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AccueilNuméros155 (1/2024)SECONDE PARTIEDiscussion critiqueLes travailleurs algériens en Fra...

SECONDE PARTIE
Discussion critique

Les travailleurs algériens en France en 1956

Discussion critique autour de l’ouvrage d’Andrée MICHEL, Les travailleurs algériens en France, Cnrs 1956.
Kamel Chachoua
Référence(s) :

MICHEL Andrée, 1956, Les travailleurs algériens en France. Préface par Pierre Laroque, Paris, CNRS.

Texte intégral

1C’est dans un passage bref mais élogieux d’un article d’Abdelmalek Sayad sur les « Tendances et courants des publications en sciences sociales sur l’immigration en France depuis 1960 », publié dans Current Sociology (Sayad, 1984 : 249) que nous avons, pour la première fois, découvert le travail d’Andrée Michel (1920-2022). A. Sayad écrivait :

Il faut reconnaître à Andrée Michel le mérite d’avoir, la première dans la tradition française, introduit une véritable sociologie de l’immigration. Replacée dans le lot de la production de l’époque et même de la période suivante, le travail d’Andrée Michel rompt avec les conceptions qui prévalaient alors et qui faisaient que la littérature sur l’immigration se partageait dans sa grande majorité entre, d’une part, le thème de l’adaptation, d’abord, à la machine et au travail industriel et, ensuite, à la vie dans la société française. Auparavant, ajoutait Abdelmalek Sayad, l’émigration est un problème social et non pas un objet sociologique… elle [Andrée Michel] est la première à traiter de l’immigration (ou d’une immigration particulière, immigration de colonisés, l’immigration algérienne à l’époque de la lutte de l’Algérie pour son indépendance), comme un objet sociologique réellement construit et non comme un problème social. La tentative d’Andrée Michel avait ouvert, à son époque, une voie nouvelle à la science de l’immigration, la voie de la vraie sociologie ; on ne peut que déplorer que, jusqu’à ce jour, cet exemple novateur n’ait pas été beaucoup suivi.

2Venu de la part de l’un des meilleurs sociologues de l’émigration algérienne en France, cet éloge nous avait tout de suite décidé à lire les travaux d’Andrée Michel bien qu’à l’époque, nous préparions une thèse sur le clergé musulman officiel de l’Algérie du xixe (Chachoua, 2001) ; loin donc de l’objet qui concerne les deux sociologues de l’émigration-immigration algérienne en France. Mais, c’est bien plus tard, quand Christiane Veauvy nous a sollicités pour un hommage collectif à Paul Vielle (Chachoua, 2017 : 189), sociologue, fondateur et directeur de la revue Peuples méditerranéens et frère cadet d’Andrée Michel, que je me suis réellement intéressé à relire le travail de la sociologue sur Les travailleurs algériens en France.

  • 1 La thèse principale est publiée ultérieurement aux éditions du CNRS (1959) sous le titre, Famille, (...)

3Dans cette contribution, nous exposerons d’abord l’essentiel de « la petite thèse sur les travailleurs algériens » comme l’appelait Andrée Michel1 ; nous ferons ensuite un commentaire sociologique sur les discriminations (l’autodiscrimination plus exactement), une question centrale dans la thèse d’Andrée Michel ; puis, en contrechamp et sous l’éclairage de travaux d’histoire, de littérature orale, de géographie et de sociologie sur la viticulture et les ouvriers agricoles dans l’Algérie coloniale, nous ferons une sorte de préhistoire de l’émigration algérienne en France. Mais, auparavant, il faut reconstituer l’espace de la sociologie française au lendemain de la Libération. Beaucoup de travaux précis et documentés, de nombreux témoignages autobiographiques aussi ont été publiés depuis cette date sur l’état de la sociologie après la Libération (Touraine, 1976 ; Bourdieu, 2004 ; Heilbron, 2020). En les relisant et en regardant de près la liste des 37 membres du Centre d’études sociologiques presque tous des hommes et on réalise, au passage, l’intérêt scientifique d’étudier, à part, le cas particulier d’Andrée Michel et des autres membres féminins du CES, notamment leur absence en tant que femmes et sociologues dans ces recherches et témoignages masculins. Ici, nous allons nous concentrer uniquement sur le contexte de la recherche d’Andrée Michel sur les travailleurs algériens et l’immigration dans « ce monde clos » (Bourdieu, 2004 ; 46) que fut le Centre d’études sociologiques (CES) qu’Andrée Michel avait rejoint dès 1952, avant son entrée au CNRS en 1954.

Andrée Michel est née le 22 septembre 1920 à Vallauris (Alpes-Maritimes) dans une famille « moyenne bourgeoise » et décédée le 8 février 2022 à Bussy-Saint-Georges. Après une licence en droit à la faculté d’Aix-en-Provence et un diplôme d’études supérieures (DES) en philosophie obtenu à la faculté de lettres de Grenoble, Andrée Michel a exercé d’abord comme enseignante dans le secondaire (1941-1943) puis, en 1944, rejoint la Résistance comme volontaire sociale. Après la libération, elle choisit de poursuive ses études supérieures en sociologie à la Sorbonne à Paris où elle obtient un doctorat d’État en 1959 avec une thèse principale sur la famille, l’industrialisation et le logement et une thèse complémentaire sur Les travailleurs algériens en France (CNRS, 1956). Ces premières recherches sur les discriminations et les inégalités de classe et de sexe vont dominer l’ensemble de ses travaux et combats politiques jusqu’à la fin de sa vie, comme le montre son engagement durant la guerre d’Algérie dans le réseau des « porteurs de valises », sa participation active au « Mouvement français pour le planning familial » dans les années 1970 et son militantisme pour la justice, la vérité et la paix en Palestine, en Irak et en Bosnie-Herzégovine dans les années 1990.

Par ses textes scientifiques et ses luttes politiques courageuses et pionnières, Andrée Michel reste l’exemple vivant d’une femme et d’une sociologue libre et humaniste. Outre les nombreux ouvrages qu’elle avait écrits, co-écrits, dirigés ou préfacés, André Michel a aussi publié plus d’une centaine d’articles dans plusieurs revues et chapitres d’ouvrages scientifiques qui peuvent faire l’objet de plusieurs volumes et contribuer au renouvellement des sciences sociales sur de nombreux sujets et débats d’actualité comme le travail, le féminisme, les rapports Nord-Sud, le militarisme et les discriminations plus particulièrement.

La sociologie française et la problématique de l’émigration-immigration

4Par son origine sociale, par ses liens avec la résistance, par sa proximité avec les partis de gauche et son engagement pour les luttes anticoloniales, Andrée Michel est, suivant G. Noiriel (1988), « une parfaite illustration de cette nouvelle génération de sociologues pour qui la recherche en sciences humaines et sociales doit soutenir non pas l’État, ou la nation française mais la cause des opprimés et des damnés de la terre ». Avec cette nouvelle génération de sociologues de l’après-guerre, la sociologie s’est, en effet, éloignée de la philosophie ainsi que de la génération de l’école durkheimienne ; sur les 37 membres que compte le Centre d’études sociologiques en 1955, « très peu sont issus de familles intellectuelles, très peu sont passés par l’école normale ou agrégés » (Heilbron, 2020 : 200). Cependant, plusieurs ont eu un rôle dans la résistance, plus d’un a des sympathies actives pour le PCF ou les partis de gauche ; presque tous vivent dans une relative précarité statutaire (souvent recrutés comme stagiaires ou attachés de recherche) et leurs tâches scientifiques sont souvent limitées à celle d’enquêteurs, la théorie étant réservée aux professeurs qui tiennent les rênes des recrutements, des revues et des promotions (Bourdieu, 2004 : 46). Enfin, si l’Allemagne fut pour les premiers durkheimiens une destination de formation et d’initiation, l’Amérique est vite devenue, selon Henri Mendras, « la Mecque des sociologues français » (Heilbron, 2020 : 206). La majorité des sociologues du CES d’après-guerre (Gurvitch, Friedmann, Mendras, Crozier, Touraine, Tréanton) ont tous fait de longs séjours aux États-Unis d’où ils ont importé la sociologie empirique que le PCF qualifiait alors de « science bourgeoise » au service de l’establishment (Touraine, 1976 : 67).

5Pris en étau entre la langue de bois du PCF et les turpitudes des partis politiques de droite et de gauche (MRP/SFIO), beaucoup d’intellectuels se sont alors jetés dans les luttes anticoloniales (Indochine, Tunisie, Maroc) à l’œuvre dans des sociétés qu’ils connaissaient mal et qu’ils abordaient par la question du capitalisme économique ou des inégalités juridiques plutôt que par la perspective politique nationaliste-indépendantiste qui dominait l’activité militante des jeunes Algériens depuis la fin de la Première Guerre. Dans un texte sur la gauche chrétienne et la guerre d’Algérie, François Bédarida disait « qu’en face des Nord-Africains, l’homme de gauche voit surtout les ressemblances (ce sont des hommes), l’homme de droite les différences (ce sont des musulmans, etc.) » (Bédarida, 1988 : 93 ; Colonna, 1996 : 59). De son côté, Andrée Michel n’est pas venue aux travailleurs immigrés algériens par la sociologie du travail ou de l’industrie, ni même par l’enquête de Paul-Henri Chombart de Lauwe sur les familles ouvrières à laquelle elle avait pris part, mais par la sociologie des familles ouvrières catholiques, objet de sa thèse principale sous la direction de Gabriel Le Bras, spécialiste de sociologie religieuse. Cela dit, il y a une sorte de cohérence et de continuité épistémique et surtout politique entre la thèse principale d’Andrée Michel sur la typologie des familles des locataires des hôtels meublés à Paris et dans la Seine et sa thèse complémentaire sur les travailleurs algériens en France ; dans les deux cas, il s’agit pour elle de poser les jalons d’une véritable sociologie politique de la domination masculine et coloniale. Selon elle, les difficultés des femmes et des familles françaises comme des travailleurs algériens ne provenaient pas seulement des mauvaises conditions d’habitat en hôtel meublé, de la condition ouvrière en général mais également du statut juridique et social assigné à la femme française par la loi ou les mœurs et à l’immigré algérien par le statut d’indigène et de travailleur colonial.

6La guerre d’Algérie et le statut complémentaire de « la petite thèse sur les travailleurs algériens » selon son expression, expliquent sans doute les réserves critiques de son préfacier, Pierre Laroque (Michel, 1956 : 3) et le rejet qu’elle avait suscité chez les tenants de la sociologie industrielle (du travail), sans parler des colères et agacements politiques qu’elle avait provoqués parmi les intellectuels parisiens.

Avec Les travailleurs algériens en France (publié en 1956) – disait Andrée Michel – j’ai eu beaucoup d’ennemis – nous étions dans la guerre d’Algérie. Gabriel Le Bras a bien vu que j’étais à contre-courant car je montrais les discriminations frappant les Algériens, par exemple dans les usines chimiques… Georges Friedmann faisait de la sociologie industrielle et la sociologie industrielle, ce n’était pas « les travailleurs immigrés »… Pour Raymond Aron, c’était pareil… ces derniers – ajoutait-elle – voulaient me renvoyer du CNRS à cause de mon ouvrage sur Les travailleurs algériens en France qui avait soulevé la colère du patronat français et de Jacques Soustelle, un temps gouverneur de l’Algérie colonisée.

7En effet, si le titre Les travailleurs algériens en France peut paraître banal au lecteur d’aujourd’hui, en 1956, en pleine guerre d’Algérie (1954-1962), reconnaître la double condition de travailleurs et d’Algériens à ces « indigènes », ces « musulmans » qui ne sont alors considérés ni comme une main-d’œuvre étrangère ni comme une main-d’œuvre complètement nationale, sonnait comme une dénonciation ou une trahison politique.

  • 2 C’est dans ce contexte qu’Ernest Renan avait prononcé à la Sorbonne en 1882, sa fameuse conférence (...)

8Les frictions politiques et scientifiques que cette « petite thèse » avait provoquées dans le microcosme du Centre d’études sociologiques et dans une partie de l’univers intellectuel français du moment montre qu’en 1956, en pleine guerre d’Algérie et malgré la présence en France de plus de 187 000 travailleurs algériens (300 000 environ si on compte les femmes et les enfants) (Blanchard, 2018), l’immigration n’arrive pas à se constituer en objet sociologique et politique légitime. Les travaux existants sur la question et qu’on retrouve exhaustivement cités dans la thèse d’Andrée Michel sont souvent des documents, des rapports, des mémoires plutôt que des recherches ou des thèses universitaires proprement dites. Pour G. Noiriel, cette impossibilité de l’immigration à se convertir en problématique scientifique remonterait à l’histoire même de l’école sociologique française fondée par Émile Durkheim. Selon cet historien, la question de l’immigration, comme celle des origines, de l’identité et de la race qui ont émergé avec fracas dans le débat politique de la France de la fin du xixe siècle2, sont à l’opposé même de la thèse d’Émile Durkheim sur la division sociale du travail qui représente « la critique la plus radicale qu’on ait écrite sur l’enracinement » (Noiriel, 1988 : 33). Selon lui,

Pour comprendre la discrétion de la sociologie scientifique sur ces problèmes [les origines, l’immigration, la race], il faut évoquer un autre élément d’explication. Comme l’observe Vincent Berdoulay (1981), les premiers sociologues durkheimiens sont en majorité issus des milieux israélites urbains. Même si (et sans doute parce que) elle n’est jamais abordée dans son œuvre, on peut penser que la question des « origines » n’a pas cessé de préoccuper Durkheim, Mauss et Halbwachs après lui. Leur refus à prendre à bras-le-corps la question de l’immigration dans toute sa dimension est peut-être aussi lié à cette question d’« identité », réactivée par les poussées antisémites. (Noiriel, 1988, p. 32).

9Dans un article très remarqué sur La sociologie du Maghreb vue du centre, Lucette Valenci (1984) avait fait le même constat que G. Noiriel en ce qui concerne le Maghreb et l’Islam. Selon elle, « l’école durkheimienne aurait négligée le Maghreb et l’Islam qui occupait une position mineure dans les travaux de l’Année sociologique plus particulièrement » (Valenci, 1984 : 231) ; une thèse largement reprise par beaucoup d’autres sociologues et anthropologues spécialistes du Maghreb (Colonna, 1995 ; Mahé et Bendana, 2004). Or, quand on relit l’intervention brève d’Émile Durkheim (1899) sur l’antisémitisme en France, on ne voit absolument pas, cet évitement ou l’effet « psychologique » de son origine juive que lui prêtent, à lui et à ses disciples, les analystes du xxe siècle. Dans cet entretien, Durkheim évoque explicitement son origine juive et alsacienne ainsi que la nécessité de faire des études « qu’il n’a pas faites » sur ce sujet. Il insiste sur la différence entre l’antisémitisme français et l’antisémitisme étranger (allemand et russe notamment) et souligne, enfin, que l’antisémitisme n’est pas un phénomène nouveau en France :

On l’avait déjà vu dans l’est, lors de la guerre de 1870 ; étant moi-même d’origine juive, j’ai pu alors l’observer de près. C’est aux juifs qu’on s’en prenait pour les défaites. En 1848, une explosion du même genre s’est produite en Alsace. Ces rapprochements autorisent à penser que notre antisémitisme actuel est la conséquence et le symptôme superficiel du malaise social. (Durkheim, 1975, t. II : 252).

10Pour nous, qu’il s’agisse de la question de l’immigration comme de la question du Maghreb et de l’Islam, dans les deux cas, il ne s’agit ni d’évitement ni d’oubli mais du fait que c’est un objet incomplètement « national », extérieur et étranger qui le rend moins noble, moins prioritaire et surtout « inutilement » difficile du fait qu’il exige, en plus des compétences objectives (ie scolaires et disciplinaires), une connaissance intime et intuitive d’un autre inconscient social et d’une autre société. Pour l’Islam et le Maghreb, il faudrait, en plus d’une approche comparée avec les autres monothéismes, une maîtrise parfaite de(s) langue(s), des textes, de la tradition orale et du sentiment (un mot cher à Durkheim) collectif et religieux dans le monde islamique plus particulièrement ; un profil grosso modo incompatible avec la tradition scolaire et universitaire nationale française. Dans le cas de l’immigration, l’approche durkheimienne exigera une sociologie de la société d’émigration aussi fine que celle de la société d’immigration comme l’avait tentée Abdelmalek Sayad (Sayad, 1999). Si le modèle théorique durkheimien nous paraît aisément transposable aux autres traditions sociales nationales, le sociologue durkheimien reste, selon nous, difficilement efficace et exportable en dehors des limites de ses intuitions et de son habitus social national. En plus du fait que la sociologie touche à des objets marqués par les institutions et les choses « nationales », difficilement perceptibles dans leurs finesses et leurs intimités par un sociologue « non national », l’inconscient académique (scolaire et politique) national du sociologue est un obstacle quasi indépassable quand il s’agit d’étudier des faits sociaux d’autres traditions sociales nationales.

11Dans le cas précis qui nous concerne ici, celui de la thèse d’Andrée Michel sur les travailleurs algériens (coloniaux) en France dans les années 1950, nous verrons plus loin que le principal biais ne vient pas de l’enquête de terrain ou des considérations théoriques ou méthodologiques, mais du fait que la moitié de l’objet (l’émigration) lui échappe parce que lié à un inconscient politique et à une tradition sociale « nationale » différente pour ne pas dire étrangère.

« La thèse complémentaire sur les travailleurs algériens en France » et la guerre d’Algérie en métropole

12Partant de la recherche de G. Balandier sur le prolétariat noir des Brazzavilles et de la thèse de Ch. A. Julien « qui voit dans les attitudes racistes à l’égard d’une population de couleur les conséquences d’une situation coloniale, dominée par une minorité de privilégiés d’origine européenne » (Michel, 1956 : 6), Andrée Michel voulait vérifier si le rapport entre colon et colonisé s’était reproduit en France entre Européens et Nord-Africains. Pour elle,

Les discriminations idéologiques dont certaines adoptent une apparence scientifique révèlent un racisme qui est né avec le début de la colonisation et a produit depuis un certain nombre de stéréotypes, ne permettant au groupe dominant d’atteindre le groupe dominé que par des jugements péjoratifs, défavorables et dont la fonction est de renforcer dans la conscience collective la ségrégation professionnelle, économique et administrative des immigrés algériens. (Michel, 1956 : 220).

13S’il n’y a aucun doute sur le fait que les discriminations structurent l’ensemble de la vie de chaque travailleur algérien en France, cependant, la lutte armée pour l’indépendance déclenchée en Algérie depuis le 1er novembre 1954, les nombreuses protestations et pétitions des travailleurs algériens en France contre l’État de guerre en Algérie montrent qu’en 1955 la question des discriminations et de la lutte pour l’égalité juridique et politique était, dans l’inconscient politique et militant de nombreux Algériens, une revendication dépassée devant celle de l’indépendance totale. Cela dit, bien que les travailleurs immigrés aient pleinement adhéré à la cause politique nationaliste, beaucoup restaient à l’écart de l’activité militante proprement dite, en dehors des cotisations et des manifestations. La discrétion, la clandestinité, la suspicion généralisée, le refus et/ou l’évitement de parler « librement » par ordre de la hiérarchie du FLN et par peur des représailles (même entre travailleurs algériens eux-mêmes) faisaient partie du code tacite du militantisme populaire des travailleurs immigrés du moment. On comprend ainsi la difficulté d’Andrée Michel (outre l’obstacle linguistique) à échanger et recueillir des données et des témoignages suffisamment fiables et exploitables. Tout cela explique pourquoi on ne voit pas et on n’entend rien de l’enquête orale de juillet 1956 auprès des 170 travailleurs, et pourquoi le chapitre consacré aux groupements politiques ne contient pas de témoignages empiriques de ces travailleurs sur les « événements d’Algérie » (comme on disait alors), ni sur les discriminations qu’ils subissent, ni sur leur condition ouvrière, le patronat, l’émigration ou les conditions d’habitation évoqués par Andrée Michel. L’ensemble des données utilisées par Andrée Michel sont tirées, plus souvent, des quotidiens métropolitains que de la bouche des travailleurs algériens eux-mêmes.

Le recrutement tribal en métropole

14L’apparition et la généralisation des conduites discriminatoires en immigration sont indissociables de la croissance du nombre des travailleurs algériens en France, qui passe de 73 000 en 1937 à 186 419 au 31 décembre 1955 (Minces, 1973 : 47). En effet, cette croissance exponentielle des Algériens en métropole fait resurgir au début des années 1950 l’idée de quadriller le territoire métropolitain, de cartographier et de recenser les immigrés algériens dans le but de les contrôler, de les surveiller et de les assister selon le même schéma qui avait prévalu en Algérie au moment de la mise en place des bureaux arabes et de la politique indigène après la fin de la conquête militaire de l’Algérie. C’est dans cette logique qu’est créée à Paris, en 1925, à l’initiative des conseillers municipaux parisiens, une brigade de police nord-africaine installée au 6 rue Lecomte pour agir contre la criminalité qu’on attribue alors aux travailleurs algériens. Ce service d’assistance aux indigènes nord-africains (SAINA) conçu et dirigé par Edmond Doutté (Mauss, 1924 ; Messaoudi, 2012 : 310), un ancien administrateur des affaires indigènes, crée pour la première fois la confusion entre l’émigré (Algérien-Musulman) et l’insécurité. Les travailleurs algériens « ont conservé un souvenir néfaste de ce service qu’ils appelaient “la commune mixte de Paris” ». (Michel, 1956 : 155). C’est, enfin, dans cette même logique, qu’en 1952, le ministre de l’Intérieur, Charles Brune, commande à Robert Montagne, un ethnologue officiel de terrain aguerri aux réalités du travail ouvrier, des bidonvilles et de l’exode rural au Maroc, une étude sur l’émigration des Algériens en métropole afin d’apporter des solutions aux problèmes que pose la présence de 350 000 musulmans sur le territoire métropolitain. Après deux années d’enquêtes minutieuses, Robert Montagne remet son rapport en 1954 et meurt prématurément quelques mois plus tard. C’est un travail impressionnant, agrémenté de plusieurs cartes, de nombreux schémas, de tableaux statistiques, de croquis, où l’on trouve une répartition ethnique globale des migrants en métropole suivant leurs tribus d’origine en Algérie. Pour Robert Montagne,

Il ne faut pas se représenter la France comme envahie un peu par hasard par des musulmans d’Algérie, eux-mêmes poussés impérieusement hors de chez eux par des forces économiques aveugles, conformément aux calculs des statisticiens et des économistes. Il s’agit plutôt d’une colonisation méthodique de notre territoire poursuivie avec patience depuis de longues années, par des hommes appartenant à un groupe de villages voisins, ou à un gros village indépendant. (Montagne, 1954 : 9).

15Il lui semble, en effet, souhaitable et préférable que le recrutement des travailleurs algériens en France se fasse en maintenant les groupements déjà établis en métropole ; car, selon lui, cette solution sert aussi bien la préservation de la solidarité tribale que les intérêts de l’entreprise. Pour y parvenir, Robert Montagne préconise « une collaboration active et constante entre la direction des employeurs de France avec les communes mixtes ou les maires ou chefs des centres municipaux des régions rurales (en Algérie) ». Ce travail de terrain publié l’année même du début de l’enquête d’Andrée Michel (1954) est sans doute important pour comprendre la centralité de la question du recrutement tribal des travailleurs algériens dans la thèse d’Andrée Michel. Pour elle les patrons préfèrent avoir recours à ce recrutement tribal par l’intermédiaire de leurs employés déjà présents dans l’usine, qui leur ramènent des ouvriers de leur tribu, de leur famille et de leur village. Il s’est développé ainsi « un système de cooptation ethnique et familiale » (Michel, 1956 : 206) qui a abouti à l’implantation et la concentration des ensembles familiaux dans les entreprises mais aussi dans les résidences urbaines et suburbaines. Selon Andrée Michel cette cooptation présente plusieurs avantages pour les patrons des entreprises et les employeurs en général car, en plus de la caution morale, ce sont les membres intermédiaires qui se chargent de la responsabilité en cas d’absence, de maladie ou d’insuffisance provisoire de main-d’œuvre. Certaines grandes entreprises, ont même ouvert leurs propres bureaux de recrutement en Algérie ou chargent un convoyeur de travailleurs émigrés envoyés sur place par l’usine pour recruter en Algérie, malgré la masse de chômeurs qui grandit de jour en jour en métropole. Ce style de recrutement a favorisé dans certaines entreprises des regroupements ethniques d’une part et, d’autre part, il a fragilisé les travailleurs immigrés car, dès qu’une entreprise vient à licencier ou à fermer ses portes, c’est toute la famille ou même un morceau de la tribu tout entier qui se trouve au chômage. Ce système de recrutement a créé en Algérie même, dans les tribus kabyles notamment, une désaffection sinon une impression d’inutilité de passer « absolument » par les bureaux de main-d’œuvre et a ainsi propagé l’habitude d’aller directement (une fois arrivé en France) se présenter aux portes des usines et des chantiers pour se faire recruter plus rapidement (Michel, 1956 : 56-57). Ce système accroît bien sûr l’illusion de l’abondance du travail en France et nourrit les espoirs d’ascension les plus démesurés.

16Cet afflux de travailleurs venus par différents canaux entraîne bien évidemment un excédent de main-d’œuvre sur le marché de l’emploi subalterne et crée une misère sociale. « Durant l’hiver 1954, 67 % des secourus sont Algériens, et les 4/5e des tuberculeux de l’enquête sont originaires des régions de Bejaia, de Sétif et de Tizi-Ouzou ; c’est-à-dire des principaux foyers d’immigration algérienne » (Michel, 1956 : 138). Les études comparées des accidents du travail et des maladies prouvent, dit-elle, « non pas l’inadaptation, la prédisposition mais l’exposition plus grande à l’accident et à la maladie d’une main-d’œuvre confinée dans les travaux les plus malsains et les plus dangereux » (Michel, 1956 : 220). Enfin, les revenus souvent bas poussent ces travailleurs adultes, chefs de plusieurs ménages vivant sous le même toit, à se diriger vers les centres d’hébergement et les foyers patronaux afin de gagner quelques économies sur leurs salaires. Des centres qui, dit-elle, sont

[…] souvent gérés par un personnel spécialisé ayant une formation de carrière dans l’armée ou dans l’administration des colonies. La structure même des dortoirs relève d’une conception quasi militaire. La chambre de quatre personnes est encore exceptionnelle, la chambre à une ou deux personnes est prohibée en raison des tendances homosexuelles que l’on attribue a priori aux pensionnaires d’un habitat collectif. Tous ces faits montrent que les employeurs ont toujours été guidés dans leurs attitudes vis-à-vis de leur main-d’œuvre algérienne par une idéologie encore hypothéquée par la qualité de « travailleurs coloniaux » que, sans ambiguïtés, on a attribuée, dès le début, aux immigrés algériens en France. (Michel, 1956 : 193).

17On voit bien derrière ces descriptions d’Andrée Michel comment la logique de gouvernement colonial commençait à gagner, pour ne pas dire à contaminer l’administration des populations colonisées immigrées en métropole ; la guerre d’Algérie, qui s’étendra à la métropole à partir de l’été 1958, va accélérer cette transplantation pérenne du dispositif administratif colonial en France qui survivra aux indépendances des anciennes colonies (Einaudi, 2001 ; Amiri, 2004 ; Branche et Thénault, 2008 ; Blanchard, 2011).

Distance objective, discriminations et autodiscrimination

18À vrai dire, les émigrés algériens en métropole ne font que se tenir volontiers, par habitude, à distance de la France et des Français dont ils étaient objectivement tenus à distance en Algérie. À notre avis, on ne peut même pas parler de discrimination pour la simple raison que les colonisés ont été toujours tenus à distance et n’ont jamais été mêlés et encore moins unifiés à la société colonisatrice en colonie. Étant le produit du temps, c’est-à-dire de l’histoire, la distance qui sépare l’émigré ou le colonisé du colonisateur s’est finalement naturalisée et est devenue analogue à celle qui sépare le cadet de l’aîné, le fils du père, le jeune du vieux ; une distance qu’on ne peut, en somme, ni combler ni rattraper. C’est d’autant plus vrai que souvent le travailleur colonial (pauvre et jeune) cumule les deux infériorités, biologique et sociologique, en même temps. Sans trop forcer le trait, il y a lieu de faire une sorte d’analogie entre cette « soumission de nécessité » que l’ordre social et moral du groupe recommande à l’émigré en situation d’immigration et le « jugement de nécessité » (ḥukm ḍarūra) que l’élite urbaine du clergé musulman officiel des débuts de l’Algérie coloniale évoquait pour « patienter », et par-là « contenir » la révolte des colonisés algériens au moment de la conquête française d’Alger (Berque, 1974, 163 ; Chachoua, 2001).

19Pour bon nombre d’émigrés, ces discriminations sont même regardées comme le revers de la médaille, la rançon ou la contrepartie qu’il faut payer contre les profits et les avantages de l’immigration. La morale sociale du groupe d’origine de l’émigré recommande à tout émigré-immigré d’ignorer ces insultes et de les considérer comme des impolitesses ou des provocations, comme elle lui recommande de refuser tout plaisir, toute dépense qui ne réponde pas à un besoin vital et inévitable. Étant en mission économique, mandaté par le groupe familial et tribal, le bon émigré ne doit pas se complaire en immigration car, pour la morale traditionnelle, vouloir rendre son immigration agréable et confortable, c’est vouloir la rendre durable ; or, le « bon émigré », suivant cette même morale, n’est pas celui qui cherche à s’intégrer mais celui qui cherche à en finir avec son émigration et à rentrer définitivement chez lui. On ne s’étonne pas que l’étranger ou l’émigré suscite des attitudes de suspicion, de rejet voire même de mépris dans les sociétés d’accueil car, n’étant pas dans la société qui lui a imprimé son habitus social, l’émigré perd tout un pan de son désir d’agir et toute sa vie sociale se trouve quasiment en veilleuse. Elle est réduite au strict minimum ; son comportement comme ses façons habituelles de penser et d’agir sont constamment « invalidées » et par conséquent soumis à l’improvisation et à l’ajustement que lui imposent la nouvelle condition et le nouveau paysage social. Étant donné qu’il n’est pas soumis au regard critique et au jugement de sa société « naturelle », son conformisme social se relâche et il retourne presque à l’état de vie élémentaire où, seules les fonctions vitales, et seulement elles, sont maintenues. L’éloge pas plus que le dénigrement ou l’insulte ne chatouillent plus son amour ou son honneur propre ; tout se passe en effet comme si, à mesure que l’émigré s’éloignait de sa société, il s’éloignait de lui-même. Même si chaque émigré adhère « extérieurement » au discours de la lutte contre les discriminations, intuitivement, il « sait » que la cause de son malaise dans l’immigration ne vient pas de la discrimination mais de l’émigration elle-même ; de là, sa certitude (toujours refoulée et niée) que pour en finir avec la première (la discrimination) il lui faut supprimer la seconde (l’émigration). Pour nous, cette attitude n’est ni le reflet de l’art de la résistance des dominés (Scott, 2019), ni l’expression de la « susceptibilité » des Algériens comme l’écrivait Pierre Laroque (Michel, 1956 : 3) et encore moins une attitude façonnée par le fatalisme islamique (ESNA, 1953), comme le soutenait une large part des administrateurs et ethnographes coloniaux. Les actes de discrimination à l’égard des travailleurs algériens en France, ne sont pas non plus un ensemble d’attitudes ou de règles conçues dans les cabinets ministériels ou encore sorties de la tête des savants puis appliquées par les patrons et les agents civils ou militaires, mais le produit historique d’un rapport de domination qui a structuré le champ mental et les représentations sociales des colonisés et des colonisateurs.

20Pour comprendre cette attitude des travailleurs émigrés à considérer les discriminations comme « une malédiction » ou « un destin renversé », pour comprendre cette résignation qu’on entend déjà dans la poésie orale kabyle de la fin du xixe siècle (Boulifa, 1904 ; Mammeri, 1969, 1976, 1989), il faut refaire, non pas le chemin qui a mené les travailleurs coloniaux de l’Algérie vers la France, mais celui qui a mené l’ouvrier agricole indigène vers le colon-viticulteur en Algérie à la fin du xixe siècle. L’émigration des « travailleurs coloniaux » en métropole comme l’apparition d’un sous-prolétariat urbain dans l’Algérie du début du xxe siècle ne sont que l’effet de « l’importation/exportation » et de l’imposition violente en Algérie d’un système économique capitaliste à une société, à une économie et à un système culturel régis par une logique radicalement différente. Car, si ce nouveau système économique, agraire et capitaliste, s’était introduit progressivement et en dehors de la conquête militaire, ses effets déstructurants auraient été largement moindres, son assimilation aisée et le rapport des Algériens au capitalisme moderne (occidental) serait plus strictement économique, en tous cas moins entaché de culturalisme moral et religieux. L’effet de déstructuration encore actif et visible dans les conduites sociales et économiques d’aujourd’hui même en Algérie (Chachoua, 2019 : 199) vient du fait que cette rencontre des deux systèmes culturels et économiques en Algérie s’est faite dans une confrontation violente et militaire : celle de la conquête coloniale. En effet, agissant en dehors de son territoire national et de sa population, sur un sol qu’il s’était accaparé gratuitement et face à une population indigène qu’il avait mise en situation d’adversité, à l’égard de laquelle il n’avait aucune considération, le système colonial s’est trouvé, d’un coup, en situation d’impunité totale, loin et à l’abri du regard et du contrôle de sa propre conscience morale, autant dire loin de lui-même et livré à ses instincts les plus primitifs. Cette histoire de l’irruption violente de l’ordre économique et politique colonial en Algérie, qui fut, à l’origine de la constitution en Algérie d’un sous-prolétariat paysan déraciné, est « paradoxalement » négligée dans cette thèse sur « les travailleurs coloniaux » au profit de la cause « fictive » de l’égalité juridique et politique. Tout porte, en effet, à croire qu’Andrée Michel a un rapport à la condition de travailleur immigré et à la discrimination raciale différent de celle des travailleurs immigrés à l’égard de cette même condition.

21Ce n’est pas pour son exemple qu’on va évoquer, ci-dessous, le cas de la viticulture mais parce qu’elle fut, économiquement et politiquement parlant, le support de tout l’édifice de la colonisation de l’Algérie. Bien qu’elle ait été introduite en Algérie suite à la crise phylloxérique qui avait ravagé le vignoble français vers 1880, on verra que la viticulture avait structuré tout le système économique et politique colonial et qu’elle fut à l’origine des premiers courants d’émigration vers les domaines agricoles coloniaux, de la découverte du travail salarié et, plus tard, de l’émigration en métropole.

Des travailleurs agricoles en colonie aux travailleurs coloniaux en métropole

22En effet, travailler « chez le colon » (ar u roumi, comme dit l’expression kabyle) dans l’Algérie colonisée, c’est opter pour un travail salarié d’appoint rémunéré qui peut aller d’une saison à deux ou trois années, soit comme travailleur agricole dans les fermes coloniales, soit comme auxiliaire des troupes militaires (zouave, spahi, convoyeurs de fonds) ou enfin comme simple journalier sur les chantiers privés ou publics (terrassements, constructions, ponts et chaussées, garde-forestiers, ouvriers du liège…). Pour bien rendre le sentiment de cette expérience indigène, j’ai préféré en appeler au témoignage de la tradition orale kabyle. Dans les poèmes ci-dessous, extraits d’un corpus publié par l’un des premiers instituteurs kabyles berbérisants du début du xxe siècle, on voit la découverte par la société kabyle du « métier de l’armée » et les débuts de l’émigration d’ouvriers agricoles des montagnes kabyles vers les fermes viticoles du littoral et des plaines d’Algérie qu’on peut considérer comme la forme élémentaire de l’émigration algérienne en France qui se déclenchera avec le début de la Première Guerre mondiale.

Voilà que les Kabyles abjurent

Et deviennent « Romains »

Reprenant ainsi leur origine primitive

Il y a plus de la moitié qui se sont fait enrôler

Au son de la musique, leur départ s’est effectué

Chaque homme s’était livré moyennant 20 douros

En plein hiver, je partis en voyage

Parcourant tous les pays, sans en laisser aucun

Et toujours à pied, je parvins à Cherchel

N’ayant ni permis de circulation, ni autres papiers

Je n’osais même pas entrer dans un café maure

Triste état qui m’obligea à m’enfermer chez le gargotier

Ô siècle ingrat et barbare

Le Français enrôlait la foule

Il ne leur laissa même pas le temps de passer la fête

Je n’ai pitié que des filles devenant orphelines ou veuves

Quant à la lie de la population

Toutes les belles terres des plaines étant vendues

Quiconque était propriétaire, s’est fait khemmas (métayer)

Beaucoup ont fait les préparatifs de voyage

Ayant l’assentiment de leurs parents

Pour se diriger vers Bône

Le salaire d’une journée de travail y tomba à 30

Aussi peinaient-ils sans pouvoir économiser un sou

Au contraire, leurs dettes augmentaient de jour en jour

  • 3 Le poète fait allusion aux tirailleurs dont la durée d’engagement est de quatre ans (Boulifa, 1904, (...)

Hélas ! Les quatre ans3 ne sont-ils pas mieux que nous

Car eux, ils n’ont pas à s’inquiéter de leur subsistance

Ceci est ton œuvre, ô Dieu, si miséricordieux

Je les ai tous retrouvés à Bône

Ces pauvres jeunes gens exilés

Se promenant dans les rues

Cette année inspire beaucoup de craintes

Que de beaux jeunes gens elle pousse aux aventures

De ceux-là même qui sont sortis des medersas

À la recherche du travail, chaque ferme était visitée

Ils y étaient tous : Arabes et Kabyles

De leur triste situation, les porcs se réjouissaient

L’aïd a passé comme le vent

Ici-bas tout à une fin

Dieu seul restera

Quant à moi, homme de péchés et de malheur

Seul, en pays étranger, je ne fais que verser des larmes

Et dans une cave, au milieu des fûts, j’ai passé ma fête.

(Boulifa, 1904 : 94-110).

23Cette immigration agricole et saisonnière s’est répandue vers 1880 à un moment triomphant de la colonisation après l’écrasement de l’insurrection populaire de 1871. Le tournant du xixe siècle est aussi celui de l’accroissement du peuplement européen en Algérie et de la mise en place des nouvelles lois agraires qui consacrent, définitivement et à grande échelle, la dépossession foncière, le démembrement des tribus (Sainte-Marie, 2019) et la répression juridique par l’instauration du code de l’indigénat. Mais ce qui va précipiter et généraliser la violence des politiques coloniales vient d’une autre cause, extérieure à la situation coloniale algérienne proprement dite. Elle est liée à la crise phylloxérique qui avait décimé le vignoble français et entraîné « une mutation brusque de la colonisation avec l’introduction de la culture de la vigne [en Algérie] » (Bourdieu, 1985 : 109). En effet, l’Algérie fut tout de suite appelée à pallier la crise du vignoble métropolitain en facilitant foncièrement et financièrement la nouvelle culture sur le sol algérien. On sait que la viticulture nécessite des tâches plus nombreuses et des spécialisations plus variées (défrichement, taille, surveillance, vendange, vinification…) et surtout une quantité de main-d’œuvre sans commune mesure (80 journées par an et par hectare) avec celle qu’exigeait la céréaliculture (10 journées par an et par hectare) et qui doit être aussi disponible sur place et presque en permanence (Isnard, 1950 ; Bourdieu, 1958 ; Sayad, 2000).

La viticulture et la fabrique d’un prolétariat rural dans l’Algérie coloniale

24La viticulture va finalement réorienter toute la structure de l’édifice colonial et elle finira presque par « couper » l’Algérie en deux : à l’est, une Algérie de hautes plaines, des massifs montagneux qui atteignent la façade maritime de la Méditerranée, une Algérie de la céréaliculture et de l’élevage intensifs, un territoire qui n’avait pas fait l’objet d’un peuplement européen aussi important qu’à l’ouest à cause justement du relief montagnard. Une Algérie dite « indigène » et « musulmane » fortement investie par les missions religieuses chrétiennes (pères blancs) et un peu plus dotée en écoles coloniales ; elle deviendra le berceau du nationalisme radical et d’un mouvement réformiste islamique (iṣlah) virulent (Chachoua, 2014). À l’ouest, une Algérie des plaines qui a été le théâtre des premiers affrontements militaires avec les armées de l’Émir Abdelkader notamment, le territoire des premières lois agraires (resserrements, cantonnements, dépossessions) de refoulement des tribus. Une Algérie dite « province européenne » (avec 1 Européen pour 4 Algériens) qui comptera 80 % de la population européenne à la veille de l’indépendance, où la majorité des populations algériennes rurales fut réduite à l’état d’ouvriers agricoles.

25Mais dès 1900, le recrutement européen se tarit et toute une série de causes (le phylloxéra qui atteint le vignoble algérien en 1885, la concurrence du vignoble français reconstitué) vont provoquer une mutation totale de la morphologie de l’Algérie coloniale. En effet, la croissance de la population européenne qui a permis l’apparition d’une vie sociale structurée suivant le mode de vie européen, le développement des infrastructures urbaines modernes (hôpitaux, écoles, églises, administrations diverses, ports, routes) ont provoqué le repli des familles européennes vers les villes. Enfin, le rachat des terres par les banques, l’effondrement des prix et, par voie de conséquence, la réduction des frais d’exploitation a contraint de nombreux propriétaires à recourir à la main-d’œuvre algérienne bon marché et à une mécanisation plus importante. C’est dans ce contexte que se développera une émigration agricole saisonnière en Algérie qui épouse parfaitement la division qu’avait opérée le développement de la viticulture. En effet :

l’est algérien dominé par un relief montagnard et un mode de vie villageois communautaire développera une véritable tradition d’émigration de travailleurs agricoles intermittents, tandis que les plaines de l’ouest, où domine un mode de vie moins compact que dans les villages de l’est, développera une tradition d’émigration locale familiale qui consiste en un déplacement familial aux abords des domaines de la colonisation et qu’on désigne dans l’Ouest algérien du nom de « villages nègres ». (Sayad, 2000 : 217).

26C’est de là que viendraient ces deux formes d’émigration, l’une, locale, permanente et installée à demeure au cœur des domaines de la colonisation, et l’autre, saisonnière ou intermittente qui donnera, plus tard, un courant d’émigration vers la France, dont la Kabylie fut l’un des premiers bassins, et le plus important. Cet extrait de la thèse de Hildebert Isnard illustre parfaitement cette seconde émigration locale.

La mise en valeur des terres appartenant aux Européens – disait Isnard – a déclenché des courants d’émigration, des montagnes pauvres et surpeuplées vers les centres de colonisation… les régions viticoles lancèrent de pressants appels à la main-d’œuvre : tous les Indigènes n’y répondirent pas avec la même ardeur. Dans les départements de Constantine et d’Alger, ce fut des montagnes kabyles que descendirent les flots de travailleurs : petit propriétaires sobres, âpres au gain, fils de famille nombreuse qui cherchaient dans l’émigration temporaire un complément de ressources, la constitution d’un pécule et la possession d’un numéraire nécessaire pour les achats. Des massifs de la petite Kabylie, de Constantine, de Collo, ils se dirigeaient vers les plaines de Bône, ceux qui se répandaient dans le Sahel et la Mitidja venaient de la grande Kabylie, des environs de Bougie, de Djidjelli, de l’Atlas blidéen. Le département d’Oran, où les montagnards étaient moins nombreux, recrutait surtout sa main-d’œuvre indigène temporaire parmi les Marocains du Rif et du Moyen Atlas. Dès novembre, la cueillette des olives terminée, les premières bandes arrivent pour les taillassages et les labours ; leur nombre s’accroît rapidement jusqu’au printemps avec les piochages et les traitements ; en juin-juillet, ils s’en vont chez eux effectuer leur moisson ; à la fin de l’été, les vendanges les ramèneront plus nombreux encore. Pendant la durée des travaux, ils vivent généralement en commun, sur les propriétés, dans les gourbis qu’ils se sont construits ou dans de petites pièces blanchies à la chaux, qui leur sont réservées. Ils préparent eux-mêmes leur repas frugal : galette de semoule, soupe de légumes, cuites sur un feu de sarments entre des pierres ; pendant les vendanges ils se nourrissent surtout de raisins dont ils consomment d’étonnantes quantités. (Isnard, 1950 : 533).

27On peut aisément faire une sorte de « rapprochement historique » (Bourdieu, 2015) entre cette forme d’émigration saisonnière décrite par H. Isnard et celle que décrira, plus tard, Abdelmalek Sayad quand il analyse le premier âge de l’émigration algérienne en France.

Les séjours en France – écrivait A. Sayad – étaient pliés à la tradition paysanne dans leur durée. Le rythme de ces derniers obéissait au calendrier des travaux agricoles et aux temps forts de la vie sociale des campagnes plus qu’aux exigences de l’activité des industries employant les émigrés : les départs avaient lieu généralement après les labours, à la fin de l’automne ; les retours coïncidaient avec la période des moissons et des récoltes. (A. Sayad, 1999 : 62).

Conclusion

  • 4 À l’exception du livre de P. Bourdieu, Travail et travailleurs en Algérie, (Bourdieu et al, 1963), (...)

28Cette « petite thèse » d’Andrée Michel publiée en volume au CNRS en 1956 suscitera aussi plus tard, après 1962, un intérêt scientifique et politique de la part des plus hauts dirigeants politiques de l’Algérie nouvelle. Suivant le témoignage d’Andrée Michel, Ahmed Ben Bella, qui deviendra le premier président de l’Algérie indépendante, lui dira « qu’il avait lu son livre en prison » et l’État algérien lui proposera une mission auprès de l’UNESCO mais elle préfèrera un détachement à l’université d’Alger comme maîtresse de conférences entre 1963 et 1964. Sur place elle s’intéressera aux questions de planification et aux classes sociales ; en même temps son travail sur la condition de la femme française et les questions de la femme et de la famille vont prendre une ampleur inédite dans le débat intellectuel et politique en France. La question des travailleurs immigrés va connaître une sorte de période « flottante » ; beaucoup d’anciens émigrés vont rentrer en 1962, beaucoup d’autres vont revenir aussi en France quelques mois plus tard avec une autre « identité », une autre « nationalité » et une autre idée d’eux-mêmes, de la France et de l’émigration. Enfin, même si beaucoup de travaux de recherches de grande qualité sur l’immigration ont vu le jour en France depuis la thèse d’André Michel, peu, très peu même sont consacrés à la question du travail et des travailleurs immigrés et encore moins aux travailleurs algériens en Algérie et en France4.

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Bibliographie

Bibliographie non-exhaustive d’Andrée Michel

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Notes

1 La thèse principale est publiée ultérieurement aux éditions du CNRS (1959) sous le titre, Famille, industrialisation, logement.

2 C’est dans ce contexte qu’Ernest Renan avait prononcé à la Sorbonne en 1882, sa fameuse conférence Qu’est-ce qu’une Nation ? Sur Ernest Renan, voir (Hartog, 2017).

3 Le poète fait allusion aux tirailleurs dont la durée d’engagement est de quatre ans (Boulifa, 1904, n84 : 179)

4 À l’exception du livre de P. Bourdieu, Travail et travailleurs en Algérie, (Bourdieu et al, 1963), réédité en 2020 à Paris, Raisons d’agir éditions.

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Kamel Chachoua, « Les travailleurs algériens en France en 1956 »Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], 155 (1/2024) | 2024, mis en ligne le 04 décembre 2023, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/remmm/20623 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/remmm.20623

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Auteur

Kamel Chachoua

Aix-Marseille Univ, CNRS, IREMAM, Aix-en-Provence, France ; Kamel.chachoua[at]univ-amu.fr

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