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Repenser les effets d’établissement : marchés scolaires et mobilisation

Reconsidering the effects of schools: school market and mobilization
Volver a pensar los efectos de establecimiento : mercados escolares y movilización
Die Auswirkung der Schulanstalt neu denken : Schulmärkte und Mobilisierung
Georges Felouzis et Joëlle Perroton
p. 103-118

Résumés

Cet article propose d’apporter un regard nouveau sur la question des effets d’établissement dans l’enseignement secondaire, à partir d’une recherche empirique par questionnaire (n = 512) auprès d’enseignants de dix-huit lycées en Aquitaine. La question soulevée est celle des difficultés à établir un lien constant et général entre les performances scolaires des élèves d’une part, et la mobilisation des équipes pédagogiques de l’autre. La thèse avancée est que pour comprendre et expliquer les effets d’établissement sur les performances des élèves, on doit intégrer dans l’analyse les effets de marchés scolaires qui influent directement sur la nature des publics scolarisés et sur les objectifs poursuivis par les équipes enseignantes. Nous montrons qu’une des clés de compréhension et d’explication des effets d’établissement se trouve dans la position objective des lycées sur les marchés scolaires. Un modèle interprétatif des effets d’établissement est proposé. Il considère à la fois la nature du public, l’offre de formation proposée et la position des établissements sur les marchés scolaires.

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Texte intégral

1Le champ de recherche sur les effets d’établisse- ment fait aujourd’hui pleinement partie de la sociologie de l’École. Un consensus existe en France pour donner au contexte de l’établissement un poids non négligeable dans la production des inégalités scolaires, tant du point de vue des orientations (Duru-Bellat & Mingat, 1988), que du bien être (Meuret & Marivain, 1997), des apprentissages (Cousin, 1998) ou encore de la violence (Debarbieux, 2006). Tous les phénomènes scolaires peuvent en effet se décliner dans leur relation au « contexte de l’établissement », à la « mobilisation collective » et à la capacité de produire de la « valeur ajoutée » éducative.

2Toutefois, la notion même d’effet d’établissement recouvre plusieurs réalités dont il reste à construire l’articulation au sein d’une véritable théorie. C’est la critique essentielle que formulent notamment H. Goldstein et G. Woodhouse (2000) à propos de la School Effectiveness Research en Grande-Bretagne. Si les différences entre établissements dans leur capacité à favoriser la réussite des élèves font partie des résultats établis, l’explication de ces différences reste à construire dans le cadre d’une « strong core theory » (Goldstein & Woodhouse, 2000, p. 357). Notre propos n’est pas ici de construire une « théorie générale » des effets d’établissement. Plus modestement, nous proposons d’en complexifier l’analyse et l’interprétation à partir d’un constat récurrent dans la littérature sociologique : c’est un fait que les phénomènes scolaires varient significativement en fonction du contexte de l’établissement, tant du point de vue des acquisitions des élèves, du « bien-être » ou encore des orientations, toutes choses égales par ailleurs. Toutefois les modèles explicatifs qui sont censés en rendre compte restent flous et peu satisfaisants. L’explication se réfère le plus souvent au « climat », à la « mobilisation » des équipes enseignantes et à leur « cohésion », alors que le lien entre cette mobilisation et les « effets de contexte » (résultats des élèves, taux d’orientation, ambiance scolaire, etc.) est loin d’être établi.

3L’objectif est ici d’apporter un regard nouveau sur cette question à partir d’une recherche (Felouzis, Liot & Perroton, 2005) sur les effets d’établissement au lycée. La question est de savoir pourquoi nous n’arrivons pas à établir un lien constant et général entre les performances scolaires des élèves et la mobilisation des équipes pédagogiques. Deux hypothèses peuvent être évoquées. La première défend l’idée que, en fait, les performances des élèves seraient en lien avec les effets enseignants et non les effets d’établissement (Felouzis, 1997 ; Meuret, 2000). La mobilisation n’agirait que de façon très indirecte dans la mesure où les acquisitions des élèves se font dans la classe bien plus que dans l’établissement. La deuxième hypothèse, que nous défendons ici, est que pour comprendre et expliquer les effets d’établissement sur les performances des élèves, on doit considérer les effets de marchés scolaires qui influent directement sur la nature des publics scolarisés et donc sur le contexte d’apprentissage lui-même générateur d’effets d’établissement (Felouzis, 2005). En d’autres termes, nous proposons de repenser les effets d’établissement à la lumière des marchés scolaires. Cette hypothèse rejoint la critique que font H. Goldstein & G. Woodhouse (2000) des travaux du courant de la School Effectiveness Research, quand ils leur reprochent de considérer les établissements comme des entités indépendantes et de négliger ainsi leurs rapports d’interdépendance.

Les effets d’établissement : quelle interprétation ?

4Le contexte a été longtemps un objet négligé par la sociologie de l’éducation française tant les variables socio-culturelles semblaient prédominer pour expliquer les inégalités scolaires. Pourtant, si les établissements qui accueillent des publics favorisés font toujours mieux que des établissements plus populaires, rien n’indique que deux établissements à recrutement social identique obtiennent les mêmes résultats. De même, si les performances des élèves dépendent fortement de leurs acquisitions antérieures et de leur niveau socio-culturel, elles peuvent aussi varier sensiblement selon l’établissement, la classe ou les enseignants qu’ils fréquentent. Ainsi les effets d’établissement peuvent se définir comme ce que gagnent ou perdent des élèves initialement identiques à être scolarisés dans tel ou tel contexte (Duru-Bellat, 2002). Or, cette valeur ajoutée, négative ou positive, existe bel et bien, et ce dans la plupart des pays de l’OCDE comme le montrent notamment les enquêtes PISA (Grisay, 2006).

5Cet effet du contexte semble s’exercer sur des dimensions très variées de la scolarité. Ainsi, depuis les premiers travaux de l’IREDU dans les années 1980, nous savons que « le contexte fait des différences » (Duru-Bellat & Mingat, 1988 & 1993) aussi bien en matière d’orientation qu’en matière d’acquis scolaires. On sait par exemple que les établissements s’avèrent inégalement sélectifs et que les chances d’accéder en seconde pour des élèves aux caractéristiques identiques varient selon l’établissement fréquenté (Cousin, 1998 ; Felouzis, 2003). Des élèves scolairement semblables peuvent donc être traités différemment d’un établissement à l’autre. De même, les progressions et les acquis dépendent étroitement du contexte de scolarisation. Aussi bien au niveau du primaire (Bressoux, 1995) que du collège (Grisay, 1997) ou du lycée (Felouzis, 1997), on a pu montrer que, toutes choses égales par ailleurs, les élèves obtenaient des résultats sensiblement différents (en particulier en mathématiques) ou progressaient plus ou moins selon l’établissement fréquenté. De plus, le contexte a un effet net observable en matière de notation – les enseignants sont plus « sévères » dans les établissements favorisés (Duru-Bellat & Mingat, 1988) – tout comme en matière de socialisation et de bien-être : la qualité des relations entre enseignants et élèves favorise par exemple l’investissement dans le travail scolaire (Grisay, 1997).

6Cependant si ces effets de contexte semblent avérés, leurs causes sont beaucoup moins bien connues. C’est ainsi qu’un certain nombre de travaux récents tendent à relativiser les effets établissement, pour insister davantage sur les effets classes ou les effets enseignants. Le contexte de la classe peut s’avérer plus pertinent pour comprendre la notation et les progressions, qui relèvent des pratiques pédagogiques, plutôt que l’orientation, phénomène géré à un niveau plus institutionnel (Duru-Bellat, 2002). La sociologie de l’éducation anglo-saxonne a en effet amplement montré comment les effets de composition sociale et scolaire dans les classes (school mix) s’avèrent déterminants pour comprendre des différences finales entre élèves au départ identiques, cet effet jouant d’ailleurs plus pour les élèves de milieu défavorisés (Thrupp, 1995).

7D’autres analysent cet effet classe plutôt comme un effet enseignant. A. Grisay (1997) met en évidence l’existence d’une sorte d’effet enseignant, à travers notamment le jugement que les élèves portent sur l’enseignant efficace. Cet « effet-maître » déjà mesuré dans les travaux de l’IREDU, a aussi été explicité, au niveau du lycée, par l’étude de G. Felouzis (1997), qui tend à montrer que l’efficacité des professeurs dépend en grande partie de leurs attitudes et de leurs attentes envers les élèves. D’une manière générale, les pratiques pédagogiques qui semblent s’avérer les plus efficaces sont celles qui combinent un niveau d’attentes et d’exigences élevé, un temps long d’exposition au travail scolaire, et la création d’un climat chaleureux, même si les effets n’en sont pas forcément univoques selon le milieu social des élèves auxquels on s’adresse (Duru-Bellat, 2002). Ces recherches, d’une certaine manière, tendent à relativiser le poids de l’établissement puisque, comme le souligne D. Meuret (2000), elles attestent plutôt de la présence d’effets classes ou d’effets enseignants que d’effets établissements.

8Cependant, un pan important des recherches sur les effets de contexte reste centré sur l’établissement en mettant en avant l’aspect organisationnel et le rôle de mobilisation des équipes enseignante ou dirigeante. A. Grisay (1989), à travers l’analyse d’un groupe contrasté de collèges performants ou au contraire non-performants, avait insisté sur le fait que c’est une combinaison de variables liées au contexte familial, scolaire, mais aussi au climat de l’établissement qui explique les différences d’efficacité. Cela permet d’introduire l’idée que l’établissement est aussi un construit doté d’une certaine autonomie, d’une vie propre, comme l’a montré le travail de Dominique Paty (1981). Cette vision se trouve encore approfondie dans les approches en termes de mobilisation, initiées par F. Dubet et alii (1989). Ces derniers montrent que si l’on observe un effet de l’établissement sur les performances scolaires des élèves, celui-ci peut être corrélé au type d’organisation et au climat du collège ainsi qu’à la mobilisation des enseignants autour d’un projet commun. Ainsi, l’établissement scolaire peut être assimilé à n’importe quelle organisation avec « un style propre, un mode de relations sociales, un type de mobilisation de ses acteurs et de ses ressources » (p. 236). C’est aussi l’optique envisagée par O. Cousin (1998) dans son étude de treize collèges. Il observe que les établissements les plus dynamiques, qui réussissent à définir collectivement leurs objectifs et à dépasser le clivage entre tâches éducatives et pédagogiques, sont aussi les plus efficaces, c’est-à-dire pour O. Cousin, ceux qui sont les moins sélectifs et qui réussissent le mieux à enrayer la violence. Cette attention portée à la dimension établissement se justifie d’autant plus que ceux-ci depuis 1989 sont dotés d’une certaine autonomie financière et de la personnalité juridique (Établissements publics locaux d’enseignement, EPLE). L’État deviendrait de plus en plus un « état régulateur » (Charlot, 1994), qui serait chargé de définir nationalement des objectifs, dont la mise en œuvre reviendrait au niveau local. Si on est encore loin du passage radical d’un système hiérarchisé à un système qui partirait des établissements scolaires (Derouet, 2000), le local en éducation a gagné ses lettres de noblesse. L’établissement scolaire, en tant qu’organisation, reste à définir, mais sont de plus en plus posées les questions de la gestion de son autonomie. Certes, comme le rappelle O. Cousin (2000), efficacité et mobilisation ne semblent pas entretenir de relation statistique causale, mais les collèges et les lycées les plus mobilisés tendent à être les plus équitables.

9Ces recherches laissent toutefois beaucoup de questions en suspens et s’avèrent insatisfaisantes pour expliquer les différences d’efficacité entre établissements. Tout d’abord elles n’accordent pas la même place relative aux différentes caractéristiques des collèges et des lycées pour rendre compte de leur degré d’efficacité. Ainsi, l’étude d’O. Cousin est beaucoup plus positive quant à l’impact du travail d’équipe, de la mise en place d’actions innovantes, de l’aide à l’orientation… que ne peut l’être celle d’A. Grisay qui souligne néanmoins l’importance, dans ces variables, des dispositifs de soutien, d’études dirigées ou surveillées. De la même façon, le rôle des chefs d’établissement est extrêmement controversé. Si des études comme celles de D. Paty mais aussi, d’une certaine manière, de R. Ballion (1993), notent la place prépondérante qu’ils peuvent avoir pour construire une identité collective et mobiliser les acteurs – même si ces recherches ne portent pas à proprement parler sur l’efficacité des établissements –, d’autres sont plus sceptiques. O. Cousin comme A. Grisay relativisent l’impact du rôle de la direction qui n’agit bien souvent qu’en combinaison avec d’autres variables. D’autre part, l’ensemble de ces recherches laissent encore ouverte la question de la place des politiques menées par la direction dans ces effets de contexte, y compris d’ailleurs parce que cette notion est malaisée à définir. En effet, si les notions de mobilisation et de climat ont sans doute une pertinence sociologique, elles paraissent difficiles à cerner et surtout elles peinent à donner un portrait type toujours stable de l’établissement efficace. L’insuffisance du modèle de la mobilisation réside d’ailleurs dans le fait que cette mobilisation ne saurait être indépendante du type de public scolarisé.

10En effet, l’une des faiblesses des modèles de la mobilisation est qu’il est très difficile de distinguer « l’atmosphère éducative » d’un établissement des caractéristiques de son public. L’enquête PISA (Grisay, 2006) met en avant les différences de qualité dans l’enseignement dispensé selon les établissements tout en montrant qu’il s’agit d’un effet joint lié à la composition sociale de la population recrutée par l’établissement. Si le contexte de scolarisation influe sur les acquisitions et attitudes des élèves par le biais de son organisation, de son climat et de la mobilisation des équipes, ces éléments ne suffisent pas à eux seuls à être explicatifs car ils sont toujours médiatisés par un contexte social défini par les caractéristiques des élèves accueillis (Duru-Bellat, 2002). En d’autres termes, si le contexte « fait des différences », il est encore difficile de comprendre sur quelle situation et quelle action elles se fondent.

Espace des lycées et différenciation des établissements : une enquête empirique

Données et enquête

  • 1 La recherche a été financée par la Direction de l’évaluation et de la prospective (DEP) du ministèr (...)

11La recherche1 qui sert de base à cet article a été réalisée en deux volets (Felouzis, Liot & Perroton, 2005).

  • 2 On trouvera l’ensemble des informations sur Internet à l’adresse : <http ://indicateurs.education.g (...)
  • 3 Tous les éléments empiriques, la nature des données et les modes de calcul ont été publiés dans l’a (...)

12Le premier volet a consisté à construire une évaluation des indicateurs de performance des lycées sur l’ensemble de l’académie de Bordeaux. Pour les 103 lycées publics et privés de cette académie, nous avons mis en relation les Indicateurs de performance de l’enseignement secondaire (IPES) avec le niveau scolaire des élèves en seconde mesuré par leurs notes aux épreuves sur table du brevet des collèges. La DEP propose plusieurs indicateurs de performance. Notre évaluation a porté sur les taux d’accès de la seconde au bac. On sait que le principe majeur de construction de ces indicateurs est de comparer les taux d’accès réels de chaque lycée à un taux attendu qui correspond à ce que devrait être ce taux d’accès compte tenu de l’âge et de l’origine sociale des élèves de chaque lycée2. Or, l’une des limites de ces indicateurs est que l’âge et l’origine sociale des élèves ne constituent pas des mesures fiables du niveau scolaire des élèves d’un établissement donné. Certes, ces deux variables sont fortement corrélées à la réussite scolaire. Mais ce lien garde un caractère probabiliste auquel les sciences sociales sont habituées. De ce fait, ces deux variables ne permettent pas de prédire avec assez de précision le niveau scolaire des élèves d’un lycée. Toute la question est donc de savoir comment mesurer le niveau initial des élèves à l’entrée du lycée. La méthode utilisée (Felouzis, 2005) a été de mesurer ce niveau initial par les notes aux épreuves sur table du brevet des collèges. Ces notes constituent une bonne approximation du niveau agrégé des élèves en seconde. Elles ont été calculées pour l’ensemble des élèves de seconde en 2000 pour les lycées aquitains (103 établissements). Mises en regard avec les taux d’accès attendu pour chaque établissement (de la seconde au bac), elles réservent quelques surprises : des lycées dont on attend le même taux d’accès de la seconde au bac ont des élèves en seconde dont le niveau scolaire est très différent. On observe par exemple que des lycées dont le taux d’accès de la seconde au bac est faible (62 %) ont des élèves très différents en seconde du point de vue scolaire. Les élèves d’un des lycées n’ont obtenu que 10,2 sur 20 en moyenne aux épreuves sur table du brevet, alors que dans un autre la moyenne est de 11,67 sur 20 ! Ces écarts, qui portent sur les notes moyennes des élèves en seconde, sont donc non négligeables pour des lycées dont on attend le même taux d’accès au bac. Pour des établissements dont le taux d’accès attendu est plus élevé (71 %) le phénomène est le même : un premier établissement a des élèves en seconde qui n’ont obtenu que 10,38 sur 20 de moyenne alors que dans un autre, cette moyenne est de 11,73. En d’autres termes, on demande les mêmes taux de réussite à des lycées qui ont au départ des élèves dont les moyennes aux épreuves sur table du brevet sont différentes (entre un point et un point et demi sur vingt). Et de fait, les lycées qui ont des élèves bien meilleurs que l’attendu ont presque toujours une valeur ajoutée positive, alors que ceux dont les élèves sont plus faibles que ne le laisse croire leur répartition selon l’âge et l’origine sociale n’y arrivent presque jamais. On peut donc se demander si la « valeur ajoutée » a bien le sens qu’on lui prête communément : celui de mesurer un effet de « mobilisation » des équipes éducatives sur la réussite des élèves. Ne mesure-t-on pas en fait un autre phénomène qui serait un niveau scolaire de départ plus élevé ici ou là malgré une répartition selon l’âge et l’origine sociale identique ? Autrement dit ne mesure-t-on pas là des effets d’attractivité ou de fuite de certains établissements sur le marché scolaire leur permettant d’attirer les meilleurs élèves ou au contraire ne leur laissant que les plus faibles ? Cette démarche critique et ces questions nous ont conduit à construire un nouveau calcul de la valeur ajoutée des lycées, tenant compte du niveau scolaire de départ des élèves de seconde, que nous désignons dans le cadre de cet article « valeur ajoutée recalculée »3.

  • 4 Il s’agit de la valeur ajoutée recalculée sur les taux d’accès de la seconde au bac.
  • 5 On trouvera en annexe un tableau donnant les différents scores en fonction de l’établissement.

13Le deuxième volet de l’enquête a consisté en la passation d’un questionnaire auprès de 512 enseignants répartis dans dix-huit lycées en Aquitaine. Les questions portaient sur les pratiques pédagogiques, le travail en commun, la politique de l’établissement, les jugements sur les élèves, la direction de l’établissement, les collègues. Le but de ce questionnaire était d’identifier les facteurs les plus structurants de l’efficacité des lycées (cohésion des équipes, satisfaction au travail, mobilisation sur la réussite de tous, etc.) Toutefois, l’enquête ne s’est pas déroulée comme nos hypothèses de départ le laissaient croire. Nous pensions en effet qu’un lien très fort allait unir le niveau de mobilisation des équipes enseignantes et l’efficacité des lycées mesuré par l’indicateur du taux d’accès de la seconde au bac. Pour le vérifier, nous avons mis en relation de façon systématique la valeur ajoutée recalculée4 des dix-huit lycées concernés par l’enquête par questionnaires avec des « scores » pour chaque établissement concernant les différents aspects du métier d’enseignant. Il s’agit de scores5 mesurant la pédagogie « classique », les difficultés d’enseigner, la satisfaction au travail, la satisfaction liée à l’établissement, l’ambiance positive, les jugements positifs sur les élèves et le jugement sur le rôle positif de la direction. Ces scores sont construits sur les réponses au questionnaire transformées en échelles d’attitude pour mesurer les différents aspects du métier d’enseignant en lycée.

Encadré 1 : La construction des scores à partir des réponses au questionnaire

Le questionnaire portait principalement sur les pratiques pédagogiques, le travail en commun, la politique de l’établissement, les jugements sur les élèves, la direction de l’établissement, les collègues. Le but de ce questionnaire était, rappelons-le, d’identifier les facteurs les plus structurants de l’efficacité des lycées. Afin de tester plus fermement notre hypothèse d’un lien entre mobilisation collective, climat de l’établissement et efficacité, nous avons, à partir des réponses aux questionnaires, construit des « scores » pour chaque établissement concernant les différents aspects du métier d’enseignant, avec un re-codage qui s’est opéré de la façon suivante :

Score difficultés d’enseigner : ce score a été bâti à partir des réponses à une question où les enseignants jugeaient un certain nombre de tâches éducatives plutôt faciles (0 point) ou plutôt difficiles (1 point). Ces tâches étaient les suivantes :Préparer les cours, corriger les copies, maintenir la discipline, respecter les programmes, intéresser les élèves, faire participer les élèves, faire travailler les élèves, travailler avec les collègues, gérer l’orientation.

Score plaisir travail : Nous avons aussi demandé aux enseignants de nous dire si chacune des activités pédagogiques énumérées ci-dessus faisaient plutôt partie des tâches agréables (1 point) ou désagréables (0 point).

Score ambiance : ce score a été construit à partir de questions qui traduisent le climat général de l’établissement :
Est jugé très bien (2 points)/bien (1 point) dans l’établissement : l’ambiance de travail
Aimez-vous travailler dans cet établissement ?, oui (1 point)
Souhaitez-vous y rester ?, oui (1 point)
Quelles sont vos relations avec les autres enseignants ?, très bonnes (2 points)/bonnes (1 point)
Existe-t-il des clivages entre enseignants ?, non (1 point)
Avez-vous l’occasion de travailler en commun ?, très (2 points)/assez souvent (1 point)

Score rôle de la direction :
Ce score a été élaboré à partir de la question « en interne, la direction est très (coefficient 2) / moyennement (coefficient 1) attentive :
– à la cohérence des objectifs ;
– à la gestion des relations humaines ;
– au soutien des élèves en difficulté ;
– aux performances des élèves ;
– à la participation des enseignants aux décisions ;
– à la qualité de vie dans l’établissement ;
– à développer des projets innovants.

Il enregistre donc non pas des objectifs différents de la direction mais un degré d’implication plus ou moins important dans la vie de l’établissement (quel que soit l’objectif). Il traduit donc la perception que les enseignants ont d’une forme d’investissement de la direction dans le lycée.

Score satisfaction établissement : ce score a été construit à partir d’une question portant sur ce que les enseignants jugeaient bien ou très bien (1 point), moyen ou mauvais (0 point) dans leur établissement. L’appréciation portait sur l’image extérieure de l’établissement, ses locaux, l’ambiance générale, les moyens matériels ou le quartier d’implantation.

Score jugement positif sur les élèves : nous avons demandé aux enseignants de « classer » leurs élèves sur une échelle de A à D concernant leur motivation, leur attention, leur discipline et les rapports plus ou moins personnels ou chaleureux qu’ils pouvaient entretenir avec eux. Chaque réponse A s’est vu affecter d’un coefficient 2, les réponses B d’un coefficient 1 et les réponses C et D d’un coefficient 0.

Score travail en commun : à la question « avez-vous souvent l’occasion de travailler en commun avec vos collègues ? » nous avons attribué 3 points pour l’item « très souvent », 2 pour l’item « assez souvent », 1 pour « peu souvent » et 0 pour l’item « pas du tout ».

Analyse des résultats

14Si les scores varient de façon significative entre établissements (cf. tableau en annexe), traduisant des ambiances et des mobilisations contrastée, il apparaît cependant qu’aucun score de « mobilisation » des enseignants ne présente une corrélation significative avec la valeur ajoutée des établissements. Les opinions des enseignants, leur vision des élèves, leur satisfaction au travail ou encore la fréquence de leurs activités en commun n’influent en rien sur la valeur ajoutée. L’efficacité est semble-t-il sans lien direct avec les jugements des acteurs sur leur travail, leurs élèves, leur plaisir à travailler et les objectifs pédagogiques qu’ils déclarent mettre en œuvre dans leur classe. La satisfaction au travail et le jugement sur son établissement n’entretiennent donc pas de liens directs avec l’efficacité (Meuret, 2000).

15Ainsi, les jugements des enseignants sur leurs pratiques pédagogiques et leur degré de mobilisation ne sont pas directement liés à leur efficacité collective. Celle-ci se construit d’abord à partir des politiques d’établissement définies par la nature de leur public. Et c’est ce que montre l’analyse des résultats du questionnaire. En effet, dans la mise en relation systématique des réponses et de la valeur ajoutée recalculée, seulement deux items permettent d’expliquer (au sens statistique comme sociologique) les effets d’établissements. Le premier concerne les priorités de l’établissement quant au problème de l’échec des élèves en seconde. Dans certains lycées, les enseignants répondent « dans mon établissement, on privilégie l’orientation dans un autre lycée ». Plus les enseignants déclarent que la politique de leur établissement va vers la réorientation des élèves en difficulté vers d’autres lycées, plus la valeur ajoutée est faible. La corrélation est de 0,68 (très significative). Elle explique 47 % de la variance, ce qui est considérable. Cela signifie que l’efficacité des lycées revient ici, en fonction de notre indicateur du taux d’accès, à des différences de politique d’établissement. Ceux qui « gardent » leurs élèves après la seconde et favorisent leur passage en première ou leur redoublement, tendent à avoir une valeur ajoutée positive. Ceux qui, à l’inverse, réorientent ces mêmes élèves vers d’autres lycées, ont une valeur ajoutée faible, voire négative. On revient ainsi aux premiers travaux français sur les effets d’établissement. Ils portaient sur les orientations en fin de cinquième (Duru-Bellat & Mingat, 1985 & 1988) qui dépendent étroitement des politiques d’établissement et produisent des inégalités entre élèves. Plusieurs conséquences peuvent être déduites de ce premier résultat.

161/ La valeur ajoutée calculée sur les taux d’accès de la seconde au bac ne reflète pas prioritairement la « qualité de l’enseignement », l’investissement des équipes enseignantes, leur capacité à se mobiliser ou à travailler en commun. Elle dépend étroitement de la politique d’orientation en fin de seconde pour les élèves les plus faibles.

172/ Les lycées qui reçoivent un public d’élèves scolairement faibles et de milieu défavorisé, ont le plus souvent une politique de « réussite de tous », c’est-à-dire que leur mobilisation ne peut se faire que sur une conception « démocratique » de l’enseignement et de l’orientation. Ce sont souvent des lycées peu attractifs et dont les élèves restent de la seconde au bac. Ce sont aussi des établissements qui tendent à perdre des élèves à l’entrée en seconde, de par leur position défavorable sur le marché scolaire. Ils ne peuvent donc pas se permettre de réorienter les élèves en fin de seconde, fussent-ils faibles. C’est le cas par exemple de deux lycées de notre enquête. Il s’agit de lycées dont la moitié des élèves en seconde sont issus de milieux défavorisés et qui souffrent de la concurrence des lycées plus réputés du centre ville. Ils ne peuvent se permettre le « luxe » de réorienter leurs élèves en fin de seconde. Ces élèves redoublent ou passent en première et obtiennent le bac dans des délais plus ou moins long.

183/ Pour les lycées les plus attractifs, les choses fonctionnent de façon symétrique. Ils réorientent leurs élèves les plus faibles vers d’autres établissements ce qui les « pénalisent » du point de vue du taux d’accès de la seconde au bac. Ces lycées n’ont pas les mêmes objectifs que les premiers. Ils sont mobilisés sur la formation d’une élite scolaire : ils attirent les meilleurs, excluent les plus faibles et jouent la carte des mentions au bac bien plus que de la « réussite de tous ». On pourrait qualifier cette politique de « darwinienne » ou encore la condamner pour ses dimensions élitistes. Ce serait une erreur de jugement, et dans beaucoup de cas une hypocrisie. Car la formation des élites fait partie aujourd’hui sinon des politiques scolaires tout au moins des fonctions de l’école, et la différenciation sociale (et spatiale) des lycées produit en grande partie cette division du travail entre établissements. Dans ce cadre, l’objectif des politiques scolaires doit être de réguler cette différenciation pour qu’elle ait des conséquences les moins injustes et inégalitaires possibles socialement.

194/ Une des conséquences de ce qui précède est que la valeur ajoutée ne reflète pas la qualité des enseignements, mais la nature des options privilégiées dans chaque lycée. Cela doit être interprété comme le résultat de la diversité des formes d’efficacité et des objectifs recherchés en fonction de la nature du public concerné, car notre indicateur de performance des lycées intègre une mesure du niveau scolaire de départ des élèves, ce qui implique presque automatiquement que les lycées scolarisant les meilleurs élèves et les plus élitistes soient « pénalisés » par ce calcul. Si nous considérions comme mesure de l’efficacité des lycées le taux de mentions « très bien » et « bien » au bac, l’orientation en CPGE ou encore les notes obtenues aux épreuves sur table dans les disciplines principales, on dessinerait un tout autre paysage scolaire car l’on privilégierait une mesure plus apte à appréhender les objectifs des « meilleurs lycées », i. e. les plus élitistes. En d’autres termes, le plus souvent il ne s’agit pas d’une « valeur ajoutée » au sens où certains lycées produiraient plus de succès que d’autres. Mais seulement de la conséquence « naturelle » de la division du travail entre établissements dans un contexte de concurrence scolaire et de marché localisé.

20On peut trouver une confirmation de cette analyse dans la mise en relation de la valeur ajoutée avec les déclarations des enseignants concernant leurs attitudes en classe devant l’échec scolaire. Il s’agit, pour ce dernier indicateur, de la réponse « ne pas pouvoir faire grand chose » devant les difficultés scolaires des élèves. Cette réponse nous informe sur le sentiment d’impuissance pédagogique des enseignants devant des classes « hétérogènes ». Cette réponse est corrélée positivement à la valeur ajoutée. En d’autres termes, les taux d’accès sont d’autant plus élevés, toutes choses égales par ailleurs, que les enseignants ont le sentiment de n’avoir que très peu de prise sur les problèmes scolaires de leurs élèves. Ce résultat semble relever du paradoxe. Il ne reflète pourtant qu’une situation bien réelle : ce sentiment d’impuissance est d’autant plus fort que les établissements « gardent » leurs élèves et ont des politiques de maintien des plus faibles dans leur établissement. Une analyse de régression sur la valeur ajoutée en fonction du sentiment d’impuissance pédagogique d’une part et de politique de réorientation d’autre part explique 60 % de la variance pour les 18 lycées de l’enquête. On est donc bien dans le domaine des politiques d’établissement en matière d’orientation : ces politiques expliquent en partie la valeur ajoutée des lycées, en même temps qu’elles déterminent les attitudes des enseignants quant à leur capacité à agir sur leurs élèves les plus faibles.

21La question de la mobilisation des enseignants dans ses relations avec l’efficacité des lycées est, on le voit, complexe. Il apparaît cependant que la question pertinente n’est pas tant celle de la mobilisation que celle de ses buts et de ses objectifs. Certains établissements sont centrés sur la sélection d’une élite scolaire, d’autres sur la réussite de tous, d’autres encore sur la qualité des conditions de travail et d’exercice du métier d’enseignant. Ces formes de mobilisation dépendent étroitement de la place des établissements sur le marché scolaire et ont des conséquences sur les parcours des élèves et leurs chances d’accès au bac. Un exemple simple illustrera notre propos. Un des lycées de notre enquête propose en classe de seconde une option « chinois première langue ». Celle-ci est en général abandonnée par les élèves dès la classe de première. Cette option a une fonction majeure : elle permet aux élèves motivés et de bon niveau de choisir cet établissement, au demeurant l’un des plus réputés de la ville. Elle permet aussi à l’établissement de sélectionner les meilleurs dossiers et de former une classe homogène et performante. Ajoutons que cette pratique fait l’unanimité parmi les enseignants qui jugent positif de bénéficier d’un public de bon niveau. Il y a là une « mobilisation » et une « cohésion » évidentes des équipes pédagogiques, mais sur des objectifs en lien direct avec le marché scolaire local et de formation des meilleurs plutôt que du plus grand nombre. D’autres lycées de notre enquête n’ont nullement les moyens d’une telle politique et se mobilisent sur des objectifs bien différents : aider les élèves en difficulté, les motiver dans la perspective de « décrocher » le bac. On est donc plus dans un espace des lycées où cohabitent des objectifs et des fonctions diversifiés, que sur une échelle simple allant des établissements les plus mobilisés et efficaces à ceux qui le sont moins. En d’autres termes, classer les lycées sur une seule et même échelle d’efficacité postule une relative homogénéité qui ne semble pas en accord avec la réalité empirique de l’enseignement secondaire français aujourd’hui. La différenciation des établissements est telle, que la comparaison devient difficile. Car comment comparer un lycée dont la fonction essentielle est de scolariser les bons élèves des familles aisées dans les filières générales, d’en sélectionner les meilleurs pour décrocher une mention au bac et une orientation vers les classes préparatoires, et un lycée technologique pour lequel la réussite au bac représente en soi une victoire contre les déterminations sociales et culturelles les plus fortes ? La perspective, on le voit, change nettement car la question sociologique des effets d’établissement s’en trouve modifiée. Il ne s’agit plus simplement de savoir si les enseignants sont « mobilisés » et si les équipes sont « cohérentes » et « soudées », mais d’identifier sur quels objectifs se construisent cette mobilisation et cette cohésion. Or, la position des établissements sur le marché scolaire est déterminante pour comprendre la forme, l’étendue et l’objet de la mobilisation des équipes.

22En définitive, il apparaît que les effets d’établissement sont multi dimensionnels. Non pas seulement au sens où ils concernent toutes les dimensions de la vie scolaire et sociale des élèves. Mais aussi parce qu’ils relèvent d’une diversification des missions éducatives. La question n’est donc pas tant de savoir si un lycée, comme un collège, est « bon » ou « moins bon », mais d’identifier les objectifs et les missions qu’il se fixe compte tenu de sa position sur le marché scolaire.

Tableau I. – Gestion des flux d’élèves et recrutement social. Dix-huit lycées en Aquitaine

Recrutement

Conduire le plus grand nombre au bac

Dans la moyenne

Sélectionner et former les meilleurs

Populaire

Lycée4
Lycée 14
Lycée 11
Lycée 13

Lycée 5
Lycée 18

Moyen

Lycée 7
Lycée 12

Lycée 2
Lycée 10

Lycée 1

Aisé

Lycée 9

Lycée 17

Lycée 16
Lycée 3
Lycée 8
Lycée 6
Lycée 15

Figures de l’efficacité et marchés scolaires

23Il nous reste à penser et à concevoir les effets d’établissement en relation avec les marchés scolaires de façon plus systématique. L’objet de cet article, nous l’avons dit, est de complexifier le modèle interprétatif de la mobilisation en l’intégrant dans un contexte plus vaste. On ne peut comprendre les politiques d’établissement et les stratégies collectives mises en œuvre dans les lycées, sans prendre en compte l’environnement scolaire et urbain qui pèse de tout son poids sur la définition même des missions des établissements. Comme Dominique Paty (1981) l’avait formalisé dans Douze collèges en France, une grande part de l’action collective des équipes éducatives est définie par le contexte de l’établissement créé par le public scolarisé et les missions qui en découlent. Et de fait, à la lecture des résultats décrits plus haut, on peut avancer qu’une rupture assez nette partage les lycées en deux grandes catégories (Tableau I). D’un côté les établissements populaires qui, compte tenu du niveau de départ de leurs élèves, tendent à les garder pour les conduire jusqu’au bac (six lycées sont dans ce cas parmi les dix-huit de notre enquête), et de l’autre des établissements moyens, mais surtout aisés, plus sélectifs et élitistes (six lycées). Les autres se trouvent dans des positions intermédiaires.

24Ce tableau concerne les dix-huit lycées dans lesquels a eu lieu l’enquête par questionnaire auprès des enseignants. Il classe les dix-huit lycées de l’enquête en fonction de leur recrutement social (populaire, moyen, aisé) et de la politique d’établissement en matière de gestion des flux d’élèves. Le lycée n° 4, par exemple, a un public populaire et la politique de l’établissement est de « conduire le plus grand nombre au bac ». Le lycée n° 16 a un recrutement aisé et se consacre à la sélection « des meilleurs ».

25Nous sommes plus ici dans un espace de différenciation des établissements en fonction de leurs missions et de leur public, que dans le cadre d’un continuum entre les « bons » et les « moins bons » lycées. Pour mieux comprendre ces différentes figures de l’efficacité et esquisser une typologie nous avons mené une analyse de classification hiérarchique construite sur les déclarations des enseignants (Tableau II). Quatre opinions ont été retenues. Elles reflètent les attitudes des professeurs envers les problèmes pédagogiques, la place de leur lycée sur le marché scolaire, les conceptions éducatives de la direction. Les réponses sont les suivantes :

  •  « Devant l’échec, l’enseignant déclare ne pas savoir quoi faire ;

  •  « L’image de l’établissement est jugée très positive ;

  •  « La direction est attentive aux performances des élèves ;

  •  « Le plus important est de s’adapter à l’hétérogénéité des élèves ».

26Ces quatre réponses construisent quatre figures des lycées, qui ne prennent sens que dans leur mise en relation avec les caractéristiques des établissements.

27Le groupe 1 rassemble les lycées nos 1, 2, 11, 12, 13 et 14. ce sont des lycées dont la valeur ajoutée corrigée est positive voire très positive (à l’exception du lycée n° 1), et dont le public est essentiellement défavorisé ou moyen. Ces lycées trouvent les principes de leur efficacité dans une réponse simple et cohérente à leur position défavorable sur le marché scolaire : ils gardent le plus grand nombre de leurs élèves, y compris les plus faibles (ils ne les orientent pas hors du lycée en fin de seconde), et les conduisent ainsi plus souvent jusqu’au baccalauréat. Leur politique d’établissement consiste à jouer la carte de la démocratisation de l’accès au bac en gardant le plus possible leurs élèves, voire en accueillant en première ceux qui sont « orientés » après une classe de seconde dans un autre lycée. Ce type de politique ne procède pas obligatoirement d’une mobilisation des enseignants, ou d’une ambiance « favorable » au travail pédagogique en commun. Cela peut générer, tout au contraire, un sentiment d’impuissance des enseignants qui, devant l’échec des élèves, jugent plus souvent que la moyenne ne pas pouvoir faire grand-chose. Ce sont aussi des lycées dont l’image est très peu positive. La place de ces lycées sur le marché scolaire est donc déterminante car elle les conduit à accueillir un public en général plus faible que ne le laisserait croire leur composition sociale et à mener des politiques de « rattrapage » de ces élèves. Le lycée n° 1 qui fait exception par une valeur ajoutée négative n’est pourtant pas un contre exemple dans ce cas de figure. Il illustre au contraire que les marchés scolaires des lycées se construisent aussi en fonction de leur structure. Ainsi, les enseignants du lycée 1 partagent avec leur groupe une même volonté démocratique de l’accès au bac et une vision plutôt pessimiste de l’établissement et de leur travail. Ce lycée se distingue par l’absence de filières technologique. Il se voit de ce fait « contraint » d’éliminer les élèves les plus faibles et/ou désirant une autre orientation que les filières générales qu’il propose et a donc un taux de déperdition de la seconde au bac plus important que les autres.

28Le groupe 2, qui comprend les lycées nos 3, 6 et 16, illustre le cas inverse du premier. Nous sommes dans des lycées « d’élite », au sens où ils recrutent des élèves majoritairement de milieux aisés, de bon niveau scolaire et qu’ils proposent des filières générales avec, en prime, des classes préparatoires aux grandes écoles, pour deux d’entre eux. Ces lycées sont les plus attractifs sur le marché scolaire et beaucoup de leurs élèves sont « hors-secteur ». Ils sont orientés vers un certain malthusianisme scolaire. Leur vocation est de former une élite scolaire et leur but n’est pas de conduire le plus grand nombre jusqu’au bac (ce que mesure l’indicateur du taux d’accès), mais de former des élèves performants capables – potentiellement – d’entrer en classe préparatoire, d’avoir une mention au bac général, d’intégrer des formations supérieures attractives et efficaces. Ce type de politique implique des pratiques centrées sur la classe et le travail des élèves. Cela signifie que le travail en commun y est plus rare qu’en moyenne, et que la direction assume un rôle d’encadrement. Les performances des élèves sont alors de première importance et l’image de ces établissements est jugée très positive.

29Le groupe 3, formés des lycées nos 4, 5, 7, 8, 9, 15, 17 et 18, est plus hétérogène, tant du point de vue des performances que des politiques d’établissement. Il rassemble les lycées dont la position sur le marché scolaire n’est pas très nettement identifiée et dont les politiques, en termes d’orientation notamment, sont nécessairement moins dépendantes de ces marchés. Il s’agit en fait du groupe le plus intéressant pour notre propos car il rassemble les lycées qui se démarquent des déterminismes du marché scolaire par leur action. On y trouve par exemple un établissement, le lycée n° 17, dont les élèves sont de milieu aisé et qui propose des filières générales. Il est par ailleurs attractif sur le marché scolaire. Toutefois, cet établissement ne perd quasiment pas d’élèves entre la seconde et la terminale. La politique de l’établissement n’est pas de « filtrer » les flux pour ne garder que les meilleurs. Il accomplit en quelque sorte à la fois une mission de formation des élites et de démocratisation, au sens où il favorise la réussite de tous ses élèves. Un autre lycée de ce groupe représente un cas similaire, mais dans une version plus « populaire ». Il s’agit d’un lycée classé en ZEP, le lycée n° 2, offrant des filières générales et technologiques, et qui accueille des élèves de milieu défavorisé en seconde. Il jouit d’une très bonne réputation en Aquitaine car la mobilisation des enseignants y est forte, l’investissement pédagogique important et la valeur ajoutée très positive. C’est une réussite en tant qu’il propose des conditions d’étude très agréables pour les élèves, et des conditions de travail qui ne le sont pas moins pour les professeurs. Nous pouvons par ailleurs noter que les quatre lycées privés de notre échantillon font partie de ce groupe. Si les performances de ces lycées privés sont différenciées, ils ont en commun un discours très positif des enseignants quant à leurs conditions d’exercice, leur rapport avec la direction ou le climat de l’établissement. Il se dégage là une particularité assez nette de l’enseignement privé à travers la création « d’un esprit maison » et un sentiment collectif d’appartenance fort. C’est cette forte homogénéité d’opinion des enseignants qui les conduit à être dans le même groupe. En revanche leur différence de structure et leur place respective sur le marché explique leur différence de performance. Ainsi le lycée n° 8 ressemble de ce point de vue plutôt au lycée du groupe précédent alors que le lycée n° 15 présente un tout autre visage. Son problème essentiel est qu’il perd un nombre considérable d’élèves entre la seconde et la terminale (– 41 % alors que la moyenne est à – 10 %). Le statut privé de l’établissement, sa vocation de « dernier recours » pour des élèves de milieu plutôt aisé en échec, en font un lycée très particulier. Son organisation novatrice sous forme de « lycée du matin » montre une volonté de réconcilier les élèves en échec avec l’école. Et ses élèves, une fois réconciliés avec l’école, intègrent des établissements plus « classiques » pour aller jusqu’au bac.

30Un seul lycée représente dans notre enquête le groupe 4. Le lycée n° 10 est atypique à plus d’un titre. Il perd beaucoup d’élèves de la seconde à la terminale (-20 %) mais n’est pas inefficace. Il se caractérise par un poids très fort de la direction, qui selon les enseignants a un rôle d’encadrement, est attentive aux performances des élèves et à la cohérence pédagogique, mais est parfois jugée trop pesante. L’ambiance dans l’établissement n’est pas très chaleureuse et le travail n’apporte pas une satisfaction particulièrement remarquable. C’est un établissement situé un peu hors concurrence scolaire, structuré autour d’un fort pôle général et de quelques filières technologiques, et qui ressemble quelque peu à « une belle endormie ».

31En définitive, cette typologie montre qu’une des clés de compréhension et d’explication des effets d’établissement se trouve dans la position objective des lycées sur les marchés scolaires. De façon assez simple, les établissements des groupes nos 1 et 2 sont les plus marqués par le marché scolaire dans lequel ils sont inclus, et c’est cette position qui rend compte de leurs « effets » sur les parcours des élèves. Ils sont en quelque sorte étroitement dépendants de la nature de leur public, des filières qu’ils proposent et de leur réputation « bonne » ou « mauvaise ». Les lycées du groupe n° 3 illustrent en revanche les marges d’actions qui existent lorsque les établissements sont moins marqués par un marché scolaire. Se déploient alors des capacités d’action collective et des choix qui s’inscrivent dans des logiques propres à l’établissement. Il nous reste à donner à cette interprétation un contenu plus explicite et une forme plus systématique.

Tableau II. – Caractéristiques et structure de dix-huit lycées aquitains

Lycées

Valeur ajoutée recalculée
2de =>bac

% d’élèves défavorisés

% d’élèves à l’heure ou en avance

% de professeurs agrégés

Structure de l’établissement

% d’élèves en filière générale

% d’élèves en filière technologique

% d’élèves en post-bac

Groupe 1 : Recrutement populaire et conduisent le plus grand nombre au bac

Lycée 1

– 5

19,7

68,1

22,4

100,0

0

0

Lycée 2

+ 2

17,6

52,3

24,6

45,8

33,8

20,7 (BTS)

Lycée 11

+ 14

40,8

26,6

24,4

15,3

46,6

38,1 (BTS)

Lycée 12

+ 5

17,5

62,8

25,0

79,2

20,8

0

Lycée 13

+ 21

39,9

30,8

23,0

35,0

39,0

26,9 (BTS)

Lycée 14

+ 13

36,1

52,4

29,0

75,0

19,8

5,2 (BTS)

Groupe 2 : Recrutement aisé et forment l’élite

Lycée 3

– 9

8,1

74,0

42,1

75,8

0

24,1 (CPGE)

Lycée 6

– 7

7,5

72,0

31,0

92,2

5,3

2,5 (BTS)

Lycée 16

– 14

14,7

75,2

50,0

45,0

0

55,0 (CPGE)

Groupe 3 : Se démarquent des marchés scolaires

Lycée 4

+ 10

36,3

57,5

25,0

75,3

17,5

7,2 (BTS)

Lycée 5

+ 9

24,6

59,6

22,0

50,3

34,9

14,8 (BTS)

Lycée 7

+ 3

21,8

44,8

NC

53,8

32,7

13,5 (BTS)

Lycée 8

– 11

6,7

72,9

NC

100,0

0

0

Lycée 9

+ 6

7,7

73,4

NC

82,2

9,3

8,5 (BTS)

Lycée 15

– 10

10,8

36,8

NC

100,0

0

0

Lycée 17

0

12,2

67,9

37,6

100,0

0

0

Lycée 18

+ 5

38,5

60,0

16,5

76,5

17,7

5,8 (BTS)

Groupe 4 : Atypique

Lycée 10

0

15,9

64,7

32,7

81,2

11,3

8,5 (BTS)

Position sur le marché scolaire et stratégie collective

32On peut ainsi, à partir de ces résultats, construire un modèle interprétatif des effets d’établissement qui rend compte à la fois des facteurs internes (la nature du public et la structure de l’établissement) et externes (l’influence des marchés scolaires) dans leurs interactions et dans leurs effets sur les stratégies et les politiques d’établissement. Ce modèle interprétatif est présenté sous forme de schéma. Il s’agit ici de « styliser » des pratiques et des relations entre éléments pour comprendre les processus de construction des effets d’établissement.

33Il y a au moins deux manières de produire un « effet d’établissement ». La première consiste à attirer les meilleurs élèves en profitant d’une position favorable sur un marché scolaire local, d’une sorte de « rente de situation ». Mais celle-ci peut s’avérer « négative » car les lycées en position défavorable se retrouvent avec des élèves scolairement bien plus faibles que l’attendu. Et dans ce cas, il devient encore plus difficile et plus complexe pour eux de produire une quelconque « valeur ajoutée » positive. De ce point de vue, il faut souligner que la place de l’établissement sur le marché scolaire dépend notamment de sa position spatiale et de la composition sociale du public de son secteur, mais aussi, et de façon nette pour les lycées, de la structure de l’établissement et des filières qu’il propose. Ainsi une des dimensions importante des politiques d’établissements peut être, plus que de susciter une mobilisation des enseignants, d’infléchir la position du lycée dont on a la charge dans la division du travail qui s’opère entre établissements, en le spécialisant ou au contraire en renforçant une diversification de ses filières. La deuxième façon de produire de la « valeur ajoutée » consiste bien à mobiliser les équipes enseignantes autour de la réussite des élèves (Cousin, 1998). Cette mobilisation et ses conditions restent encore un objet en cours d’étude pour la sociologie de l’école, et l’on comprend mieux aujourd’hui pourquoi. Certains lycées (mais l’on peut étendre cette idée aux collèges) ont des taux de réussite plus importants que l’attendu tout en ayant un niveau de « mobilisation » faible car ils attirent des élèves scolairement meilleurs et plus investis dans les études que ne le laisse croire la composition en fonction de l’âge et de l’origine sociale de leur public. En effet, le plus sûr moyen d’arriver en tête d’une course est probablement de partir avant les autres, c’est-à-dire d’avoir dès le départ de bons élèves ! De même, des équipes enseignantes soudées et mobilisées peuvent n’avoir que des résultats assez faibles en termes de réussite de leurs élèves simplement parce qu’ils partent avec un handicap qui n’est pas identifié comme tel. De plus, les effets des marchés scolaires ne renvoient pas simplement à des inégalités de composition du public des établissements. Car les effets agrégés du niveau scolaire des élèves dans une classe comme dans un établissement sont considérables, au sens où le school mix d’un lycée a des conséquences sur la progression des élèves et leur chance de réussite (Duru-Bellat, 2002). Il y a donc un effet d’interaction qui fait que le lien entre le niveau scolaire de départ des élèves et leurs chances de réussite n’est pas linéaire. Les effets d’interaction interviennent pour renforcer les inégalités scolaires. Plus simplement, un élève moyen progressera mieux dans une classe homogène de niveau élevé ou dans une classe hétérogène que s’il n’étudie qu’avec des élèves majoritairement faibles.

Les effets lycées : contraintes du marché scolaires et stratégies collectives

Les effets lycées : contraintes du marché scolaires et stratégies collectives

34Les contraintes du marché et du public des lycées ne constituent qu’une toile de fond que les acteurs interprètent en fonction des normes d’établissement et de la nature de l’action collective qui y prévaut. La définition des objectifs n’est donc pas la simple résultante des contraintes externes, elle procède aussi des choix collectifs impulsés par les proviseurs. Toutefois, pour qui sait la façon dont fonctionnent les nominations à ces postes clés de l’enseignement secondaire, les proviseurs ne sont jamais choisis au hasard et la continuité est souvent le maître mot des politiques académiques en la matière. En d’autres mots, c’est souvent l’histoire et la réputation d’un lycée qui déterminent le choix d’un proviseur plutôt que le proviseur lui-même qui détermine la politique de son établissement. Les lycées les plus réputés, par la nature de leur public, leurs classes préparatoires ou encore l’ancienneté de leur histoire, sont confiés aux proviseurs dont la carrière et le parcours est en adéquation avec les missions de formation des élites qu’ils auront à mettre en œuvre. D’autant plus que certains lycées sont aujourd’hui de véritables établissements d’enseignement supérieur, tant la proportion d’élèves en classes préparatoires est importante dans l’effectif total. De façon symétrique, les proviseurs des lycées les plus modestes et les moins recherchés auront à accomplir des missions tout autres : susciter l’adhésion des plus faibles, inventer des « ruses » pédagogiques pour subvertir les déterminants les plus forts de la reproduction sociale et scolaire. Peut-on penser que le choix des hommes puisse être indépendant des missions qu’ils auront à accomplir ? Sauf à penser que l’incohérence et le chaos règnent dans la gestion de l’enseignement secondaire, il apparaît comme « naturel » (au sens de « spontané ») de placer la personne adéquate pour mettre en œuvre une politique dont le sens est en grande partie donné par la place de chaque lycée dans l’ensemble de l’offre de formation secondaire dans un espace donné.

35Certains objectifs ne suscitent, voire ne nécessitent, qu’une mobilisation collective faible. C’est très souvent le cas des lycées « d’élite » dans lesquels la compétition scolaire ne produit que peu de cohésion entre élèves et entre enseignants : l’essentiel du travail se fait au niveau de la classe où l’efficacité est le maître mot. La mobilisation sur la réussite des meilleurs est donc centrée sur la classe car c’est là que se joue l’essentiel. Dans ce cadre, on n’observe que peu « d’action collective », les enseignants sont souvent des individus dont la mission essentielle est de « faire travailler » les élèves, les « booster » dans le jeu complexe de la compétition scolaire. Il y a donc bien dans ce cas une « politique d’établissement », inscrite dans les caractéristiques même du lycée, sans pour autant que l’on y trouve une « mobilisation collective ». En revanche gérer la « réussite de tous », c’est-à-dire y compris des plus faibles, implique une mobilisation collective car il s’agit d’aller contre les mécanismes les plus huilés des inégalités scolaires. Un « accord » entre les membres des équipes est nécessaire pour construire des normes alternatives et déjouer le piège scolaire que décrivait Jean-Michel Berthelot (1983). L’intensité et la nature de la « mobilisation collective » s’expliquent donc ici par les nécessités liées à la nature du public et aux missions qui en découlent.

Conclusion

36Nous sommes partis d’une réflexion critique sur la sociologie des effets d’établissement en arguant que si les faits sont établis (les phénomènes scolaires se conjuguent en fonction du contexte créé par l’établissement), leur interprétation garde un caractère incertain et flou. Notre propos a été de montrer que les théories de la mobilisation sous-estiment, voire ignorent, l’environnement des lycées et des collèges constitué par les marchés scolaires. Cela explique le lien souvent très relâché que l’on observe entre d’une part la mobilisation des équipes et d’autres part la réussite des élèves. Dès lors que l’on complexifie le modèle, il apparaît que la nature du public, l’offre de formation proposée par les établissements et la position sur les marchés scolaires définissent un cadre qui structure fortement la nature des parcours scolaires des élèves, les taux de réussite ou d’échec. Et c’est seulement à l’intérieur de ce cadre que l’on peut penser les effets d’établissement. Cela ne signifie nullement qu’aucune marge de manœuvre n’est possible. Mais seulement que dans beaucoup de cas (les groupes nos 1 et 2 présentés au tableau II), cette marge est si faible que l’on peut douter de son existence. En revanche dans d’autres cas (le groupe n° 3 du tableau II), les contraintes sont plus souples, et les marges de manœuvre réelles, pour produire plus ou moins de réussite.

37Cette recherche appelle une autre remarque. Nous avons raisonné sur des lycées et nos résultats montrent que le monde des lycées d’aujourd’hui est très fortement différencié en fonction des établissements. Il n’y a pas un mais des lycées avec chacun des spécificités, des histoires et des profils différents. S’agit-il simplement d’un effet de perspective qui donnerait à voir des différences en fonction de l’outil de mesure utilisé et de son degré de précision ? Au regard de nos résultats, il est clair qu’il n’en est rien. Car se dessinent des univers où les fonctions de l’enseignement, les buts fixés et les objectifs à atteindre sont très différenciés. Si le monde des lycées est fragmenté et si les politiques d’établissement sont dépendantes d’effets de structure, c’est que le marché scolaire a d’autres impacts sur les lycées que la simple différenciation sociale et scolaire de leur public. Cela produit une spécialisation des établissements. Chacun occupant ainsi un segment particulier de ce marché, ce qui postule des missions différentes. Ainsi, certains lycées sont dévolus à la formation des élites, d’autres à des tâches de démocratisation de l’enseignement ou encore de professionnalisation des élèves. Cette différenciation est si forte qu’il est douteux que ces établissements soient comparables en fonction d’un seul et même critère « d’efficacité ». On ne peut de ce fait concevoir les effets d’établissement de manière unidimensionnelle car l’on réduirait ainsi la réalité des établissements de façon artificielle. Plus que des « bons » et des « moins bons », ce sont des figures de l’efficacité des lycées qui apparaissent, en relation avec les marchés scolaires localisés et la nature des publics scolarisés et des missions qu’ils ont à remplir.

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Bibliographie

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Annexe

  

Annexe : quelques résultats du questionnaire

Le lecteur trouvera ci-dessous le tableau récapitulant les scores obtenus par chaque établissement de notre échantillon. Ces scores varient de façon significative entre établissement, traduisant des ambiances et des mobilisations différentes, mais ne semblent pas, comme nous l’avons souligné, corrélé de façon forte avec la valeur ajoutée de ces établissements.

Tableau I. – Réponse des enseignants des dix-huit lycées en fonction de quelques scores

Score pédagogie classique

Score difficultés d’enseigner

Score plaisir travail

Score satisfaction établissement

Score ambiance

Score Jugement positif sur les élèves

Score rôle de la direction

Score travail en commun

Lycée 1

3,88

3,24

5,47

3,06

5,65

5,35

2,82

2,00

Lycée 2

4,00

3,81

5,39

2,74

4,48

3,61

4,61

1,58

Lycée 3

4,43

4,17

4,93

3,8

4,2

6,53

5,83

1,33

Lycée 4

4,04

3,98

5,15

3,52

5,79

4,06

10,15

1,81

Lycée 5

4,04

4,04

5,22

3,78

5,15

4,41

6,96

1,81

Lycée 6

3,89

4,00

5,46

4,21

5,18

6,71

5,68

1,71

Lycée 7

3,00

3,58

5,03

4,39

5,21

5,94

9,79

1,58

Lycée 8

3,00

2,95

6,30

4,40

5,45

5,95

7,90

1,75

Lycée 9

2,88

3,92

5,42

4,79

5,83

7,42

10,46

2,00

Lycée 10

3,97

4,03

5,37

4,20

4,73

5,27

6,07

1,73

Lycée 11

3,27

4,14

5,24

1,89

4,43

3,65

4,49

1,57

Lycée 12

4,25

4,13

5,33

2,79

4,25

5,08

6,63

1,50

Lycée 13

3,56

4,44

5,31

1,69

4,16

3,97

4,91

1,47

Lycée 14

4,00

4,12

4,95

1,71

3,80

3,83

4,41

1,49

Lycée 15

3,29

3,43

5,57

3,62

4,52

5,62

9,33

1,52

Lycée 16

4,08

4,42

4,46

3,08

4,85

7,42

8,35

1,38

Lycée 17

3,73

4,65

5,58

3,31

4,31

6,58

10,15

1,19

Lycée 18

4,12

4,65

5,35

2,47

4,06

4,94

5,71

1,18

Ensemble

3,76

4,01

5,27

3,24

4,77

5,19

6,94

1,59

Test de la moyenne : une case est en caractère gras lorsque la moyenne correspondante est significativement différente de la moyenne de la variable (p <.05)

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Notes

1 La recherche a été financée par la Direction de l’évaluation et de la prospective (DEP) du ministère de l’Éducation nationale et le Commissariat général au plan. Nous remercions Françoise Œuvrard pour son soutien lors de la réalisation de l’enquête.

2 On trouvera l’ensemble des informations sur Internet à l’adresse : <http ://indicateurs.education.gouv.fr> (consulté le 24 avril 2007).

3 Tous les éléments empiriques, la nature des données et les modes de calcul ont été publiés dans l’article de G. Felouzis (2005).

4 Il s’agit de la valeur ajoutée recalculée sur les taux d’accès de la seconde au bac.

5 On trouvera en annexe un tableau donnant les différents scores en fonction de l’établissement.

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Table des illustrations

Titre Les effets lycées : contraintes du marché scolaires et stratégies collectives
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfp/docannexe/image/1133/img-1.png
Fichier image/png, 108k
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Pour citer cet article

Référence papier

Georges Felouzis et Joëlle Perroton, « Repenser les effets d’établissement : marchés scolaires et mobilisation »Revue française de pédagogie, 159 | 2007, 103-118.

Référence électronique

Georges Felouzis et Joëlle Perroton, « Repenser les effets d’établissement : marchés scolaires et mobilisation »Revue française de pédagogie [En ligne], 159 | avril-juin 2007, mis en ligne le 01 avril 2011, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfp/1133 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfp.1133

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Auteurs

Georges Felouzis

georges.felouzis@free.fr
Université Victor Ségalen - Bordeaux 2
Laboratoire d’analyse des problèmes sociaux et de l’action collective (Lapsac)

Articles du même auteur

Joëlle Perroton

joelle.perroton@lapsac.u-bordeaux2.fr
Université Victor Ségalen-Bordeaux 2
Laboratoire d’analyse des problèmes sociaux et de l’action collective (Lapsac)

Articles du même auteur

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Droits d’auteur

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