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113-114 | 2006
Le corps et le sacré en Orient musulman

Sous la direction de Catherine Mayeur-Jaouen et Bernard Heyberger
Le corps et le sacré en Orient musulman
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ISBN 978-2-7449-624-4

Le corps tient une place essentielle dans les normes et les pratiques religieuses de l'Orient musulman. Dans les élaborations théologiques et mystiques du christianisme oriental comme de l'islam, le corps se construit dans un constant balancement avec l'âme, généralement identifiée à l'esprit. Cette dualité laisse souvent la place à une construction triangulaire avec l'âme charnelle, celle des passions qu'il convient de dompter. En règle générale, c'est le corps qui est à domestiquer et à juguler ; c'est lui l'enjeu des pratiques ascétiques, le lieu d'expression des gestes dévotionnels et la manifestation sensible des charismes des prophètes et des saints. Le corps est aussi instrument de salut : charnel et sensible sont légitimés par la création d'Adam comme vicaire de Dieu sur terre, et surtout par l'exemple du Prophète Muhammad qui fixe les règles à suivre d'un corps désireux d'échapper aux passions pour rejoindre sa vocation profonde. La sainteté en islam est d'abord imitation du Prophète. Autour du corps, s'opposent les notions de pur et d'impur, de licite et d'illicite, selon des normes fixées précisément mais parfois contradictoires et fluctuantes. À partir de la Sunna, la littérature juridique islamique a longuement traité du corps, tant à propos de la sexualité que des pratiques alimentaires ou des pratiques funéraires. C'est à partir du riche matériau codifiant les pratiques corporelles que les musulmans ont élaboré leurs interprétations de l'ascèse, qui est aux origines du soufisme, et celle de l'adab, ce savoir-vivre qui touche si étroitement au corps. C'est dans son rapport au corps que s'exprime, en islam comme dans le christianisme, une culture folklorique plus immédiate et souvent plus crue. Le corps s'affirmait comme vecteur d'expression du sacré, sans que soit opérée, jusqu'à la fin du XIXe siècle, de séparation entre sacré et profane. Le réformisme musulman et l'irruption de la modernité ont profondément bouleversé les rapports du corps au sacré, désormais soigneusement distingué du profane. La spiritualisation de la religion promue avec constance par les réformistes a consisté finalement à en rejeter des pans entiers, au nom de la Sunna, mais surtout à cause d'une exigence de modernité qui refuse les expressions les plus directement corporelles du religieux, comme la danse ou la transe.

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