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Notes critiques

DAUNAY Bertrand, FLUCKIGER Cédric & HASSAN Rouba (dir.). Les contenus d’enseignement et d’apprentissage. Approches didactiques

Pessac : Presses universitaires de Bordeaux, 2015, 288 p.
Anne Leclaire-Halté
p. 142-144

Texte intégral

1Cet ouvrage collectif est issu d’une réflexion menée au sein de l’équipe lilloise Théodile-CIREL à propos des notions de contenus, de disciplines, et de la relation entre ces deux notions. Tel a en effet été l’objet du travail de Théodile-CIREL pendant plusieurs années, et deux séminaires et le deuxième colloque international de l’ARCD (Association pour des recherches comparatistes en didactique), en janvier 2011, ont permis un dialogue fructueux entre des chercheurs de différentes didactiques, dialogue que l’on retrouve dans l’ouvrage, puisque, d’un chapitre à l’autre, des fils se tissent et les problématiques se répondent.

2L’ouvrage commence par un chapitre à vocation introductive où B. Daunay affirme la volonté de Théodile-CIREL de construire le dialogue entre disciplines, en ancrant la réflexion sur une approche didactique des contenus (pour Théodile-CIREL, les contenus ne se réduisent pas aux savoirs mais comportent aussi les savoir-faire, les savoir-être, les rapports à, les valeurs à), ceux-ci étant à penser dans la façon dont ils sont organisés par les disciplines. B. Daunay souligne la diversité des approches des notions de contenu et de discipline présentes dans l’ouvrage et affirme la fonction d’unité d’analyse remplie par le contenu, celui-ci reflétant les différents paramètres propres au système didactique.

3Après ce chapitre montrant l’intérêt de la spécificité des apports de chacun dans l’élaboration de problématiques communes, diverses contributions des membres de Théodile-Cirel s’articulent en trois parties.

4La première est intitulée Des contenus disciplinaires spécifiques. Elle regroupe d’abord deux réflexions sur les deux exercices scolaires que sont la dissertation et le débat. La dissertation est pratiquée au lycée dans plusieurs disciplines, la philosophie, les lettres, l’histoire, les sciences économiques et sociales. N. Denizot, dans Un exercice peut-il être un contenu disciplinaire ? Le cas de la dissertation, montre que cet exercice est à la fois un contenant et un contenu, puisqu’il donne lieu à un enseignement spécifique dans chaque discipline. On peut parler ainsi de contenu disciplinarisé. Quant au débat, dispositif examiné en sciences, littérature et philosophie à l’école primaire, à travers le prisme des prescriptions et recommandations, des pratiques déclarées et des pratiques effectives, il s’avère être un genre disciplinaire plus qu’un genre scolaire. Pour A. Destailleur, dans Les contenus en débat(s). Les variations des contenus selon les débats au cycle 3, si les contenus des débats sont d’ordre socialisant, langagier et argumentatif dans chaque cas, ce sont bien les contenus disciplinaires qui les spécifient dans chacune des trois disciplines. Dans cette première partie, sont aussi présentes les didactiques d’autres disciplines. Ainsi, A. Thépault revient sur Les contenus disciplinaires de l’EPS au prisme des communications verbales. Il propose une analyse des contenus d’enseignement en EPS à partir de publications en didactique de l’EPS qui portent sur les communications verbales. A. Zaid, quant à lui, dans Évolution de la mécanique en tant que contenu de l’enseignement technologique. Une analyse didactique des épreuves écrites de l’agrégation de mécanique, traite de la constitution de la mécanique comme discipline à travers l’évolution des contenus de l’agrégation. Il montre en particulier comment l’évolution des contenus d’un concours fait bouger les frontières des disciplines et comment ces contenus sont l’objet d’une reconfiguration en fonction des disciplines prises comme référence. Enfin, la question de l’évolution des contenus disciplinaires est posée par N. Tutiaux-Guillon qui consacre un chapitre à la confrontation des prescriptions (présentes dans les documents officiels et dans les manuels) liées à l’éducation au développement durable avec celles liées à la géographie, cela pour l’enseignement secondaire. Dans Éducation au développement durable et histoire-géographie : les contenus disciplinaires au prisme d’une éducation à…, elle souligne que les éducations à, transversales, transdiciplinaires, présentent des contenus différents de ceux des disciplines traditionnelles, tels que finalités, modes de pensée, valeurs, que les disciplines scolaires peinent à prendre en charge.

5À propos du rapport entre discipline et contenu, cette partie présente donc une ouverture très grande sur des disciplines variées, sur des niveaux d’enseignement différents (du primaire au supérieur), et touche à des questions qui ne peuvent manquer d’intéresser les didacticiens, même si, parfois, il est un peu difficile pour le lecteur qui n’est pas de la discipline concernée d’« entrer » dans les articles constitutifs de cette partie.

6La deuxième partie est consacrée aux dimensions transversales aux disciplines scolaires et aux didactiques et aborde des thèmes très différents, l’évaluation, la visite muséale en sciences et en français et la psychanalyse, tous mis en rapport avec la question des contenus. Le premier chapitre, écrit par D. Bart et C. Fluckiger, Évaluation, fabrication des contenus et disciplines d’enseignement, s’intéresse à l’évaluation et à ses relations avec les contenus disciplinaires. Les auteurs relèvent d’abord trois manières d’envisager la relation entre contenus et évaluation : l’évaluation comme regard externe sur les contenus, comme modalité d’institution de contenus, comme contenu même. Ils notent le rôle de l’évaluation dans la hiérarchisation des contenus par les élèves et les enseignants. Puis, en s’appuyant sur les dispositifs évaluatifs que sont le B2i (Brevet Informatique et Internet) et PISA (Programme international pour le suivi des acquis), ils montrent le rôle de l’évaluation dans la saisie des contenus par les acteurs et celui de ses modalités de fonctionnement sur les configurations disciplinaires. C. Cohen-Azria et A. Dias-Chiaruttini traitent également d’un point touchant à la transversalité : dans Analyser les contenus en jeu dans la visite scolaire au musée : questions méthodologiques, elles mettent en relation deux didactiques, celles du français et celle des sciences, par une pratique commune, la visite scolaire aux musées de sciences et d’art. L’examen des contenus et des pratiques en jeu dans les visites scolaires muséales permet d’étudier les influences réciproques de l’institution muséale et de l’école sur les questions du découpage disciplinaire et des contenus. A.-M. Jovenet, elle, dans Construction, transmission, élaboration de contenus : l’intention de l’enseignant, situe son questionnement de la notion de contenu au croisement de la didactique et de la psychanalyse. Pour montrer que des intentions cachées peuvent interférer avec la construction des contenus, elle s’appuie sur des données issues d’un groupe d’analyse des pratiques mis en place dans une école Freinet. Dans ce groupe, l’analyse des propos des enseignants, portant sur des situations qu’ils ont vécues et qui les confrontent à certains élèves, laisse percevoir un conflit entre la liberté accordée à l’enfant, selon les principes Freinet, et leur narcissisme d’enseignants, qui peuvent avoir le sentiment d’une perte de pouvoir sur le rapport entre construction de contenus et vie de l’enfant.

7Dans la troisième partie, Questions de méthode, il est question de la façon dont les contenus peuvent être dits, de leur dimension discursive. I. Delcambre, dans La construction discursive des contenus, s’interroge sur les discours tenus par les sujets didactiques sur les contenus. Elle montre en particulier, à partir de discours recueillis auprès d’enseignants universitaires sur les pratiques d’écriture du mémoire de master, comment les discours peuvent varier en fonction des contenus : les discours sur les contenus appris/non appris par les étudiants prennent, chez les enseignants, la forme d’énumérations, alors que, pour parler des contenus enseignés par eux-mêmes, les enseignants ont recours au récit ou à la description d’action. Elle conclut en soulignant que ce sont les formes discursives qui rendent appréhendables les contenus.

8R. Hassan, dans Interactions langagières en classe : quelle spécificité d’une approche par les contenus ?, croise la question des contenus en didactique et celle des interactions langagières en classe. En s’appuyant sur la transcription d’échanges verbaux en lecture au cours préparatoire, elle montre la pluralité des contenus (perçus, construits, visés) ainsi que le rôle des différents acteurs dans la construction de ces contenus. Elle conclut en affirmant la spécificité didactique que peut prendre l’analyse des interactions langagières en classe et en montrant les intérêts d’une approche des interactions verbales par les contenus.

9D. Lahanier-Reuter, dans Contenus disciplinaires : questions d’échelles et d’espaces, traite d’une question à la fois épistémologique et méthodologique, en rapport avec le dire des contenus : comment rendre compte de la généricité de ces derniers quand ils sont décrits dans l’espace des pratiques de classe ? La notion d’échelle (de temporalité, de lieu, de valeur) permet d’appréhender les contenus dans les différents espaces (de prescriptions, de représentations, de pratiques) de manière à traiter ce paradoxe.

10Quant au chapitre Identifier des contenus dans des discours de professeurs. Effets des identités professionnelles, des intentions et de la coélaboration, écrit par C. Souplet, il analyse les propos, recueillis avant la séance, de deux professeurs intervenant conjointement en géographie dans le cadre d’une ULIS (dispositif à destination d’élèves handicapés). Cette analyse permet de montrer comment les contenus élaborés dans cette situation d’entretien peuvent être corrélés aux intentions, aux valeurs et au statut de chacun.

11L’article conclusif d’Y. Reuter, Les contenus d’enseignement et d’apprentissages. Réflexions sur les spécificités de l’approche de Théodile-CIREL, fait un point synthétique, de façon utile et claire, sur la réflexion que mène actuellement l’équipe de recherche lilloise. Après un rappel des principes de fonctionnement de cette équipe de chercheurs sur la question centrale des contenus, il met en avant cinq pistes de recherche dans lesquelles s’inscrivent les chapitres de l’ouvrage : la définition des contenus, l’identification de leurs catégories, celle de leurs modes de fonctionnement, les relations qu’ils entretiennent avec les disciplines et, enfin, ce qu’il nomme leur dire. Ce faisant, il renvoie aux divers écrits et communications des membres de l’équipe et les met ainsi en lien avec la problématique traitée.

12En résumé, il est, certes, parfois un peu ardu de s’approprier certains chapitres de cet ouvrage, du fait de la diversité des didactiques convoquées ou des points de vue adoptés. Mais l’ensemble des contributions nous semble présenter un intérêt indéniable pour la didactique et témoigne de la richesse de la réflexion menée au sein de Théodile-CIREL, qui permet la confrontation d’une diversité de points de vue sur la question fondamentale des contenus, malheureusement minorée actuellement au profit d’autres thématiques plus en vogue.

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Pour citer cet article

Référence papier

Anne Leclaire-Halté, « DAUNAY Bertrand, FLUCKIGER Cédric & HASSAN Rouba (dir.). Les contenus d’enseignement et d’apprentissage. Approches didactiques »Revue française de pédagogie, 191 | 2015, 142-144.

Référence électronique

Anne Leclaire-Halté, « DAUNAY Bertrand, FLUCKIGER Cédric & HASSAN Rouba (dir.). Les contenus d’enseignement et d’apprentissage. Approches didactiques »Revue française de pédagogie [En ligne], 191 | avril-mai-juin 2015, mis en ligne le 30 juin 2015, consulté le 12 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfp/4790 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfp.4790

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Auteur

Anne Leclaire-Halté

Université de Lorraine, CREM

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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