Navigation – Plan du site

AccueilNuméros153SECONDE PARTIELecturesDENOIX Sylvie, et Hélène RENEL (é...

SECONDE PARTIE
Lectures

DENOIX Sylvie, et Hélène RENEL (éds.), Atlas des mondes musulmans médiévaux

Paris, CNRS Éditions, 2022
Pascal Buresi
Référence(s) :

Sylvie Denoix, Hélène Renel (éds.), Atlas des mondes musulmans médiévaux, Paris, CNRS Éditions, 2022, 382 p. ISBN : 9782271139498

Texte intégral

1Voici un magnifique ouvrage pour lequel CNRS éditions et les deux éditrices scientifiques doivent être louées. 322 pages, classées en sept chapitres organisés de la même manière : une double-page d’introduction synthétique, puis des cartes en pleine page commentées en vis-à-vis, avec de nombreuses illustrations de très bonne qualité en fonction de la thématique abordée. Chaque partie a été attribuée à un chercheur ou à un collectif de chercheurs, et comporte de trois à cinq chapitres, qui apparaissent en sommaire, mais paradoxalement pas dans le cours du texte, ce qui entraîne parfois la localisation étrange de certaines doubles pages. Par exemple, « Le périple d’Ibrāhīm b. Yaʿqūb en Europe » (p. 22) placé dans le premier chapitre (« Le temps de l’empire islamique (ixsiècle – xisiècle) », p. 16-25) plutôt que dans le suivant (« L’Europe dans les représentations des musulmans », p. 26-33). La présentation exhaustive de chaque partie de cet Atlas est naturellement impossible, et seules seront faites des remarques soit extrêmement générales sur l’organisation de l’ouvrage, soit très ponctuelles.

2Il convient de souligner tout d’abord l’ampleur remarquable du projet. Après la première partie déjà évoquée, consacrée aux « Représentations de Soi et de l’Autre » (p. 13-44), l’époque de la conquête et de l’expansion est évoquée dans « La dynamique des mondes musulmans » (p. 45-106). « Le phénomène urbain » (p. 107-164) fait l’objet de la troisième partie, cependant que la quatrième porte sur les « Lieux de dévotion, pèlerinages et transmission du savoir » (p. 165-216). Une partie sur les « Activités commerciales et artisanales dans la ville et son arrière-pays » (p. 217-246) est l’occasion de localiser les quartiers marchands et artisanaux sur le plan de différentes villes d’Orient et d’Occident. La sixième partie intitulée « Pôles économiques et réseaux d’échanges » (p. 247-290) permet d’évoquer fort utilement les grandes voies commerciales qui constituent la colonne vertébrale de la koiné islamique, l’importance des échanges et des ports, tant en Méditerranée que dans l’océan Indien. De très belles cartes replacent les mondes de l’Islam dans l’économie-monde de l’époque ou mettent en lumière pour l’une la multitude des routes transsahariennes, pour l’autre la complémentarité des routes terrestres et maritimes asiatiques à l’époque mongole, sans oublier les itinéraires fluviaux et les flux que les prospections archéologiques et les sources textuelles nous permettent de connaître avec plus ou moins de certitude. La dernière partie est consacrée aux « Enjeux géopolitiques, externes et internes » (p. 291-325) et évoque pêle-mêle la poste, les pigeons voyageurs, les fitna-s sous le sultanat de Barqūq, les réseaux de forteresse, certains espaces frontaliers (andalou, syro-byzantin et égyptien en particulier), ou encore les relations diplomatiques et les ambassades. Les « Annexes » comportent un glossaire, une bibliographie classée par partie — ce qui conduit à un certain nombre de répétitions —, un index des toponymes, la liste des auteurs et celle des légendes et des pictogrammes utilisés, et enfin une table des cartes.

3Au total il s’agit là d’un ouvrage très complet à travers les chapitres duquel les auteurs ont souhaité couvrir l’ensemble des recherches sur les mondes musulmans médiévaux. Certains choix peuvent parfois surprendre, l’ordre chronologique cédant le pas de temps à autre devant l’organisation thématique choisie, mais l’éventail des thèmes couverts est impressionnant. Une mention spéciale doit être accordée dans la première partie au dernier chapitre « L’Islam sous le regard des autres » (p. 40-44), qui permet d’aborder les cartographies catalane et chinoise dans un décentrement remarquable. De même, on ne pourra que féliciter l’innovation cartographique de la page 75 qui présente les différentes taifas d’al-Andalus dans un nuancier de couleurs qui souligne la labilité des frontières entre les différentes principautés. On regrettera sans doute l’utilisation du terme « La reprise des mondes chrétiens » sur deux doubles pages (p. 78-81) à propos de la péninsule Ibérique et de la Sicile d’abord, de la première croisade ensuite, alors même que l’introduction de la partie (p. 47) est nettement plus prudente en évoquant le travail de réécriture de l’histoire hispanique au xixsiècle.

4Une autre qualité remarquable de l’ouvrage est sans aucun doute la prise en compte de l’ensemble des mondes musulmans médiévaux, de la péninsule Ibérique jusqu’aux régions subsahariennes et à la Chine, avec de belles cartes inédites pour toutes ces régions. On relèvera néanmoins une surreprésentation du Proche-Orient arabe et turc, témoin d’une certaine manière d’une tendance profonde des études islamiques en France, jusqu’aux deux dernières décennies : Bagdad, Damas, Alep, Le Caire et leur région occupent plus de place dans l’économie de l’ouvrage que les parties occidentales ou centre-asiatiques. Cela tient sans doute à la « logique d’équipe » qui semble avoir prévalu pour le choix des auteurs, avec un tropisme parisien et aixois. Plus problématique sans doute est le fait que la bibliographie rende compte de ce fait de réseau, certains auteurs pratiquant une forme d’auto-promotion, ce qui n’est pas nécessairement dommageable sauf si cela se fait aux dépens d’articles ou d’ouvrages importants pour les thématiques abordées : sur la frontière, sur les relations diplomatiques, sur l’Islam des marges… On voit ainsi mentionnés plusieurs fois des articles sur des thèmes, dont les auteurs ne sont pourtant pas spécialistes, alors que d’autres, comme ceux par exemple de Mehdi Ghouirgate, n’apparaissent pas. C’est regrettable.

5Cette dernière précision n’enlève rien à la qualité de cet ouvrage qui témoigne, malgré ses oublis, du dynamisme de la recherche française sur l’Islam médiéval et qui offre à un large public, de spécialistes ou de curieux, d’étudiants ou d’amateurs, un très beau livre, magnifiquement illustré, à un prix très abordable, ce qui n’est pas un détail. À travers des cartes inédites et fort bien conçues, ce bel ouvrage met en lumière le dynamisme, la complexité et la diversité des mondes musulmans médiévaux. Les deux directrices de la publication, Sylvie Denoix et Hélène Renel, ne peuvent en être que chaleureusement félicitées pour avoir dirigé cette entreprise monumentale.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Pascal Buresi, « DENOIX Sylvie, et Hélène RENEL (éds.), Atlas des mondes musulmans médiévaux »Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], 153 | 2023, mis en ligne le 19 juin 2023, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/remmm/19166 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/remmm.19166

Haut de page

Auteur

Pascal Buresi

Cnrs, CIHAM UMR 5648, Lyon ; IISMM, EHESS, Paris, pascal.buresi[at]ehess.fr

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search