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Dossier

Entre décrochage et décohabitation précoce, l’expérience d’une jeunesse « déviante »

“Deviant” young people’s experiences of dropping out of school and leaving home at an early age
James Masy et Nadège Tenailleau
p. 37-48

Résumés

Parmi les grandes transformations qui ont reconfiguré le poids de l’école dans la société française, deux sont particulièrement intéressantes à considérer dans les études sur le décrochage : l’accès au diplôme devenu une norme et la remise en cause du processus anthropologique du passage à l’âge adulte. L’intrication de ces deux transformations rend compte d’une expérience de la jeunesse structurée autour d’un long et progressif accès à l’indépendance. Si l’entrée dans ce processus est le plus souvent marquée par la décohabitation du domicile parental, le manque de diplôme et les difficultés d’entrée sur le marché du travail la freinent, le décrochage favorisant de facto une dépendance au milieu familial et le maintien dans le foyer d’origine. En articulant ces champs trop peu souvent traités conjointement, nous souhaitons interroger l’expérience tout à fait singulière de celles et ceux qui, en situation de décrochage ou décrocheurs et sans emploi, décohabitent malgré tout. Un choix qui constitue les prémices d’une expérience de la rue. Cet article vise en premier lieu à enrichir les connaissances sur une population encore trop méconnue du fait de la difficulté à la capter, mais aussi à saisir la manière dont s’articulent ces deux processus ainsi que les conséquences qui en découlent.

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Texte intégral

Introduction

1Le modèle de l’identification faisant place au modèle de l’expérimentation (Galland, 1990), la jeunesse est devenue un espace structuré par la construction progressive des statuts et rôles d’adulte au sein de laquelle le diplôme a pris une importance capitale. « Ainsi, l’écart se creuse entre les jeunes qui, de plus en plus nombreux, possèdent ce viatique et ceux qui en sont dépourvus. Ces derniers, et non l’ensemble de la jeunesse, sont soumis à des risques croissants de marginalisation sociale et professionnelle » (Galland, 2007, p. 169). Inscrit à la fois dans la sociologie de l’expérience (Dubet, 1994) et la socio-anthropologie de la jeunesse (Goguel d’Allondans & Lachance, 2014), cet article s’attache à rendre compte de l’expérience tout à fait singulière de jeunes qui, sortis du système scolaire sans diplôme et sans emploi, décohabitent malgré tout. Un choix qui constitue le plus souvent les prémices d’une carrière déviante marquée par une expérience de la rue et de la zone (Pimor, 2014c). En nous intéressant aux jeunes qui décrochent, décohabitent et font l’expérience d’une vie à la rue, l’objectif est d’éclairer l’intrication de ces espaces de socialisation, d’en saisir le poids et l’impact sur les trajectoires de jeunesse.

2Tandis que le processus qui conduit au décrochage scolaire a été très largement documenté, depuis les facteurs qui le favorisent (Fortin, Royer, Marcotte et al., 2004 ; Fortin, Marcotte, Royer et al, 2005 ; Bernard, 2011a, 2011b), jusqu’aux ruptures qui se combinent pour aboutir à un abandon scolaire (Millet & Thin, 2003, 2012 ; Douat, 2016), l’expérience du décrochage « hors les murs » en tant que phase ultime du décrochage a le plus souvent été étudiée sous l’angle des politiques éducatives de prévention (Boudesseul, Grelet & Vivent, 2012 ; Berthet & Zaffran, 2014) ou d’intervention (Bernard & Michaut, 2012 ; Maillard, Merlin, Rouaud et al., 2016). Une autre partie tout à fait intéressante pour éclairer notre propos explore l’expérience du raccrochage (Vollet, 2016a ; Zaffran & Vollet, 2018) et souligne à la fois l’entremêlement des séquences de décrochage et raccrochage dans les récits (Guibert & Amar, 2019) mais aussi la spécificité et la temporalité de chacune de ces séquences (Vollet, 2016b). Le temps du décrochage hors les murs est le plus souvent entendu, dans les politiques publiques, comme une « période de latence étant synonyme de “danger” – autant pour les jeunes que pour la société » (p. 155), une tendance sécuritariste qui préside à la gestion de l’absentéisme scolaire (Douat, 2007) et rappelle la tendance répressive des politiques de prévention de la délinquance (Mucchielli, 2004). Ainsi, son étude permet de questionner l’expérience avant toute forme de raccrochage : celle qui fonde autant la satisfaction du temps libre que l’ennui qui en résulte (Vollet, 2016b). Pour ces jeunes, les « sensations de liberté et de maîtrise de son existence » qu’induit la déscolarisation font très vite place aux « sentiments d’ennui et d’enfermement dans le quotidien » (p. 167) qu’implique la routine. S’ensuit alors une dégradation de la relation avec la famille qui débouche sur une nouvelle phase : la recherche d’un emploi pour les uns ou la décohabitation pour les jeunes de cette enquête.

3Cette décohabitation s’inscrit pleinement dans ce que M. Bozon (2002) appelle les « rites de première fois ». Parmi ces derniers, on peut en identifier deux types : ceux qui augmentent la zone d’autonomie de l’individu (décohabitation, permis de conduire, etc.) et les conduites perçues comme déviantes (alcool, drogue, cigarette, etc.) constituant néanmoins une expérience. Les premiers s’inscrivent dans un processus d’engagement, que H. S. Becker (1985) définit comme l’investissement progressif dans des institutions et conduites conventionnelles, le plus souvent marqué par la décohabitation (Van de Velde, 2015). C’est aujourd’hui le modèle dominant du fait de la massification des études supérieures. Cependant, le manque de diplôme et les difficultés d’entrée sur le marché du travail freinent cette décohabitation (Solard & Coppoletta, 2014), voire conduisent au maintien dans le foyer d’origine. Les rites du second type sont plus transgressifs. Ils sont pour H. S. Becker la première étape d’une « carrière déviante » et peuvent, dans certains cas, être un prédicteur de l’abandon scolaire (Janosz, Le Blanc & Boulerie, 1998).

  • 1 Neither in Employment nor in education or training. L’acronyme a été officialisé à la fin des anné (...)

4Nous nous intéressons ici aux jeunes qui font « de la déviance un genre de vie et qui organisent leur identité sur la base d’un mode de comportement déviant » (Becker, 1985, p. 53), pour lesquels « sécher les cours » s’apparente à une première fois transgressive altérant plus ou moins l’implication dans leur scolarité. Ils relèvent de la récente catégorie européenne des jeunes âgés de 15 à 24 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET1). Une catégorie qui n’en reste pas moins « étroite et trompeuse » (Cuzzocrea, 2014, p. 84) que celle des décrocheurs. On compte 12,9 % de jeunes NEET en France, parmi lesquels 14,5 % ont décohabité, 37 % se tiennent à distance du service public de l’emploi (SPE) et 3,3 % sont mineurs (Mahfouz, 2020).

  • 2 Tout signalement de disparition d’un mineur est considéré comme inquiétant et donne lieu à l’inscr (...)

5Les jeunes enquêtés appartiennent à cette infime partie qui a quitté précocement le système éducatif, ne souhaite pas s’insérer sur le marché du travail et fuit pour un temps au moins toutes formes d’accompagnement, dont on sait pourtant le lien fort avec les formes de raccrochage (Bernard & Michaut, 2018). Sans emploi, sans formation, sans accompagnement, décohabitant sans aucune ressource, ils deviennent des « sans domicile », voire des jeunes recherchés pour disparition inquiétante2. Bravant le carcan socio-anthropologique du passage à l’âge adulte, adossé à la massification de l’enseignement supérieur qui en fait une période de formation préliminaire à l’insertion définitive, ils décident de vivre une autre jeunesse : une jeunesse à la rue en rupture avec les normes sociales qui l’encadrent. En questionnant, à travers cette population, le processus socio-anthropologique, nous cherchons à éclairer autant la place que l’école – ou plutôt son absence – y occupe, que la marge dans laquelle ces jeunes vivent leur jeunesse. Quelle place a l’école dans la rue ? Quelle place tient la rue dans le processus de décrochage ? Comment se structure l’expérience de la jeunesse à la rue ? Dans quelle mesure déviance et déscolarisation s’articulent-elles ?

Méthodologie et cadres d’analyse

6Cette enquête, qui s’étale sur près de deux années entre 2017 et 2018, s’appuie sur une série de douze entretiens, soit environ vingt heures, auprès de jeunes à la rue âgés de 16 à 25 ans et en dehors de tout dispositif, rendant l’accès au terrain très complexe. Tous ont décohabité étant mineurs et ont vécu en squat plus ou moins longtemps. La méthodologie empruntée répond à l’ancrage théorique et à l’objet, aussi les entretiens se trouvent à la croisée des démarches compréhensive et ethnographique. La sociologie de l’expérience amène à l’entretien compréhensif (Kauffman, 2001) parce qu’elle invite à considérer chaque individu comme un « intellectuel, comme un acteur capable de maîtriser consciemment, dans une certaine mesure en tout cas, son rapport au monde » (Dubet, 1994, p. 128). La démarche ethnographique permet quant à elle de conduire des entretiens approfondis longs qui servent autant de données de substitution que de récits contextualisés (Beaud, 1996).

  • 3 Nous avons, lorsque c’était possible, choisi avec les jeunes concernés les pseudonymes que nous ut (...)

7L’accès à ces jeunes est l’une des plus grandes difficultés car, comme l’explique Tom, travailleur social en charge d’un dispositif de sortie de rue, ces jeunes évoluent « en dessous des radars ». Comme souvent dans ce type d’enquête, c’est l’accès de proche en proche qui a permis de mener ces entretiens. C’est Alaska3, une jeune femme de 19 ans connue des enquêteurs, qui a donné le point de départ à cette recherche en annonçant : « Bah nous au squat, on est tous décrocheurs ! ». Elle est ainsi devenue l’informatrice-relais de cette enquête, en assurant sa promotion au sein du squat et en proposant des rendez-vous entre les jeunes et les chercheurs. Ainsi, tous les jeunes enquêtés sont des membres plus ou moins proches de ce groupe. Dix sont « passés au squat », y vivant à temps plein ou partiel, quatre d’entre eux en sont les fondateurs : les « ouvreurs ». Enfin, deux sont liés au groupe, mais sont arrivés après la fermeture du squat.

8Le deuxième problème propre à ce champ de la recherche est la temporalité. Celle de l’enquête n’est pas toujours celle du squat et celle des chercheurs rarement celle des jeunes. Le projet d’enquête a commencé au début de l’été 2017. Deux mois plus tard, le squat dans lequel Alaska et ses amis vivaient est évacué par la police. S’ils étaient restés regroupés au même endroit, l’enquête ethnographique aurait assuré un recueil de données plus aisé. Le squat dissous, le groupe le fut aussi : il fallait retrouver chacun, mais surtout fixer un rendez-vous à une heure et dans un lieu précis. Or, leur rapport au temps rendait le plus souvent la projection sur plus de quelques jours impossible. Il n’était pas rare que les rendez-vous soient annulés la veille ou le jour même et les retards de plus d’une heure fréquents. Nous précisons ici que les données présentées sont issues des entretiens menés à la suite de la fermeture du squat, sur une période d’environ dix mois.

9Le contexte des entretiens mérite que l’on s’y intéresse. Rencontrer des jeunes qui ne vivent plus nécessairement en squat, mais squattent ici et là, implique le plus souvent des rencontres dans un espace public. La plus grande partie des entretiens s’est donc déroulée au bar en fin de journée, où les enquêteurs ont, à chaque fois, offert un verre à l’interviewé. Cette pratique invite à dépasser la situation sociale attendue et à inscrire l’interviewé dans une relation de confiance, acceptant ainsi sans trop de difficultés de « se raconter », malgré la brièveté relative de la rencontre. En effet, si l’enquête ethnographique autorise généralement les entretiens répétés, la situation occasionnée par l’éclatement du groupe à la suite de la fermeture du squat oblige à repenser les entretiens comme des opportunités uniques d’obtenir un récit, une expérience qui touche à l’intimité de chacun. Afin de limiter les effets de domination qu’implique l’utilisation d’un guide, celui-ci était intégré aux pages d’un vieux cahier qui permettait la prise de notes sauvages, sans trop scolariser davantage la situation d’enquête. De la même façon, l’enregistreur était celui d’un smartphone, objet du quotidien. Enfin, les enquêteurs, par leur hexis empruntant certains codes repris par la culture juvénile contemporaine (piercings, sweat à capuche, baskets, Doc Martens), ont aussi favorisé le récit de soi le plus libre qui soit. Au total, près de vingt heures d’entretien constituent le matériau de cette enquête.

10Les entretiens ont été pensés dans une logique biographique permettant de situer chronologiquement les faits en interrogeant respectivement l’expérience scolaire et celle de la rue. Bien que les deux aient été distingués, l’identification délicate des éléments de rupture pousse les jeunes à des allers-retours incessants dans leur récit. L’analyse s’en trouve dès lors très complexe et nécessite de distinguer le vertical, davantage biographique, de l’horizontal, plus thématique.

11L’analyse verticale a permis de considérer dans le discours le « fait expériencé » et la « pensée construite » (Blanchet & Gotman, 1992) : le « fait expériencé » en tant qu’expérience vécue considérée comme une articulation entre « l’épreuve personnelle concrète, pratique, singulière, située dans le temps et l’espace social, et les enjeux collectifs dans lesquels ils peuvent se comprendre et doivent être interprétés » (p. 28) ; la « pensée construite » en tant qu’« organisation d’opinions, d’attitudes et de valeurs, une façon d’envisager l’homme et la société » (p. 26). Nous avons complété ce premier niveau par une analyse thématique visant à appréhender de manière progressive le discours, afin d’en dégager des « tas » (Bardin, 2013). Cette double analyse nous permet d’identifier comment décrochage scolaire et décohabitation s’articulent.

La résistance comme ancrage du décrochage

12Nous avons fait le choix de situer l’expérience scolaire menant au décrochage à partir de la notion d’engagement développée par H. S. Becker (1960) puis transposée au monde scolaire par P.-Y. Bernard (2011b). Cela permet d’identifier plusieurs profils de décrochage et de parcours scolaires repris dans l’analyse. À travers une modélisation de l’expérience scolaire appuyée sur la réussite académique, l’adaptation normative et l’engagement, l’auteur propose quatre profils qui viennent renforcer l’analyse de Janosz, Fallu et Deniger (2000). Notre enquête montre que, pour ces jeunes, c’est avant tout une forme de résistance à la forme scolaire qui fonde le décrochage, les affiliant dès lors aux caractéristiques des « rebelles » qui associent difficultés scolaires, moindre engagement et déviance scolaire. Nous verrons toutefois qu’une large part de l’échantillon correspond en partie aussi aux « désengagés » caractérisés par une origine sociale plutôt favorisée, sans difficultés cognitives, ni défiance vis-à-vis de la forme scolaire jusqu’au lycée.

Les rebelles, construction d’une rupture scolaire

13Issus des milieux sociaux les plus défavorisés et dans des situations familiales précaires, ces jeunes « rebelles » ont décroché à la fin du premier cycle du secondaire. Bien que ce profil soit récurrent dans la littérature et fréquent dans la rue, il ne concerne que trois jeunes dans cette enquête. Les difficultés scolaires précoces tiennent, pour eux, lieu de « premier temps » du décrochage (Bernard, 2011a), ce qui les conduit à des comportements a-scolaires et à des parcours de relégation (Millet & Thin, 2012). C’est le cas de Julio, Mamèn ou Mimouch, pour qui le rejet de l’école passe surtout par un « processus d’hostilité circulaire » (Millet & Thin, 2012, p. 196) au sein duquel la sanction de leurs écarts de conduite donne lieu à des représailles sur les enseignants, qui à leur tour les sanctionnent. Ils finissent donc par être exclus pour raisons disciplinaires et sont finalement « décrochés par l’institution scolaire » (Bernard, 2011b).

Si le prof, je l’aimais bien, j’étais sympa avec lui et tout. Mais si le prof, il me cherchait et tout… parce que des fois, il disait des remarques et tout que j’aimais pas... bah là, par contre et tout, je lui faisais la misère. [Rires] mais c’est la vérité, quoi (Julio, H, 18 ans).

14Ces pratiques qui visent à remettre en cause l’autorité professorale conduisent à des sanctions formant un « casier scolaire », dont le renvoi définitif constitue « un déracinement social, géographique et affectif » (Millet & Thin, 2012, p. 250) et in fine l’aboutissement du processus institutionnel de désaffiliation scolaire. Cette manière de ne pas se soumettre à la domination ou plus exactement d’y résister (Scott, 2008) se cumule à un comportement a-scolaire en classe.

15Ces jeunes, scolarisés dans des établissements ségrégués, se définissent à travers une culture anti-école caractérisée par une forte opposition à l’autorité. Leur expérience scolaire est conforme aux travaux sur le décrochage dans les murs. Leur casier scolaire constitue les fondements d’une stigmatisation, qui se combinent avec la socialisation familiale, leur sociabilité juvénile, leurs difficultés cognitives et d’apprentissages scolaires (Douat, 2011), et les conduit à une disqualification symbolique à l’école (Millet & Thin, 2012, p. 289). C’est donc à travers des absences répétées, mêlées à des renvois, qu’ils vont investir le groupe de pairs que la rue leur offre. C’est, nous le verrons plus loin, au moment de ce décrochage « hors les murs » que le processus ouvre sur une nouvelle carrière : la zone marquée par une forte envie de liberté.

Le désengagement : une forme de résistance ?

16La deuxième partie des jeunes, qui constitue deux tiers des jeunes de cette enquête, a décroché durant le cycle du second degré. Ces jeunes « désengagés » constituent une population hétérogène tant du point de vue social que scolaire (Bernard & Michaut, 2006). Ils sont caractérisés par un faible investissement dans ce que l’école propose. Ce désengagement est à la fois lié au refus du cadre scolaire qui ne correspond pas à leur projet mais est aussi dû à leur difficulté d’intégration. La spécificité de cette catégorie par rapport à la première, outre le moment du décrochage ou leurs résultats, tient aux formes passives de résistance. Quand les premiers enfreignent l’ordre scolaire et entrent dans une opposition frontale qui les conduit à la circularité évoquée plus haut, les seconds refusent le cadre sans y déroger autrement que par leurs absences qui ne commencent qu’au lycée. Au contraire des rebelles, ils ne disent pas s’opposer aux enseignants mais au système qui les contraint. Cette « fuite » de la contrainte scolaire, vers un temps non contraint, prend la forme d’absences perlées dont la fréquence augmente jusqu’au décrochage hors les murs, mais dans la rue. Cette occupation de la rue fonde l’entrée dans la carrière zonarde marquée là aussi par le principe de liberté.

17Le sens que les désengagés donnent à l’action ne convient pas à ce qu’attend l’école, pas plus que la forme scolaire ne leur convient. Une idée que Birdy (F, 19 ans) exprime en ces mots : « L’école, c’est une bonne idée mais c’est mal fait ! ». Malgré une critique acerbe de la manière dont l’école est organisée, l’ensemble de ces jeunes fait état d’une volonté d’apprendre tout en désirant exercer une forme de résistance :

J’me disais : « je vais pas en cours par obligation. J’vais en cours parce que j’ai envie d’apprendre des choses, pa’c’que c’est moi qui ai décidé, en fait ». […] C’est un peu moi qu’avais l’dessus, quoi (Alaska, F, 19 ans).

18Bien entendu, ce rapport au savoir n’est pas délié du rapport aux enseignants (Charlot, 1996), chacun mentionnant un « bon prof » comme celui qui « donne envie d’apprendre », cependant il reste bien moins important qu’il ne l’est dans le discours du premier groupe pour qui le bon enseignant conditionne même le comportement. Pour les désengagés, les enseignants ne définissent pas le comportement marquant l’absence de logique stratégique, mais davantage une logique subjective comme « maîtrise de l’expérience » (Dubet & Martuccelli, 1996, p. 64) dont rend tout à fait compte l’implication dans le travail personnel défini par le cloisonnement des temps sociaux. Selon Djoulaï (F, 23 ans), « l’école c’était l’école et une fois que j’étais rentrée de l’école, je lançais le cartable et c’était fini ! J’avais souvent des mots pour ça, d’ailleurs ».

19Ils semblent ne rien attendre de l’école, « selon un principe d’indifférence réciproque » (Dubet & Martuccelli, 1996, p. 254), et résister à l’aliénation « en se détachant de leurs identifications scolaires » (p. 262). Cette volonté d’être en position de décision quant à l’utilisation de leur temps traduit in fine un principe d’auto-détermination visant la remise en cause du temps scolaire (Willis, 2011), une façon de s’accaparer le temps qui sert à « préserver un état […] et non pas aboutir à un objectif : obtenir des diplômes » (p. 51). Il s’agit là d’une certaine façon de remettre en cause la forme scolaire et ses modes de socialisation basés sur l’obéissance.

Désengagement et déficit d’intégration

20Cette résistance à la forme scolaire s’articule très fortement à la difficulté d’intégration de ces jeunes, notamment à leur groupe de pairs. Ils sont très tôt « percés », affichent des looks et des coupes ou couleurs de cheveux revendicateurs. Cette logique de subjectivation, « noyau d’une maîtrise de l’expérience » (Dubet & Martuccelli, 1996, p. 64), marque leur désir de singularité, mais rend difficile leur intégration, ne serait-ce que par l’opposition de « l’authenticité individuelle » au « conformisme de groupe » (p. 162) marquant aussi la « double distance au conformisme de l’intégration [et] à la seule utilité scolaire » (p. 65).

21On constate une affirmation de la logique de subjectivation là où la stratégie et l’intégration semblent faire défaut. En effet, le discours de ces rebelles désengagés souligne la très grande valeur accordée à la sociabilité juvénile extra-scolaire et un sentiment de non-appartenance au groupe scolaire. Il se joue ici la distinction entre sociabilités intra-scolaire et extra-scolaire (Jellab, 2008) constituées des « rapports socio-objectifs définissant l’univers relationnel de l’élève en dehors du milieu familial » (p. 177). La sociabilité intra-scolaire est une partie non négligeable de ce qui permet l’engagement dans la scolarité, son altération conduit à fuir l’école et induit un report de la sociabilité vers le groupe choisi en dehors des murs. Autrement dit, ce qu’ils ne trouvent pas dans l’école, ils le trouvent à l’extérieur où ils nouent des relations autour d’une « communauté de destins » (Wallez & Aubrée, 2005, p. 253), passant alors « de la rue » « à la rue ».

Du décrochage à la décohabitation : l’expérience de la rue

22La seconde partie de l’analyse interroge enfin le passage à la rue de ces jeunes à travers la trajectoire de décohabitation et la notion de carrière déviante. En distinguant « jeunes de rue » de « jeunes à la rue », nous souhaitons souligner ce que H. S. Becker (1985) appelle les séquences d’une carrière. Tandis que la notion « jeunes à la rue » suggère l’errance (Chobeaux, 2011), le sans-abrisme (Anderson, 2014) ou la zone (Pimor, 2014c), la notion « jeunes de rue » renvoie à un usage populaire de l’espace public (Sauvadet & Bacqué, 2011), où la rue est « un espace intermédiaire entre le dedans et le dehors, la famille et les amis, la contrainte et la liberté » (Bordes, 2006, p. 5). Cette rue-lien (Vulbeau & Barreyre, 1994) joue le rôle de « transformateurs des sociabilités ailleurs interdites » (p. 15). Nous proposerons une typologie basée sur les motivations de la décohabitation, que nous articulerons aux séquences de la carrière zonarde (Pimor, 2014a).

23Les premiers pas dans la rue et les rencontres que ces jeunes y font tiennent lieu de première « séquence » d’une carrière déviante (Becker, 1985). T. Pimor (2014a) en identifie quatre qui correspondent à des niveaux d’engagement dans la carrière zonarde. Cette dernière débute par la séquence « Satellite » correspondant à une forme de gravitation autour de la zone (découverte des free parties, des drogues, de la culture zonarde). Elle débouche potentiellement sur la séquence « Zonard Intermittent » qui se caractérise par une hésitation à la conversion complète tout en s’engageant toujours plus dans la carrière zonarde. La troisième séquence, « Zonard Expert », est un premier aboutissement de la carrière zonarde, impliquant un engagement total. Enfin, si sortie de carrière il y a, elle est plus ou moins heureuse. Bien que l’idéal du Zonard soit de devenir « Traveller » (habitat en camion, grande mobilité, free parties...), quatre autres orientations sont à préciser : le suicide, l’errance institutionnelle, la clochardisation, le retour à la norme. Nous verrons que ces séquences de durées diverses ne dessinent pas un continuum immuable et sont corrélées au décrochage et à la décohabitation.

Décohabitation et carrière zonarde

24Selon C. Villeneuve-Gokalp (1997), la décohabitation est un processus de forme et de durée variable. Il est fortement conditionné par la situation sur le marché du travail, le niveau de diplôme et le sexe : les plus employables décohabitent plus aisément que les peu ou pas diplômés plus fréquemment au chômage, les jeunes femmes décohabitent plus que les jeunes hommes à âge et diplôme identiques (Solard & Coppoletta, 2014). Outre les modèles culturels de décohabitation des jeunes en Europe, C. Van de Velde souligne la longue et progressive marche vers l’indépendance résidentielle des jeunes Français : la situation la plus courante étant la double résidence ou « l’indépendance financée » (2008, p. 115). De son côté, A. Pellissier (2002) identifie trois logiques dans les trajectoires de décohabitation définitive. La logique d’installation, plus populaire, articule insertion professionnelle et stabilité du couple. La logique d’investissement professionnel correspond à la double résidence des étudiants. Enfin, la logique du repli conjugal concerne davantage les jeunes femmes peu ou pas diplômées et de milieu populaire qui constituent une famille particulièrement tôt. Dans les trois cas, l’aspect définitif tient à une stabilité financière minimum intégrant une activité salariée de l’un ou l’autre des deux membres du couple, ce qui n’est pas le cas des jeunes enquêtés. Peu diplômés et sans ressources, ils sembleraient, à l’instar des jeunes NEET, plutôt voués à une « cohabitation négociée » (Van de Velde, 2008, p. 115), c’est-à-dire la possibilité, sous certaines conditions (Vollet, 2016b), d’habiter chez leurs parents à l’heure où leurs camarades décohabitent. Pourtant, pour des raisons diverses, ils quittent le domicile familial.

25Nous avons identifié deux types de décohabitation. Cette typologie, construite à partir de la littérature et des récits, vise à mettre en avant le moment de rupture entre le décrochage « hors les murs » et l’arrivée dans la rue, mais aussi à révéler l’entrée et l’engagement dans la carrière zonarde :

  • la décohabitation « négociée » ;
  • la décohabitation « fuite ».

26Ce qui distingue ces deux types, c’est avant tout le motif de la décohabitation. L’une s’inscrit dans les trajectoires normalisées des jeunes où l’indépendance est, pour une part plus ou moins importante, financée par les parents dans le cadre d’un projet d’étude. La seconde, volontaire ou subie, est le plus souvent une conséquence du décrochage hors les murs.

27La « décohabitation négociée » ne concerne que deux jeunes sur les douze. Cette notion emprunte à C. Van de Velde (2008) l’idée de négociation avec les parents. Mais au contraire de l’autrice qui l’emploie dans un principe de maintien de la cohabitation, nous souhaitons mettre ici en avant le caractère contractuel de la décohabitation. Il s’agit d’un premier départ non définitif dont l’objet est la scolarité, à l’instar des étudiants ou lycéens loin des grandes villes qui visent un type d’établissement ou de formation. Les deux jeunes concernées ont quitté le domicile familial pour intégrer un établissement dans une autre ville. Cela touche donc davantage les désengagés, du fait que cette démarche soit plus fréquente au lycée. Cette décohabitation précoce, financée en partie par les parents, est soumise à des résultats scolaires qui sont l’indicateur du respect du contrat. Or, par opportunité des rencontres dans la rue ou par nécessité de faire la manche pour subvenir à leurs besoins, ils occupent le plus souvent la rue et découvrent très vite la zone, mais restent en lisière. Cette séquence est parallèle au processus de décrochage, marqué par un absentéisme toujours plus important, et débouche sur l’étape de l’intermittence durant laquelle les acteurs fréquentent de manière récurrente la zone (Pimor, 2014b), jusqu’à quitter définitivement l’école, et donc rompre le contrat familial. Décrochant peu à peu, ces deux jeunes femmes sont alors privées de l’aide financière parentale, entraînant une impossibilité de payer leur loyer. Le processus prend fin avec l’installation en squat suite à une invitation ou par défaut de logement. Un processus que révèle très bien l’histoire de Birdy (F, 19 ans) qui intègre d’abord un internat pour « quitter la vie familiale » et suivre son projet scolaire, puis un lycée de centre-ville sans internat qui lui impose de prendre un appartement :

B : j’avais ma famille qui me donnait cent euros par mois, en gros. Et j’vivais avec vingt euros par mois pour bouffer. Pour tout. Du coup, là, ça passait pas. Vingt euros par mois, tu… tu commences à te dire : « bah il faut que je trouve des moyens de gagner de l’argent parce que… »
E : et donc, les meilleurs moyens, c’est quoi ?
B : donc le premier, c’est la manche. Le deuxième, c’est commencer à faire… à vendre de la drogue. Moi, j’étais pas du tout ça. […] j’ai fait la manche. Et au final, moi, mon lycée m’a convoquée. Et ils l’ont très mal fait, d’ailleurs. Et c’est peut-être pour ça que je ne suis pas retournée au lycée.
E : qu’est-ce qu’ils ont fait ?
B : ils m’ont convoquée à… [gênée] à l’infirmerie. […] Alors bon, je vais à l’infirmerie. « Il y a un souci, quelque chose ? ». « Oh bah on va te le dire cash : on t’a vue traîner avec les gens de la rue ». « Ah… c’est ça le problème ? » D’ailleurs, après ce rendez-vous, je suis plus jamais retournée au lycée. Ça faisait du coup peut-être déjà huit mois que je galérais toute seule… à trouver un appart’, à tout faire. Et le directeur, comme le CPE, le savait très bien. Et c’était au bout de trois mois, enfin de six mois qu’ils se sont dit : « ah bah elle fait la manche, on va essayer de l’aider ». Enfin j’ai trouvé ça… en fait, c’était humiliant plus que de l’aide. C’était : « Ah bah t’as vu, t’es comme ça, avec les gens, là, ces fréquentations-là »… Bah ces fréquentations, bah ça fait six mois qu’elles me font survivre ! (Birdy, F, 19 ans)

28La décohabitation « fuite » renvoie au conflit avec les parents, identifié par Wallez et Aubrée (2005) comme un des scénarios principaux du passage à la rue. Latent ou ouvert, le conflit provoque une rupture qui pousse les uns à fuir de plus en plus souvent le domicile familial, les autres à fuguer pour se protéger. Ce type de décohabitation très fréquent chez les jeunes à la rue touche autant les rebelles que les désengagés. Ce conflit, qui permet à une partie des jeunes en situation de décrochage de raccrocher comme nous l’avons vu avec J. Vollet (2016b), est ici la base de la décohabitation. L’autrice souligne la place des parents dans la normalisation de l’occupation du temps face à l’inactivité de leur enfant. Or, c’est précisément cette tension entre injonction à l’activité et rejet des contraintes qui poussent les jeunes vers la rue :

Je suis arrivée tellement à un point de non-retour ET avec ma mère ET avec mon père qu’à un moment je me suis dit : « je me casse ! Je me casse ! Allez tous vous faire foutre, je me casse, quoi ! » Donc je suis partie (Alaska, F, 19 ans).

29Cette fuite peut aussi être perçue comme une obligation liée au désaveu de parenté (Wallez & Aubrée, 2005), cette décision fait dans ce cas suite au décrochage hors les murs. Après une longue période sans aucune activité, ces jeunes sont ou se sentent mis à la porte du domicile familial. Leur arrivée soudaine dans la rue les conduit à la même carrière que les « fugueurs », faisant très vite d’eux des Experts :

Au bout d’un moment ma mère elle nous a mis dehors moi et ma copine, parce qu’elle a dit « Moi j’en peux plus, ta copine elle bouge pas, toi non plus, vous êtes là vous squattez, c’est bon ». Du coup elle m’a mis dehors, et heu y a Mimouch qui m’a appelée, je lui ai dit que j’étais pas bien, elle est venue me chercher, elle m’a emmenée au squat, première fois que j’y allais (Mamèn, F, 17 ans).

30Délibérée ou obligée, la manière de « partir » – progressive (fuite) ou brutale (fugue) – définit la durée des séquences de la carrière zonarde. Lorsque la fuite est une conséquence du décrochage hors les murs, les jeunes restent Satellites plusieurs mois avant de s’installer en squat. Cela favorise une « intégration plus engagée dans la zone » (Pimor, 2014a, p. 82), les jeunes devenant ainsi des Intermittents. Là encore, le décrochage n’a pas encore abouti à un état définitif avant l’installation en squat. Pour les autres, la décohabitation conduit au décrochage hors les murs. Faute d’hébergement et recherchés par la police dans le cadre d’une disparition inquiétante, ils ne peuvent plus aller à l’école et trouvent refuge en squat. C’est le cas de Mimouch :

Genre en fait, il y a eu des conflits familiaux qui ont fait en sorte que pour ma survie... hop, « je me casse ». Du coup bah, je suis partie de chez moi, j’étais toujours en cours et genre bah j’avoue que les flics... bah j’étais en fugue, quoi. Eh bah quand t’es en fugue, tu peux pas aller en cours (Mimouch, F, 18 ans).

31Pour eux, les séquences Satelitte et Intermittent sont courtes. Leur implication dans la zone du fait de la fugue est totale, ce qui les engage à temps plein dans la zone jusqu’à devenir des Experts :

Mes parents je m’engueulais avec eux pareil. Ouais, c’était chaud. Bah c’est pour ça que je suis parti, d’ailleurs : ça allait plus. […] Je voyais que je pouvais plus rester chez moi. Ça partait trop en couille, tous les matins. Ah ouais, avec mon père, c’était chaud. Donc je lui ai dit, un jour que j’ai pété les plombs, je lui ai dit « c’est bon, je me casse ! ». Du coup je suis parti. Et c’est là que je suis allé au squat (Julio, H, 18 ans).

32Cette typologie, loin d’être exhaustive en ce qu’elle s’appuie sur un nombre restreint d’entretiens, reste confortée par les trajectoires de décohabitation structurée autour de l’école (Van de Velde, 2008) ou de la rue (Wallez & Aubrée, 2005). Elle nous révèle que le processus de décrochage n’est pas plus la raison du passage à la rue que la rue celle du décrochage, mais conduit toutefois à des manières de décohabiter. La décohabitation apparaît pour cette infime frange de la population des jeunes qui décrochent et décohabitent comme une nouvelle séquence liant trois espaces de socialisation. L’ensemble de ces jeunes vivent en définitive à ce moment-là une socialisation triadique « rue, école, famille ». C’est ce point de rupture biographique qui marque la dernière étape du décrochage et la première séquence de leur « carrière zonarde ». C’est parce que l’école devient pour eux invivable, n’y trouvant pas les ressorts de l’intégration, que la rue devient alors une liminarité intégrative proche de ce que V. Turner (1990) appelle la « communitas ». C’est-à-dire une communauté non structurée ou structurée de façon rudimentaire, dont les acteurs se caractérisent par une distanciation vis-à-vis des positions assignées par la loi, la coutume ou la norme : une opposition à la structure sociale qui rejoint le concept de « socialisation marginalisée » (Parazelli, 1997).

Hors les murs, une socialisation marginalisée

  • 4 La notion de capital guerrier est empruntée à T. Sauvadet (2006).

33Si les jeunes de notre enquête se retrouvent « à la rue », il faut néanmoins rompre avec l’idée d’une « école de la rue » comme espace de socialisation où « les élèves amenés à détester l’école [trouveraient] une source de prestige dans l’accumulation d’un “capital guerrier”4 (mélange de virilité, de violence et d’une discipline morale du guerrier basée sur un code de l’honneur) » (Vienne, 2008, p. 183). La socialisation « marginalisée » indique avant tout une « tension conflictuelle entre le sujet comme acteur et la structure qui le contraint dans ses désirs de socialisation » (p. 69). Dans le cas des jeunes de notre enquête, il s’agit d’une « socialisation zonarde » (Pimor, 2014a, p. 71).

34Toutefois, cette dernière est très différente d’une trajectoire à l’autre en fonction du rapport à l’école, de la situation familiale et de la nature des liens familiaux (divorce des parents, désaveu parental, maltraitance, etc.). Dans son analyse des trajectoires biographiques des zonards, T. Pimor révèle à cet égard que ce sont bien les expériences sociales qui favorisent une « inclinaison vers une vie zonarde plus ou moins engagée » (2014a, p. 78). En effet, on peut se référer à l’expérience scolaire pour déterminer une première expérience de rue, mais elle ne suffit pas à expliquer l’engagement dans une carrière zonarde. Comme le souligne H. S. Becker (1985), « il faut une défaillance des contrôles sociaux qui tendent habituellement à maintenir les comportements en conformité avec les normes et les valeurs fondamentales de la société pour qu’apparaisse un comportement déviant » (p. 83). Hors de l’école, ces jeunes échappent aux dispositifs tout autant qu’à l’autorité parentale qu’ils fuient pour diverses raisons. Ainsi, leur engagement dans la carrière zonarde est largement défini par leur décohabitation et leur éloignement des zones de contrôle social (école, famille).

La communitas, l’expérience d’une émancipation ?

35Bien que V. Turner applique sa théorie à des rites tribaux dans les sociétés traditionnelles, il suggère en s’appuyant sur le mouvement hippie que la communitas peut être trouvée « à tous les degrés et à tous les niveaux de culture et de société » (1990, p. 112), apparaissant de façon spontanée dans les interstices de la structure sociale. Autrement dit, la zone conduit les acteurs hors des normes à constituer une communitas qui permet à la fois l’identification et la distinction :

Et puis bon, voilà, c’est vraiment deux mondes différents du lycée et de la rue. Les jeunes, au lycée, ils sont sur les réseaux sociaux, c’est la mode, c’est le fric, c’est tout ça alors que la rue c’est plus basé sur, c’est moins basé sur l’apparence au final. C’est plus basé sur la perspicacité (Ada, F, 17 ans).

36Ainsi, la zone n’est plus considérée comme une marge à laquelle les individus adhèrent parce qu’ils y sont assignés, mais parce qu’elle devient la réification de valeurs auxquelles ils adhèrent, dont le squat est le symbole. En effet, le squat est une « stratégie d’évitement » (Bouillon, 2009, p. 94) qui permet à ces jeunes de se protéger, de se réfugier et de « vivre de manière affinitaire » (p. 94) selon leurs propres règles. Cette occupation illégale d’un lieu privé renforce les conditions de la communitas : le squat devient dès lors un espace d’émancipation et de résistance au processus de désaffiliation à travers les solidarités :

Ben, le squat, déjà j’ai trouvé des gens qui étaient là pour m’aider, premièrement. Parce que c’est eux qui m’ont dit « si tu sais pas où aller, tu peux venir dormir ici, y a pas de souci, tu seras toujours la bienvenue » et tout ça (Djoulaï, F, 23 ans).

37Cependant, bien que revendiquée, pour que l’expérience soit émancipatrice, il faut que la sortie « par le haut » soit possible (Bouillon, 2011), comme l’explique Granto toujours en squat au moment de l’entretien :

Si on rentre là d’dans ou si on veut rentrer là-dedans, faut se dire que ça ne doit être qu’une période. […] Il faudrait toujours quelque chose parce que c’est super dur de sortir de là après, quand... Quand on s’habitue à vivre comme ça. C’est vachement dur. Parce que le pire, ouais, c’est l’habitude. C’est s’habituer, justement, à vivre comme ça et après ouais, on n’a plus envie de vivre autrement parce qu’on a tout ce qu’on a besoin (Granto, H, 21 ans).

38La variabilité de leur expérience tient alors à la possibilité de sortir de la marge quand le besoin s’en fait ressentir, comme l’atteste Alaska (F, 19 ans) :

Mais voilà, quand j’avais besoin un petit peu de me ressourcer, je pouvais aller chez mon père […]. Parfois, j’avais besoin d’être au calme. Et quand j’étais en redescente, aussi, parfois, enfin souvent, j’allais chez mon papa pour être plus tranquille. Pour pas péter les plombs.

39Nombre d’entre eux ne peuvent toutefois bénéficier de solutions de repli, soit parce qu’ils ne veulent plus retourner vivre dans leur famille, soit parce que ce n’est plus possible. Ici, les types de décohabitation croisent les séquences d’engagement dans la zone et déterminent les possibilités de sortie.

40La zone en tant que socialisation secondaire, loin de ne pas marquer celles et ceux qui y passent, ne conduit pas systématiquement à « l’alternation » (Berger & Luckmann, 2006), c’est-à-dire à un processus de re-socialisation qui nécessite « plusieurs chocs biographiques pour désintégrer la réalité massive intériorisée au cours de la prime enfance » (p. 242), de même que les carrières zonardes ne tiennent pas toutes lieu de séquence du processus socio-anthropologique du passage à l’âge adulte. À l’instar des jeunes qui raccrochent plus facilement (Bernard & Michaut, 2018), l’expérience scolaire est un élément important de la sortie de la zone. Ce sont davantage des filles qui ont décroché au lycée et dans une moindre mesure sont plus soutenues par les familles (les mieux pourvues en capitaux) qui sont aussi les plus susceptibles d’un retour « à la norme ». Ce sont là les conditions semble-t-il d’une expérience émancipatrice de la zone, c’est-à-dire la possibilité de la définir comme étape liminaire de la structure des rites de passage de Van Gennep (1981) : séparation, marge, agrégation. Nous rejoignons en cela J.-Y. Barreyre (1992) qui établit une homologie entre les pratiques rituelles traditionnelles et certaines pratiques juvéniles marginales, ce que M. Parazelli appelle « les traces culturelles d’un imaginaire social transmis à travers le temps malgré les transformations rationalistes de la modernité » (2007, p. 54).

Conclusion

41Nous avons ainsi pu montrer que, pour ces jeunes, c’est bien l’expérience scolaire qui induit des formes de résistance allant du comportement a-scolaire au désinvestissement complet. Quel que soit le type de décrocheur, leur expérience scolaire conduit dans tous les cas à un décrochage hors les murs marqué par les renvois pour les uns ou l’absentéisme pour les autres. Dans les deux cas, c’est bien cette forme de résistance à la domination scolaire et leur implication dans le groupe de pairs en dehors de l’espace scolaire qui les ont conduits à s’inscrire dans la marge, laquelle constitue le fondement de la communitas portée par une subculture dissidente. Celle-ci vient justifier un mode de vie auquel ils adhèrent sans pour autant que tous ne s’y engagent pleinement.

42L’articulation de ces trois processus distincts conduit le plus souvent à une chronologisation simpliste : décrochage, décohabitation, carrière zonarde. Or, nous avons pu montrer que, si la socialisation triadique (famille, école, rue) constituait les fondements de la carrière à venir, aucun processus ne pouvait être admis comme point de départ. Seule l’expérience scolaire apparaît comme fondatrice d’un processus complexe menant de l’école à la rue et hypothétiquement certains de la rue à « l’école ». En effet, cette socialisation secondaire ne débouche pas systématiquement sur une « alternation » – rupture avec la socialisation primaire et engagement total dans la zone – ou une agrégation – retour à la norme à travers le statut de jeunes en formation professionnelle ou de travailleurs précaires. Alors même que la sortie de cette carrière reste le plus souvent difficile pour ceux qui y sont le plus engagés (Pimor, 2014c), il apparaît nécessaire d’interroger le raccrochage de ces jeunes à l’aune des mêmes cadres qui ont permis d’en saisir leur entrée. Il s’agirait alors d’analyser la place de l’expérience du décrochage hors les murs dans le processus de raccrochage et donc de saisir la fonction de cette liminarité intégrative dans ce qui s’apparente à une reconstruction du processus socio-anthropologique du passage à l’âge adulte.

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Notes

1 Neither in Employment nor in education or training. L’acronyme a été officialisé à la fin des années 1990, par « Bridging the Gap » en 1999 (Social Exclusion Unit, 1999), des chercheurs ont commencé à employer l’acronyme NEET, puis il devient dès 2010 un indicateur utilisé par la Commission européenne.

2 Tout signalement de disparition d’un mineur est considéré comme inquiétant et donne lieu à l’inscription au fichier des personnes recherchées.

3 Nous avons, lorsque c’était possible, choisi avec les jeunes concernés les pseudonymes que nous utiliserons dans le texte. Dans le cas contraire, nous nous sommes référés à notre informatrice-relais. Par ailleurs, nous avons opté pour une codification simple des deux caractéristiques retenues : Homme ou Femme ; âge.

4 La notion de capital guerrier est empruntée à T. Sauvadet (2006).

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Pour citer cet article

Référence papier

James Masy et Nadège Tenailleau, « Entre décrochage et décohabitation précoce, l’expérience d’une jeunesse « déviante » »Revue française de pédagogie, 211 | 2021, 37-48.

Référence électronique

James Masy et Nadège Tenailleau, « Entre décrochage et décohabitation précoce, l’expérience d’une jeunesse « déviante » »Revue française de pédagogie [En ligne], 211 | 2021, mis en ligne le 04 janvier 2025, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rfp/10464 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rfp.10464

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Auteurs

James Masy

Université Rennes 2, CREAD

Nadège Tenailleau

Université Toulouse 2-Jean Jaurès, UMR EFTS

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

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