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L’influence d’une formation au tutorat sur les performances en résolution de problèmes et sur la motivation autodéterminée d’élèves de fin d’enseignement primaire

The influence of a tutor training program on problem solving performance and on self-determined motivation at the end of primary school
Laurence Sandron et Annick Fagnant
p. 75-92

Résumés

L’objet de cette recherche exploratoire est d’évaluer l’efficacité d’un programme de formation au tutorat mis en place en résolution de problèmes en fin d’enseignement primaire (grade 6, élèves de 11-12 ans). La formation au tutorat s’appuyant sur la théorie de l’autodétermination consiste en un enseignement explicite de stratégies cognitives et métacognitives. Le dispositif mis en place permet de comparer trois modalités : élèves formés au tutorat selon l’approche susmentionnée, élèves pratiquant le tutorat sans formation spécifique et élèves travaillant sur les mêmes problèmes que dans les deux autres classes mais sans pratiquer le tutorat. Les résultats montrent que la formation des tuteurs améliore les interactions au sein des dyades, les performances des élèves (tuteurs et tutorés) ainsi que certaines composantes de la motivation autodéterminée.

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Texte intégral

Introduction

1Dans le domaine des mathématiques à l’école élémentaire, le tutorat constitue l’une des approches pédagogiques dont l’efficacité a été largement démontrée (Slavin & Lake, 2008). Cette pratique permet non seulement à l’enseignant de gérer l’hétérogénéité au sein de la classe, mais également de réduire l’écart entre élèves. Plusieurs études montrent l’influence bénéfique des interactions dyadiques sur l’apprentissage, tout en soulignant l’importance de conditions spécifiques d’efficacité (Baudrit, 2000, 2005 ; Buchs, Lehraus & Crahay, 2012). D’autres études montrent que l’environnement social de la classe et les interactions entre pairs sont des facteurs influençant fortement la motivation et l’engagement ultérieur des élèves (Buchs, Lehraus & Crahay, 2012 ; Martin & Dowson, 2009 ; Ryan & Patrick, 2001). Cependant, la question de l’influence des interactions entre pairs sur la motivation dans le cadre du tutorat mériterait de faire l’objet de recherches complémentaires (Ryan & Patrick, 2001). En effet, cette modalité de travail conduit parfois à créer une situation de dépendance entre tuteur et tutoré (Baudrit, 1997 ; Peyrat-Malaterre, 2011) qui pourrait s’avérer préjudiciable au développement d’une motivation autodéterminée (Ryan & Deci, 2000a, 2000b). Les élèves-tuteurs auraient ainsi tendance à développer une démarche assez directive, se caractérisant notamment par « une série d’injonctions successives stipulant au partenaire les actions à réaliser », plutôt qu’un soutien à la construction progressive et à l’appropriation de la démarche (Berzin, 2012, p. 80). Cette façon de procéder, consistant essentiellement à « faire faire », s’apparente alors à un « cadrage trop étroit » (Bonnéry, 2007, 2009) ou à un « sur-ajustement didactique » (Bautier & Goigoux, 2004 ; Joigneaux, 2009) pouvant conduire l’élève à réussir sans comprendre (Bautier & Rochex, 1997 ; Bernardin, 2006 ; Bonnéry, 2007, 2009). L’enjeu est pourtant que tous les élèves s’engagent dans la tâche, non pas pour le résultat escompté, mais bien pour un réel travail cognitif d’appropriation des savoirs (Bernardin, 2006 ; Bonnéry, 2007, 2009). Pour réellement apprendre, nous faisons l’hypothèse que le tutoré doit développer une motivation autodéterminée qui influencera positivement sa posture et le regard qu’il portera sur le savoir à acquérir. Pour éviter que le tutoré ne se positionne en situation d’attente et de « dépendance » excessive par rapport au tuteur (Baudrit, 1997) et au vu de la tendance spontanée des tuteurs à être trop « directifs » dans les aides qu’ils apportent (Berzin, 2012 ; Crahay, Hindryckx & Lebe, 2001), nous estimons qu’informer les tuteurs des attentes en matière d’enseignement (Bensalah & Berzin, 2009) et les former à une méthode de tutorat (Lafont & Ensergueix, 2009) pourraient constituer une réelle plus-value.

2L’objet de la présente recherche est d’évaluer l’efficacité, tant sur les tuteurs que sur les tutorés, d’un programme de formation au tutorat mis en place en résolution de problèmes en fin d’enseignement primaire (grade 6, élèves de 11-12 ans). En accord avec les divers éléments susmentionnés, les apports issus de la théorie de l’autodétermination (Ryan & Deci, 2000a, 2000b) ainsi que ceux issus des recherches concernant le rapport instruit au savoir (Bernardin, 2006 ; Rey, 2014) ont été utilisés pour créer une formation spécifique pour les tuteurs afin qu’ils exercent au mieux leur rôle dans des séances de tutorat et que les tutorés gagnent en autonomie dans leur apprentissage. Pour aider les tuteurs à dépasser une théorie implicite de l’enseignement qui pourrait les conduire à résoudre les problèmes à la place du tutoré ou à le guider pas-à-pas dans les étapes de résolution (Berzin, 2012), la formation au tutorat se base également sur un enseignement explicite de stratégies cognitives et métacognitives (Mevarech & Kramarski, 2014 ; Montague & Asha Jitendra, 2006 ; Montague, Enders & Dietz, 2011). S’appuyant sur un dispositif permettant de comparer trois modalités (élèves bénéficiant de cette formation spécifique au tutorat ; élèves pratiquant le tutorat de manière libre, sans formation spécifique ; élèves travaillant sur les mêmes problèmes, mais sans pratiquer le tutorat), les effets de la formation sont analysés sur le type d’interactions dyadiques, sur l’évolution des performances en résolution de problèmes et sur le développement d’une motivation autodéterminée. Comme indiqué dans les lignes qui précèdent, la formation au tutorat constitue un « ensemble », qui combine tutorat, métacognition et soutien aux besoins des tutorés (TDA) ; c’est donc bien l’effet de cet « ensemble » complet qui pourra ainsi être mesuré.

Cadrage théorique

Les recherches axées sur l’efficacité du tutorat

3Le tutorat trouve ses assises théoriques dans les travaux de Bruner, s’inscrivant eux-mêmes dans le prolongement des thèses vygotskiennes (Crahay, 2005 ; Berzin, 2012 ; Lafont & Ensergueix, 2009). Dans ce dispositif, une personne plus experte a la responsabilité d’aider une autre pendant une période définie, notamment par un processus d’étayage (Allen, 1983). Ce « système de support » fourni par autrui consiste notamment à restreindre « la complexité de la tâche permettant à l’enfant de résoudre des problèmes qu’il ne peut accomplir tout seul » (Bruner, 2011, p. 288).

4À la lumière de la méta-analyse menée par Cohen, Kulik et Kulik (1982), on constate des effets positifs du tutorat sur les apprentissages, pour les tuteurs comme pour les tutorés, quelles que soient les conditions de mise en pratique (voir aussi Buchs, Lehraus & Crahay, 2012 pour une synthèse). Les progrès sur les performances scolaires des tuteurs, repris dans cette méta-analyse, semblent indiquer un effet tuteur : en aidant le tutoré, en fournissant un effort pour transmettre des explications correctes et en approfondissant ses connaissances durant les interactions tutorielles, le tuteur progresse également (Buchs, Lehraus & Crahay, 2012). Les tuteurs et tutorés développent des attitudes positives concernant le domaine abordé durant les séances de tutorat. Fuchs, Fuchs, Kazdan et alii (2000) indiquent que, comparativement au travail de groupe, les compositions dyadiques peuvent offrir aux élèves de niveau faible une plus grande opportunité de participer et de collaborer.

5Néanmoins, quelques limites sont à surmonter pour que le tutorat soit pleinement satisfaisant. Ainsi, au sein des dyades très hétérogènes, les enfants d’un niveau supérieur ont tendance à corriger les erreurs du tutoré sans le laisser chercher ou à imposer leur méthode de résolution (Baudrit, 2005). L’étude menée par Crahay, Hindryckx et Lebe (2001), concernant les interactions entre pairs dans le cadre d’un tutorat portant sur des problèmes multiplicatifs, met en exergue des tactiques majoritairement proactives dans les conduites des tuteurs qui, de surcroît, ont peu le souci d’expliquer le pourquoi des démarches et procédures. La prédominance de ces tactiques proactives semblerait selon eux être « une conséquence logique du tutorat » (p. 143) : dans la mesure où, généralement, les tuteurs exercent une guidance pas à pas, les pupilles se limitent à des démarches d’exécution et ont peu l’occasion de commettre des erreurs, de poser des questions et, dès lors, ont peu l’opportunité de prendre conscience de leur incompréhension. Suite à l’analyse des échanges verbaux entre dyades, Berzin (2012) formule l’hypothèse que les tuteurs sur-ajustent leur aide et, par des énoncés directifs, se centrent davantage sur l’effectuation de la tâche et « limitent l’activité cognitive des novices et probablement le transfert des connaissances » (p. 80).

6Les différences de statut entre le tuteur (celui qui sait) et le tutoré (celui qui sait moins) risquent, sans une formation des deux partenaires, d’engendrer trop souvent de la part du tutoré une soumission, une dépendance et un état de réaction plutôt que d’action dans son apprentissage (Peyrat-Malaterre, 2011). Informer les partenaires de leur rôle ne suffit pas à dépasser ces limites. L’élève informé de son rôle veille à enrôler plus directement le tutoré, mais, en étant plus directif, il se centre davantage sur l’efficacité de son étayage en ciblant un but immédiat (l’effectuation de la tâche) plutôt qu’un but à long terme (permettre au tutoré de réinvestir ses acquis ultérieurement) (Berzin, 2012).

7A contrario, plusieurs recherches montrent qu’il est possible d’infléchir la façon dont se déroulent les interactions dyadiques. Ainsi, dans les tâches de résolution de problèmes, l’étude de Demerval (1998) montre que des élèves de 5-6 ans dont l’interaction du tuteur a été réglementée (n’intervenir qu’à la demande du tutoré) obtiennent de meilleures performances au post-test différé par rapport aux élèves ayant bénéficié d’une interaction libre. La méthode PPP (attendre avant d’intervenir, intervenir si nécessaire et encourager) décrite par Baudrit (2010b) permet un gain d’apprentissage en lecture. Il est également nécessaire de tenir compte de la manière dont les consignes doivent être données au préalable au tuteur : aider autrui à corriger ses erreurs (Crahay, Hindryckx & Lebe, 2001) versus l’aider à comprendre ses erreurs et les démarches. Webb et Mastergeorge (2003) soulignent que les étudiants, en situation de tutorat, qui ont appris à résoudre les problèmes et à qui on demandait des explications précises au sujet de leurs démarches, parviennent par la suite à résoudre correctement les problèmes seuls. Lors d’une autre étude, menée par Taylor, Hanson, Justice-Swanson et alii (1997), les futurs tuteurs discutent des bonnes stratégies à utiliser en lecture, conservent une liste de ces stratégies, s’investissent dans la préparation des activités pour les tutorés. Ils sont invités à laisser les tutorés s’exprimer. Par rapport au groupe contrôle sans tutorat, les performances des tuteurs et tutorés s’améliorent significativement.

8Au final, pour contrer les inconvénients susmentionnés et inverser la tendance du tutoré à n’être qu’un exécutant, il s’agit de soutenir l’autonomie et le sentiment de compétence du tutoré, mais aussi de rendre prédominant le « comprendre » plutôt que le « faire » en explicitant les attentes, les enjeux et les démarches. En ce sens, la théorie de l’autodétermination (Ryan & Deci, 2000a, 2000b) et les recherches portant sur l’enseignement explicite de stratégies cognitives et métacognitives (Mevarech & Kramarski, 2014) apportent quelques éléments intéressants pour éclairer la formation des tuteurs.

Motivation autodéterminée et enseignement explicite : des éléments à combiner pour des tuteurs performants ?

9La théorie de l’autodétermination (Ryan & Deci, 2000a, 2000b) permet de dépasser la dichotomie entre « motivation intrinsèque » (tâche perçue comme motivante en soi) et « extrinsèque » (motivation par une cause externe) en proposant un continuum de motivation. Ainsi, si l’individu peut manifester une absence de motivation (amotivation) ou si certaines formes de motivations relèvent de la peur d’une sanction (régulation externe), d’autres s’accompagnent d’une régulation davantage personnelle, telle que reconnaître une activité comme importante parce qu’elle permettra à l’individu d’atteindre des buts ultérieurs (régulation identifiée). Les motivations « intrinsèque » et « à régulation identifiée » sont considérées comme « autodéterminées » au sens où l’apprenant se sent responsable de son apprentissage et que les activités ne cesseront pas dès que s’estomperont les pressions extérieures. Parmi les outils permettant de mesurer ces différents types de motivation, The Situational Motivation Scale (Guay, Vallerand & Blanchard, 2000) présente l’avantage d’être assez brève (16 items) et de proposer des formulations adaptées à de jeunes adolescents.

10Plusieurs études ont montré que les formes de motivation les plus autodéterminées étaient associées à des conséquences telles qu’une plus grande réussite scolaire, une meilleure satisfaction par rapport à l’école, un apprentissage conceptuel supérieur, ainsi qu’une estime de soi et une perception de sa compétence plus élevées (voir Leroy, Bressoux, Sarrazin et al., 2013 ; Sarrazin, Tessier & Trouilloud, 2006 pour des synthèses).

11Ryan et Deci (2000a, 2000b) ont mis en évidence trois besoins psychologiques qui peuvent, s’ils sont rencontrés, augmenter ou au contraire diminuer la motivation autodéterminée de l’individu face à une tâche ou une activité. Le besoin de compétence (ou besoin d’interagir efficacement avec son environnement) se traduit par des défis optimaux, l’absence d’évaluations dégradantes, des feed-back positifs, la nécessité de comprendre l’objectif et le pourquoi de la tâche. Le besoin d’autonomie (ou désir d’être à l’origine de ses actions) est rencontré dans un environnement soutenant l’autonomie comme, par exemple, lorsque l’enseignant laisse le choix aux élèves et encourage leurs prises d’initiative. Le besoin de proximité sociale (ou désir d’appartenance et de connexion avec des personnes qui sont significatives pour l’apprenant) est rencontré dans un milieu sécurisant et relationnel. Carré (2010) considère que l’autodétermination se réfère au sentiment de poser ses choix et ses actes librement. Selon lui, l’individu porteur d’une motivation autodéterminée n’est donc pas seulement autonome, au sens de capable de choisir parmi les opportunités qui lui sont offertes, mais aussi proactif, au sens où il est l’initiateur de ses décisions et de ses actions (et non l’exécutant des actes commandités par d’autres).

12Si le dernier besoin devrait être rencontré par la situation de tutorat elle-même, la formation au tutorat semble cruciale pour agir sur les besoins de compétence et d’autonomie. Les tuteurs devront pouvoir expliquer aux tutorés le pourquoi de la tâche et mettre en exergue les raisons intrinsèques de la réaliser. Ils devront inciter les tutorés à la prise d’initiative dans le domaine cognitif (Sarrazin, Tessier & Trouilloud, 2006) en les « outillant » pour qu’ils développent effectivement leurs compétences et qu’ils soient de plus en plus proactifs dans la gestion de leurs apprentissages. Conjointement, ces « façons d’agir des tuteurs » devraient affecter l’attitude que les élèves adopteront face à l’apprentissage ; elles devraient influencer positivement leur rapport instruit au savoir (Bautier & Rochex, 1997 ; Bernardin, 2006 ; Bonnéry, 2007, 2009 ; Rey, 2014).

13En résolution de problèmes mathématiques, de nombreuses études ont mis en évidence les bienfaits d’approches métacognitives. Parmi celles-ci, les méthodes SOLVE-IT (Montague & Asha Jitendra, 2006 ; Montague, Enders & Dietz, 2011) et IMPROVE (Mevarech & Kramarski, 2012, 2014) ont largement fait leurs preuves. Enseigner explicitement des stratégies cognitives et métacognitives permettrait aux élèves de résoudre des problèmes efficacement et de manière plus autonome, mais renforcerait également la prise de contrôle de leur action tout en leur permettant de prendre des décisions plus appropriées (Montague & Asha Jitendra, 2006). En apprenant à mettre en œuvre des stratégies de contrôle et d’autorégulation, l’élève gagnerait en autonomie dans son apprentissage (Doly, 2006). Ce type d’approche fait le pari que l’apprenant est capable de se mettre en projet, de gérer la tâche, de vérifier ses stratégies et de les ajuster par lui-même. Former les tuteurs à la mise en œuvre de ce type d’approche pourrait favoriser les apprentissages cognitifs des tutorés, tout en soutenant une motivation autodéterminée puisqu’ils développeraient progressivement la prise en main de leurs propres apprentissages.

Question de recherche et hypothèses

14La question de recherche est la suivante : une formation spécifique au tutorat permet-elle d’influencer positivement les interactions dyadiques, les performances en résolution de problèmes et la motivation autodéterminée des élèves ? Pour étudier cette question, le dispositif mis en place conduit à comparer trois modalités : élèves formés au tutorat selon l’approche susmentionnée ; élèves pratiquant le tutorat sans formation spécifique ; et élèves travaillant sur les mêmes problèmes que dans les deux autres classes mais sans pratiquer le tutorat. Trois hypothèses guident l’analyse des résultats :

  • hypothèse 1 : en comparaison avec le groupe contrôle-tutorat, qui n’a pas bénéficié de la formation, les tuteurs formés devraient avoir un guidage davantage rétroactif, laissant l’initiative au tutoré, réagissant aux erreurs et expliquant les démarches, plutôt qu’un guidage proactif, empreint d’un cadrage étroit ;
  • hypothèse 2 : la formation au tutorat influencerait positivement les performances des tuteurs et des tutorés ;
  • hypothèse 3 : cette formation augmenterait la motivation autodéterminée des tuteurs et tutorés.

Méthode de recherche et d’analyse

Le dispositif de recherche

15L’étude s’appuie sur un dispositif classique composé d’un pré-test, d’une phase d’intervention et d’un post-test. Trois classes de sixième année primaire (grade 6, élèves de 11-12 ans) ont été impliquées dans le dispositif de façon à comparer trois modalités : tutorat avec formation, tutorat sans formation et absence de tutorat. Les trois classes, situées en Belgique francophone, proviennent de la même école urbaine disposant d’un indice socio-économique moyen. La détermination de l’appartenance au groupe expérimental ou à un des groupes contrôle s’est faite au hasard.

16Le pré-test et le post-test sont constitués d’un test de résolution de problèmes et d’un questionnaire motivationnel.

17Dans les trois classes, l’intervention se déroule durant six séances de 50 minutes à raison de 2 fois 50 minutes par semaine durant 3 semaines. Les problèmes utilisés dans les trois classes sont identiques, de façon à ce que les comparaisons puissent se cibler sur les variables dont nous souhaitons mesurer l’effet. La figure 1 donne une vision d’ensemble du dispositif.

Figure 1. Schéma du dispositif de recherche

Test portant sur la résolution de problèmes
+
Questionnaire motivationnel
Classe expérimentale Test portant sur la résolution de problèmes
+
Questionnaire motivationnel
Formation au tutorat Séances organisées sous la forme de tutorat Six séances de résolution de problèmes
Classe contrôle-tutorat
X Séances organisées sous la forme de tutorat Six séances de résolution de problèmes
Classe contrôle
X X Six séances de résolution de problèmes

18Dans la classe expérimentale et dans la classe contrôle-tutorat, 10 dyades sont impliquées. Les élèves ayant obtenu des résultats proches de 6/10 se sont vus confier le rôle de tuteur et ceux ayant obtenu une note inférieure le rôle de tutoré. Les dyades sont au maximum équilibrées entre elles dans la mesure où elles sont constituées en fonction de l’écart de leurs scores respectifs au pré-test. Cet écart est de minimum 2,6/10 et de maximum 4,7/10. Des données ont également été recueillies auprès des titulaires des deux classes afin de tenir compte des relations amicales ou conflictuelles entre certains enfants qui auraient pu entraver le travail en dyades.

Les problèmes utilisés au pré et post-test et lors de l’intervention

19Le pré-test est constitué de quatre problèmes : trois problèmes s’appuient sur les opérations arithmétiques de base et comprennent des étapes intermédiaires (ils sont de même type que ceux travaillés lors de l’intervention) ; le quatrième problème implique quant à lui une structure mathématique différente. L’objectif de ce problème, non travaillé durant les séances, est de mesurer le transfert effectif des nouvelles compétences développées. En effet, l’enjeu des séances de tutorat n’est pas seulement que les élèves puissent résoudre les types de problèmes travaillés en classe, mais aussi qu’ils étendent leurs compétences en résolution de problèmes en abordant plus efficacement d’autres types de situations.

20Logiquement, en vue de permettre la comparabilité des résultats, le post-test est composé de 4 problèmes parallèles à ceux du pré-test. Seuls l’habillage des problèmes et leur ordre de présentation diffèrent d’un test à l’autre.

21Les critères de correction prennent en compte trois dimensions : (1) le raisonnement ; (2) l’utilisation des outils mathématiques ; (3) la communication de la solution. Les différentes démarches possibles pour résoudre les problèmes ont été anticipées et prises en considération lors de la correction. En vue d’illustrer la démarche, un exemple de problème et de codage se trouve en annexe 1. Pour faciliter la lecture des résultats, les scores des tests sont ramenés sur un total de 10 points.

Le questionnaire motivationnel

22La motivation des élèves est évaluée au départ de la version française du questionnaire The Situational Motivation Scale (Guay, Vallerand & Blanchard, 2000) qui permet de distinguer quatre sous-échelles :

  • la motivation intrinsèque traduit l’idée de plaisir et de satisfaction pour une tâche ou une activité (ex. « Je trouve que cette activité est intéressante ») ;
  • la régulation identifiée correspond à l’idée selon laquelle la tâche ou l’activité permet d’atteindre des buts personnels (ex. « Je fais cette activité parce que je pense qu’elle est importante pour moi ») ;
  • la régulation externe traduit un sentiment d’être obligé de participer pour diverses contraintes extérieures telles que des récompenses ou des risques de punition (ex. « Je fais cette activité parce que je n’ai pas le choix ») ;
  • l’amotivation correspond, comme son nom l’indique, à une absence totale de motivation (ex. « Je fais cette activité mais je ne suis pas sûr que ça vaille la peine »).

23Chaque sous-échelle comporte quatre items face auxquels les élèves doivent se positionner sur une échelle de Likert à 7 points allant de « ne me correspond pas du tout » à « me correspond exactement ». En s’appuyant sur la validation opérée par les auteurs susmentionnés (les alphas de Cronbach de la version française varient de 0,76 à 0,91 selon les dimensions), un score a été calculé pour chacune des sous-échelles.

La formation au tutorat mise en place dans la classe expérimentale

24La formation des tuteurs est organisée lors d’une séance de cours d’une durée de 50 minutes. Après avoir mené collectivement une discussion au sujet de la résolution de problèmes, de l’importance de cette activité et des divers éléments qui aident à résoudre des problèmes, deux volets complémentaires sont travaillés avec les tuteurs de façon à cibler, d’une part, le type de comportements attendus au cours de l’interaction en dyade et, d’autre part, le contenu cognitif et métacognitif des échanges.

25S’ancrant dans la théorie de l’autodétermination (Ryan & Deci, 2000a, 2000b), le premier volet cherche à faire prendre conscience aux tuteurs de l’importance de rencontrer le besoin de compétence et le besoin d’autonomie des tutorés. Il s’agit d’orchestrer les interactions de guidage de façon à « laisser progressivement de l’initiative au tutoré » (Lafont & Ensergueix, 2009, p. 42). Le rôle du tuteur et les stratégies de guidage qu’il doit utiliser pour agir de façon rétroactive en vue de laisser progressivement l’initiative des échanges au tutoré sont explicités par l’enseignant et illustrés au départ d’un exemple. En synthèse, un acronyme est proposé en guise d’aide-mémoire : REQVE : Rappeler (les stratégies métacognitives et cognitives de résolution de problèmes) – Écouter – Questionner (qu’as-tu compris ?) – Vérifier – Encourager. Enfin, de façon à aider le tutoré à prendre conscience de ses progrès, le tuteur est invité, après chaque séance, à amener le tutoré à faire le « bilan » de ce qu’il a appris.

26Le deuxième volet s’appuie sur un enseignement explicite de stratégies cognitives et métacognitives (Mevarech & Kramarski, 2014). Pour ce faire, un guide, largement inspiré de la méthode SOLVE-IT (Montague & Asha Jitendra, 2006), est utilisé. Ce guide, présenté en annexe 2, reprend une série de processus cognitifs visant à faciliter la résolution du problème (lire, paraphraser, faire des liens, visualiser, faire des hypothèses, estimer, calculer et vérifier), ainsi qu’une série de questionnements visant à enclencher trois types de processus métacognitifs (« self-instruction », « self-questionning », « self-monitoring » ; Montague, Enders & Dietz, 2011). Chaque processus est expliqué par l’enseignant et illustré à l’aide d’exemples. Les tuteurs sont ensuite amenés à verbaliser chacune des étapes de façon à s’approprier progressivement le guide. Lors de la première séance de tutorat, les tuteurs devront expliquer le guide au tutoré, puis les amener à s’en servir lors de chaque résolution de problèmes.

Le codage des interactions au sein des dyades et le type d’analyse réalisée

27L’analyse des interactions au sein des dyades est un processus à la fois complexe et chronophage. Il a été décidé de s’intéresser à l’ensemble des 20 dyades concernées, mais de focaliser les analyses sur deux moments ciblés. Les séances de tutorat no 2 et no 6 ont été retenues de façon à cerner une possible évolution au cours de l’intervention. La deuxième séance a semblé plus informative que la première dans la mesure où un temps de « mise en route » était nécessaire lors de la première séance. Les séances-cibles ont été intégralement filmées pour l’ensemble des duos. C’est ce matériau qui a servi de base à la réalisation des codages instrumentés par une grille d’observation. Chaque prise d’initiative verbale constitue une unité d’analyse. Par « prise d’initiative », il convient d’entendre l’apport d’un nouvel élément, d’une nouvelle information ou d’une nouvelle démarche énoncé à voix haute. Toutes les « prises d’initiative » ont été codées pour les tutorés et pour les tuteurs. Après l’amorce, si le tuteur laisse l’initiative des démarches au tutoré, le codage se fait en faveur du tutoré. Si le tutoré ne fait que répéter l’idée formulée par le tuteur, cette interaction n’est pas codée puisqu’il n’y a aucun nouvel apport d’éléments (en accord avec la définition, il ne s’agit pas d’une prise d’initiative).

28La grille d’observation vise à identifier les types de comportements mis en œuvre par les élèves tout au long des échanges en dyades. Les types de comportements répertoriés sont le résultat d’une confrontation entre une construction de catégories a priori (basée sur des éléments relevés dans la littérature ; Crahay, Hindryckx & Lebe, 2001 ; Doly, 2006 ; Soidet, 2006) et l’adaptation de ces catégories en fonction des éléments empiriques observés. Au final, dix catégories ont été retenues. Tous les types de comportements verbaux des élèves ont été codés dans ces catégories, en distinguant s’ils étaient produits par le tuteur ou par le tutoré et qui en était l’initiateur. Chaque comportement a ensuite été recodé en fonction des angles d’analyse retenus (voir annexe 3 pour l’explicitation des catégories et un tableau synthétisant le recodage effectué). Les codages ont été effectués par le même codeur et ce à deux reprises dans une optique de vérification.

29La première analyse se focalise sur les comportements des tuteurs de façon à déterminer leur « profil de guidage ». Les interactions ont été analysées en vue de distinguer les tactiques proactives, par lesquelles le tuteur devance les réflexions ou actions du tutoré, et les tactiques rétroactives, par lesquelles il réagit après le tutoré et lui laisse ainsi l’initiative :

  • les indicateurs de tactiques proactives sont les comportements d’amorce, les reformulations, les sollicitations d’action, les conduites verbales d’action et la correction lorsqu’elle est effectuée directement par le tuteur ;
  • les indicateurs de tactiques rétroactives sont les approbations, les régulations de contrôle et correctives, ainsi que l’invitation faite au tutoré d’exprimer sa compréhension.

30Le deuxième type d’analyse s’intéresse aux interactions tuteur/tutoré en distinguant qui est l’initiateur des processus métacognitifs. En cohérence avec le guide mis en œuvre dans les classes expérimentales, les comportements répertoriés ont été re-catégorisés en fonction des trois types de processus métacognitifs mis en évidence par Montague, Enders et Dietz (2011) :

  • le processus de (self)instruction (dire ou (se) dire) reprend les interventions classifiées dans les catégories « amorce », « reformulation » et « conduites verbales d’action » ;
  • le processus de (self)questionning (questionner ou (se) questionner) reprend, pour le tuteur, les interventions visant à inviter le tutoré à exprimer sa compréhension et, pour le tutoré, celles visant à exprimer sa compréhension (ou son incompréhension) ;
  • le processus de (self)monitoring (réguler ou (se) réguler) reprend les régulations de contrôle et correctives, ainsi que les corrections effectives (dans le chef du tuteur, invitation à procéder à des corrections et, dans le chef du tutoré, initiative de l’action de se corriger).

Résultats

Types d’interactions dans les dyades

31Le tableau 1 rapporte la proportion de tactiques proactives et rétroactives utilisées par les tuteurs dans la classe expérimentale et dans la classe contrôle-tutorat lors de la deuxième et de la sixième séance.

Tableau 1. Répartition des tactiques proactives et rétroactives des tuteurs

Classe expérimentale – Tuteurs formés (N = 10)
Séance 2 Séance 6
Tactiques proactives 48 % 38 %
Tactiques rétroactives 50 % 59 %
Aspects pratiques 2 % 3 %
Classe contrôle-tutorat – Tuteurs non formés (N = 10)
Séance 2 Séance 6
Tactiques proactives 69 % 76 %
Tactiques rétroactives 29 % 20 %
Aspects pratiques 2 % 4 %

32Dès la séance 2, les tactiques proactives des tuteurs sont moins nombreuses dans la classe expérimentale que dans la classe contrôle-tutorat. A contrario, les tactiques rétroactives sont logiquement plus nombreuses dans la classe expérimentale. La différence entre les deux classes s’accentue encore en séance 6.

33Si l’on s’intéresse à l’évolution des tactiques des tuteurs entre les séances 2 et 6, nous constatons une bonne progression pour les tuteurs de la classe expérimentale, contrairement à ceux de la classe contrôle-tutorat. Les tuteurs de la classe expérimentale sont davantage rétroactifs lors de la séance 6 (+9 %) et moins proactifs (-10 %). La tendance s’inverse dans la classe contrôle-tutorat : les tactiques proactives augmentent (+7 %) et les tactiques rétroactives sont en régression (-9 %).

  • 1 Pour rappel, le descriptif des catégories se trouve en annexe 3.

34En vue de donner une vue globale de la situation, le tableau 2 présente d’abord la répartition des trois types de processus métacognitifs telle qu’elle apparaît en moyenne pour les deux séances. Il distingue ensuite, pour chacune des séances-cibles et pour chacun des processus métacognitifs répertoriés, la proportion de prise d’initiative qui provient du tuteur ou du tutoré. La catégorie (self)instruction (catégorie proportionnellement la plus fréquente) est décomposée en sous-catégories1.

Tableau 2. Répartition et évolution du comportement émis par les tuteurs et les tutorés

Moyenne des 2 séances, sans distinction de qui prend l’initiative Répartition des prises d’initiatives lors des deux séances-cibles
Séance 2 Séance 6
Initiative tuteurs Initiative tutorés Initiative tuteurs Initiative tutorés
Classe expérimentale (tuteurs formés – N = 10)
(Self)instruction 62 % 34 % 66 % 20 % 80 %
Amorce
Reformulation

Conduites verbales
96 %
89 %
16 %
4 %
11 %
84 %
90 %
60 %
8 %
10 %
40 %
92 %
(Self)questionning 8 % 36 % 64 % 16 % 84 %
(Self)monitoring 30 % 75 % 25 % 80 % 20 %
Classe contrôle-tutorat (tuteurs non formés – N = 10)
(Self)instruction 74 % 52 % 48 % 56 % 44 %
Amorce
Reformulation

Conduites verbales
96 %
100 %
47 %
4 %
0 %
53 %
100 %
100 %
42 %
0 %
0 %
48 %
(Self)questionning 7 % 17 % 83 % 4 % 96 %
(Self)monitoring 19 % 76 % 24 % 69 % 31 %

35En moyenne sur les deux séances, le processus le plus fréquemment mis en œuvre est le processus de (self)instruction, et ceci dans les deux classes. La classe expérimentale se démarque néanmoins avec une plus grande proportion de processus de (self)monitoring.

36Si l’on s’intéresse à la répartition des prises d’initiative entre tuteurs et tutorés dans chacune des séances-cibles, on constate que les deux classes présentent des profils similaires en ce qui concerne les processus de (self)monitoring et de (self)questionning alors qu’elles se distinguent nettement au niveau du processus de (self)instruction. Dans les deux classes et lors des deux séances, le processus de (self)monitoring est à l’initiative des tuteurs et celui de (self)questionning est à l’initiative des tutorés. Au niveau du processus de (self)instruction, alors que les prises d’initiative se répartissent plus ou moins équitablement entre les tuteurs et les tutorés dans la classe contrôle-tutorat, elles sont davantage à l’initiative des tutorés dans la classe expérimentale et cet élément évolue positivement entre les deux séances (66 % en séance 2 et 80 % en séance 6). Au sein de cette catégorie, si l’amorce reste essentiellement initiée par les tuteurs dans les deux classes, les « conduites verbales » sont bien davantage initiées par les tutorés dans la classe expérimentale (84 % en séance 2 et 92 % en séance 6) que dans la classe contrôle-tutorat (53 % en séance 2 et 48 % en séance 6). Enfin, les « reformulations » ne sont jamais mises en œuvre à l’initiative des tutorés dans la classe contrôle-tutorat alors qu’on observe une augmentation positive dans la classe expérimentale entre les deux séances (de 11 à 40 % des initiatives sont du ressort des tutorés).

Les progrès en résolution de problèmes

  • 2 Conformément à la méta-analyse de Cohen, Kulik et Kulik (1982 ; voir aussi Buchs, Lehraus & Crahay (...)

37Le tableau 3 présente les résultats aux pré et post-tests des trois classes, ainsi que l’ampleur de l’effet2 associée aux gains observés dans les deux classes ayant pratiqué le tutorat comparativement à la classe contrôle sans tutorat.

Tableau 3. Résultats des trois types de classes au pré-test et au post-test

Pré-test Post-test Gain moyen
(+ écart-type moyen des gains pour la classe contrôle)
Ampleur de l’effet
Groupe Moyenne /10
(écart-type)
Moyenne /10
(écart-type)
Classe expérimentale
(tuteurs formés ; N = 20)
5,3
(2,0)
7,3
(2,0)
2,0 0,83
Classe contrôle-tutorat
(tuteurs non formés ; N = 20)
5,0(2,5) 6,2
(2,6)
1,2 0,48
Classe contrôle
(sans tutorat ; N = 20)
4,7(2,2) 4,8
(2,4)
0,1
(2,3)

38Les résultats globaux montrent que le tutorat s’est avéré efficace puisque l’ampleur de l’effet présente une valeur moyenne (proche de 0,50) à forte (supérieure à 0,80) dans les deux classes ayant mis en œuvre cette pratique comparativement à la classe contrôle. Les gains observés sont nettement en faveur de la classe expérimentale, mettant ainsi en évidence un effet positif de la formation au tutorat.

  • 3 Les calculs de l’ampleur de l’effet et les interprétations liées s’appuient sur la même logique qu (...)

39Le tableau 43 permet cette fois de distinguer l’effet observé auprès des tuteurs et des tutorés.

Tableau 4. Résultats des tuteurs et des tutorés (avec ou sans formation) au pré-test et au post-test, comparativement à la classe contrôle

Pré-test Post-test Gain moyen
(+ écart-type moyen des gains pour la classe contrôle)
Ampleur de l’effet
Groupe Moyenne /10
(écart-type)
Moyenne /10
(écart-type)
Classe expérimentale (tuteurs formés)
Tuteurs (N = 10) 7,0 (1,0) 8,1 (1,6) 1,1 0,43
Tutorés (N = 10) 3,7 (1,2) 6,6 (2,2) 2,9 1,22
Classe contrôle-tutorat (tuteurs non formés)
Tuteurs (N = 10) 7,1 (1,5) 8,1 (1,8) 1,0 0,39
Tutorés (N = 10) 3,0 (1,1) 4,2 (1,4) 1,2 0,48
Classe contrôle (sans tuteurs)
Classe contrôle (N = 20) 4,7 (2,3) 4,8 (2,4) 0,1 (2,3)

40Les tuteurs des deux classes, qu’ils aient ou non bénéficié de formation, ont un gain quasi identique correspondant à une ampleur de l’effet moyenne (proche de 0,40). Les gains des tutorés de la classe contrôle-tutorat sont très proches de ceux des tuteurs et c’est au niveau des tutorés de la classe expérimentale que l’on note la progression correspondant à l’ampleur de l’effet (A. E.) la plus importante (A. E. supérieure à 1,20).

41Les résultats exposés ici présentent les scores obtenus en moyenne pour l’ensemble des quatre problèmes. Nous n’avons pas la place de détailler ici les résultats spécifiques à chacun d’eux, mais il est important de noter que les tutorés de la classe expérimentale ont progressé, en moyenne, tout autant face au problème de transfert (gain de +2,9/10) que face aux trois types de problèmes proches de ceux travaillés en classe (gain de +2,8/10 en moyenne). La grande majorité des tutorés de la classe expérimentale ont ainsi progressé face à chacun des types de problèmes. A contrario, la plupart des tutorés de la classe contrôle-tutorat ont régressé ou stagné face au problème de transfert.

Évolution de la motivation autodéterminée

42Le tableau 5 présente l’ampleur de l’effet associée aux gains observés entre le pré et le post-test, pour les tuteurs et pour les tutorés des deux classes ayant mis en œuvre cette modalité. Comme dans les analyses qui précèdent, les gains sont comparés à ceux observés dans la classe contrôle. Seules les différences de scores qui se traduisent par des ampleurs de l’effet moyennes à fortes (indiquées en gras dans le tableau) retiendront notre attention.

Tableau 5. Ampleur de l’effet associée aux gains observés auprès des tuteurs et des tutorés en fonction des types de motivation

Classe expérimentale (tuteurs formés) Classe contrôle-tutorat (tuteurs non formés)
Tuteurs Tutorés Tuteurs Tutorés
Motivation intrinsèque +0,2 +0,2 +0,7 -0,3
Régulation identifiée +0,6 +0,7 +0,1 -0,8
Régulation externe -0,2 +0,2 -0,2 -0,3
Amotivation +0,1 +0,5 0,0 -0,1

43C’est au niveau de la « régulation identifiée » que les résultats sont les plus marqués : alors que les tuteurs et les tutorés progressent positivement sur cette variable dans la classe expérimentale, c’est une régression marquée qui est observée chez les tutorés de la classe contrôle-tutorat. Cette différence importante entre les deux classes pourrait traduire un fonctionnement différent durant les travaux en dyades et ce fonctionnement différent pourrait être imputé à la formation reçue par les tuteurs.

  • 4 Les données complètes sont présentées en annexe 4.

44A contrario, les deux autres différences observées sont plus complexes à expliquer. Curieusement, les tutorés de la classe expérimentale ont en effet développé davantage d’amotivation et les tuteurs non formés ont quant à eux augmenté leur motivation intrinsèque. Tous les autres sous-groupes d’élèves marquent une chute à ce niveau4.

Discussion et conclusion

45Dans cet article, nous avons tenté d’identifier les avantages que les tutorés et les tuteurs pourraient retirer d’une formation de ces derniers. Après avoir passé en revue les recherches antérieures, nous avons souligné qu’une des limites du tutorat se situait au niveau du type de guidage majoritairement proactif et directif des tuteurs, cantonnant ainsi les tutorés dans des démarches d’exécution. En vue d’éviter cet écueil, nous avons développé une formation innovante basée sur la théorie de la motivation autodéterminée et axée sur l’enseignement explicite de stratégies cognitives et métacognitives.

46Nos résultats s’accordent avec ceux d’autres recherches (entre autres Baudrit, 2005 ; Berzin, 2012 ; Crahay, Hindryckx & Lebe, 2001 ; Peyrat-Malaterre, 2011 ; Webb & Mastergeorge, 2003) concernant le tutorat sans formation. Effectivement, les tuteurs de la classe contrôle-tutorat privilégient les tactiques proactives (76 % à la séance 6) au détriment des tactiques rétroactives (20 % à la séance 6), inversement aux tuteurs formés privilégiant les tactiques rétroactives (61 % à la séance 6). À notre connaissance, aucune étude n’ayant été menée sur les tactiques développées par des tuteurs formés, il ne nous sera pas possible de nous y référer pour comparer nos résultats. Les résultats observés invitent aussi à penser que l’étayage diffère dans les deux classes et qu’il évolue au fil des séances (Baudrit, 2010a). D’une façon générale, les conduites de type (self)monitoring sont plus nombreuses dans la classe expérimentale que dans la classe contrôle-tutorat (30 % contre 19 % en moyenne pour les deux séances), mais la prise d’initiative reste l’apanage essentiel des tuteurs dans les deux classes. La proportion d’initiatives prises par les tutorés entre les deux séances évolue quant à elle positivement dans la classe expérimentale en ce qui concerne la (self)instruction (on passe de 66 à 80 % d’initiative du tutoré dans la classe expérimentale contre respectivement 48 et 44 % dans la classe contrôle-tutorat). Suite à la formation des tuteurs visant notamment à soutenir l’autonomie des tutorés, les tutorés de la classe expérimentale semblent avoir gagné en autonomie, contrairement à la classe contrôle-tutorat. Ils ont pris le contrôle de la majorité des conduites verbales : ils planifient l’action, disent les démarches et les calculs à effectuer, formulent les réponses et donnent les explications ou les justifications.

47Au final, nos résultats confortent notre première hypothèse quant à la qualité des interactions, leur fréquence et l’évolution des tactiques en faveur des tutorés de la classe expérimentale. Il semble donc qu’enseigner les stratégies métacognitives et cognitives permette à l’élève de résoudre les problèmes de manière plus autonome et de renforcer la prise de contrôle de ses actions (Doly, 2006 ; Montague & Asha Jitendra, 2006).

48Les résultats relatifs aux variables motivationnelles conduisent à la conclusion que la formation au tutorat semble avoir amélioré la régulation identifiée des tutorés. En d’autres termes, l’élève s’engagerait alors dans la tâche pour atteindre un but personnel plutôt que par contrainte (régulation externe) ou pour le plaisir ou la satisfaction qu’il pourrait en retirer (motivation intrinsèque). Il semblerait avoir pris conscience de l’utilité de la tâche et aurait sans doute renforcé son sentiment d’autonomie et de compétence. Suite à la formation des tuteurs qui avaient comme consigne de laisser les tutorés construire leurs raisonnements personnels (Carré, 2010), l’engagement des tutorés est sans doute plus personnel dans la mesure où ils devraient avoir le sentiment d’agir de manière davantage proactive. L’enseignement explicite des stratégies cognitives et métacognitives, qui souligne la prise de conscience de chacune des étapes et de leur utilité, pourrait aussi expliquer cette évolution positive. A contrario, la régulation identifiée évolue négativement pour les tutorés de la classe contrôle-tutorat. Dans cette classe, on peut supposer qu’ils ont développé une dépendance et un état de réaction plutôt que d’action dans leurs apprentissages (Peyrat-Malaterre, 2011).

49Si les résultats relatifs à la régulation identifiée vont globalement dans le sens attendu et permettent de vérifier partiellement notre troisième hypothèse, on peut par ailleurs s’interroger sur le fait que la motivation intrinsèque a diminué au post-test pour tous les groupes d’élèves, à l’exception d’une légère progression des tuteurs. On peut dès lors se demander si le fait d’avoir répété, pendant de nombreuses séances, le même type d’apprentissage n’a pas quelque peu détourné certains élèves d’un attrait pour la résolution de problèmes. Un tel effet potentiellement négatif mériterait d’être investigué à plus long terme. En effet, agir sur la motivation des élèves est un processus complexe et long. Complexe, car il résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs, et long car changer des comportements, des perceptions, demande du temps. La durée de notre étude invite dès lors à la plus grande prudence relative aux résultats concernant ces variables motivationnelles.

50Concernant les performances, pour les tuteurs de la classe expérimentale, le gain pré/post-test est du même ordre que celui des études passées et du même ordre que ceux de la classe contrôle-tutorat (voir la synthèse de Buchs, Lehraus & Crahay, 2012 se référant notamment à la méta-analyse de Cohen, Kulik & Kulik, 1982). Par contre, la formation au tutorat spécifique, telle que proposée, influence favorablement les performances des tutorés pour l’échantillon étudié. Pour les tutorés avec tuteurs formés, l’ampleur de l’effet associée aux gains observés au niveau des performances (+1,22) dépasse largement les résultats observés au départ des 39 études de la méta-analyse précitée (A. E. de +0,41 en moyenne pour les tutorés avec tuteurs formés). Notre deuxième hypothèse est donc pleinement confirmée.

51La formation des tuteurs au tutorat et à l’utilisation explicite des stratégies cognitives et métacognitives a, nous l’avons vu par l’analyse des interactions, un effet positif sur la façon dont le tutorat est mis en œuvre. On ne peut toutefois pas non plus négliger un effet propre de l’approche métacognitive développée, « indépendamment » de la pratique de tutorat. Les deux éléments étant ici intrinsèquement liés, il n’est en effet pas possible de détacher l’effet propre de chacun d’eux. Plusieurs recherches ont montré l’effet positif d’approches métacognitives en résolution de problèmes (voir Mevarech & Kramarski, 2014 pour une synthèse) et ce n’était donc pas à ce niveau que se situaient nos objectifs. Notre intention était de trouver une méthode qui permette de former les tuteurs à une approche œuvrant à soutenir le besoin de compétence et d’autonomie des tutorés, de façon à ce que ces derniers restent de réels acteurs de leurs apprentissages et développent un rapport au savoir axé davantage sur la compréhension que sur la simple exécution (Bautier & Rochex, 1997 ; Bernardin, 2006 ; Bonnéry, 2007, 2009). En ce sens, les résultats positifs observés au problème de transfert soutiennent le bien-fondé de cette approche. A contrario, une des limites de l’étude est que nous ne pouvons pas affirmer quel est l’élément ou la combinaison d’éléments qui a réellement permis l’amélioration des performances : le tutorat, l’enseignement explicite des stratégies cognitives et métacognitives ou le soutien des trois besoins ? La partie de la formation ciblant la qualité des interactions ou celle ciblant le contenu cognitif ?

52En conclusion, plusieurs indicateurs de notre étude confirment l’apport positif de la formation des tuteurs. Même si les résultats doivent être considérés avec prudence, notamment au vu du petit nombre de classes et d’élèves concernés, ils constituent néanmoins un indicateur selon lequel la formation des tuteurs semble avoir une influence sur la façon dont le tutorat est mis en œuvre, sur la motivation à régulation identifiée et sur les performances des tuteurs et des tutorés. Nos trois hypothèses se trouvent donc globalement vérifiées.

53Les résultats de notre étude montrent aussi l’intérêt de poursuivre ce type de recherches. S’il nous semblait indispensable de commencer par défricher le sujet avec un échantillon restreint, il faudrait élargir l’échantillon pour confirmer nos résultats. Il serait aussi intéressant de l’étendre à des classes avec un indice socio-économique différent. Nous nous posons en effet la question de savoir quel serait l’impact d’une telle formation dans des écoles défavorisées où la question du rapport au savoir et des malentendus cognitifs est plus encore cruciale (Bautier & Rochex, 1997 ; Bernardin, 2006 ; Bonnéry, 2007, 2009).

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Annexe

Annexe 1. Exemples de problèmes parallèles proposés lors du pré et du post-test et exemple de grille de codage utilisée

 

Pré-test
(Source : CEB 2015 – http://www.enseignement.be)
Post-test
(Source : Problème parallèle construit par nos soins)
Deux classes, l’une de 15 élèves et l’autre de 18 élèves, réalisent des livres. Le coût de fabrication d’un livre est de 5,25 €.
Chaque livre est vendu 12 €.
Après la vente, chaque classe compte l’argent contenu dans sa caisse :
– la première classe a encaissé 168 €.
– la seconde classe a encaissé 288 €.
Quel est le nombre total de livres vendus par les deux classes réunies ?
Une unité scoute, composée de 15 louveteaux et de 19 scouts, vend des nichoirs.
Le coût de fabrication d’un nichoir est de 6,25 €. Chaque nichoir est vendu 14 €.
Après la vente, chaque groupe compte l’argent qu’il a en caisse :
– les scouts ont 280 € dans leur caisse.
– les louveteaux ont 252 € dans leur caisse.
Quel est le nombre total de nichoirs vendus par l’unité scoute ?

Grille de codage utilisée au post-test (la grille du pré-test est identique, hormis que les nombres ont été adaptés au problème)

Le raisonnement : l’aspect correct de la démarche de résolution L’utilisation des outils mathématiques : l’effectuation correcte des calculs et l’absence d’erreurs d’écriture
Démarche A – Doivent apparaître : Démarche A – Doivent apparaître :
a) L’expression de l’addition des sommes d’argent récoltées : 280 + 252 ou somme d’argent récoltée 1/2 pt a) La somme totale récoltée : 532 € 1/2 pt
b) L’expression de la division de la somme récoltée par le prix d’un nichoir : somme récoltée : 14 ou nombre de nichoirs vendus 1/2 pt b) le nombre total de nichoirs vendus : 38 1/2 pt
OU
Démarche B – Doivent apparaître : Démarche B – Doivent apparaître :
a) L’expression de la division de la somme récoltée par les scouts : 280 : 14 ou nombre de nichoirs vendus
L’expression de la division de la somme récoltée par les louveteaux : 252 : 14 ou nombre de nichoirs vendus
1/2 pt a) Le nombre de nichoirs vendus par les scouts : 20
Le nombre de nichoirs vendus par les louveteaux : 18
1/2 pt
b) L’expression de l’addition des nombres de nichoirs vendus : 20+18 ou le nombre total de nichoirs vendus 1/2 pt b) le nombre total de nichoirs vendus : 38 1/2 pt
Ici : ne pas pénaliser l’enfant si le résultat des opérations est erroné RIGUEUR : Utilisation correcte des signes mathématiques : retirer 1⁄2 pt si une fausse égalité apparaît. Ne pas pénaliser si les opérations posées au point 1 ne sont pas correctes – Recalculer si nécessaire.
La communication de la solution
Doivent apparaître :
1) une réponse exprimée par une phrase (même non verbale). 1/2 pt
2) le résultat final de l’élève au point 2b. 1/2 pt
Ne pas pénaliser si le résultat exprimé au point 2 n’est pas correct.
Ne pas pénaliser si le mot « euro » est absent dans la phrase.

Annexe 2. Guide des stratégies cognitives et métacognitives de résolution de problèmes

1. JE LIS pour comprendre le problème

Dire : Je lis le problème, si je ne le comprends pas, je le relis.

Se questionner : Ai-je lu et compris le problème ?

Vérifier : que j’ai lu pour comprendre comment je vais résoudre le problème.

 

2. JE PARAPHRASE avec mes propres mots

Dire : Je souligne l’information importante. Je redis le problème avec mes propres mots.

Se questionner : Ai-je souligné l’élément important ? Quelle est la question ? Qu’est-ce que j’ai regardé principalement ?

Vérifier : que l’information soulignée est en rapport avec la question.

 

3. JE FAIS DES LIENS

Dire : Les ressemblances ou différences avec un autre problème que j’ai déjà résolu ? (Mevarech& Kramarski, 2012).

Se questionner : quelles sont les ressemblances et les différences avec ce problème ?

Vérifier : qu’il y a effectivement une ressemblance qui peut aider à solutionner le problème.

 

4. JE VISUALISE

Dire : Je fais un dessin ou un diagramme. Je montre les relations entre les différents éléments du problème.

Se questionner : Est-ce que la représentation est adaptée au problème ? Est-ce qu’elle montre bien la relation entre les différents éléments ?

Vérifier : que la représentation correspond au problème.

 

5. JE FAIS DES HYPOTHÈSES

Dire : Je décide combien d’étapes et d’opérations sont nécessaires. J’écris les symboles des opérations (+, -, x, :).

Se questionner : Si je fais ça, qu’est-ce que cela donnera ? Si je fais ça, alors qu’est-ce que j’aurai encore besoin de faire après ? Combien d’étapes sont nécessaires ?

Vérifier : que les étapes (la planification) ont du sens.

 

6. J’ESTIME (je prédis la réponse)

Dire : J’arrondis les nombres en faisant attention à la place de la virgule. Je fais le problème dans ma tête, et j’écris mon estimation.

Se questionner : Est-ce que j’ai arrondi juste en dessous du nombre ou juste au-dessus ? Ai-je écrit mon estimation ?

Vérifier : que j’ai utilisé l’information importante.

 

7. JE CALCULE

Dire : J’écris les composantes du calcul dans les bonnes unités. Je fais les opérations dans le bon ordre.

Se questionner : Ai-je comparé ma réponse avec mon estimation ? Est-ce que ma réponse est plausible ? Est-ce que les virgules sont à la bonne place aux nombres décimaux ? Ai-je noté les unités de mesure ?

Vérifier : que toutes les opérations ont été faites dans le bon ordre.

 

8. JE VÉRIFIE : (je regarde si je suis certain(e) que tout est correct).

Dire : Je vérifie que la planification réalisée est correcte. Je vérifie les calculs.

Se questionner : Ai-je vérifié chaque étape ? Ai-je vérifié les calculs ? Est-ce que ma réponse est bonne ?

Vérifier : que tout est correct. Si ça ne l’est pas, je demande l’aide dont j’ai besoin.

 

Ce guide est traduit du guide proposé par Montague et Asha Jitendra (2006). La troisième étape a été ajoutée en vue prendre en compte un élément important de la méthode « IMPROVE » (Mevarech & Kramarski, 2012).

Annexe 3. Catégories de comportements et recodage en fonction des logiques proactives ou rétroactives, ainsi que des processus métacognitifs qu’ils permettent d’éclairer

Les 10 catégories de comportements identifiées

  1. Les comportements d’amorce visent à préciser la nature de la tâche à accomplir.
  2. Les reformulations consistent à rappeler ce qui est demandé en le reformulant de façon plus personnelle.
  3. Les sollicitations d’action sont les conduites verbales par lesquelles un élève tente de faire produire une action spécifique à l’autre élève (ex. l’inviter à souligner les données, à faire un calcul…).
  4. Les conduites verbales d’action consistent à produire soi-même une action. Il peut s’agir de verbaliser les démarches à accomplir (par ex. les calculs à effectuer) ou de donner des explications (argumenter, fournir des justifications…).
  5. Les approbations ou non-approbations interviennent lorsqu’un élève valide ou invalide une proposition formulée par l’autre élève.
  6. Les régulations de contrôle invitent à l’explicitation de la démarche et à la vérification de celle-ci. Elles ont pour objectif d’amener l’élève à questionner la pertinence de sa démarche.
  7. Les régulations correctives invitent quant à elles à la mise en œuvre d’un processus correctif généralement ciblé sur une erreur spécifique.
  8. Les corrections effectives consistent alors en la mise en œuvre de ce processus correctif.
  9. L’expression de la compréhension consiste (dans le chef du tuteur) à inviter l’autre élève à faire état de sa compréhension (ou de son incompréhension) ou (dans le chef du tutoré) à en faire état spontanément.
  10. Enfin, la dernière catégorie reprend divers aspects pratiques non directement ciblés sur la tâche de résolution de problèmes (ex. invitation à s’asseoir, à se concentrer) mais qui pourraient avoir un impact sur la résolution de problèmes.

Tableau synthétisant le recodage des comportements

Types de comportements Comportements des tuteurs Processus métacognitifs à l’initiative du tuteur ou du tutoré (self)
Comp. proactif Comp. rétroactif (Self)-instruction (Self)-questionning (Self)-monitoring
Amorce
Reformulation
Sollicitations d’action
Conduites verbales d’action
Approbations
Régulations de contrôle
Régulations correctives
Corrections effectives
Expression de la compréhension
Aspects pratiques

Annexe 4. Évolution de la motivation autodéterminée (échelle de Likert de 7 points)

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Notes

1 Pour rappel, le descriptif des catégories se trouve en annexe 3.

2 Conformément à la méta-analyse de Cohen, Kulik et Kulik (1982 ; voir aussi Buchs, Lehraus & Crahay, 2012), la formule D = (Me – Mc) / SDc a été utilisée pour toutes les analyses réalisées dans cet article. D = Ampleur de l’effet. Me = moyenne des gains de la classe ou du sous-groupe (tuteur-tutoré) pour lequel on désire calculer l’ampleur de l’effet. MC = moyenne des gains de la classe contrôle. SDc = écart-type des gains de la classe contrôle. Généralement, en référence à Cohen (1992), on considère une ampleur de l’effet de 0,2 comme faible, de 0,5 comme modérée et de 0,8 comme élevée. L’ampleur de l’effet renseigne sur la taille de la différence entre deux moyennes observées, mais n’autorise pas forcément les généralisations.

3 Les calculs de l’ampleur de l’effet et les interprétations liées s’appuient sur la même logique que pour le tableau précédent (voir note 2).

4 Les données complètes sont présentées en annexe 4.

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Pour citer cet article

Référence papier

Laurence Sandron et Annick Fagnant, « L’influence d’une formation au tutorat sur les performances en résolution de problèmes et sur la motivation autodéterminée d’élèves de fin d’enseignement primaire »Revue française de pédagogie, 198 | 2017, 75-92.

Référence électronique

Laurence Sandron et Annick Fagnant, « L’influence d’une formation au tutorat sur les performances en résolution de problèmes et sur la motivation autodéterminée d’élèves de fin d’enseignement primaire »Revue française de pédagogie [En ligne], 198 | 2017, mis en ligne le 31 mars 2020, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfp/5308 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfp.5308

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Auteurs

Laurence Sandron

Université de Liège (Belgique)

Annick Fagnant

Université de Liège (Belgique)

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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