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Dossier « Accumulation et Politique : approches et concepts »

Accumulation, capitalisme et politique : vers une approche intégrée

Introduction au dossier « Accumulation et Politique »
Accumulation, capitalism and politics: towards an integrated approach. An introduction to the issue « Accumulation and Politics »
Acumulación, capitalismo y política: hacia un enfoque integrado. Introducción al dossier « Acumulación y Política »
Matthieu Ansaloni, Matthieu Montalban, Antoine Roger et Andy Smith

Résumés

Cet article a pour ambition de (re)mettre au premier plan la question de l’accumulation dans ses rapports à la et au politique, montrant que l’une ne peut se penser sans les autres. Après avoir rappelé en quoi les problématiques marxistes et institutionnalistes originelles impliquaient de facto d’appréhender la relation entre ces termes, nous essayerons de montrer comment le couplage entre théorie de la régulation et théorie des champs permet une saisie empirique fine des structures politiques de l’accumulation.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Il en va ainsi, en France, de la littérature de sociologie. Voir, par exemple : Bessière et Gollac (...)
  • 2 Sur la base de cette proposition fondamentale, des auteurs ont tantôt mis l’accent sur la rationali (...)

1Dans un article publié en 2007, Robert Boyer notait un regain d’intérêt dans les sciences sociales – sociologie, science politique et économie politique, notamment – pour le concept de capitalisme. L’actualité éditoriale donne crédit à cette constatation1, en France et au-delà. De manière quelque peu surprenante, ce regain d’intérêt ne se traduit cependant pas par une attention renouvelée pour le processus qui fonde la singularité de l’organisation économique capitaliste : l’accumulation du capital, c’est-à-dire la transformation perpétuelle de profits en forces productives nouvelles pour générer de nouveaux profits. Un effort de définition s’impose donc. Système économique, le capitalisme produit et offre des biens et des services, mais ce, à une fin particulière, pour réaliser des profits2. Selon Ellen Meiksins Wood (2019), ce phénomène tient au fait que, dans ce système, les agents (les travailleurs comme les capitalistes eux-mêmes) sont en proie à ce que Karl Marx appelle « la contrainte muette des rapports économiques » – les premiers sont contraints de vendre leur force de travail contre un salaire, les seconds d’y recourir pour acquérir leurs moyens de production et vendre leurs produits. Cette dépendance fait que « les mécanismes de la concurrence et de la maximisation des profits deviennent des règles fondamentales d’existence » (ibid., p. 9). La quête de la productivité du travail, qui s’appuie notamment sur l’acquisition de nouveaux moyens techniques, est, dans ce système, une condition de survie économique pour les entrepreneurs. Tant et si bien que « le premier objectif du système [capitaliste] vise la production du capital et sa croissance naturelle » (id.). Dans cette perspective, l’étude du capitalisme est celle de l’accumulation du capital, de ses origines comme de ses multiples effets socio-économiques et politiques.

2L’appel à communications, dont sont issus les articles de ce dossier, proposait donc de remettre sur le métier la question de l’accumulation du capital, mais sous un angle spécifique. Loin de prétendre épuiser la question, ce texte introductif fera plus particulièrement porter l’attention sur les structures politiques – comprendre les rapports de force politiques – indissociables du « mécanisme de l’économie capitaliste » (Petit, 1969, p. 9). Cet éclairage évoquera une question ancienne à celles et ceux qui ont fréquenté les bancs des universités avant le déclin du marxisme académique. Il en ira autrement des générations qui ont suivi. Quoiqu’il en soit et sans nier – bien au contraire – les apports des écrits classiques, nous faisons le pari que l’analyse des structures politiques de l’accumulation peut profiter utilement de certains acquis des sciences sociales contemporaines, en croisant notamment les traditions structuraliste, institutionnaliste et constructiviste.

  • 3 Ainsi définie, la politique se distingue du politique (le monde partisan) et des politiques publiqu (...)

3En opérant un retour sur l’économie politique classique, nous proposerons dans un premier temps de saisir l’accumulation comme un processus économique intrinsèquement politique. Cette dernière repose en effet sur des conflits – conflits de pouvoirs, de croyances et de valeurs3 –, dont elle entretient la permanence (Hay & Smith, 2018). Nous observerons ainsi que l’accumulation est politique par ses « structures structurantes » (Bourdieu, 1980), c’est-à-direles rapports de forces qu’elle induit, par exemple la reproduction de l’asymétrie des positions entre un travailleur et un capitaliste, mais aussi par ses « structures structurées », les rapports de forces qui sont à l’origine de celle-ci et la fondent, comme la propriété privée ou l’accumulation primitive. À travers le commentaire des articles du dossier, les parties qui suivent proposent un schéma d’analyse des structures politiques de l’accumulation, tout en l’illustrant à l’aide d’exemples empiriques tirés notamment des textes réunis ici. Dans un deuxième temps nous tirerons ainsi parti de la tradition institutionnaliste (notamment de certains acquis de l’école de la régulation mais aussi de certains courants sociologiques) pour attirer l’attention sur les institutions qui organisent et soutiennent l’accumulation et sur les ordres sociaux dans lesquels s’opposent les forces en compétition pour leur production. En nous appuyant dans un troisième temps sur la tradition structuraliste (notamment sur l’anthropologie économique de Pierre Bourdieu), nous approfondirons ce schéma d’analyse articulé autour de trois concepts – « institutions, champs et travail politique » – de façon à décrypter empiriquement les procès qui soutiennent l’accumulation. Ainsi, en écho à certains auteurs de la théorie de la régulation (TR), notre lecture de l’accumulation s’inscrit dans une démarche en filiation directe avec l’institutionnalisme historique et un structuralisme constructiviste et génétique (Théret, 2003 ; Lordon, 2008a ; Montalban, 2017).

  • 4 Des exceptions peuvent être relevées, par exemple par certains tenants de la nouvelle économie inst (...)

4Remettre sur le métier la question de l’accumulation – précisément celle de ses structures politiques – n’est pas qu’un enjeu intellectuel. En restant particulièrement discrètes à ce sujet en Europe et aux États-Unis4, sciences sociales participent à la naturalisation de l’économie capitaliste, de ses mécanismes et de ses effets. Il en est ainsi, en France, de la littérature foisonnante sur la sociologie des marchés qui réduit l’activité économique aux marchés pour étudier les dispositifs d’ajustement des offres et des demandes (Hay & Smith, 2018). Il en va encore de même de la littérature anglo-saxonne, elle aussi foisonnante sur les variétés de capitalisme, et qui, puisant dans la tradition institutionnaliste, saisit les économies nationales à travers leurs firmes et la façon dont celles-ci se coordonnent (Roger, 2018). Dans un cas comme dans l’autre, aucun mot n’est dit sur la façon dont les forces productives nouvelles apparaissent, pas plus que sur les rapports de force qui les organisent et qu’elles produisent. Combiner une réflexion sur la « régulation » et sur l’« accumulation » permet d’aller au-delà de ces impensés, ouvrant, selon l’expression de Bob Jessop, sur une « approche intégrale » (Jessop, 1990, p. 6) de l’activité économique.

1. Back to the 19th century : l’accumulation du capital économique comme phénomène intrinsèquement politique

1.1. De l’économie politique à sa critique : les soubassements politiques de l’accumulation capitaliste

5Remettre sur le métier la question de l’accumulation conduit à opérer un retour sur les débats qui ont traversé l’économie politique classique. Celle-ci est, au xviiie siècle mais surtout au xixe siècle, témoin d’un phénomène inédit par son ampleur (Labrousse & Michel, 2017) : de plus en plus guidée par la quête de profits, l’activité économique se prête, dans les principaux États européens, à une importante accumulation de capital (en règle générale, assimilée aux moyens de production). Le phénomène est – pour Adam Smith, notamment – au fondement d’un processus social vertueux : l’accumulation – entendue comme l’élargissement de la base productive par l’ajout de capital – permet un accroissement du nombre de travailleurs, de la division du travail, de la productivité et, in fine, de la production. Accumulation et enrichissement des nations semblent avoir partie liée.

6La question de la reproduction de l’économie capitaliste en vient peu à peu à structurer le débat de l’économie politique (Denis, 2016 [1966]). La reproduction – c’est-à-dire le renouvellement du processus de production – suppose un équilibre relatif entre les deux grandes sections – la production des moyens de production et celle des moyens de consommation. La « querelle des économistes » oppose, selon les catégorisations de Rosa Luxemburg (1969 [1913]), les « optimistes » et les « pessimistes ». Les premiers, partisans de l’équilibre (c’est-à-dire d’une harmonie des rapports entre la production et la consommation), font de l’accumulation un processus positif qui, malheureusement, doit prendre fin dans un état stationnaire qu’il s’agit de repousser en favorisant le profit (cas des héritiers d’Adam Smith, Jean-Baptiste Say et David Ricardo, notamment). Les seconds, libéraux (tels Jean de Sismondi) ou critiques (tels Karl Marx, bien sûr), soulignent les possibilités de déséquilibres et de crises de surproduction générale, pointant les contradictions internes de l’économie capitaliste. Pour ces derniers, la question de la reproduction est d’autant plus épineuse que les mécanismes du capitalisme – la mise en concurrence des détenteurs de capitaux, notamment – induisent une « reproduction élargie » du capital, source de déséquilibres entre production et consommation (la mise en concurrence suscitant une quête de gains de productivité pour assurer la survie économique). Alors que, selon les catégorisations de Karl Marx, la « reproduction simple » est la répétition du processus dans des proportions identiques au cycle précédent (la plus-value obtenue par le capitaliste est, dans ce cas, consacrée à l’achat de biens de consommation), la reproduction peut être qualifiée d’élargie quand une partie de la somme d’argent tirée de la plus-value est consacrée à l’achat de moyens de production et/ou de main-d’œuvre, permettant l’accroissement de l’échelle de la production. Résumé d’un mot : « dans la première, le capitaliste gaspille toute la survaleur, dans la seconde, il fait preuve de ses vertus bourgeoises en n’en consommant qu’une partie et en transformant le reste en argent [pour élargir sa base productive] » (Marx, 2006 [1867], p. 656). La reproduction élargie se confond ainsi avec l’accumulation du capital.

  • 5 Commentant la pensée de Sismondi, Rosa Luxemburg relevait qu’« ayant ainsi fait, en accord avec les (...)
  • 6 Voir notamment Bourdieu, Chamboredon et Passeron (1980). Précisions que le terme constructiviste es (...)
  • 7 Voir notamment, le chapitre XXIV (« La prétendue accumulation initiale ») de la septième section du (...)

7Si, dans cette « querelle », le caractère politique de l’accumulation est secondaire, il n’est pas absent ; y compris chez les économistes libéraux qui considèrent que le phénomène suppose la séparation entre la classe des détenteurs de capitaux et celle des travailleurs5. De leur point de vue, l’exploitation du travail des seconds par les premiers est en quelque sorte un mal nécessaire pour l’élévation du niveau de vie de la communauté. Il revient sans doute à Karl Marx d’avoir dépeint le capital et son accumulation comme des phénomènes économiques intrinsèquement politiques. En effet, contrairement aux économistes libéraux qu’il critiquait, sa philosophie de l’histoire visait une critique radicale des formes d’aliénation, de manière à faire apparaître ce qui, dans les représentations sociales et dans les conditions matérielles, fondait les rapports sociaux de leur exploitation (Bartoli, 1984) – démarche qui se révélera fondatrice des sciences sociales (constructivistes)6. Analysant la genèse du capitalisme et contrairement aux traités d’économie politique antérieurs, Karl Marx saisit, le capital non pas comme richesse mais comme rapport social7. C’est la transformation des rapports de propriété (notamment l’avènement de la propriété privée) qui ouvre la possibilité d’une transformation de la richesse en capital, la propriété privée mettant en branle les mécanismes propres à l’économie capitaliste – imposition à tous des rapports de concurrence, quête incessante d’une meilleure productivité. Saisir le capital – et au-delà, l’accumulation – comme un rapport social mène immanquablement à en faire un phénomène intrinsèquement politique en ce que, à un niveau de définition général, capital et accumulation engagent les « rapports des hommes entre eux », rapports qui plus est conflictuels (Lordon, 2008a, p. 12).

  • 8 Meiskins Wood (2019) distingue « moyens coercitifs » et « moyens économiques ».
  • 9 Marx (2006 [1867], p. 804). Harvey (2004) a contesté cette périodisation, considérant que le néolib (...)

8En effet, l’accumulation est, dans ses structures structurantes, politique dans la mesure où elle engage des rapports de force qui, selon les moments de développement des économies capitalistes, reposent tantôt sur la violence physique, tantôt sur le droit et la contrainte muette des rapports économiques8. Ainsi, la genèse des économies capitalistes, qui passe par une appropriation initiale de richesses par de futurs capitalistes (moment dit de l’accumulation primitive dans l’économie politique classique), est marquée par le « crime » et le « pillage » qui seuls permettent la séparation des moyens de production entre deux classes sociales9. Le mouvement des enclosures, dans l’Angleterre du xviie siècle, constitue dans l’historiographie (marxiste ou non) une expression emblématique de la genèse du capitalisme (Moore, 1969). Dans les économies capitalistes instituées, les rapports de force qu’engage l’accumulation reposent notamment sur le droit (Palermo, 2007). Pour Karl Marx, si d’un point de vue formel elle implique deux personnes juridiquement égales, la séparation de la force de travail et des moyens de production génère un rapport de force asymétrique : « [le travailleur] et le possesseur d’argent se rencontrent sur le marché, et entrent en rapport l’un avec l’autre, avec leur parité de possesseur de marchandises et cette seule distinction que l’un est acheteur, l’autre est vendeur » (Marx, 2006 [1867], p. 188). Le premier a l’argent pour se doter d’un capital, l’autre non : celui qui vend sa force de travail « […] au lieu de pouvoir vendre des marchandises dans lesquelles son travail se serait objectivé, [est] obligé de mettre en vente comme marchandise sa force de travail elle-même, laquelle n’existe que dans son corps d’être vivant » (ibid., p. 189). Instituant l’asymétrie des rapports entre les forces (« le travailleur travaille sous le contrôle du capitaliste à qui son travail appartient » (ibid., p. 208), le contrat de travail permet au capitaliste une appropriation légale d’une partie du travail non payé au travailleur (le « surtravail ») que le capitaliste sera amené à investir pour élargir sa base productive.

9Dans ses structures structurées, l’accumulation est chez Karl Marx un phénomène intrinsèquement politique. Dans Le capital, qui propose une représentation de la stratification sociale plus schématique que d’autres écrits du même auteur, elle se divise en deux classes, capitalistes et prolétaires, les premiers – munis de la force pratique et symbolique du droit (propriété privée et contrat de travail, notamment) – s’accaparant une partie du travail (non payé) des seconds pour nourrir l’accumulation : « le capital est du travail mort, qui, semblable au vampire, ne s’anime qu’en suçant le travail vivant, et sa vie est d’autant plus allègre qu’il en pompe davantage » (ibid., p. 259). Outre les exigences qu’induisent les conditions de la reproduction, l’exploitation trouve quelques limites avec l’essor des législations sociales. Relatant les luttes sur l’établissement de la durée de la journée de travail, Karl Marx conclut : « les ouvriers doivent se réunir en une seule troupe et conquérir en tant que classe une loi d’État, un obstacle social plus fort que tout, qui les empêche de se vendre eux-mêmes au capital en négociant un libre contrat, et de se promettre, eux et leur espèce, à la mort et à l’esclavage » (ibid., p. 338). La critique féministe du marxisme fera apparaître une autre division sociale induite par le développement des économies capitalistes, qui se surajoute à la première : « ce que l’on voit à partir de la fin du xixe siècle, avec l’introduction du salaire familial, du salaire ouvrier masculin […], c’est que les femmes qui travaillaient dans les usines en ont été chassées et sont renvoyées au foyer, si bien que le travail domestique devient leur premier travail, au point d’en faire des personnes dépendantes […]. À travers le salaire se crée une nouvelle hiérarchie, une nouvelle organisation de l’inégalité : l’homme a le pouvoir du salaire et devient le contremaître du travail non rémunéré de la femme » (Federici, 2019, p. 16-17). Le « capitalisme patriarcal » se fait jour : la nouvelle organisation de la famille permet le développement du capitalisme en ce qu’elle place entre les mains des femmes le travail de reproduction (de la main-d’œuvre) – un travail non rémunéré. L’histoire mondiale de la genèse du capitalisme a fait elle aussi apparaître une autre division, induite par l’accumulation, cette fois-ci entre les empires (britannique en premier lieu) et les colonies (Hobsbawm, 2000 [1977]).

1.2. Veblen et l’analyse du pouvoir des hommes d’affaires

10Sous l’effet de la révolution marginaliste et jusqu’aux recompositions provoquées par la Grande Dépression et la Seconde Guerre mondiale, la question de l’accumulation, comme celle de la croissance, ne retiennent plus guère l’attention : la focale se déplace vers la microéconomie. Toutefois, des institutionnalistes américains, et plus particulièrement Thorstein Bunde Veblen (1904, 1914, 1919), s’intéressèrent aux processus d’accumulation et à leurs soubassements institutionnels, notamment les mentalités et le pouvoir. Pour Veblen, le système industriel s’est constitué grâce à l’accumulation, par la communauté, de connaissances incorporées dans la technologie, et a été favorisé par l’instinct artisan des ingénieurs, les institutions de la science et le rationalisme. Peu à peu, l’état des arts industriels a fait des travailleurs de simples appendices du système technique et des équipements industriels standardisés. L’équipement et la technologie sont devenus le going concern autour duquel la présence des travailleurs était nécessaire, bien qu’auxiliaire (1919, p. 14). Dans le même temps, Veblen analyse les fondements idéologiques de la propriété privée dans le libéralisme moderne et les révolutions du xviiie siècle, laquelle est originellement conçue comme une propriété personnelle dans une économie de petits entrepreneurs/travailleurs individuels. Par la suite, celle-ci s’est actualisée dans la propriété des actifs de l’entreprise d’affaires (business entreprise), c’est-à-dire capitaliste, dans un état de l’art industriel qui ne lui correspondait plus. Les propriétaires des moyens de production et la classe des hommes d’affaires ont alors développé des vested interests, entendus comme « the legitimate rights to get something from nothing », c’est-à-dire le droit d’obtenir l’usufruit de cette propriété, sans contribuer en rien à la production. Le capital, conçu (« inventé ») par les financiers comme une capacité de revenu, un droit de revenu capitalisé sur la production future, se valorise et s’accumule par les pratiques de la business enterprise, qui visent à entraver un développement trop important de la production, sous peine de voir des surproductions et des baisses de prix, par l’usage de pratiques anticoncurrentielles et l’exploitation d’actifs intangibles (marques, goodwill, brevets, etc.). Ainsi, l’accumulation d’actifs intangibles signifie aussi une accumulation de moyens d’entrave et de restriction à la production pour augmenter la rentabilité, autant d’actions qui relèvent de ce que Veblen appelle du « sabotage » (Veblen, 1921) et plus généralement de la prédation.

11Cette analyse vise au fond à révéler la façon dont les « barons voleurs » ont acquis un pouvoir légitimé de prédation, de parasitisme et d’extraction de rentes par un ensemble de pratiques de restriction du commerce et de la concurrence, par l’actualisation de la propriété et des « instincts prédateurs ». Ainsi, Veblen montre que l’accumulation de connaissances et leur soumission à la propriété et aux usages du monde des affaires peuvent nuire à la majorité (the common man) et aux classes dominées, à commencer par les travailleurs. Pour lui, le capital est ainsi le produit d’un pouvoir (même s’il utilise peu le terme), d’un vested interest. Une thèse reprise plus récemment et partiellement par Nitzan et Bichler (2009) quand ils parlent de « capital as power ». Veblen (1919) s’est également intéressé, au sortir de la Première Guerre mondiale, aux fondements des États, royaumes, nations et démocraties, et des relations entre les classes d’affaires et le nationalisme ou l’impérialisme. Il montre notamment que, de manière parallèle, les rois et dirigeants politiques ont des vested interests (ce qu’il appelle « les droits divins des rois ou des Nations ») et que la suppression des rois et leur remplacement par des régimes démocratiques n’ont pas eu pour effet de limiter les velléités de dominion impérialiste, les vested interests de la Nation ayant fini par se confondre avec la défense des intérêts des classes d’affaires. Dans le même temps, les common men ont tendance à se sentir eux-mêmes solidaires des classes supérieures en raison de leur appartenance nationale, et peuvent donc soutenir les aventures guerrières (ibid., p. 46). Aussi Veblen analyse-t-il les guerres inter-impérialistes.

12En somme, au regard des approches en sciences sociales qui dominent aujourd’hui l’étude de l’activité économique, un retour sur et par l’économie politique classique conduit à mettre l’accent sur la question de l’accumulation et à y voir un phénomène politique, tant par ses origines (les rapports de force qui la fondent) que par ses effets (les rapports de force qu’elle induit). Les analyses historiques de Marx ou celles de Veblen situent, par rapport à leurs prédécesseurs, la question des structures sociales et politiques de l’accumulation au sommet de l’agenda scientifique. Celle-ci apparaît comme une construction sociale, faite de rapports de force, instituant des rapports sociaux tels que la propriété privée et le rapport salarial, ce que retrouvera la théorie de la régulation (TR) s’inspirant des démarches de Marx et de l’institutionnalisme.

2. Les dynamiques institutionnelles de l’accumulation

  • 10 Nous accorderons moins d’importance à sa cousine américaine, l’approche dite Social structures of a (...)

L’économie politique classique (dans sa version critique, notamment) constitue un premier fondement de l’analyse des structures politiques de l’accumulation que nous esquissons ici. Certaines approches institutionnalistes, partant d’une analyse critique de l’héritage marxiste, et en définissant les institutions comme les règles, les normes et les conventions stabilisées qui contraignent mais aussi « habilitent » l’activité socio-économique (Commons, 1934) en sont un autre. Nous nous attacherons ici principalement aux travaux qui mobilisent la TR10. Nous en retenons, pour le projet qui est le nôtre, deux acquis principaux : la pluralité des supports institutionnels qui, dans le temps et dans l’espace, organisent l’accumulation (2.1.) ; la différenciation de l’espace social dans lequel prennent forme et se développent les stratégies d’accumulation (2.2.).

2.1. De la « loi de l’accumulation » aux régimes d’accumulation

  • 11 Les régularités qui permettent la reproduction concernent principalement l’organisation de la produ (...)

13Dans les années 1970, moment où la croissance des économies occidentales décline, l’observation empirique conduit les économistes qui formuleront la TR à introduire un nouveau programme de recherche – l’analyse des crises et mutations du capitalisme (Aglietta, 1976). Ici intervient le concept de « mode de régulation », qui vise à saisir la résilience du capitalisme à travers la « conjonction » (Boyer & Mistral, 1978, p. 119) de rapports sociaux, de déterminants institutionnels et de comportements privés – conjonction qui permet la reproduction d’ensemble. Dans cette perspective, où le capitalisme se décline en économies capitalistes, « la loi générale de l’accumulation capitaliste » de Marx (2006 [1867], p. 686-802) cède la place aux « régimes d’accumulation », les analyses nationales du fordisme faisant apparaître des configurations institutionnelles situées dans le temps et dans l’espace. Dès lors, l’étude de l’accumulation devient celle des régimes d’accumulation. Outil forgé pour analyser la reproduction des économies capitalistes, le concept se définit comme « l’ensemble des régularités assurant une progression générale et relativement cohérente de l’accumulation du capital, c’est-à-dire permettant de résorber ou d’étaler dans le temps les distorsions et les déséquilibres qui naissent en permanence du processus lui-même11 » (Boyer, 2004, p. 20). Un agencement des formes institutionnelles, toujours spécifique dans le temps et dans l’espace, permet d’organiser et de soutenir un régime d’accumulation. L’observation du moment fordiste a permis d’identifier cinq rapports sociaux fondamentaux du mode de production capitaliste s’actualisant en cinq formes institutionnelles – entendues comme codifications desdits rapports sociaux – selon les modes de régulation : régime monétaire, rapport salarial, régime de la concurrence, régime international et forme étatique. La démarche a fait apparaître une pluralité de régimes d’accumulation. Ainsi, dans le temps, se sont succédé des configurations dominantes – une accumulation extensive au xixe siècle (tournée vers l’extension du capitalisme à de nouvelles sphères d’activité), une accumulation intensive à partir de l’entre-deux-guerres (tournée vers l’augmentation des gains de productivité par la réorganisation du travail), une accumulation tirée par la finance à partir de la fin du xxe siècle (tournée vers la financiarisation des formes institutionnelles). Si les régimes d’accumulation diffèrent dans le temps, ils diffèrent aussi dans l’espace. Ainsi, les travaux régulationnistes ont montré que le fordisme caractérisait essentiellement le cas américain, tandis que la version française connaissait une régulation plus étatiste. Les cas allemands ou japonais mettaient en avant une régulation tantôt méso-corporatiste tantôt companyiste (Boyer, 2015), avec des régimes d’accumulation pour partie tirés par les exportations. Quant aux économies périphériques, ces dernières n’étaient tout simplement pas fordistes.

14De cette conceptualisation découlent quelques acquis majeurs, que nous retenons pour construire notre propre démarche. Le premier, d’ordre méthodologique, est que l’étude de l’accumulation est celle de ses supports institutionnels. Une fois objectivée la dynamique d’accumulation qui marque à un moment donné un espace économique, l’objet de la recherche porte sur la production (ou reproduction) des institutions qui l’organisent. La construction de l’objet peut se décliner à l’échelle méso-économique. Pour analyser les transformations que connaît le champ agricole français contemporain, Matthieu Ansaloni et Andy Smith (ouvrage à paraître) prennent pour objet le régime d’accumulation qui détermine commande sa structure, plaçant au cœur de leur propos les institutions qui codifient les rapports de commercialisation, d’approvisionnement, de financement et de formation des revenus. La construction de l’objet peut aussi se décliner à l’échelle macro-économique, à la manière d’Isil Erdinç et Benjamin Gourisse (2019), quand, pour analyser l’accumulation par la bourgeoisie turque musulmane, l’État kémaliste exproprie certaines fractions ethniques minoritaires. Par ailleurs, l’analyse peut aussi prendre pour objet une institution qui, parce qu’elle affecte les autres composantes du régime, pèse sur la dynamique d’accumulation. Ainsi, dans le présent dossier, Matthieu Ansaloni – pour analyser la redistribution géographique d’une production céréalière en France – prend pour objet les institutions marchandes qui organisent la concurrence entre les pôles d’accumulation en compétition.

15Le second acquis que nous retenons, d’ordre ontologique et épistémologique cette fois, tient au fait que le champ économique, terrain de jeu de l’accumulation capitaliste, et les agents économiques qui s’y affrontent, ne se saisissent pas comme des données mais comme des constructions sociales. En tant que représentations collectives (Descombes, 2000 ; Théret, 2000), les formes institutionnelles sont à la fois extérieures aux individus mais aussi et surtout intériorisées par eux. Les contextes institutionnels de l’action économique encadrent, donc contraignent, l’action : ils définissent les régularités qui organisent et soutiennent l’accumulation. Les individus intériorisent par ailleurs les contextes institutionnels : contrairement à ce que postule la New Economic Sociology, ils n’ont pas pour ressort naturel la quête incessante du profit, mais sont bien plutôt pris dans des mécanismes – historiquement construits – qui les orientent en ce sens (Boyer, 2004). L’analyse des structures politiques de l’accumulation (les institutions mais aussi et surtout les rapports de pouvoir qui les affectent) exige de resituer empiriquement la façon dont opèrent les mécanismes d’imposition symbolique que nourrissent les luttes bureaucratiques ainsi que les discours officiels qu’elles génèrent, autant que les luttes scientifiques et les expertises dominantes qui en sont issues (Roger, 2020).

La TR, envisagée ici principalement dans ses dimensions sociologique et anthropologique, nous conduit donc à comprendre l’accumulation à travers ses supports institutionnels. Elle nous conduit aussi à placer au sommet de notre réflexion les stratégies de l’accumulation qui se déploient dans un espace social différencié.

2.2. À la recherche des structures politiques

  • 12 Delorme et André (1983) saisissent l’État comme un compromis institutionnalisé entre des intérêts c (...)
  • 13 Le sillon creusé par Bruno Théret (avec Bruno Jobert, notamment) a permis le développement de reche (...)

16Phénomène intrinsèquement politique, l’accumulation est, dès les origines de la TR, saisie à travers ses structures politiques. Dans son analyse fondatrice sur le capitalisme américain, Michel Aglietta (1976, p. 14) entend ainsi : « expliciter le sens général du matérialisme historique : le développement des forces productives sous l’effet de la lutte des classes et les conditions de la transformation de cette lutte et des formes dans lesquelles elle se concrétise sous l’effet de ce développement ». L’État est un enjeu majeur des luttes économiques, en ce que ses politiques codifient les rapports sociaux (devenus formes institutionnelles), mais aussi en ce que sa politique économique participe du mode de régulation et de la cohérence (ou non) des formes institutionnelles. Les sources d’inspiration de la TR sont multiples pour appréhender la politique, dont l’acception et la conception sont diverses (voir l’article d’Éric Lahille dans ce dossier). Intégrer dans l’analyse la contribution de l’État à la régulation capitalistique conduit certains économistes régulationnistes à rompre avec l’analyse de l’État comme marionnette de la classe capitaliste12. À travers sa théorie de l’État, Bruno Théret (1992) pose un cadre – forgé à la lumière de la pensée sociologique de Max Weber, Norbert Elias et Pierre Bourdieu, notamment – pour penser les structures politiques de l’accumulation. La « topologie de l’espace social » qu’il propose se compose d’ordres différenciés, chacun doté d’enjeux, de pratiques et d’institutions spécifiques. L’ordre économique, d’abord, est celui où la domination de l’homme sur l’homme est guidée par la logique capitaliste de quête incessante de profit au moyen de l’accumulation de biens matériels et de titres monétaires. L’ordre politique, ensuite, est celui où la domination est sa propre fin, l’économie étant mise au service de l’accumulation de pouvoir via la concentration des ressources fiscales et militaires. L’ordre domestique, enfin, est celui dans lequel la population humaine est reproduite, population qui fait l’objet d’une exploitation par les autres ordres de pratiques13. La conceptualisation proposée offre quelques jalons : la saisie des institutions – ou du régime – qui organisent l’accumulation passe par le repérage des rapports entre les forces qui s’opposent au sein des ordres de pratiques constitutifs de l’ordre social. Nous préciserons, dans la partie suivante, la façon dont nous analysons de tels rapports de force.

17Les travaux de Bob Jessop apportent des éclairages complémentaires. Pour le sociologue anglais, si le « circuit du capital » (que constituent les formes institutionnelles) pose le contexte institutionnel de l’action, il ne détermine en aucun cas le régime d’accumulation : parce que, en écho avec les propositions de Bruno Théret, les développements capitalistes sont le fruit de luttes incessantes qui se déploient dans des ordres sociaux multiples, la contingence marque leur évolution (Jessop, 1990). Une telle perspective conduit à saisir les jeux que les agents mènent pour pérenniser, ou bien amender, le régime d’accumulation. À cette fin, Bob Jessop introduit la notion de « stratégie d’accumulation » et la définit de la manière suivante : « [it] defines a specific economic “growth model” complete with its various extra-economic preconditions and also outlines a general strategy appropriate to its realization » (Jessop, 1990, p. 198). Une telle stratégie s’impose, nous dit Bob Jessop, quand « such a model unifies different moments in the circuit of capital (money or banking capital, industrial capital, commercial capital) under the hegemony of one fraction (whose composition will vary inter alia with the stage of capitalist development) » (ibid., p. 198-199). L’hégémonie économique correspond donc non pas à un accord concerté entre les fractions dominantes du « capital » mais davantage à une sorte de compromis temporairement stabilisé, en aucun cas exempt de conflits, le modèle que sous-tend le régime d’accumulation leur permettant de pérenniser, voire d’améliorer, leurs positions. Dans cette conceptualisation, l’État est la cible principale des luttes économiques, les forces en compétition s’affrontant pour obtenir un monopole sur tel ou tel de ses segments, investissant les rapports sociaux de l’économie capitaliste (devenus formes institutionnelles) de la force pratique et symbolique du droit (ibid., p. 201).

Institutions et régimes de l’accumulation, espace social différencié en des ordres de pratiques distincts, stratégies d’accumulation : les arguments fondateurs de la TR offrent des repères utiles à la réflexion ici engagée. La sociologie et la science politique livrent quelques propositions conceptuelles et méthodologiques complémentaires et permettent de camper les structures politiques de l’accumulation.

3. Les structures politiques de l’accumulation : champs, institutions, travail politique

18Institutions et régimes d’accumulation sont ce qui habilite, contraint et oriente l’activité économique capitaliste : analyser en profondeur leur genèse et leur reproduction implique d’ouvrir un second « front » qui porte spécifiquement sur les agents qui alimentent ces processus. L’enjeu analytique est de saisir l’action de celles et ceux qui pèsent sur les institutions qui organisent et soutiennent l’accumulation dans un espace économique donné. La production des « compromis institutionnalisés » passe par la capture d’un segment de la puissance publique (État et/ou Union européenne, par exemple) : expressions plus ou moins fidèles de leurs revendications, les institutions scellent en retour la distribution du capital économique dans l’espace économique considéré. Analyser un tel processus politique implique de se doter d’outils pour saisir des positions sociales différenciées et les luttes qui en découlent. Si l’on s’en tient à une définition et un usage analytique précis, le concept de champ permet d’analyser les positions sociales comme des combinaisons de capitaux différenciés et de considérer qu’elles participent d’un ensemble structuré et structurant (3.1.). Le concept de travail politique permet quant à lui d’analyser la formation d’alliances et/ou de convergences entre les agents d’un champ et au-delà (3.2.). Dans cette perspective, nourrie par certains acquis de la sociologie et de la science politique contemporaines, l’étude de l’accumulation du capital économique devient celle de l’accumulation des capitaux – économique, social, culturel et symbolique.

3.1. La structuration politique de l’accumulation à travers le prisme des « champs »

  • 14 Voir, notamment : Abbott (1988) ; Gieryn (1983).
  • 15 Voir, notamment : Powell & Dimaggio (1991) ; White, (1992), Dobbin, 2004.
  • 16 Voir, notamment : Jobert & Muller (1987) ; Hassenteufel (2008).

19L’étude de la structuration sociale est une question majeure de la sociologie et de la science politique (Giddens, 1984). Pour analyser l’activité économique, les concepts de profession14, de marché15 et de secteur16 ont connu leur plus grand succès depuis les années 1980. Or, chacun détourne l’analyse de la question de la structuration de l’accumulation du capital économique : tandis que celui de profession porte l’attention sur le boundary work et l’institutionnalisation de juridictions, celui de marché élucide les arrangements marchands à partir des interactions entre les entreprises (parfois les instances publiques) (Hay & Smith, 2018) ; le concept de secteur d’action publique jette enfin un voile sur les entreprises, leurs activités commerciales et politiques (Jullien & Smith, 2012). Dans la version que propose Pierre Bourdieu, le concept de champ permet en revanche de lever les impensés de l’accumulation et de sa structuration politique, adossant la recherche empirique à une ontologie et à un schéma d’analyse structuraliste, institutionnaliste et constructiviste (Roger, 2020 ; 2021 ; Ansaloni & Smith, 2021. Voir aussi la contribution de Matthieu Ansaloni dans ce dossier). En écho à cette proposition, la TR a opéré de longue date un détour par la sociologie de Pierre Bourdieu pour affiner les fondements structuralistes de sa macroéconomie (Lordon, 2003 ; Boyer, 2003 ; Montalban, 2017 ; Klébaner & Montalban, 2020).

  • 17 Le profit s’entend ici dans un sens plus large que celui de la catégorie économique « classique » : (...)
  • 18 Contrairement à ce que certaines critiques ont pu avancer, la théorie des champs ouvre sur des anal (...)
  • 19 Ce point fait écho aux travaux de Nitzan et Bichler (2009), qui appréhendent le capital comme pouvo (...)
  • 20 Voir Fligstein (1996), Bourdieu (2000) et Montalban (2017) sur le plan théorique et Montalban (2007 (...)

20Un champ, dans l’acception de Pierre Bourdieu, est une catégorie analytique destinée à décrire un espace social au sein duquel des agents, dont la position est déterminée par la détention de capitaux hétérogènes en nature (économique, social, culturel, symbolique) et volume, se mobilisent afin de peser (voire d’imposer leurs priorités) sur les rapports de pouvoir (et donc les institutions) qui les affectent et d’en tirer des profits17. Toujours disputées, les frontières de chaque champ sont l’objet même de la recherche empirique : il s’agit de révéler les positions objectives des agents, la perception qu’ils ont des « enjeux » de la lutte et de leurs concurrents, les critères qu’ils mobilisent pour distinguer les « joueurs légitimes » de ceux qui sont « hors-jeu ». Construction historique, le champ est donc aussi une structure objectivée par le travail scientifique. Chaque champ possède par ailleurs une hiérarchie – plus ou moins disputée – que la recherche se doit de restituer. Féroce, la concurrence au sein d’un champ est canalisée par les institutions qui commandent sa structure, ainsi que par le déséquilibre de pouvoir qui les sous-tend18. Le capital se présente dès lors comme un concept relationnel et politique. La position sociale que détermine la détention de capitaux (capital économique mais aussi social, culturel et symbolique) procure plus ou moins de pouvoir ; son accumulation est elle-même différentielle19. La (re)distribution du capital (des capitaux) que permettent les institutions (ou régimes d’accumulation) est, par construction, une redistribution de pouvoir(s), notamment de pouvoir symbolique et de capture de la puissance publique. La position relative dans le champ conditionne les stratégies des agents, y compris des firmes, qui s’appréhendent elles-mêmes à la fois comme des champs où des agents luttent pour la domination, et des organisations dotées de capitaux organisationnels qui utilisent des stratégies de contrôle et capture sur les consommateurs, les salariés, les concurrents et la puissance publique pour se reproduire et accumuler plus de capitaux20.

  • 21 Cette dimension distingue nettement la théorie des champs « à la Bourdieu » de celle « à la Fligste (...)
  • 22 Pour faire apparaître, dans sa contribution à ce dossier, une alliance objective entre des fraction (...)

21Dans les travaux qui retiennent cette perspective, les rapports inter-champs ne font pas l’objet d’un traitement systématique et ne prêtent pas davantage à des analyses stabilisées. Ils sont pourtant cruciaux pour analyser les structures de l’accumulation. Matthieu Ansaloni le montre bien dans ce dossier, à l’échelle d’une production : les structures politiques de l’accumulation qui sous-tendent la culture et la commercialisation d’une céréale (le blé dur) se situent aux confins des champs professionnel, bureaucratique et partisan. Il en va de même à l’échelle globale : un régime d’accumulation est marqué par la domination d’entreprises et de segments du champ économique, qui se distinguent par l’accumulation de capitaux – déterminants à un moment donné. C’était le cas des entreprises de production de biens de consommation et du capital fixe à l’époque fordiste (Boyer & Mistral, 1978). C’est désormais le cas des entreprises de la finance et du capital financier depuis quatre décennies : dans le cadre du régime d’accumulation financiarisé, c’est dans le fond la capacité du capital financier à maintenir sa position et à capturer la puissance publique, du fait de sa position dans la division du travail, de la liquidité des marchés de capitaux et de la libéralisation de la circulation des capitaux (Lordon, 2000), qui lui permet d’assurer sa rente et de façonner et imprimer une dynamique spécifique à toutes les autres composantes du champ économique comme du champ étatique (notamment les règles de la valeur actionnariale ou, dans le cas des États, la soumission aux injonctions des marchés financiers et aux agences pour conserver une note suffisante pour financer la dette publique). L’accumulation différentielle de capitaux permet de peser sur les politiques publiques en accumulant du capital symbolique et en capturant – ou en dominant, à tout le moins – les champs bureaucratique et partisan (Bourdieu, 2000 ; Boyer, 2003), faisant basculer les compromis politiques qui fondent modes de régulation et régimes d’accumulation (Klébaner & Montalban, 2020). Dans une perspective structurale, de tels phénomènes sont non pas le fait de coalitions unies autour d’un projet concerté, mais l’expression momentanée de rapports entre des forces concurrentes21. Pris dans des systèmes de relations propres, celles-ci convergent vers un horizon commun en fonction des enjeux qui sont les leurs. L’accumulation du capital économique s’analyse ainsi comme le fruit, temporaire donc réversible, d’une coïncidence entre des hiérarchies formées dans des champs multiples, au prix de conflits incessants (Roger, 2020, Ansaloni dans ce dossier). L’analyse des discours comme l’analyse des positions objectives22 permettent de faire apparaître la convergence des logiques d’action.

  • 23 Contrairement à ce que certains critiques ont pu avancer, la théorie des champs de Pierre Bourdieu (...)

22Du point de vue empirique, l’analyse en termes de champ implique donc de cartographier la distribution objective des capitaux que détiennent les agents, ainsi que les positions des uns par rapport aux autres (Georgakakis & Rowell, 2013 ; Lebaron, 2000). En mettant au jour la structure objective d’un champ économique, on se donne les moyens d’analyser la distribution des capitaux entre des opérateurs qui s’y affrontent pour l’accumulation23. Ce travail ne peut reposer sur une délimitation a priori – qu’il s’agisse d’isoler artificiellement le champ économique d’autres champs ou de se concentrer sur une échelle à l’exclusion de toutes les autres. Pour étudier, par exemple, l’accumulation dans la production viticole européenne, il importe de restituer un système de relations entre des agents qui relèvent de plusieurs champs (producteurs, fonctionnaires, scientifiques, notamment) en Europe – sans se limiter à ce que ces agents qualifient eux-mêmes d’« européen », de « national » ou de « local » (Itçaina, Roger & Smith, 2018).

23Éclairer les rapports de pouvoir et les institutions qui structurent l’activité économique, sa régulation politique et son régime d’accumulation, revient donc à proposer une sociologie du pouvoir. Les positions acquises dans les champs concernés sont à l’origine des institutions : elles sont un objet majeur de la recherche en économie politique. Les structures politiques de l’accumulation ne se réduisent cependant pas à des structures objectives. À ce stade interviennent les concepts de luttes symboliques et le travail politique.

3.2. La régulation politique de l’accumulation : travail et luttes infra- et inter-champ

  • 24 Répétons-le, la légitimité est le fruit d’une lutte symbolique dont l’objet est de porter certaines (...)

24Celles et ceux qui dominent un champ peuvent, davantage que les agents dominés, compter sur l’écoute des personnels bureaucratique et partisan. En résulte une plus grande capacité de capture de la puissance publique. La médiation politique consiste par ailleurs à hiérarchiser les revendications que formulent les fractions mobilisées dans différents champs, selon des logiques propres – toutes présentées comme légitimes à la faveur d’un capital symbolique accumulé : si la lutte pour le capital symbolique s’observe au sein de chaque champ, celle qui se joue entre les champs repose généralement sur des valeurs et des régimes de légitimation hétérogènes. Dans tous les cas, un « travail politique » de mobilisation d’arguments et de valeurs sert à justifier l’importance relative donnée à chaque revendication, ou au contraire à démonétiser les prises de position concurrentes. Il passe, en amont, par la construction de problèmes publics. Lorsque ces problèmes sont inscrits à l’agenda, leur « traitement » s’appuie ensuite sur la fabrication d’instruments de régulation. Il débouche enfin sur un travail de légitimation (Smith, 2019). En effet, la puissance publique, en particulier les élus, les responsables de partis politiques et les hauts fonctionnaires, comme ceux qui soutiennent leur action ou demandent leur intervention, ne cessent de clamer la légitimité de leur démarche – expression de la lutte et de la domination symboliques. Rendre compte des argumentaires et du travail de légitimation ne revient en aucun cas à dire que ces arguments sont « légitimes24 ». D’un point de vue analytique, cela permet, bien au contraire, de faire apparaître la façon dont les « problèmes » et les « solutions » (instruments/institutions) sont façonnés : il faut voir là l’« armature intellectuelle » (Jobert & Théret, 1994) qui sert de support à certaines fractions mobilisées dans des champs différents, en mesure de porter les institutions et les régimes d’accumulation. La saisie des luttes symboliques qui génèrent l’accumulation du capital économique conduit ainsi, de la même façon que celle des structures objectives, à l’analyse de l’accumulation du capital – économique, social, culturel et symbolique.

25Étudier la problématisation des enjeux socio-économiques engage donc le chercheur ou la chercheuse à identifier les agents qui transforment un enjeu privé en un « problème » impliquant une action collective ou publique, mais aussi à analyser leur modus operandi (Gusfield, 1981 ; Neveu, 2015). Une telle perspective permet de saisir l’épaisseur sociale – les conflits, les solutions privilégiées et les alternatives rejetées à leur terme – des institutions et des régimes qui organisent et soutiennent l’accumulation capitaliste, comme l’illustrent les contributions à ce dossier. L’article de Sylvain Moura pointe par exemple la façon dont les acteurs dominants de l’industrie de la défense ont, en France, interprété la fin de la guerre froide comme une occasion pour marteler l’argument selon lequel soutenir la R & D induira « des innovations militaires qui, moyennant adaptations, se diffuseront dans le domaine civil ». Au-delà, redéfinir le « problème » de la R & D a permis à une diversité d’agents de cette industrie de se (re)présenter comme des opérateurs économiques qui « maintenaient » la France « dans la course à l’excellence technologique ». De manière similaire, dans son étude sur l’énergie éolienne au Danemark, Pierre Wokuri montre qu’une définition territorialisée du problème énergétique a fortement participé à l’essor initial des coopératives éoliennes, petites et moyennes. En bref, la définition d’un problème public est dans tous les cas au fondement du processus d’accumulation du capital symbolique par lequel tel agent (ou telle fraction de champ) est susceptible de trouver une oreille attentive auprès des élus, des responsables de partis politiques et des hauts fonctionnaires, dans le but – in fine – de peser sur la production des compromis institutionnalisés. Dans un cas comme dans l’autre, un lien se fait jour entre problématisation des enjeux, orientations (commerciales et financières) des entreprises et façonnage des institutions et des régimes d’accumulation.

26Ce point conduit à s’intéresser au deuxième processus que le concept de travail politique mobilise : la façon dont les revendications sur les instruments d’action publique sont formulées, négociées, adoptées ou rejetées. Si ces instruments présentent des formes très diverses (normes, subventions, taxes, classifications, statistiques, etc.), la sociologie politique enseigne surtout qu’ils ne sont jamais neutres (Lascoumes & Le Galès, 2004). Ils sont, de fait, des objets d’étude éclairants pour qui souhaite mettre en lumière le travail politique nécessaire à la structuration de l’activité économique en général et des institutions de l’accumulation en particulier. Pierre Wokuri montre ainsi que « l’essoufflement » des coopératives éoliennes danoises, au milieu des années 1990, est le produit du remodelage de l’intervention publique avec, d’une part, la suppression d’un tarif d’achat garanti (au profit d’une régulation par « des prix du marché ») et, de l’autre, la libéralisation des critères de résidence (minant les avantages fiscaux offerts aux coopératives locales). En analysant le cas de la défense, Sylvain Moura met en évidence un encadrement strict du segment de l’administration chargé d’instrumenter la politique de R & D – la Direction générale de l’Armement (DGA) au sein du ministère des Armées. Alors que, depuis plus de trente ans, cette agence avait travaillé étroitement avec les entreprises d’armement dans « la co-conception des produits », à partir du milieu des années 1990, son action se recentre sur « la définition des besoins et le contrôle des services faits ». De manière plus générale, Éric Lahille montre l’importance d’intégrer l’analyse du travail politique pour une pleine saisie des processus de la régulation politique. Selon lui, l’analyse d’un mode de régulation politique implique, pour le chercheur ou la chercheuse, la mise en correspondance de quatre régimes d’action (régime de souveraineté, régime de citoyenneté, régime politique, régime de politiques publiques), le travail politique façonnant chacun d’entre eux. L’auteur montre que ces régimes prennent des formes particulières à l’ère de la mondialisation et de la financiarisation : suivant son analyse, les élites financières et globales définissent partiellement les formes de régulation – du fait, notamment, de « la porosité de nature sociologique et culturelle entre des milieux d’affaires et des groupes politiques organiquement liés par leur appartenance et leur identification sociales ».

  • 25 Sur ce point, voir Fouilleux et Jobert (2017).

27Problématisation et instrumentation vont donc de pair, la (re)définition d’un problème engendrant celle de ses « solutions ». Elles s’accompagnent toutes deux d’un travail de légitimation (Lagroye, 1985). Ce travail englobe les répertoires d’arguments, d’actes symboliques et de pratiques de communication que manipulent les agents pour légitimer, c’est-à-dire normaliser, voire « naturaliser », les problèmes et les instruments d’action publique. Dans les luttes symboliques, une part importante de telles légitimations est sciemment conçue et manipulée pour servir des stratégies de justification d’intérêts privés que les agents représentent comme universels, laissant dans l’ombre leurs motivations instrumentales et vénales. Comme nous l’avons indiqué plus haut, les dominants d’un champ (tels les grands groupes énergétiques au Danemark ou les ingénieurs d’armement au sein de la DGA) ont un accès privilégié à leurs homologues du champ bureaucratique – donc une plus grande capacité de capture de la puissance publique. Tout comme pour le capital économique, les asymétries de capital symbolique, culturel et social pèsent donc lourdement sur la légitimation des revendications tournées vers la (re)production des institutions et des rapports de force. Le constat vaut aussi bien dans le champ économique (ou certains de ses segments) que dans les champs bureaucratique et partisan. Il n’implique pas de tomber dans le piège déterministe selon lequel les dominés n’auraient aucune chance de faire valoir leurs prises de position, tout comme il importe de repousser la thèse simpliste selon laquelle les agents dominants maîtrisent leurs propres pratiques de légitimation25.

28Saisir la (re)production des institutions qui organisent et soutiennent l’accumulation, c’est donc faire apparaître l’état de la structure des rapports entre des forces antagonistes. C’est aussi saisir la dynamique des luttes qui en découlent pour produire et reproduire ces mêmes institutions. Pour rendre compte d’une telle dynamique, il est nécessaire d’analyse les agents qui, dans et entre les champs, mobilisent leurs capitaux respectifs, de manière à bénéficier d’une audience large, support d’une éventuelle alliance objective. En ce sens, luttes symboliques et travail politique sont des composantes majeures des structures politiques de l’accumulation.

Conclusion

29Les rapports entre l’accumulation du capital et la politique, pour fondateurs qu’ils soient dans l’économie politique classique et dans la TR, posent une question qu’il faut sans cesse remettre sur le métier, en s’appuyant sur l’épaule des géants, qu’il s’agisse de Marx, de Veblen ou de Bourdieu. En faisant de l’accumulation du capital une question politique de distribution des pouvoirs et des richesses, les approches régulationnistes et en termes de champs offrent des outils pour l’analyse empirique des processus sociaux qui génèrent les institutions de l’accumulation. La dialectique entre accumulation et politique nécessite une analyse dynamique, sans imposer pour autant de renoncer au structuralisme. L’échelle méso des approches en termes de champs et le concept de travail politique permettent de s’extraire des analyses surplombantes, en faisant valoir les logiques d’agents qui sont à l’origine des processus d’accumulation sans perdre de vue les déterminations puissantes des structures sur leurs actions. Les arguments qui précèdent sont une invitation à poursuivre ce programme par des investigations empiriques, à l’image de ce que proposent les contributions à ce dossier.

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Notes

1 Il en va ainsi, en France, de la littérature de sociologie. Voir, par exemple : Bessière et Gollac (2020), Boltanski et Esquerre (2020), Purseigle (2017), Laurens (2015).

2 Sur la base de cette proposition fondamentale, des auteurs ont tantôt mis l’accent sur la rationalisation des techniques productives (le « compte de capital » cher à Max Weber, 1991 [1923]), tantôt sur l’idéologie, plus encore sur sa dimension cultuelle, assimilant capitalisme et religion (Benjamin, 2019 [1921]).

3 Ainsi définie, la politique se distingue du politique (le monde partisan) et des politiques publiques.

4 Des exceptions peuvent être relevées, par exemple par certains tenants de la nouvelle économie institutionnelle qui ont considéré le couplage violence et accumulation (North, Wallis & Weingast, 2009 ; Acemoğlu & Robinson, 2012).

5 Commentant la pensée de Sismondi, Rosa Luxemburg relevait qu’« ayant ainsi fait, en accord avec les disciples de Ricardo et de Malthus, de l’exploitation et de l’antagonisme de classe l’aiguillon indispensable, il en arrive à la cause réelle de l’exploitation : la séparation de la force de travail des moyens de production » (Luxemburg, 1969, [1913], p. 153).

6 Voir notamment Bourdieu, Chamboredon et Passeron (1980). Précisions que le terme constructiviste est postérieur à Marx.

7 Voir notamment, le chapitre XXIV (« La prétendue accumulation initiale ») de la septième section du Livre premier du Capital (Marx, 2006 [1867]).

8 Meiskins Wood (2019) distingue « moyens coercitifs » et « moyens économiques ».

9 Marx (2006 [1867], p. 804). Harvey (2004) a contesté cette périodisation, considérant que le néolibéralisme s’accompagnait d’une « accumulation par l’expropriation », fondée sur la violence et la prédation.

10 Nous accorderons moins d’importance à sa cousine américaine, l’approche dite Social structures of accumulation, que la TR a inspiré et qui présente aujourd’hui une moindre vitalité. Voir Kotz, McDonough et Reich (1994), ainsi que McDonough (2008). Pour une analyse critique, voir Labrousse et Michel (2017).

11 Les régularités qui permettent la reproduction concernent principalement l’organisation de la production, la valorisation du capital, le partage de la valeur, la composition de la demande et l’articulation des formes capitalistes et non capitalistes.

12 Delorme et André (1983) saisissent l’État comme un compromis institutionnalisé entre des intérêts contradictoires, conceptualisation à partir de laquelle ils analysent l’évolution des dépenses publiques.

13 Le sillon creusé par Bruno Théret (avec Bruno Jobert, notamment) a permis le développement de recherches sur la politique économique, saisie à travers une « sociologie des référentiels » (Lordon, 1999). Réactualisant la vision classiste des origines, Bruno Amable et Stefano Palombarini (2005 ; 2017) ont pour leur part proposé une approche de la politique économique en termes de « blocs sociaux ».

14 Voir, notamment : Abbott (1988) ; Gieryn (1983).

15 Voir, notamment : Powell & Dimaggio (1991) ; White, (1992), Dobbin, 2004.

16 Voir, notamment : Jobert & Muller (1987) ; Hassenteufel (2008).

17 Le profit s’entend ici dans un sens plus large que celui de la catégorie économique « classique » : il inclut toute forme d’avantage qui permet d’améliorer sa position dans l’espace social.

18 Contrairement à ce que certaines critiques ont pu avancer, la théorie des champs ouvre sur des analyses profondément dynamiques (Boyer, 2003 ; Lordon, 2003, 2008a). De manière plus générale, le structuralisme méthodique (auquel se rattache la sociologie de Pierre Bourdieu), parce qu’il considère les agents – des individus dotés d’une histoire propre – comme des pôles d’attraction antagonistes, offre une lecture dynamique du changement social (Théret, 2003).

19 Ce point fait écho aux travaux de Nitzan et Bichler (2009), qui appréhendent le capital comme pouvoir et l’accumulation comme différentielle – dans la lignée des propositions de Veblen (1904). De la même façon, Montalban (2018) montre que le pouvoir est un concept relationnel, dont la face cachée est la dépendance liée à l’inégale détention d’actifs rares et/ou complémentaires entre acteurs dominants et dominés.

20 Voir Fligstein (1996), Bourdieu (2000) et Montalban (2017) sur le plan théorique et Montalban (2007) pour une application à l’industrie pharmaceutique. Cette conception est largement compatible avec celle de Veblen (1904).

21 Cette dimension distingue nettement la théorie des champs « à la Bourdieu » de celle « à la Fligstein », cette dernière mettant l’accent sur le travail de mobilisation qu’engagent des entrepreneurs institutionnels dotés d’un puissant « social skill », quand la première vise à caractériser des systèmes de position contraignants. Pour une discussion à ce sujet, voir Itçaina, Roger et Smith, 2016 ; Ansaloni, Pariente & Smith, 2018.

22 Pour faire apparaître, dans sa contribution à ce dossier, une alliance objective entre des fractions d’agents appartenant à des champs distincts – M. Ansaloni met ainsi en évidence la circulation d’agents, depuis la (très) haute fonction publique agricole, les cabinets ministériels et la représentation politique des céréaliers français.

23 Contrairement à ce que certains critiques ont pu avancer, la théorie des champs de Pierre Bourdieu comme les travaux de l’école de la régulation ne sont pas empreints de nationalisme méthodologique. Voir, respectivement : Bourdieu, 2013 ; Sapiro, 2013 ; Buchholz, 2016 ; Lamarche et al., 2015 ; Chanteau et al., 2016 ; Klébaner & Montalban, 2020).

24 Répétons-le, la légitimité est le fruit d’une lutte symbolique dont l’objet est de porter certaines revendications, et par extension d’en écarter ou d’en taire d’autres.

25 Sur ce point, voir Fouilleux et Jobert (2017).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Matthieu Ansaloni, Matthieu Montalban, Antoine Roger et Andy Smith, « Accumulation, capitalisme et politique : vers une approche intégrée »Revue de la régulation [En ligne], 28 | 2nd semestre / Autumn 2020, mis en ligne le 31 décembre 2020, consulté le 06 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/regulation/17830 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/regulation.17830

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Auteurs

Matthieu Ansaloni

Ingénieur de recherches, AGroécologie, Innovations, teRritoires (Agir), Institut national de la recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inra), Chemin de Borde-rouge, CS52627, 31526 Castanet-Tolosan.
Chercheur associé au Laboratoire des sciences sociales du politique (LaSSP), Sciences-po Toulouse ; matthieu.ansaloni@inrae.fr, matthieuansaloni@yahoo.fr

Articles du même auteur

Matthieu Montalban

Maître de conférences HDR, GREThA, Université de Bordeaux, 16 avenue Léon Duguit, 33608 Pessac, matthieu.montalban@u-bordeaux.fr

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Antoine Roger

Professeur de science politique, Centre Émile Durkheim, Sciences Po Bordeaux, 11 allée Ausone, 33607 Pessac, a.roger@sciencespobordeaux.fr ; https://orcid.org/0000-0002-0047-8982

Andy Smith

Directeur de recherche FNSP, Centre Émile Durkheim, Sciences Po Bordeaux, 11 allée Ausone, 33607 Pessac, a.smith@sciencespobordeaux.fr

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