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132 | 2012
L’ibadisme, une minorité au cœur de l’islam

Sous la direction de Cyrille Aillet
photo de couv.132
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Crédits : Cyrille Aillet
ISBN 978-2-85399-809-3

Parmi les courants qui composent l’islam, l’ibâḍisme est l’un des plus méconnus. Aujourd’hui réduit à une minorité infime – sans doute pas plus de trois millions de personnes –, il n’a survécu qu’à Oman, le seul pays où il est dominant, sur la côte orientale de l’Afrique (principalement Zanzibar) et au Maghreb. En Libye, les Ibâḍites sont implantés dans le Djebel Nafûsa, en Tunisie sur l’île de Djerba, et en Algérie à Ouargla et dans le Mzâb, leur principal bastion. Des flux migratoires parfois anciens ont rajouté des points d’ancrage à cet archipel dynamique, à la fois sincèrement attaché à ses îlots de culture traditionnelle et profondément soucieux de développer son insertion dans des réseaux internationaux. 

Bien qu’ils récusent cette parenté, les Ibâḍites sont les derniers descendants de la troisième branche de l’islam, le khârijisme, naguère singularisée par sa contestation d’un califat héréditaire et absolutiste réservé aux seuls Quraysh. L’apparition de l’ibâḍisme à Baṣra, vers la fin du viie siècle, est indissociable de la recherche d’une solution de compromis et de coexistence avec les autres courants de l’islam. Ses pères fondateurs – parmi lesquels figurait peut-être le mystérieux Ibn Ibâḍ – récusaient en effet l’intransigeance des Azraqites, dont la politique de terreur et l’activisme militaire sont à l’origine de la légende noire qui entoure le khârijisme. L’ibâḍisme n’en a pas moins hérité du khârijisme une vision élective et collégiale du pouvoir qui met en avant le choix de la communauté et l’exemplarité religieuse du gouvernant, dont la destitution est jugée légitime en cas de rupture du pacte initial.

Dans le contexte actuel des révolutions arabes, les Ibâḍites aiment d’ailleurs à se définir comme des « démocrates de l’Islam ». Au Maghreb, l’historiographie communautaire rappelle volontiers la participation du mouvement aux révoltes qui secouèrent l’empire omeyyade finissant, son rôle actif dans la propagation de l’islam en milieu berbère et en Afrique noire, l’engagement de ses intellectuels dans la Naḥḍa et la contestation anticoloniale dès la fin du xixe siècle, ainsi que la lutte contre le « tyran » Kadhafi. Du côté d’Oman, pays devenu la vitrine mondiale de l’ibâḍisme, l’historiographie officielle vante la « renaissance » impulsée, grâce aux ressources de l’or noir, par le sultan Qâbûs, mais aussi l’esprit de « tolérance » qui caractériserait la société locale.

Ce volume tisse une réflexion sur la façon dont cette minorité s’est façonnée au cœur de l’Islam et met l’accent sur ses modèles fondateurs, des origines à l’époque contemporaine, et sur ses lieux et enjeux de mémoire.

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