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Résumés

Cette brève introduction présente les deux pistes de réflexion ouvertes par ce second volume de « La Nouvelle Vague à la lettre », travail collectif consacré à la présence de la lettre sous toutes ses formes dans les films des cinéastes de la Nouvelle Vague : leur conception et leur pratique de l’adaptation littéraire d’une part et leurs manières d’inscrire matériellement le texte dans l’image d’autre part. Pour plus de détails sur l’origine scientifique de ce projet de recherche et les questions qu’il soulève, on se reportera à l’avant-propos du précédent volume (Recherches & Travaux, no 101, 2022).

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Texte intégral

1« La Nouvelle Vague à la lettre » a déjà fait l’objet d’une publication, en 2022, dans le numéro 101 de la revue. Un avant-propos y précisait les conditions dans lesquelles est né ce projet interdisciplinaire d’étudier les relations des cinéastes de la Nouvelle Vague avec la lecture et l’écriture au sens large, et les questions, diverses, nombreuses, que posent ces relations.

2Le présent volume complète les travaux réunis dans ce premier numéro en abordant successivement cette relation sous deux nouveaux angles.

3Si le premier groupement s’intitule « Et pourtant ils tournent… des adaptations », c’est que la pratique de l’adaptation semble a priori contradictoire avec les prises de position radicales de ces cinéastes à l’égard d’un cinéma français contemporain jugé obsolète, paresseux, dénué d’invention. Alors critique, Truffaut s’attaque violemment en janvier 1954 dans un article resté célèbre (« Une certaine tendance du cinéma français », Les Cahiers du cinéma, no 311), à cette « tradition de la qualité », et plus particulièrement aux adaptations affadies — scénarisées par Aurenche et Bost et mises en scène par Delannoy ou Autant-Lara notamment — des grands classiques de la littérature française. Leur prétendue fidélité à l’esprit (et non à la lettre) de ces œuvres patrimoniales, qui repose sur la conviction revendiquée (et contestée par Truffaut) que certaines scènes sont intournables, et qu’il faut leur substituer des scènes « équivalentes », « telles que l’auteur du roman les eût écrites pour le cinéma », y est dénoncée comme une trahison sans talent. C’est que, argumente Truffaut, il n’est « d’adaptation valable qu’écrite par un homme de cinéma » : il ne s’agit donc pas, à ses yeux, de s’interdire de s’inspirer de la littérature, mais bien de renoncer à la quête illusoire d’« équivalences » entre les arts romanesque et cinématographique, équivalences qui « ne sont qu’astuces timides pour contourner la difficulté ».

4Les articles ici rassemblés témoignent des astuces différentes auxquelles recourra cette génération de critiques devenus cinéastes. La première consiste à adapter des romans appartenant à des genres considérés comme mineurs : le polar (chez Truffaut, mais aussi chez Chabrol) ou la science-fiction ; la seconde, à choisir des textes qui ne relèvent pas délibérément de l’écriture littéraire, comme le « Mémoire et Rapport sur Victor de l’Aveyron » du docteur Itard (devenu L’Enfant sauvage), le journal intime d’Adèle Hugo ou l’autobiographie de l’aristocrate écossaise Grace Elliott ; la troisième, à se tourner vers des auteurs étrangers : Henry James (adapté par Truffaut mais aussi, de manière plus cryptée, par Rivette et plus tard par Chabrol ou Moullet), Moravia (par Godard), Kleist (par Rohmer), etc. La dernière de ces astuces est encore le fait de Truffaut, qui s’emploie à tirer d’un oubli injuste les romans d’Henri-Pierre Roché. À cette règle générale (privilégier des textes éloignés du canon littéraire français), il y a évidemment quelques exceptions, comme les deux adaptations de Balzac par Rivette ou celles, par Rohmer, de monuments peu visités de ce canon (Perceval et L’Astrée), mais surtout le Madame Bovary de Chabrol.

5Enfin, « L’écrit à l’écran » examine les innombrables modes d’apparition des lettres, comprises cette fois comme signes graphiques, à l’image : comment filmer l’échange épistolaire ? quels secrets peuvent trahir les preuves écrites d’un amour clandestin ou d’un crime ? quels jeux, quels décalages produit la confrontation de la chose lue et de la chose vue ? Le statut, diégétique ou non, la fonction, dramatique, ludique, poétique ou politique du texte reflètent autrement le rapport ambigu des auteurs de la Nouvelle Vague et de leurs héritiers avec les mots.

  • 2 Michel Chion, L’Écrit au cinéma, Paris, Armand Colin, 2013, p. 6.

6Pour citer encore l’article de Truffaut : « Il est toujours bon de conclure, ça fait plaisir à tout le monde ». Concluons donc sur cette hypothèse formulée par Michel Chion, et que ces deux volumes consacrés à la Nouvelle Vague vérifient dans un contexte historique et esthétique particulier : « Le cinéma se raconte à travers le rôle qu’il donne à l’écrit, l’incluant sans parvenir à l’intégrer, cherchant à se donner comme forme d’art autonome et se donnant comme écriture en consumant l’écrit.2 »

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Notes

1 En ligne : <http://cav.upv.free.fr/boulange/Cinemafrancais/Une%20certaine%20tendance%20du%20cin%E9ma%20fran%E7ais.pdf>, consulté le 8 mai 2024.

2 Michel Chion, L’Écrit au cinéma, Paris, Armand Colin, 2013, p. 6.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Julie Wolkenstein, « Introduction »Recherches & Travaux [En ligne], 104 | 2024, mis en ligne le 30 juin 2024, consulté le 30 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/recherchestravaux/7345 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11xzj

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Auteur

Julie Wolkenstein

Université de Caen Normandie LASLAR
   
Julie Wolkenstein est MCF HDR en Littérature comparée à l’université de Caen Normandie. Elle a consacré de nombreux travaux aux relations entre littérature et cinéma (Les Récits de rêves dans la fiction, Klincksieck, 2006 ; Le Mystère du tapis d’Ardabil, P.O.L., 2015). Elle a également traduit des romans de F. S Fitzgerald et d’E. Wharton.

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