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Notes critiques

ZAID Abdelkarim. Élaborer, transmettre et construire des contenus. Perspective didactique des dispositifs d’éducation et de formation en sciences et technologie

Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2017, 254 p.
Cécile de Hosson
p. 124-126
Référence(s) :

ZAID Abdelkarim. Élaborer, transmettre et construire des contenus. Perspective didactique des dispositifs d’éducation et de formation en sciences et technologie. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2017, 254 p.

Texte intégral

1Les politiques éducatives de ces dernières décennies ont fait de la notion de « dispositif » une véritable instance stratégique de l’organisation du travail scolaire pour l’accompagnement et la réussite des élèves et des étudiants. Derrière la labellisation institutionnelle se cache une variété d’actions, d’acteurs, de lieux, d’objectifs, largement investis par la recherche en éducation et en politique publique (Duru-Bellat & Jarrousse, 2001 ; Linard, 2002 ; Beillerot & Collette, 2003 ; Mons, 2015 ; Reverdy, 2017). Dans ce contexte, Élaborer, transmettre et construire des contenus est un ouvrage original, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, parce que loin de se limiter aux dispositifs que les instances éducatives désignent comme tels, le travail d’Abdelkarim Zaid ambitionne d’outiller le chercheur en didactique qui pourrait se voir démuni pour saisir finement les dynamiques de circulation, de transformation et de création des contenus au sein de tout système complexe et hétérogène d’éducation ou de formation (scientifique ou technologique). C’est donc une approche holistique qui se dessine ici, approche dont la singularité peut être mentionnée d’emblée. Par voie de conséquences, et c’est là une deuxième originalité de l’ouvrage, la notion de dispositif se voit redéfinie et acquiert ainsi un double statut d’objet épistémique d’exploration et de cadre d’analyse.

2L’ouvrage s’ouvre sur un projet de définition générale : sera considéré comme « dispositif » tout « ensemble prescrit de composants hétérogènes agencés en réseau et considérés par des acteurs comme pertinents ou nécessaires pour réaliser une fonction dominante et satisfaire des finalités » (p. 58). La référence explicite à l’analyse de Michel Foucault intriguera certainement le lecteur dans la mesure où, chez Foucault, le concept de dispositif, indissociable de celui de gouvernementalité, se voit mobilisé dans une visée dénonciatrice : les dispositifs sont ainsi définis comme un ensemble connecté d’opérateurs de pouvoir (Foucault, 1997, p. 17), comme des organes d’assujettissement des individus, comme des instruments condamnables. Loin de condamner les dispositifs scolaires, Abdelkarim Zaid leur assigne toutefois une fonction de domination, et c’est à travers cette assignation que se révèle la pertinence de la référence à Foucault si l’on considère, à la suite de Monique Linard, qu’elle « permet de mettre au jour les tensions entre intention et réalisation, objectif et stratégie, pratique et théorie, contraintes sociales et autonomie individuelle » (Linard, 2002). L’étude de l’évolution des épreuves d’agrégation de mécanique décrite dans la deuxième partie de l’ouvrage est un exemple remarquable de mise à l’épreuve de l’invite foucaldienne. Mais ne nous y trompons pas, le travail d’Abdelkarim Zaid est un travail résolument didactique. D’ailleurs, la définition originelle se précise et s’enrichit rapidement pour garantir au chercheur un accès spécifique aux contenus générés et transmis lorsque des composants hétérogènes et interdépendants sont mis en réseau à des fins d’éducation ou de formation. Le dispositif devient objet « didactique » ; il est caractérisé par « sa fonction dominante, sa composition, son contexte, sa dynamique et un discours qui en explicite ou manifeste le fonctionnement » (p. 59). L’étude didactique d’un dispositif consiste alors à apprécier l’évolution dialectique du dispositif et des contenus qui s’y élaborent. Les « contenus » en jeu ne sont pas réductibles ici aux seuls savoirs et/ou connaissances disciplinaires (voire aux savoir-faire associés) habituellement manipulés par le chercheur en didactique.

3Dans la suite de l’ouvrage, Abdelkarim Zaid s’attache à caractériser les environnements susceptibles de se prêter au jeu de l’analyse dispositive définie. La diversité des dispositifs pris pour cible (agrégation de mécanique, cahier d’expérience dans la classe de sciences et technologies, partenariats d’accompagnement, dispositifs professionnalisants, dispositifs d’écriture) peut paraître déroutante. Les dimensions et les propriétés à l’étude varient d’un dispositif à l’autre, de même que les outils mobilisés et la nature des objets observés. À titre d’exemple, les apprentissages des élèves ne sont pas toujours au cœur de l’analyse didactique et, lorsqu’ils le sont, c’est via la mobilisation de la notion de « performance didactique » (p. 109) dont l’efficacité pourrait être discutée au regard d’autres approches didactiques (théorie de l’activité, théorie de l’action conjointe en didactique, problématisation, etc.). Pourtant, l’accumulation est ici vertueuse et à double titre. D’une part, parce que les raisons qui fondent les adaptations méthodologiques, voire théoriques, opérées permettent de cerner au plus juste le sens et la cohérence du cadre mobilisé. D’autre part, parce que le regard porte sur des écosystèmes éducatifs sous contraintes. Ce trait commun garantit la cohérence et la portée heuristique du travail autant qu’elle permet de projeter l’approche proposée sur d’autres écosystèmes d’éducation scientifique hétérogènes et contraints, ceux qui, par exemple, sont pensés pour promouvoir l’interdisciplinarité.

4Car au-delà de sa visée heuristique, le travail d’Abdelkarim Zaid est également une réponse praxéologique aux reconfigurations curriculaires au sein desquelles l’enseignement disciplinaire devient un élément d’un ensemble vaste et composite. Il permet de saisir les décalages entre contenus visés par les prescripteurs et contenus effectivement engendrés par et dans le dispositif. L’analyse de l’usage du cahier d’expérience en classe de science au primaire par la voie dispositive est un bel exemple de ce hiatus. Assujettie au départ au projet curriculaire de « faire écrire pour apprendre les sciences » (p. 139), la fonction du cahier d’expérience s’actualise dans la classe au regard, notamment, des attendus des enseignants lorsqu’il s’agit de faire écrire les élèves. Le cahier d’expérience devient un support pour l’initiation à une pratique d’écriture et ne participe que peu (voire pas) à la construction des concepts scientifiques. Cet écart entre l’attendu prescrit et l’inattendu effectif n’est évidemment pas sans conséquence sur les pratiques enseignantes. Décoder, avec les enseignants, les processus qui conduisent à l’émergence de ces contenus, en étudier les spécificités, devient alors un levier d’action qui ne manquera pas d’intéresser les formateurs. Les pistes proposées par Abdelkarim Zaid (p. 140) sont, à ce titre, éclairantes.

5On comprend finalement pourquoi l’analyse didactique réduite à ses seules dimensions épistémologiques et cognitives paraît, selon les termes de l’auteur, insuffisante. Bien sûr, Abdelkarim Zaid n’est pas le premier à considérer les contenus d’enseignement ou de formation comme des objets endogènes sous influence, comme des objets métissés et qu’il convient de regarder en tant que tels. Le parti-pris n’est pas sans rappeler, l’auteur le dit lui-même, celui qui porte l’attention aux pratiques sociales de référence, ou encore celui de la théorie anthropologique du didactique, et les proximités entre « dispositif », « zone de coopération sociale » (Martinand, 1981) et « institution » (Chevallard, 1992) renforcent le bien-fondé des approches didactiques multi-dimensionnées. La spécificité tient peut-être ici à l’amplitude de la notion de « contenu » qui, sans être parfaitement circonscrite, demeure suffisamment ouverte pour laisser la place à des analyses non exclusivement épistémologiques.

6C’est donc une approche inédite qui est ici éprouvée et qui intéressera l’ensemble des chercheurs en didactique disciplinaire en quête d’approches intégratives. Nous ne pouvons pas terminer cette note sans souligner l’ampleur et la pertinence des références mobilisées, sans mentionner par ailleurs que les ouvrages de didactique prenant pour cible l’enseignement scientifique et technologique pour les filières à visée professionnalisante et entrepreneuriale sont rares et donc précieux.

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Bibliographie

BEILLEROT J. & COLLETTE S. (2003). « Les politiques d’éducation et de formation (1989-2002) : Première partie ». Carrefours de l’éducation, no 15(1), p. 160-202.

CHEVALLARD Y. (1992). « Concepts fondamentaux de la didactique : perspective apportée par une approche anthropologique ». Recherche en didactique des mathématiques, no 12, p. 73-112.

DURU-BELLAT M. & JAROUSSE J. (2001). « Portée et limites d’une évaluation des politiques et des pratiques éducatives par les résultats ». Éducation et sociétés, no 8(2), p. 97-109.

FOUCAULT M. (1997). « Il faut défendre la société », cours au Collège de France, 1976. Paris : Éd. du Seuil/Gallimard.

LINARD M. (2002). « Conception de dispositifs et changement de paradigme en formation ». Éducation permanente, no 152, p. 143-155.

MARTINAND J.-L. (1981). « Pratiques sociales de référence et compétences techniques. À propos d’un projet d’initiation aux techniques de fabrication mécanique en classe de quatrième ». Diffusion et appropriation du savoir scientifique : enseignement et vulgarisation. Actes des Troisièmes Journées internationales sur l’Éducation scientifique, p. 149-154.

MONS N. (2015). Les nouvelles politiques éducatives : la France fait-elle les bons choix ? Paris : PUF.

REVERDY C. (2017). « L’accompagnement à l’école : dispositifs et réussite des élèves ». Dossier de veille de l’IFÉ, no 119.

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Pour citer cet article

Référence papier

Cécile de Hosson, « ZAID Abdelkarim. Élaborer, transmettre et construire des contenus. Perspective didactique des dispositifs d’éducation et de formation en sciences et technologie »Revue française de pédagogie, 198 | 2017, 124-126.

Référence électronique

Cécile de Hosson, « ZAID Abdelkarim. Élaborer, transmettre et construire des contenus. Perspective didactique des dispositifs d’éducation et de formation en sciences et technologie »Revue française de pédagogie [En ligne], 198 | 2017, mis en ligne le 31 mars 2017, consulté le 08 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfp/5448 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfp.5448

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Auteur

Cécile de Hosson

Université Paris-Diderot, laboratoire de didactique André Revuz (EA 4434), UArtois, UCergy-Pontoise, UParis Est-Créteil, URouen Normandie

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Droits d’auteur

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