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Fictions d’enfants, fictions d’élèves. Rencontres avec des sculptures contemporaines en 6e

Children’s fiction, students’ fiction. Encounters with contemporary sculpture in the first year of secondary education
Marie-Sylvie Claude et Patrick Rayou
p. 19-30

Résumés

Si tous les enfants sont capables d’exprimer, à l’écrit comme à l’oral, des ressentis et des jugements qui témoignent de compétences esthétiques, ils se révèlent, comme élèves à profils socialement contrastés, inégalement compétents à leur donner la forme qu’attend l’école dans sa façon de traiter les objets du monde. Cet article le montre en s’appuyant sur une enquête auprès d’enfants de deux classes de sixième découvrant des sculptures modernes et contemporaines au jardin des Tuileries. L’étude de ce qu’ils disent des œuvres, à la lumière de deux appuis théoriques croisés, l’un issu de la didactique et l’autre de la sociologie des apprentissages, permet de mieux comprendre ce qui peut faire difficulté, pour une partie d’entre eux, quand ils sont élèves, plus précisément dans le cadre du cours de français.

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Texte intégral

Introduction

1Les inégalités sociales préparent des inégalités scolaires qui les nourrissent en retour. Dans des pays où les enfants sont appelés nombreux et pour longtemps à devenir élèves, leurs inégalités de trajectoire se construisent largement à l’école. Celles-ci ne sont néanmoins pas uniquement le fruit d’héritages familiaux, mais se dessinent au long de complexes processus d’apprentissage scolaire (Bautier & Rayou, 2013a). Si bien que penser les inégalités dans l’enfance suppose d’articuler un point de vue anthropologique à un point de vue sociologique, le premier prenant en compte les caractéristiques communes d’êtres humains en formation, le second les contraintes de situation qui encadrent leur développement dans des contextes toujours spécifiques.

2Les inégalités scolaires se créant et se développant à l’interface des dispositions dont sont porteurs les élèves et des réquisits du système scolaire (Bautier & Goigoux, 2004), un point de vue didactique aide à comprendre en quoi tel ou tel mode d’enseignement est potentiellement porteur de différenciations sociales. La recherche sur laquelle s’appuie cet article, en confrontant des élèves à de mêmes œuvres d’art, vise à mettre en évidence leurs capacités partagées à leur donner du sens en même temps que les spécifications sociales de ces attributions et des façons de les exprimer. Elle tente ainsi de mieux comprendre la façon dont leurs potentialités d’enfants sont traitées par l’école et d’ouvrir des pistes pour aider à étayer leurs apprentissages d’élèves.

Une enquête articulant sociologie et didactique

  • 1 Par les auteurs de l’article et Cécile Richaudeau, chercheuse et enseignante de français d’une des (...)
  • 2 Collection initiée en 1997 dans le cadre des travaux du Grand Louvre, aujourd’hui gérée par le mus (...)

3L’enquête a été menée1 avec deux classes de sixième au recrutement social contrasté, l’une du collège Ferdinand Buisson, dans le Val-de-Marne, classé REP, l’autre du collège Pablo Picasso, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Les enfants ont réfléchi, écrit et échangé pendant une heure trente à propos de cinq sculptures modernes et contemporaines en bronze de la collection du jardin des Tuileries2. Cette sortie s’intégrait dans les activités du cours de français, plus précisément dans le cadre des « ouvertures vers d’autres domaines artistiques » que la littérature, telles que les prescrivent les programmes. Chaque enfant avait reçu un livret d’activités, contenant des consignes d’écriture. Ces consignes avaient été conçues, suite à des échanges entre chercheurs et enseignants, en fonction des spécificités artistiques de chaque sculpture, comme susceptibles d’impliquer les élèves dans la réception. Le but était de susciter, par l’écriture, une attention fine et sensible aux œuvres, selon le principe des écritures de la réception, telles qu’elles sont théorisées, en didactique de la littérature, par Le Goff et Fourtanier : il s’agit de la « traduction […], synchrone ou différée, d’une rencontre avec un texte, et, de façon extensive, avec toute création artistique » (2017, p. 6). L’intention était de produire, par les activités proposées aux élèves, les conditions favorables à une expérience esthétique (Schaeffer, 2015) : expérience attentionnelle, émotive et hédonique.

  • 3 Bronze. Commande publique de 1998 ; installé en 2000. Hauteur : 375 cm ; largeur : 310 cm ; profon (...)
  • 4 Animés pour toutes les sculptures par l’une des chercheuses, les autres adultes n’intervenant pas.
  • 5 Bronze et végétation, avec la collaboration de Pascal Cribier, architecte paysagiste. Commande pub (...)
  • 6 Bronze. D’après un modèle en plâtre réalisé en 1932 ; installée en 2008. Hauteur : 223,6 cm ; larg (...)
  • 7 Granite et bronze. Commande publique de 1996. Formats divers.
  • 8 Ce qui est autorisé aux Tuileries, le concepteur de la collection, le sculpteur Alain Kirili, ayan (...)
  • 9 Bronze. D’après un modèle en plâtre réalisé entre 1963 et 1965, installé en 1986. Hauteur : 210 cm (...)

4La première œuvre, L’Ami de personne de Erik Dietman3, est composée d’un personnage dont les formes rondes évoquent des univers de la culture enfantine, gentil monstre ou lutin géant, et d’une chaise en bronze installée face à lui. Le récepteur peut participer à l’œuvre en s’asseyant sur la chaise mais aussi en interprétant à sa façon cet intrigant assemblage. Les accompagnateurs ayant dissimulé au préalable le cartel contenant le titre, les élèves ont répondu à la question suivante : « Comment appellerais-tu cette œuvre ? Pourquoi ? Note le titre secrètement et prépare l’explication ». Le but était de favoriser l’observation et la recherche d’une caractérisation du personnage puis, au cours des échanges4, de faire remarquer la présence de la chaise. La seconde sculpture, l’Arbre des voyelles de Giuseppe Penone5, est constituée du moulage d’un chêne de vingt mètres, couché, et de cinq arbres, plantés aux points où les racines en bronze touchent le sol. Les élèves devaient noter des hypothèses à partir de leur observation (« À ton avis, est-ce que c’est un vrai arbre ? Explique ton avis. Dis où commence l’œuvre et où elle finit »). Le but était de les rendre sensibles au dialogue, au sein de l’œuvre, du naturel et de l’artefactuel. Pour ces deux sculptures, les élèves ont travaillé pendant 5 minutes, individuellement, avant un temps d’échanges dans le groupe d’une dizaine de minutes, à partir des propositions. Pour l’œuvre suivante, Standing Woman (ou Heroic Woman) de Gaston Lachaise6, plantureuse et péremptoire femme nue qui toise le spectateur, la consigne d’écriture était la suivante : « À ton avis, que dit Standing Woman ? Fais-la parler puis explique pourquoi tu penses qu’elle pourrait dire cela ». Chaque élève a écrit sa réplique, puis ceux qui le souhaitaient l’ont prononcée, en prenant la même position que le personnage, ce qui a suscité des échanges interprétatifs. La quatrième œuvre était The Welcoming Hands de Louise Bourgeois7. Il s’agit de mains de bronze de formats divers installées seules ou par groupes sur des socles de granite. Les élèves ont écrit pendant une quinzaine de minutes sur la consigne suivante : « Regarde bien les différentes Welcoming Hands, touche-les, caresse-les, prends-les dans tes mains et, si tu veux8, touche aussi les socles, tout en pensant à deux textes que tu vas écrire (ce travail doit se faire dans le calme, sans déranger les autres) : Texte 1 : Un poème. C’est ta main qui parle, à la première personne (= je) ; elle dit ce qu’elle ressent. Texte 2 : Une histoire. Raconte l’histoire de ces mains, ou d’une de ces mains, ou de ta rencontre avec ces mains, ou une autre histoire avec ces mains ». Le but était de favoriser une expérience sensible engageant simultanément la vue et le toucher et de favoriser l’activité de l’imaginaire. Enfin, La Foule de Raymond Mason9 est un regroupement de personnages qui font face au spectateur. Ils sont comme à différents moments d’un processus de déliquescence. Chacun des élèves a d’abord écrit, pendant une dizaine de minutes, un texte narratif avec la consigne suivante : « Imagine ce qui a pu se passer pour qu’on en arrive là ». Puis les volontaires ont lu leur texte au reste du groupe, chaque lecture étant suivie d’échanges. Ceci a permis de donner lieu à des interprétations différentes de l’œuvre, toutes s’accordant sur l’atmosphère inquiétante voire angoissante qu’elle produit.

5Une semaine après la sortie, dans chacune des deux classes, des entretiens individuels, d’une durée de 20 minutes, ont été menés avec 21 élèves. Il s’agissait d’entretiens semi-directifs outillés, selon une démarche pouvant être éclairée par la comparaison avec la pratique des « situations forcées » étudiées par des didacticiens (Claude & Rayou, 2019). Si les propos de l’enfant étaient libres, l’entretien visait à le faire s’exprimer sur son souvenir de sa rencontre avec les œuvres, tout en l’incitant à poursuivre la mise en mots de sa réception. Les interventions de l’enquêteur consistaient en pressions au développement du propos et à la justification, appuyées sur les écrits de l’enfant, contenus dans son livret, et sur des photographies prises pendant la sortie. L’enfant était incité à expliquer, commenter, compléter ce qu’il avait écrit d’une part ; d’autre part à comparer les différentes sculptures (laquelle as-tu préférée et pourquoi ? quelle activité d’écriture as-tu préférée et pourquoi ?).

6Nous tenons ces entretiens avec les enfants comme un matériau fiable et utile pour la recherche (Danic, Delalande & Rayou, 2006), et les avons traités selon un système de codage des récurrences, avec l’appui de deux modèles théoriques.

  • 10 Comme il ne s’agit pas d’un questionnaire standardisé, le choix a été fait de partir des propos d’ (...)
  • 11 Par exemple nous avons codé AFIasso (pour activité fictionnalisante, association d’images) quand l (...)

7Le premier est le modèle de l’activité fictionnalisante, conçu par Langlade dans le cadre de la didactique de la lecture littéraire, qui nous est apparu comme transposable à la réception des sculptures par les élèves de notre enquête. Lors de l’enquête, les textes écrits par l’élève dans son livret d’activités donnaient lieu, à l’occasion des entretiens individuels, au retour sur les inventions contenues dans ces textes, fruits d’un dialogue personnel avec l’œuvre que l’enfant pouvait prolonger, mais aussi sur l’analyse de ce qui, dans la rencontre avec la sculpture, avait nourri cette réception et continuait de la nourrir. D’après Langlade (2008), le récepteur reconfigure toujours l’œuvre, car il lui associe des images, des fantasmes, des jugements moraux ; cette activité créative produit un dispositif de réception propre à chaque spectateur, à l’interface de la réalité de l’œuvre et de ce qu’il y projette. L’œuvre telle que la reçoit un récepteur est différente de la même œuvre reçue par un autre. Mais l’école, quand elle laisse une place à ce processus de reconfiguration des œuvres par les élèves récepteurs, vise certes « l’acquisition des compétences qui permettent l’élaboration, l’activation » de ce processus de fictionnalisation, mais aussi l’acquisition de celles qui en permettent l’analyse (Langlade, 2008, p. 64). Ainsi, dans le cadre de la discipline scolaire français, qui est un contexte de réception spécifique des œuvres, l’élève doit apprendre à faire un retour sur son expérience subjective, non pour y renoncer, mais pour mettre en évidence, à destination d’autrui, la façon dont « il dispose de ce que l’œuvre met à sa disposition » (Langlade, 2008, p. 56). De ce point de vue, cet exposé de la réception en est simultanément un étoffement, car il crée du sens tout en disant le sens. Le discours de réception s’invente tout en se formulant (Le Goff & Fourtanier, 2017). Nous avons analysé les transcriptions des entretiens selon ce double aspect de la production de l’activité fictionnalisante et du retour réflexif du récepteur sur sa propre réception de l’œuvre, compte tenu des spécificités de cette œuvre. Pour l’activité fictionnalisante, qui nous semblait prise en charge par tous les enfants, chacun à sa manière, nous avons découpé des verbatim formant une unité de contenu (même sculpture et même type de propos) et les avons codés10 selon les cinq ressorts définis par Langlade : « Association d’images, production fantasmatique, réaction esthétique, jugement moral, cohérence mimétique, telles me paraissent être les sources diverses et complémentaires qui alimentent le dialogue des imaginaires du lecteur et de l’œuvre et qui, au bout du compte, constituent l’œuvre en tant que telle » (Langlade, 2008, p. 54)11. Pour l’étude du retour réflexif, qui nous semblait montrer plus nettement que les enfants étaient différemment préparés aux réquisits scolaires, un autre appui théorique nous a été nécessaire.

  • 12 Par exemple RANAcoMAJ (pour retour analytique, registre cognitif, mode majeur), RANAculMIN (pour r (...)
  • 13 Nous donnons ces deux indications (notées PCS+, PCS+/- et PCS- pour la catégorie sociale et rang 1 (...)

8L’autre modèle théorique mobilisé est celui de la sociologie du curriculum et des apprentissages. Nous tentons de l’articuler à celui des didactiques de manière à saisir simultanément les réquisits propres à chaque discipline, qu’elles mettent en évidence, et les exigences curriculaires générales qui sont celles d’une société donnée. Nous considérons ainsi que toute activité d’intellection configure trois registres : cognitif (certaines opérations de raisonnement propres à une école fondée sur l’impératif de rendre raison de ce qu’on avance) ; culturel (l’appui sur certains savoirs et valeurs propres à une école laïque) ; identitaire symbolique (un certain mode d’engagement de soi plus ou moins différent de celui que peuvent avoir les élèves comme enfants ou comme pairs) (Bautier & Rayou, 2013a). Nous considérons que l’école valorise une configuration spécifique de ces trois registres. Ceci nous conduit à un découpage complémentaire des verbatim en fonction des unités de contenu du retour analytique demandé aux élèves. Selon les enfants et les sculptures, ces registres sont activés en mode qu’on peut dire majeur ou mineur, du point de vue en tout cas des attentes scolaires (Rayou, 2020), ce qui a été codé12. Certains verbatim sont en outre codés comme « échecs du retour analytique » : ce sont ceux où l’enfant, alors qu’il y est incité par l’enquêteur, part dans d’autres directions que celle qui lui permettrait d’analyser comment la sculpture a suscité son activité fictionnalisante. Enfin, ont été repérées des corrélations éventuelles avec le niveau scolaire de l’enfant (classé dans le 1er, le 2e ou le 3e tiers de la classe par les enseignants) et les catégories sociales des familles (trois catégories distinguées par regroupements de professions et catégories-socio-professionnelles à partir des informations données par les établissements et les enseignants : catégories supérieures ; catégories intermédiaires ; catégories populaires)13.

9La recherche montre que si, dans le contexte de ce travail aux Tuileries sur des consignes d’écriture pensées pour cela, tous les enfants se constituent en récepteurs des œuvres, le retour réflexif qu’ils font sur leur expérience révèle qu’ils sont plus ou moins préparés aux réquisits scolaires, ceux du collège REP l’étant moins souvent que ceux du collège parisien.

L’activité fictionnalisante des enfants

10Tous s’engagent dans la rencontre avec les œuvres, en activant les cinq ressorts définis par Langlade.

Association d’images

11Le récepteur « “complète” l’œuvre en puisant dans les fichiers d’images issus de son expérience, des lieux du monde et de sa culture iconographique » (Langlade, 2008, p. 49). Les enfants ont produit des images dans leurs écrits et y reviennent en entretien, les enrichissant souvent. Par exemple, Élisa (PCS+/-, rang 1), qui a écrit le récit d’un incendie qui ravageait le pays et menaçait les personnages, dit à propos de La Foule :

Ça m’a fait voir beaucoup d’images parce que je m’étais vraiment imaginé la scène avec un incendie et tout… et dans ma tête j’ai vraiment vu des flammes.

12Mourad (PCS+, rang 3) associe, quant à lui, des images diverses aux Welcoming Hands :

La main elle faisait trop penser à quelqu’un qui kidnappe, un policier qui arrête un petit.

13Le lexique de l’imaginaire et la description des images produites sont des marqueurs de ce ressort de l’activité fictionnalisante.

Production fantasmatique

14Un aspect de l’activité fictionnalisante est celui par lequel « un sujet exprime ses désirs de façon plus ou moins déformée » (Langlade, 2008, p. 51). Les enfants activent des scénarios imaginaires, à travers lesquels ils expriment leurs fantasmes enfantins. C’est le cas de Khadidja (PCS-, rang 2), qui a sans doute projeté sur Standing Woman le désir d’être une femme capable de partager les activités masculines :

Elle voulait aider les garçons à faire la guerre, et après, eux, ils ont dit non parce que c’était une fille.

  • 14 Souvent vu par les enfants comme un conglomérat de plusieurs personnages.

15Quant à Théo (PCS+, rang 1), il exprime à propos de LAmi de personne14 une vision singulière de la sortie de classe :

J’ai appelé [la sculpture] « l’école » parce que quand on sort de l’école et quand ça sonne des fois à la sortie… on s’empale, on voit plus du tout à qui ressemble notre corps, on ne sait plus à qui c’est notre bras, notre tête, notre jambe.

16Nous classons comme production fantasmatique les énoncés narratifs qui nous semblent donner à la sculpture un rôle dans un scénario où l’enfant met en scène quelque chose de son univers onirique.

Cohérence mimétique

17Le récepteur participe à établir une cohérence de l’œuvre en imaginant, d’après son expérience du monde, des explications ou des relations de causalité diverses. Cette activité est particulièrement incitée par ces œuvres, non figuratives ou très énigmatiques. Ainsi, Louis (PCS+/-, rang 3) propose-t-il une explication à la situation des personnages de La Foule, dont il fait des acteurs de cinéma : « les gens semblent effrayés, car ils sont en train de tourner une scène de film ».

18Malek (PCS+/-, rang 3) interprète L’Ami de personne comme une créature clivée qui tente de sortir de ce clivage : « on avait l’impression que c’était deux personnes dans un même corps. Qu’il essayait de sortir de ce corps, d’être quelqu’un, d’être une seule personne, pas deux dans un même corps ».

19La recherche de la cohérence mimétique est marquée par la proposition d’une explication à l’étrangeté de la sculpture. Les marqueurs fréquents en sont des formules comme : « on a l’impression que », « on dirait que », suivies de propositions appuyées sur des référents réels auxquels la sculpture est comparée.

Réaction esthétique

20L’activation de l’imaginaire est aussi « intimement liée à la forme de l’œuvre et à la relation esthétique qui se crée » (Langlade, 2008, p. 54). Justine (PCS+/-, rang 1) dit par exemple comment les formats contrastés des Welcoming Hands ont activé son imaginaire :

J’ai bien aimé parce qu’il y avait un gros bloc avec des petites mains de bébé […] j’aime bien quand il y a des contrastes, un très gros truc dans un petit ou un petit truc dans un grand.

21Marc (PCS+/-, rang 1) a conscience que la forme de la représentation ne vaut pas ou pas seulement par ce qu’on peut appeler sa beauté, au sens de sa joliesse, mais pour l’effet produit par ses spécificités sur sa réception. Il nous dit en effet à propos de La Foule que « C’était beau à voir ». L’enquêteur s’étonnant, il précise :

C’est pas le massacre que j’aime, c’est comment ça a été représenté, y en a qui étaient complètement déformés […], c’était beau, enfin, pas beau dans le sens les gens étaient beaux, petite coiffure tout ça, c’était intéressant.

22La réaction esthétique se signale par du vocabulaire mélioratif ou des verbes exprimant le plaisir, ainsi que par diverses marques de l’appréciation de l’énonciateur : il ne s’agit pas de constater une qualité intrinsèque à l’objet, mais d’exprimer en quoi cet objet retient l’intention du récepteur, produit plaisir et émotion.

Jugement moral

23« L’imaginaire du lecteur est également activé par la confrontation de son système de valeurs avec le contenu d’une œuvre » (Langlade, 2008, p. 52). Les enfants expriment de nombreuses réactions morales, très diverses, à propos de presque toutes les sculptures. Interrogé sur la nudité de Standing Woman, Akim (PCS-, rang 3) répond : « C’est pour montrer qu’elle a peur de rien ». Justine (PCS+/-, rang 1) n’a pas du tout la même vision, jugeant que la nudité moderne est bien plus provocatrice que la nudité académique des Vénus ou des odalisques : « J’aime pas les dames toutes nues, comme ça. Enfin dans les anciennes sculptures ou dans les anciens trucs, c’est un peu normal, mais là j’aime pas ». Marc (PCS+/-, rang 1) a quant à lui une réaction morale de nature différente :

Il l’a faite un peu grosse, il y a des gros seins… ça dénigre un peu l’honneur des femmes. C’est une belle statue mais on peut la faire en moins grosse parce que même si c’est une belle statue on insulte les femmes en faisant ça.

24Dans certains cas, le jugement moral est explicite, l’enfant exprimant son accord ou son désaccord avec ce qu’il voit ou qu’il interprète. Dans d’autres cas, certains mots, comme ici « dénigre » ou « insulte », signalent par leurs connotations le jugement de valeur.

25L’activité fictionnalisante de chaque enfant lui est donc particulière mais tous ceux qui ont été entendus pour l’enquête font dialoguer leur imaginaire avec au moins une sculpture, généralement plusieurs. Ces fictions d’enfants en réaction aux sollicitations des œuvres sont très riches de potentialités interprétatives. Mais des différences sont notables pour ce qui est du retour analytique sur leur expérience, qui est plus ou moins proche selon les enfants de ce qui serait attendu d’eux à l’école, en tout cas en français.

Un retour analytique sur l’expérience : quelles dispositions d’élèves ?

Des dispositions cognitivo-langagières plus ou moins valorisables scolairement

26Les capacités cognitivo-langagières dont disposent les enquêtés sont très nettement inégales au regard des modes de valorisation scolaires. Par exemple, Mourad et Justine ont l’un et l’autre à dire des Welcoming Hands. Mais Mourad (PCS+/-, rang 3) ne trouve par les mots pour expliquer ce qui dans la sculpture a produit les images violentes qu’il lui a associées (arrestation, rapt d’enfant). Il s’exprime avec des gestes, que l’enquêteur traduit :

Elle était en train de contracter comme ça (geste) […]
Enquêteur (E) : Il faut que tu m’expliques, je comprends pas bien…
Parce qu’en fait la truc elle était comme ça… (geste)
E : La main était comme ça ?
Tendue, à tenir la main comme ça (geste)
E : Elle tenait une autre main. Par le poignet ?
Oui. Et les mains elles étaient comme ça et une elle était détachée comme ça… (gestes).

27Ce verbatim constitue bien un retour analytique de Mourad sur ce qui, des caractéristiques de l’œuvre, nourrit la réception qu’il en fait, mais les écrits scolaires, qui doivent être adressés à un destinataire impersonnel et absent, ne peuvent s’accommoder de ce mode d’expression : d’où le codage du verbatim comme mineur dans le registre cognitif.

28Justine (PCS+/-, rang 1) explique de façon plus compatible avec les réquisits scolaires la réaction esthétique qu’a suscitée pour elle l’expérience tactile de l’œuvre. Ce verbatim est codé comme activant le registre cognitif en majeur :

Quand tu touches, tu sens ce que tu ne vois pas, qu’une ligne est vraiment creusée, qu’il y a des détails qui n’étaient pas juste dessinés. Là, tu sentais que c’était vraiment creusé, que c’était vraiment fait, pas juste dessiné.

29Autre exemple de ce contraste : Melissa (PCS+/-, rang 1) est consciente qu’elle a perçu le personnage différemment quand elle a compris que la chaise vide en bronze faisait partie de la sculpture de Dietman, L’Ami de personne :

C’est bizarre. En fait, la chaise, elle a tout changé.
E : Ouais ?
(Très faiblement) : c’est trop bizarre….

30Mais elle va répéter que c’est « trop bizarre », sans parvenir à développer ce qui a changé sa réception de l’œuvre. Ce verbatim est codé comme un retour analytique dans un registre cognitif mineur : lexique peu varié, absence de liens syntaxiques, énonciations inachevées.

31Élisa (PCS+, rang 1) exprime quant à elle très efficacement son interprétation du jeu de la sculpture avec le spectateur : celui qui s’assoit sur la chaise est l’ami de L’Ami de personne :

Je trouve que c’est une bonne idée du sculpteur d’avoir mis la chaise en face […] et que la chaise, c’était à la sculpture, j’ai trouvé ça intéressant en fait surtout pour celui qui s’assoit sur la chaise.
E : Pourquoi pour celui qui s’assoit sur la chaise ?
Parce que quand on est assis sur la chaise on a vraiment l’impression d’être l’ami de la sculpture, je trouve qu’elle est vivante.

32Le registre majeur est marqué par un lexique varié et le développement verbal : liens de subordination divers, enrichissement progressif des idées par l’ajout de nuances ou de précisions.

33Les entretiens contiennent de nombreux exemples de ce contraste entre un registre cognitif majeur et mineur (du point de vue de l’école). Si tous les enfants sont à même de produire un discours personnel, permettant de donner du sens aux œuvres, tous n’ont pas à leur disposition les capacités cognitivo-langagières pour exposer leur réception dans les modalités verbales que l’école valorise.

Des références culturelles plus ou moins légitimes au regard de l’école

34Norah (PCS-, rang 2) porte sur Standing Woman un jugement moral mélioratif : « Elle est fière d’être une femme ». Poussée par l’enquêteur au retour réflexif sur ce jugement, elle s’approprie cette fierté et l’explique ainsi :

Je suis fière d’être une femme, c’est bien d’être une fille même si on souffre plus que les garçons.
E : Tu trouves qu’on souffre plus que les garçons ?
Les garçons ils se font juste couper le zizi et après, ça s’arrête là, alors que nous, nous, on accouche, ça fait mal […] j’ai vu sur Babyboom, il y a une dame, elle a pris deux heures pour sortir son bébé parce que elle était trop zen et elle soufflait trop doucement (bruitage) comme si elle était constipée elle faisait (bruitage) comme elle respire d’habitude.

35Elle oppose à Standing Woman une femme qu’elle déprécie du fait qu’elle a des difficultés à mettre au monde son enfant. Elle a vu cette femme dans une série télévisée consacrée à des récits de grossesse et d’accouchement plus ou moins heureux, qu’elle dit regarder avec sa mère et sa sœur. Cette référence culturelle pourrait être considérée comme illégitime à l’école. Et pourtant cette fierté d’être femme, qu’on peut effectivement interpréter dans la sculpture, y compris dans une réception experte, peut résider, parmi d’autres causes, dans la capacité de donner la vie : la masse de certaines parties de Standing Woman, la poitrine, les épaules, est augmentée, d’une façon qui rappelle les figures de fertilité du paléolithique, référence évoquée par le sculpteur, Gaston Lachaise.

36La référence que convoque Alice (PCS+, rang 2) à propos de l’Arbre aux voyelles appartient au contraire à un registre culturel considéré comme majeur par l’école :

J’ai bien aimé l’Arbre aux voyelles […] ça m’a rappelé un film où c’est une jeune fille qui, quand elle est morte, son père, c’est avec des dieux, elle devient en quelque sorte un arbre. […] C’est Percy Jackson, j’adore ce film, parce que, à la base, j’adore la mythologie.

37Il s’agit vraisemblablement du mythe de Daphné qui, poursuivie jusqu’à l’épuisement par Apollon, fou amoureux, implore son père, dieu fleuve, de la métamorphoser en laurier. Certes, Alice ne se réfère pas directement à une source gréco-latine mais à un film, lui-même inspiré d’un roman qui est une réécriture moderne de la mythologie ancienne. Nul doute cependant que l’école valoriserait cette référence, d’autant que Penone évoque lui-même les Métamorphoses d’Ovide quand il parle de son œuvre, où l’artefact dialogue avec le végétal.

38Les remarques d’Alice comme celles de Norah sont riches de potentialité interprétative, y compris du point de vue scolaire, à condition, pour l’une comme pour l’autre, qu’elles parviennent à poursuivre l’analyse des caractéristiques de la sculpture qui ont produit cette connexion avec leur culture. Mais les références dont dispose Alice la préparent plus directement à sa carrière d’élève que celles dont dispose Norah, l’écart entre le registre culturel attendu et le registre culturel mobilisé est moins ample.

Une conception de l’art plus ou moins compatible avec celle de l’école

  • 15 Au sens de l’institution sociale au nom de laquelle ceux qui sont considérés comme arbitres de l’a (...)

39Quand les enfants sont invités par l’enquêteur à revenir sur leur réaction esthétique, ils le font au nom d’une certaine conception de l’art, qui, pour une partie d’entre eux, relève d’un registre culturel que l’école et avant elle le « monde de l’art »15 considèrent comme mineur. Par exemple, pour Akim (PCS-, rang 3), l’art vaut parce qu’il est bien fait, ressemblant. Il dit à propos des Welcoming Hands :

La main, elle est bien faite…
E : Oui… qu’est-ce que tu appelles bien fait ?
Ben les doigts ils sont bien faits, la forme elle est bien faite, la silhouette tout ça… […] C’est comme une vraie main mais en bronze…

40Cette conception est partagée par Kenza (PCS-, rang 2), qui refuse de s’impliquer dans la réception de L’Ami de personne, car cette œuvre n’étant pas figurative, elle considère qu’elle n’en vaut pas la peine :

C’est pas joli. […] En plus, ça ressemble pas à quelqu’un, ça ressemble à rien du tout […] On dirait qu’ils ont fait n’importe quoi.

41Du point de vue de l’école, une telle conception de l’art serait dévalorisée, puisque d’une part elle exclut toute forme d’art non figuratif et que, d’autre part, elle pourrait cantonner l’œuvre dans une fonction purement décorative.

42D’autres enfants se réfèrent à une conception de l’art tout à fait en phase avec celle de l’école : une œuvre vaut parce qu’elle donne à penser et à imaginer au récepteur. Ainsi de Tadzio (PCS+/-, rang 1) :

L’Ami de personne j’ai bien aimé parce que comme ça ressemble à rien, on peut tout s’imaginer. Et du coup, ça t’intéresse tout de suite, ça t’accroche tout de suite, tu as envie de savoir… et en fait à la fin, surtout quand tu es sur la chaise, tu te rends compte que toi aussi tu fais partie d’une œuvre… et du coup, c’est ce fait là, comme ça ressemble à rien, tu t’y intéresses directement.

43Justine (PCS+/-, rang 1) elle aussi se réfère à une conception de l’art plus proche de ce que valorise généralement l’école aujourd’hui :

J’ai bien aimé La Foule parce que c’est comme L’Ami de personne, tu peux t’imaginer plein de choses. […] Tu te demandes pourquoi il est comme ça ? Pourquoi il est là aussi.

44Les réquisits scolaires présupposent une certaine conception de l’œuvre d’art, comme ouverte à son récepteur (Eco, 1965), que certains enfants ont déjà construite à leur arrivée au collège. Considérer cette vision de l’art comme allant de soi est susceptible de produire des inégalités de réussite.

Un mode d’engagement de soi scolairement valorisé

45Pour le registre identitaire symbolique, certains enfants sont d’emblée plus proches que d’autres de la subjectivation qui sera scolairement valorisée dans la discipline.

46Dans certains cas, le sujet s’engage si entièrement dans l’activité fictionnalisante – ou du moins dans les consignes d’écriture – qu’il oublie la sculpture et n’expose que lui-même et non son dispositif de réception.

  • 16 Rest In Peace.

47Ainsi, Norah (PCS-, rang 2) a-t-elle écrit à propos des Welcoming Hands un poème en forme de déclaration d’amour à ses proches, qui se termine par « RIP16 à tous ceux qui sont morts, à mes amis, ma famille, ou à des gens que je ne connais pas ». À l’enquêteur, qui lui demande ce qui l’a fait penser à tout ça, elle répond :

Les terroristes.
E : Ah bon ?
Oui parce que en fait quand on est rentré en 2018 et ben les gens ils ont fait : « j’espère que les terroristes ils vont arrêter de tuer des gens », après ça s’est arrêté au bout d’un moment, et après ça a repris un petit peu, et après ça s’est arrêté, et pendant les autres années d’avant il y a eu beaucoup de terroristes qui tuaient des gens…
E : Les mains ça t’a fait penser à ça ?
Comment ça les mains ?
E : Parce que ça, c’est ce que tu avais écrit à partir des mains de Louise Bourgeois.
Ah mais non, c’est parce qu’on m’a dit de faire un poème !

48Ce verbatim est codé comme une absence de retour analytique. En effet, Norah fait un retour réflexif sur son activité fictionnalisante, mais sans que l’enquêteur parvienne à la faire revenir à ce qui, de l’œuvre, a pu la provoquer, elle ne revient qu’à elle-même.

49Même si c’est tout à fait légitime que cette tâche d’écriture soit une occasion pour l’enfant Norah d’écrire sur ce qui la préoccupe, elle ne saisit pas ce qui en contexte scolaire serait l’objectif implicite de la consigne d’écriture, qui est de dialoguer avec l’œuvre pour construire une réception créative de sens : ce qui mettrait en difficulté l’élève Norah.

50L’engagement subjectif d’Élisa (PCS+, rang 1) à propos de La Foule est au contraire déjà celui d’une élève – voire d’une amatrice d’art lettrée :

Je trouve que c’est apaisant […]
E : Tu disais que c’était un incendie… qu’est-ce qu’il y a d’apaisant ?
Je trouve que le pompier, enfin celui que j’ai imaginé être un pompier, je le trouvais plutôt calme, même si je sais qu’il ne bouge pas, mais je le trouvais calme, je l’aimais bien ce pompier.
E : Et tu as eu des émotions, tu as ressenti…
J’étais un petit peu triste car j’avais l’impression qu’il y avait certaines personnes qui criaient, d’autres qui étaient complètement défigurées.
E : Et tu étais vraiment triste, c’était comme si tu voyais des vraies personnes ?
Non ! Je savais que c’était une sculpture.

51Élisa fait dialoguer son imaginaire avec celui de l’œuvre, tout en sachant parfaitement que ce dialogue, tout authentique qu’il soit, est fictif. Elle est tout à fait consciente de son activité fictionnalisante, qui lui fait imaginer l’un des personnages comme un pompier, à qui elle confie la fonction d’apaiser les émotions qu’elle ressent et à partir desquelles elle élabore une interprétation – tout en sachant qu’il ne dépend que d’elle de se rappeler qu’il s’agit d’une sculpture et de mettre à distance ses affects. Schaeffer (1999) parle de « feintise ludique partagée » : il ne suffit pas que l’inventeur, ici le sculpteur, feigne, il faut aussi que le récepteur accepte pour de faux de croire à cette feintise.

52Cet engagement de soi très particulier attendu des élèves est au regard de notre enquête bien plus aisé aux enfants qui y sont familiarisés par leur parcours de socialisation.

Retour analytique sur l’expérience et caractéristiques socio-scolaires des élèves

53Il faudrait administrer le protocole retenu à un nombre bien supérieur d’élèves pour en tirer des conclusions robustes sur un plan quantitatif. Néanmoins, certaines tendances semblent se dégager de ce qui pourrait être une pré-enquête pour un travail reposant sur un corpus plus étendu. Puisque l’activité fictionnalisante des enfants semble chose très partagée, l’étude s’est centrée sur le retour analytique sur cette dernière qui, dans les entretiens comme dans les productions écrites, semblait beaucoup plus discriminant en termes scolaires.

54Comme c’était prévisible, les élèves issus de catégories sociales supérieures montrent plus d’aptitudes que ceux des catégories populaires à exposer et réfléchir selon des critères scolaires la façon dont ils reçoivent les œuvres (voir tableau 1). Une partie de ces derniers n’y parviennent pas alors même que les enquêteurs le leur demandent explicitement, alors que, chez les premiers, rares sont ceux qui n’opèrent pas ce retour analytique (les 21 % de la ligne 2 du tableau 1 étant essentiellement dus à la défection sur ce plan d’Alice, dont le cas fera l’objet d’une étude plus précise un peu plus loin).

Tableau 1. Retours analytiques et catégories sociales

Catégories sociales des parents Mode majeur
n = 111
Mode mineur
n = 103
Absence de retour analytique
n = 47
Catégorie supérieure
n = 53
68 % 11 % 21 %
Catégorie intermédiaire
n = 131
47 % 40 % 13 %
Catégorie populaire
n = 77
17 % 59 % 24 %

Lecture de la ligne 2 : sur l’ensemble des verbatim (261) consacrés au retour analytique sur l’activité fictionnalisante, 53 sont le fait de jeunes appartenant aux catégories sociales supérieures. Parmi eux, 68 % le font selon notre codage en majeur, 11 % en mineur et 21 % ne procèdent pas au retour auquel ils sont invités.

55La correspondance est très semblable si nous considérons les classements scolaires des élèves : les meilleurs (qui sont souvent des enfants de ces mêmes catégories supérieures) sont les plus capables de tisser leur expérience esthétique avec les normes scolaires (voir tableau 2).

Tableau 2. Retours analytiques et niveaux scolaires

Niveau scolaire estimé par les enseignantes Mode majeur
n = 111
Mode mineur
n = 103
Absence de retour analytique
n = 47
Rang 1 74,5 % 13,5 % 12 %
Rang 2 13,5 % 54,5 % 32 %a
Rang 3 32 % 56,5 % 11,5 %

Lecture de la ligne 2 : en matière de retour analytique, 74,5 % des enfants classés par leur enseignante dans le premier tiers de la classe relèvent du mode majeur, 13,5 % du mode mineur. 12 % n’opèrent pas un tel retour.
Note : a : une hypothèse à vérifier serait que des élèves peuvent se maintenir à un niveau moyen en faisant valoir des compétences expressives à l’oral qui ne relèvent pas du retour analytique.

56En mettant à part les élèves classés dans le premier tiers du collège Pablo Picasso (centre parisien, élèves socialement favorisés et de meilleur niveau), on voit s’opérer cette combinaison des caractéristiques sociales et scolaires, puisque ce sont alors près de 90 % des verbatim d’élèves classés dans le premier tiers qui émargent au mode majeur du registre culturel scolaire. Un autre tri vient confirmer ce phénomène de « correspondance » entre ces deux types de catégories (sociales et scolaires) et les résultats de notre enquête : en éliminant de nos comptages Malek et Kilian (classés par leurs enseignants dans le dernier tiers des élèves, mais qui nous ont surpris par le nombre des pistes interprétatives qu’ils proposent en entretien), le pourcentage de verbatim d’élèves de plus bas niveau répondant selon le régime majeur passe de 32 % à 21,5 %, celui de ceux qui ne parviennent pas à un point de vue analytique de 11,5 % à 10,5 %.

57Mais pourquoi s’intéresser à ces cas (Alice, Kilian, Malek) qui dérogent à ces phénomènes massifs de transmission ? Précisément parce que, comme cas paradoxaux (Henri-Panabière, 2010 ; Rayou, 2017), ils aident à mieux comprendre les processus de socialisation devenus invisibles dans les états d’équilibre auxquels parviennent les enfants devenus élèves. Le dispositif qui leur est proposé, partiellement affranchi de la forme scolaire par son appel à l’émotion dans un cadre qui n’est pas celui, ordinaire, de la classe, laisse apparaître des possibles habituellement inexploités chez les deux garçons alors qu’il les inhibe chez cette jeune fille subitement envahie par de douloureux souvenirs.

58Kylian (PCS-, rang 3), en particulier, est un collégien de Ferdinand Buisson dont les enseignants pensent qu’il aurait dû suivre une Segpa, mais dont les parents (sans activité professionnelle) s’y sont opposés. Son niveau est, d’après les informations données par son enseignante de français, celui d’un élève de CE2, manquant de « bases importantes de l’école primaire ». Bénéficiant d’une auxiliaire de vie scolaire, il est néanmoins « très volontaire à l’oral » et « accroche bien lors des activités autour de l’art ». Il a beaucoup aimé L’Ami de personne qui l’a fait entrer avec jubilation dans la fiction :

E : Tu as dit que c’était un petit peu comme s’il redevenait un enfant...
C’est comme moi, par exemple, je vais faire une banane, après une tête, après des carottes et je vais dire à ma famille : essayez de savoir qu’est-ce que j’ai fait, ça ressemble à quoi ? Je trouve qu’il a fait comme ça.

59La pression de l’entretien le conduit à donner simultanément une conception de l’œuvre d’art comme jeu qui renvoie à l’univers enfantin, que ne récuseraient pas nombre d’experts artistiques :

Ben ça veut dire, il est pas que adulte, il est revenu à son enfance à faire... dans sa tête, il a fait : « tu sais quoi, Erik ? je vais créer une sculpture, et en même temps que je vais créer la sculpture, mais je vais pas vraiment lui mettre un visage, pour que les gens, comme ça, en voyant pas le visage, ils vont se douter ». Et faire un petit jeu comme nous,… comme vous l’avez fait…, pour faire le quiz aux gens. Oui, voilà, aux gens, pour leur faire réfléchir les neurones.

60À côté de cela, Kylian reste bloqué sur d’autres sculptures, comme les Welcoming Hands, qu’il ne considère que comme décoratives, voire n’évoque pas les autres. Mais cette fulgurance liée à la rencontre avec L’Ami de personne laisse entrevoir bien des possibles.

61Alice (PCS+, rang 2), élève à Pablo Picasso, fille d’un directeur de cabinet d’audit international et d’une mère ingénieure en informatique, figure dans le deuxième tiers de sa classe. Apparemment sous le coup de la séparation de ses parents, elle se livre à des confidences en évoquant les Welcoming Hands :

J’ai eu la sensation de pas vraiment prendre la main de quelqu’un, parce qu’elle n’était quand même pas là, mais ça me rappelait quand je prenais la main de mon père ou de ma mère ou les deux en même temps avant, parce que maintenant, c’est un peu plus compliqué ! Car maintenant, j’ai des parents divorcés…

62Le passage, attendu par l’entretien, à une activité analytique ne se fait cependant pas, malgré ce retentissement et, sans doute, à cause de lui. Habituée des musées, imprégnée d’héritages culturels patrimoniaux, elle ne parvient pas à utiliser ces arrière-plans pour analyser ses émotions, mais, requalifiée par la position d’experte fournie par l’échange, elle finit par faire de la prescription en retenant surtout de l’art son usage en termes de distinction sociale :

Il y a une exposition que je suis allée voir avec mes parents, l’année dernière, une exposition pop que j’ai bien aimée. […] C’était assez particulier, tu vois, des œuvres que tu ne t’attendais pas à y voir. Je ne conseille pas à ce que les personnes de mon âge y aillent, parce que c’est assez particulier, parce que, parfois, il y avait des femmes à poil, oui ! Mais c’est pas pour autant que j’aimais pas, parce que le concept était assez sympa, ça reprenait des sculptures d’une autre époque qui étaient vraiment sympa…

63L’un et l’autre cas, dont on ne trouvera ici que des aperçus, sont très significatifs de l’autonomie relative de ces registres d’apprentissages qui peuvent s’épauler ou, au contraire, s’entre-empêcher. Les routines sociales veillent à assurer des configurations relativement prévisibles, mais le polymorphisme enfantin ne se laisse pas toujours réduire et, réactivé par l’exposition aux œuvres d’art, il révèle de puissants effets d’après-coup.

Conclusion

64L’expérience esthétique que nous proposons aux élèves met en fait en jeu deux contrats différents et superposés. Le premier s’adresse à des enfants qui, à partir de leur socialisation familiale, mobilisent de fait des moyens, valeurs et ressources propres pour donner du sens aux œuvres proposées. Beaucoup des jeunes de banlieue, souvent confrontés pour la première fois à des œuvres modernes et contemporaines, ont été très diserts et ont, à l’issue de la visite, affirmé le désir de conduire un jour leurs parents aux Tuileries pour partager avec eux ce qu’ils y avaient découvert. Le deuxième contrat concerne plutôt des élèves, qu’il appelle à mobiliser des habiletés propres aux registres d’apprentissage en vigueur à l’école. Ceux de milieux plus favorisés sont généralement plus capables que les autres d’opérer sur leur expérience des retours analytiques plus nombreux et plus pertinents eu égard aux attentes scolaires. Si les modalités de réception des œuvres de ces enfants et élèves sont singulières et propres à chacun d’eux, leurs capacités d’attribuer du sens sont en revanche universelles et fondent les convictions qu’on peut avoir concernant l’éducabilité de toutes et tous. L’intense activité de fictionnalisation, tant dans les écrits que dans les entretiens que nous avons conduits avec les élèves les moins performants, est de nature à interroger les scepticismes parfois manifestés face aux capacités de tous les enfants à entrer dans la peau d’élèves accomplis. Il incite à faire se poser la question des difficultés de ceux de milieux populaires à accéder aux formats de tâche scolaire non plus en termes d’absence d’intérêt ou de lacunes, mais de nature des arrière-plans (Rayou & Sensevy, 2014) qui sont les leurs face aux demandes spécifiques de l’école. Leurs conceptions de la création artistique, de la valeur sociale des œuvres, du rapport entre leur réceptivité de sujets et sa mise en mots scolairement normée (Lahire, 2008) pourraient, semble-t-il, être moins ignorées et faire l’objet d’un travail d’étayage les aidant à s’inscrire davantage dans ce qui est considéré à l’école comme un mode majeur des apprentissages, sans pour autant renoncer à la créativité dont ils nourrissent leur réception des œuvres.

65Une enquête comme celle-ci pourrait se prolonger par une investigation plus fine des univers de référence des enfants devenus élèves. Quelques caractéristiques apparaissent déjà. Si tous se réfèrent à des expériences familiales, au monde merveilleux de la culture enfantine où voisinent trolls et dinosaures, les thématiques convoquées par les enfants de milieux populaires signent des univers de vie souvent plus durs : les gestes et postures des sculptures font émerger des craintes de la guerre et du terrorisme, de la précarité sociale, de la vie en marge. Là où Jeanne, fille de cadres et excellente élève, accède assez « naturellement », à propos de Welcoming Hands, à une vision de l’art comme finalité sans fin (« Je trouvais qu’elles étaient bien ensemble. Ces mains-là toutes seules ça n’aurait pas fait la même sculpture, ça aurait fait autre chose »), d’autres, comme Khadidja, aux origines immigrées et modestes, y voient d’abord des symboles, ici celui de mains de la paix, « parce que quand il y a plus de guerres et plus de terroristes, c’est bien ». Cela ne l’empêche pas, bien au contraire, de prolonger par l’imaginaire ces mains inertes et d’en faire les personnages d’un conte merveilleux. Des travaux comme ceux de Peggy Miller (Miller, Cho, Bracey et al., 2012) montrent combien des enfants de classes populaires arrivent à l’école avec d’excellentes compétences narratives. Dans son enquête qui compare les enfants de deux zones socialement contrastées de Baltimore et Chicago, ceux de la première, en terrain populaire, porteurs de la tradition parentale des récits d’expérience, produisent deux à trois fois plus de récits que leurs homologues de milieux favorisés. Des récits certes plus dramatisés, que nous retrouvons chez nombre d’élèves du collège Ferdinand Buisson et qu’on imagine vecteurs de questionnements très pertinents dans une école qui veut doter chaque élève d’outils d’élucidation de sa propre existence.

66Comme le souligne Peggy Miller, le risque est grand néanmoins que l’activité fictionnalisante des enfants des classes populaires soit, contrairement à celle de leurs pairs issus de catégories plus favorisées, trop éloignée de celle attendue par les enseignants pour que ces derniers puissent en voir les potentialités pour la construction collective, par la classe, d’une interprétation plurielle et riche au service de l’œuvre.

67Se pose bien évidemment ici la question des étayages à proposer pour faire que toutes les formes d’expérience migrent vers une forme scolaire qui n’est pas là pour les récuser, mais pour les faire mobiliser d’une autre manière. Ceci semble d’autant plus souhaitable que, dans le domaine de la lecture littéraire et de la réception des arts en général, le souci de prise en compte du sujet lecteur ou récepteur (Claude, 2017) s’est désormais nettement affirmé. La situation créée par l’enquête ouvre de telles perspectives, à l’instar de l’appel à trouver un nom à L’Ami de personne. Pour Kylian, cela a été un déclencheur :

Il y en a quelquefois que c’était pas intéressant, au tout début quand vous nous avez montré la sculpture j’ai dit : « bon, ça va pas m’intéresser », et quand vous nous avez fait essayer de trouver un nom, là ça m’a intéressé et là j’ai commencé à m’y mettre. […] S’il [le sculpteur] a mis une tête pointue, une tête déformée, fébrile, c’est pas pour rien, c’est pour voir les gens ce qu’ils ressentent en voyant l’œuvre.

68Le modèle des registres de l’apprentissage, ici mobilisé pour la recherche, pourrait aussi constituer, pour les enseignants, un outil d’analyse des dispositions différentes que les enfants importent à l’école, de manière à en tenir compte pour les conduire, en tant qu’élèves, vers une réception scolairement valorisée : l’écoute attentive de leurs propos, l’accompagnement dans la mise en mots de ce qu’ils ont envie de dire, le retravail de leurs références culturelles au regard de la culture légitime, la valorisation de l’engagement d’eux-mêmes, généreux et créatif, dans le dialogue avec les œuvres.

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Bibliographie

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Notes

1 Par les auteurs de l’article et Cécile Richaudeau, chercheuse et enseignante de français d’une des classes.

2 Collection initiée en 1997 dans le cadre des travaux du Grand Louvre, aujourd’hui gérée par le musée du Louvre.

3 Bronze. Commande publique de 1998 ; installé en 2000. Hauteur : 375 cm ; largeur : 310 cm ; profondeur : 160 cm.

4 Animés pour toutes les sculptures par l’une des chercheuses, les autres adultes n’intervenant pas.

5 Bronze et végétation, avec la collaboration de Pascal Cribier, architecte paysagiste. Commande publique de 1999. Largeur : 6 m ; longueur : 20 m.

6 Bronze. D’après un modèle en plâtre réalisé en 1932 ; installée en 2008. Hauteur : 223,6 cm ; largeur : 104,3 cm ; profondeur : 48,4 cm.

7 Granite et bronze. Commande publique de 1996. Formats divers.

8 Ce qui est autorisé aux Tuileries, le concepteur de la collection, le sculpteur Alain Kirili, ayant souhaité proposer un espace « prière de toucher » « pour une meilleure compréhension de la sculpture » (Kirili, Kirsteva & Storr, 2001).

9 Bronze. D’après un modèle en plâtre réalisé entre 1963 et 1965, installé en 1986. Hauteur : 210 cm ; largeur : 115 cm ; profondeur : 296 cm.

10 Comme il ne s’agit pas d’un questionnaire standardisé, le choix a été fait de partir des propos d’élèves découpés selon les catégories d’analyse issues du cadre théorique et corrélées aux caractéristiques socio-scolaires des élèves.

11 Par exemple nous avons codé AFIasso (pour activité fictionnalisante, association d’images) quand l’enfant évoquait les images que l’œuvre lui rappelait ou faisait naître en lui ; AFImorale quand l’enfant associait à l’œuvre une considération morale.

12 Par exemple RANAcoMAJ (pour retour analytique, registre cognitif, mode majeur), RANAculMIN (pour retour analytique, registre culturel, mode mineur), RANAidMAJ (pour retour analytique, registre identitaire symbolique, mode majeur).

13 Nous donnons ces deux indications (notées PCS+, PCS+/- et PCS- pour la catégorie sociale et rang 1, rang 2, rang 3 pour le niveau scolaire) à côté des prénoms des enfants (qui ont été modifiés).

14 Souvent vu par les enfants comme un conglomérat de plusieurs personnages.

15 Au sens de l’institution sociale au nom de laquelle ceux qui sont considérés comme arbitres de l’art (artistes, marchands, critiques, collectionneurs) décrètent la nature et la qualité artistique d’un objet (Dickie, 2009).

16 Rest In Peace.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marie-Sylvie Claude et Patrick Rayou, « Fictions d’enfants, fictions d’élèves. Rencontres avec des sculptures contemporaines en 6e »Revue française de pédagogie, 212 | 2021, 19-30.

Référence électronique

Marie-Sylvie Claude et Patrick Rayou, « Fictions d’enfants, fictions d’élèves. Rencontres avec des sculptures contemporaines en 6e »Revue française de pédagogie [En ligne], 212 | 2021, mis en ligne le 05 janvier 2025, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfp/10720 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfp.10720

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Auteurs

Marie-Sylvie Claude

Université Grenoble-Alpes

Patrick Rayou

Université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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