Navigation – Plan du site

AccueilNuméros18-1Textes des lanceuses et lanceurs ...Dynamiques d’interventions : doma...L’intercompréhension entre langue...

Textes des lanceuses et lanceurs de débat
Dynamiques d’interventions : domaines de partages, réseaux, diffusion

L’intercompréhension entre langues voisines : un rôle à jouer dans les sociétés mondialisées au sein d’une Europe fragilisée ?

Mathilde Anquetil

Texte intégral

1A la question principale posée par l’Appel au débat des associations Acedle, Asdifle et Transit-Lingua « En quoi les langues ont-elles un rôle à jouer dans les sociétés mondialisées au sein d’une Europe fragilisée ? », nous avons interrogé divers acteurs très impliqués dans la recherche et la didactique de l’intercompréhension (désormais IC) pour recueillir leur avis sur des questions que nous avions dérivées de la problématique générale.

21. Quel rôle voyez-vous pour l’intercompréhension dans le débat proposé par les associations ACEDLE, ASDIFLE et TRANSIT-lingua ? En tant qu’acteurs de cette approche pour une communication plurilingue envisagez-vous d’inclure un aspect politique/citoyen dans les finalités éducatives de votre action ?

32. L’approche plurilingue de l’intercompréhension peut-elle, pour sa modeste part, jouer un rôle politique dans la recherche d’une alternative à la menace d’un repli dans une « Europe des Nations » ou à la fuite en avant dans une Europe technocratique uniformisante, assujettie à la globalisation néolibérale ?

43. Comment l’IC peut-elle participer activement à la promotion des échanges et solidarités entre l’Europe, l’Amérique latine, l’Afrique francophone et lusophone, les Caraïbes, l’Océan Indien, la « Romanophonie », dans le contexte de la mondialisation ?

5Signalons ici les principaux projets dans le domaine de l’IC portés par les enseignants universitaires ayant participé à notre enquête :
Selma Alas Martins (UFRN, Universidade Federal do Rio Grande do Norte - Natal, Brasil) : Projets d’intégration de l’IC dans les écoles publiques au Brésil : « Intercompreensão de Línguas Românicas : aprendizagem sem fronteiras ?1 ».
Maria Helena Araújo e Sà (Universitade Aveiro- Portugal) : Centro de Investigação em Didática e Tecnologia na Formação de Formadores : Diretora Programa Doutoral em Educação. Coordinatrice dans les projets européens : GALANET, coordinatrice principale GALAPRO, REDINTER, MIRIADI2 et EVALIC3.
Philippe Blanchet (Université Rennes 2 – France) : Responsable de l’équipe de recherche transversale MIAC4 (Modélisation de l’Intercompréhension et de l’Acceptabilité des interactions) du PRES Université Européenne de Bretagne. Laboratoire PREFics5 Plurilinguismes, représentations, expressions francophones, information, communication, sociolinguistique. Coordonnateur scientifique des séminaires de formation à la recherche en didactique des langues et des cultures de l’AUF.
Maddalena de Carlo (Università di Cassino – Italie) : Coordinatrice dans les projets GALAPRO, REDINTER, MIRIADI et EVALIC. Association APICAD.
Christian Degache (Belo Horizonte UFMG – Brésil) :
Coordinateur dans les projets GALANET, GALATEA, DIALINTERCOM, GALAPRO, REDINTER, COOPERA, MIRIADI. OIF : MOOC EFAN langues « Outils numériques pour l’intercompréhension »6. CAPES-COFECUB7 (coopération académique franco-brésilienne) : Projeto DIPROlínguas, Distância e proximidade entre português, francês e outras línguas : potencial da reflexão comparativa. AUF : référent pour l’IC.
Angela Erazo Munoz (Universidade Federal da Paraíba-Brésil) : Universidade Federal da Integração Latino-Americana UNILA8 : Programa Nacional Idiomas sem Fronteiras, Intercomprensión plurilingüe en contexto académico bilingüe. Programa de cooperação COOPERA CMIRA9 Rhône-Alpes Explora’doc França – Brasil.
Sandra Garbarino (Université Lyon2- France) : Coordinatrice dans les projets GALANET, GALAPRO, REDINTER, coordinatrice principale MIRIADI, Association APICAD.
Laura Masello (Montevideo Universitade de la Republica – Uruguay) : Union Latine : LIMBO. Movilidad MERCOSUR en Educación Superior: Responsable y coordinadora académica. Proyecto regional Identidad plurilingüe, operatividad bilingüe. CAPES-UDELAR : Lenguas extranjeras y uso de bibliografía en el área humanística en francés y portugués. CLEFS-AMSUD : La recherche en langues, cultures et littératures en Amérique du Sud : politiques linguistiques et production de connaissances de la Red CLEFS-AMSUD. Asociación de Universidades Grupo Montevideo.
Daniella Police-Michel (Université de Maurice) : Coordinatrice dans les projets GALANET, MIRIADI. OIF : CLOM « L’interculturel dans l’Intercompréhension en langues romanes »10.

6Ce texte n’est pas une déclaration collective mais vise à mettre en perspective nos interrogations de départ avec les informations et opinions recueillies auprès des collègues. La synthèse des réponses en provenance de spécialistes du secteur ouvre donc sur 4 questions plus précises a), b), c), d) que nous souhaitons poser lors du débat collectif lors de la rencontre.

  • 11 Grin F. (2002), L’économie de la langue et de l’éducation dans la politique d’enseignement des lang (...)

7Tous les experts interrogés, dans leurs réponses directes et/ou le renvoi à leurs publications de référence sur les points soulevés, se situent d’amblée dans la problématique en soulignant maintes fois l’aspect citoyen de l’éducation au plurilinguisme par l’intercompréhension. M. De Carlo rappelle l’engagement européen en ce sens, tout en signalant que la promotion du plurilinguisme ne doit pas camoufler un bilinguisme obligé mais se traduire par les approches plurielles en didactique des langues, dans le cadre d’une politique linguistique comme « effort systématique, rationnel et fondé sur une analyse théorique [qui] se situe au plan de la société, et vise à résoudre les problèmes liés à la langue en vue d’accroître le bien-être » (Grin, 2002)11.

  • 12 Foucault M. (2010), L’archéologie du savoir, Paris : Gallimard.
  • 13 Maurer B. (2011), Enseignement des langues et construction européenne. Le plurilinguisme, nouvelle (...)

8On constate dans le domaine de l’IC, la réitération de thèmes antagonistes : d’une part l’IC comme « pluralité bien vécue », « facilité-facilitation », bonheur communicatif dans la communication plurilingue ; de l’autre l’engagement dans la lutte contre les ethnonationalismes et les « barrières des langues » grâce à l’aménagement d’une fluidité dans la circulation d’une langue à l’autre, en somme la promotion d’une manière « d’être aux langues » pacifiée et socialement inclusive. Les textes institutionnels européens sur le plurilinguisme sont constamment rappelés comme source de légitimité de l’approche, encore pionnière dans les faits. Force est de constater qu’il y a là une sorte de « formation discursive » (Foucault, 201012) profondément ancrée dans l’ethos professionnel du secteur, qui a cependant été épinglée par Bruno Maurer13 comme constituant d’une idéologie dominante, cache-misère en habits d’arlequin face aux dérives néolibérales de la gouvernance européenne y compris dans le domaine des politiques linguistiques.

  • 14 Jamet M.-C. (2010), « L’intercompréhension: de la définition d’un concept à la délimitation d’un ch (...)
  • 15 Anquetil M., De Carlo M. (2016), Politique linguistique européenne et institutionnalisation de l’in (...)
  • 16 Giordano, C. (2008). « L'insoutenable innocence de l'interculturel, in A. Gohard-Radenkovic et A. J (...)

9Mais si la lucidité quant aux enjeux politiques des discours institutionnels sur le plurilinguisme est un point en faveur de cette critique, ne serait-ce pas un mauvais procès que de mettre en accusation (« enseignement de l’ignorance » via l’« ouverture à l’altérité » versus efforts et temps nécessaires pour l’enseignement/apprentissage effectif des langues) les acteurs du champ qui, par leurs recherches-actions, ont permis de dépasser les pétitions de bonnes intentions par la création et mise en place d’une panoplie de pratiques, matériaux, dispositifs didactiques d’exercice effectif de l’IC. L’intercompréhension n’est en effet plus la reconnaissance d’une faculté (la compréhension mutuelle, le rêve d’une anti-Babel14) mais une branche de la didactique qui implique l’enseignement de techniques de développement. Le domaine tente de remédier à ses faiblesses (manque de référentiels de compétences, manque d’instruments d’évaluation et de certification, manque de progression au-delà des pratiques de découverte) et est désormais engagée dans un processus d’institutionnalisation (Anquetil, De Carlo, 2016)15 qui n’est d’ailleurs pas dénuée d’enjeux de pouvoirs professionnels, scientifiques, nationaux et internationaux, dont la démarche pionnière et iréniste pouvait se croire exempte16.

  • 17 Cassin B. (2014), Derrière les grilles. Sortons du tout-évaluation, Paris : Fayard, coll. « Mille e (...)
  • 18 https://umrlisa.univ-corse.fr/actualite/3420/
  • 19 On saisit aisément les enjeux politiques de l’affirmation du catalan en Catalogne, seule région eur (...)
  • 20 Cognigni E., Garbarino S. (2018), “Costruire la resilienza nell’interazione in un progetto di ricer (...)

10Mais les éventuelles dérives d’une « mise en grille »17 de l’IC dans le sillon du CECR et de son volume complémentaire dénoncée dans la tribune de mai 2017 qui avait fait l’objet d’une première coopération entre les associations à l’origine de notre discussion, n’est pas le souci majeur de nos informateurs. Pour le débat actuel, ils ont surtout rappelé l’apport de l’IC en tant que mise à disposition d’un espace de partage des langues minoritaires ou minorées dans l’espace social, européen et au-delà de ses frontières, dominé par les « monolinguismes des puissants » : l’anglais, mais aussi le français de Paris, le castillan. Un espace de résistance à l’homologation et à l’enfermement pour l’occitan, le corse18, les créoles, le catalan19, le portugais brésilien, les variantes américaines de l’espagnol, qui y trouvent non seulement un espace d’expression mais une occasion de se communiquer auprès d’un public bienveillant, non normatif, disposé à faire l’effort de comprendre. Cette disponibilité n’est cependant pas un a priori établi, mais l’un des objectifs de la démarche et l’expérimentation montre qu’il s’agit par la didactique de « construire la résilience »20 dans l’exposition et la pratique plurilingue, sans pour autant qu’il s’agisse de mesurer ou évaluer un tel « savoir-être ». La dimension de la tolérance linguistique à l’intérieur d’une même famille linguistique, contrecarrant les purismes normatifs est souvent mise en valeur, de même que l’accès à l’international de l’expression en « langues régionales ».

  • 21 Balboni, P. (2009), “Per una glottodidattica dell’intercomunicazione romanza”. In Jamet, M. C. (coo (...)
  • 22 Cf Appel à communication 2018 : Mieux vivre en langues, ou comment passer de l’insécurité à la bien (...)
  • 23 Blanche-Benveniste C. (2005) "Accepter l’approximation dans l’apprentissage", Le français dans le m (...)

11L’intercompréhension, comme entrainement à communiquer/collaborer dans un mouvement réciproque d’exposition de soi et de sa pensée dans sa propre langue-culture mais avec le soin de se faire comprendre par l’autre, stimule l’apprentissage de compétences que l’on appelle « interproduction » pour une « intercommunication en langues romanes »21 : communiquer en modalité plurilingue avec le souci de faciliter la réception de son propre discours. Elle promeut la recherche active du sens communiqué par l’autre, malgré les opacités, dans la saveur de ses particularités et dans ce qu’il a en commun avec soi, en misant sur la part de transparence linguistico-culturelle et le partage d’une attitude de bientraitance linguistique (Dinvaut 2016)22. L’intercompréhension offre ainsi l’occasion d’une expérience accessible du face-à-face interculturel dans des dispositifs de communication qui incluent volontairement l’altérité tout en aménageant un terrain d’entente avec une part assumée d’approximation23.

  • Question a) Pratiquer l’intercompréhension, n’est-ce pas une occasion de dépasser l’illusion de la compréhension immédiate (qui n’aurait pas besoin de médiation) typique d’une part de la communication dans les groupes fermés avec leurs dynamiques de replis identitaires amenant à des oppositions conflictuelles ingroup vs outgroup, et d’autre part de la communication technocratique désincarnée, supposée neutre, rationnelle et efficace en lingua franca ? Rappelons que l’IC n’est pas en opposition à un usage pragmatique de l’anglais mais à sa domination exclusive qui entraine aussi un rejet de « l’international » dans certains mouvements politiques nationalistes, ethnocentristes et rétrogrades.

    • 24 La Cecla F. (1997), Il malinteso, antropologia dell’incontro, Roma: Laterza.
    • 25 Jankelevitch V. (1980), Le je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 2. La méconnaissance et le malentend (...)

    Question b) Le rôle de l’intercompréhension dans un monde complexe tenté d’absolutiser les différences et de dresser des barrières d’incommunicabilité, pourrait-il être d’introduire les sujets à la « gestion active du malentendu »24, comme maintien durable de la communication dans un « malentendu doublement bien entendu » (Jankelevitch,1980)25, comme apprentissage d’un comportement linguistico-relationnel qui jette des bases pour une possible rencontre en aménageant un terrain de tolérance communicative face à la constitutive ambiguïté des relations interculturelles ?

  • 26 Cognigni, Edith; De Carlo, Maddalena (2018, non pubblicato). «La formazione dei docenti di italiano (...)

12Les questionnements sur l’apport de l’IC dans les problématiques de la globalisation des échanges et des brassages de populations, nous amènent naturellement à dépasser le cadre de l’Europe en particulier pour ce qui est de la famille des langues romanes. Le domaine inclut nécessairement une dimension « postcoloniale », en particulier quant aux possibilités de promouvoir les profils plurilingues des migrants, porteurs de compétences dans les langues européennes comme langues secondes dans leurs pays d’origine, qui peuvent être valorisées et éventuellement utilisées comme langue-pont vers les langues nationales des pays d’accueil européens (De Carlo, Cognigni, 201826).

13Il est évident que l’IC ne résout pas tous les maux et souffrances linguistiques, en particulier par le manque de partage des langues non-européennes, nos informateurs tiennent ainsi à marquer les limites de l’approche plurilingue « qui ne saurait se substituer à l’enseignement/apprentissage fonctionnel des langues utiles à la pleine inclusion sociale » mais tend à faire évoluer une vision « point zéro » du locuteur migrant qui reste souvent dominante dans les dispositifs d’« intégration ».

14Par ailleurs l’IC en langues romanes a été promue comme dispositif de politique linguistique contre la domination mondiale de l’anglais d’un point de vue explicitement altermondialiste, comme dans l’article de Bernard Cassen (200527) dans le Monde Diplomatique, souvent cité dans notre domaine. Ce point de vue est repris de façon plus modérée par l’Organisation Internationale de la Francophonie qui a englobé l’IC dans ses recommandations et formations28 et la soutient activement en particulier en Amérique latine. Par ailleurs la DGLFLF s’est aussi associée29 à la diffusion de cette approche. On peut donc voir dans l’IC un domaine de promotion des échanges et solidarités entre l’Europe, l’Amérique latine, l’Afrique francophone et lusophone, les Caraïbes, l’Océan Indien, la « Romanophonie », dans le contexte de la mondialisation.

    • 30 Álvarez D., Chardenet P., Tost M. (coord.) (2011), L’intercompréhension et les nouveaux défis pour (...)

    Question c) La voie de la promotion de l’IC dans les collaborations intercontinentales avait été ouverte par une autre organisation internationale, l’Union Latine, en collaboration avec l’Agence Universitaire de la Francophonie30, avec la production d’outils didactiques (Itinéraires Romans) sur son site. Actuellement les contacts académiques sont actifs entre les continents mais après la dissolution de l’Union Latine en 2012, quels dispositifs mettre en place pour ancrer durablement les collaborations intercontinentales ?

15On constate un vide institutionnel de raccord entre d’une part les projets financés par les institutions européennes (GALATEA, GALANET, GALAPRO, MIRIADI, EVALIC, EUROM5, ICE, EUROCOM, EU&I, EUROMANIA…), où les institutions de l’Amérique du Sud ne peuvent être qu’associés et non membres à part entière, et les initiatives pro-IC sud-américaines qui s’appuient sur des organismes de raccord intra-continental comme l’Universidade Federal da Integração Latino-Americana UNILA au sein du MERCOSUR, ainsi que l’Asociación de Universidades Grupo Montevideo qui regroupe des universités sud-américaines (dont le Brésil) cherchant à mettre en place un espace de mobilité et échanges de type ERASMUS. Outre les accords bilatéraux comme ECO-Sud, entre la France et le Chili, l’Argentine et l’Uruguay, en particulier, c’est souvent par l’AUF que se créent des liens comme pour le collège doctoral andin31 (6 établissements dans la région andine et 6 établissements francophones en France, Belgique et canada), ou dans le réseau CLEFS-AMSUD, le « Réseau sud-américain d’enseignants-chercheurs en langue française et cultures francophones ». Le lien s’établit par la participation d’acteurs individuels importants du réseau (Patrick Chardenet, Philippe Blanchet, Christian Degache, pour n’en citer que quelques-uns), universitaires français ayant ou ayant eu des fonctions en Amérique Latine qui par leur carrière et leur vécu personnel font le pont lors des projets et colloques.

16Il est intéressant de noter que la recherche latino-américaine en IC aboutit à un repositionnement de la langue française, dominante en Europe comme langue de travail du domaine, ce qui est aussi dû aux travaux fondateurs de Louise Dabène et Claire Blanche-Benveniste : dans le contexte latino-américain, ce rôle est surtout tenu par l’espagnol dans le cadre du bilinguisme continental. Le français est inséré dans les projets plurilingues sud-américains, non seulement dans son statut traditionnel de langue de culture, mais comme langue du continent via la littérature et la pensée francophone des Caraïbes. C’est en particulier le projet mené par Laura Masello32, dans le projet international intracontinental CAPES-UDELAR entre le Brésil et l’Uruguay et CLEFS_AMSUD33. Le projet de l’intercompréhension entre langues romanes acquiert par l’insertion du français des Antilles, une attention particulière pour son apport culturel avec en référence le courant de pensée porté par Edouard Glissant. L’intercompréhension inclut ainsi une dimension philosophique (le Tout-Monde, l’identité-relation, la mondialité, la créolisation…) qui est peu porté dans les projets européens plus alignés sur des perspectives fonctionnelles, y compris dans le traitement de la dimension interculturelle. Notons par ailleurs que l’enseignement des langues via l’intercompréhension y est moins dépendant de concepts dominants européens véhiculés par le CECR, via les modèles de certifications de langues horizontalement dans les 4 compétences de base. Ainsi la reconnaissance des compétences partielles, uniquement de lecture, correspond à une pratique universitaire établie, par langue ou en intercompréhension comme dans le programme LALIC (Lecturas sobre y desde América Latina en Intercomprensión), ce qui permet d’aborder rapidement des textes culturellement significatifs et de former à long terme un public de lecteurs universitaires plurilingues pour le maintien du caractère multilingue de la publication scientifique internationale.

17De nombreux observateurs notent que la coopération économique, politique et culturelle entre l’Europe et l’Amérique latine reste frileuse au niveau institutionnel34, malgré son importance stratégique au niveau géopolitique au moment où les alliances nord-atlantiques avec le Royaume-Uni et les Etats-Unis vacillent. « Nous partageons avec l’Amérique latine une vision des relations internationales fondées sur le multilatéralisme », souligne Javi López, eurodéputé socialiste et rapporteur d’un rapport européen suite à l’audition35devant le Parlement Européen en 2017 de Rebeca Grynspan, secrétaire générale de la SEGIB, organisation de promotion de la communauté ibéro-américaine dans le domaine de l’éducation et de la culture entre 22 états d’Amérique latine et la péninsule ibérique européenne.

  • Question d) Une initiative pour relancer l’intercompréhension en coopération entre l’AUF (région latino-américaine) et la SEGIB (qui pratique couramment l’IC castillan-portugais) pourrait-elle participer à redonner de la vigueur au projet culturel et politique de la communauté latine au niveau européen et mondial, dépassant les rivalités que les fragiles puissances européennes entretiennent via leurs « zones d’influence » linguistico-culturelles dans le monde ?

Haut de page

Notes

1 https://periodicos.ufpa.br/index.php/moara/article/viewFile/2059/2399

2 Informations et liens sur les projets européens GALANET, GALAPRO, REDINTER, MIRIADI disponibles sur : https://www.miriadi.net/projets

3 https://evalic.eu/

4 https://hal.inria.fr/hal-00832471

5 https://intranet.univ-rennes2.fr/prefics

6 https://www.fun-mooc.fr/fr/cours/enseigner-et-former-avec-le-numerique-en-langues/

7 https://www.campusfrance.org/fr/capes-cofecub

8 https://portal.unila.edu.br/

9 https://www.bourses-etudiants.ma/organisme/cooperation-et-mobilites-internationales-rhone-alpes/

10 https://www.francophonie.org/elle-nous-en-parle-clom-sur-lintercomprehension-80

11 Grin F. (2002), L’économie de la langue et de l’éducation dans la politique d’enseignement des langues, Strasbourg : Conseil de l’Europe.

12 Foucault M. (2010), L’archéologie du savoir, Paris : Gallimard.

13 Maurer B. (2011), Enseignement des langues et construction européenne. Le plurilinguisme, nouvelle idéologie dominante, Paris : Editions des archives contemporaines.

14 Jamet M.-C. (2010), « L’intercompréhension: de la définition d’un concept à la délimitation d’un champ de recherche ou vice versa ? », Publifarum, n. 11, Autour de la définition, https://publifarum.farum.it/index.php/publifarum/article/view/193

15 Anquetil M., De Carlo M. (2016), Politique linguistique européenne et institutionnalisation de l’intercompréhension, Communication lors des X Journées des Droits Linguistiques, Teramo – Italia. Actes en cours de publication. http://associazionelemitalia.org/le-nostre-azioni/giornate-dei-diritti-linguistici/gdl-2016.html

16 Giordano, C. (2008). « L'insoutenable innocence de l'interculturel, in A. Gohard-Radenkovic et A. Jalil Akkari, Coopérations internationales : entre accommodements interculturels et utopies du changement, Paris, L'Harmattan : 161-170. Gohard-Radenkovic A. (2012), «Le plurilinguisme, un nouveau champ ou une nouvelle idéologie ? ». Ou quand les discours politiquement corrects prônent la diversité In: Alterstice, n°1, vol.2, pp. 89-102. En ligne: https://www.journal.psy.ulaval.ca/ojs/index.php/ARIRI/article/view/Gohard_Alterstice2%281%29

17 Cassin B. (2014), Derrière les grilles. Sortons du tout-évaluation, Paris : Fayard, coll. « Mille et une nuits », Paris, 2014

18 https://umrlisa.univ-corse.fr/actualite/3420/

19 On saisit aisément les enjeux politiques de l’affirmation du catalan en Catalogne, seule région européenne ayant d’ailleurs inclus l’intercompréhension dans sa politique linguistique éducative (Décrets 119/2015 et 187/2015).

20 Cognigni E., Garbarino S. (2018), “Costruire la resilienza nell’interazione in un progetto di ricerca internazionale plurilingue Il caso del progetto MIRIADI”, in La didattica delle lingue nel nuovo millennio. Le sfide dell’internazionalizzazione, 13, 2018, Studi e Ricerche, Edizioni Ca' Foscari, https://edizionicafoscari.unive.it/it/edizioni/libri/978-88-6969-228-4/costruire-la-resilienza-nellinterazione-in-un-prog/

21 Balboni, P. (2009), “Per una glottodidattica dell’intercomunicazione romanza”. In Jamet, M. C. (coord.). Orale e intercomprensione tra lingue romanze, pp. 197-203, Venezia: Le Bricole.

22 Cf Appel à communication 2018 : Mieux vivre en langues, ou comment passer de l’insécurité à la bienveillance, la bientraitance, la coopération, Annemarie Dinvaut & Luc Biichlé, Avignon Université, Laboratoire Identité Culturelle, Textes & Théâtralité (ICTT) EA 4277 France.

23 Blanche-Benveniste C. (2005) "Accepter l’approximation dans l’apprentissage", Le français dans le monde, 340, 25-26.

24 La Cecla F. (1997), Il malinteso, antropologia dell’incontro, Roma: Laterza.

25 Jankelevitch V. (1980), Le je-ne-sais-quoi et le presque-rien, 2. La méconnaissance et le malentendu,Paris : Seuil.

26 Cognigni, Edith; De Carlo, Maddalena (2018, non pubblicato). «La formazione dei docenti di italiano L2 tra distanza e prossimità linguistica: il ruolo delle lingue ponte». XIV Simposio LESLLA - Literacy Education and Second Language Leraning for Adults (Università di Palermo, 4-6 ottobre 2018).

27 Cassen B. (2005), « Un monde polyglotte pour échapper à la didacture de l’anglais », Le Monde diplomatique, janvier 2005, pp. 22-23.

28 https://www.francophonie.org/diversite-linguistique-79, https://www.francophonie.org/loif-soutient-4-projets-dexcellence-en-faveur-de-la-diversite-linguistique-1794

29 Brochure L’intercompréhension, Références 2016, en collaboration OIF – DGLFLF : https://www.culture.gouv.fr/Sites-thematiques/Langue-francaise-et-langues-de-France/Politiques-de-la-langue/Multilinguisme/References-Intercomprehension

30 Álvarez D., Chardenet P., Tost M. (coord.) (2011), L’intercompréhension et les nouveaux défis pour les langues romanes, Paris : Union Latine. http://www.unilat.org

31 https://www.auf.org/nos-actions/toutes-nos-actions/college-doctoral-regional-andin-soutien-aux-etudes-doctorales/

32 http://www.fhuce.edu.uy/images/Administracion_de_la_ensenanza/par2018programas/CELEX/IntercomprensionFP.pdf

33 Gaiotti C., Masello L., Lousada E., Bevilacqua S. (2016), « Le réseau CLEFS - AMSUD : un nouveau chantier de recherche et d’action associative », Le français à l'université , 21.02.2016,   http://www.bulletin.auf.org/index.php?id=2244

34 Contrebalancé par les initiatives citoyennes comme le Forum Social Mondial de Porto Allegre.

35 https://www.euractiv.fr/section/l-europe-dans-le-monde/news/costa-rican-diplomat-latin-america-eu-alliance-crucial/

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Mathilde Anquetil, « L’intercompréhension entre langues voisines : un rôle à jouer dans les sociétés mondialisées au sein d’une Europe fragilisée ? »Recherches en didactique des langues et des cultures [En ligne], 18-1 | 2021, mis en ligne le 17 mai 2021, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rdlc/8663 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rdlc.8663

Haut de page

Auteur

Mathilde Anquetil

Università di Macerata (Italie)

M. Anquetil enseigne le français à l’Université de Macerata en Italie dans un département de Sciences Politiques, Communication et Relations internationales. Ses recherches portent sur la didactique des langues, les politiques linguistiques, la Francophonie, l’intercompréhension, l’analyse du discours. Dans le domaine de l’intercompréhension elle a participé aux projets européens Galanet, Galapro, Miriadi et Evalic.
Page professionnelle : http://docenti.unimc.it/mathilde.anquetil
Courriel : m.anquetil@gmail.com

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search