les différents chapitres qui composent ce texte. Aussi, on remarquera la présence d’une table des matières et d’une bibliographie indicative où ne sont citées que des sources qui ne sont pas mentionnées au fil des pages.
Notes
1 Rohde, E. (2010). L'éthique du journalisme. Paris : Presses universitaires de France.
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Référence électronique
Ugo Roux, « Rohde, E. L’éthique du journalisme », Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 21 | 2021, mis en ligne le 01 janvier 2021, consulté le 17 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfsic/10758 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfsic.10758
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