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Notes critiques

Perrenoud Philippe, Altet Marguerite, Lessard Claude & Paquay Léopold (dir.). Conflits de savoirs en formation des enseignants. Entre savoirs issus de la recherche et savoirs issus de l’expérience

Bruxelles : De Boeck, 2008. – 276 p.
Laurent Talbot
p. 141-143
Référence(s) :

Perrenoud Philippe, Altet Marguerite, Lessard Claude & Paquay Léopold (dir.). Conflits de savoirs en formation des enseignants. Entre savoirs issus de la recherche et savoirs issus de l’expérience. Bruxelles : De Boeck, 2008. – 276 p.

Texte intégral

1La question de la recherche dans la formation des maîtres est d’actualité en France. Nous vivons sur ce point une période charnière actuellement avec l’intégration des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) au sein des universités depuis 2007 (mise en place par la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école de 2005) et la mastérisation de la formation initiale des enseignants du premier et du second degré qui devrait être effective dès la rentrée 2010. Ces deux processus en marche interrogent l’articulation des savoirs issus de la recherche (qui devraient donc se consolider) avec les savoirs issus de l’expérience de terrain (qui ne doivent pas s’étioler) dans la formation des enseignants.

2L’ouvrage collectif dont il est question ici s’inscrit pleinement dans ce questionnement. Il engage de nouvelles réflexions sur cette problématique qui se développe en France, dans un climat qui n’est pas toujours serein. Quatre spécialistes de la formation des enseignants, internationalement reconnus, l’ont dirigé en apportant des témoignages et des réponses essentielles aux questions majeures et controversées liées à l’alternance. Les discussions théoriques de fond ne sont pas esquivées et de nombreux dispositifs de formation établis dans quatre pays francophones (Belgique, France, Canada et Suisse) sont présentés. Les rapports de complémentarité, les zones de conflits et les frontières de séparation non étanches entre ces deux catégories de savoirs hétérogènes sont analysés tout au long du livre. Il s’articule autour de trois grandes parties.

3La première pose les perspectives théoriques et méthodologiques dans lesquelles les interactions entre les savoirs scientifiques et ceux issus de l’expérience peuvent être étudiés. Les références à de nombreux auteurs, parmi lesquels Bakhtine, Bourdieu, Clot, Piaget, Vergnaud, Vygotski, permettent une réflexion approfondie sur les rapports entre l’activité, la pensée et la conceptualisation, le langage, le développement et les connaissances, souvent de manière très approfondie. D’autres questions essentielles sont problématisées et analysées tout au long des quatre chapitres de cette première partie, comme par exemple :

  • les logiques qui guident l’action des enseignants sont-elles toujours accessibles et rationnelles pour les chercheurs ou les formateurs ? Sont-elles verbalisables par les praticiens ?

  • est-il important d’étudier l’hétérogénéité des savoirs ou plutôt la diversité des situations ?

  • les savoirs de la recherche et, notamment, ceux provenant de la didactique professionnelle, peuvent-ils être pertinents pour faciliter l’action des enseignants sur le terrain ?

4La deuxième partie de l’ouvrage rend compte des rapports des stagiaires, des enseignants débutants, des formateurs, des superviseurs, des conseillers pédagogiques ou des chercheurs à ces différents savoirs. Elle est composée de six chapitres qui montrent combien ces acteurs défendent et valorisent le type de savoirs qu’ils produisent ou mobilisent, pour des raisons identitaires notamment. Ces conduites entraînent différents jeux, différents rapports aux savoirs qui sont, là encore, analysés dans une perspective internationale. Nombre d’éléments sont questionnés, parmi lesquels :

  • comment comprendre les tensions et les malentendus dans la formation IUFM ?

  • en quoi les pratiques permettent-elles d’intégrer et de reconfigurer ces savoirs multiples, quel(s) rôle(s) peuvent jouer les formateurs ou les conseillers pédagogiques dans ce domaine ?

  • quelles sont les représentations de l’action, de la formation, de la recherche chez les étudiants au début de leur formation ? Comment peut-on les faire évoluer éventuellement ?

  • comment le paradigme du praticien réflexif peut-il offrir des perspectives de formation ?

5La troisième et dernière partie propose quatre dispositifs de formation originaux. Tout d’abord trois démarches de formation d’enseignants sont présentées. Un dispositif établissant, en formation initiale, une mise en relation de trois types d’expériences des étudiants (universitaires, professionnelles et personnelles) y est décrit et discuté au Québec, un exemple de formation centrée sur la lecture de romans au secondaire est présenté en Belgique francophone ainsi qu’une recherche réalisée dans le cadre d’une formation continue d’instituteurs de l’enseignement primaire, dont l’objectif était de s’approprier le concept de différenciation pédagogique. Enfin, le dernier chapitre de cette troisième et dernière partie de cet ouvrage analyse les composantes d’un dispositif construit pour la formation initiale de formateurs d’enseignants en Belgique (transposable également à la formation des enseignants). La proposition consiste à élaborer, grâce à de nombreux allers et retours entre la théorie et la pratique, la conceptualisation d’une action professionnelle, tout en en dégageant des savoirs sur les dispositifs susceptibles de favoriser ce processus.

6Le point faible de ce genre d’ouvrage collectif est bien souvent l’inégalité des textes présentés et le manque de cohérence d’ensemble. Force est de constater qu’il n’en est rien dans le cas présent. Les quinze contributions et les vingt co-auteurs, loin de proposer une perspective unique, enrichissent la réflexion sur la problématique de la formation des maîtres, à travers les obstacles ou au contraire les points de rencontre possibles qui peuvent rendre les métissages pertinents entre les différents savoirs. Les études théoriques et empiriques de dispositifs liés à l’alternance, à l’articulation théorie/pratique, à l’apprentissage par situations-problèmes, à la formation par compétences dans une perspective internationale, font de ce livre un outil précieux. De fait, l’état des lieux précis et analytique, réalisé à travers la situation des quatre pays, fait que cet ouvrage ne s’adresse pas aux seuls enseignants chercheurs spécialistes du champ. Il concerne aussi tous les formateurs d’enseignants et tous ceux, de plus en plus nombreux actuellement dans les universités françaises, qui réfléchissent à la problématique essentielle de l’alternance dans le cadre de la réforme du recrutement et de la formation des enseignants, après la suppression de l’année de formation qui suivait jusqu’ici la réussite aux concours de recrutement des maîtres. Cette dernière doit absolument dépasser la simple juxtaposition des savoirs issus de la recherche et des savoirs issus de l’expérience dans les établissements scolaires, sous peine d’un retour en arrière désastreux. Ce n’est pas le moindre intérêt de ce livre que de nous proposer plusieurs pistes de réflexion pour dépasser ce piège, afin de réussir la nouvelle professionnalisation des enseignants du premier et du second degré, en leur permettant de construire les compétences pour assumer les conditions de plus en plus délicates de leurs missions.

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Pour citer cet article

Référence papier

Laurent Talbot, « Perrenoud Philippe, Altet Marguerite, Lessard Claude & Paquay Léopold (dir.). Conflits de savoirs en formation des enseignants. Entre savoirs issus de la recherche et savoirs issus de l’expérience »Revue française de pédagogie, 166 | 2009, 141-143.

Référence électronique

Laurent Talbot, « Perrenoud Philippe, Altet Marguerite, Lessard Claude & Paquay Léopold (dir.). Conflits de savoirs en formation des enseignants. Entre savoirs issus de la recherche et savoirs issus de l’expérience »Revue française de pédagogie [En ligne], 166 | janvier-mars 2009, mis en ligne le 04 octobre 2010, consulté le 06 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfp/1332 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfp.1332

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Auteur

Laurent Talbot

GPE CREFI-T, université de Toulouse

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CC-BY-NC-ND-4.0

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