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Recensions

Matthias Noell, Wider das Verschwinden der Dinge

Guillaume Nicoud
p. 112-114
Référence(s) :

Matthias Noell, Wider das Verschwinden der Dinge, Berlin : Wasmuth & Zohlen, 2020, 404 pages

Notes de la rédaction

https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.57732/rc.2023.1.102671

Texte intégral

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Crédits : Wasmuth & Zohlen

1L’ouvrage intitulé Wider das Verschwinden der Dinge (« contre la disparition des choses ») rédigé par Matthias Noell, professeur d’histoire et de théorie de l’architecture à l’Universität der Künste de Berlin, constitue une étude inédite de l’histoire de la mise en place de l’inventaire des monuments historiques en Europe. En privilégiant une approche d’histoire des relations et interactions culturelles internationales, il réussit à révéler comment cette entreprise est en partie le fruit d’échanges fructueux entre la France et l’espace germanique (Allemagne et Autriche actuelles) – sans oublier les contributions des États multilingues belge et suisse. Noell étant un fin spécialiste de l’histoire de la patrimonialisation de l’architecture en Europe, son tour d’horizon peut s’appuyer sur une parfaite connaissance de la mise en place de cette pratique en France, de la Révolution française à la Monarchie de Juillet, au travers de modèles établis nationalement et régionalement (tel celui d’Arcisse de Caumont en Normandie, p. 84-86), mais aussi sur ses applications ultérieures dans l’espace germanique. L’auteur se fonde essentiellement sur les sources manuscrites ou publiées du temps pour expliquer toutes les étapes successives qui ont abouti à l’institutionnalisation de l’inventaire, mettant en lumière jusqu’aux raisons de l’échec de la première enquête par envoi d’un questionnaire menée en France sous Montalivet durant le Premier Empire (p. 74-81).

2Ces faits sont présentés après une première partie servant de large introduction historique qui nous permet de comprendre comment a pu émerger le besoin d’une telle entreprise d’inventaire du patrimoine bâti à l’époque moderne. La seconde partie présente de manière très approfondie la mise en place du concept de monument historique appliqué à l’architecture, des critères d’inventaire à établir pour leur étude, puis des moyens à mettre en œuvre pour l’élaboration et la gestion d’un tel corpus monumental à des fins d’approfondissement du savoir et de conservation du bâti ancien, en premier lieu médiéval et plus spécifiquement gothique.

3Si des expériences anglaise ou suédoise sont bien étudiées dans les chapitres introductifs, nous nous trouvons rapidement transportés d’une rive du Rhin à l’autre, selon un rythme qui sous-tend presque le reste de l’ouvrage. Ce jeu de balancier est surtout présent dans la seconde partie dans laquelle est décrite la cristallisation progressive des diverses méthodes nationales d’inventaire, de la Révolution française jusqu’à la Première Guerre mondiale principalement, qu’elles soient en grande partie autonomes ou le fruit d’échanges internationaux. On aspire alors à l’établissement d’un système d’inventaire scientifique systématique.

4L’auteur décrit aussi minutieusement chaque type de pratique d’inventaire et les divers résultats projetés. Ces points sont au cœur de la troisième partie de l’ouvrage, traitant précisément des méthodes et outils propres à ce travail, à l’analyse ou la diffusion ultérieure de ce dernier, par le livre et la cartographie – sans oublier des approches plus spécifiques de certains acteurs, notamment en ce qui concerne leur pratique du terrain. Ainsi, les origines historiques de tous les éléments qui constituent l’expérience commune d’inventaire aujourd’hui sont clairement établies.

5La dernière partie est logiquement organisée en chapitres conclusifs. La démonstration est donc structurée en un plan clair et détaillé. Elle est aussi convaincante : la pratique de l’inventaire est bel et bien le fruit d’une attitude européenne « contre la disparition des choses. » En rapportant en conclusion jusqu’au fait qu’un classement belge tentait de prendre même en compte les « monuments morts » (p. 313), l’auteur souligne comment l’on est amené aujourd’hui encore et dans une grande partie de l’Europe à devoir résoudre par différentes approches intellectuelles les limites de cette tâche pratique immense, en programmant notamment une action plus ou moins approfondie, sur le temps long ou encore en jouant sur les critères d’inventoriage et de préservation du patrimoine étudié. Ceci témoigne en effet des degrés d’acceptation par les acteurs et les institutions de mener une course contre le temps et l’espace infini du champ d’investigation.

6Le choix éditorial de ne présenter des illustrations qu’en couverture – illustrations non exploitées dans l’ouvrage – ne nuit pas au propos, même si celui-ci souligne combien la problématique de reproduction et diffusion des caractéristiques des œuvres inventoriées est essentielle en ce domaine pour permettre des modes de classement systématiques. Les citations qui sont très nombreuses et parfois très longues – de plus d’une page même – sont plus problématiques sur le plan éditorial, et on remarque aussi de gênantes (car récurrentes) erreurs de transcription dans les citations en français à partir de la seconde partie de l’ouvrage. Certes la transcription in extenso de longs classements des objets d’étude prouve l’importance de faire « système » sur le modèle préétabli de classement du vivant, qui sert donc de référence (comme le souligne la partie introductive). Ces listes forment bien le cœur du sujet et permettent moins de souligner les différences d’approche européennes, que l’émergence de ce tronc commun d’enquête. Mais on aurait préféré un report de ce type de sources en annexe pour alléger le texte. En rajoutant des renvois et un index des lieux – le sujet le justifie –, la lecture de l’ouvrage, ainsi que son usage, aurait été rendue encore plus aisée – on aurait même évité la répétition d’au moins une longue citation (p. 120 et 190).

7Sur le plan de l’histoire des relations et interactions culturelles franco-allemandes, la conclusion la plus symbolique de l’ouvrage réside dans la pratique, par Kraus, d’un inventaire modèle en Alsace (p. 158), fruit de choix pratiques et méthodiques issus d’expériences françaises et allemandes, et en premier lieu d’un mode d’inventaire expérimenté auparavant par ce dernier à Kassel. Des échanges entre l’Autrichien Hefter et le français Sommerard ont en partie façonné l’élaboration du modèle ultime d’inventaire de la période étudiée, à savoir celui établi par Riegl et Dvořák en Autriche (p. 188-190).

8Ces deux faits soulignent à eux seuls combien il serait nécessaire de traduire un tel ouvrage en français. Alors que le Centre allemand d'histoire de l'art (DFK Paris) mène au sein du programme « Paysage de Rencontre » un inventaire en partenariat avec le service de l’Inventaire de la région Grand-Est et la commune de Pont-sur-Seine (Aube), on est en droit désormais de s’interroger sur l’impact de ces expériences historiques communes sur la pratique actuelle d’inventaire dans cette région frontalière.

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Pour citer cet article

Référence papier

Guillaume Nicoud, « Matthias Noell, Wider das Verschwinden der Dinge »Regards croisés, 13 | 2023, 112-114.

Référence électronique

Guillaume Nicoud, « Matthias Noell, Wider das Verschwinden der Dinge »Regards croisés [En ligne], 13 | 2023, mis en ligne le 03 mars 2024, consulté le 07 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/regardscroises/782

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