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Dossier

Écrire des manuels pour « une » discipline ? Les auteurs de manuels de sciences physiques et de sciences naturelles pour l’école moyenne dans la France des années 1950

Authors of physical and natural sciences textbooks for middle schools in 1950s France: a commitment to one discipline?
Catherine Radtka
p. 59-80

Résumés

L’article est centré sur les auteurs de manuels scolaires de sciences physiques et de sciences naturelles dans le contexte de la France des années 1950 ; il articule une démarche prosopographique à l’étude de dynamiques institutionnelles et disciplinaires. L’identification des auteurs s’adressant à des élèves scolarisés dans les différents types de classes qui se situent alors en aval du cours moyen 2 e année, la caractérisation de leurs carrières et la mise au jour de liens entre productions éditoriales et engagements pédagogiques ou associatifs conduisent à montrer comment ces acteurs accompagnent le rapprochement des différentes filières d’enseignement post-élémentaires. La comparaison des deux disciplines met en évidence un engagement différencié des auteurs dans la construction d’une identité disciplinaire unifiée selon leur inscription dans l’enseignement des sciences physiques ou des sciences naturelles.

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Texte intégral

  • 1 Je tiens à remercier les coordonnateurs du dossier, ainsi que les relecteurs anonymes, dont les re (...)

1« Ces livres, ce sont aussi des hommes ». C’est ainsi que le premier numéro de l’année 1958 du magazine illustré Tintinintroduisait auprès de ses jeunes lecteurs les vœux que leur présentaient des auteurs « scolaires ». Rappel ou précision qui invitaient à dépasser un impensé : les livres placés entre les mains des élèves ne sont pas de simples outils pédagogiques, ce sont aussi les écrits d’adultes qui s’adressent, selon Tintin, « avec amour » à des enfants. Juxtaposant couvertures de manuels et photographies de leurs auteurs, le magazine parvenait à rendre sensible une certaine dualité dont sont porteurs les livres en général, et les manuels scolaires en particulier : dotés d’une existence quasiment autonome une fois mis sur le marché, les livres restent aussi les résultats d’un processus de production 1.

  • 2 Nous ne citons pas ici les études relevant d’une telle approche et qui constituent l’ensemble le p (...)

2Le processus de production des manuels scolaires engage bien évidemment ceux qui écrivent les livres. Il implique aussi un secteur professionnel particulier, celui de l’édition-imprimerie qui, dans le cas des publications scolaires françaises, s’est structuré, industrialisé et a établi des relations privilégiées avec l’institution scolaire au cours du xix e siècle (Mollier, 1999 ; Parinet, 2004, p. 80-86 et p. 199-230). En se focalisant sur ce processus et ses acteurs, les chercheurs qui s’intéressent aux manuels scolaires ont soulevé de nouvelles questions : à l’étude des contenus des ouvrages permettant notamment de faire émerger les caractéristiques d’une discipline scolaire à un moment donné (Chervel, 1988, p. 94-95) 2, ont succédé des interrogations portant sur l’identité des auteurs, sur les réseaux, motivations et intentions des acteurs de l’édition scolaire, ou encore sur les contraintes liées au processus éditorial lui-même. Ces analyses plus récentes ont éclairé autant l’histoire de l’institution scolaire et de ses relations avec les sphères économiques et politiques d’une société (Choppin, 1992, 2005 ; Mollier, 2002, 2015, p. 133-160 ; Shapiro, 2012) que l’histoire des disciplines scolaires en y intégrant la prise en compte des conditions matérielles et intellectuelles dans lesquelles la réflexion et l’acte pédagogiques se développent au-delà de l’institution scolaire à proprement parler (Ehrhardt, 2011 ; Moyon, 2015 ; Pauly, 1991 ; Radtka, 2017 ; Simon, 2011 ; Shapiro, 2013 ; Verdier, 2013). De telles recherches ont aussi établi que, y compris dans un cas comme celui de la France où l’existence de programmes scolaires officiels tend à normer l’enseignement, les manuels ne peuvent être vus uniquement comme le relais de normes définies au préalable, mais doivent être considérés comme des moyens qui peuvent peser dans l’élaboration même de ces normes (Radtka, 2016, 2018 ; Simon, 2012).

  • 3 Notons que, en ce qui concerne les acteurs du monde éditorial (bien plus que pour les auteurs), leu (...)

3Enfin, utiliser les manuels pour accéder aux individus qui les ont faits a aussi permis de faire émerger un ensemble d’acteurs souvent inconnus des historiens, soit qu’ils aient été réduits à une « marque » pour ceux dont les ouvrages restent dans les mémoires, soit qu’ils aient été – avec leurs manuels – totalement oubliés ou jugés « indignes » d’étude par les historiens des sciences « savantes » (Bensaude-Vincent, Garcia Belmar & Bartomeu Sanchez, 2003) 3. Dans la lignée de cette approche, le présent article se centre sur des auteurs de manuels scolaires. Ici, cette attention portée à des acteurs de l’enseignement vise à éclairer des évolutions disciplinaires. La perspective prosopographique constitue ainsi une manière d’articuler une dynamique institutionnelle globale, à un moment de l’histoire – les années 1950 – qui voit la remise en cause de la structuration traditionnelle du système d’enseignement français en « ordres » séparés, avec des choix et des logiques sociales distincts suivant les disciplines.

4Plus précisément, cet article s’intéresse aux sciences physiques et aux sciences naturelles dans le contexte des années 1950 en France, en prenant pour point de départ la production de manuels s’adressant à des élèves scolarisés dans les différents types de classes qui se situent alors en aval du cours moyen 2 eannée (CM2), et qui forment les différentes filières de ce que l’on peut appeler « l’école moyenne » : premier cycle des lycées et collèges, cours complémentaires, classes de fin d’études primaires, mais aussi centres d’apprentissage ou collèges techniques (voir tableau 1). En effet, ces années de scolarité constituent dans les années 1950 un enjeu central des nombreux projets de réforme de l’enseignement en discussion depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pour les enfants âgés de 11 à 15 ans, l’offre est alors plurielle, assurée par différents corps enseignants dans différents types d’établissements ; elle relève administrativement de directions différentes du ministère de l’Éducation nationale et participe d’une logique d’ordres d’enseignement distincts auxquels sont associées des cultures d’enseignement distinctes. Dans l’entre-deux-guerres puis, surtout, après la Seconde Guerre mondiale, cette logique est remise en cause à la fois par les choix des enfants et de leurs familles, et par les objectifs promus par les réformes et projets de réforme successifs.

Tableau 1. Principaux types d’établissements et voies de scolarisation pour les 11-15 ans de la Libération à la réforme Berthoin (1959)

Établissements Rattachement institutionnel Type et objectif d’enseignement Filières et années d’études Effectifs au cours de l’année scolaire 1959-1960 (public + privé)****
Collèges et lycées Direction du Second degré Enseignement général Filières courtes (1 ercycle de 4 années : 6 e-3 e) et longues (1 eret 2 ecycles)
Principalement filières classiques, mais aussi modernes et techniques
338 000 (dans le 1 ercycle)
Collèges modernes ( anciennes écoles primaires supérieures) Direction du Second degré Enseignement général Filières modernes uniquement
Cours complémentaires* Direction du Premier degré Enseignement général 6 eà 3 e 477 000
Classes de fin d’études primaires (CFEP) Direction du Premier degré Finalise l’enseignement élémentaire 12-14 ans (2 ans) 746 850
Centres d’apprentissage(CApp)** Direction de l’Enseignement technique Éducation professionnelle / formation d’ouvriers qualifiés 14-17 ansFilière technique courte 183 000 (+ 21 000 à temps réduit)
Collèges techniques***( anciennes écoles pratiques de commerce et d’industrie) Direction de l’Enseignement technique Formation de techniciens Filière technique longue
À partir de la 4 e, plus souvent de la 3 e
138 000
Écoles nationales professionnelles (ENP)*** Direction de l’Enseignement technique Formation de techniciens Filière technique longue

Notes :
* Suite à la réforme Berthoin de 1959, les cours complémentaires deviennent des collèges d’enseignement général.
** Les élèves sont majoritairement recrutés après les CFEP, certains rejoignent les CApp après une classe de 4 e CC ou de 4 edu second degré. Suite à la réforme Berthoin, les centres d’apprentissage deviennent des collèges d’enseignement technique.
*** Suite à la réforme Berthoin, les collèges techniques et les écoles nationales professionnelles deviennent des lycées techniques.
**** D’après Ministère de l’Éducation nationale, Direction de l’Administration générale, Service technique de Statistique, « Les effectifs de l’enseignement du premier degré en 1959-60 » et « Les effectifs scolaires des établissements du niveau du second degré. Situation au 5 octobre 1959 », ainsi que Defresne & Krop, 2016.

5Comme l’ont montré les travaux récents du projet de recherche REDISCOL (d’Enfert & Kahn, 2010, 2011 ; d’Enfert & Lebeaume, 2015), les changements structurels qui ont pris acte de ces remises en cause à partir de la réforme Berthoin de 1959 (qui porte à 16 ans l’âge de la scolarité obligatoire) ne sont pas indépendants de l’histoire des disciplines. Au contraire, ils ont été accompagnés et même précédés de transformations disciplinaires, ce qui rend nécessaire la prise en compte de l’histoire des disciplines scolaires pour la compréhension de l’organisation scolaire du second xx e siècle. Cependant, malgré les apports récents de l’historiographie, la question de la place et du rôle des auteurs de manuels scolaires dans ce jeu entre évolutions disciplinaires et changements structurels n’a pas été posée. Nous centrer sur les auteurs des manuels de sciences physiques et de sciences naturelles aura précisément cet objectif. Identifier les auteurs, caractériser leurs carrières, en particulier au regard de leurs origines scolaires et de leur position institutionnelle, permettra de préciser si ces acteurs particuliers de l’enseignement s’inscrivent dans un système divisé en ordres parallèles ou s’ils ont déjà bénéficié de rapprochements et de passerelles entre les différentes filières d’enseignement. Faire le lien avec leurs réalisations et leurs engagements conduira à se demander si ces acteurs, en tant qu’auteurs de manuels scolaires, accompagnent voire promeuvent le rapprochement des différentes filières d’enseignement post-élémentaires ou s’ils tendent au contraire à reconduire la division du système d’enseignement en ordres séparés et à favoriser ainsi une certaine inertie de celui-ci en dépit des réformes promues puis engagées par ailleurs.

6Après avoir précisé la méthodologie qui nous permet d’établir une image générale de l’offre éditoriale dans le contexte des années 1950 pour les deux disciplines considérées, nous nous intéresserons aux auteurs des ouvrages qui en relèvent. Cette étape permettra d’identifier des traits communs dans les carrières des auteurs, mais aussi de les situer scolairement et institutionnellement, et de faire ainsi émerger un relatif renouvellement disciplinaire à la fin de la décennie 1950. L’analyse sera ensuite poursuivie en comparant les deux disciplines. Cette dernière étape mettra en évidence un engagement différencié des auteurs de manuels du premier cycle du second degré dans la construction d’une identité disciplinaire unifiée.

Une offre éditoriale balayant filières et établissements de l’enseignement moyen

Méthodologie : de l’identification de l’offre éditoriale à la constitution d’un échantillon de manuels et d’auteurs

7La définition du corpus de manuels scolaires à partir duquel nous conduisons notre étude pose d’emblée une série de questions. La première porte sur l’objet « manuel » lui-même et sa définition. S’il est désormais établi que l’on peut considérer que le genre (au sens littéraire) du manuel émerge au cours du xix e siècle, il n’en reste pas moins que ses frontières demeurent fluctuantes, non seulement du fait des évolutions de la forme des ouvrages, mais aussi du fait des usages qui ont détourné certains livres des marchés visés par les auteurs ou éditeurs pour les introduire dans des salles de classe (Choppin, 1992, 2008 ; Kaiser, 2012). Nous avons, pour notre part, constitué notre corpus en regroupant des manuels dont l’intention didactique est explicite ou manifeste. Produits pour un usage en classe, de tels ouvrages portent les traces matérielles de cette intention – les couvertures indiquent les matières traitées et les publics auxquels ils sont destinés. Ils sont aussi commercialisés viales circuits et les techniques de vente inventés pour la plupart par Hachette puis Armand Colin au xix e siècle, distribution de catalogues et mise à disposition de spécimens notamment (Mollier, 1999 ; Parinet, 2004, p. 85).

  • 4 La Bibliographie de la Francea annoncé, sous la forme d’un numéro spécial, la pub (...)
  • 5 Signalons ici que la banque de données Emmanuelle, conçue par Alain Choppin au début des années 198 (...)
  • 6 Bien que nous ayons cherché à établir une recension prenant en compte le plus grand nombre de titr (...)

8Ces différents aspects ont guidé la constitution du corpus de manuels étudié dans cet article. Nous avons utilisé une publication récurrente du Cercle de la Librairie, le supplément « rentrée des classes » de la Bibliographie de la Francequi, pour la période historique qui nous intéresse, regroupe annuellement les catalogues de la plupart des éditeurs scolaires 4. Par ce biais, c’est aussi à une partie de la publicité faite aux manuels par les éditeurs que nous avons eu accès. Nous avons d’autre part exploité les catalogues de différentes bibliothèques (la Bibliothèque nationale de France, la bibliothèque Diderot de Lyon qui possède les fonds de l’Institut français d’éducation [CADIST Éducation] et celle du Musée national de l’éducation de Rouen) en croisant les mots-clefs faisant référence aux matières enseignées (« sciences appliquées », « sciences naturelles », « sciences physiques » et « physique et chimie ») et les indications de classes, niveaux ou types d’établissement 5. Sans être tout à fait exhaustif, ce corpus renvoie une image globalement fiable de l’offre éditoriale de la fin des années 1950 pour les élèves âgés de 11 à 15 ans 6.

9Il a fallu également déterminer plus précisément les filières et niveaux inclus dans cette étude. En effet, la multiplicité des types d’établissements et des filières offre aux éditeurs un public fragmenté par les structures du système d’enseignement, et les maisons d’édition reprennent généralement l’organisation scolaire pour segmenter leur offre éditoriale, que ce soit dans les catalogues qui présentent les ouvrages ou sur les couvertures des manuels. L’offre éditoriale reflète ainsi, dans une certaine mesure, les instructions officielles qui distinguent un enseignement de « sciences appliquées » dans les classes de fin d’études primaires (CFEP), d’un enseignement de « sciences » dans les filières techniques, et de deux enseignements distincts de « sciences physiques » et de « sciences naturelles » dans les cours complémentaires (CC) et les collèges et lycées – ces différentes catégories pouvant encore être raffinées selon les types d’établissements et de filières.

  • 7 La décennie 1950 fait plus précisément référence dans notre étude à la période 1947-1962 sur laquel (...)
  • 8 Bien qu’ils connaissent alors une très forte croissance (Brucy, 2005), les établissements de l’ens (...)
  • 9 Nous rejoignons sur ce point le constat effectué par Sido (2011, p. 30) en ce qui concerne les man (...)

10Après avoir établi un relevé de l’offre éditoriale dans les années 1950 7, qui montre la prévalence numérique des titres proposés pour l’enseignement du second degré (collèges et lycées), pour les CC et les CFEP (dans l’ordre décroissant) par rapport aux filières techniques 8, nous avons décidé de circonscrire notre corpus de manuels aux ouvrages destinés aux trois premiers types d’établissements. Ce faisant, nous délaissons, à l’instar de la plus grande partie de l’historiographie, les filières techniques qui complexifient après la Seconde Guerre mondiale l’opposition entre primaire et secondaire, mais nous pouvons le justifier par l’objet « manuel » qui sous-tend notre étude. En effet, il ne nous semble pas que, au vu de l’offre éditoriale, les manuels scolaires pour le technique des années 1950 puissent, à quelques exceptions près que nous citons plus loin, interférer dans la définition de l’identité disciplinaire des sciences physiques et des sciences naturelles 9. Ce choix permet en revanche d’aborder, par le biais de l’identification des auteurs, la question de la dualité scolaire entre premier et second degré et de mettre en évidence des différences entre les sciences physiques et les sciences naturelles. L’étude de ces différences a ensuite été poussée plus loin vial’analyse des carrières d’une partie des auteurs de manuels identifiés dans un premier temps. L’échantillonnage a été réalisé en privilégiant les auteurs de manuels destinés aux collèges, lycées et CC (par opposition aux CFEP) publiés ou encore présentés par les éditeurs dans leurs catalogues à la fin de la décennie (c’est-à-dire après la réforme des programmes introduite à partir de 1957).

Les sciences physiques et naturelles et leurs manuels dans un paysage scolaire en transformation

11Avant d’examiner en détail l’offre éditoriale en sciences physiques et naturelles pour l’école moyenne, il convient de préciser la place de ces disciplines dans les différentes filières auxquelles ont accès les élèves.

  • 10 Le bloc des disciplines scientifiques « dures » (hors mathématiques) peut également dans la périod (...)
  • 11 Les programmes renouvelés après la Seconde Guerre mondiale paraissent à l’été 1947 (Arrêté du 24 j (...)

12Au sein des écoles primaires, les classes de fin d’études primaires accueillent les élèves jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire (portée depuis 1936 à 14 ans révolus) pour les préparer à l’entrée dans la vie active. Les élèves y reçoivent un enseignement de « sciences appliquées » qui mêle des notions ou des sujets que l’on retrouve pour partie dans les CC et collèges et lycées sous les intitulés « sciences naturelles » et « sciences physiques » 10. Les finalités de ces enseignements ne sont toutefois pas les mêmes : bien que les instructions officielles donnent après la Seconde Guerre mondiale une orientation de plus en plus « scientifique » aux « sciences appliquées » (Guedj & Kahn, 2010, p. 189-190), cet enseignement demeure utilitaire et orienté par les caractéristiques sociologiques des publics visés 11.

  • 12 Si les collèges modernes sont considérés, d’après Chapoulie (2010a, p. 66), comme des « établissem (...)

13Dépendant également de la direction du 1 erdegré, les CC (établis dans ou annexés à des écoles primaires) proposent un enseignement post-élémentaire. Il distingue les sciences naturelles, enseignées de la sixième à la troisième, de la physique qui s’adresse exclusivement aux élèves de quatrième et de troisième. De même, dans les établissements du 2 d degré, les sciences naturelles sont enseignées dans toutes les classes du 1 er cycle de toutes les filières, alors que l’enseignement de la physique est plus restreint. De fait, il ne concerne que les élèves scolarisés dans les filières modernes courtes fréquentant, notamment mais pas exclusivement, les collèges modernes 12.

  • 13 La proximité des programmes à laquelle nous faisons référence ici est formelle : même dénomination (...)

14Entre cours complémentaires et établissements du second degré, les programmes officiels prescrivent des contenus d’enseignement proches. Cette proximité des programmes 13, le succès que rencontre auprès des élèves des collèges et lycées le brevet d’études du premier cycle (BEPC) destiné initialement aux élèves des CC et des filières modernes courtes du 2 d degré, et la création en 1952 d’une section permettant d’accueillir dans le second cycle du second degré des élèves poursuivant des études au-delà de la troisième des cours complémentaires témoignent et accompagnent des rapprochements effectifs entre le premier et le second degré. Ainsi, même si les finalités des enseignements demeurent distinctes, il est possible de constater une dynamique tendant au cours des années 1950 à l’uniformisation des contenus prescrits des disciplines expérimentales au niveau de l’« école moyenne » s’étendant jusqu’aux classes de fin d’études primaires (Lebeaume, Guedj & Savaton, 2015, p. 200-205). Un des enjeux de notre étude est bien alors de vérifier si et comment les manuels participent de cette dynamique.

  • 14 Sur la période considérée, nous avons dénombré 42 manuels (rééditions incluses) répartis en 15 col (...)

15Dans le corpus étudié, les manuels pour les CFEP forment un ensemble bien distinct, et ce, dans toutes les maisons d’édition 14. Les « sciences appliquées » y sont déclinées généralement au sein d’une même collection en fonction des différents publics visés : écoles rurales ou urbaines, de filles ou de garçons. Certains éditeurs vont jusqu’à proposer des compléments pour les écoles de garçons du littoral (Savéant & Savéant, 1950 ; Millet & Le Meur, 1951). La frontière entre « sciences appliquées » d’une part, et « sciences physiques » et « sciences naturelles » d’autre part, correspond donc à la stricte démarcation institutionnelle qui sépare les CFEP des autres filières de l’école moyenne (collèges, lycées et CC).

16Qu’en est-il, dès lors, pour le reste du corpus, à savoir les manuels de sciences physiques et naturelles pour les CC, collèges et lycées : segmentent-ils les publics en fonction des établissements et des filières, ou visent-ils, à l’inverse, le plus large public, créant ainsi des rapprochements par-delà les démarcations institutionnelles ? Il serait vain de chercher à décrire, pour chaque maison d’édition, une stratégie éditoriale bien identifiée et suivie de manière continue. Ainsi, aux éditions Hatier, les intitulés des manuels de la collection Oria de sciences naturelles fluctuent selon les rééditions et les titres entre des ouvrages s’adressant à l’« enseignement secondaire classique et moderne », à l’« enseignement secondaire classique et moderne et aux cours complémentaires », voire même aux deux précédents et à l’enseignement technique (Oria, 1951). De même, chez Belin, les manuels de sciences naturelles rédigés par Jean Humbert distinguent les lycées et collèges des cours complémentaires pour les classes de 6 eet de 4 e, mais non pour la classe de 5 eet ils laissent planer le doute (en ne faisant référence qu’à la « classe de troisième » sans autre précision) pour la dernière année des CC et du 1 ercycle du 2 ddegré. Ce point appelle au demeurant une clarification de l’auteur qui revendique, non sans humour, un enseignement identique de l’hygiène dans ces différents établissements et justifie ainsi un éloignement d’avec les programmes officiels :

  • 15 Il s’agit du manuel pour la classe de troisième paru en 1955 portant sur les programmes de 1945 de (...)

Leur programme ne diffère de celui des Lycées et Collèges que par la suppression des organes des sens et du système nerveux, chapitres que les Maîtres pourront passer sous silence s’ils le jugent bon. Nous pensons qu’un manuel d’hygiène peut difficilement amputer l’organisme humain de ces organes essentiels… (Humbert, 1955 15)

  • 16 La spécification rappelle que les filières longues du 2 ddegré ne sont pas concer (...)
  • 17 Suite à la réforme Berthoin, on trouve des changements de titre portés dès 1961 dans les catalogue (...)
  • 18 La collection paraît à partir de 1952 et compte des titres identifiant des sections ou types d’étab (...)
  • 19 Rappelons toutefois que ce rapprochement se fait à l’exclusion des filières longues du 2 (...)

17En ce qui concerne les sciences physiques ensuite, les ouvrages indiquent les établissements ou niveaux visés 16, selon des formules variables : « enseignement court » chez Delagrave, « cours complémentaires et collèges modernes » chez Charles-Lavauzelle, ou seulement l’indication « cours complémentaires » chez la plupart des éditeurs 17. L’enseignement de la physique-chimie en classes de quatrième et troisième est ainsi surtout identifié aux filières post-obligatoires du 1 erdegré, même si l’enseignement court du 2 ddegré est également parfois mentionné explicitement. Notons également qu’une certaine proximité avec l’enseignement technique transparaît parfois au travers des rapprochements de publics établis par certains éditeurs : Ligel destine son Cours de physiqueet son Cours de chimieaux « Cours complémentaires, écoles techniques et classes de 5 e, 4 e, 3 edu secondaire » et Dunod, spécialisé dans l’édition technique depuis le xix esiècle, mais au catalogue limité pour ce qui concerne le primaire et le secondaire, propose quant à lui des Leçons de physique, Leçons de chimie, Cours de physique, et Cours de chimiequi s’adressent aussi bien à des écoles nationales professionnelles (EPN), collèges techniques qu’aux sections techniques des lycées et collèges et cours complémentaires 18. Hachette procède de même avec des manuels destinés aux collèges techniques auxquels sont associés des « cours complémentaires commerciaux » et « cours complémentaires industriels ». Dans cette discipline, les rapprochements établis dans les titres des manuels témoignent donc d’une proximité existant depuis l’entre-deux-guerres entre primaire et technique mais qui, désormais, du fait de certaines transformations structurelles et de rapprochements dans les programmes, parcourt tout l’arc du technique au 2 ddegré au niveau de l’école moyenne 19.

  • 20 Cette pratique est notamment mise en œuvre pour la partie « puériculture » du programme de science (...)

18Pris dans leur ensemble, les éditeurs commerciaux semblent donc hésiter entre différentes formules : la segmentation de l’offre pour s’adapter aux différentes filières, la spécialisation sur une filière ou un type de public particulier, la publication d’ouvrages visant les publics les plus larges possibles, ou encore des solutions intermédiaires consistant, par exemple, à adapter le contenu a minimatout en différenciant fortement les titres des ouvrages, ou encore à éditer des fascicules complémentaires 20.

19En effet, la publication de manuels propres à chaque filière permet a prioride cibler plus finement ou de fidéliser des utilisateurs particuliers : mais encore faut-il que les achats soient en nombre suffisant pour rentabiliser l’investissement initial. Aussi cette démarche est-elle, a priori, plus accessible aux grosses maisons d’édition. À l’inverse, en mentionnant différents types de publics, l’éditeur peut chercher à rentabiliser au maximum la conception et l’édition de ses manuels, en leur assurant des débouchés plus importants. Dans ce cas, le manuel peut, au choix, énumérer les différents publics ciblés, ou mentionner, sans autre précision, les classes de « sixième », « cinquième », « quatrième » ou « troisième », dénominations communes aux différentes filières de l’école moyenne. On peut voir dans ce procédé une réponse adaptée aux aménagements apportés à l’offre scolaire. Dans cette période, divers établissements fusionnent, sont réunis sous une même direction, ou accueillent en leur sein des filières d’études post-élémentaires variées (Chapoulie, 2010b, p. 406-407). Les regroupements, dans les manuels, de publics visés peuvent, dans ces cas particuliers, constituer une réponse adaptée à la demande des familles concernant la limitation du changement des livres scolaires et l’encouragement à la réutilisation d’année en année, notamment entre frères et sœurs, de mêmes manuels. Dans cette période où le coût des ouvrages pèse encore en grande partie sur les familles, il s’agit là d’une demande récurrente que l’administration de l’Éducation nationale redirige régulièrement vers les chefs d’établissements, inspecteurs d’académie et recteurs (Choppin & Clinkspoor, 1993, p. 67-71 et p. 385-404). Néanmoins, de ce paysage confus se dégagent quelques tendances qui témoignent de différences assez nettes entre sciences physiques d’une part et sciences naturelles de l’autre.

  • 21 Ces rapprochements peuvent être explicités par la mention des différentes filières concernées en pa (...)
  • 22 L’empire Hachette se permet d’être présent à deux niveaux en proposant deux collections différente (...)
  • 23 Le manuel de Mercier, Garnier, Mercier et al.(1962) constitue une exception puis (...)
  • 24 L’offre de Delagrave et Dunod conduit à inclure les notions de sciences naturelles dans des manuel (...)

20Pour les sciences naturelles en effet, les éditeurs opèrent également, de plus en plus souvent au cours de la décennie, des rapprochements entre les différents filières et établissements auxquels un seul manuel peut s’adresser 21. Cette pratique n’est cependant pas généralisée – Hachette 22comme Armand Colin continuent, à la fin de la décennie, de cibler spécifiquement les cours complémentaires, encore s’agit-il pour Armand Colin à travers les manuels de Robert Mercier et Léon Garnier (Mercier, Garnier & Pichard, 1958 ; Mercier, Garnier, Mercier et al., 1962) d’une déclinaison de l’offre s’adressant également aux collèges et lycées rédigée par les mêmes auteurs – et ne s’étend pas jusqu’à l’enseignement technique 23. L’offre éditoriale de la toute fin de la décennie acte ainsi une marginalité de l’enseignement technique qui avait pu être remise en cause dans les années précédentes viales tentatives faites par certains grands éditeurs généralistes pour s’introduire sur le marché du technique avec des ouvrages spécifiques (titres pour le technique dans le « Cours V. Boulet et A. Obré » [Obré, 1951a, 1951b, 1952], le « Cours Obré » [Paniel, 1953], ou encore dans la collection de Marcel Orieux [1954] chez Hachette, manuels de Pierre Vincent [1955a, 1955b, 1955c] chez Vuibert) ou, comme nous l’avons noté plus haut pour Hatier, viaun titre intégrant le technique aux autres publics visés (Oria, 1951). De fait, l’absence de renouvellement de cette démarche à la fin de la décennie laisse la voie libre à des éditeurs comme Delagrave ou Dunod, ou encore Foucher, davantage spécialistes du public technique 24.

21Pour les sciences physiques en revanche, l’identification de l’enseignement aux filières du 1 er degré (et, dans une moindre mesure, la proximité avec le technique) tend à afficher, au-delà d’une spécificité liée à des curricula distincts en fonction des filières, une identité particulière associée à la culture d’enseignement du primaire supérieur. Comme nous allons le voir dans la suite, ce point est renforcé encore par la présence comparativement plus forte d’auteurs associés au monde du primaire pour les sciences physiques que pour les sciences naturelles (voir tableau 2 en annexe).

Les auteurs des manuels de sciences physiques et naturelles pour l’école moyenne dans les années 1950 : vues d’ensemble

22Pour poursuivre l’analyse, il faut prendre en compte les auteurs dont le positionnement institutionnel, les qualifications ou les convictions peuvent conduire à des stratégies d’écriture et de ciblage de publics différenciées. Nous allons donc préciser à présent qui écrit pour quelle discipline et pour quel type d’enseignement.

  • 25 Quelques éléments sur l’histoire de Ligel à travers son rôle dans l’exportation de manuels au Canad (...)
  • 26 En France, à la différence d’autres pays, les auteurs de manuels scolaires sont dans la plupart des (...)

23À l’exception des éditions Ligel qui, parce qu’elles sont l’éditeur des Frères des écoles chrétiennes (LIGEL est l’acronyme de Librairie générale de l’Enseignement libre) 25, passent généralement sous silence l’identité de leurs auteurs, les éditeurs de manuels scolaires précisent, suivant l’usage, en couverture ou en page de titre des manuels, les noms des auteurs ainsi que, le plus souvent, leurs titres et leurs fonctions. Cette identification des auteurs permet d’abord de préciser les caractéristiques de la population des auteurs de manuels de sciences physiques et naturelles pour l’école moyenne dans les années 1950. Choppin (1992) a dégagé trois tendances générales depuis le xix esiècle – la laïcisation, la féminisation et l’accroissement de la taille des équipes. En complément de ce tableau général, nous précisons donc la situation pour les deux disciplines particulières que nous considérons à la fin des années 1950. Puis, en comparant la présentation des auteurs, proposée aux lecteurs par les éditeurs, aux parcours des individus reconstitués à partir de leurs dossiers de carrière 26, il s’agira d’affiner davantage l’analyse.

De l’auteur seul, éventuellement secondé, à l’équipe d’auteurs (masculine) : vers la spécialisation disciplinaire

24La déclinaison des titres d’une même collection, en fonction des types d’établissements et des filières, est liée à des configurations d’équipes d’auteurs différentes selon les éditeurs. Pour les cas où des auteurs signent de leur seul nom un manuel, il y a adéquation entre le public visé et la fonction exercée par l’auteur s’il s’agit de manuels pour les classes de fin d’études primaires, et entre leur discipline d’origine et celle de leur manuel pour ceux s’adressant aux cours complémentaires ou aux collèges et lycées.

  • 27 Le titre complet de cet ouvrage précise la matière traitée et le cadre visé : Sci (...)

25Ainsi, chez Nathan, les différentes versions et éditions des Sciences appliquées à la classe de fin d’étudessont toutes rédigées par l’instituteur René Jolly. Celui-ci publie avec cet éditeur des livres scolaires depuis les années 1930. Ses manuels de « sciences appliquées » pour les classes de fin d’études paraissent à partir de 1948 suite à la publication en 1947 des nouveaux programmes pour ces classes. Ils sont ensuite réédités en 1960 dans une nouvelle version tenant compte des instructions de 1953. Mais les divers manuels qu’il publie font écho à l’étendue des matières dont traitent les enseignants de l’école primaire élémentaire, puisqu’ils incluent des livres de lecture, de mathématiques et de sciences (leçons de choses). Toujours pour les classes de fin d’études, les titres du « Cours de sciences G. Condevaux » sont également rédigés par un seul auteur, mais avec des différenciations en fonction des filières et des thématiques allant jusqu’à la constitution d’un duo d’auteurs associant un spécialiste extérieur à l’Éducation nationale : La Vie maritime 27voit ainsi la participation de l’enseigne de vaisseau Yves Savéant (Savéant & Savéant, 1950).

26En sciences naturelles et en sciences physiques, certains auteurs signent seuls des collections entières, encourageant l’identification du manuel scolaire par le nom de son auteur. En sciences physiques, c’est le cas de trois agrégés de cette discipline : Georges Ève qui publie chez Magnard et aux Éditions de l’école, Georges Tréherne qui publie chez Nathan, et René Echard qui publie chez Charles-Lavauzelle. En sciences naturelles, c’est également le cas de professeurs agrégés dans la discipline : Georges Duolé chez De Gigord, Georges Bourreil chez Magnard, Pierre Vincent chez Vuibert, ou encore Jean Humbert chez Belin. Ils peuvent parfois s’adjoindre des contributeurs externes pour les collections qu’ils dirigent. C’est ainsi que Humbert fait appel à Simone Gothié, qui co-signe un volume sur la puériculture, apportant avec elle une double légitimité de femme et de docteur en médecine. De même, Marcel Oria, professeur agrégé de sciences naturelles et auteur chez Hatier de nombreux manuels de cette discipline pour le second degré et les cours complémentaires regroupés sous l’intitulé « cours Oria », collabore pour les volumes traitant de biologie et de physiologie humaine avec Jean Raffin, professeur agrégé mais aussi docteur en médecine. Leur collaboration, qui existe depuis la Seconde Guerre mondiale, se poursuit tout au long des années 1950 et même après les réformes de l’école moyenne et la publication, par Hatier, d’un « nouveau cours M. Oria » dans les années 1960 (Oria & Raffin, 1941, 1959, 1966).

  • 28 Nous excluons du corpus (car ne répondant pas à notre définition de manuel incluant un cours dévelo (...)
  • 29 Ce manuel fait partie du « Cours de sciences G. Condevaux ». Voir supranote 27. (...)
  • 30 À partir de notre corpus, nous avons dénombré 45 auteurs ; pour 16 d’entre eux le prénom n’est jam (...)

27Le cas de Simone Gothié appelle quelques remarques sur la place des femmes auteurs de manuels scolaires. De fait, sur la décennie 1950, il s’agit de l’unique cas d’auteur féminin que nous avons repéré parmi les auteurs de manuels pour le premier cycle du second degré et les cours complémentaires dans les deux disciplines considérées 28. En revanche les femmes sont plus nombreuses parmi les auteurs de manuels de sciences appliquées pour les classes de fin d’études primaires, même si elles restent minoritaires et souvent associées à des hommes au sein d’équipes d’auteurs plus nombreuses. Ainsi, à Rose Guillaume qui signe, seule, un manuel intitulé La Vie ménagèrechez Bourrelier (1949) 29, il faut ajouter, au moins, les noms de Thérèse Charbonnier, Nelly Bressan, Janine Briand, Mina Ellès et Mmes Augustin et Auxemery 30. Les contributions de la plupart de ces femmes se limitent aux volumes destinés à l’enseignement féminin de leur collection (Chabannas, Chabannas & Augustin, 1950 ; Charbonnier, Charbonnier & Nallet, 1956a, 1956b ; Vérel, Raynaud & Bressan, 1955 ; Briand, Everaere & Orieux, 1958 ; Tardieu, Ellès, Dumesnil et al., 1954, 1955), et rares sont, parmi ces dernières, celles qui participent à la rédaction de manuels ciblant aussi les garçons. La présence et la modalité des contributions de ces femmes nécessiteraient une étude plus poussée de leurs profils professionnels. La féminisation plus forte des auteurs de manuels pour les CFEP constitue sans nul doute un marqueur de la frontière établie, par-delà la limite administrative entre 1 eret 2 ddegré, entre les classes de fin d’études et l’ensemble constitué par les CC et le 1 ercycle du 2 ddegré. La scission qui se dégage de notre corpus reprend ainsi et prolonge la dynamique de rapprochement entre CC et 1 ercycle du 2 ddegré constatée dans les textes prescriptifs officiels, tout en maintenant une distinction nette avec les CFEP. Ainsi, bien que dans les contenus prescrits la tendance à l’uniformisation parcourt l’ensemble de l’école moyenne (c’est-à-dire des filières s’adressant aux 11-15 ans), l’offre éditoriale des années 1950 ne participe que partiellement à cette dynamique en ne la relayant que pour les CC et le 1 ercycle du 2 ddegré.

  • 31 Maison basée à Tours qui a pris la suite de Arrault.

28La féminisation des auteurs s’inscrit plus généralement dans la constitution d’équipes d’auteurs. De fait, si l’on trouve bien des manuels signés d’un seul nom, la configuration la plus habituelle dans les années 1950 est celle d’une équipe de deux ou trois auteurs. Pour les classes de fin d’études primaires, on trouve ainsi dans la deuxième moitié de la décennie des manuels rédigés par deux auteurs aux éditions Barcla 31(Rossignol & Millet 1956a, 1956b, 1957a, 1957b), deux auteurs principaux aux éditions Hachette (Everaere & Orieux, 1958), trois auteurs aux Éditions de l’école (Charbonnier, Charbonnier & Nallet, 1957a, 1957b) et trois auteurs principaux aux éditions Istra (Tardieu, Dumesnil & Haumesser, 1956 ; Tardieu, Ellès, Dumesnil et al., 1954, 1955).

29Pour les sciences physiques dans les CC et collèges modernes, à côté des auteurs déjà cités et qui rédigent seuls les manuels portant leur nom, ce sont notamment le duo Louis Pastouriaux et Guillaume Rumeau chez Delagrave et le trio formé par Jean-Baptiste Lamirand, Rémy Annequin et Claudien Chamfy chez Masson qui alimentent l’offre éditoriale sur les bases des programmes de 1947. À l’occasion de la publication des programmes de 1957, Hachette propose une nouvelle édition de la collection Legreneur et Peyraud (1960, 1961) dont le premier titre a été mis sur le marché en 1951, alors que Masson, Colin et Nathan font paraître de nouveaux titres, rédigés respectivement par deux et trois auteurs (Delattre & Boué, 1961a, 1961b, 1961c, 1961d ; Payan, Chilotti & Finot, 1960 ; Godier, Thomas & Moreau, 1960, 1961).

  • 32 La collection éponyme paraît aux éditions Masson depuis la fin des années 1930 jusque dans les ann (...)
  • 33 Notons que la particularité de l’enseignement de l’hygiène se traduit également chez Ligel qui, rom (...)

30La situation est semblable en ce qui concerne les sciences naturelles. Aux auteurs qui publient généralement seuls s’ajoutent des associations stables de deux auteurs, notamment : Marius Chadefaud et Victor Régnier, Albert Obré et Victor Boulet, Armand Démousseau et Jean Haumesser 32. Suite à la publication des programmes de 1957, de nouvelles collections sont mises sur le marché, résultats du travail d’équipes encore plus nombreuses. Si Nathan ne s’éloigne pas du modèle d’organisation antérieur en publiant une nouvelle collection rédigée par trois auteurs (Bournerias, Fabre & Pomerol, 1959), l’organisation de l’enseignement de sciences naturelles en sous-disciplines (zoologie, botanique, géologie et ensemble physiologie-anatomie-hygiène) trouve alors un pendant dans l’attribution des différents volumes d’une même collection à des auteurs différents, placés parfois sous la direction (effective ou la simple égide) d’un auteur particulier (Vallin 1959 ; Rudel, 1961 ; Chauvière & Auriacombe, 1961 ; Obré, Sougy, Cazalas et al., 1958, 1959 ; Obré, Balland & Salvaing, 1959 ; Obré & Paniel, 1959). La ventilation des titres au sein d’une équipe d’auteurs n’est alors pas uniquement une manière de publier, pour un même éditeur, plusieurs volumes en une seule année. Elle constitue aussi une forme d’affirmation d’une excellence disciplinaire ou d’une spécialisation particulière à travers la mention, sur la couverture ou la page de titre des manuels, des titres ou travaux de l’auteur témoignant d’une contribution à la recherche scientifique à un niveau nécessairement plus spécialisé que les sciences naturelles du second degré. Ainsi, aux quelques docteurs en médecine qui contribuaient déjà à l’écriture de manuels dans les deux décennies antérieures lorsqu’il s’agissait d’hygiène 33, viennent s’ajouter des auteurs conduisant des recherches à la Sorbonne (Charles Pomerol, Jacques Mercier et René Létolle chez Armand Colin et Nathan), ou participant à un organisme savant comme Aimé Rudel qui, enseignant au lycée de Clermont-Ferrand, est aussi collaborateur-adjoint au service de la carte géologique de France, et seul auteur du volume de Géologiede la collection Charles Désiré chez Bordas.

31Pour les CFEP enfin, on retrouve également quelques équipes de plusieurs auteurs dont certains publient aussi pour le second degré. La présence de ces derniers vaut surtout pour les sciences naturelles. Ainsi, parmi les auteurs déjà cités, Jean Haumesser publie, d’une part, en binôme chez Masson pour le second degré et, d’autre part, au sein d’une équipe de trois voire quatre auteurs chez Istra pour les classes de fin d’études. De même, Marcel Oria, auteur important chez Hatier pour l’ensemble de la période, fait partie à la fin des années 1950 d’une équipe de quatre personnes pour les classes de fin d’études (Oria, Trihoreau, Carron et al., 1958). Ces participations indiquent aussi que, malgré le statut particulier des CFEP, les auteurs de manuels qui les ciblent plus particulièrement ne tirent pas uniquement leur légitimité du terrain et de la pratique enseignante dans le primaire : celle-ci dérive aussi de la spécialisation disciplinaire que les éditeurs promeuvent viala citation des titres et fonctions sur les couvertures et pages de titre des manuels. Cette pratique éditoriale nous permet d’affiner la description générale des auteurs publiant pour les sciences naturelles et les sciences physiques dans les années 1950.

Ordres d’enseignement : du poids contrasté du second degré dans les manuels pour les CC et le 1 er cycle du 2 d degré

32La présentation des auteurs en page de titre des manuels scolaires fait découler leur légitimité d’une double source : la discipline d’une part, et l’expérience du monde de l’enseignement d’autre part.

  • 34 Sélection effectuée sur la base des suppléments « rentrée des classes » de la Bib (...)
  • 35 De fait, les titulaires de l’agrégation sont encore plus nombreux parmi les auteurs car, notamment (...)
  • 36 AN cote AJ 165978.
  • 37 AN cote AJ 168939.
  • 38 AN cote F 1730332b.
  • 39 AN cote F 1730289b.

33Dans les années 1950, pour les auteurs s’adressant plus particulièrement au 1 ercycle du 2 ddegré et aux cours complémentaires, l’expérience de l’enseignement se double d’une appartenance à son élite : les manuels mettent en avant les agrégés, les inspecteurs généraux ou les anciens élèves des écoles normales supérieures, celle de la rue d’Ulm mais aussi celle de Saint-Cloud qui, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, formait l’élite masculine du monde primaire. Ainsi, si l’on se base sur un échantillon d’auteurs restreint à ceux dont les manuels sont proposés aux catalogues des éditeurs à la fin de notre période 34, on dénombre 23 auteurs en sciences physiques et 36 auteurs en sciences naturelles. Pour les manuels de sciences physiques, 10 sont présentés comme agrégés dans la discipline, et ils sont 29 pour ceux de sciences naturelles 35. Soulignons à cet égard que, même si la restriction de l’enseignement de la physique aux filières courtes à l’école moyenne va de pair avec une plus grande proportion d’auteurs associés aux ordres primaire et technique que pour les sciences naturelles, l’excellence disciplinaire constitue bien dans cette discipline une légitimité suffisante pour pallier une relative méconnaissance du public visé chez certains auteurs. Ainsi, parmi les auteurs et directeurs de collection de physique-chimie figurent des enseignants n’ayant connu que le secondaire comme Georges Ève (bachelier en 1911, agrégé en 1920, il enseigne de 1919 jusqu’à la fin de l’année scolaire 1959-1960) 36, Pierre Chilotti (licencié ès sciences physiques en 1928, il obtient l’agrégation en 1932 et enseigne ensuite en lycée avant de devenir inspecteur d’académie puis inspecteur général) 37, ou encore Maxime Joyal (élève de l’école normale supérieure de la rue d’Ulm de 1927 à 1931, il a toujours enseigné en lycée) 38. Dans d’autres cas, l’origine primaire de l’auteur peut même être gommée, comme pour René Echard qui est présenté simplement comme agrégé de sciences physiques et inspecteur d’académie dans un manuel publié en 1953 alors qu’il aurait pu se prévaloir de sa connaissance de la culture et du public du 1 erdegré du fait d’un début de carrière dans le primaire (élève-maître à l’école normale de Poitiers entre 1921 et 1924, il a enseigné en école primaire supérieure avant d’obtenir l’agrégation en 1938) 39.

  • 40 Pour G. Legreneur, cette revendication est affirmée dans la préface de son manuel de physique-chimi (...)

34Il est toutefois intéressant de noter que, pour certains auteurs, la pratique de l’enseignement avec les publics du 1 erdegré ou la familiarité avec la culture de cet ordre d’enseignement sont bien affichées, voire revendiquées. Ainsi pour les enseignants en exercice dans les cours complémentaires (puis collèges d’enseignement général) Robert Boué et André-Raymond Delattre, la mention permet d’associer leur légitimité, tirée du terrain, à celle, disciplinaire et scientifique, du directeur de la collection à laquelle ils contribuent (tous deux sont auteurs chez Masson dans la collection dirigée par Maxime Joyal). Pour André Godier, dont les manuels précisent son ancienne expérience de professeur d’école normale en plus de ses attributions d’inspecteur de l’enseignement primaire de la Seine, ou pour Gabriel Legreneur, professeur de lycée qui précise sa formation à l’école normale supérieure de Saint-Cloud, il s’agit également d’une revendication, en forme d’inscription dans une tradition pédagogique particulière 40.

  • 41 L’appartenance des auteurs de manuels scolaires à la sphère scientifique est plus particulièrement (...)
  • 42 Albert Payan obtient l’agrégation de physique en 1926. Il occupe plus tard le poste d’inspecteur gé (...)

35Dans l’ensemble, le jeu de légitimation qu’opère la sélection de titres et fonctions consolide donc l’inscription disciplinaire des manuels de sciences physiques et naturelles. Si la participation d’enseignants du premier degré, formés d’une manière moins spécialisée que ceux du second degré, à la publication de tels ouvrages est légitime, écrire « pour » une discipline requiert néanmoins une forme de spécialisation disciplinaire. Surtout, pour écrire pour le second degré, il faut prouver que l’auteur ou l’équipe d’auteurs dans son ensemble bénéficie d’une haute qualification scientifique 41. L’accroissement de la taille des équipes d’auteurs peut alors constituer le moyen de concilier un niveau poussé dans la formation scientifique des auteurs avec l’expérience de l’enseignement, ainsi qu’avec la volonté d’inclure explicitement les cours complémentaires dans le public visé, comme cela est le cas pour la collection de sciences physiques Maxime Joyal chez Masson ou la nouvelle collection de sciences naturelles lancée par Armand Colin suite à la publication des programmes de 1957. Cette dernière est sans doute celle qui pousse le plus loin la logique de conciliation, en associant des chercheurs (Jacques Mercier et René Létolle), un docteur ès sciences, professeur de lycée (Léon Garnier), des agrégés de sciences naturelles, respectivement inspecteur général (Paul Pichard) et professeur en école normale (Robert Mercier), et un agrégé de sciences physiques venu du primaire et devenu inspecteur général (Albert Payan) 42.

  • 43 Ses ouvrages, co-écrits avec Jean Ney, paraissent chez Dunod, éditeur familier du technique.

36Par l’affichage de titres et fonctions associés au monde savant, la collection publiée par Armand Colin témoigne aussi d’une définition de la discipline étendue jusqu’au milieu universitaire qui s’affirme alors en sciences naturelles. Sur ce point, la situation contraste nettement avec celle des sciences physiques. Le seul auteur occupant une fonction dans une institution supérieure n’est présenté qu’au travers de sa fonction de directeur de l’Institut national supérieur de chimie industrielle de Rouen qui ne l’associe qu’au technique alors même que sa carrière témoigne d’une circulation entre les trois ordres : il s’agit de Paul Pastour, formé à l’école normale de Nice, à l’école normale supérieure de l’enseignement technique de Cachan et à la faculté de sciences de Paris, qui a commencé à exercer comme instituteur à Cannes (INSA, 2007) 43. De plus, les travaux de recherche effectués par quelques-uns ne sont pas mis en avant. Ainsi le titre de docteur ès sciences de Rémy Annequin n’est jamais mentionné dans ses manuels, contrairement à celui d’Albert Obré, pourtant très attaché à l’enseignement mais auteur de sciences naturelles (sans que cela ne soit cependant systématique). L’étude de l’affichage des titres et fonctions conduit ainsi à mettre en évidence une différence entre les sciences physiques et sciences naturelles, que permet d’affiner l’étude plus détaillée des parcours de certains auteurs et de leur engagement dans les instances qui ont joué à cette période un rôle central dans la défense et la structuration de leurs disciplines.

Des trajectoires différenciées pour les sciences naturelles et les sciences physiques

  • 44 AN cotes F 1727878, F 1730332b, F 1718060. (...)
  • 45 J.-B. Lamirand est élevé au grade de commandeur de la Légion d’honneur en 1936. Voir les dossiers c (...)
  • 46 AN cote AJ 165978.

37La consultation des dossiers de carrière des auteurs permet de constater que, pour l’administration de l’Éducation nationale, l’écriture de manuels scolaires s’intègre assez naturellement à la pratique enseignante. Les recteurs et chefs d’établissement perçoivent notamment une valeur de signal dans ces publications : ceux qui commentent les activités de Marcel Oria, Maxime Joyal ou encore Paul Sougy les associent ainsi à un investissement professionnel important, remarquable et justement remarqué 44. En 1937, le ministre de l’Éducation nationale Jean Zay n’avait pas manqué de souligner, dans un courrier adressé à Jean-Baptiste Lamirand à l’occasion de son départ à la retraite, « les beaux et importants ouvrages » publiés par ce fils d’instituteurs, ayant fait toute sa carrière d’enseignant dans le secondaire avant de devenir inspecteur d’académie puis inspecteur général et de voir ses mérites reconnus par l’attribution de la Légion d’honneur 45. Les inspecteurs, quant à eux, s’ils font peu référence aux manuels rédigés par les enseignants qu’ils visitent, témoignent parfois de la connaissance de ces ouvrages et de leurs contenus. Comme dans le cas de Georges Ève qui, pour l’inspecteur d’académie Soury qui lui rend visite en 1942, « est l’auteur d’ouvrages d’enseignement connus et estimés pour leur clarté » 46, le manuel contribue à la réputation du maître.

38L’activité d’écriture de manuels dans la discipline peut également être considérée au regard des fonctions des auteurs et des diverses formes de « militantisme enseignant » (Cardon-Quint & d’Enfert, 2014, p. 13) dans lesquelles ils s’engagent. Ainsi, si la part importante d’inspecteurs d’académie et d’inspecteurs généraux parmi les auteurs témoigne des pratiques éditoriales de l’époque dans la constitution des équipes d’auteurs et des liens privilégiés que le secteur de l’édition scolaire a établis avec l’administration de l’Éducation nationale (Mollier, 2002), elle indique aussi que, pour les auteurs, les manuels peuvent constituer un moyen d’influer sur les pratiques d’enseignement et de prendre position dans les débats contemporains (Radtka, 2016, 2017). Surtout, pour les sciences physiques et les sciences naturelles des années 1950, l’activité d’écriture de manuels pour le premier cycle du second degré complète un engagement différencié dans la structuration de chacune des disciplines. Cet engagement différencié transparaît notamment lorsque l’on s’intéresse à l’activité des auteurs au sein des associations de spécialistes correspondantes, l’Union des physiciens et l’Union des naturalistes.

Des physiciens peu impliqués dans l’école moyenne

  • 47 Sur la base d’une recherche du nom des auteurs dans le BupDoc, la base des archives du bulletin de (...)

39Des deux associations, l’Union des physiciens est la plus ancienne. Fondée en 1906, elle voit adhérer principalement des professeurs de physique-chimie de lycée, même si elle est à l’origine ouverte aux professeurs de sciences naturelles (Lacpatia, 2007). L’association se constitue pour défendre les horaires de la discipline mais aussi des conditions propices à la conduite d’un travail expérimental ; elle propose des réflexions sur les pratiques d’enseignement et suit l’actualité de la physique. Si des auteurs de manuels surtout actifs entre les deux guerres comme Jean-Baptiste Lamirand (né en 1871), Rémy Annequin (né en 1903) ou Guillaume Rumeau (né en 1893) lui sont bien associés, ceux dont les manuels paraissent à la suite des changements de programmes de 1957 et qui appartiennent à la génération suivante n’y semblent pas particulièrement actifs 47. Les contributeurs du Bulletin de l’Union des physiciens, l’organe de l’association, ne se préoccupent guère, il est vrai, de l’enseignement de la physique dans les classes de fin d’études primaires, les cours complémentaires, ou même dans le premier cycle du second degré. S’y expriment plutôt les doutes sur la possibilité et l’intérêt d’enseigner à de (trop) jeunes élèves de réelles notions de physique et chimie (UDP, 1951 ; Vareille, 1969).

  • 48 C’est le cas précisément de Marcel Eurin, qui représente les disciplines scientifiques dans les vœu (...)

40À l’inverse, les individus qui, comme Marcel Eurin, deviennent des acteurs essentiels de la discipline dans ces années, notamment vialeur engagement au sein de l’Union des physiciens (Gié, 1994) sont quant à eux absents du paysage éditorial à l’intention de l’école moyenne que nous avons mis au jour dans la première partie de cet article. Parmi eux pourtant figurent des auteurs de manuels, mais il s’agit de manuels pour le second cycle du second degré 48.

  • 49 AN cote F 1717510.
  • 50 AN cotes AJ 166004 et F 1728308. Le second dossier est plus com (...)

41Pour autant, les « jeunes » auteurs de sciences physiques des années 1950 ne sont pas désengagés du devenir de leur discipline (leurs dossiers de carrière l’attestent), ou plus largement des enjeux contemporains de l’enseignement. Cependant, lorsqu’il est particulièrement actif, leur militantisme est exprimé dans des cadres non disciplinaires, et il semble plutôt le fruit d’auteurs venus du monde primaire. Ainsi, c’est en tant qu’inspecteur général de l’enseignement du premier degré qu’Albert Payan présente en 1957-1958 un projet relatif à la formation des maîtres des cours complémentaires dans une commission d’étude des problèmes relatifs au recrutement et à la formation des personnels scientifiques de l’enseignement et de la recherche 49. Surtout, André Godier (1901-1975), auteur de manuels s’adressant aussi bien aux élèves des classes de fin d’études primaires qu’aux élèves des cours complémentaires, est un militant pédagogique connu, fondateur d’un foyer pédagogique pour les instituteurs à Aulnay-sous-Bois, et collaborateur du Groupe français d’éducation nouvelle (Girault, 2007-2017). Ayant débuté sa carrière comme instituteur, il a accédé à l’inspection primaire de la Seine où son action efficace et engagée lui vaut les éloges de sa hiérarchie 50. Mais s’il exprime, en fin de carrière, le souhait de s’investir plus particulièrement dans l’enseignement scientifique dans les collèges d’enseignement général (vœu qui ne sera pas exaucé), davantage qu’une inscription disciplinaire c’est bien une sociabilité pédagogique qu’il a entretenue tout au long de sa carrière, à travers ses contributions à la revue L’École et la Vieou à l’organisation de journées pédagogiques et d’expositions.

Un militantisme naturaliste inclusif

  • 51 AN cote F 1728759.

42Ces types d’engagements contrastent nettement, toutefois, avec ceux des auteurs de manuels de sciences naturelles. À part quelques auteurs qui, comme Marcel Orieux dont la carrière d’enseignant dans le « haut » enseignement primaire puis le second degré moderne 51fait pendant à sa bibliographie, concentrent leurs publications sur les classes de fin d’études primaires et les cours complémentaires, la plupart des auteurs très actifs dans la période considérée publient aussi bien pour le premier cycle que pour le second cycle du second degré. Surtout, leur engagement se traduit aussi par une activité importante au sein de l’Union des naturalistes (UdN) et dans l’administration de l’Éducation nationale. Leur investissement prend alors une forme qui, si elle est loin d’exclure les questions pédagogiques, porte la marque de la discipline.

43Dès sa création en 1911, l’UdN a été un instrument pour faire obtenir aux sciences naturelles indépendance et reconnaissance (Savaton, 2014). Au début du xx e siècle, l’enseignement des sciences naturelles dans le secondaire restait en effet souvent de la responsabilité des professeurs de physique-chimie. La nouvelle association, fondée en prenant pour modèle l’Union des physiciens, était alors portée par des agrégés de sciences naturelles souhaitant fédérer les enseignants de cette discipline et faire évoluer celle-ci en revendiquant notamment des méthodes pédagogiques particulières. Elle mit au premier plan l’excellence disciplinaire et appuya son identité sur la spécificité du secondaire. Ainsi que le note Pierre Savaton (2014, p. 59-60), « il s’agit de marquer l’autonomie et la spécificité de [l’]enseignement dans l’ordre secondaire par rapport, d’une part à celui des sciences physiques, mais aussi, d’autre part, à la façon dont on conçoit cet enseignement, aussi bien à l’université qu’à l’école primaire ». Parmi ceux qui reprennent cette idée à leur compte à partir des années 1930 figurent notamment les auteurs de manuels Marcel Oria et Albert Obré. Chacun occupa un poste important au sein de l’UdN (Albert Obré comme secrétaire général de 1927 à 1936 et Marcel Oria comme président de 1957 à 1960) et tous deux, fervents défenseurs des méthodes actives, contribuèrent à partir de l’entre-deux-guerres à réaffirmer l’orientation pédagogique de l’association en promouvant un enseignement des sciences naturelles centré sur l’activité des élèves (Savaton, 2010, p. 103-106).

  • 52 AN cote F 1727878.

44Né en 1901, Marcel Oria est issu du primaire, ordre dans lequel il a été formé à l’école normale primaire du Mans et a exercé comme instituteur pendant une quinzaine d’années, notamment à l’école primaire de Mézidon dans le Calvados. Il a rejoint l’enseignement secondaire en 1935 comme instituteur délégué, puis, ayant été reçu à l’agrégation en 1938, a été titularisé dans cet ordre 52. Son enseignement, qui au fil des années, le conduit à s’adresser aussi bien aux petites classes qu’aux classes terminales de lycées, comme ses manuels, qui commencent à paraître en 1939, témoignent de l’extension des publics auxquels il s’adresse. En particulier, les élèves des cours complémentaires et des classes de fin d’études restent, alors même qu’il est devenu professeur de lycée et qu’il est engagé vial’UdN dans la constitution de la discipline au secondaire et sa modernisation pédagogique, spécifiquement visés par ses ouvrages.

  • 53 AN cote F 1728189.
  • 54 Sur les classes nouvelles instituées à la Libération, voir Savoye (2010).

45Né en 1893, Albert Obré exerce comme professeur à Paris, d’abord au lycée Voltaire puis au lycée Saint-Louis où, à la fin de sa carrière d’enseignant, il prépare les candidats aux concours de l’école normale supérieure et de l’institut agronomique 53. Il devient inspecteur d’académie en 1947 puis inspecteur général en 1949. Parallèlement, il est élu en 1947 au Conseil de l’enseignement du second degré en tant que représentant de l’UdN (Savaton, 2014, p. 60). En 1949, il y défend la création de nouvelles sections (C’ et M’) dans le deuxième cycle du second degré, qui prolongeraient l’expérience des classes nouvelles et s’appuieraient sur un enseignement de sciences naturelles basé sur des exercices pratiques (Savaton, 2010, p. 103-106 ; Savaton, 2014, p. 74-75) 54. Il devient aussi en 1950 le directeur du Centre d’équipement et d’étude en matériel scientifique (CEMS) qui institutionnalise le travail assuré jusque là par l’UdN pour faciliter l’équipement des établissements pour les travaux d’observation et d’expérimentation.

46Tout comme dans le cas de Marcel Oria, les manuels qu’Albert Obré rédige à partir des années 1930 aux éditions Hachette en collaboration avec Victor Boulet, après guerre avec Guy Lazerges et Firmin Campan (qui est alors aussi secrétaire général de l’UdN et secrétaire de la commission pédagogique du Syndicat national de l’enseignement secondaire), puis la collection qu’il dirige, toujours chez Hachette, à partir du début des années 1950 et qui voit notamment la collaboration d’un autre président de l’UdN, René Balland, complètent et renforcent son investissement disciplinaire. Si les classes de fin d’études primaires ne sont pas visées par ses manuels, ceux-ci couvrent tous les niveaux, depuis le premier cycle du second degré (et les écoles primaires supérieures) jusqu’aux classes terminales des lycées, et s’étendent aux établissements techniques. Si l’on y ajoute les publications qu’il fait paraître aux éditions Doin (Obré, Campan & Chanton, 1954), l’activité éditoriale d’Albert Obré est à l’image de son engagement disciplinaire et de son parcours d’enseignant.

  • 55 Ces deux enseignants font aussi partie de l’équipe rédactionnelle des manuels de la collection. Ils (...)

47Ses manuels font également matériellement écho aux préoccupations pédagogiques qu’il exprime à travers la volonté de mettre au premier plan des activités d’observation et d’expérimentation. Ainsi, à la fin des années 1950, la collection qui porte son nom recourt aux photographies (en noir et en couleurs) d’une manière remarquablement importante par rapport à la concurrence ; elle inclut également, pour les classes de 1 reC’ et M’ des « fiches et planches » présentées comme des documents pour l’étude des insectes et des vertébrés préparés par les professeurs de lycée, eux aussi venus du monde primaire (Sougy & Avezard, 1957a, 1957b) 55.

  • 56 On pourra ici souligner à l’appui de ce point que les chefs des établissements dans lesquels Marcel (...)

48Mises au regard de leur engagement dans la défense des sciences naturelles, les activités éditoriales d’Albert Obré et de Marcel Oria témoignent ainsi d’une vision unifiée de la discipline. Si, conformément à ce qui est exprimé au sein de l’UdN, cette vision s’appuie sur l’enseignement du second degré, il s’agit là d’un second degré « inclusif » : parce que les défenseurs de la discipline visent la continuité de son enseignement depuis le premier cycle jusqu’au baccalauréat ; parce que les méthodes venues du primaire et de l’expérience des classes nouvelles n’y sont pas marginalisées mais plutôt promues 56et défendues par des individus pouvant gagner l’appui de l’UdN malgré les dissensions internes ; parce qu’enfin cette association a renouvelé ses statuts en 1952 dans le but d’inclure pleinement les enseignants des collèges modernes puis des collèges d’enseignement général (Savaton, 2014).

Conclusion

49La prise en compte des différents engagements des auteurs de manuels renforce le contraste entre les sciences naturelles et les sciences physiques établi sur la base de leurs fonctions et appartenances institutionnelles : alors que, pour les sciences naturelles, une conception verticale de la discipline est construite et soutenue en particulier par une activité éditoriale étendue d’auteurs étant, pour certains d’entre eux comme Marcel Oria, issus du monde primaire, tel n’est pas le cas pour les sciences physiques.

50La fragmentation de l’offre éditoriale pour les sciences physiques qui reprend et prolonge les distinctions des programmes officiels et les frontières entre types d’établissement et ordres d’enseignement n’est pas compensée par les auteurs de manuels scolaires. Si au début de la période ceux-ci comptent quelques figures disciplinaires fortes, comme celle de Jean-Baptiste Lamirand, les publications parues à la fin de la décennie 1950 voient une spécialisation des auteurs en fonction des publics visés. Parce que, de plus, les auteurs qui écrivent pour les CC et le 1 er cycle du 2 d degré, ne sont pas des membres actifs dans l’Union des physiciens, ce segment qu’est l’école moyenne apparaît en marge d’une discipline dont le cœur, au moins au sein de l’association disciplinaire qui lui est dédiée, semble être le second cycle du second degré. Ce constat peut toutefois donner lieu à une autre interprétation, car les auteurs des manuels de notre corpus ne délaissent pas, malgré leur faible présence à l’Union des physiciens, les engagements pédagogiques. Plutôt que de conclure à la marginalité des filières scolaires qui composent l’école moyenne, il faudrait en effet plutôt ici remettre en question l’unité même de la discipline : peut-on en effet parler d’une seule discipline intitulée « sciences physiques » pour cette décennie 1950 ? N’avons-nous pas plutôt affaire à des approches suffisamment éloignées les unes des autres pour ne pas pouvoir donner lieu alors à une unification ?

51Cette scission des sciences physiques, contemporaine d’un phénomène d’uniformisation des contenus prescrits et de rapprochement des structures de l’école moyenne, peut sembler paradoxale. Mais elle correspond à un changement générationnel rendu visible par l’étude des auteurs de manuels. Au vieillissement et à l’arrêt de la production éditoriale d’un certain nombre d’acteurs, engagés au début du siècle et encore dans l’entre-deux-guerres dans la construction de l’identité disciplinaire de la physique scolaire, ne succède pas une nouvelle génération engagée dans les mêmes combats. À l’égard de cette discipline, la relève n’est donc pas vraiment prise. Pour ce qui concerne les sciences naturelles, au contraire, la période qui court de l’entre-deux-guerres jusqu’à la fin des années 1950 correspond bien, quant à elle, au moment où des individus très engagés pour leur discipline se trouvent au faîte de leur carrière et font preuve d’une importante activité éditoriale.

52Ainsi, malgré une « cartographie du bloc des sciences dures » qui, pour le second cycle du second degré, maintient les sciences naturelles à la troisième place, derrière les sciences mathématiques et les sciences physiques (Gispert, Guedj & Savaton, 2015, p. 190-191), les trajectoires des sciences naturelles et des sciences physiques dans les années 1950 témoignent de décalages importants. À l’issue de cette décennie, les sciences naturelles sortent consolidées, alors que le débat sur la construction verticale des sciences physiques et leur identité vis-à-vis des approches techniques et pratiques reste encore à venir. Si ce débat surgit de plein fouet dans les années 1970, notamment dans le cadre de la commission Lagarrigue en charge de la rénovation des sciences physiques et de la technologie (Lebeaume, Guedj & Savaton, 2015 ; Charles, 2016), la situation des années 1950 est plutôt celle d’une co-existence, où malgré quelques intersections, ceux qui écrivent et par leurs manuels construisent l’identité des sciences physiques dans l’école moyenne ne sont pas ceux qui le font pour le second cycle du second degré. A contrario, à la même période, la contribution des auteurs des manuels de sciences naturelles du premier cycle du second degré à la consolidation disciplinaire montre bien comment les auteurs de manuels participent dans ces années de la dynamique conquérante des sciences naturelles.

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SOUGY P. & AVEZARD J. (1961a). Cahier de sciences naturelles. Classe de 6 e. Paris : Hachette.

SOUGY P. & AVEZARD J. (1961b). Cahier de sciences naturelles. Classe de 5 e. Paris : Hachette.

TARDIEU P.-E., ELLÈS M., DUMESNIL G. & HAUMESSER J. (1954). Sciences appliquées, à l’usage des classes de fin d’études primaires. Édition pour écoles urbaines de filles. Paris et Strasbourg : Istra.

TARDIEU P.-E., ELLÈS M., DUMESNIL G. & HAUMESSER J. (1955). Sciences appliquées, à l’usage des classes de fin d’études primaires. Édition pour écoles rurales de filles. Paris et Strasbourg : Istra.

TARDIEU P.-E, DUMESNIL G. & HAUMESSER J. (1956). Sciences appliquées, à l’usage des classes de fin d’études primaires. Édition rurale. École de garçons. Paris et Strasbourg : Istra.

VALLIN J. (1959). Zoologie et botanique. Classe de 6 e . Collection de sciences naturelles Charles Désiré. Paris : Bordas.

VEREL L., RAYNAUD A. & BRESSAN N. (1955). Sciences appliquées. Classe de fin d’études primaires. Cours moyens et supérieurs. Écoles de filles rurales. Chambéry : Éd. scolaires.

VINCENT P. (1955a). Sciences naturelles. Classe de cinquième de l’enseignement technique. Paris : Vuibert.

VINCENT P. (1955b). Sciences naturelles. Classe de quatrième de l’enseignement technique. Paris : Vuibert.

VINCENT P. (1955c). Sciences naturelles. Classe de troisième de l’enseignement technique. Paris : Vuibert.

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Annexe

Tableau 2. L’offre éditoriale pour les sciences à l’école moyenne des années 1950 : principaux éditeurs et collections*

Publics visés
Éditeur Collections (ou auteurs principaux) Collèges et lycées CC Enseignement technique CFEP
Arrault
puis Barcla
Millet & Rossignol (SA) ×
Baillière Bresse & Schlegel (SN) × ×
Belin Humbert (SN)
[jusque 1956]
× ×
Bordas Coll. Ch. Désiré (SN) ×
Bourrelier Cours G. Condevaux (SA)
[jusqu’en 1950]
×
Armand Colin Garnier & Mercier (SN) × × ×
Lafay & Samalin (SP)
[1951]
×
Payan & Chilotti (SP)
[1960-1961]
× ×
Delagrave Chadefaud & Régnier (SN)
[1948-1951]
×
Cours M. Chadefaud (SN)
[1961-1962]
× ×
Pastouriaux & Rumeau (SP) ×
Régnier & Rumeau (SNP) ×
Lignon & Le Fustec (SNP) ×
Dunod Pastour & Ney (SP) × ×
École (Éd. de l’) Bourreil (SN) ×
Ève (SP) × ×
Charbonnier, Charbonnier & Nallet (SA) ×
De Gigord Duolé (SN)
[à partir de 1960]
×
Hachette Boulet & Obré (SN)
[jusque 1952]
× × ×
Cours Obré (SN)
[à partir de 1953]
× ×
Orieux (SN) × ×
Lazerges (SP)
[1947-48]
×
Legreneur & Peyraud (SP)
[à partir de 1960]
× ×
Chabanas (SA)
[de 1949 à 1957]
×
Everaere & Orieux (SA) [à partir de 1958] ×
Hatier Oria & Raffin (SN) × × ×
Oria et al. (SA) ×
Istra Tardieu (SA) ×
Charles Lavauzelle Verlhac & Échard (SN) × ×
Échard (SP) × ×
Magnard Bourreil (SN) ×
Ève (SP) × ×
Masson Démousseau & Haumesser (SN)
[1947-1953]
× × ×
Lamirand, Hannequin & Chamfy (SP)
[1947-48]
×
Collection M. Joyal (SP)
[à partir de 1961]
×
Nathan Bournerias, Fabre & Pomerol (SN)
[à partir de 1960]
×
Tréherne (SP)
[1950]
×
Godier, Moreau & Thomas (SP)
[à partir de 1959]
× ×
Jolly (SA) ×
Vuibert Vincent (SN) × × ×

Abréviations : SN : Sciences naturelles ; SP : Sciences physiques (manuels pouvant aussi être titrés physique et/ou chimie) ; SA : Sciences appliquées ; SNP : Sciences naturelles et physiques (manuels pouvant aussi être titrés sciences naturelles, physique et chimie).
Notes :
Les dates entre crochets correspondent aux périodes de publication ou impression (certains titres sont proposés au-delà du terme de ces périodes au catalogue de leur éditeur). En l’absence de précision, l’auteur mentionné publie sur l’ensemble de la période que nous étudions.
* : Le qualificatif principal dérive de la longévité des collections ou de l’ampleur de l’offre de l’éditeur pour l’école moyenne.

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Notes

1 Je tiens à remercier les coordonnateurs du dossier, ainsi que les relecteurs anonymes, dont les remarques et suggestions m’ont permis d’améliorer cet article.

2 Nous ne citons pas ici les études relevant d’une telle approche et qui constituent l’ensemble le plus important de celles qui concernent les manuels scolaires. Mentionnons simplement que le manuel scolaire (notamment d’histoire) étudié pour ses contenus reste un objet souvent mobilisé en histoire de l’éducation et, plus généralement, en histoire culturelle. Voir par exemple le récent article de Pawin (2016).

3 Notons que, en ce qui concerne les acteurs du monde éditorial (bien plus que pour les auteurs), leur mise au jour s’inscrit dans un intérêt plus général dont témoigne à l’heure actuelle l’histoire des sciences pour les « oubliés », « inconnus » ou « petites mains ». Voir notamment certaines interventions du colloque « L’histoire des sciences “par en bas” » (Université du Maine, Le Mans, 5-7 juin 2013), les journées d’études « Petites mains d’artistes dans les pratiques scientifiques, xx e- xxi e siècles » (Nancy et Lausanne, 7 décembre 2016 et 10 mars 2017), ou encore le congrès annuel du Comité des travaux historiques et scientifiques organisé à Bordeaux en 2009 (Bret & Pajonk, 2014).

4 La Bibliographie de la Francea annoncé, sous la forme d’un numéro spécial, la publication des ouvrages didactiques entre 1865 et 1989 ; les titres de ces numéros ont varié au cours du temps de « Rentrée des classes » à « Livres d’enseignement et de formation permanente » en passant par « Livres classiques » et « Livres et matériel d’enseignement » (Seckel, 2011).

5 Signalons ici que la banque de données Emmanuelle, conçue par Alain Choppin au début des années 1980 ayant pour objectif de recenser les références de tous les manuels scolaires publiés en France de 1789 à la fin du xx esiècle, pour tous les niveaux et dans toutes les disciplines, n’est pas opérante pour les disciplines relevant des sciences « dures ».

6 Bien que nous ayons cherché à établir une recension prenant en compte le plus grand nombre de titres, notre démarche ne peut prétendre à l’exhaustivité, notamment du fait que les collections des bibliothèques consultées ne sont pas complètes (y compris pour la Bibliothèque nationale de France [BnF]).

7 La décennie 1950 fait plus précisément référence dans notre étude à la période 1947-1962 sur laquelle nous avons listé les manuels parus pour les élèves âgés entre 11 et 15 ans. La date de 1947 est justifiée par la publication cette même année de nouveaux programmes pour les classes de fin d’études primaires et les cours complémentaires. De 1957 à 1960, une série de textes paraît au Bulletin officiel de l’Éducation nationalemodifiant les programmes d’enseignement dans les disciplines considérées. Les délais de prise en compte par le secteur éditorial de ces « nouveaux programmes » conduisent à étendre notre période jusqu’en 1962 pour disposer de collections complètes.

8 Bien qu’ils connaissent alors une très forte croissance (Brucy, 2005), les établissements de l’enseignement technique pèsent numériquement moins que les autres filières de l’école moyenne (voir tableau 1). Cet élément quantitatif constitue un facteur explicatif de la faible offre éditoriale spécifique constatée sur la période pour ces établissements qui vient s’ajouter à des usages différenciés et à une multiplicité de filières et de types d’établissements qui ramifie encore plus l’enseignement technique et professionnel.

9 Nous rejoignons sur ce point le constat effectué par Sido (2011, p. 30) en ce qui concerne les manuels de mathématiques. Plus largement, en ce qui concerne le décalage entre les débats contemporains généraux et l’absence de remise en cause des caractères identitaires des enseignements dans les Centres d’apprentissage (CApp) dans les années 1950, on pourra se reporter à l’analyse de Lopez et Sido (2015, p. 144-146).

10 Le bloc des disciplines scientifiques « dures » (hors mathématiques) peut également dans la période considérée être étendu à l’enseignement ménager que l’on trouve parfois identifié comme « sciences ménagères » par des manuels. Nous ne l’avons toutefois pas inclus dans notre étude et renvoyons à ce sujet aux travaux de Lebeaume (2014).

11 Les programmes renouvelés après la Seconde Guerre mondiale paraissent à l’été 1947 (Arrêté du 24 juillet 1947). On peut ensuite noter des convergences dans les instructions de 1953 qui, destinées aux classes de fin d’études des écoles rurales, indiquent qu’elles valent aussi dans l’esprit pour les classes de fin d’études des écoles urbaines (Guedj & Kahn, 2010, p. 189).

12 Si les collèges modernes sont considérés, d’après Chapoulie (2010a, p. 66), comme des « établissements secondaires de second rang qui n’offrent qu’un enseignement moderne », ils ne s’en développent pas moins progressivement après la Libération et conduisent une partie de leurs élèves jusqu’au baccalauréat, grâce à la mise en place en leur sein de filières d’enseignement longues.

13 La proximité des programmes à laquelle nous faisons référence ici est formelle : même dénomination des classes, reprises de notions et thématiques identiques ou proches, etc. Pour autant – et des textes et instructions le rappellent régulièrement aux enseignants – les finalités et donc les contenus d’enseignement que recouvrent les intitulés ne sont pas exactement les mêmes entre, d’une part, les CC et filières modernes courtes et, d’autre part, les autres filières des collèges et lycées.

14 Sur la période considérée, nous avons dénombré 42 manuels (rééditions incluses) répartis en 15 collections différentes pour les CFEP (correspondant à l’intitulé « sciences appliquées »).

15 Il s’agit du manuel pour la classe de troisième paru en 1955 portant sur les programmes de 1945 des lycées et collèges et sur les programmes de 1947 des cours complémentaires.

16 La spécification rappelle que les filières longues du 2 ddegré ne sont pas concernées par l’enseignement des sciences physiques au niveau du 1 ercycle.

17 Suite à la réforme Berthoin, on trouve des changements de titre portés dès 1961 dans les catalogues des éditeurs et les couvertures des ouvrages nouvellement imprimés, avec la mention « collèges d’enseignement général » remplaçant « cours complémentaires ».

18 La collection paraît à partir de 1952 et compte des titres identifiant des sections ou types d’établissements précis (par exemple classe de 3 eéconomique ou collèges techniques commerciaux garçons et filles).

19 Rappelons toutefois que ce rapprochement se fait à l’exclusion des filières longues du 2 ddegré, voir suprala présentation de la place de ces disciplines dans les différentes filières d’enseignement.

20 Cette pratique est notamment mise en œuvre pour la partie « puériculture » du programme de sciences naturelles, qui ne concerne que l’enseignement féminin en classe de troisième. Ainsi, Belin fait le choix de publier un fascicule qui complète la collection rédigée par Jean Humbert (Humbert & Gothié, 1956).

21 Ces rapprochements peuvent être explicités par la mention des différentes filières concernées en page de titre d’un unique manuel ou, comme l’indique l’exemple de Humbert (1955) cité plus haut, sous-entendus du fait de la seule mention des classes – sixième, cinquième, quatrième et troisième – qui, depuis les programmes de 1947, peuvent faire référence aussi bien aux CC qu’au 1 ercycle du 2 ddegré. À cet égard, précisons également que, à la fin des années 1940, les éditions Ligel et Magnard publient encore des manuels s’adressant aux classes de 6 e, 5 e, 4 eet 1 re, 2 e, 3 eannées des CC (respectivement), gardant ainsi la marque de l’organisation des CC antérieure à 1947. Cette rémanence disparaît en 1950.

22 L’empire Hachette se permet d’être présent à deux niveaux en proposant deux collections différentes, la première destinée aux CC (Orieux 1957, 1960, 1961, 1963), et la seconde visant les classes de sixième, cinquième, quatrième et troisième sans autre précision (Obré, Sougy, Cazalas & Avézard 1958, 1959 ; Obré, Balland & Salvaing, 1959 ; Obré & Paniel, 1959).

23 Le manuel de Mercier, Garnier, Mercier et al.(1962) constitue une exception puisqu’il s’adresse aux classes de quatrième moderne et technique, mais ce rapprochement découle du ciblage spécifique des filières modernes. L’année suivante, le volume du niveau supérieur cible cette fois les classes de troisième classique et moderne (Mercier, Garnier & Pichard, 1963).

24 L’offre de Delagrave et Dunod conduit à inclure les notions de sciences naturelles dans des manuels mêlant notions de physique, chimie, biologie, hygiène et vie pratique. Foucher est quant à lui un éditeur associé quasiment exclusivement au domaine technique et professionnel. Les ouvrages que cet éditeur propose adoptent des formes et des intitulés variés, reflétant la diversité des enseignements dans les multiples sections et filières industrielles et commerciales.

25 Quelques éléments sur l’histoire de Ligel à travers son rôle dans l’exportation de manuels au Canada sont donnés dans Aubin, 2000. On pourra également consulter le site internet des archives lasalliennes (< https://www.archives-lasalliennes.org/index.php>, consulté le 28 mars 2017).

26 En France, à la différence d’autres pays, les auteurs de manuels scolaires sont dans la plupart des cas des enseignants ou d’anciens enseignants. Le critère pragmatique de l’accessibilité des dossiers de carrière de ces auteurs aux Archives nationales (AN) restreint l’échantillon. Notons que ce choix introduit un biais a priorien faveur des enseignants du 2 ddegré, par rapport aux enseignants du 1 erdegré dont les dossiers de carrière ne sont pas conservés dans la série F17 des AN. Cependant, ce biais est en partie compensé par les dossiers de la série AJ16 (académie de Paris) conservés aux AN et par les transformations administratives des années 1960 qui ont basculé administrativement certains enseignants du 1 erdegré dans le 2 ddegré.

27 Le titre complet de cet ouvrage précise la matière traitée et le cadre visé : Sciences appliquées et travaux pratiques. Notions supplémentaires pour les localités côtières. Classes de fin d’études, écoles rurales ou urbaines de garçons. Il fait partie d’une collection qui inclut également les manuels de Pierre (1949), Guillaume (1949) et Flament (1950) qui sont tous des rééditions de titres parus pendant la Seconde Guerre mondiale et mis à jour suite à la publication des programmes de 1947.

28 Nous excluons du corpus (car ne répondant pas à notre définition de manuel incluant un cours développé) un Cahier pratique de sciences naturellesparu chez Nathan en 1955 pour la classe de 6 eet rédigé par Josette Déjean-Arrecgros. Cette dernière sera principalement auteur de guides naturalistes parus dans les décennies suivantes. Nous pouvons également signaler qu’à la même période la situation est légèrement différente pour les mathématiques pour lesquels on trouve quelques auteurs femmes pour le second degré.

29 Ce manuel fait partie du « Cours de sciences G. Condevaux ». Voir supranote 27.

30 À partir de notre corpus, nous avons dénombré 45 auteurs ; pour 16 d’entre eux le prénom n’est jamais indiqué dans les manuels et seule la première initiale en est mentionnée, sans que ne soit non plus indiqué le titre Mme comme pour Mmes Auxemery et Augustin. Notons que nous avons identifié cette dernière comme étant inspectrice des écoles de Paris et de la Seine au début de la décennie.

31 Maison basée à Tours qui a pris la suite de Arrault.

32 La collection éponyme paraît aux éditions Masson depuis la fin des années 1930 jusque dans les années 1950 (Démousseau & Haumesser, 1953), mais elle reste présente au catalogue de l’éditeur en 1960, et même en 1961 dans la rubrique des titres proposés pour les collèges d’enseignement général.

33 Notons que la particularité de l’enseignement de l’hygiène se traduit également chez Ligel qui, rompant avec ses habitudes, donne le nom et le titre de docteur en médecine de l’auteur du manuel pour la classe de 3 epublié à la fin de la décennie (Coste, 1959).

34 Sélection effectuée sur la base des suppléments « rentrée des classes » de la Bibliographie de la Francepour les années 1960 et 1961.

35 De fait, les titulaires de l’agrégation sont encore plus nombreux parmi les auteurs car, notamment pour ceux qui sont devenus inspecteurs généraux, les éditeurs ne mentionnent pas nécessairement leur titre d’agrégé.

36 AN cote AJ 165978.

37 AN cote AJ 168939.

38 AN cote F 1730332b.

39 AN cote F 1730289b.

40 Pour G. Legreneur, cette revendication est affirmée dans la préface de son manuel de physique-chimie pour les cours complémentaires (Legreneur & Peyraud, 1960). Pour A. Godier, elle transparaît au travers de ses engagements pédagogiques (voir infra). Notons que le co-auteur de Gabriel Legreneur, Marius Peyraud, quant à lui, n’est présenté que comme professeur au lycée de Nogent-sur-Marne. Cette indication permet de faire l’hypothèse d’une origine primaire pour M. Peyraud, car ce lycée est une ancienne école primaire supérieure, devenue collège moderne, puis collège moderne et classique puis lycée (hypothèse non vérifiée car le dossier de carrière de Peyraud n’a pas pu être consulté). Gabriel Legreneur y exerce également, de 1934 à 1967, soit pour la plus grande partie de sa carrière (AN cote AJ 169004).

41 L’appartenance des auteurs de manuels scolaires à la sphère scientifique est plus particulièrement argumentée dans ma thèse (Radtka, 2013, p. 279-290).

42 Albert Payan obtient l’agrégation de physique en 1926. Il occupe plus tard le poste d’inspecteur général de l’enseignement du premier degré puis d’inspecteur général de l’Instruction publique. À la fin des années 1950, il participe également aux réflexions ministérielles sur le recrutement et la formation des personnels scientifiques et de l’enseignement et de la recherche. Il ne nous a malheureusement pas été possible d’accéder à son dossier de carrière au moment où nous faisions notre recherche. Albert Payan n’est pas non plus mentionné dans le Dictionnaire biographique des inspecteurs généraux et des inspecteurs de l’Académie de Paris, 1914-1939 publié sous la direction de Caplat (1997).

43 Ses ouvrages, co-écrits avec Jean Ney, paraissent chez Dunod, éditeur familier du technique.

44 AN cotes F 1727878, F 1730332b, F 1718060.

45 J.-B. Lamirand est élevé au grade de commandeur de la Légion d’honneur en 1936. Voir les dossiers conservés à son nom aux AN cote F 1724607 et viala base Léonore cote 19800035/1277/47240 (consultable en ligne à l’adresse < http://www2.culture.gouv.fr/documentation/leonore/pres.htm>).

46 AN cote AJ 165978.

47 Sur la base d’une recherche du nom des auteurs dans le BupDoc, la base des archives du bulletin de l’association (consultable en ligne viale lien < http://bupdoc.udppc.asso.fr/consultation/selections.php>). Pour le renouvellement des collections et auteurs des manuels de sciences physiques pour l’école moyenne constaté sur notre période, voir le tableau 2.

48 C’est le cas précisément de Marcel Eurin, qui représente les disciplines scientifiques dans les vœux des auteurs scolaires aux lecteurs de Tintinévoqués au début de l’article, mais dont les manuels, écrits en collaboration avec Henri Guimiot, ne concernent alors que les classes de second cycle.

49 AN cote F 1717510.

50 AN cotes AJ 166004 et F 1728308. Le second dossier est plus complet et rend davantage compte du militantisme pédagogique d’André Godier.

51 AN cote F 1728759.

52 AN cote F 1727878.

53 AN cote F 1728189.

54 Sur les classes nouvelles instituées à la Libération, voir Savoye (2010).

55 Ces deux enseignants font aussi partie de l’équipe rédactionnelle des manuels de la collection. Ils sont également auteurs, chez Hachette, de « Cahiers de croquis de sciences naturelles » pour les classes de 6 eet 5 e (Sougy & Avezard, 1961a, 1961b). Paul Sougy est aussi l’auteur-dessinateur de planches didactiques destinées à être affichées au mur des classes.

56 On pourra ici souligner à l’appui de ce point que les chefs des établissements dans lesquels Marcel Oria a exercé lorsqu’il est devenu professeur de lycée louent son recours aux méthodes actives qu’ils jugent héritées de son expérience dans le primaire (AN cote F 1727878).

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Pour citer cet article

Référence papier

Catherine Radtka, « Écrire des manuels pour « une » discipline ? Les auteurs de manuels de sciences physiques et de sciences naturelles pour l’école moyenne dans la France des années 1950 »Revue française de pédagogie, 199 | 2017, 59-80.

Référence électronique

Catherine Radtka, « Écrire des manuels pour « une » discipline ? Les auteurs de manuels de sciences physiques et de sciences naturelles pour l’école moyenne dans la France des années 1950 »Revue française de pédagogie [En ligne], 199 | avril-mai-juin 2017, mis en ligne le 30 juin 2020, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfp/6061 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfp.6061

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Auteur

Catherine Radtka

Université de technologie de Belfort-Montbéliard

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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