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AccueilNuméros153PREMIERE PARTIE : DOSSIER THEMATIQUE3. Red Sea and YemenLes Najāḥides

PREMIERE PARTIE : DOSSIER THEMATIQUE
3. Red Sea and Yemen

Les Najāḥides

Une dynastie éthiopienne dans la Tihāma médiévale (début ve/xie-milieu vie/xiie siècle)1
The Najāids: an Ethiopian dynasty in the Medieval Tihāma (from the beginning of the 5th/11th to mid 6th/12th century)
النجاحيون : سلالة جبشية في تهامة في العصر الوسيط (أوائل القرن 5 هـ/القرن 11م ـ أواسط القرن 6 هـ/ القرن 12م)
Sobhi Bouderbala
p. 135-152

Résumés

Le présent article s’interroge sur le phénomène najāḥide, dynastie d’esclaves éthiopiens apparus sur la scène politique du Yémen à la fin du ive/xe siècle, marqué par l’effondrement de l’État ziyādite (dont la capitale est Zabīd, dans la Tihāma) et l’apparition d’une multitude de pouvoirs autonomes dont le plus important est celui des Ṣulayḥides. Cette histoire est surtout connue à travers l’ouvrage al-Mufīd, rédigé par le véritable fondateur de la dynastie, Jayyāsh b. Najāḥ parvenu jusqu’à nous à travers le livre de ‘Umāra al-Yamanī, al-Mufīd fī akhbār Ṣan‘ā’ wa Zabīd. Le recrutement de ces soldats esclaves permit l’installation d’un pouvoir militaire à Zabīd dont le commandement était dévolu au qā’id qui portait aussi le titre de vizir. Dans ce modèle politique sans doute inspiré des modèles déjà observés en Irak et en Égypte, les régentes, qui portaient le titre de reine, et les esclaves précepteurs jouaient le rôle d’éducation et d’encadrement des jeunes émirs najāḥides. Dans ce système fondé sur l’approvisionnement régulier en esclaves noirs, notamment parmi trois jins-s éthiopiens, l’archipel de Dahlak semble avoir joué un rôle central dès le milieu du ive/xe siècle. Le rapprochement observé entre les souverains najāḥides et ceux de Dahlak appuie avec force l’hypothèse d’un pouvoir tenu par d’anciens esclaves éthiopiens dans l’archipel, fondé là aussi sur la fonction centrale de qā’id.

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Texte intégral

  • 1 Cet article est issu d’un projet financé par le Conseil européen de la recherche (European Research (...)
  • 2 Les sources mentionnent également le recrutement d’esclaves nūbī (de Nubien) et sūdān (de Bilād al- (...)
  • 3 L’importance prise ces dernières années par les études sur les Rasūlides et l’historiographie rédig (...)

1La dynastie des Najāḥides a régné par intermittence sur la région yéménite de la Tihāma du début du ve/xie siècle au milieu du vie/xiie siècle. Esclaves éthiopiens recrutés à la cour ziyādite dès le ive/xe siècle2, ils réussissent à s’emparer du pouvoir politique à Zabīd et à ériger un État dont l’histoire et la chute sont intimement liées au sort de son grand rival, l’État chiite des Ṣulayḥides. C’est probablement le rayonnement de ces deux États, ziyādite (allié des Abbasides de Bagdad) et ṣulayḥide (régnant au nom des Fatimides du Caire) qui a éclipsé le phénomène najāḥide et l’a rendu discret dans les études sur l’histoire politique du Yémen médiéval3. Pourtant, sources narratives et documents numismatiques insistent sur la place de choix qu’ils occupèrent sur l’échiquier politique de la région, faisant en quelque sorte la connexion entre le Yémen et l’Éthiopie, en passant par l’archipel de Dahlak (Chekroun, Hirsch, 2020 : 89-93). La mise en place d’un système politico-militaire par les Najāḥides, probablement influencés par les modèles en vogue dans la région (abbaside et fatimide en l’occurrence), permet d’aborder les questions complexes de recrutement de jeunes esclaves en provenance d’al-Ḥabasha, ainsi que du rôle des commandants militaires et des reines (d’origine éthiopienne) à la tête du pouvoir.

Avènement de la dynastie najāḥide : une historiographie officielle

  • 4 Dynastie ayant gouverné la Tihāma depuis 203/891, date de la nomination de Muḥammad b. ‘Abd Allāh b (...)
  • 5 Al-Khazrajī, al-‘Iqd al-fākhir, vol. 2, p. 647. Ce lettré affirme avoir longtemps cherché l’ouvrage (...)
  • 6 ‘Umāra commence son ouvrage par écrire : « J’ai lu dans l’ouvrage Mufīd fī akhbār Zabīd, écrit par (...)

2Fait rare dans l’historiographie islamique médiévale, l’histoire des Najāḥides dans ses premières années est connue à travers le récit de son fondateur. Jayyāsh, fils de Najāḥ souverain emblématique de la dynastie, dont le règne sera discuté plus loin, est l’auteur d’un ouvrage intitulé al-Mufīd fī akhbār Zabīd dans lequel il donne sa propre version de l’ascension au pouvoir de son père, après avoir éliminé son concurrent Nafīs (Maḥmūd 1969: 122-3). L’histoire de cette rivalité entre les deux esclaves éthiopiens marque, dans le récit de Jayyāsh, l’étape cruciale du basculement du pouvoir politique dans la Tihāma des Ziyādites (Peli, 2008 : 90-3)4 entre les mains des Najāḥides. L’ouvrage de Jayyāsh, disparu définitivement au plus tard au ixe/xvie siècle5, a été repris et largement recopié par le lettré ‘Umāra al-Yamanī (515-569/1121-1174) dans son livre al-Mufīd fī akhbār Ṣan‘ā’ wa Zabīd (Kay 1892 : xii ; Peli 2008 : 251). Remarquons tout de suite la dette de ce dernier envers l’œuvre du souverain najāḥide puisque son livre porte le même titre que celui de Jayyāsh, ce qui laisse penser que ‘Umāra s’est largement appuyé sur le Mufīd Jayyāsh dans son récit sur les Najāḥides6. Il convient aussi de rappeler que ‘Umāra connaissait bien la cour des derniers souverains najāḥides, ce qui pourrait conférer à ses récits une valeur historique précieuse (Kay, 1892 : xii).

  • 7 Al-Mufīd, p. 6. Il convient de souligner que nous ne connaissons rien sur ces mulūk al-Ḥabasha, ni (...)

3Que sait-on sur le Mufīd Jayyāsh ? ‘Umāra ne donne pas la structure de l’ouvrage, mais tout semble indiquer que les récits relatifs à l’histoire politique et fiscale des Ziyādites viennent directement de la plume de Jayyāsh. Un autre volet semble avoir été au centre du projet de Jayyāsh, à savoir celui de relater les origines de sa famille et son insertion dans les rouages de la cour ziyādite. D’après le récit de Jayyāsh, l’apparition du phénomène d’esclaves noirs sur la scène ziyādite date du milieu du ive/xe siècle quand le souverain ziyādite Abū al-Jaysh Isḥāq b. Ibrāhīm imposa au dirigeant de Dahlak (ṣāḥib Dahlak) un impôt humain constitué de 1 000 esclaves dont 500 femmes éthiopiennes (ḥabashiyya) et nubiennes. Le même récit indique des relations diplomatiques entre les Ziyādites et les rois d’Éthiopie (mulūk al-Ḥabash) qui tenaient à garder de bonnes relations avec les puissants souverains yéménites7. C’est à la mort du souverain ziyādite Abū al-Jaysh Isḥāq en 371/981 que Jayyāsh situe l’apparition de ses ancêtres esclaves dans le sillage du pouvoir ziyādite. Le successeur d’Isḥāq étant enfant, il fut placé sous la régence d’une tante paternelle et d’un esclave précepteur éthiopien (‘abd ustādh) du nom de Rashīd. Cette fonction – qui deviendra centrale dans l’appareil politique najāḥide – tend à montrer que les Ziyādites s’étaient entourés d’esclaves éthiopiens (et nubiens aussi) pour l’éducation de leurs enfants, et ceci explique bien leur arrivée au pouvoir à la suite de la chute de leurs maîtres, du moins selon la saga proposée par Jayyāsh.

  • 8 Al-Mufīd, p. 6. Il convient d’insister ici sur l’origine nubienne de Salāma, et l’on peut supposer (...)
  • 9 Sur al-Ḥusayn b. Salāma et sa carrière politique, voir essentiellement ‘Umāra, al-Mufīd, p. 8-10 ; (...)

4À bien lire al-Mufīd, l’impression qui se dégage est celle d’un contrôle déjà effectif des esclaves noirs sur le pouvoir à Zabīd dès cette époque. S’ils restent légèrement en retrait par rapport au fantomatique souverain ziyādite, ils occupent en réalité les postes-clefs de l’administration, notamment celui du vizirat. Le premier connu à la tête de cette fonction est un esclave nubien (et non éthiopien8) du nom d’al-Ḥusayn b. Salāma (m. 402/1011), qui aurait occupé le poste pendant près de 40 ans. Décrit comme homme politique puissant, al-Ḥusayn laissa une trace indélébile dans l’histoire du Yémen à la fin du ive/xe siècle, et participa activement aux fondations du futur pouvoir najāḥide. On lui connait entre autres réalisations la réunification de la Tihāma sous l’égide ziyādite (en fin de compte, l’égide abbaside), la fortification de la ville de Zabīd, la fondation de la cité d’al-Kadrā et la restauration de nombreux édifices religieux (Shamarī, 2010 : 19-20). Si certaines sources lui attribuent le titre de vizir, d’autres préfèrent le désigner comme qā’id, dont le sens générique est commandant9. Vizir et qā’id semblent en fait deux termes pour décrire une seule et même fonction. Si le premier renvoie à des charges civiles, le second vient du répertoire militaire et plonge ses racines dans l’organisation militaire des premières armées abbasides (Kennedy, 2001 : 99-104). Nous y reviendrons.

  • 10 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 10.
  • 11 Le récit rapporté par ‘Umāra donne les détails suivants : Nafīs exécuta d’une manière atroce le der (...)

5La suite du récit de Jayyāsh est intéressante en ce sens qu’elle appuie l’idée d’une construction narrative de l’établissement du pouvoir éthiopien dans la Tihāma, dont le phénomène najāḥide sera l’aboutissement. Le topos de la faiblesse du prince héritier ziyādite (un enfant), de la régence d’une tante paternelle, épaulée dans cette tâche par un esclave précepteur éthiopien, se répète dans le récit de Jayyāsh à la suite de la mort d’al-Ḥusayn b. Salāma. Le prince héritier étant enfant, c’est sa tante qui prend en charge la direction des affaires politiques en s’appuyant sur l’un des esclaves d’al-Ḥusayn, Marjān. Ce dernier devint rapidement vizir et s’accapara le pouvoir politique10. De même que ses prédécesseurs (Rashīd et al-Ḥusayn), Marjān se vit entouré d’esclaves éthiopiens pour la direction des affaires politiques et militaires. Deux d’entre eux se distinguent dans le récit de Jayyāsh : Nafīs et Najāḥ à qui Marjān confia respectivement les affaires de la capitale Zabīd et la gestion des circonscriptions se trouvant au nord de Zabīd. La compétition s’installe entre les deux hommes pour la gestion de la capitale (wizārat al-ḥaḍra), soutenus par les deux têtes du pouvoir : la régente du souverain ziyādite d’une part, le vizir Marjān de l’autre. C’est autour de cette compétition que Jayyāsh situe l’acte fondateur de la dynastie. La mise en scène du massacre du dernier souverain ziyādite et de sa tante par Nafīs, puis de leur réhabilitation symbolique par Najāḥ, en leur offrant des sépultures dignes, transformées en mausolée (mashhad) marque avec force la fidélité des Najāḥides à la dynastie ziyādite et contribue à leur donner la légitimité recherchée pour l’exercice du pouvoir dans la Tihāma11. En s’installant à la tête du pouvoir à Zabīd, Najāḥ renouvelle son allégeance aux Abbasides qui lui accordèrent le titre d’al-Mu’ayyad Naṣīr al-Dīn. Il frappa monnaie en son nom et nomma les cadis, toujours d’après le récit de ‘Umāra.

6Cette histoire officielle de l’avènement des Najāḥides au détriment des Ziyādites pose un certain nombre de problèmes d’interprétation et d’analyse. Audrey Peli s’est longuement attardée sur la question de la manipulation de l’histoire des derniers ziyādites par ‘Umāra (en fait, par Jayyāsh). Mettant le récit officiel à l’épreuve de l’évidence numismatique, elle conclut à une déformation de cette histoire puisque les dinars qu’elle mobilise montrent que la chronologie donnée par ‘Umāra a gommé le souvenir des deux souverains ziyādites, mettant au premier plan le rôle Najāḥ comme véritable dirigeant de la Tihāma. En effet, Najāḥ apparaît avec sa titulature livrée par ‘Umāra (al-Mu’ayyād Naṣīr al-Dīn) sur un dinar frappé à Zabīd en 439/1047 au nom du souverain ziyādite (al-amīr) ‘Alī b. al-Muẓaffar (Peli, 2008b : 254). Un second dinar, daté de 437 ou 439/1045 ou 1047 au nom du même souverain ‘Alī b. al-Muẓaffar, porte cette fois le nom de Rushd (r sh d) sur le revers, ce qui conduit Audrey Peli (2008a, I : 255 ; 2008b, II : 98,222) à conclure qu’il s’agit du vizir éthiopien Rashīd mentionné par ‘Umāra et considéré comme le premier à avoir porté ce titre.

  • 12 Plus d’un demi-siècle sépare l’époque de Rashīd d’après le Mufīd (les années 370/980) de l’époque d (...)

7Cette hypothèse nous interpelle eu égard à la chronologie donnée par les dinars, en totale contradiction avec celle du Mufīd Jayyāsh, et nous pousse à rejeter la lecture de Rashīd sur le dinar en question12. La première remarque concernant l’examen de ce dinar est la place donnée à celui qui serait Rashīd, vizir des Ziyādites. Alors que le dinar mentionnant Najāḥ met ce dernier sur le revers de la pièce, en dessous du nom du souverain ziyādite, le dinar mentionnant supposément Rashīd lui donne la place de choix, sur le droit du dinar, immédiatement après le nom du commandeur des croyants abbaside al-Qā’im bi-Amr Allāh (r. 422/1031-467/1074). De plus, une différence de taille existe entre les deux dinars mentionnés : alors que celui portant le nom et la titulature de Najāḥ présente le souverain ziyādite comme amīr, le second le qualifie de sulṭān. On peut se demander si le changement de titulature (de amīr à sulṭān) n’est pas à l’origine de l’apparition de la fonction de vizir sur les derniers dinars ziyādites. Autrement dit, la perte du pouvoir du souverain ‘Alī b. al-Muẓaffar serait à l’origine de l’inscription du vizirat sur les dinars en question, comme pour montrer que le pouvoir est désormais partagé entre un descendant de la lignée ziyādite et ses puissants esclaves éthiopiens représentés par Najāḥ. ‘Umāra mentionne dans son Mufīd que Najāḥ a réussi à s’imposer politiquement comme l’homme fort du régime au point que le commandeur des croyants siégeant à Bagdad lui attribua les titres qu’on retrouve gravés sur le dinar en question (al-Mu’ayyad Naṣīr al-dīn). Reste à résoudre la lecture de r sh d sur le dinar du sultan ziyādite. Nous pensons qu’il ne s’agit pas du nom d’une personne qui aurait occupé un poste auprès de ‘Alī b. al-Muẓaffar. Ni la titulature du souverain (ṣulṭān), ni l’endroit où est inscrit le mot ne permettent de maintenir cette hypothèse. En l’absence de points diacritiques, r sh d peut être lu Zabīd, et ceci correspondrait mieux avec le contexte du dinar et le lieu du pouvoir (Zabīd, capitale des Ziyādites).

Fondements du pouvoir najāḥide : soldats esclaves, commandants militaires et vizirs

  • 13 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 6.
  • 14 Al-Mufīd, p. 70. En attendant une étude approfondie sur le terme jins, nous préférons garder le ter (...)
  • 15 Al-Mufīd, p. 15. Cette information attire notre curiosité puisque le mécène du futur souverain ṣula (...)
  • 16 Al-Mufīd, p. 16.
  • 17 Al-Mufīd, p. 20-1.
  • 18 Al-Mufīd, p. 22.

8 L’installation du pouvoir najāḥide dans la Tihāma au début du ve/xie siècle est dûe en grande partie, si l’on se fie aux chroniques yéménites, à la puissante armée d’esclaves éthiopiens dont ils étaient les chefs. Le recrutement massif de jeunes soldats serviles d’origine éthiopienne remonterait au milieu du ive/xe siècle. En dehors de l’impôt humain infligé aux autorités de Dahlak (1 000 esclaves annuels, dont 500 jeunes hommes), les souverains ziyādites procédaient à des achats réguliers directement d’Éthiopie (Bilād al-Ḥabasha). Très peu d’informations sont livrées quant au mode d’approvisionnement et au nombre d’esclaves achetés et livrés à Zabīd. Tout ce que l’on sait est que cela faisait partie d’un accord entre le pouvoir ziyādite et quelques rois d’al-Ḥabasha (au sujet desquels on ignore tout !) concernant l’achat d’esclaves destinés à la cour de Zabīd13. Nous pouvons supposer une forte connexion entre les deux régions fournissant des esclaves (Dahlak et al-Ḥabasha) dans ce commerce destiné au Yémen et, par conséquent, un réseau d’approvisionnement de courte distance. L’autre information livrée par les sources yéménites quant à ce commerce est l’origine des esclaves éthiopiens destinés à la cour ziyādite, puis najāḥide. ‘Umāra indique que les esclaves achetés par les Ziyādites provenaient du jins des Jazaliyyīn14, dont sont issus les descendants de Najāḥ. En dehors de l’ouvrage de ‘Umāra, on ne trouve aucune trace des Jazaliyyīn qui pourrait aider à les identifier. En revanche, nous savons que d’autres jins-s éthiopiens étaient déjà présents à Zabīd à la même époque. Un récit avancé par ‘Umāra parle d’un notable éthiopien vivant à Zabīd du nom de Faraj al-Saḥartī, possédant une mosquée en son nom et qui sera le mécène du futur souverain ṣulayḥide ‘Alī b. Muḥammad15. La nisba de Saḥartī sera présente avec force au sein de l’armée najāḥide à partir de la fin du ve/xie siècle, mais il est possible que l’information relative à Faraj soit un indice sur une présence militaire des Saḥartī dans la Tihāma dès l’époque ziyādite. En effet, dans un autre récit, ‘Umāra qualifie Faraj de qā’id16, commandant, et nous verrons que ce titre était porté exclusivement par les commandants militaires d’origine éthiopienne au sein de l’armée ziyādite, puis najāḥide. Ceci pourrait expliquer le nombre élevé de soldats d’origine éthiopienne éparpillés dans différentes régions de la Tihāma, au service des petits royaumes qui gravitaient autour de Zabīd. L’exemple le plus notoire est celui du royaume d’al-Mikhlāf al-Sulaymānī, dirigé par Ibn Ṭaraf qui disposait d’un contingent armé d’esclaves éthiopiens (mais aussi d’esclaves venant de Bilād al-Sūdān) de 20 000 hommes, chiffre probablement exagéré par Jayyāsh17. Mieux encore, il semble que les Ṣulayḥides eux-mêmes comptaient militairement sur des esclaves éthiopiens dans leurs guerres contre les Najāḥides puisque les sources yéménites mentionnent la présence de 5 000 Éthiopiens au sein de l’armée du souverain ‘Alī b. Muḥammad al-Ṣulayḥī18.

  • 19 Al-‘Umarī, Masālik al-abṣār fī mamālik al-amṣār, vol. 4, p. 40.
  • 20 Al-Mufīd, p. 64.

9Le recrutement des Éthiopiens sous les premiers najāḥides (notamment al-Fātik b. Jayyāsh) semble avoir changé de filière puisque les sources yéménites indiquent une présence massive des Saḥartī au sein de l’armée. Le jins Saḥartī – présent notamment en Égypte à partir du viie/xiiie siècle – est difficile à identifier avec précision. Seul Ibn Faḍl Allāh al-‘Umarī avance que l’ancien nom de Saḥart est le Tigray (Sokolinskaia, 2010 : 461-2)19. À l’image des Jazaliyyīn, il semble que la proximité géographique avec Zabīd (ou Dahlak) pourrait expliquer l’acheminement massif de jeunes esclaves saḥartī destinés au service militaire des Najāḥides. Cette hypothèse pourrait être appuyée par l’identification du troisième jins ḥabashī cité par les sources yéménites comme composante de l’armée najāḥide : les Amḥara20. ‘Umāra indique que les derniers vizirs najāḥides étaient issus de cette espèce, et l’on peut logiquement déduire qu’ils tenaient leur position politique grâce au commandement de contingents militaires de même origine. Amḥara renvoie à la région des hautes terres éthiopiennes, proche des côtes érythréennes et de l’archipel de Dahlak (Fauvelle, Hirsch, 2011 : 39).

  • 21 Ibn al-Mujāwir, Ṣifat bilād al-Yaman, p. 71.
  • 22 Al-Mufīd, p. On ne peut s’empêcher de penser à la réputation d’excellents lanciers dont jouissaient (...)

10Le nombre élevé de soldats éthiopiens d’origine servile, présents dans la Tihāma sur une période longue de deux siècles au moins, pose un certain nombre de questions relatives au mode de recrutement, à leur initiation au service militaire et à leur intégration dans le système najāḥide. Aucune information ne permet d’affirmer l’âge de ces esclaves au moment de leur introduction dans l’armée, mais les quelques récits relatifs à l’accession de leurs chefs – devenus commandants militaires (qā’id) – pourraient supposer la sélection de jeunes garçons non castrés (on parle de faḥl, littéralement un étalon, par opposition ici à khaṣiy, castré) élevés dans ce qui seraient les casernes militaires du pouvoir najāḥide (sans doute à Zabīd)21. La formation militaire de ces soldats esclaves est totalement absente des sources, seule la mention de lanciers (ḥarba) pourrait indiquer des contingents rompus aux combats avec les lances22. Les récits des batailles livrées par les Najāḥides contre les Ṣulayḥides montrent une hiérarchie militaire organisée autour de ces deux corps d’armée : les chefs cavaliers et les soldats lanciers. À titre de comparaison, l’armée ṣulayḥide possédait plus ou moins la même organisation : des cavaliers arabes, soutenus par des fantassins recrutés dans les régions de la Tihāma ou parmi les esclaves éthiopiens.

11Le commandement militaire au sein de l’armée najāḥide était dévolu aux qā’id-s, dont la première occurrence remonte à la fin du ive/xe siècle, en la personne d’al-Ḥusayn b. Salāma. Son histoire pourrait donner les grandes lignes de ce mode de fonctionnement : élevé à la cour ziyādite comme jeune esclave appartenant à Rashīd, il fut promu en 375/985-6 à la mort de Rashīd. Son rang militaire lui permit d’accéder à la haute fonction politique de vizir du souverain ziyādite, et tout pousse à croire qu’il était le véritable homme fort du régime (Shamarī 2010 : 18). La forte connexion entre les deux fonctions (qā’id et wazīr) semble avoir été la marque de fabrique du système najāḥide, fondé sur le commandement de l’armée dans un système qui ressemble dans ses grands traits à celui perfectionné ultérieurement par des États plus puissants, notamment les Fatimides (Zouache 2019 : 33). La précocité du système najāḥide, dont la clef de voûte est le vizirat militaire, pousse à chercher ses origines dans le système militaire abbaside. En effet, les Ziyādites étaient très liés aux Abbasides de Bagdad à qui ils faisaient régulièrement allégeance sur leurs dinars et dans les sermons du vendredi. Nous savons par ailleurs que les Abbasides procédèrent, au moins à partir du règne d’al-Mu‘taṣim, au recrutement de contingents militaires d’origine servile, attachés directement au souverain (Kennedy, 2001 : 105). L’étude approfondie de Jere Bacharach (1981 : 474-6) donne les grandes lignes de cette stratégie militaire conçue par les Abbasides, d’abord avec les Turcs, ensuite avec les Zanj. Si aucune allusion n’est faite au sujet du phénomène najāḥide dans l’étude mentionnée, nous observons un certain nombre de points de ressemblance.

  • 23 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 70 : « Les enfants de Fātik b. Jayyāsh ne disposaient, en matière de cérémonie (...)
  • 24 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 72-73. ‘Umāra précise que ces reines sont à l’origine des concubines d’al-Manṣ (...)
  • 25 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 72.
  • 26 Dans un récit fort intéressant, ‘Umāra, al-Mufīd, p. 72, raconte sa connaissance personnelle de la (...)

12Dans l’histoire politique des Najāḥides, deux phases peuvent être distinguées selon le récit de ‘Umāra : la première est celle d’un exercice effectif du pouvoir de la part des souverains, portant les titres de amīr ou de sultan (correspondant aux règnes de Jayyāsh et son fils Fātik). La seconde est marquée par la montée en puissance des vizirs esclaves (al-‘abīd al-wuzarā’) à partir du début du vie/xiie siècle, reléguant les souverains najāḥides à un rôle plutôt honorifique23. Dans ce système disputé entre souverains najāḥides et leurs vizirs esclaves, un troisième personnage politique semble avoir joué un rôle central : la régente. Nous avons mentionné plus haut la place occupée par la tante du dernier souverain ziyādite dans l’accession au vizirat de Najāḥ. Il semble que ce rôle se soit transformé en véritable institution au sein de la cour des Najāḥides puisque les sources insistent sur leur fonction de sélection, puis d’éducation des jeunes esclaves destinés à une carrière militaire et politique24. Le nom de ‘Alam, concubine d’al-Manṣūr et mère de Fātik, s’impose dans les événements de la fin du Ve/XIe et du début du vie/xiie siècle comme celui de la femme puissante du régime. Entourée d’esclaves précepteurs (‘abd ustādh) dont l’origine remonte à la fin de l’époque ziyādite (en la personne de Rashīd), elle porta le titre de reine et le surnom d’al-Ḥurra, « la libre » (al-malika al-ḥurra)25. D’autres reines, portant à sa suite le même surnom, sont évoquées par les sources yéménites comme étant directement impliquées dans les rouages du pouvoir dans la cour najāḥide, participant à l’éducation et à l’ascension de leurs mamelouks aux postes gradés de l’armée. La question de l’origine de ces reines est difficile à déterminer avec précision. Tout ce que nous savons est qu’elles étaient les concubines préférées du souverain najāḥide, et que leur ascension politique était due essentiellement à l’accès de leurs enfants au poste de sultan26. Il est à noter la ressemblance troublante entre le rôle des reines de la cour najāḥide avec celui de celles de la cour ṣulayḥide, en la personne de Arwā b. Aḥmad (Traboulsi, 2013 : 99-102 ; El-Azhari 2019 : 242). Il est probable, au vu des informations fournies, que la tâche de sélection des esclaves précepteurs était dévolue aux reines de la cour, ce qui implique l’appartenance légale de ces derniers à la reine en question. En effet, ces deux personnages sont systématiquement cités ensemble dans les affaires touchant à l’éducation des futurs émirs najāḥides. Des émirs destinés à la carrière militaire de qā’id-s parmi lesquels était choisi le vizir.

  • 27 Il est à noter que l’expression « nos mamelouks, mamālīkunā » est utilisée par Jayyāsh dans son Muf (...)
  • 28 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 70.

13La liste presque complète des vizirs najāḥides, livrée par ‘Umāra et reprise par tous les historiens yéménites, donne quelques éléments de compréhension du système politique de l’État éthiopien de la Tihāma. Appartenant à des contingents militaires rattachés directement aux princes najāḥides, les vizirs prennent de l’importance au sein du régime à partir du début du vie/xiie siècle, plus précisément durant le règne de Fātik b. Jayyāsh. Cette période trouble de l’histoire najāḥide, marquée par la lutte armée pour le pouvoir entre princes najāḥides soutenus par leurs esclaves, donne les clefs de l’ascension des mamelouks27 au sommet du régime via l’institution du vizirat, et nous ne pouvons pas nous empêcher de faire un parallèle avec ce qui se passait dans le Caire fatimide à la même période, avec l’apparition de ce que les historiens appellent le vizirat du sabre (wizārat al-sayf), inauguré par le puissant Badr al-Jamālī (Zouache, 2019 : 34). Tout pousse à croire qu’al-Fātik b. Jayyāsh n’a pas réussi, malgré son long règne, à consolider les institutions du jeune pouvoir et à le doter d’un système de succession accepté par les principaux protagonistes : les soldats-esclaves. À sa mort en 503/1109, son fils al-Manṣūr affronta une opposition farouche de la part des esclaves de son oncle ‘Abd al-Wāḥid b. Jayyāsh au point de le pousser à s’enfuir et à trouver refuge chez le souverain d’al-Ta‘akkur, al-Mufaḍḍal b. Abī al-Barakāt al-Ḥimyarī, puis chez la reine ṣulayḥide Arwā dans sa capitale Dhī Jibla. Cette lutte pour le pouvoir à Zabīd se termina par l’éviction de ‘Abd al-Wāḥid et de l’installation d’al-Manṣūr comme souverain grâce au soutien décisif des Ṣulayḥides (Maḥmūd, 1969 : 164). C’est à partir de cette date que le système politique se précisa entre princes et vizirs militaires, comme l’avance ‘Umāra : « Les choses se stabilisèrent au profit d’al-Manṣūr b. Fātik et des esclaves de son père. [À partir de cette date], les princes sont issus de la lignée de Fātik, tandis que les vizirs sont choisis parmi ses esclaves.28 »

14Le dernier demi-siècle de l’histoire najāḥide est marqué par des luttes internes entre vizirs militaires dont le pouvoir semble avoir été déterminé par le poids des contingents d’esclaves-soldats à leur service. Il serait vain de retracer les différents épisodes de cette lutte (Peli, 2008a, I : 107-8), mais il nous semble important d’insister sur la stratégie de recrutement militaire pendant cette période, marquée par un changement sensible de la filière d’approvisionnement. En effet, la région d’Amḥara devient le principal fournisseur de soldats pour la cour najāḥide, et l’on peut se demander si cela n’était pas motivé par la volonté de réduire l’influence des Saḥartī au sein de l’armée. Quoi qu’il en soit, c’est à ces questions de réseaux d’approvisionnement d’esclaves et de connexion avec les puissances régionales qu’il convient de consacrer la dernière partie de cette étude.

Entre Dahlak et al-Ḥabasha : la zone d’influence des Najāḥides

Fig. 1 – Carte de localisation des principaux lieux mentionnés

Fig. 1 – Carte de localisation des principaux lieux mentionnés

© S. Bouderbala, S. Dorso, 2022

  • 29 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 68.

15D’origine éthiopienne, les Najāḥides semblent avoir gardé des liens très étroits avec leur mère-patrie. S’identifiant comme ḥabashī (ou ḥabasha), comme le montrent de nombreux récits tirés directement de Mufīd Jayyāsh, les fondateurs du pouvoir najāḥide donnaient une importance cruciale à ce qu’on pourrait appeler un esprit de corps (‘aṣabiyya) au sens khaldūnien du terme. Dans les premières années de lutte contre les Ṣulayḥides (à partir du milieu du ve/xie siècle), Jayyāsh et son frère aîné, Sa‘īd, avaient réussi à développer un réseau de communication efficace pour mobiliser les soldats éthiopiens dispersés dans la Tihāma, qu’ils appelèrent « nos cousins, banū ‘amminā29 ». Cette mention de contingents ḥabashī, d’une certaine manière hors des réseaux officiels, serait probablement la conséquence de la chute de l’État ziyādite et de l’effondrement de sa structure militaire. Une autre hypothèse pourrait expliquer leur présence massive dans les régions de la Tihāma, celle de l’existence d’un commerce de jeunes esclaves éthiopiens à grande échelle dans le Yémen à partir du ive/xe siècle. Nous avons évoqué plus haut que l’État ziyādite percevait annuellement 1 000 esclaves éthiopiens de la part des dirigeants de Dahlak comme impôt. De plus, les rois éthiopiens (mulūk al-Ḥabasha) entretenaient des relations diplomatiques privilégiées avec le souverain de Zabīd, et l’on peut supposer l’envoi régulier d’esclaves comme base de ces accords, ce qui était très en vogue à l’époque en ce qui concerne les relations entre l’Éthiopie et les Fatimides par exemple (Zouache, 2019 : 29-30). C’est dans ce triangle (Dahlak-Tihāma-Éthiopie) que les Najāḥides semblent avoir développé leur réseau d’approvisionnement en jeunes esclaves (suivant en cela leurs maîtres ziyādites), mais aussi leur stratégie militaire pour le contrôle de la Tihāma contre leurs adversaires ṣulayḥides (Peli, 2008a, I : 89)

  • 30 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 60 ; Ibn al-Dayba‘, al-Faḍl al-muzīd, p. 56.
  • 31 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 60.

16De l’aveu de Jayyāsh dans son Mufīd, Dahlak représentait une terre d’accueil pour sa famille suite à l’assassinat de son père Najāḥ en 452/106030. Si cette information est bien connue des historiens (Schneider, 1983 : 29-32 ; Peli, 2008a, I : 89 ; Bramoullé, 2010 : 133, Chekroun & Hirsch, 2020 : 91), il convient de l’analyser sérieusement pour comprendre les raisons d’une telle proximité entre les deux pouvoirs. Dans son récit, Jayyāsh rapporte l’histoire de la trahison de son frère aîné (Sa‘īd al-Aḥwal) envers le souverain (ṣāḥib) de Dahlak après que ce dernier les a hébergés et aidés militairement à reconquérir Zabīd31. Si le doute est permis quant à la véracité de cet événement puisqu’il donne un rôle plus honorable à Jayyāsh dans la construction de son image de véritable bâtisseur de l’État najāḥide, il n’en demeure pas moins que l’information dénote une relation étroite avec le souverain de Dahlak durant les années de guerre avec les Ṣulayḥides. Or, une telle relation implique des liens forts forgés auparavant, et l’on peut se demander si le pouvoir à Dahlak n’était pas, à cette époque, entre les mains d’Éthiopiens.

17Les quelques récits narratifs exploitables à ce sujet ne permettent pas de trancher sur cette question. En revanche, les stèles funéraires dédiées aux souverains de Dahlak suggèrent plutôt une origine servile des premiers sultans de l’archipel. Madeleine Schneider s’est longuement attardée sur la stèle dans laquelle est mentionné le premier souverain de Dahlak connu de ces inscriptions (1983 : 36-7), que nous reproduisons ici :

  • 32 Stèle n° 204, p. 359-60.

18Ceci est la tombe d’al-qā’id Fatḥ, mawlā du sultan très illustre al-Mubārak, mawlā de ‘Alī b. Aḥmad, mort le dernier jour de rajab de l’an 483 (28 septembre 1090)32.

19L’attention de Schneider a été retenue par le titre de sultan porté par le souverain al-Mubārak, considérant qu’aucune autre source ne permet d’affirmer l’usage d’un tel titre prestigieux. En revanche, l’éditrice de la stèle omet totalement dans son commentaire la qualité du défunt Fatḥ, désigné par son titre (officiel) de qā’id, commandant militaire. Le rapprochement entre la fonction de Fatḥ et celles des commandants militaires najāḥides est tentant dans la mesure où cette fonction est intimement rattachée au service du souverain, à une époque où le pouvoir des Najāḥides semble s’affirmer dans la région de la Tihāma avec le règne de Jayyāsh. À cette époque, Dahlak disposait, d’après l’examen de quelques lettres de la Geniza, d’une structure étatique et d’une organisation administrative capable d’imposer des formes de taxes sur les voyageurs et produits qui transitaient par l’archipel (Margariti, 2008 : 563-6 ; 2010 : 159 ; Bramoullé, 2010 : 133-4). La stèle funéraire du commandant Fatḥ montre que non seulement ce dernier était un mawlā du souverain de Dahlak, mais que le sultan était aussi un affranchi, et l’on peut se poser la question de l’origine de la dynastie régnante à Dahlak du milieu du ve/xie siècle au milieu du vie/xiie siècle. Les sources yéménites, répétons-le, insistent sur les puissants liens entre les Najāḥides et les souverains de Dahlak, où les premiers trouvèrent refuge et probablement un appui logistique et militaire dans leur affrontement avec les Ṣulayḥides. Ces liens impliquent que les souverains de l’archipel avaient choisi d’aider les Najāḥides dans leur quête du pouvoir dans la Tihāma, donc un positionnement politique de leur part dans le conflit qui se déroulait sur les côtes proches du Yémen. Si aucune information ne permet d’affirmer leur origine, celle, servile, des souverains de l’île, leurs liens forts avec les Éthiopiens de la Tihāma et les similitudes observées dans l’organisation politico-militaire des deux pouvoirs permettent de supposer une origine éthiopienne de la dynastie de Dahlak. Il faut rappeler que, selon les chroniqueurs yéménites, Dahlak était un grand fournisseur d’esclaves à l’État ziyādite dès le milieu du ive/xe siècle, ce qui appuie l’idée d’une économie de l’archipel fondée en grande partie sur ce commerce (pour le rôle de Dahlak aux époques postérieures, voir Vallet, 2010 : 400-401). Le phénomène najāḥide s’était-il « reproduit » à Dahlak, dans le sens d’un recrutement de jeunes esclaves éthiopiens pour le compte des dirigeants arabes de l’île quelque part vers le milieu du ive/xe siècle qui aurait permis aux Éthiopiens de prendre possession de l’archipel ? L’appui logistique et la protection offerte par les dirigeants de Dahlak aux Najāḥides plaident pour la solidité de cette hypothèse. Dans ce cas, il faudrait envisager sous un nouvel angle l’ampleur du commerce d’esclaves dans le triangle formé par Dahlak, al-Ḥabasha et la Tihāma et sa spécificité en ce sens qu’il était essentiellement destiné à des fins militaires.

Conclusion

20Apparus sur la scène politique de la Tihāma dans la 2e moitié du ive/xe siècle, les esclaves éthiopiens élevés à la cour ziyādite s’affirment comme la principale force militaire et politique du pays dès la fin du ive/xe siècle, d’abord comme chefs de l’armée ziyādite, ensuite comme vizirs des derniers souverains de cette dynastie. L’ascension au pouvoir de Najāḥ, ancêtre éponyme de la dynastie najāḥide, donne les clefs du système mamelouk militaire élaboré à Zabīd : recrutement d’esclaves éthiopiens destinés à une carrière militaire, dont l’éducation et l’encadrement était dévolu à la régente (d’origine probablement éthiopienne, appelée reine dans les sources) et à un maître précepteur (‘abd ustādh). Le récit de cette saga, offerte par le souverain le plus important de la dynastie (Jayyāsh, dans son Mufīd), met en scène la course au pouvoir de ces esclaves éthiopiens de la Tihāma, dont la présence était de plus en plus visible dans le paysage du pays, à l’image de Faraj al-Saḥartī, commandant militaire et mécène à Zabid au milieu du ve/xie siècle. Dans ce système militaire qui a fait la fortune des Najāḥides durant plus d’un siècle, la fonction de qā’id semble avoir été le nœud de l’institution politique, et c’est parmi ces commandants militaires que le vizir – véritable chef politique du régime à partir du début du vie/xiie siècle – était choisi. Dans leur course au pouvoir, les qā’id­-s fondaient le leur sur une armée d’esclaves éthiopiens, achetés parmi les jins-s des Jazaliyyīn, des Saḥartī et des Amḥara et éduqués militairement dans les casernes du régime. Les informations font défaut quant au mode d’approvisionnement (depuis al-Ḥabasha) en esclaves et au système d’éducation militaire élaboré par les maîtres précepteurs dans la Tihāma. Ce n’est qu’au détour de récits militaires mettant en scène Najāḥides et Ṣulayḥides que les informations sur l’origine des esclaves soldats et leur présence dans les rouages de l’État peuvent être détectées.

21Cet affrontement avec la dynastie chiite des Ṣulayḥides a marqué l’histoire politique et militaire de la Tihāma (ve/xie-vie/xiie siècle) à tel point qu’il est difficile pour l’historien de séparer l’histoire des deux dynasties, d’autant plus que plusieurs similitudes dans l’exercice du pouvoir peuvent être détectées dans les deux modèles. La plus importante est le rôle joué par les femmes de cour (appelées reines libres dans les deux cas), dans le recrutement militaire et dans la nomination des vizirs. Dans cette lutte, les Najāḥides ont pu compter sur un allié de taille en la personne du souverain de Dahlak, mentionné dans une stèle funéraire de 483/1090. Appelé sultan – à l’instar du souverain najāḥide d’après un dinar au nom de Jayyāsh, découvert récemment (‘Awājī, 2019) –, le souverain de Dahlak était un affranchi (mawlā) d’un patron arabe, et l’on peut lui supposer une origine éthiopienne, eu égard à l’importance du commerce de jeunes esclaves éthiopiens dont Dahlak était une plaque tournante. Sans cela, il serait difficile d’expliquer les liens étroits entre les Najāḥides et les dirigeants de Dahlak au moment du grand conflit avec le puissant État ṣulayḥide, soutenu par les Fatimides du Caire.

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Bibliographie

Références bibliographiques

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Notes

1 Cet article est issu d’un projet financé par le Conseil européen de la recherche (European Research Council-ERC) sous le programme-cadre Horizon Europe de l’Union européenne pour la recherche et l’innovation (Grant agreement No. 72620). Je tiens à remercier les deux évaluateurs anonymes pour leurs précieuses remarques et critiques d’une première version de ce papier, ainsi que Simon Dorso pour la réalisation graphique de la carte.

2 Les sources mentionnent également le recrutement d’esclaves nūbī (de Nubien) et sūdān (de Bilād al-Sūdān) comme nous le verrons plus loin. Nous insistons ici sur l’origine habashī des Najāḥides et utiliserons, par commodité, l’expression « Éthiopiens » pour les désigner.

3 L’importance prise ces dernières années par les études sur les Rasūlides et l’historiographie rédigée à cette époque a sans doute contribué à remettre sur scène les Najāḥides comme en témoigne en particulier la thèse de Magdalena Moorthy Kloss, Slaves at the Najahid and Rasulid courts of Yemen. (412-553 AH/1021-1158 CE and 626-858 AH/1229-1454 CE), Université de Vienne, 2019, que nous n’avons pas pu consulter. Au sujet de l’historiographie rasūlite, voir Vallet, 2006.

4 Dynastie ayant gouverné la Tihāma depuis 203/891, date de la nomination de Muḥammad b. ‘Abd Allāh b. Ziyād par al-Ma’mūn. Audrey Peli (2008 : 251-64) consacre une étude capitale pour discuter, sur la base de l’évidence numismatique, la chronologie des derniers souverains ziyādites dans ce qu’elle appelle « une histoire manipulée ». Nous y reviendrons.

5 Al-Khazrajī, al-‘Iqd al-fākhir, vol. 2, p. 647. Ce lettré affirme avoir longtemps cherché l’ouvrage de Jayyāsh, en vain.

6 ‘Umāra commence son ouvrage par écrire : « J’ai lu dans l’ouvrage Mufīd fī akhbār Zabīd, écrit par le roi Abū al-Ṭāmī Jayyāsh b. Najāḥ, Naṣīr al-Dīn », al-Mufīd fī akhbār Ṣan‘ā’ wa Zabīd, p. 5. Il est à remarquer que tous les historiens yéménites postérieurs (époque rasūlide) étaient tributaires de ‘Umāra dans leurs récits sur les Najāḥides. La seule source qui offre un contrepoint de la version de Jayyāsh est celle, chiite, de ‘Imād al-Dīn Idrīs, ‘Uyūn al-akhbār. Si Audrey Peli a soulevé l’importance de cette source pour une meilleure datation des événements politiques entre Najāḥides et Ṣulayḥides, il convient de rappeler que ‘Imād al-Dīn est, lui aussi, très partial dans ses récits puisqu’il affiche clairement son soutien aux Ṣulayḥides et son mépris des Najāḥides. Nous pouvons lire cela dans son insistance systématique sur l’origine servile de ces derniers, voir par exemple p. 239.

7 Al-Mufīd, p. 6. Il convient de souligner que nous ne connaissons rien sur ces mulūk al-Ḥabasha, ni sur les formations politiques en Ethiopie au milieu du xe siècle. Ce n’est qu’à partir du xie siècle et, surtout, du xiie siècle, que les informations sur les pouvoirs politiques en Éthiopie, tant musulmans que chrétiens, deviennent accessibles.

8 Al-Mufīd, p. 6. Il convient d’insister ici sur l’origine nubienne de Salāma, et l’on peut supposer que, à cette époque (xe siècle), les esclaves achetés par la cour ziyādite, transitant par l’archipel de Dahlak, étaient autant des Nubiens que des Éthiopiens, comme le montre la clause du tribut imposé par le souverain ziyādite au seigneur de Dahlak, stipulant l’envoi de mille esclaves, dont cinq cents femmes nubiennes et éthiopiennes.

9 Sur al-Ḥusayn b. Salāma et sa carrière politique, voir essentiellement ‘Umāra, al-Mufīd, p. 8-10 ; al-Dayba‘, al-Faḍl al-muzīd, p. 52-4.

10 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 10.

11 Le récit rapporté par ‘Umāra donne les détails suivants : Nafīs exécuta d’une manière atroce le dernier ziyādite et sa régente, car il les soupçonnait de comploter avec Najāḥ pour l’évincer. Najāḥ, après s’être débarrassé de son rival, sortit les corps des massacrés et leur offrit un mausolée au cœur de la ville de Zabīd, al-Mufīd, p. 11-12.

12 Plus d’un demi-siècle sépare l’époque de Rashīd d’après le Mufīd (les années 370/980) de l’époque du dinar portant son nom (fin des années 430/1040).

13 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 6.

14 Al-Mufīd, p. 70. En attendant une étude approfondie sur le terme jins, nous préférons garder le terme arabe pour désigner la provenance des esclaves en question. Il est à noter que les papyrologues le traduisent par le mot espèce dans leur édition de documents de vente d’esclaves (Ragib 2006 : 30-3). Pour sa part, ‘Umāra mobilise, pour désigner le jins en question un terme de la littérature généalogique arabe : le baṭn.

15 Al-Mufīd, p. 15. Cette information attire notre curiosité puisque le mécène du futur souverain ṣulayḥide n’est autre qu’un commandant ḥabashī jouissant d’une position sociale notable à Zabīd. Jayyāsh aurait-il « fabriqué » l’histoire de la rencontre entre Faraj al-Saḥartī et le dā‘ī chiite et l’épisode du mariage de ‘Alī b. Muḥammad al-Ṣulayḥī rendu possible par la générosité de Faraj ?

16 Al-Mufīd, p. 16.

17 Al-Mufīd, p. 20-1.

18 Al-Mufīd, p. 22.

19 Al-‘Umarī, Masālik al-abṣār fī mamālik al-amṣār, vol. 4, p. 40.

20 Al-Mufīd, p. 64.

21 Ibn al-Mujāwir, Ṣifat bilād al-Yaman, p. 71.

22 Al-Mufīd, p. On ne peut s’empêcher de penser à la réputation d’excellents lanciers dont jouissaient les soldats éthiopiens dans la péninsule Arabique. L’exemple le plus notoire dans l’histoire islamique est sans doute celle de Waḥshī b. Ḥarb al-Ḥabashī, esclave de Jubayr b. Muṭ‘im et assassin de Ḥamza, oncle du prophète, lors de la bataille de Uḥud, voir Ibn Hishām, Sīra, vol. 3, p. 25.

23 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 70 : « Les enfants de Fātik b. Jayyāsh ne disposaient, en matière de cérémonie, que du serment de vendredi (khuṭba), après celui des Abbasides, de frapper monnaie, de parader sous le parasol les jours de fêtes et d’émettre des avis lors de leurs assemblées. Quant aux prérogatives d’ordonner et d’interdire (al-amr wa al-nahiy), de prendre les décisions politiques (al-tadbīr), d’infliger les peines légales et de recevoir les délégations, ils étaient du ressort de leurs vizirs esclaves : ce sont les esclaves de Fātik b. Jayyāsh et ceux de son fils al-Manṣūr. »

24 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 72-73. ‘Umāra précise que ces reines sont à l’origine des concubines d’al-Manṣūr b. Fātik, petit-fils de Jayyāsh.

25 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 72.

26 Dans un récit fort intéressant, ‘Umāra, al-Mufīd, p. 72, raconte sa connaissance personnelle de la reine al-Ḥurra Umm Abī al-Jaysh et évoque sa correspondance avec son gendre le sultan ḥimyarite ‘Abd Allāh b. As‘ad b. W ā’il, régnant sur la région de Waḥāẓa (à l’est de la Tihāma, non loin de Dhū Jibla, capitale des Ṣulayḥides à cette époque).

27 Il est à noter que l’expression « nos mamelouks, mamālīkunā » est utilisée par Jayyāsh dans son Mufīd en évoquant un épisode militaire entre Najāḥides et Ṣulayḥides, ‘Umāra, al-Mufīd, p. 61. Dans un autre passage (p. 86), 'Umāra indique que la reine al-Ḥurra avait acheté des esclaves éthiopiens pour l'entourage de son fils (et futur émir) Fātik b. Manṣūr, parmi lesquels le commandant Surūr al-Fātikī à qui elle confia la gestion des mamelouks (zimām al-mamālīk).

28 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 70.

29 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 68.

30 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 60 ; Ibn al-Dayba‘, al-Faḍl al-muzīd, p. 56.

31 ‘Umāra, al-Mufīd, p. 60.

32 Stèle n° 204, p. 359-60.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Carte de localisation des principaux lieux mentionnés
Crédits © S. Bouderbala, S. Dorso, 2022
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Pour citer cet article

Référence papier

Sobhi Bouderbala, « Les Najāḥides »Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 153 | 2023, 135-152.

Référence électronique

Sobhi Bouderbala, « Les Najāḥides »Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], 153 | 2023, mis en ligne le 07 juillet 2023, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/remmm/19423 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/remmm.19423

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Auteur

Sobhi Bouderbala

Université de Tunis ; Aix-Marseille Univ, CNRS, Iremam – ERC HornEast, Aix-en-Provence, France ; sobhi.bouderbala [at]univ-amu.fr

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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