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Note de synthèse

Genre et cursus scientifiques : un état des lieux

Gender and science education: An appraisal
Marianne Blanchard
p. 109-143

Résumés

Cette note de synthèse présente les recherches, conduites au cours des trente dernières années, relatives à la place respective des filles/femmes et des garçons/hommes dans les cursus scientifiques. Le corpus intègre 140 publications, en sociologie, sciences de l’éducation, psychologie sociale, histoire et économie. La première partie interroge les enjeux – scientifiques et sociaux – associés à cette thématique. La partie suivante analyse les attitudes des élèves/étudiant.es face aux sciences. La troisième partie présente la façon dont se façonnent ces attitudes différenciées face aux sciences. Elle analyse également les travaux qui considèrent les sciences comme une construction sociale fondamentalement genrée. Enfin, un dernier temps expose des pistes de recherches moins explorées.

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Texte intégral

Introduction

1Si les étudiantes sont aujourd’hui en France plus nombreuses que les étudiants (55 % des effectifs), elles restent sous-représentées dans les formations scientifiques et technologiques (40 %)1. Plus précisément, tandis que certains domaines se sont largement féminisés au cours des dernières décennies, à l’instar de la biologie, de la médecine2 ou des études vétérinaires3, d’autres, comme l’ingénierie4 ou la physique restent des bastions masculins. Ce constat d’une moindre présence féminine dans certains secteurs des sciences et technologies est partagé dans l’ensemble des 35 pays membres de l’OCDE : en 2013, les femmes représentaient en moyenne 58 % des 6 millions d’étudiant.es ayant obtenu un diplôme de premier cycle dans l’enseignement supérieur (bachelor’s degree) dans ces pays, mais seulement 31 % des titulaires d’un titre en sciences et sciences de l’ingénieur5. À l’inverse, elles constituaient 64 % des diplômé.es en éducation, dans le domaine des humanités et sciences sociales.

2Cette sous-représentation des filles et des femmes dans certains domaines scientifiques a donné lieu à une importante littérature, ayant connu un « développement exponentiel » (Le Feuvre, 2013, p. 419) depuis le début des années 1980, et ce tout particulièrement aux États-Unis et en Grande-Bretagne (Terlon, 1985). La question a suscité un intérêt plus tardif en France et dans les pays francophones : hormis les travaux pionniers de Geneviève de Peslouan (1974), les premières publications consacrées aux filles et femmes dans les études et professions scientifiques datent du milieu des années 1980 (Terlon, 1985 ; Marry, 1989 ; Desplats, 1989), et ont depuis connu un essor certes important, mais sans commune mesure avec la littérature anglo-saxonne.

3Devant l’impossibilité de rendre compte dans une seule note de synthèse de cette multitude de travaux sur les filles et femmes dans les sciences, un triple choix a été fait. Premièrement, ne retenir que les recherches interrogeant les rapports entre sciences et genre durant la période de formation (de la petite enfance à l’enseignement supérieur) en laissant de côté les questions d’insertions et de carrières professionnelles. Bien évidemment, cette coupure avec les travaux consacrés à la carrière professionnelle et la situation d’emploi n’est pas toujours très nette : qu’il s’agisse d’interroger la formation des scientifiques, l’entrée sur le marché du travail des jeunes diplomé.es ou encore les représentations des débouchés professionnels des élèves/étudiant.es, les chevauchements sont nombreux.

  • 6 Traduction de l’auteure de l’article. Sauf mention contraire, les citations des articles en anglai (...)

4Deuxièmement, c’est en tant que sociologue que je me suis intéressée à ces questions, ce qui m’a conduite à consulter prioritairement les travaux relevant de cette discipline. Cette note de synthèse accorde toutefois une large place à des publications relevant d’autres champs, notamment les sciences de l’éducation et la psychologie. De fait, la thématique des filles et femmes dans les filières scientifiques a donné lieu à une littérature plus fournie dans ces disciplines qu’en sociologie. En outre, loin d’être strictement délimitée, la frontière entre ces champs apparaît poreuse, favorisant la circulation de certains concepts et références. La physicienne et philosophe des sciences Evelyn Fox Keller qualifie ainsi la question du genre et des sciences de « cas limite » (border case), « un domaine de discussions croisées, d’échanges et de luttes remettant en cause les frontières de ces disciplines » (1995, p. 80-81)6.

5Troisièmement, cette note considère en priorité les publications datant des trente dernières années (1990-2020). Ceci permet tout à la fois d’intégrer la majeure partie des travaux francophones sur la question, et d’avoir assez de recul pour appréhender certaines évolutions – aussi bien dans les approches théoriques que dans les données empiriques.

6Ces trois partis pris ont guidé les premières étapes de la formation du corpus étudié ici. Travaillant sur ces thématiques, j’avais déjà identifié des auteurs et écrits constituant des références sur ces questions. Je suis donc dans un premier temps partie de ces sources et de leurs références bibliographiques. Dans un deuxième temps, j’ai plus systématiquement procédé à un relevé – dans les bases de données Cairn et Jstor ainsi que sur le moteur de recherche Google Scholar – des articles et publications ayant un lien avec les mots-clés (en français puis en anglais) « femmes » et/ou « filles » et/ou « genre » et « sciences » et/ou « mathématiques » et/ou « STEM » et « éducation » et/ou « école » et/ou « études ». Sur l’important corpus ainsi constitué, regroupant près de 300 textes, un peu moins de la moitié – soit 140 – ont été retenus pour cette note. Outre la volonté d’équilibrer les travaux francophones et anglo-saxons et de veiller à la qualité des supports de publication, les textes ont été choisis afin d’illustrer un ensemble de thématiques. Pour chacune d’entre elles, il s’agissait de donner à voir à la fois les résultats les plus consensuels, voire « classiques » – comme ceux sur le poids des stéréotypes – mais aussi des débats, par exemple ceux autour de la question de l’anticipation de la conciliation famille/travail.

7Ces thématiques ont par ailleurs été organisées autour de deux types de perspectives : celles centrées sur les élèves/étudiant.es (dispositions, attitudes, aspirations, etc.) et celles analysant leur environnement au sens large (famille, pairs, environnement scolaire, etc.).

8Cette distinction constitue la ligne directrice du présent texte, à partir de laquelle sont structurées les deuxième et troisième parties. Tout en mettant en avant les travaux sur les rapports aux savoirs scientifiques, les aspirations et les identités, il s’agissait d’insister sur la construction sociale de ces différentes composantes individuelles. En outre, un des enjeux était de souligner un tournant caractéristique des travaux des dernières décennies, à savoir le passage d’analyses centrées sur les femmes et les filles et mettant l’accent sur des « déficiences spécifiquement féminines » (Le Feuvre, 2017, p. 211) pour expliquer leur moindre présence dans les études scientifiques, à des travaux interrogeant les contextes de formation et les environnements scientifiques.

9La deuxième partie de cette note donne ainsi à voir les travaux analysant les attitudes différenciées des élèves/étudiant.es face aux sciences, tandis que la partie suivante permet non seulement de resituer ces différences dans leurs contextes de production et/ou d’activation mais aussi de montrer que la façon dont s’enseignent et se pratiquent les sciences participe de la moindre présence féminine.

10Encadrant ces deux parties centrales, la première partie interroge les enjeux – scientifiques et sociaux – associés à cette thématique, tandis que la quatrième partie expose des pistes de recherches moins explorées. Le corpus présenté ici n’a rien d’exhaustif et les choix faits reflètent nécessairement une certaine subjectivité, néanmoins je me suis efforcée autant que possible de donner à voir un aperçu diversifié des principaux savoirs et débats.

11L’abondance des travaux anglophones – et particulièrement étatsuniens – publiés sur le sujet explique la place qu’ils occupent dans cette note de synthèse (environ deux tiers). Comme le rappellent A. Christin et E. Ollion (2012), la sociologie aux États-Unis s’organise aujourd’hui autour d’un régime épistémologique dominant où l’objectif est de mettre en évidence et d’expliquer un phénomène unique, en s’appuyant généralement sur des travaux quantitatifs et l’usage de régressions. Par conséquent, ce type d’approche « écrase » ici les perspectives plus qualitatives, sans que cela résulte d’un parti pris de ma part.

« Genre et cursus scientifiques » : quelle(s) problématique(s) pour quel(s) enjeu(x) ?

12Au cours des trente dernières années, la production académique sur le positionnement des filles – et des garçons, nous y reviendrons – vis-à-vis des études scientifiques a été très riche, avec des évolutions notables. C’est pourquoi il semble pertinent, en préambule de cette note, de revenir sur la façon dont ces questions ont été problématisées, et en quels termes.

De quoi parle-t-on ?

Des filles et femmes au genre

13Le corpus de recherche présenté ici concerne majoritairement le rapport des filles et des femmes aux études scientifiques. De fait, c’est d’abord à la question de la moindre représentation de ces dernières dans ces cursus que les travaux académiques ont cherché à répondre, en s’intéressant à leurs attitudes et aux facteurs les empêchant de s’orienter vers les sciences. L’apport des études de genre a toutefois permis d’élargir cette perspective. À partir des années 1990, l’essor des études sur les masculinités va de pair avec un « boy turn » (Weaver-Hightower, 2003) dans les recherches en éducation, qui s’intéressent de plus en plus aux scolarités masculines (Mac An Ghaill, 1994). Ceci donne notamment lieu à des travaux centrés plus spécifiquement sur les relations entre sciences et masculinités (Chapman, 2001). Plus généralement, un certain nombre d’auteurs appellent désormais à aborder de manière relationnelle les scolarités des filles et des garçons (Depoilly, 2014), et à penser de façon systémique les orientations différenciées, à l’instar de la psychologue Françoise Vouillot qui souligne que tout autant que la moindre orientation des filles vers les sciences, le peu d’appétence des garçons pour les filières du soin ou de l’éducation devrait poser question (2010).

Des sciences en général aux disciplines en particulier ?

14Interroger le rapport entre genre et « cursus scientifiques » implique par ailleurs de préciser ce que l’on désigne par « scientifique ». De fait, en fonction des parcours et des filières retenues, le « gender gap » observé ne sera pas le même.

  • 7 Au Québec et dans certains travaux francophones, on retrouve l’acronyme « STIM », que nous emploie (...)
  • 8 Dans les années 1990, l’acronyme SMET (science, mathematics, engineering, and technology) était ut (...)

15La plupart des travaux anglophones se réfèrent à l’acronyme STEM, pour « sciences, technology, engineering and mathematics » (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques)7, utilisé pour la première fois au début des années 2000 aux États-Unis par la Fondation nationale pour les sciences (NSF)8. Ce que recouvrent ces termes n’est pas homogène d’une recherche à l’autre. Selon le niveau de formation considéré, le champ peut varier considérablement : à l’école élémentaire, la notion de « STEM » renvoie au programme de sciences et mathématiques enseigné à tous les enfants, mais à mesure que le cursus progresse et se spécialise, elle peut désigner des options et formations distinctes, et donc renvoyer à des réalités bien différentes en termes de représentation des filles et des garçons.

  • 9 Certes, il existe des exceptions, certains auteurs parlant par exemple de « STEMM », ou « STE_M » (...)

16Il est par ailleurs intéressant de noter que l’acronyme STEM place les mathématiques à côté des autres sciences (biologie, chimie et physique), contrairement à la majorité des travaux français qui incluent les premières dans les secondes. Remarquons enfin que la majorité des travaux sur « femmes et sciences » dans l’enseignement supérieur placent hors champ les études de médecine9.

17Bien que certaines recherchent considèrent les « STEM » ou « les sciences » de manière globale sans distinguer les disciplines qui les constituent, des différences significatives existent entre elles, concernant aussi bien leurs recrutements et débouchés que l’expérience des élèves/étudiantes. Ceci appelle à des études centrées sur une seule discipline (Xie, Fang & Shauman, 2015), et ce d’autant plus que « les sciences » en général – et ce quelle qu’en soit la définition – sont des disciplines et des formations spécifiques qui apparaissent peu féminisées. L’enjeu devient alors de comprendre ce qui fait que « certaines sciences incluent les femmes, alors que d’autres font preuve d’une sous-représentation marquée de celles-ci » (Glover, 2000, p. 3).

Pourquoi est-ce une question importante ?

18La sous-représentation des femmes et des filles dans les filières scientifiques constitue une question sociale. Outre les demandes émanant des sphères politiques et économiques de former un nombre suffisant de diplômé.es dans les filières scientifiques et technologiques, le fait que les filles et les garçons n’aient pas les mêmes chances de s’orienter vers des filières scientifiques pose un problème en termes de justice sociale, dans la mesure où ces filières donnent accès à des professions prestigieuses, de pouvoir et/ou bien rémunérées (Wang, 2013 ; Xie, Fang & Shauman, 2015). Par ailleurs, le fait d’être en capacité de comprendre et participer aux débats scientifiques a pu être présenté comme une compétence nécessaire aux citoyens dans les sociétés actuelles (Archer & DeWitt, 2016). Certains acteurs considèrent en outre la féminisation des professions scientifiques et techniques – et donc a fortiori des études y conduisant – comme un moyen de favoriser la « diversité », et donc la créativité dans ces domaines (Carnevale, Smith & Melton, 2011 ; Sax, Kanny, Riggers-Piehl et al., 2015), voire supposément d’y introduire des « compétences féminines » comme l’écoute, l’intuition, la recherche du consensus, le pragmatisme, la rigueur, etc. (Epiphane, 2016, p. 163).

  • 10 Pour ne donner que quelques exemples, citons les britanniques Jan Harding, ancienne enseignante en (...)
  • 11 En France, la physicienne Claudine Hermann, très engagée dans les actions en faveur des femmes dan (...)

19Du point de vue des sciences humaines et sociales, on peut se demander pourquoi la thématique des filles/femmes et des sciences est devenue un sous-genre à part entière. Bien évidemment, l’influence des questionnements sociaux est à prendre en compte, d’autant que toute une partie de la littérature sur le sujet a été produite par des acteurs – et surtout des actrices – directement concerné.es par la question, à savoir des scientifiques s’étant par la suite formé.es aux sciences sociales10 et/ou produisant des données dans un cadre militant11. Mais au-delà des enjeux sociaux, les rapports entre genre et cursus scientifiques permettent d’aborder sous un angle particulier des questions plus générales, comme par exemple en sociologie celle des déterminants sociaux des choix scolaires (Blanchard & Cayouette-Remblière, 2011). En outre, du fait de la position particulière qu’occupent ces filières dans les systèmes éducatifs contemporains, la focalisation sur les sciences, véritables « allées du pouvoir » (Ferrand, 1994, p. 45), participe de la réflexion sur la (re)production des élites. Dans ce cadre, les britanniques Louise Archer et Jennifer DeWitt proposent d’appréhender les sciences comme « objet de distinction », à la fois dans le système éducatif et sur le marché du travail (2016, p. 5). Les sciences sont aussi source de pouvoir, en tant que productrices de « connaissances autoritaires » (Fox & Braxton, 1994, p. 374), définissant ce qui « va de soi » pour des milliards de personnes (Cozzens & Woodhouse, 1995, p. 551).

Un tuyau percé ?

20Dans la majorité des pays concernés, la sous-représentation des femmes parmi les diplômé.es de certains domaines comme les mathématiques ou les sciences de l’ingénieur ne résulte pas d’un unique palier d’orientation, mais d’une multitude de filtres, fonctionnant de l’enseignement secondaire à la fin des études supérieures. Ainsi, en France, au lycée général et technologique, les filles représentaient en 2016 53,7 % des élèves en seconde, mais seulement 16,9 % de celles et ceux suivant l’option « sciences de l’ingénieur » contre 84,8 % en « santé et social ». En première générale, elles constituaient 79,5 % des effectifs en voie littéraire (L), 60,1 % en voie économique et sociale (ES) et 46,4 % en voie scientifique (S). L’écart entre « filières féminisées » et « filières masculinisées » se creuse dans l’enseignement supérieur. En 2014-2015, 70 % des inscrit.es à l’université en Lettres et sciences humaines étaient des étudiantes contre 37 % en sciences et STAPS ou 27 % dans les écoles d’ingénieurs (MEN, MESRI, 2017).

  • 12 Beaucoup plus décentralisé qu’en France, le système d’enseignement secondaire aux États-Unis repos (...)

21Dans la littérature anglo-saxonne, ce phénomène est communément décrit comme « le problème du tuyau » (pipeline problem). Cette métaphore a été introduite au début des années 1980, popularisée aux États-Unis par un rapport rédigé par Sue E. Berryman (1983). Cette dernière décrit la mise en place d’un « vivier de scientifiques » (scientific pool) au cours de l’école élémentaire, atteignant sa taille maximum au moment de l’entrée en 3e (9th grade). Par la suite, si certain.es élèves rejoignent le flux, le nombre de celles et ceux qui le quittent est toujours supérieur, conduisant à son amoindrissement progressif jusqu’à l’entrée sur le marché du travail. Berryman observe que les filles quittent le plus souvent le tuyau juste avant l’entrée dans l’enseignement supérieur et au moment des premières années à l’université (college). S’appuyant sur des recherches datant des années 1960 et 1970, Berryman explique cette défection des filles par leur moindre préparation en mathématiques dans l’enseignement secondaire, ces dernières choisissant moins souvent que les garçons les options de mathématiques avancées12. Si ces explications ne semblent plus conformes aux observations actuelles (cf. supra), la métaphore du tuyau reste quant à elle largement utilisée. Associant à une « fuite » (leak) (Alper, 1993) la moindre orientation des filles et jeunes femmes vers les sciences que leurs camarades masculins et leur moindre persistance dans ces domaines, son principal intérêt est d’insister sur le fait que la sous-représentation des femmes dans les sciences et technologies résulte d’un processus complexe, démarrant très tôt dans les cursus, et au cours duquel de multiples effets se cumulent (Blickenstaff, 2005).

  • 13 Les filles représentaient 47 % des bachelier.ères scientifiques en 2018, contre 43 % en 1997 et 41 (...)

22Hanson, Schaub et Baker (1996) ont montré la validité de cette métaphore au-delà du seul cas des États-Unis, puisque dans les sept pays qu’ils ont étudiés, la part des filles et femmes dans les domaines scientifiques diminue à chaque étape de la scolarité. Néanmoins, ils ont également mis en avant les formes différenciées que pouvait prendre le tuyau en fonction des contextes nationaux. Outre le rythme et l’importance des « fuites », certains paliers apparaissent plus importants que d’autres selon les pays : aux États-Unis, les premières années dans l’enseignement supérieur sont considérées comme cruciales, puisque les changements dans les spécialisations y sont nombreux et relativement peu « coûteux » pour les étudiant.es (Cech, Rubineau, Silbey et al., 2011). Parmi l’ensemble des étudiant.es intégrant l’université avec le projet d’obtenir un diplôme en STIM, seuls 40 à 50 % d’entre elles et eux (selon les disciplines) l’obtiennent effectivement (Seymour, Hunter & Weston, 2019). En France, la plupart des études relatives au genre et aux cursus scientifiques portent sur l’orientation en 1re S à la fin de la seconde générale et technologique (Marro & Vouillot, 1991 ; Le Bastard-Landrier, 2005 ; Demoulin & Daniel, 2013), cette dernière apparaissant comme une « plaque d’orientation irréversible d’où vont se séparer pour toujours les cohortes des filles de celles des garçons » (Baudelot & Establet, 2006 [1992], p. 135). Cependant, à mesure que la filière S au lycée s’est féminisée13, l’entrée dans l’enseignement supérieur est apparue comme une étape de plus en plus centrale (Rossi-Neves & Rousset, 2010 ; Fontanini, 2011 ; Avenel, 2012 ; Lermusiaux, 2019). Quant aux différences sexuées dans les abandons et réorientations dans l’enseignement supérieur scientifique, elles restent encore peu explorées dans le cas français (Bodin & Millet, 2011).

23Fréquemment reprise hors du champ académique, la métaphore du tuyau a pu être critiquée pour les usages politiques qui en ont été faits, comme les dispositifs visant à « accroître le flux initial », c’est-à-dire encourager plus de jeunes filles à s’orienter vers les domaines scientifiques, sans interroger les causes – individuelles et structurelles – de leurs abandons (Hammonds & Subramaniam, 2003 ; Bystydzienski & Bird, 2006).

24Des spécialistes de la question ont en outre argué que la métaphore du tuyau induisait des biais dans la compréhension des trajectoires conduisant aux études et/ou carrières scientifiques. Ainsi, il peut être trompeur de ne considérer que les moments où les « fuites » ont effectivement lieu, alors que les causes peuvent être bien antérieures. Dans leur ouvrage Women in Science. Career Processes and Outcome (2003), les sociologues Yu Xie et Kimberlee Shauman développent une critique étoffée de cette image et en distinguent trois limites principales. Ils soulignent en premier lieu sa dimension réductrice qui ne parviendrait pas à capturer la complexité des trajectoires scolaires et professionnelles conduisant à des carrières scientifiques ; le tuyau décrit en effet une série rigide d’étapes scolaires et professionnelles, strictement ordonnées, qu’il faudrait nécessairement franchir pour envisager de travailler dans les sciences. Outre le lien direct et réducteur que cela établit entre formation et emploi, cette vision pousse à considérer tout écart à la trajectoire ainsi dessinée comme une « fuite », sans explorer ce qu’il advient de ceux et celles qui l’ont quitté. Ceci conduit à la deuxième critique : la seule façon d’avancer dans le tuyau serait de le traverser de bout en bout. Or l’étude des trajectoires conduite par Xie et Shauman montre qu’il est possible de le quitter puis d’y revenir, mais aussi d’y entrer tardivement. Leur troisième critique insiste sur le poids des « évènements de vie » (life course events), comme ceux liés à la famille, pouvant participer à modifier la temporalité et le rythme des trajectoires, en particulier pour les femmes. Ils invitent donc à abandonner la perspective du tuyau, pour se centrer sur le parcours de vie (life course perspective), prêtant attention à la diversité des parcours de formation et de carrière.

25Présentant dans leur ouvrage Understanding Young People’s Science Aspirations (2016) les résultats d’une étude longitudinale conduite sur 5 années auprès de jeunes de 10 à 14 ans, Louise Archer et Jennifer DeWitt se sont quant à elles attaquées aux implicites sous-jacents à la métaphore du tuyau, tant du point de vue de la compréhension des trajectoires que de ses effets en matière de politique éducative. En effet, en liant de façon indissociable études et carrières scientifiques, cette image implique qu’étudier les sciences ne servirait qu’à former des scientifiques. Selon elles, cela contribue à normaliser un système éducatif qui à chaque étape ne conduit que les meilleur.es et les plus brillant.es vers les sciences, au détriment d’une réflexion sur un élargissement de l’accès à l’étude de ces disciplines. Elles suggèrent d’utiliser une autre métaphore, celle des sciences comme « tremplin », permettant aux élèves d’acquérir des compétences et des savoirs leur permettant ensuite de suivre de multiples parcours, conduisant notamment, mais pas exclusivement, aux sciences.

Du côté des élèves et étudiant.es : différences sexuées d’aspirations et d’attitudes vis-à-vis des sciences

Des aptitudes aux attitudes ?

26En janvier 2005, Lawrence H. Summers, alors président de l’Université de Harvard aux États-Unis avait suggéré, lors d’une réunion du National Bureau of Economic Research, qu’il était normal que l’on retrouve moins de femmes que d’hommes dans les professions scientifiques, étant donné qu’elles étaient moins nombreuses à obtenir de bons résultats dans ces domaines. Les réactions à ces déclarations ont été vives, et ont poussé deux spécialistes de ces questions, les psychologues Stephen J. Ceci et Wendy M. Williams à solliciter les contributions, documentées et empiriques, de « top researchers » autour de la question « pourquoi n’y a-t-il pas plus de femmes en sciences ? » (2007). Introduisant un ouvrage collectif publié en 2007 et réunissant les contributions d’une vingtaine de spécialistes du sujet, Ceci et Williams suggèrent de répondre « cela dépend » à la question de savoir s’il existe des différences entre les performances cognitives des hommes et des femmes en sciences (p. 12). Cela dépend de l’âge des personnes testées, de la façon dont on les évalue, mais aussi du pays, de l’époque, etc. Parfois les différences ne sont pas significatives, parfois les hommes obtiennent de meilleurs résultats, d’autres fois ce sont les femmes. Ces variations révèlent le poids du contexte sur les performances cognitives, qui sont loin d’être innées. Les recherches en neurosciences ont par ailleurs montré que les variations intra-sexe l’emportent le plus souvent sur les différences hommes-femmes. « Le cerveau dans sa construction incorpore toutes les influences de l’environnement, de la famille, de la société, de la culture » (Benoit-Browaeys & Vidal, 2005, p. 15).

27Les tout premiers travaux s’interrogeant sur la sous-représentation des filles et des femmes dans les cursus et carrières scientifiques ont pu évoquer les moindres résultats en sciences de ces dernières par rapport à leurs camarades masculins, mais au cours des dernières décennies les filles ont, dans de nombreux pays, rattrapé les garçons, du moins jusqu’au niveau de l’enseignement secondaire (Hyde & Linn, 2006 ; Lindberg, Hyde, Petersen et al., 2010). Cette évolution ne s’est pourtant pas traduite par une féminisation significative de toutes les formations ou carrières scientifiques. Ceci rejoint le constat, formulé dès les années 1990 par plusieurs auteurs (Catsambis, 1994 ; Duru-Bellat, 2004 [1990] ; Baudelot & Establet, 2006 [1992]), selon lequel plus que des différences de résultats, ce sont les attitudes vis-à-vis des sciences et de leurs débouchés qui constituent la barrière principale à la féminisation de certaines disciplines. Des travaux plus récents conduits aux États-Unis à partir de données nationales (Riegle-Crumb, King, Grodsky et al., 2012 ; Mann & DiPrete, 2013) l’ont confirmé, en mettant en évidence le faible caractère explicatif des différences de résultats dans l’enseignement secondaire pour rendre compte du caractère genré de l’orientation vers les filières scientifiques (STIM) dans le supérieur.

28Tout un pan de la littérature concernant le genre et les sciences dans l’enseignement s’est ainsi intéressé au cours des dernières décennies à ce que, de façon large, l’on peut nommer les « attitudes » vis-à-vis des sciences (Osborne, Simon & Collins, 2003), à savoir la motivation des élèves pour ces disciplines, les sentiments qu’ils/elles éprouvent à les étudier (plaisir, anxiété), leur sentiment de compétence, l’importance qu’ils/elles accordent à leurs résultats, la perception qu’ils/elles ont de leurs enseignant.es dans ces disciplines, et enfin si elles leur apparaissent utiles pour leurs études/projets professionnels.

Sentiment de compétence et orientation sexuée

29Dans une synthèse revenant sur 40 ans de recherches sur les STIM et le « gender gap », la chercheuse en science de l’éducation Mary Allisson Kanny et ses collègues (2014) constatent que le sentiment de compétence est « de loin l’explication la plus citée pour [en] rendre compte » (p. 138-139). En effet, à capacités égales, les filles et femmes ont tendance à se sous-estimer en sciences, et notamment en mathématiques, par rapport à leurs camarades masculins. Or, ce que le psychologue A. Bandura (2003) qualifie de moindre « sentiment d’efficacité personnelle » ou « auto-efficacité » (self-efficacy) dans une ou plusieurs disciplines joue un rôle clé dans la poursuite d’études et les projets professionnels en lien avec ces disciplines. Exploitant la « National Educational Longitudinal Study », suivant un panel d’élèves de leur entrée dans le secondaire jusque dans l’enseignement supérieur, la sociologue américaine Shelly J. Correll (2001) a appréhendé l’auto-évaluation (mathematical self assessment) des élèves en mathématiques à l’aide de trois questions (« les mathématiques sont la matière où je réussis le mieux », « j’ai toujours obtenu de bons résultats en mathématiques », « j’obtiens de bonnes notes en mathématiques »). Elle a ensuite montré que plus les élèves se considéraient compétent.es en mathématiques, plus les chances qu’ils/elles poursuivent des études conduisant à des carrières dans les STIM augmentaient. Or, dans la mesure où, à niveaux scolaires équivalents, les garçons tendent à surestimer leurs compétences par rapport aux filles, ils sont par conséquent aussi plus nombreux à entamer des études dans ces domaines. Autrement dit « les garçons ne poursuivent pas des études nécessitant des mathématiques à un niveau plus élevé parce qu’ils sont meilleurs en mathématiques. Ils le font, au moins pour une part, parce qu’ils pensent qu’ils sont meilleurs » (p. 1724).

30Partant du constant que les taux de féminisation sont très différents d’une discipline scientifique à l’autre, Linda Sax et ses consœurs (2015) ont cherché à voir comment le rôle joué par le sentiment de compétence en mathématiques dans le choix d’une spécialisation en science à l’université (college) avait évolué sur 40 ans (1971-2011), en raisonnant non pas sur les « STIM » en général, mais en distinguant cinq champs disciplinaires : la biologie, l’informatique, les sciences de l’ingénieur, les mathématiques/statistiques et la physique. Conformément à ce qui était attendu, elles observent que le sentiment de compétence des étudiant.es en mathématiques est, toutes choses égales par ailleurs, une variable importante pour expliquer le choix d’une de ces disciplines. Par ailleurs, sur l’ensemble de la période considérée et quelle que soit la discipline, les hommes s’estiment plus compétents que les femmes en mathématiques. Enfin, elles montrent que l’importance du sentiment de compétence en mathématiques pour expliquer le choix d’une spécialisation a évolué au cours des quatre décennies : elle a augmenté en mathématiques, mais diminué dans les autres disciplines.

Le rôle des stéréotypes de genre

31Pour rendre compte de ces sentiments de compétence – et donc des choix d’orientation différenciés –, toute une littérature a mobilisé le concept de « stéréotype de genre ». Apparu il y a près d’un siècle, il a connu au cours des dernières décennies un succès international et interdisciplinaire. De façon assez large, il désigne les jugements et attentes en termes de traits de caractères, de compétences ou de comportements attribués aux individus en fonction du sexe qui leur est associé. En France, ce sont essentiellement – mais pas exclusivement – la psychologie sociale et les sciences de l’éducation qui l’ont mobilisé pour penser les rapports entre genre et cursus scientifiques. Dans la littérature sociologique étatsunienne, ce concept se retrouve plus fréquemment, notamment dans les approches culturalistes (Barone, 2011) qui, en intégrant les apports de la psychologie et des sciences cognitives, prêtent avant tout attention aux aspects symboliques des phénomènes sociaux et aux relations entre les représentations des individus et la façon dont ils et elles agissent (Christin & Ollion, 2012). Le point de départ de ces travaux est que les croyances relatives aux différences « naturelles » entre les filles/femmes et les garçons/hommes sont encore largement ancrées dans nos sociétés (Charles & Bradley, 2009), et qu’elles fonctionnent comme des schémas culturels à travers lesquels les individus interprètent et donnent du sens au monde social qui les entoure (Correll, 2001). Ces stéréotypes essentialistes sur le genre sont si prégnants que même les individus qui les refusent s’attendent à ce que d’autres les partagent, ce qui peut modifier leur comportement (Steele, 1997 ; Ridgeway, 2011 ; Ridgeway & Correll, 2004). En outre, ils peuvent agir de façon inconsciente.

32La force et le contenu des stéréotypes de genre sont relativement stables à travers le temps, comme l’indique une synthèse des études conduites aux États-Unis entre 1974 et 1997 (Lueptow, Garovich-Szabo & Lueptow, 2001) : les femmes sont considérées comme naturellement plus émotives, plus compétentes pour le soin (« care ») et les relations interpersonnelles, tandis que les hommes sont vus comme plus rationnels, plus objectifs et plus doués avec les choses. Ces stéréotypes prennent une forme particulière dans le contexte scolaire (Baudelot & Establet, 2006 [1992] ; Blanchard, Orange & Pierrel, 2017), où les filles sont plus souvent décrites comme sérieuses, travailleuses, organisées, et les garçons comme plus actifs, rationnels ou encore brillants. En particulier, de nombreuses études montrent la force du stéréotype considérant que les garçons sont plus doués dans les domaines scientifiques. Ce stéréotype est particulièrement prégnant pour les mathématiques : les filles seraient naturellement moins brillantes que leurs camarades masculins, et si certaines d’entre elles réussissent, cela serait surtout lié aux efforts fournis plutôt qu’à des compétences innées (Fennema, Peterson, Carpenter et al., 1990 ; Furnham, Reeves & Budhani, 2002).

33Ces stéréotypes permettent de rendre compte des sentiments de compétences différenciées en fonction des sexes et des disciplines : comme le rappelle Correll (2001), lorsqu’il s’agit des compétences verbales, les femmes s’évaluent plus positivement que les hommes, et ce à niveau contrôlé. Autrement dit, les croyances culturelles et les stéréotypes associant un sexe à une discipline ont un impact sur la façon dont les étudiant.es s’auto-évaluent. Correll montre également que lorsqu’ils construisent leur rapport aux mathématiques, les hommes sont moins sensibles aux résultats scolaires que les femmes, puisque du fait des stéréotypes sociaux, ils ont d’emblée une plus grande confiance en eux.

L’hypothèse des avantages comparatifs

34Si les écarts de résultats entre filles et garçons en sciences, et particulièrement en mathématiques, apparaissent aujourd’hui réduits et donc faiblement explicatifs des orientations différenciées des unes et des autres, des études ont élargi la perspective en intégrant les résultats dans les disciplines plus littéraires, où les filles dominent encore largement leurs camarades masculins et obtiennent de meilleurs résultats que dans les disciplines scientifiques.

  • 14 Dans un contexte de libre échange, chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la production du bi (...)

35S’inspirant de la théorie des avantages comparatifs en économie14, Jonsson (1999) a ainsi formulé l’hypothèse selon laquelle les filles s’orienteraient tout simplement vers les champs disciplinaires où elles ont les meilleurs résultats, afin de maximiser leurs chances de réussite. Réciproquement, les garçons se spécialiseraient là où ils sont relativement meilleurs, c’est-à-dire dans le domaine des sciences. Les données empiriques mobilisées pour tester cette hypothèse portent sur un large échantillon d’élèves (environ 120 000) scolarisés en Suède, âgé.es de 15-16 ans, c’est-à-dire au moment où se font les principaux choix de spécialisation. Or, si le modèle explicatif fonctionne bien sur les données agrégées, c’est-à-dire en comparant globalement les orientations sexuées en fonction des résultats relatifs, au niveau micro il apparaît faible : filles et garçons avec les mêmes profils en termes de résultats font des choix différents, et conformes aux stéréotypes de genre.

36Plus récemment, les économistes Thomas Breda et Clotilde Napp (2019) ont pourtant validé cette hypothèse, à partir des données de l’enquête PISA (Programme for International Student Assessment) conduite par l’OCDE auprès des jeunes de 15 ans dans 64 pays. Ils montrent que les filles ayant de bons résultats en mathématiques ont largement plus de chance que les garçons d’être encore meilleures en lecture, ce qui leur donne un avantage comparatif dans les disciplines littéraires plutôt que dans celles liées aux mathématiques. Ceci expliquerait selon eux près de 80 % du gender gap dans les projets de poursuivre des études ou une carrière en relation avec les mathématiques.

37Cette hypothèse intéressante soulève pourtant deux questions : Breda et Napp rappellent eux-mêmes que dans d’autres contextes historiques et nationaux, à savoir la Suède dans les années 1990 (Jonsson, 1999) et les États-Unis dans les années 2000, elle a été invalidée empiriquement, ce qui invite à relativiser la portée, au moins temporelle, de cette explication. Par ailleurs, si l’orientation des filles vers les filières littéraires peut se lire comme un choix rationnel, puisque c’est là où elles obtiennent les meilleurs résultats, les diplômes dans ces domaines sont en général moins « rentables » que ceux dans le domaine des sciences, ce qui rend ce choix beaucoup moins rationnel à moyen et long termes (Barone, 2011). Ce constat nécessite de mobiliser d’autres facteurs explicatifs, et notamment le poids des stéréotypes de genre.

Une question de goût ?

38Y. Xie et ses collègues (2015) indiquent que depuis une quinzaine d’années un nombre croissant de travaux ont montré qu’à côté des facteurs liés à la compétence ou au sentiment de compétence, l’intérêt pour les sciences et les mathématiques jouait un rôle de première importance dans les différences sexuées de cursus. À partir d’une étude récente conduite auprès de lycéens de seconde générale et technologique et de terminale S dans 97 lycées d’Île-de-France, des économistes concluent qu’avec la confiance en soi en mathématiques, le « goût déclaré pour les sciences » permettait d’expliquer une part importante des écarts d’orientation vers les sciences en fonction du genre (Breda, Grenet, Monnet et al., 2018). Autrement dit, ce serait aussi parce que les jeunes filles aiment moins les sciences que leurs camarades masculins qu’elles leur préféreraient d’autres filières. Bien évidemment, loin d’être des « dons de la nature », ces goûts sont les « produits de l’éducation » (Bourdieu, 1979, p. 65) et socialement construits (voir la troisième partie).

39Si le manque de goût participe d’une moindre orientation des jeunes femmes vers les domaines scientifiques, celles qui au contraire font ce choix se caractérisent par un intérêt intrinsèque marqué pour ces disciplines, c’est-à-dire lié au plaisir de les étudier pour elles-mêmes (Kalali, 2019). À partir d’entretiens conduits auprès de normaliennes et normaliens scientifiques, et plus particulièrement étudiant la physique, M. Ferrand et F. Imbert (1994) avaient déjà souligné que l’intérêt pour cette discipline semblait avoir joué un rôle décisif dans l’orientation des premières vers une classe préparatoire, alors que d’autres facteurs extrinsèques (comme le prestige de la formation) entraient en compte pour les seconds.

Aspirations professionnelles

40Outre le rapport aux disciplines scientifiques en tant que telles, les projets professionnels et plus largement les aspirations des élèves et étudiant.es entrent en compte dans la construction de leurs orientations. Or, projets et aspirations apparaissent très fortement différenciés en fonction du sexe, et ce de façon relativement stable dans le temps et selon les pays étudiés (Mosconi & Stevanovic, 2007).

  • 15 Voir par exemple le Bulletin officiel du ministère de l’Éducation nationale du 1er juillet 2015, d (...)
  • 16 Comme le rappelle A. Allouch (2016), cette notion a notamment été utilisée dans la théorie boudoni (...)

41Le terme de « projet » recoupe le vocabulaire en vigueur dans l’institution scolaire, du moins dans le cadre français15, et permet d’appréhender à la fois des objectifs professionnels (par exemple le souhait d’exercer un métier) et/ou scolaires (concernant un domaine d’études envisagé, ou un niveau de diplôme). Le terme d’« aspiration », souvent mobilisé comme synonyme d’ambition personnelle (Allouch, 2016), est plus large et peut renvoyer aussi bien à des attentes vagues, incertaines, relevant d’une certaine forme d’onirisme qu’à des plans beaucoup plus détaillés et réalistes (Brannen & Nilsen, 2007). Comme le rappellent L. Archer et J. DeWitt (2016), si les aspirations des jeunes ne prédéterminent en rien leur futur, elles offrent néanmoins une bonne approximation des trajectoires qu’ils et elles seront amené.es à suivre. S’opposant à une lecture trop individualiste de cette notion16, les deux chercheuses insistent par ailleurs sur le fait que les aspirations ne sont pas seulement des vues personnelles, mais des phénomènes construits socialement : « les options futures qu’un.e jeune peut envisager comme possible (ou impossible) et désirable (ou indésirable) “pour soi” sont influencées par ses expériences : son milieu d’origine, la façon dont il/elle a été élevé.e, et la façon dont il/elle se représente qui il/elle est » (p. 6-7).

42Une importante littérature hexagonale s’est intéressée aux projets professionnels des élèves, mettant en évidence le fait que filles et garçons n’envisagent pas les mêmes champs d’activité. À partir d’une enquête réalisée auprès de lycéen.nes dans des classes d’enseignement général et technologique, Nathalie Bosse et Christine Guégnard (2007) constatent que les préférences des lycéennes vont principalement vers l’enseignement, puis les professions médicales et sociales, tandis que leurs camarades masculins envisagent plutôt de devenir ingénieur, informaticien ou professeur. En outre, même lorsqu’ils/elles sont engagé.es dans le même type de cursus, notamment scientifique, les projets des élèves restent fortement différenciés en fonction du sexe : Cendrine Marro (1989) a montré que les filles envisageant une 1re S étaient plus attirées par les professions de la santé que leurs camarades masculins, ce qui est confirmé auprès d’un échantillon d’élèves de terminale S par Céline Avenel (2011). De même, dans les classes préparatoires Math-Physique et Physique-Chimie, l’informatique, la mécanique, l’électronique, l’optique ou encore la construction automobile attirent davantage les garçons. En revanche, la chimie, l’écologie ou les secteurs santé/pharmacie/cosmétique sont plus souvent cités par les filles (Blanchard, Orange & Pierrel, 2016).

43Ces différences peuvent se lire comme un reflet des divisions qui existent effectivement sur le marché du travail. De fait, les femmes sont plus souvent cantonnées à certains métiers plus orientés vers le soin, demandant un travail émotionnel et des capacités relationnelles qui sont traditionnellement considérés comme « féminins ». Les sociologues américains Maria Charles et David Grusky parlent à ce titre de « ghetto professionnel pour les cols roses » (pink scholar occupational ghettos) (2004).

44Inversement, les professions que l’on peut qualifier de « scientifiques » restent pour une majorité d’entre elles des bastions masculins. En France, les femmes représentent ainsi 22 % des ingénieurs (Observatoire des femmes ingénieurs, 2016), et dans le secteur de la recherche elles sont sous-représentées dans certaines disciplines : au CNRS, les chercheuses en mathématiques ne représentent que 18 % des effectifs et cette proportion s’élève à 21 % en physique (CNRS, 2018).

45Ce marché du travail ségrégué peut influer sur l’espace des possibles tel que se le représentent les élèves et étudiant.es, à travers différents mécanismes. Suivant la théorie de l’action rationnelle, où l’orientation est conçue comme résultant d’un calcul pour maximiser l’utilité individuelle, le fait d’être minoritaire dans une filière d’études puis professionnelle peut être considéré comme un coût (Jonsson, 1999), et donc détourner les filles de filières trop masculines, et réciproquement. Dans un cadre d’analyse plus large, la répartition sexuée des métiers est pensée comme influant sur les représentations que s’en font les jeunes, leur faisant considérer qu’il existe des métiers masculins et d’autres féminins. Les lycéen.nes interrogé.es par Bosse et Guégnard (2007) indiquent ainsi que sage-femme, secrétaire ou esthéticienne sont des métiers de femmes, tandis que maçon, routier ou mécanicien illustrent des métiers d’hommes. Le caractère masculin ou féminin d’un métier est associé à certaines compétences, elles aussi genrées, qui seraient nécessaires pour les exercer, comme la force physique pour les métiers d’hommes ou les capacités relationnelles pour ceux des femmes. Les élèves et étudiant.es développent ainsi des sentiments de compétence sexuellement différenciés en fonction des secteurs professionnels envisagés

46Aspirations et projets professionnels reflètent également des préférences et intérêts genrés pour les métiers, en lien avec leurs caractéristiques intrinsèques (plaisir, satisfaction que pourrait procurer leur exercice) ou extrinsèques (rémunérations financières ou symboliques attendues). Du point de vue des premières, de nombreuses études mettent en évidence le fait que les garçons/hommes s’intéressent plus à des métiers gravitant autour du monde des objets, tandis que les filles/femmes préfèrent travailler au contact d’autres personnes (Su, Rounds & Armstrong, 2009). Ceci participe à expliquer la féminisation des sciences de la vie et de la médecine, perçues comme plus aptes à « aider » ou améliorer les conditions de vie que la physique ou les mathématiques, vues comme plus abstraites.

47Concernant les caractéristiques extrinsèques des métiers envisagés, les garçons/hommes attachent plus d’importance au salaire (Fontanini, 2001 ; Bobbitt-Zeher, 2007), ce qui peut les amener à privilégier des formations jugées plus rentables sur le marché du travail, parmi lesquelles figurent nombre de formations scientifiques. Cet attrait pour le salaire refléterait les différences dans les rôles socialement attendus. En effet, les hommes sont traditionnellement considérés comme les « breadwinners », chargés de subvenir à la plus grande partie des besoins du foyer, tandis que les femmes se voient plus largement assignées aux travaux domestiques.

Conciliation famille/travail

48Plus généralement, la conciliation famille/travail et l’anticipation par les filles et jeunes femmes des contraintes liées aux charges domestiques ont été mises en avant pour justifier leurs aspirations professionnelles. En France, Marie Duru-Bellat explique ainsi les choix d’orientation des filles par le fait qu’elles confrontent leurs projets scolaires et professionnels avec les conditions anticipées d’utilisation de leurs diplômes quand elles seront adultes/mères. Formulant des choix de compromis, elles s’orientent vers des filières et emplois leur laissant du temps libre pour leur famille, adaptant ainsi leur projet professionnel au rôle social qu’elles anticipent (2004 [1990]). Plus récemment, la sociologue étatsunienne Chardie Baird (2012) a montré que, pour les femmes, il y a un lien entre le fait de penser que la famille est prioritaire par rapport au travail salarié et le fait d’envisager un métier « typiquement féminin ». Ces choix sont donc moins rationnels que liés à des représentations. Et ce d’autant que les métiers « féminins » sont loin d’être nécessairement plus flexibles et adaptés à la vie de famille que les métiers « masculins » (Glass & Camarigg, 1992), mais il suffit que les filles/femmes croient qu’ils le sont pour y accorder plus d’intérêt (Eccles, 1994).

49La pertinence de l’argument de la conciliation famille/travail pour expliquer la moindre représentation des femmes spécifiquement dans les filières scientifiques prête à discussions. Par exemple, alors que la biologie apparaît comme un des domaines de recherche scientifique les plus féminisés, Catherine Marry et Irène Jonas mettent en évidence « l’emprise temporelle et psychique du métier de chercheur en biologie et le conflit qu’elle génère, tout particulièrement chez les femmes avec le métier (et leur idéal) de mère » (2005, p. 71).

50Plus largement, interrogent Alice Mann et Thomas DiPrete (2013), comment expliquer que, contrairement à nombre de professions scientifiques, des domaines d’activités comme la médecine, le droit ou encore le management se soient féminisés, alors qu’ils sont tous extrêmement exigeants en termes de disponibilité et d’investissement ? À partir de données longitudinales, les deux sociologues montrent que les différences dans les « objectifs de vie », incluant la conciliation travail/famille, ne permettent d’expliquer qu’une très faible partie des différences dans les domaines d’études. De même, la sociologue Erin Cech (2016), spécialisée dans l’étude des inégalités d’accès aux STIM, questionne explicitement ce qu’elle appelle la « thèse des projets familiaux » (family plans thesis), c’est-à-dire la croyance selon laquelle les individus ajustent leurs projets d’orientations aux rôles familiaux anticipés. À partir d’entretiens conduits auprès d’étudiant.es de premier cycle à l’université, elle relève que ni les femmes ni les hommes ne déclarent avoir délibérément pris en compte leurs projets familiaux dans leurs choix d’orientation.

Études scientifiques et construction de l’identité

51Afin de faire le lien entre le sentiment de compétence, les goûts/intérêts et les aspirations/motivations, des travaux ont interrogé la façon dont s’articulent les identités sexuées des élèves/étudiant.es et leur potentielle « identité scientifique ».

Dessine-moi un scientifique

52Quelle(s) image(s) des scientifiques ont les plus jeunes ? Comment se les représentent-ils ? Cette question a suscité un nombre croissant de recherches depuis l’étude fondatrice des anthropologues Margaret Mead et Rhoda Métraux, publiée en 1957. Dans leur étude conduite auprès de 35 000 lycéen.nes, l’objectif des deux auteures n’était pas de savoir quelle carrière ils et elles envisageaient, mais bien de connaître leur « état d’esprit » (state of mind) vis-à-vis des sciences et de celles et ceux qui l’exercent. Les élèves devaient écrire un petit texte, à partir d’une phrase incomplète, qui pouvait être – de façon aléatoire – une des trois suivantes : 1) « Quand je pense à un scientifique, je pense à…. » ; 2) Si vous êtes un garçon, « Si j’étais un scientifique, j’aimerais être le type de scientifique qui… » / Si vous êtes une fille, « Si j’épousais un scientifique, j’aimerais épouser le type de scientifique qui… » ; 3) Si vous êtes un garçon, « Si j’étais un scientifique, je n’aimerais pas être le type de scientifique qui… » / Si vous êtes une fille, « Si je devais épouser un scientifique, je n’aimerais pas épouser le type de scientifique qui… ».

53Ces trois questions devaient permettre aux auteures de distinguer la version « officielle » de l’image du scientifique de celles impliquant personnellement les répondant.es. Elles ne justifient pas le fait de distinguer les questions adressées aux filles et aux garçons, ce qui avec le recul témoigne du caractère alors « normal » et prédominant du statut de future épouse pour les premières, mais aussi de la quasi-impossibilité qu’elles puissent s’identifier à des scientifiques.

54Les analyses des réponses montrent que le scientifique apparaît très majoritairement comme un homme portant une blouse, travaillant dans un laboratoire, relativement âgé et portant des lunettes. Parmi les traits positifs, Mead et Métraux relèvent le fait qu’il est très intelligent, voire génial, a fait de longues études, et travaille pour le bienfait de l’humanité. Il est aussi patient, dévoué, courageux. Les aspects négatifs sont plus nombreux, et particulièrement lorsqu’il s’agit de s’identifier à un scientifique ou d’imaginer en épouser un : il passe ses journées enfermé, seul, coupé du reste du monde, il n’a pas de vie sociale, il n’est jamais chez lui. En termes de différences filles/garçons, les auteures relèvent que lorsqu’ils envisagent faire des sciences, les garçons sont motivés par l’aventure, les voyages spatiaux, la vitesse, alors que les filles insistent sur l’aspect humanitaire et le sacrifice de soi.

  • 17 Ici comme dans le reste du texte, le mot race renvoie à un construit social, « un rapport de pouvo (...)

55Des études menées par la suite auprès d’étudiant.es dans le supérieur aux États-Unis obtiennent des résultats proches sur l’image du scientifique (Beardslee & O’Dowd, 1961). En 1983, David W. Chamber met en place le protocole du « Draw a scientist test » (DAST) pour interroger les représentations des enfants à travers leurs dessins. De nombreuses recherches s’inspirant de ce protocole ont été conduites au cours des dernières décennies, avec une attention accrue au genre puis à la race17 des scientifiques dessiné.es, la représentation la plus fréquente étant un homme de type européen. Effectuant une synthèse des travaux sur la question parus depuis un demi-siècle, Kevin Finson (2002) insiste sur la persistance de la perception stéréotypée du scientifique, perceptible aussi bien dans les dessins des jeunes élèves que dans ceux des adultes. Si l’image du « savant fou » semble un peu moins prégnante, le stéréotype de l’homme blanc, souvent chimiste, perdure, et ce quels que soient le sexe, la race et le pays des personnes interrogées.

56Dans sa thèse consacrée aux représentations des scientifiques chez les enfants, Marie-Odile Lafosse-Marin (2010) a cherché à mobiliser le protocole DAST, mais en souligne les limites en français. En effet, alors qu’en anglais « a scientist » désigne aussi bien un homme qu’une femme, en français « un scientifique » évoque un sujet masculin. Envisageant d’autres formulations (« dessine un ou une scientifique » ; « dessine des scientifiques »), elle a choisi finalement de poser la question « pour toi, qu’est-ce qu’un scientifique ? », qui selon elle ne suggérait pas qu’il y ait de bonne ou de mauvaise réponse. Sur 856 dessins effectués par des élèves de CE2 et CM2, elle constate que « le sexe masculin, la solitude, la blouse ou la tenue spéciale constituent quelques éléments du noyau central de la représentation » (p. 103).

57Si ces études permettent de tracer les contours d’un stéréotype dominant du scientifique, elles présentent toutefois des limites. Interrogeant dans sa thèse la culture scientifique des enfants en milieux populaires, la sociologue Clémence Perronnet regrette la « faible attention portée aux propriétés sociales des enfants dont [ces études visent] à saisir les représentations » (p. 89). En outre, ces études « perpétuent involontairement l’idée que des images étroites et aliénantes de scientifiques hommes sont présentes “dans l’air” » (p. 90) sans s’intéresser à la façon dont elles sont (re)produites.

Identité sexuée, identité scientifique

58En dépit de ces limites, la réflexion sur les stéréotypes associés aux scientifiques a ouvert la voie à des travaux sur la façon dont les jeunes articulaient leur identité sexuée à l’étude et la pratique des sciences.

59À la suite de Françoise Vouillot, on peut définir l’identité sexuée comme « le degré d’adhésion (de conformité) que les individus manifestent à l’égard des différentes catégories de rôles de sexe prescrits à leur sexe biologique » (2002, p. 1). Or l’expérience scolaire participe de la construction permanente de cette identité. Selon la psychologue, les choix d’orientation sont notamment un moyen d’affirmer son identité en tant que fille ou garçon, femme ou homme. Dans une recherche conduite avec Cendrine Marro (1991), elle a montré que le choix d’orientation vers une filière scientifique à la fin de la seconde s’opérait à travers une comparaison entre l’image que les lycéen.nes avaient d’eux/elles-mêmes, et l’image prototypique des personnes suivant ces filières ou exerçant des métiers scientifiques. Chez les garçons, l’appariement entre leur image et les prototypes associés aux scientifiques était plus élevé que chez les filles, et cela même en ne retenant que celles et ceux envisageant de s’orienter vers une 1re S. Dans la même perspective, Isabelle Collet (2005) a demandé à des étudiant.es en première année de licence scientifique de décrire l’informaticien-type. Celui-ci est perçu comme logique, patient, austère, n’accordant pas d’attention à son apparence physique. Autrement dit, indique la chercheuse, il s’apparente pour de nombreux traits au stéréotype masculin. Par conséquent, il est plus difficile pour les filles que pour les garçons de se projeter dans ce métier et donc d’envisager de se spécialiser dans ce domaine.

60Au-delà des stéréotypes associés aux personnes exerçant des métiers scientifiques, les disciplines scolaires sont pensées comme nécessitant certaines qualités qui s’organisent elles aussi selon la division masculin/féminin (Thomas, 1990, p. 28). Par conséquent, les jeunes filles/femmes dans les filières scientifiques ont souvent l’impression qu’elles doivent faire preuve de qualités (« intelligence », « assurance », « compétitivité ») qui vont à l’encontre des définitions prédominantes de la féminité (Seymour, Hunter & Weston, 2019, p. 24). Ces représentations stéréotypées des scientifiques et des qualités associées aux sciences peuvent influer sur la manière dont les individus, et en particulier les plus jeunes, construisent – ou non – une « identité scientifique », c’est-à-dire le sentiment que les sciences sont « pour eux/elles » (Xie, Fang & Shauman, 2015). Au-delà de l’acquisition des connaissances en classes, s’interroger sur l’identité scientifique des élèves/étudiant.es implique de se demander s’ils/elles se considèrent comme « le type de personne qui voudrait comprendre le monde de façon scientifique, et, par conséquent, prendre part aux activités permettant de s’approprier les savoirs scientifiques » (Birkhouse, Lowery & Schultz, 2000, p. 443). Les recherches adoptant ce prisme d’analyse partent du postulat que l’identité n’est pas nécessairement stable mais au contraire fluide, pouvant varier en fonction des contextes et de la manière dont elle est mobilisée.

61Les chercheuses Heide Carlone et Angela Johnson (2007) listent trois principaux apports du concept d’identité scientifique à la compréhension des trajectoires conduisant à poursuivre ou non dans les STIM. Premièrement, ce concept interroge le type de personnes promues ou marginalisées par l’enseignement et la pratique des sciences (qu’est-ce qu’un « bon » scientifique ?), la façon dont les élèves/étudiant.es se représentent les sciences comme un ensemble d’expériences, de compétences, de savoirs et croyances qu’ils/elles estiment dignes d’intérêt (« est-ce que ça m’intéresse » ?), et enfin la façon dont s’articulent ces identités scientifiques en construction chez les jeunes et ce qu’ils/elles pensent être et aimeraient devenir (« est-ce que c’est [pour] moi ? »). Deuxièmement, introduire l’identité comme outil d’analyse permet d’appréhender l’apprentissage des sciences comme un processus de socialisation, à travers lequel les élèves/étudiant.es acquièrent des normes et des façons de parler propres à ces disciplines. Plus généralement, si les sciences peuvent être vues comme une « communauté de pratique » (community of practice), à laquelle il faut s’acculturer, alors il est essentiel de comprendre comment les néophytes adoptent, négocient ou au contraire rejettent (ou sont rejetés par) les normes en vigueur au sein de ce groupe. Enfin, penser en termes d’identité scientifique permet de saisir la façon dont elle s’articule avec d’autres identités, notamment de race ou de genre.

62Fait notable au sein d’une littérature très largement fondée sur des méthodes quantitatives, les recherches se référant à l’identité scientifique mobilisent pour un grand nombre des données qualitatives. Carlone et Jonhson s’intéressent ainsi à la trajectoire de 15 femmes « de couleur » (women of color – « latinas », « noires », « indiennes », « asiatiques ») dont 14 ont suivi des études avancées en sciences puis entamé une carrière liée à ce domaine. Interrogées au moment de leurs études, ces jeunes femmes se reconnaissaient toutes, à un degré ou un autre, comme des « scientifiques », et faisaient preuve d’enthousiasme pour les sciences à la fois en tant que pratique, sujet d’étude ou projet de carrière. L’approche ethnographique permet aux deux auteures de suivre le devenir des enquêtées, mais aussi d’interroger les différentes composantes de leur identité scientifique, ainsi que la façon dont elle s’articule avec d’autres aspects de l’identité de ces jeunes femmes.

63Ces travaux montrent la difficile conciliation entre identité scientifique et identité sexuée pour les filles/femmes, les normes de la féminité entrant souvent en contradiction avec les stéréotypes associés aux sciences et aux scientifiques. Mais ils permettent également de souligner et de rendre compte de la diversité des significations associées au genre, et des façons dont les individus font avec. De fait, il existe de multiples façons de se définir comme fille/femme ou comme garçon/homme, notamment en fonction de la race et de la classe sociale, ce qui induit des manières différentes de se positionner (ou non) comme « scientifique » (Birkhouse, Lowery & Schultz, 2000 ; Archer & DeWitt, 2016).

64Si l’approche par le prisme de « l’identité scientifique » peut s’avérer utile, Hazari, Sadler et Sonnert (2013) soulignent les limites d’une approche « globale » de cette identité, et proposent d’interroger des identités propres aux différentes disciplines scientifiques (biologie, chimie, physique). Leur enquête conduite auprès de plus de 7 000 étudiants dans 40 universités aux États-Unis conclut par exemple que les hommes s’identifient beaucoup plus au genre de personne faisant de la physique (a physic person) que les femmes, alors qu’il n’y a pas de différence significative en biologie ou chimie.

La construction genrée des choix d’orientation

65À côté des études sur les attitudes/aspirations et enjeux identitaires des élèves, toute une série de recherches se sont intéressées aux logiques à l’œuvre dans la façon dont ils et elles construisaient leurs choix d’orientation, et tout particulièrement au moment de l’entrée dans le supérieur.

Vers l’enseignement supérieur : des logiques d’orientation différenciées

66Dans leur article de 2013, Mann et DiPrete proposent d’introduire une nouvelle explication pour rendre compte du gender gap dans les études scientifiques à l’université, à savoir le rapport aux programmes de formation. En particulier, ils montrent que les étudiantes font plus souvent des choix leur permettant de diversifier les matières étudiées et les possibilités de carrière. Rappelons qu’aux États-Unis, les premières années de l’université (college) permettent d’obtenir en 4 années un diplôme de premier cycle (bachelor’s degree), dont l’intitulé dépend de la majeure choisie en cours de formation par l’étudiant.e. Il est tout à fait possible de suivre des cours relevant de champs disciplinaires variés, la seule contrainte pour obtenir une majeure étant d’avoir validé un certain nombre de cours obligatoires dans ce domaine.

67Or l’obtention d’un diplôme de premier cycle en sciences de l’ingénieur nécessite d’avoir validé un nombre important de cours dans ce domaine, ce qui implique d’une part de choisir dès les premiers semestres de l’université cette spécialisation afin d’avoir le temps de valider toutes les matières obligatoires, d’autre part de ne pas bénéficier d’une grande flexibilité dans le programme de formation (curricular flexibility) et donc d’avoir peu de possibilités de suivre des cours dans d’autres domaines, en particulier en sciences humaines et sociales. Pour Mann et DiPrete, cela pourrait contribuer à détourner les étudiantes de cette spécialisation. Inversement, en sciences sociales ou dans les humanités, les étudiant.es ont la possibilité de choisir une majeure relativement tardivement dans leur cursus, et donc de suivre des cours dans une large variété de disciplines. Les auteurs en concluent qu’il existe des motivations liées aux programmes de formation (curricular motivation) qui poussent les filles à éviter des cursus trop spécialisés, comme les études d’ingénieur, n’autorisant pas une certaine flexibilité disciplinaire.

68Si elle apparaît très spécifique au contexte américain, l’étude de Mann et DiPrete invite à prendre en compte la façon dont filles/femmes et garçons/hommes construisent leurs projets d’études vers et dans l’enseignement supérieur. De fait, qu’il s’agisse des modalités (temporalité, sources d’informations) ou des critères mobilisés pour justifier les choix, des différences notables existent en fonction du sexe.

Une orientation plus réfléchie pour les filles

69Plusieurs recherches ont montré que les filles construisent plus « activement » leur orientation, en discutant plus souvent que les garçons – avec des pairs, leurs parents et/ou des enseignant.es –, se rendant plus souvent dans les salons spécialisés, lisant la documentation, etc. (Reay, David & Ball, 2005 ; Couto & Bugeja-Bloch, 2018). Par ailleurs, elles formulent leurs projets scolaires et professionnels plus tôt. Ceci peut refléter un rapport au temps plus contraint, les jeunes filles étant poussées à se projeter davantage pour faire face à l’injonction de tenir ensemble la triple norme de la scolarité longue, du travail salarié et de la maternité (Orange, 2017).

70Comment faire le lien entre ces observations et la moindre orientation des jeunes filles vers les filières scientifiques ? Différentes interprétations peuvent être proposées. L’intériorisation plus précoce pour les filles de l’injonction à construire un projet professionnel pourrait pousser à des orientations plus stéréotypées, notamment parce que nombre de supports à partir desquels les jeunes se représentent les métiers le sont (cf. supra). Les effets d’une pratique plus active de recherche d’information de la part des filles n’ont à ce jour pas été spécifiquement explorés, et pourraient aussi bien élargir le champ des possibles que renforcer le poids des stéréotypes de genre, ceux-ci pouvant être partagés tant par les proches que par les acteurs du système éducatif. Dans leur étude auprès d’étudiant.es ayant choisi une majeure en STIM à l’université, Seymour et Hewitt (1994) observent que les étudiantes sont deux fois plus nombreuses que leurs camarades masculins à avoir suivi activement les conseils de proches (en particulier parents et enseignant.es) en décidant de leur orientation, ce qui montre que l’effet de l’entourage est loin d’être univoque.

Des choix positifs ?

71La dimension plus active, construite sur le plus long terme, de l’orientation pour les filles appuie par ailleurs la thèse des « choix positifs » proposée par des sociologues françaises ayant travaillé de longue date sur ces questions : Michèle Ferrand, Françoise Imbert et Catherine Marry. Pour ces trois chercheuses, en matière d’orientation les filles effectuent des choix moins contraints que ceux des garçons, qui eux sont plus systématiquement incités à poursuivre des études scientifiques. La faible présence des filles dans la filière mathématiques et physique s’expliquerait par une attitude positive des filles. En effet, on ne peut « rendre compte de la volonté des filles d’investir des domaines également très compétitifs mais qui conviennent mieux à leur polyvalence, telles que les grandes écoles de commerce, d’agronomie, la médecine […] par l’explication de la “vocation négative” comprise comme signe […] de la soumission des filles à un destin sexué » (Ferrand, Imbert & Marry, 1995, p. 107). Moins spécialisées que celle des garçons, la réussite des filles leur ouvrirait donc un champ d’orientation plus vaste et cette particularité a pour corollaire que celles « qui choisissent la voie scientifique le font par goût, leur vocation scientifique s’affirmant alors davantage que celle des garçons, qui ont, semble-t-il, un rapport plus instrumental à ces disciplines » (Ferrand, 1994, p. 54).

72Dans la littérature anglo-saxonne, on retrouve également cet appel à sortir d’une lecture déficitaire pour regarder les choix positifs. Kanny et ses collègues (2014) observent un tournant à partir des années 1990 dans les travaux sur la question, insistant moins sur les qualités qui manqueraient aux filles/femmes (sens de la compétition, etc.) que sur les qualités qu’elles font le choix de valoriser dans leurs études et carrières.

Le « piège » des choix 

73Dans un article publié en 2009 dans l’American Journal of Sociology, les sociologues Maria Charles et Karen Bradley mettent en avant le rôle de ces « choix positifs » dans la reproduction, voire l’accentuation de la ségrégation genrée des parcours d’études. Plus précisément, les deux auteures montrent comment l’accent mis sur l’expression individuelle et la réalisation de soi se conjugue à la persistance de stéréotypes de genres, et conduit à reproduire des orientations fortement sexuées.

74En effet, les filles et les garçons s’appuient sur les schémas à disposition pour construire leur identité individuelle. Or, ce faisant, ils s’appuient sur les modèles identitaires proposés qui sont fortement genrés, et tendent à se conformer aux rôles attendus pour leur genre (gender scripts). En particulier, poursuivre ses études dans certains domaines est un moyen d’affirmer le caractère masculin ou féminin de son identité. Les filles peuvent ainsi avoir tendance à manifester une aversion plus grande vis-à-vis des mathématiques lorsque l’expression individuelle (self-expression) est un critère légitime, voire même la norme affichée, dans la construction des choix d’études. Les différences résultant de ces choix sont d’autant plus difficiles à contester qu’elles n’apparaissent justement pas comme des inégalités, mais l’expression de préférences individuelles.

  • 18 Les auteures parlent de « elite identity » et « sense of self-efficacy ».

75Pour les auteures, ce phénomène de ségrégation genrée des cursus est amené à s’accroître, en lien avec la diversification de ces cursus, offrant des possibilités croissantes aux étudiant.es d’exercer des choix fortement influencés par les stéréotypes de genre. En outre, à mesure que la population étudiante s’accroît, une part de plus en plus infime possède les ressources suffisantes18 pour transgresser les normes culturelles de genre. Cet article rappelle qu’en dépit de l’apparente liberté rendue possible par la multiplication des choix au sein du système éducatif (Blanchard & Cayouette-Remblière, 2011), ces derniers ne se construisent pas dans un vide social.

76L’environnement social façonne les aspirations, goûts et intérêts individuels, comme le montre la partie suivante. En outre, qu’il s’agisse d’une lecture « déficitaire » considérant que les filles/femmes ne possèdent pas certains traits de caractère ni les compétences leur permettant de s’engager dans les sciences, ou d’une approche plus positive, insistant sur l’expression de préférences et d’intérêts diversifiés, le risque est d’orienter le regard plus sur les individus que sur les cadres où ils et elles évoluent. Dans un changement de perspective, tout un pan de la littérature, y compris en psychologie, s’est intéressé au cours des dernières décennies non pas tant aux individus qu’aux contextes dans lesquels ils évoluent (salle de classe, établissement, environnement social) et à leurs caractéristiques (ressources disponibles, normes, formes typiques d’interactions, etc.).

La construction sociale des attitudes, intérêts et aspirations vis-à-vis des sciences

77Une large littérature a mis en évidence la façon dont différentes instances de socialisation – la famille, l’école mais aussi les médias et supports culturels – participaient, dès le plus jeune âge, à reproduire les différences genrées vis-à-vis des sciences.

Le rôle de la famille

78Première instance de socialisation, la famille participe – de façon largement inconsciente – à la construction des identités sexuées des enfants, à celle de leurs rapports aux savoirs et de leurs aspirations scolaires et professionnelles.

79Dans L’école des filles, Marie Duru-Bellat (2004 [1990]) propose une synthèse sur la socialisation familiale, rappelant que des « petites différences » entre la façon dont sont éduqué.es filles et garçons se manifestent dès la prime enfance. Les premières sont par exemple plus stimulées sur le plan verbal, les seconds sur le plan moteur. Elles sont davantage poussées à l’exploration du monde social et relationnel, tandis qu’ils sont plutôt incités à se confronter à l’environnement physique. Enfin, on observe des pressions plus fortes par rapport à la réussite et à la compétition vis-à-vis des fils, tandis que les filles sont davantage « maternées », ce qui pourrait les pousser à considérer que leur réussite n’est pas capitale, qu’elles garderont quoi qu’il en soit l’affection d’autrui.

80Si les attentes « globales » des parents vis-à-vis des enfants sont différenciées, elles le sont a fortiori en ce qui concerne les attentes scolaires. Les parents pensent ainsi que les garçons sont plus doués en mathématiques que les filles (Furnham, Reeves & Budhani, 2002). Or les croyances des parents influencent directement le sentiment de compétence des enfants (Gunderson, Ramirez & Levine, 2012 ; Tenenbaum & Leaper, 2003). Les parents formulent en outre plus souvent des ambitions dans les domaines scientifiques pour leurs fils que pour leurs filles. En France, par exemple, ils espèrent plus souvent que leur enfant fera une terminale S lorsqu’il s’agit d’un garçon, et ce même à niveau scolaire équivalent (Gouyon & Guérin, 2006).

81Dans leur étude consacrée aux normalien.nes scientifiques (1999), Ferrand, Imbert et Marry analysent de façon très précise l’influence des familles dans la réussite scolaire de ces élèves. Leurs pères aussi bien que leurs mères sont sur-doté.es scolairement et ont pour une grande partie suivi des études supérieures en sciences. Rappelant l’importance du diplôme maternel sur la réussite scolaire, les trois chercheuses consacrent un chapitre au rôle joué par les mères dans l’orientation des normaliennes vers cette filière scientifique d’excellence. Elles montrent notamment que ces dernières ont hérité de leur mère « un rapport positif aux sciences, le goût pour celles-ci » (p. 175). Les travaux de Pierre Bataille (2012) sur les normalien.nes des ENS de Fontenay, Saint-Cloud et Lyon entre 1984 et 1987 confirment ces résultats. Les normaliennes scientifiques ont plus souvent des mères ayant fait des études supérieures dans un domaine scientifique que leurs camarades littéraires (78,6 % des cas contre 45,5 % des secondes) : « la présence d’une femme dans les filières scientifiques de l’ENS dépend en partie du rapport de sa mère aux sciences ». En revanche, « ce facteur n’a que peu de pertinence explicative dans le cas des normaliens scientifiques » (p. 146). Autrement dit, la transmission d’un capital scientifique par la mère constitue pour les femmes une condition importante de l’accès à ces cursus scientifiques sélectifs.

82Le « capital scientifique » propre à certaines familles est au cœur des travaux de L. Archer et J. DeWitt (2016), qui l’associent à la notion d’« habitus familial ». Par capital scientifique, les auteurs désignent les ressources, sociales et culturelles, spécifiquement liées aux sciences dont disposent les familles. Quant à la notion d’habitus familial, elle permet d’appréhender la façon dont les familles intègrent les sciences dans leurs pratiques quotidiennes, dans les valeurs qu’elles défendent ou encore les formes d’identification (« qui nous sommes »). Ce faisant, elles construisent un rapport collectif vis-à-vis des sciences. Dans les familles qui disposent d’un habitus scientifique, les sciences s’intègrent à la trame de la vie quotidienne, elles font l’objet de conversations régulières. Les enfants ont un accès régulier et facile à différentes ressources dans ce domaine (ouvrages, jeux, etc.) et développent ainsi non seulement une connaissance pratique et une familiarité avec les disciplines scientifiques mais aussi une perception des sciences comme désirables dans les projets de carrières. L’étude longitudinale conduite par les deux sociologues sur plusieurs années auprès de jeunes adolescent.es met ainsi en évidence des formes de (ré)alignement entre l’habitus scientifique familial et l’intérêt pour les sciences que portent les enfants, à l’instar de Bob, qui de pompier aspire par la suite à devenir ingénieur. Inversement, pour les enfants qui n’ont pas ce cadre familial, elles assistent plus fréquemment à des phénomènes d’érosion des aspirations scientifiques.

83Dans une même perspective, C. Perronnet montre que les enfants qui n’ont aucune pratique culturelle scientifique reproduisent la posture de retrait à l’égard des sciences de leurs parents (2018, p. 151), associée, note-t-elle, à un rapport problématique à la culture légitime dans son ensemble. Elle dresse par exemple le portrait de Nathan, qui déclare « ne pas aimer la science », s’arrangeant juste pour que « ça passe » à l’école. La majorité des loisirs de ce fils d’une employée tournent autour du football, et la culture scientifique n’y a pas de place (p. 158).

84Plus généralement, les pratiques ludiques et les jeux possédés par les enfants constituent un objet privilégié pour étudier leur socialisation scientifique, d’une part parce qu’ils participent du capital scientifique familial, dans sa dimension matérielle, d’autre part dans la mesure où ils constituent des objets de la culture scientifique telle qu’elle est donnée à voir dans les objets et contenus culturels.

La socialisation par les objets et contenus culturels

85Les objets, notamment les jouets, et contenus culturels – supports écrits (livres, magazines), audio-visuels, accessibles à la maison ou à l’extérieur (musée, école) – participent de la socialisation des enfants, en favorisant le développement de certaines aptitudes et connaissances, mais aussi en proposant des modèles sexués fortement différenciés, qui constituent autant de supports dans la construction identitaire de ces derniers.

86Il apparaît que ce que l’on peut nommer la « culture scientifique », à savoir la science en tant que « culture matérielle [se déployant] à la fois dans et hors de l’école, tant dans les musées et les expositions qui lui sont consacrées qu’au travers de jeux, d’activités et de productions écrites et audiovisuelles » (Perronnet, 2018, p. 47), obéit à une règle de minoration des représentations des femmes (Détrez & Piluso, 2014). Ce constat est le résultat d’une analyse, sous l’angle du genre, d’un large corpus, intégrant des expositions scientifiques, des dessins animés présentant des personnages scientifiques, des émissions de vulgarisation scientifique, des manuels scolaires et le magazine Sciences et vie Junior. Relativement à ce dernier, les chercheuses ont par exemple relevé qu’en presque un an les femmes n’apparaissent qu’à deux reprises en couverture : une fois sous la forme d’une statue, l’autre en tant que femme robot, créée de toute pièce pour son mari. Concernant les jeux, donnant à voir un rapide aperçu des « coffrets sciences » disponibles dans le commerce, C. Perronnet indique qu’en 2017 la marque leader du marché proposait 27 coffrets illustrés d’un petit garçon, pour seulement deux représentant un garçon et une fille (2018, p. 135).

87Enfin, dans les médias dits « de masse » (télévision, cinéma, séries), les représentations des scientifiques sont également fortement stéréotypées et congruentes avec celles émergeant des enquêtes « dessine un scientifique » : il s’agit généralement d’hommes, blancs, et la figure du savant-fou génial est relativement prégnante. Une étude portant sur 14 programmes de télévision mettant en scène des scientifiques confirme également cette sous-représentation des femmes, tout en soulignant une certaine proximité dans la façon de décrire les scientifiques masculins et féminins, en termes de statut marital et familial (Long, Steinke, Applegate et al., 2010). Les auteurs suggèrent que cette caractérisation des scientifiques comme dénués de liens personnels et familiaux pourrait contribuer à éloigner les jeunes filles de ces carrières. De même, dans la presse, non seulement les femmes sont sous-représentées, mais lorsqu’elles sont interrogées, l’accent est plus fréquemment mis sur le caractère exceptionnel de leur parcours… et leur apparence physique (Chimba & Kitzinger, 2010).

École et lieux de formation

88Loin de se contenter d’« enregistrer » les goûts et préférences des élèves, l’expérience scolaire, à travers ses différentes dimensions – enseignant.es, pédagogie, curricula, échanges entre pairs, etc. –, participe à la construction sexuée des dispositions individuelles vis-à-vis des sciences.

Le rôle des enseignant.es

89Toute une littérature s’est intéressée à la façon dont les attentes et représentations des enseignant.es pouvaient influencer les résultats des élèves et leur rapport aux sciences. Dès 1985, A. Kelly défend l’idée selon laquelle les comportements dans la classe et les interactions participent à la construction d’une « science masculine ». À la fin des années 1980 (1987a), Margaret Goddard Spear, enseignante en sciences devenue chercheuse en sciences de l’éducation, fait évaluer par 80 enseignant.es en sciences des travaux d’élèves, en les attribuant aléatoirement à une fille ou un garçon, et observe qu’en moyenne les travaux attribués aux garçons sont mieux notés. Elle montre également que les enseignant.es considèrent que l’éducation scientifique est plus importante pour les garçons que pour les filles. À partir d’observations des cours de sciences dans un établissement secondaire, elle conclut en outre (1987b) que les enseignant.es de sciences interagissent plus avec les garçons qu’avec les filles. De fait, la « petite société » que constitue la salle de classe a été au cœur de nombreuses études, et, comme l’indique Eileen Byrne (1993), sans que l’on puisse parler de discrimination systématique, une majorité d’études indiquent que les garçons font l’objet de plus de commentaires en sciences (qu’il s’agisse d’éloges ou de critiques).

90Des résultats similaires sont mis en évidence dans le contexte français, qu’il s’agisse de l’évaluation ou des interactions élèves-enseignant.es. Dans sa thèse consacrée aux femmes et à la physique, Mireille Desplats (1989) observe que les mêmes copies de physique sont évaluées différemment par un panel d’enseignant.es, dès lors qu’elles sont attribuées à un garçon ou à une fille. Quand il s’agit d’une bonne copie, les copies des garçons sont mieux notées. Mais quand la copie est « mauvaise », la note est meilleure s’il s’agit d’une fille, « comme si, vu leur sexe, elles étaient “excusées” de ne pas réussir » (Duru-Bellat, 1995, p. 79). Concernant les interactions, Zaidman (1996) montre qu’à l’école primaire ce ne sont pas les mêmes aptitudes qui sont sollicitées chez les filles et les garçons. Cherchant à englober ces différents aspects, N. Mosconi formule l’hypothèse d’un « double standard chez les enseignant.es, qui n’évalueraient pas les comportements des filles et des garçons de la même façon et n’auraient pas les mêmes exigences pédagogiques vis-à-vis des unes et des autres » (1994, p. 246). Cette hypothèse est confirmée dans la thèse d’Annette Jarlégan (1999) qui montre qu’au CM2 les attentes des enseignant.es diffèrent en fonction du sexe de l’élève, et qu’en cours de mathématiques la quantité et la qualité des messages adressés aux garçons et aux filles ne sont pas les mêmes. Cependant, dans une recherche ultérieure conduite avec Youssef Tazouti et André Flieller (2011), toujours en CM2, aucune tendance des enseignant.es à interagir différemment avec les filles ou les garçons, quelle que soit la discipline étudiée, n’est observée. Pour les auteurs, ceci pourrait s’expliquer par un « contexte sociopolitique et éducatif [accordant] une place plus importante à l’égalité hommes-femmes » et dans lequel les enseignant.es auraient « acquis une plus grande réflexivité sur les mécanismes d’assignation des rôles sexués et sur les rapports de genre », induisant un changement dans leurs pratiques (p. 50).

91Certains résultats résistent néanmoins au temps : deux synthèses de la littérature anglo-saxonne sur la question (Li, 1999 ; Gunderson, Ramirez & Levine, 2012) ont ainsi mis en évidence la force des stéréotypes de genre vis-à-vis des sciences chez les enseignant.es et l’influence qu’ils avaient sur leurs élèves. En particulier, la psychologue Elizabeth Gunderson et ses collègues se sont intéressés aux travaux sur les effets de l’anxiété en mathématiques des enseignants – et surtout des enseignantes – sur leurs élèves. Les enseignant.es en primaire sont particulièrement concerné.es par ce type d’anxiété, et cela peut influencer leurs pratiques pédagogiques et l’organisation de leurs cours. Les enseignant.es anxieux/anxieuses déclarent ainsi s’appuyer plus fréquemment sur les manuels et ne pas souhaiter y consacrer trop de temps. Une recherche (Beilock, Gunderson, Ramirez et al., 2010) a en outre montré que les enseignantes très anxieuses vis-à-vis des mathématiques avaient tendance à renforcer fortement l’anxiété des filles et, en conséquence, à entraîner une baisse de leurs résultats.

92Les canaux par lesquels les enseignant.es peuvent avoir un impact sur leurs élèves varient en fonction du niveau d’études. Dans leur étude Talking About Leaving (1994) consacrée aux étudiant.es abandonnant leurs études dans les STIM au cours des premières années à l’université, Seymour et Hewitt ont ainsi relevé que le comportement distant (« distancing behavior ») des enseignant.es dans les cours fondamentaux en STIM a pu conduire de nombreux étudiant.es à douter de leurs capacités et/ou de leur intérêt, a fortiori quand ils et elles étaient habitué.es à beaucoup d’interactions avec leurs enseignant.es du secondaire, particulièrement pour les femmes et les étudiants « de première génération ».

93Enfin, indépendamment de l’attribution de la note elle-même, le vocabulaire utilisé pour évaluer les élèves/étudiant.es apparaît genré : à partir des bulletins d’élèves en classes préparatoires scientifiques, on a pu ainsi observer que les filles étaient plus souvent renvoyées à leur sérieux, tandis que le « potentiel » de leurs camarades étaient plus fréquemment souligné. En outre, même lorsqu’elles sont parmi les élèves obtenant les meilleurs résultats, les filles se voient moins souvent complimentées pour leur « finesse » ou leur excellence (Blanchard, Orange & Pierrel, 2017 ; voir aussi Demoulin & Daniel, 2013).

94Le rôle des enseignant.es est aussi perceptible à travers la façon dont ils et elles peuvent encadrer les projections scolaires des élèves. Plus précisément, ils et elles participent à ce qu’Alice Lermusiaux qualifie de « façonnement des aspirations par l’institution scolaire » (2019, p. 34). S’intéressant au lycée, elle indique qu’au cours de ces années, les élèves affinent, et souvent modèrent, leurs aspirations et que les professeurs jouent un rôle important dans « l’intériorisation des destins “adéquats” » (p. 35), de façon explicite (en « rassurant » un.e élève qui doute), ou de façon plus diffuse, à travers des remarques, voire des signes approbateurs à l’évocation de telle orientation par tel.le élève. De la même façon, à partir d’une enquête conduite auprès d’élèves du secondaire en Belgique, Doriane Jaegers et Dominique Lafontaine (2020) montrent le lien entre le type de soutien et les attentes de l’enseignant.e et leurs aspirations à une carrière mathématiques, et ce particulièrement chez les filles.

Des supports éducatifs au « chilly climate »

95Au-delà de l’action des enseignant.es, toute une série de recherches ont mis en évidence le rôle des contenus d’enseignement, matérialisés dans les manuels scolaires, avec, là encore, une relative inertie dans les constats. En effet, A. Kelly (1985) montre, à partir de travaux datant des années 1970 au début des années 1980, que les femmes sont non seulement moins représentées que les hommes dans les manuels de sciences, mais qu’en plus, lorsqu’elles le sont, elles le sont différemment (moins souvent avec une profession, et quasiment jamais une profession scientifique). Près de trente ans plus tard, l’étude détaillée produite par Ambre Elhadad et Amandine Berton-Schmitt pour le centre Hubertine Auclert (2012), sur un corpus de 29 manuels de mathématiques de terminale (de 2011 et 2012) ne démontre pas autre chose : sur les 3 345 personnages sexués comptabilisés, on compte 2 676 hommes pour 672 femmes, soit 1 femme pour 5 hommes. Le « curriculum caché », terme qui désigne les apprentissages non explicites à l’école, absents des programmes mais transmis en creux dans les manuels, les interactions en classe ou les jugements scolaires, favorise donc une partition sexuée des rapports aux savoirs scientifiques.

  • 19 J’aurais traduit ce terme par « climat glacial », N. Le Feuvre (2017) le traduit par « environneme (...)

96De façon connexe, plusieurs travaux anglo-saxons ont mobilisé la métaphore du « chilly climate »19, utilisée pour la première fois par Roberta Hall et Bernice Sandler, dans le cadre d’un rapport sur l’éducation des femmes à destination de l’Association of American Colleges (1982). Par ce terme, elles désignent l’existence d’un environnement institutionnel – constitué par l’attitude des enseignant.es en classe ou lors d’échanges informels, par les interactions avec l’ensemble du personnel de l’établissement et avec les autres étudiant.es – peu favorable aux femmes dans l’enseignement supérieur. Elles évoquent par exemple des formes de « discriminations subtiles » au sein de la classe, comme les enseignants – encore majoritairement masculins – qui tendent à poser des questions plus faciles et plus factuelles aux femmes, réservant celles nécessitant plus de réflexions aux hommes, ou encore ceux qui interrompent plus souvent leurs étudiantes, et les laissent se faire interrompre par leurs camarades masculins. Plusieurs recherches ont par la suite défendu la thèse selon laquelle, dans les études de sciences, le climat serait toujours particulièrement froid (chilly) pour les femmes, conduisant ces dernières à s’y sentir mal à l’aise, pas à leur place (Simon, Wagner & Killion, 2017).

Le rôle des pairs

97Cette perspective offre l’avantage d’ouvrir sur les relations entre pairs au sein de l’institution scolaire, qui participent également de la construction des rapports aux savoirs et des aspirations. Outre les interactions en classes, où les garçons peuvent se comporter comme s’ils avaient un accès prioritaire aux ressources dans les travaux pratiques en sciences (Kelly, 1985), les relations avec les pairs jouent un rôle important sur les décisions scolaires. Dans une étude publiée en 2008 dans l’American Journal of Sociology, K. A. Frank et ses collègues s’intéressent à la façon dont les cours choisis par les adolescent.es sont influencés par leur « position locale » au sein de l’établissement. Les auteurs désignent par ce terme un groupe d’élèves, plus large que le simple cercle amical, qui suivent le même ensemble de cours et partagent des caractéristiques scolaires et sociales. Les préférences de ces élèves, qui constituent autant d’amis « potentiels », peuvent jouer un rôle, soit parce que les jeunes cherchent à s’y conformer pour éviter d’être mis de côté, soit comme source d’information. À partir de données quantitatives portant sur 80 lycées (high schools), ils montrent que les chances pour les filles de poursuivre en mathématiques augmentent avec le niveau moyen en mathématiques des filles dans la même « position locale », mais aussi des filles de l’établissement dans son ensemble. En revanche, ils ne distinguent pas d’effet significatif pour les garçons.

Contexte scolaire

98Au-delà des seules interactions avec l’équipe éducative et les pairs, des auteurs ont mis en évidence des « effets établissements » spécifiques concernant l’orientation vers les sciences. Ceci est particulièrement vrai dans les pays où le système éducatif fonctionne selon des logiques de marché, avec une importante offre privée, un recrutement autonome du corps enseignant, des variabilités dans les cursus offerts et plus généralement des ressources très inégales selon les établissements. Sans surprise, dans leur synthèse de 2015, Xie, Fang et Shauman notent que la qualité des enseignant.es, l’existence de moyens – comme des salles d’expérimentation – et l’offre de cours en sciences déterminent grandement le degré d’implication et de succès des élèves dans le domaine des STIM. Cherchant à préciser le rôle de l’établissement, Legewie et DiPrete (2014) partent du fait que les croyances relatives au genre, comme les stéréotypes sur les métiers ou encore les attentes vis-à-vis des rôles à tenir, loin d’être fixées, sont des constructions qui émergent dans des contextes particuliers. Dès lors, ils défendent l’idée selon laquelle à un environnement scolaire donné correspondent des normes de genre qui lui sont propres, les stéréotypes associés pouvant être renforcés ou au contraire questionnés. À partir de données nationales concernant une centaine de lycées des États-Unis et des milliers d’élèves, ils montrent tout d’abord que le gender gap dans les STIM diminuerait de 25 % si tous les établissements obtenaient les mêmes taux d’orientation des filles vers les sciences que dans les trente les moins ségrégués. Ils mettent également au jour deux caractéristiques jouant un rôle significatif pour rendre compte de la plus grande participation des lycéennes aux cours de sciences : d’une part, l’existence d’une importante offre de formation (strong curriculum) en mathématiques et en sciences, d’autre part des activités de loisirs (« extracurriculaires ») peu genrées. Ces activités organisées au sein de l’établissement (sport, activités artistiques, etc.) qui occupent une place importante dans la vie des lycéen.nes aux États-Unis peuvent en effet être organisées de manière très ségréguée (les garçons dans certains sports, les filles dans d’autres), ce qui contribuerait à magnifier une culture locale structurée autour des différences de genre.

99Portant également attention au contexte éducatif, l’économiste Amanda Griffith (2010) a testé l’impact de ce qu’elle nomme « l’expérience éducative » sur les chances d’abandonner ou non, avant d’obtenir son diplôme (BA), les études supérieures dans le domaine des STIM. À partir de données longitudinales portant sur plusieurs universités, elle montre notamment que, dans les établissements où le nombre d’étudiant.es de premier cycle universitaire (undergraduate students) est supérieur à celui de second cycle (graduate students), les taux d’abandon des undergraduates dans les STIM sont plus faibles. Autrement dit, les institutions plus orientées sur leurs premiers cycles leur garantissent une meilleure réussite. Par ailleurs, les étudiant.es dans les établissements sélectifs, très tournés vers la recherche, ont des taux d’abandon en STIM plus élevés, en particulier pour les femmes et les minorités.

100Plus largement que les effets propres aux établissements, C. Riegle-Crumb et C. Moore (2014) ont cherché à tester la façon dont le contexte local pouvait influer sur l’orientation des filles dans certaines disciplines. Pour cela, ils se sont concentrés sur la participation des lycéennes aux cours (optionnels) de physique, puisqu’il s’agit d’un domaine dans lequel le gender gap reste très marqué, et ils ont montré que la part des filles qui suivaient ces cours était corrélée à la part des femmes qui, dans la même zone géographique, occupaient un emploi dans le domaine des sciences. Arguant du fait qu’il n’existe pas d’« avantage masculin » dans les sciences valable en tout temps et en tout lieu, et cherchant à dépasser les travaux sur les études dans le domaine des sciences centrées sur les individus, les deux auteurs défendent ainsi une vision des rapports de genre comme système social, et suggèrent qu’à l’échelle d’environnements locaux de micro-systèmes de genre peuvent se mettre en place, plus ou moins contraints par les normes et les croyances traditionnelles.

101Ces travaux s’inscrivent dans un tournant caractéristique de tout un pan de la littérature relative au genre et aux cursus scientifiques, à savoir un décentrage de la focale, des individus vers, on vient de le voir, le contexte de formation. Mais la focale s’est aussi déplacée des individus vers les sciences elles-mêmes, saisies comme activité sociale. Plus précisément, un changement décisif a été de ne plus considérer que la moindre représentation des filles dans les domaines scientifiques était liée au comportement de ces dernières, mais plutôt à la manière même dont se pratiquaient les sciences.

Les sciences en question

L’apport des feminist sciences studies

102L’étude du fonctionnement même des sciences a, pour une large part, été portée par le courant des « sciences and technology studies » (STS) qui, dans une approche interdisciplinaire, replacent les pratiques scientifiques dans leur contexte – social et local – et considèrent les chercheurs comme des individus socialement et culturellement situés. Les postulats de neutralité et d’universalité des sciences et des techniques sont remis en cause, les savoirs cristallisant des dispositions culturelles et les rapports sociaux dominants des sociétés où ils émergent (Bonneuil & Joly, 2013).

103À partir des années 1980, des historiens, et majoritairement des historiennes, s’intéressent à la place – largement sous-estimée – des femmes dans les sciences, ainsi qu’aux mécanismes ayant rendu possible leur invisibilisation ou, a contrario, les obstacles qu’elles ont dû surmonter pour faire (re)connaître leurs travaux (Rossiter, 1982 ; Abir-Am & Outram, 1987 ; Schiebinger, 1989). L’historienne des sciences Margaret Rossiter (1993) met notamment en évidence ce qu’elle nomme l’« effet Matilda », symétrique de ce que le sociologue des sciences Robert Merton avait appelé l’« effet Matthieu » : dans les milieux scientifiques, ce sont les chercheurs qui sont déjà le plus dotés – sur les aspects matériels et symboliques – qui obtiennent le plus de reconnaissance, même pour des travaux qui ne sont pas toujours les leurs, et de ressources (« car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance »). Inversement, souligne M. Rossiter, nombre de femmes scientifiques se sont vues privées du crédit de leurs propres travaux. Elle nomme « effet Matilda » cette sous-estimation systématique des contributions des femmes à la science, en référence à Matilda Joslyn Gage (1826-1898), féministe américaine, suffragette et sociologue de la connaissance.

104Plus largement, depuis la fin des années 1970, toute une série de travaux s’intéressant au caractère genré des sciences ont donné lieu au courant des études féministes sur les sciences (feminist sciences studies) (Wyer, Barbercheck, Cookmeyer et al., 2013). Outre le mode de fonctionnement des institutions scientifiques (mode de recrutement, d’évaluation, type de sociabilité) (Wennerås & Wold, 1997 ; Wayne, 2000 ; Pollack, 2015), des auteures ont questionné le caractère masculin des normes et valeurs qui sous-tendent les activités scientifiques, et le langage associé (Harding, 1986, 1991). Ainsi Evelyn Fox Keller (1985), physicienne de formation devenue spécialiste de l’histoire et de la philosophie des sciences, dénonce-t-elle l’idéal datant du siècle des Lumières du scientifique rationnel, dont le but est de contraindre et contrôler une Nature construite comme féminine. Ce caractère genré des sciences constitue un ensemble de barrières symboliques qui contribuent à la moindre participation des femmes aux métiers scientifiques (Bystydzienski & Bird, 2006).

Cultures disciplinaires

105Dans le contexte particulier des lieux de formation, ce décentrage du regard des individus vers la pratique des sciences elles-mêmes a donné lieu à des travaux sur les « cultures disciplinaires ». Comme l’indique la sociologue K. Thomas, pour comprendre l’orientation des élèves, il ne s’agit pas seulement de s’intéresser à leurs aptitudes et à leur socialisation, mais aussi d’interroger la façon dont ils et elles se représentent les disciplines et le rôle de ces dernières dans la société (1990, p. 14). Plus précisément, les disciplines scolaires constituent des cultures, au sens où chacune d’entre elles propose une façon de percevoir et d’interpréter le monde. Or ces cultures, dans les valeurs et les qualités qu’elles prônent, entrent plus ou moins en résonance avec les conceptions communes du masculin et du féminin. Thomas interroge en particulier les oppositions qui structurent les champs disciplinaires, comme celle entre « arts » et « sciences » (qui correspondrait plutôt dans le cas français à « humanités »/« sciences »), rappelant qu’elle résulte d’un processus historique (« Isaac Newton par exemple n’aurait pas établi de distinction aussi tranchée entre la physique et la philosophie », p. 33), mais qu’elle est aujourd’hui si profondément ancrée dans les systèmes éducatifs que les étudiant.es souhaitant étudier les deux à la fois sont perçus comme une curiosité. Autre distinction : celle entre les disciplines dures et les disciplines « molles » (soft). Celle-ci peut traverser un même champ disciplinaire, comme la psychologie par exemple, l’approche « dure » étant considérée comme la plus prestigieuse. Ces oppositions participent de la façon dont les étudiant.es perçoivent et hiérarchisent les disciplines entre elles. Comme on l’a souligné précédemment, Thomas montre, à partir d’entretiens avec des étudiant.es, que ces derniers.ères s’identifient fortement à la discipline qu’ils et elles ont choisie à travers les qualités perçues comme nécessaires pour l’exercer, mais aussi à travers la façon dont son enseignement est organisé. Par exemple, pour justifier leur choix d’études, les étudiant.es en physique mettent en évidence la potentialité de pouvoir tout connaître, la dimension objective et le caractère « certain » des connaissances. Thomas rappelle que ces caractéristiques ont été historiquement associées au masculin.

106Dans une étude interrogeant la place des femmes dans les filières scientifiques et techniques de cinq établissements d’enseignement supérieur suisses, Gilbert, de Roten et Alvarez (2003) mobilisent également la notion de culture disciplinaire, entendue comme englobant non seulement « les savoirs scientifiques validés sur l’objet d’étude et les procédures méthodologiques spécifiques à chaque discipline », mais aussi « les manières de faire implicites, les valeurs dominantes dans la discipline, les formes d’apprentissage et de sociabilités qui lui sont propres ». Elles montrent que ces cultures interviennent dans les choix d’orientation, dans la mesure où ces choix s’opèrent « en fonction d’une affinité entre les dispositions des jeunes et le type de filière choisie » (p. 8). Or ces cultures disciplinaires ont une dimension genrée, notamment dans le rapport à l’avenir qu’elles dessinent : une motivation basée sur les perspectives de carrières est déterminante pour le choix des sciences de l’information et des sciences techniques, filières largement masculines. Par contre, une motivation basée sur l’engagement social ou politique est déterminante pour le choix des sciences naturelles interdisciplinaires, des sciences de la nature ou de la médecine, où les femmes sont majoritaires.

107La multitude des travaux interrogeant les rapports entre genre et cursus scientifique révèle la complexité de ces problématiques, et l’impossibilité d’identifier un seul type de facteurs pouvant rendre compte de la moindre représentation des femmes – et réciproquement de la surreprésentation des hommes – dans ces formations. De fait, les recherches montrent qu’a minima il importe de prendre en compte à la fois les aspirations individuelles et les rapports différenciés aux savoirs scientifiques, mais aussi la façon dont les sciences sont construites en tant qu’activité sociale et plus spécifiquement en tant que type particulier de filière de formation. Nombre d’auteur.es insistent sur cette dernière dimension pour critiquer les programmes et dispositifs visant à féminiser les sciences et centrés uniquement sur les jeunes filles, comme si c’étaient elles qui constituaient la source du problème, et pas le mode même de fonctionnement des études et carrières scientifiques.

Chantiers et zones d’ombre

108En dépit de la richesse des travaux consacrés à la place respective des hommes et des femmes dans les formations scientifiques, deux pistes de recherche apparaissent relativement sous-explorées, alors même qu’elles permettraient, semble-t-il, d’éclairer utilement ces questions. Premièrement, la prise en compte du genre n’est que rarement articulée à d’autres variables comme la classe sociale ou la race, ce qui tend à homogénéiser parfois artificiellement les groupes des « femmes » et des « hommes », et à surestimer certaines différences entre les unes et les autres. Deuxièmement, si la question des différences de niveaux n’apparaît plus pertinente en moyenne, il n’en reste pas moins que les garçons sont surreprésentés parmi la minorité qui obtient les meilleurs résultats en sciences, ce qui mériterait d’être questionné plus en avant.

Genre, classe et race dans les rapports aux études scientifiques

  • 20 En particulier en France la corrélation entre le milieu social et les résultats en mathématiques e (...)

109Si le genre apparaît comme un facteur crucial pour comprendre les aspirations et les rapports aux études scientifiques, l’origine sociale joue également un rôle important. Tout d’abord, les élèves des classes populaires réussissent moins dans ce domaine20, notamment en mathématiques. Conformément aux résultats de M. Duru-Bellat et A. Mingat (1988), Cayouette-Remblière et Moulin (2019) montrent que cette discipline est plus inégalitaire, en termes d’origine sociale, que le français au collège. Outre les différences de résultats, les élèves des classes populaires ont moins de chance d’opter pour des spécialisations en sciences dans le secondaire (Gorard & See, 2009) et, a fortiori, de poursuivre des études supérieures dans ce domaine. Les travaux interrogeant les liens entre origine sociale et cursus scientifiques sont peu nombreux, ce qui peut s’expliquer par un moindre intérêt politique pour ces thématiques (Archer & DeWitt, 2016).

110Même si ceci tend à changer (Kanny, Sax & Riggers-Pieh, 2014), relativement peu de recherches articulent l’origine sociale et le genre. C’est le cas des travaux d’Archer et DeWitt (2016) et dans le cas français de la thèse de C. Perronet (2018), qui mettent bien en évidence d’une part la construction socialement située des rapports aux savoirs scientifiques, notamment au sein des familles, d’autre part les différences dans les attitudes et aspirations vis-à-vis des sciences qui existent au sein du groupe des « filles », dès lors que l’on prend en compte l’origine sociale.

111Ces auteures réfléchissent aussi au rôle de l’ethnicité, problématisée à travers le concept de race dans d’autres travaux, en particulier ceux de Catherine Riegle-Crumb. Cette chercheuse étatsunienne s’est intéressée à l’articulation entre le genre et la race dans les cursus scientifiques, tout en soulignant le faible nombre de recherches faisant de même (Riegle-Crumb, 2006). Or, on ne peut présumer que toutes les filles en tant que groupe soient uniformément confrontées aux mêmes obstacles, de même pour les garçons. En outre, les effets propres aux différentes variables ne s’additionnent pas nécessairement. Ainsi, les recherches portant sur les Afro-américain.es aux États-Unis indiquent que ce groupe est moins représenté parmi les étudiant.es en sciences, ce qui tendrait à montrer que les jeunes femmes noires seraient doublement désavantagées dans ce domaine. Or Hanson (2004) montre que, d’après les données de la National Science Foundation aux États-Unis, les femmes représentent 36 % des scientifiques afro-américains (même si les valeurs absolues sont très faibles), alors que parmi les scientifiques blancs, elles ne sont que 22 %. Ceci est cohérent avec les résultats de ses propres recherches, concluant que les jeunes femmes afro-américaines ont une attitude en général plus favorable aux sciences que leurs camarades blanches.

Les différences genrées de résultats aux extrêmes

112Dans la mesure où les différences de résultats entre filles et garçons dans les disciplines scientifiques se sont considérablement réduites, les recherches des dernières décennies se sont largement orientées vers la question des aspirations et des attitudes vis-à-vis des sciences. Pourtant, lorsque l’on ne raisonne plus sur des moyennes, mais en considérant la dispersion des résultats au sein des groupes sexués, on observe des écarts significatifs, qui restent peu expliqués. En mathématiques tout particulièrement, plusieurs études témoignent d’une grande variabilité des résultats chez les garçons (Lindberg, Hyde, Petersen et al., 2010), qui ont plus de chance dès l’école primaire de se retrouver aux extrêmes en termes de performances (Lohman & Lakin 2009). En particulier, les garçons sont majoritaires dans les fractions d’élèves qui réussissent le mieux (Ellison & Swanson, 2010). Ceci est visible dans les enquêtes PISA : les rapporteurs de l’édition 2012 soulignaient ainsi que chez les filles « la difficulté majeure est d’atteindre le sommet de l’échelle de compétence : [elles] sont sous-représentées parmi les élèves les plus performants dans la plupart des pays et économies ». Ceci constituerait « un sérieux obstacle sur la voie de la parité dans les professions en rapport avec la science, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques » (OCDE, 2014, p. 9).

113Cette affirmation est pourtant invalidée empiriquement par C. Riegle-Crumb et ses collègues (2012) : testant à partir d’importantes données quantitatives l’affirmation selon laquelle les différences genrées dans le haut de la distribution des résultats en sciences entraîneraient par la suite d’importantes inégalités dans l’accès aux filières scientifiques, ils montrent que ces différences de résultats ont un résultat explicatif relativement faible sur le gender gap au niveau de l’enseignement supérieur dans le domaine des sciences et de l’ingénierie. Néanmoins, la question de la sur-représentation masculine dans le haut de la distribution des résultats en sciences reste pertinente pour des filières extrêmement sélectives, comme par exemple les grandes écoles scientifiques en France : les plus prestigieuses d’entre elles ne vont justement recruter que dans ce haut de la distribution, ce qui participe d’une sous-représentation des filles dans certains établissements (Blanchard, Orange & Pierrel, 2016).

114Or, pour peu que l’on cherche à interroger ces différences de résultats, la littérature est relativement réduite. Plus précisément, le nombre des publications contraste avec l’uniformité des explications proposées, et en particulier la très large diffusion, notamment en psychologie sociale, du concept de « peur du stéréotype ». Introduit pour la première fois par Steele et Aronson (1995), il s’appuie sur l’existence de stéréotypes attachés à la sous-performance de certains groupes (les femmes, les minorités ethniques) dans certains domaines (les mathématiques par exemple). Or la simple connaissance de ces stéréotypes entraînerait pour les membres de ce groupe – qu’ils les considèrent vrais ou non – des résultats moindres que ceux des groupes pour lesquels il n’y aurait pas de stéréotypes négatifs attachés. Cette explication a connu un succès extrêmement important dans la littérature académique et au-delà. Pourtant, des auteurs contestent son assise empirique, les résultats de Steel et Aronson s’avérant peu reproductibles (Stoet & Geary, 2012). Il s’avérerait sans doute utile d’ouvrir « la boîte noire » des évaluations, de voir si certaines situations (concours par exemple) induisent effectivement des performances moindres chez certain.es, et d’analyser précisément les variations dans les résultats en fonction du type d’épreuves ou d’exercices demandés.

Conclusion

115À l’instar de nombreux phénomènes sociaux, la relation entre genre et cursus scientifiques relève d’une pluralité de facteurs, justifiant la variété des approches disciplinaires. Si le système de formation, à travers son fonctionnement et ses acteurs, participe largement des inégalités genrées dans l’accès aux études scientifiques, ces dernières sont aussi le reflet de la position dominée des femmes dans d’autres sphères sociales. Il importe en conclusion d’insister sur ce point : les inégalités observées tiennent à des rapports de domination, pas seulement à des stéréotypes. Si les filles et les femmes accèdent aujourd’hui moins à ces domaines d’études, c’est parce qu’ils ouvrent la voie à des positions dominantes dans notre société. Comme le rappelle N. Mosconi, « aujourd’hui on paraît s’étonner de la résistance des filles à embrasser des filières scientifiques et techniques […]. Mais ce phénomène n’est au fond que la résultante d’une construction institutionnelle de la fin du xixe siècle. Les hommes qui ont institué l’enseignement féminin y ont traduit cette idéologie qui voit dans les sciences un des types de savoirs qui fonde leur spécificité et leur supériorité et qu’ils entendent se réserver » (1994, p. 201). Historiquement construite, la dimension genrée des cursus scientifiques s’inscrit dans des rapports sociaux de sexe plus larges, ce qui explique la faible évolution de la place des filles et des femmes dans certains domaines d’études, en dépit des dispositifs mis en œuvre depuis maintenant plusieurs décennies.

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Notes

1 Observatoire des inégalités, en ligne : <https://www.inegalites.fr/Les-filles-stagnent-dans-les-filieres-scientifiques-de-l-enseignement-superieur> (consulté le 11 juillet 2021).

2 En France, les étudiantes représentaient 35 % des élèves de première année en médecine en 1970-1971, 50 % en 1994 et 64 % en 2002 (Avenel, 2012) et plus de 70 % aujourd’hui. Ce phénomène de féminisation de la médecine s’observe depuis les années 1970 dans tous les pays occidentaux (Riska, 2010).

3 En France, la proportion de femmes dans les études vétérinaires atteint 50 % dans les années 1990 et dépasse actuellement les 70 % (Fontanini, 2011). Là encore ce phénomène n’est pas propre à la France (pour les États-Unis, voir Irvine & Vermilya, 2010).

4 Depuis les années 2010, la proportion des femmes dans les écoles d’ingénieurs stagne à un peu moins de 30 %, proportion proche de celle des étudiantes en « sciences fondamentales et applications » à l’université (Observatoire des inégalités, <https://www.inegalites.fr/Les-filles-stagnent-dans-les-filieres-scientifiques-de-l-enseignement-superieur>).

5 En ligne : <http://www.oecd.org/gender/data/gender-gap-in-education.htm> (consulté le 11 juillet 2021).

6 Traduction de l’auteure de l’article. Sauf mention contraire, les citations des articles en anglais sont traduites par l’auteure.

7 Au Québec et dans certains travaux francophones, on retrouve l’acronyme « STIM », que nous emploierons ici pour désigner ce groupe de disciplines.

8 Dans les années 1990, l’acronyme SMET (science, mathematics, engineering, and technology) était utilisé, mais considéré trop proche du terme « smut » (« cochonneries », à connotation sexuelle), il a été remplacé par STEM (Sanders, 2009).

9 Certes, il existe des exceptions, certains auteurs parlant par exemple de « STEMM », ou « STE_M » (sans les mathématiques), le dernier « M » désignant la médecine (Aschbacher, Ing & Tsai, 2014).

10 Pour ne donner que quelques exemples, citons les britanniques Jan Harding, ancienne enseignante en sciences puis docteure en sciences de l’éducation qui participe à la création du GASAT (International Gender and Science and Technology Association) et Alison Kelly, diplômée d’un master en astrophysique et d’un doctorat en éducation, qui prend au début des années 1980 la co-direction avec Judith Whyte du programme GIST (Girls into Science and Technology). Pour la France, l’historienne des sciences Nicole Hulin est agrégée de sciences physiques, ou encore la chercheuse Isabelle Collet, spécialisée dans les questions de genre dans les sciences, a d’abord été informaticienne.

11 En France, la physicienne Claudine Hermann, très engagée dans les actions en faveur des femmes dans les sciences, co-fondatrice de l’association « Femmes et Sciences » en 2000, a publié dans différents supports (notamment Sciences en 1969) et donné plusieurs conférences sur le sujet.

12 Beaucoup plus décentralisé qu’en France, le système d’enseignement secondaire aux États-Unis repose pour une large part sur des enseignements facultatifs.

13 Les filles représentaient 47 % des bachelier.ères scientifiques en 2018, contre 43 % en 1997 et 41,5 % en 1995.

14 Dans un contexte de libre échange, chaque pays a intérêt à se spécialiser dans la production du bien pour lequel il dispose du coût de production le plus faible comparativement aux autres pays.

15 Voir par exemple le Bulletin officiel du ministère de l’Éducation nationale du 1er juillet 2015, définissant le « parcours avenir » destiné à accompagner les élèves du secondaire dans « la construction de leur projet d’orientation scolaire et professionnelle ».

16 Comme le rappelle A. Allouch (2016), cette notion a notamment été utilisée dans la théorie boudonienne du choix rationnel, où la formation d’une aspiration repose sur un calcul coût/bénéfices.

17 Ici comme dans le reste du texte, le mot race renvoie à un construit social, « un rapport de pouvoir qui structure, selon des modalités diverses en fonction des contextes et des époques, la place sociale assignée à tel ou tel groupe au nom de ce qui est censé être la radicale altérité de son origine (géographique, culturelle ou religieuse) » (Mazouz, 2020, p. 26).

18 Les auteures parlent de « elite identity » et « sense of self-efficacy ».

19 J’aurais traduit ce terme par « climat glacial », N. Le Feuvre (2017) le traduit par « environnement frileux », j’ai trouvé aussi « climat réfrigérant ».

20 En particulier en France la corrélation entre le milieu social et les résultats en mathématiques est bien plus marquée que dans la plupart des autres pays de l’OCDE : « l’augmentation d’une unité de l’indice PISA de statut économique, social et culturel entraîne une augmentation du score en mathématiques de 39 points, en moyenne, dans les pays de l’OCDE, et de 57 points en France, soit l’augmentation la plus marquée de tous les pays de l’OCDE » (en ligne : <http://www.oecd.org/pisa/keyfindings/PISA-2012-results-france.pdf>, consulté le 11 juillet 2021).

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Pour citer cet article

Référence papier

Marianne Blanchard, « Genre et cursus scientifiques : un état des lieux »Revue française de pédagogie, 212 | 2021, 109-143.

Référence électronique

Marianne Blanchard, « Genre et cursus scientifiques : un état des lieux »Revue française de pédagogie [En ligne], 212 | 2021, mis en ligne le 05 janvier 2025, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfp/10890 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfp.10890

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Auteur

Marianne Blanchard

Université Jean-Jaurès/INSPE Toulouse Occitanie Pyrénées, CERTOP

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