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La convergence technoscientifique et ses traductions politico-institutionnelles, professionnelles et organisationnelles

Le cas des nanosciences et nanotechnologies en Argentine
Technoscientific convergence and its political-institutional, professional and organizational translations. The case of nanoscience and nanotechnology in Argentina
La convergencia tecnocientífica y sus traducciones político-institucionales, profesionales y organizacionales. El caso de las nanociencias y nanotecnologías en Argentina
Matthieu Hubert, Ana Spivak L’Hoste et Bárbara Burton

Résumés

Au cours des dernières décennies, la notion de convergence technologique (ou technoscientifique) a suscité de nombreuses promesses dans l’élaboration des politiques scientifiques et technologiques, notamment dans les pays du Nord. Cet article traite des effets des promesses de convergence dans un pays du Sud, l’Argentine, en l’appliquant au cas des nanosciences et nanotechnologies. En s’appuyant sur les résultats de différentes enquêtes qualitatives, il examine dans quelle mesure et comment cette convergence se traduit dans la conception de nouvelles politiques de recherche et d’innovation, la redéfinition progressive et partielle des identités professionnelles des chercheurs et la création de nouvelles entités organisationnelles qui articulent secteurs public et privé. L’approche retenue ne consiste pas à définir a priori la notion de convergence, ni à la différencier d’autres concepts proposés par les études sociales des sciences et des techniques, mais plutôt à analyser comment elle opère concrètement dans le domaine étudié.

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Notes de la rédaction

Ce texte a été auparavant publié en espagnol dans le numéro 55 de la revue Nómadas (https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.30578/nomadas.n55a3). La version en français a été modifiée en fonction des demandes du Comité de rédaction de la Revue d'Anthropologie des Connaissances.

Texte intégral

Introduction

1La notion de convergence technologique (ou technoscientifique) a pris de l’importance dans l’élaboration des politiques scientifiques et technologiques au cours des dernières décennies. Apparu dans les années 1960, ce terme est depuis longtemps associé aux dynamiques de rapprochement technologique, organisationnel et sectoriel qui façonnent les industries de l’électronique (y compris de la microélectronique), des télécommunications et, plus généralement, de ce que l’on appelle les « nouvelles technologies de l’information et de la communication » (NTIC) (Belmont et al., 2021 ; Gonzáles, 2021 ; Miège & Vinck, 2011). Depuis les années 2000 et la forte impulsion donnée par le gouvernement américain dans le cadre de la National Nanotechnology Initiative (NNI), suivie par de nombreuses autres initiatives nationales qui s’en sont plus ou moins inspirées, sa signification s’est encore enrichie pour désigner l’ensemble des recherches scientifiques et des développements technologiques fondés sur les rapprochements entre nanotechnologies, biotechnologies, technologies de l’information et technosciences cognitives (la fameuse convergence NBIC) (Roco & Bainbridge, 2002 ; Nordmann, 2004). Depuis lors, la trajectoire du concept a été étroitement associée à l’émergence des nanosciences et nanotechnologies en tant qu’ensemble de connaissances, d’outils et de techniques permettant de dépasser les frontières disciplinaires et de développer de nouvelles applications (Belmont et al., 2021 ; Gonzáles, 2021).

  • 1 Alors que le rapport américain assigne un objectif explicite à la convergence (l’amélioration des p (...)
  • 2 Voir Miège et Vinck (2011) pour une revue des significations de la convergence et des perspectives (...)

2De fait, en travaillant sur des objets à la même échelle nanométrique, les recherches en nanosciences et nanotechnologies permettent de rapprocher différents domaines de connaissance. A cette échelle, physiciens, chimistes, biologistes et ingénieurs étudient les mêmes objets de recherche et les manipulent avec les mêmes techniques (par exemple, la microscopie à effet tunnel). Avec ces rapprochements, le domaine des nanosciences et nanotechnologies se présente donc comme un cas emblématique de la traduction des promesses de convergence technoscientifique annoncées au début du siècle aux États-Unis (Roco & Bainbridge, 2002) et en Europe (Nordmann, 2004)1. Si celle-ci a été étudiée sous différents angles et dans divers domaines technoscientifiques dans les pays du Nord2, cet article examine comment la convergence opère dans un pays d’Amérique latine : l’Argentine. Son objectif est d’analyser les effets des promesses de convergence dans un contexte aux caractéristiques socio-économiques et technoscientifiques très différentes de celui dans lequel elles ont été formulées (Vessuri, 2008). Pour cela, il est nécessaire d’aller au-delà de la caractérisation de la convergence comme le résultat d’un processus de rapprochement entre différents domaines de connaissances qui, dans le cas des nanosciences et nanotechnologies, ne se produirait que grâce à l’échelle commune (l’échelle nanométrique).

3Nous examinerons donc comment la convergence est également le produit de pratiques et de trajectoires institutionnelles, professionnelles et organisationnelles qui ne concernent pas uniquement le domaine des nanosciences et nanotechnologies (voire précèdent son émergence). Il convient de noter que, dans le cadre de cet article, notre intérêt pour la convergence ne vise pas à faire avancer son développement conceptuel ou à appliquer cette notion à des études de cas, mais plutôt à explorer son potentiel pour rendre compte d’expériences vécues, de significations perçues et de tensions qui concernent aussi bien les transformations du travail scientifique que les politiques de recherche et d’innovation. En ce sens, notre approche ne consiste pas à définir a priori la notion de convergence, ni à la différencier d’autres concepts proposés par les études sociales des sciences et des techniques, mais plutôt à analyser comment elle opère concrètement dans le domaine que nous étudions.

  • 3 L'article est issu de la convergence de deux projets de recherche financés par l’Agence nationale p (...)
  • 4 La première recherche mentionnée dans la note de bas de page précédente s’appuie sur des entretiens (...)

4Notre recherche s’articule autour de deux questions centrales : comment et dans quelle mesure la convergence se traduit-elle dans les politiques de recherche et d’innovation, dans la réorientation des trajectoires professionnelles des scientifiques (et de leurs agendas de recherche), ainsi que dans des réorganisations institutionnelles ou la création de nouvelles entités organisationnelles ? Et quelles limites et résistances ces transformations rencontrent-elles ? Nous apporterons des réponses à ces questions en examinant les résultats de trois projets de recherche que nous avons menés au cours des dernières années et qui ont pour point commun d’explorer les nanosciences et nanotechnologies en Argentine selon différentes approches3. Dans les trois projets, nous avons utilisé des méthodes qualitatives dans lesquelles nous avons privilégié les entretiens approfondis, les observations dans divers lieux associés au développement de ce domaine de recherche et d’innovation, ainsi que l’analyse de divers documents et sources écrites (rapports, courriels, articles journalistiques et scientifiques, informations en ligne, etc.)4.

5Le texte est divisé en trois sections. Chacune d’entre elles se concentre sur un niveau d’analyse de la convergence dans le domaine des nanosciences et nanotechnologies en Argentine. Dans la première section, nous analysons la convergence au niveau politico-institutionnel, en considérant les mécanismes de promotion et de financement de ce domaine. Dans la seconde, nous nous concentrons sur les trajectoires professionnelles des scientifiques pour étudier dans quelle mesure la convergence se traduit par la reconfiguration des identités professionnelles. Dans la troisième partie, nous étudions la convergence au niveau organisationnel en examinant le cas de la création d’une entreprise technologique par des scientifiques du secteur public. Enfin, dans la conclusion, nous revenons sur ces différents niveaux d’analyse et leur articulation possible pour rendre compte de la convergence et de ses diverses traductions dans le contexte argentin.

La convergence au niveau politico-institutionnel

6Dans cette section, notre objectif est de préciser comment l’émergence des nanosciences et nanotechnologies en tant que domaine technoscientifique interdisciplinaire s’est traduite dans les politiques de recherche et d’innovation en Argentine. En particulier, nous nous focaliserons sur la création d’institutions et de programmes de financement qui facilitent la convergence entre activités et professionnels issus de différentes disciplines et spécialités scientifiques et techniques.

La convergence comme politique de recherche et d’innovation

7Le gouvernement des Etats-Unis a lancé une initiative nationale sur les nanotechnologies (national nanotechnology initiative) en 2000. En adaptant localement ce modèle visant à financer massivement la recherche et développement (R&D) dans ce domaine par le biais de diverses agences (NSF, NIH, DoE, etc.), d’autres initiatives similaires ont été lancées dans le reste du monde (Louvel & Hubert, 2016), y compris en Amérique latine (Invernizzi et al., 2014). Par ailleurs, les États-nations n’ont pas été les seuls à promouvoir cette nouvelle priorité. Des agences internationales (Foladori et al., 2012) et de grandes entreprises multinationales ont également investi dans ce secteur depuis les années 1990 (Mody, 2006). En Amérique latine, les communautés scientifiques nationales ont vu dans l’émergence de ce domaine l’occasion de mettre en place de nouveaux projets technoscientifiques et de solliciter des fonds pour l’achat de technologies de recherche sophistiquées (infrastructures de R&D, instruments, etc.), devenues de plus en plus indispensables pour réaliser une recherche de pointe (Hubert & Spivak L’Hoste, 2009 ; Invernizzi et al., 2014).

  • 5 Il s’agissait des réseaux suivants : « Matériaux nanostructurés et nanosystèmes », « Nanosciences e (...)

8En Argentine, les nanosciences et nanotechnologies ont été définies, avec les biotechnologies et les technologies de l’information et de la communication, comme une priorité des politiques du Secrétariat national des sciences et des technologies (SECyT) en 2003. L’année suivante, l’Agence nationale pour la promotion de la recherche, du développement technologique et de l’innovation (Agencia I+D+i) a appelé, par le biais de son programme de financement des domaines dits « vacants », à la constitution de quatre réseaux de coopération pour coordonner les recherches des quelque trois cents scientifiques argentins qui participaient alors à ce domaine émergent (Spivak L’Hoste et al., 2012). Il s’agissait là du premier instrument de politique scientifique qui a permis, en Argentine, la convergence de plusieurs communautés scientifiques composées de physiciens, de chimistes, d’ingénieurs et de biologistes autour de sujets et d’objets de recherche à l’échelle nanométrique5.

9Le second instrument a été le résultat d’une initiative du ministère de l’économie et de la production, en 2005, visant à promouvoir des projets dans ce domaine : la création de la Fondation argentine des nanotechnologies (FAN). Cette fondation a financé, après un premier appel à propositions, neuf projets ayant une orientation appliquée et la participation d’acteurs industriels qui étaient tenus de contribuer à hauteur d’au moins 20 % de la valeur totale du financement. Après le transfert, en 2007, de la FAN depuis le ministère de l’économie et de la production vers le ministère de la science, de la technologie et de l’innovation productive (MINCYT), ses activités ont été réorientées vers la communication et la promotion des nanotechnologies dans les écoles secondaires (programme Nano por un día) et les universités (programme Nano U), l’incubation de projets d’entrepreneuriat en nanotechnologies (voire microtechnologies) et l’organisation d’événements visant à réunir les acteurs publics et privés (notamment les rencontres Nanomercosur) (Surtayeva, 2019).

  • 6 Parmi les autres initiatives, citons la création du Centre binational argentino-brésilien de nanote (...)

10Ces deux premiers instruments (les réseaux de coopération et la Fondation argentine des nanotechnologies) ont favorisé la convergence de plusieurs acteurs de la recherche et de l’innovation dans le domaine des nanosciences et nanotechnologies. S’y sont ajoutées des initiatives visant à renforcer l’institutionnalisation et la visibilité du domaine6. Ces initiatives étaient de deux types. D’une part, celles qui ont réuni des acteurs de la recherche publique, structurant des communautés scientifiques susceptibles de participer à la recherche en nanosciences et nanotechnologies. D’autre part, celles qui ont favorisé la convergence entre les acteurs publics et privés, dans le but d’encourager leur participation conjointe à des projets technologiques à vocation industrielle.

11Dans les deux sections suivantes, nous examinerons plus en détail ces deux types d’instruments, en soulignant, pour ce qui concerne le premier type, les différenciations et les tensions internes qui sont apparues dans les processus de structuration des communautés « nano » et, pour ce qui concerne le second type, la manière dont certains de ces instruments ont ouvert la voie à une participation accrue de l’industrie. Par ailleurs, il convient de noter que les politiques en matière de nanosciences et nanotechnologies en Argentine, contrairement à d’autres pays, se sont concentrées sur les secteurs scientifique et industriel. D’autres groupes sociaux potentiellement intéressés (syndicats, étudiants, groupes de consommateurs, etc.) n’ont pas eu une participation significative dans la formulation des attentes et des demandes venant de la société (Hubert, 2014).

Les dispositifs pour organiser la convergence entre communautés scientifiques

12Dans les années 2000, la possibilité d’accéder aux financements offerts par les programmes nationaux et internationaux en nanosciences et nanotechnologies a progressivement réorienté les agendas de recherche vers des objets d’étude à l’échelle nanométrique. Les analyses scientométriques (voir, par exemple, Albornoz et al., 2008 ; MINCYT, 2009) montrent que cette réorientation des agendas en Argentine a eu des effets similaires à ceux observés dans d’autres pays. Ce faisant, trois disciplines (physique, chimie et sciences des matériaux) ont partiellement convergé vers ce domaine et certaines spécialisations comme l’étude des polymères et la biochimie ont pris une place grandissante. Cette structuration se reflète, par exemple, dans l’organisation disciplinaire et la division thématique des quatre réseaux de coopération mentionnés dans la section précédente.

  • 7 Par exemple, le rapport 2009 du Boletín Estadístico Tecnológico du Ministerio de Ciencia, Tecnologí (...)
  • 8 C'est également ce qu’ont observé Vinck et Robles (2012).

13En cartographiant les domaines et les thèmes de recherche des principales institutions technoscientifiques du pays, ces études scientométriques montrent, de manière générale, comment les politiques publiques visant à promouvoir la convergence ont également produit des différenciations à l’intérieur du domaine des nanosciences et nanotechnologies. Sans entrer dans les détails, ce type de cartographie montre non seulement la diversité des objets, des techniques, des approches et des connaissances sur le terrain, mais aussi la spécialisation relative de certaines institutions locales7. En particulier, en descendant à cette échelle institutionnelle, on observe la coexistence de plusieurs dynamiques de convergence (inter ou intra-disciplinaires, inter ou intra-institutionnelles) qui ne peuvent être réduites à un seul processus univoque de convergence de type fusion disciplinaire8. Il s’agit plutôt de dynamiques de différenciation dans lesquelles les institutions cherchent avant tout à se spécialiser de manière différenciée (par une approche ou une technique instrumentale) dans un sujet étiqueté « nano » (Hubert, 2016).

14Cette structuration souple et progressive de différentes communautés « nano » qui coexistent au sein d’un même domaine de recherche est cohérente avec la structuration ascendante promue par les dispositifs politiques – par exemple, les réseaux cités précédemment – qui favorisent, sans les forcer, les rapprochements entre communautés scientifiques. Comme nous le verrons dans la section suivante, cette structuration devient plus forcée et restrictive pour les dispositifs favorisant la convergence entre science et industrie.

Les dispositifs pour structurer la convergence entre acteurs académiques et industriels

  • 9 Les fonds sectoriels (FONARSEC) sont une des initiatives centrales du plan national « Argentina Inn (...)

15Un autre type de convergence résultant des politiques de soutien aux nanosciences et nanotechnologies est celui qui lie les scientifiques et l’industrie. À cet égard, l’initiative ayant eu le plus grand impact été la création des fonds d’investissements sectoriels FONARSEC dédiés à ce domaine (FS-nano). Ces fonds ont été créés par l’Agence I+D+i en 2009 pour financer des projets visant à développer des technologies dans des domaines prioritaires en vue de leur transfert vers le secteur productif et, parallèlement, pour promouvoir les liens (encore rares) entre les activités scientifiques et technologiques développées par les institutions publiques et les attentes de la société (MINCYT, 2012)9. Le fonds sectoriel dédiés aux nanotechnologies (FS-Nano) a ainsi financé une douzaine de « consortiums public-privé » dont les résultats ont été mitigés en termes d’impact productif (Surtayeva, 2019).

16Ce fonds sectoriel a néanmoins marqué une rupture dans la manière dont les politiques publiques ont envisagé la convergence technoscientifique. En effet, entre 2003 et 2008, les instruments de la politique de recherche et d’innovation visaient à structurer et à institutionnaliser, comme nous l’avons vu, des communautés « nano » dont l’objectif principal était de produire de la science fondamentale. La mise en œuvre du FS-Nano a permis la formation de réseaux d'acteurs plus hétérogènes. Dans cette optique, l’objectif des « consortiums public-privé » était de développer des recherches orientées vers la conception et la fabrication de nouveaux nano-objets et nanosystèmes et, par la suite, leur transfert à des acteurs industriels de différents secteurs (métallurgie, mécanique, santé, cosmétique, agro-industrie). Ainsi, alors que les premières politiques publiques de promotion des nanosciences et nanotechnologies visaient à organiser la convergence entre différentes communautés scientifiques et différentes institutions publiques, l’approche a changé à partir de 2009. Avec le FS-Nano, les politiques publiques se sont alors concentrées sur la promotion de la convergence entre recherche fondamentale, recherche appliquée et transfert de technologie afin de générer une coordination durable entre les secteurs public et privé, mais aussi de garantir l’applicabilité (et, en fin de compte, l'intérêt commercial) des innovations technologiques développées au sein des laboratoires.

17Ainsi, depuis la fin des années 2000, et même si l’impact du fonds sectoriel en nanotechnologies est mitigé, sa création marque un renouvellement des principes de financement de la recherche et de l’innovation, qui coïncide notamment avec la création du ministère de la science et de la technologie (MINCYT) en 2008. Si l’objectif premier de ce renouvellement était de donner une plus grande pertinence socio-économique aux travaux et aux résultats des groupes et institutions scientifiques participant au fonds sectoriel, il s’agissait aussi, de manière plus indirecte et plus diffuse, d’inciter les communautés scientifiques nationales, au-delà des équipes et des institutions directement concernées par ces financements, à repenser les formes de valorisation du travail de recherche et ses règles d’évaluation, dans un contexte où l’article scientifique constitue la norme, en tant que principal produit et objet d’évaluation du travail scientifique (Velho, 2011).

18Finalement, les instruments qui ont favorisé la convergence, en structurant des communautés « nano » ou en organisant des rapprochements entre acteurs publics et privés, n’ont pas seulement réorienté les agendas de recherche. Ils ont également façonné des transformations plus profondes du travail scientifique qu’il convient d’examiner plus en détail. Pour cela, il est utile d’interroger les chercheurs pour leur demander comment ils se sont approprié ces nouveaux instruments de politique publique et les nouvelles normes de travail que ces instruments véhiculent.

La convergence au niveau professionnel

19Dans la section précédente, nous avons vu qu’au niveau politico-institutionnel, les nanosciences et nanotechnologies sont perçues comme un catalyseur de convergence entre les disciplines et spécialités technoscientifiques, avec un fort potentiel d’applications techniques et industrielles. Cependant, le niveau politico-institutionnel n’est pas le seul pertinent pour étudier les modalités et les nuances de la convergence technoscientifique dans ce domaine. Dans cette section, nous nous intéressons au niveau des trajectoires professionnelles afin d’identifier certains traits caractéristiques des transformations du travail scientifique impliquées par la convergence. À cette fin, nous abordons les trajectoires de scientifiques au profil particulier, puisqu’ils ont connu (ou connaissent) une bifurcation et redéfinissent ainsi progressivement leur identité professionnelle présentant initialement les traits de la recherche fondamentale vers une recherche plus appliquée. Les expériences vécues par ce type de profils nous permettent de montrer différentes manières de vivre et de donner du sens au processus qui mène à cette nouvelle identité professionnelle, que nous qualifions d’hybride.

Vers une nouvelle identité professionnelle hybride ?

20En quoi consistent les fondements de cette nouvelle identité professionnelle hybride ? De manière générale, et comme nous le développerons dans la suite de cette section, cette identité rassemble des pratiques et des significations associées, d’une part, à la production de la science fondamentale et, d’autre part, au développement technologique et à la résolution de problèmes spécifiques. Ce processus de convergence se traduit notamment par l’introduction de multiples activités associées au développement technologique dans le travail scientifique : planification des objectifs conjointement avec les entreprises, développement de prototypes, sous-traitance à des professionnels externes, recherche d’investisseurs, tâches de recherche associées aux tests expérimentaux de nouveaux produits, etc.

21L’introduction de ces nouvelles activités dans les habitudes académiques ne signifie pas l’exclusion du répertoire des tâches qui occupaient auparavant les chercheurs. Ceux-ci continuent de publier des articles dans des revues internationales prestigieuses, d’expérimenter sur des problèmes considérés comme fondamentaux, d’effectuer des tâches d’enseignement, etc. Cependant, comme une grande partie du temps et de l’intérêt du travail commence à se concentrer sur le développement technologique, les chercheurs sont obligés d’adapter leurs pratiques quotidiennes et d’apprendre à gérer de nouvelles exigences, contraintes et ressources. Cette adaptation jette les bases d’une nouvelle identité professionnelle qui oriente les pratiques et les décisions vers l’avancement du projet technologique, tout en s’ajoutant à l’accomplissement d’obligations et de responsabilités antérieures.

22Concrètement, comment les chercheurs interrogés décrivent-ils leur participation au développement d’un projet technologique ? D’abord, comme une activité qui mobilise non seulement des compétences techniques et des connaissances théoriques accumulées au cours d’expériences antérieures, mais aussi la motivation personnelle et le désir de faire « quelque chose d’utile pour la société ». Pour reprendre les termes d’une personne interrogée qui décrit sa formation dans les institutions publiques comme un investissement : « vous pouvez rendre à la société quelque chose de ce qu’elle a investi en vous ». Cette utilité implique l’expression d’une demande émanant d’acteurs considérés comme « externes » à la profession académique. La satisfaction de cette demande implique une réorientation de leurs priorités et de leurs activités quotidiennes, une rupture dans leurs trajectoires de travail que les chercheurs eux-mêmes décrivent jusqu’alors en termes de continuité, depuis les étapes de la formation et de la mobilité professionnelle initiale (beaucoup ont eu des expériences prolongées dans des laboratoires de pays étrangers), tandis qu’ils identifient des ajustements importants dans les agendas de recherche, les activités expérimentales et l’organisation de leur travail lorsqu’ils se retrouvent impliqués dans des activités de développement technologique. Ces ajustements marquent une redéfinition progressive de leur identité professionnelle antérieure. Comme le dit un chercheur interrogé : « faire de la technologie vous fait sortir de l’environnement confortable dans lequel vous étiez établis ».

23Un autre changement caractéristique produit par la convergence des pratiques et des significations dans cette nouvelle identité professionnelle hybride est le caractère inconditionnel des objectifs fixés au début des projets que les chercheurs entreprennent. Dans le cadre d’un travail scientifique (académique), les objectifs du projet sont ajustés au fur et à mesure de l’avancement du projet, en fonction des résultats obtenus et de leurs interprétations. Les résultats intermédiaires peuvent, au moins partiellement, réorienter le cours du projet et ses objectifs. Dans le cadre d’un travail technologique, au contraire, de tels ajustements en cours de projet ne sont pas possibles, puisque les fonctionnalités d’un dispositif technique conçu ne peuvent pas varier de manière significative, comme nous l’assure l’une des personnes interrogées : « si ça ne peut pas aller par ici, ça peut aller par-là, mais il faut que ça arrive. Vous ne pouvez pas dire que je n’aime pas cette montagne, alors je vais aller sur une autre montagne. Vous devez atteindre cet objectif ». Ainsi, l’inconditionnalité des objectifs initiaux du projet guide non seulement l’agenda de recherche, mais aussi l’organisation et les contraintes qui pèsent sur le travail quotidien.

24Cette convergence vers une identité professionnelle de « scientifique-technologue » (c’est le terme utilisé par un des chercheurs interrogés) a également des effets sur la gestion et l’aménagement du temps de travail au quotidien. Avec la participation à des projets de développement technologique, les marges temporelles deviennent plus rigides, comme l’indique une personne interrogée : « la partie technologique a des échéances et les livrables intermédiaires sont importants ». Si les contingences, les découvertes inattendues et les processus interactifs d’essais et d’erreurs sont des caractéristiques appréciées du travail expérimental des scientifiques, ces mêmes éléments retardent l’avancement d’un projet technologique. Ces complications ne sont généralement pas le résultat de défaillances individuelles mais de l’adaptation des scientifiques à un calendrier, le calendrier industriel, qui leur est étranger. Ces exigences temporelles et les ajustements organisationnels qu’elles impliquent (que ce soit l’accélération du rythme des « livrables » intermédiaires ou la réduction de la durée globale du projet) affectent les liens entre le monde universitaire et l’industrie et rendent difficile la participation des chercheurs en formation (notamment les doctorants) à des projets technologiques souvent incompatibles avec les calendriers des programmes d’études.

25Ainsi, le processus de convergence vers cette identité hybride est marqué, d’une part, par des changements dans la manière de construire l’objet de recherche en relation avec des acteurs « externes » (en dehors du monde académique) et dans la façon de définir les objectifs du projet technologique (en particulier, le caractère inconditionnel des objectifs fixés au début du projet). D’autre part, ce processus est aussi marqué par des contraintes liées aux temporalités restrictives du travail technoscientifique « en mode projet » et, comme nous le verrons dans la section suivante, par des divergences concernant les critères d’évaluation qui encadrent et guident le travail de recherche.

Au-delà des frontières, un processus de convergence incertain

26D’une manière générale, lorsqu’ils tentent de décrire ce qui caractérise l’identité professionnelle de ce profil hybride de « scientifique-technologue », les chercheurs soulignent un aspect essentiel : les difficultés qu’ils rencontrent lorsqu’ils travaillent au-delà des frontières disciplinaires, organisationnelles ou professionnelles. Si le travail interdisciplinaire, inter-organisationnel et interprofessionnel est souvent la norme pour mener à bien un projet technologique, surtout s’il s’agit de nanotechnologies, les différences de critères d’évaluation des connaissances produites et des chercheurs dans leurs propres univers professionnels ou contextes organisationnels impliquent, selon les personnes interrogées, des complications dans le travail et des sacrifices en termes d’avancement de la carrière académique. Ce sont ces difficultés et incertitudes liées au processus de convergence vers une identité professionnelle hybride que nous abordons rapidement ici.

27Comment évoluent les compétences des scientifiques lorsqu’elles sont adaptées aux exigences de ces nouveaux critères d’évaluation ? Alors que leur objectif principal était de publier leurs travaux dans des revues scientifiques, la convergence vers cette nouvelle identité professionnelle implique d’autres objectifs. Les projets de développement technologique peuvent inclure la production d’articles, mais la matérialisation de leurs résultats privilégie d’autres types de produits tels que des prototypes, des brevets, voire des plans d’affaires (business plan). Avec ces nouveaux objectifs, les engagements et le travail des scientifiques impliqués dans le développement technologique se traduisent, dans certains des témoignages recueillis, par des doutes et des incertitudes sur la manière de mener à bien des activités telles que la gestion de la propriété intellectuelle : « c’est tout un monde, les brevets, des zones très obscures, mais pas parce que c’est mauvais, mais parce qu’on ne sait pas comment s’y prendre ».

28Selon les chercheurs interrogés, ces difficultés liées aux objectifs et aux critères d’évaluation sont exacerbées par la division des responsabilités et des tâches en coopération avec des acteurs qu’ils ou elles considèrent comme « externes ». Les « consortiums », en particulier, impliquent la signature d’accords entre des acteurs du secteur public (universités, centres de R&D, etc.) et du secteur privé (entreprises, ONG, etc.) pour coordonner l’avancement du programme à visée technologique – dans le cadre, par exemple, d’instruments de financement tels que les fonds sectoriels déjà présentés auparavant. Et, dans de nombreux cas, les scientifiques font état de conditions ou de circonstances incertaines pour la gestion des situations liées à l’avancement des projets en collaboration avec ces acteurs. Ils attribuent les plus souvent cette confusion à un manque de compétences propres, ainsi qu’à une absence de capacités administratives et institutionnelles.

29Une autre des incertitudes produites par le processus de réorientation vers les activités à dominante technologique concerne la manière de gérer conjointement les ressources humaines impliquées et les différents matériaux, infrastructures et équipements nécessaires à leur réalisation. À cet égard, les chercheurs soulignent les négociations permanentes qu’ils doivent mener pour se repositionner dans les institutions qui les emploient et obtenir les marges de manœuvre nécessaires au bon déroulement du projet. Ces négociations, qui se déroulent généralement sur une base individuelle, témoignent des inadéquations institutionnelles vis-à-vis des nouvelles exigences imposées aux « scientifiques-technologues ». Par exemple, la part de leur charge de travail qui peut être consacrée aux développements technologiques, le temps que les doctorant peuvent consacrer à ces projets, ou encore les modalités d’accès, d’utilisation et d’entretien des dispositifs expérimentaux (instruments et fournitures) achetés et entretenus par ces institutions (ou achetés avec des subventions externes, mais installés dans des bâtiments appartenant à ces institutions) sont des enjeux qui mettent les règles de fonctionnement habituelles à rude épreuve. Ils exigent de nouveaux compromis avec les collègues et les responsables institutionnels dans des contextes où les règles sont généralement vagues, tacites ou incertaines. Pour reprendre les termes d’une personne interrogée : « il y a un manque de réglementation et un manque de pratique dans les institutions pour le faire ». Le problème devient encore plus sensible lorsque les « scientifiques-technologues » tentent de lancer des entreprises commerciales sur la base de développements réalisés dans des institutions scientifiques publiques (comme nous l’illustrerons dans la section suivante).

30Ainsi, le processus de convergence vers une identité professionnelle hybride montre le manque de compétences, de formation et d’un environnement institutionnel favorable pour répondre aux nouvelles exigences et activités qui s’ajoutent aux anciennes (au lieu de les remplacer). Toutefois, comme le signalent aussi les personnes interrogées, ce processus ouvre de nouvelles opportunités dont elles profitent pour se redéfinir professionnellement tout en s’adaptant aux ressources et aux conditions de travail existantes. Dans la section suivante, nous approfondissons ces logiques individuelles et collectives qui favorisent la participation et l’engagement de scientifiques du secteur public dans le développement d’un projet de création d’une entreprise technologique.

La convergence au niveau organisationnel

  • 10 Profil Twitter de l'un des fondateurs de GLIT.

Bridging the gap between academia and industry while playing with small, tiny puzzles10

  • 11 Pour des raisons de confidentialité, un nom fictif est utilisé pour désigner l’entreprise.
  • 12 Les microtechnologies ( 100 nanomètres) ont une taille plus grande que les nanotechnologies (entre (...)

31Dans cette section, nous présentons quelques éléments déclencheurs de la convergence entre activités scientifiques, développements technologiques et attentes socio-économiques. À cette fin, nous examinons le cas d’une entreprise technologique – c’est-à-dire une entreprise qui exploite de nouveaux produits ou services issus de la recherche technoscientifique en comblant, comme le souligne l’un de ses fondateurs de l’entreprise sur son profil Twitter cité plus haut, le fossé entre le monde universitaire et l’industrie. La société, que nous appellerons GLIT11, a été fondée il y a cinq ans par des chercheurs du secteur public ayant une expérience de la R&D en « micro et nanotechnologies »12. Dans un premier temps, nous aborderons le processus qui a donné naissance à cette nouvelle entité organisationnelle et, ensuite, nous identifierons certaines des caractéristiques qui font de cette entité un espace permettant, d’une part, la consolidation d’identités hybrides telles que celles évoquées dans la section précédente et, d’autre part, la convergence entre des pratiques et des imaginaires issus du monde académique et de l’entreprise.

Faire converger solutions technologiques, attentes professionnelles et demandes sociales

  • 13 Le complexe CAB-IB regroupe un centre public de R&D et un établissement public d'enseignement supér (...)

32GLIT est une entreprise technologique qui utilise des microtechnologies pour des applications biomédicales. Elle a été créée en 2014 par deux physiciens travaillant dans un organisme public de recherche et de formation scientifique, le Centre atomique de Bariloche – Institut Balseiro (CAB-IB)13. Elle a pour mission le développement et la commercialisation d’un dispositif permettant de mesurer la viscosité des fluides à l’aide de techniques fonctionnant à l’échelle micrométrique. A l’origine de ce développement, il y a une demande qui a été formulée par un médecin néonatal travaillant dans un hôpital local. En effet, ce médecin était à la recherche d’un instrument permettant de mesurer la viscosité du sang des nouveau-nés et de détecter, à un stade précoce, un ensemble de pathologies spécifiques. La demande de ce professionnel de santé de Bariloche, la ville où se trouve le CAB-IB, a circulé de bouche à oreille parmi les groupes de recherche de l’institution publique, jusqu’à ce qu’elle parvienne à un chercheur qui a décidé de la traduire en problème de recherche. Rapidement, ce chercheur a proposé à un étudiant du master de physique technologique, un cursus enseigné au sein de la même institution, de diriger sa thèse sur ce sujet (la mesure de la viscosité d’une goutte de sang).

33L’étudiant qui a accepté la proposition avait déjà exprimé sa volonté de faire des recherches sur « quelque chose d’appliqué ». Avant le choix final de son sujet de recherche, il avait envisagé et écarté d’autres options jugées trop proches de l'ingénierie (« j'assemble une pièce d’équipement, je la teste, et c'est tout », regrettait-il dans une interview). Lui ne voulait pas faire un travail d’ingénierie pure, mais plutôt de la « recherche technologique ». Ces deux centres d’intérêt (faire de la recherche et travailler sur la technologie) étaient selon lui difficiles à intégrer dans un même sujet de thèse, car ils s’inscrivaient dans des spécialités distinctes : d’un côté, la physique fondamentale et, de l’autre, l’ingénierie. La proposition d’un sujet de thèse concernant cette technique de mesure de la viscosité a donc constitué pour lui une véritable opportunité, en permettant la convergence de ses deux centres d’intérêt.

34L’étudiant et son directeur de thèse ont donc pu se lancer dans la réalisation de divers tests expérimentaux. Tout d’abord, ils ont utilisé une méthode de mesure dite de magnétométrie qui ne leur permettait pas d’atteindre les objectifs fixés. Après avoir examiné d’autres alternatives techniques possibles, ils ont testé la possibilité de déterminer la viscosité d’une goutte de sang en mesurant la vitesse à laquelle le fluide s’écoule sur une surface définie. La technique de mesure a consisté à utiliser des puces avec des microcanaux à travers lesquels le fluide puisse s’écouler. Ces puces étaient conçues et fabriquées dans le laboratoire auquel ils appartenaient tous les deux, un laboratoire également en charge de concevoir des équipements électroniques capables de recueillir les données. Ce nouvel essai a abouti en s’appuyant, d’une part, sur l’expérience passée du chercheur, consolidée par des décennies de travail scientifique sur ces questions, et, d’autre part, sur les compétences matérielles et techniques du laboratoire, qui se sont élargies ces dernières années grâce à l'impulsion des politiques de promotion de la recherche et de l’innovation que nous avons vues dans la première section.

35Une fois la technique de mesure résolue, le directeur et l’étudiant ont décidé de franchir une nouvelle étape : avancer dans la conception d’un prototype d’équipement qui permette l’application de cette technique de mesure non pas seulement en laboratoire mais aussi dans les hôpitaux ou d’autres centres de santé. Autrement dit, tout comme la question de recherche qui a conduit au développement de la technique de mesure était issue d’une demande externe (la demande d’un médecin néonatal), l’utilisation de la technique pour les contrôles sanitaires devait également répondre à des exigences externes (celles des hôpitaux). Dans ce but, et dans le cadre d’un cours du même master, les deux protagonistes ont élaboré un plan d’affaires pour leur produit, qu’ils ont appelé le microviscosimètre. Le plan d'affaires a ensuite été présenté à un concours d’innovation technologique de l’IB, « l’IB50K », qu’ils ont remporté en 2010. Le montant du prix (cinquante mille dollars) a été leur premier financement direct. Le projet a également été adapté à la formulation d’un plan de demande de bourse doctorale pour l’étudiant. Ce plan, qui visait à avancer dans la conception et la fabrication du prototype de microviscomètre, ainsi qu’à industrialiser le processus de fabrication des puces nécessaires à celui-ci, a obtenu un financement du Conseil national de la recherche scientifique et technique (CONICET) pour la période 2011-2016.

Du projet de recherche à l’entreprise : défis et obstacles sur le chemin de la convergence entre science et industrie

36A l’origine du GLIT, il y a donc une demande extérieure, les compétences d’un laboratoire et d’un chercheur spécialiste en microtechnologies, un domaine qui présente de nombreuses perspectives de développement technologique, les attentes d’un étudiant qui veut faire « quelque chose d’appliqué » et des financements de différents types sollicités avec le même objectif : avancer dans le développement du microviscosimètre, d’abord le principe technique et ensuite le prototype. Avec un plan d’affaires primé lors d’un concours d’innovation, et parallèlement à la formation doctorale de l’étudiant, une nouvelle étape a été franchie sur la voie de la convergence entre recherche et industrie. L’histoire se poursuit ensuite avec la participation à l’appel 2014 du programme Empretecno, un programme de l’Agence nationale de financement de la recherche et de l’innovation qui est lié aux fonds sectoriels mentionnés auparavant, visant à « promouvoir le développement d’entreprises à base technologique dans différents secteurs productifs par l’application intensive de connaissances » (Kantis & Federico, 2016, p. 7).

37Retravailler le projet pour l’appel à candidatures du programme Empretecno était un défi de taille pour les porteurs du projet. La convergence des acteurs, des compétences et des développements technologiques dans une nouvelle entité organisationnelle, une « entreprise à base technologique », rendait possible le développement du microviscosimètre, mais elle a en même temps créé de nouveaux problèmes qui ont été mis en évidence dès le départ, lorsque le doctorant, accompagné par son directeur qui avait pourtant une grande expérience de la participation à des appels à projets visant à l’avancement général des connaissances scientifiques, mais beaucoup moins pour le financement d’entreprises technologiques, a commencé à remplir les formulaires de candidatures qui présentaient des caractéristiques et des exigences bien différentes.

38Les problèmes ne se limitaient pas à des questions d’écriture, de formulation ou d’adaptation du projet à d’autres types de formats. Il s’agissait également d’établir les bases de nouveaux compromis (et donc de nouvelles convergences). Alors que, dans les appels à propositions pour des projets de recherche fondamentale, la question centrale est l’accord préalable entre les membres du projet qui s’engagent conjointement à participer à son avancement, la projection commerciale d’une proposition d’entreprise technologique change profondément les règles du jeu. La candidature au programme Empretecno a nécessité, d’une part, l’engagement des institutions publiques auxquelles appartiennent le chercheur et le doctorant (CONICET et CNEA), la première en tant qu’employeur, la seconde en tant que tutelle du laboratoire dans lequel ils travaillent. En outre, l’instrument de financement imposait la participation d’une organisation du secteur privé comme membre fondateur de la nouvelle entreprise. Dans ce cas, le rôle de partenaire issu du secteur privé a été tenu par INVAP S. E., une entreprise créée en 1976 à partir d’une division de physique appliquée de la CAB-IB et connue notamment (mais pas uniquement) pour la production de réacteurs nucléaires destinés à la recherche.

39Les négociations avec les trois organisations, leurs autorités et leurs responsables en charge du transfert de technologie ont été compliquées, en particulier, en raison des réticences de la CNEA à l’égard de la création de l’entreprise. Celle-ci a notamment souligné le manque d’expérience des porteurs de projet concernant la création d’entreprise en général et l’absence de protocoles pour accompagner les propositions de développement et de commercialisation de ce projet spécifique. Tout en laissant le chercheur et le doctorant poursuivre leur travail quotidien, l’institution a retardé l’avancement du projet pendant des mois, jusqu’à ce qu’elle accepte finalement de figurer dans la candidature au programme de financement.

40Outre ces obstacles liés aux formulaires, aux instruments de financement et aux négociations inédites entre acteurs peu au fait des procédures et des enjeux, le temps nécessaire pour les résoudre empiétait sur celui que les promoteurs du projet devaient consacrer à d’autres responsabilités (avancement de leurs lignes de recherche, rédaction d’articles, conférences, rédaction de thèses, etc.). En effet, pendant qu’il s’occupait de ces tâches, le chercheur continuait (et continue toujours) à occuper son poste au CAB-IB et l’étudiant, quant à lui, poursuivait ses études doctorales. Tous deux s’accordent à dire qu’il s’agit d’un processus « lent » et « difficile » qui a nécessité l’incorporation de pratiques, de connaissances et de savoir-faire spécifiques (non seulement des compétences bureaucratiques, mais aussi des capacités de négociation). C’était aussi pour eux une période d’adaptation des horaires de travail. Comme nous l’avons évoqué dans la section précédente, les temporalités de la recherche fondamentale sont non seulement mises à rude épreuve par le respect des délais associés aux exigences externes du développement technologique, mais elles entrent aussi en tension avec la dynamique interne du projet (lorsque, par exemple, la résolution d’un problème technique ou scientifique nécessite l’utilisation d’instruments dont l’achat est lié à l’obtention de financements). Les retards dans la signature de la convention, ainsi que ceux liés à l’exécution des fonds Empretecno (quatre ans se sont écoulés entre la demande et l’arrivée de la dernière pièce d’équipement), ont entraîné des retards dans l’avancement de la recherche doctorale de l’étudiant, qui a même envisagé d’abandonner sa bourse parce qu’il ne pouvait pas avancer dans son projet doctoral. Finalement, il n’a pas baissé les bras, a réussi à publier ses résultats (une exigence pour l’obtention du doctorat) et, une fois son parcours doctoral terminé, a pu achever la fabrication des puces nécessaires à la réalisation du prototype de microviscosimètre.

Faire converger pratiques et imaginaires de la recherche et de l’entrepreneuriat dans une même organisation

41Le chercheur et l’étudiant ont été rejoints par un troisième porteur de projet lors de la création de GLIT. Contrairement aux deux autres, qui réunissaient dans l’entreprise différents intérêts pour le développement technologique d’un produit commercial dans le cadre de carrières scientifiques, le troisième membre de GLIT s’était éloigné du monde académique. Il s’agissait pourtant d’un autre physicien, dirigé par le même chercheur quelques années plus tôt lors de son doctorat, mais qui avait ensuite démissionné de son poste permanent de chercheur du CONICET parce que, selon ses termes, « il ne voyait pas l’utilité, le sens, de faire des efforts, d’écrire des articles et tout ça [...] surtout en Argentine, où l’étape suivante [faisant référence à une étape de transfert de technologie] était absente ». Au regard de ce qu’il avait vécu comme une déception lors de sa première expérience du monde académique, la possibilité qui lui a été offerte de rejoindre l’entreprise dans le rôle de dirigeant – ou, plus exactement, de Chief Executive Officer (CEO), comme il se définissait lui-même – a constitué pour lui un défi bien plus enthousiasmant. « C'est là que le déclic s’est produit pour moi. Parce que j’aime la science et la technologie, mais combinées à quelque chose de la vie réelle, contribuer d’une manière ou d’une autre, faire partie de l’économie ou des activités des gens qui vous entourent est important pour moi », déclarait-il ainsi dans un entretien.

42Depuis son arrivée dans l’entreprise, le microviscosimètre a fait l’objet de brevets appartenant au CNEA et à CONICET, déposés en Argentine, aux États-Unis, en Israël, en Allemagne, en Chine et au Brésil. L’incorporation du troisième membre de GLIT en tant que dirigeant a également apporté de nouvelles idées sur la manière dont l’entreprise devait fonctionner et se projeter dans le futur, en particulier sur l’importance de formuler une stratégie de moyen et long terme pour articuler durablement connaissances scientifiques, règles de bonne gestion et industrialisation des procédés de fabrication. Ces idées ont aussi rapproché GLIT d’un imaginaire d’entreprise bien particulier, qui met l’accent sur le rôle des individus, en particulier les « entrepreneurs », dans la promotion de l’innovation technologique et l’articulation entre science et industrie – un imaginaire qui prend notamment la Silicon Valley comme modèle.

43Ce modèle de la Silicon Valley, qui a essaimé dans différentes parties du monde, implique la concentration géographique d’organisations publiques et privées (universités, laboratoires, petites, moyennes et grandes entreprises produisant des produits et services à forte intensité de connaissances) pour maintenir des capacités scientifiques et techniques locales de pointe (y compris dans l’enseignement et la formation). Sur la base de cette concentration, des liens qu’elle est censée produire et des financements qu’elle est censée attirer, les synergies ainsi créées sont supposées déboucher sur de nouveaux projets, de nouveaux développements et de nouvelles entreprises (Lécuyer, 2005). Avec ce modèle d’écosystème entrepreneurial en tête, renforcé par sa participation à un programme de formation des cadres à la Singularity University (une organisation basée dans la Silicon Valley qui propose des formations orientées vers l’innovation et la recherche de solutions technologiques), le dirigeant de GLIT a ainsi permis la réalisation de nouvelles convergences. La première d’entre elles a été l’incorporation, au sein de cette entreprise issue du monde scientifique et universitaire, de pratiques et de termes issus de ce qu’il appelle « l’entrepreneuriat technologique ». La seconde correspond au rapprochement entre, d’une part, l’intérêt personnel de « faire quelque chose d’appliqué » et, d’autre part, la quête d’une utilité sociale traduite en termes d’objectifs commerciaux.

44En ce sens, avec l’arrivée du nouveau dirigeant, le terme de start-up a été accolé au nom de l’entreprise et de nouvelles pratiques ont été intégrées pour promouvoir le projet et l’entreprise. Ses membres ont commencé à participer à des rencontres d'entrepreneurs (meet-up) pour développer le réseau de relations de l’entreprise et diffuser son activité au sein de « l’écosystème local » de la ville de Bariloche. Ces événements visent à échanger des idées sur des produits ou services innovants ou des informations sur des projets en cours. S’ils n’ont pas d’objectif ni de structure spécifique, leur rôle est de générer des rencontres informelles où les gens circulent et dialoguent, alors que de la nourriture, des boissons et de la musique sont proposées. Les membres de GLIT (notamment son dirigeant) ont également développé et présenté, devant différents publics et à l’occasion de différents événements (tournées d’investisseurs, expositions technologiques), un elevator pitch – autrement dit, un récit structuré de trois minutes décrivant les points clés du plan d’affaires, dont l’objectif est d’interpeller des investisseurs potentiels ou de diffuser le projet technologique dans différents milieux concernés. Dans le cas de GLIT, ces activités visaient notamment à rendre le projet de microviscosimètre plus visible et à obtenir des investissements privés pour acheter de nouveaux équipements et poursuivre les développements technologiques nécessaires à sa commercialisation. Jusqu’alors, leur financement provenait d’organismes publics (IB, Empretecno, ainsi que CONICET et CNEA pour le paiement des salaires et l’entretien des équipements). Avec ces nouvelles pratiques de promotion et de constitution de réseaux, l’objectif était alors d’aller chercher de nouveaux investisseurs venant du secteur privé – ou, plus précisément, selon les termes du dirigeant, de « convaincre des sociétés de capital-risque d’investir dans l’entreprise ». Dans cette optique, les membres de GLIT ont également participé en 2015 et 2017 à des « incubateurs d’entreprises à base technologique ».

45Selon le dirigeant de GLIT, « ce lien avec le secteur privé dans ce type d’entrepreneuriat est encore très nouveau ici [...] [en Argentine], une société privée qui veut investir dans le développement de la technologie ou le soutien aux start-ups, c’est quelque chose d’inhabituel ». Il estime ainsi qu’il est nécessaire de redéfinir le profil de l’entreprise afin qu’elle devienne une destination privilégiée pour ces investissements, ce qui implique de positionner GLIT comme un fabricant de technologies de pointe « capable de trouver des solutions aux défis sociétaux mondiaux ». La notion d’« impact social » que le dirigeant utilise pour justifier l’importance de ce type de stratégie fait d’ailleurs référence à ce qu’il avait appris dans sa formation à la Singularity University concernant la manière de faire progresser une « entreprise à base technologique » comme GLIT. Il s’agit ainsi, dans ce cas comme dans d’autres qui suivent le modèle de la Silicon Valley, de faire converger les pratiques et les imaginaires de la recherche scientifique et de l’entrepreneuriat au sein d’une même organisation.

Conclusion

46Dans cet article, nous avons étudié la convergence technoscientifique dans le domaine des nanosciences et nanotechnologies et examiné comment cette convergence se traduit dans les politiques qui font la promotion de ce domaine, ainsi que dans les dynamiques professionnelles et organisationnelles qui traversent la production de connaissances et de technologies à l’échelle nanométrique. En particulier, nous avons identifié trois niveaux d’analyse pour lesquels certaines formes de convergence sont à l’œuvre. Tout d’abord, au niveau politico-institutionnel, nous avons analysé la nature et les objectifs des dispositifs qui favorisent cette convergence afin de structurer des communautés « nano » et d’organiser des rapprochements entre acteurs publics et privés. Ensuite, au niveau des trajectoires professionnelles, nous avons étudié la convergence comme un processus de conversion vers une identité professionnelle hybride de « scientifique-technologue » - c'est-à-dire la conversion de scientifiques qui redéfinissent progressivement leur identité professionnelle de la science fondamentale vers le savoir-faire technologique et la résolution de problèmes concrets. Enfin, au niveau organisationnel, nous avons analysé la convergence comme un processus d’articulation entre activité scientifique, développement technologique et attente socio-économique en examinant le cas de la création d’une entreprise technologique par des chercheurs issus du secteur public.

47Comme nous l’avons souligné dans l’introduction, notre intérêt pour la convergence tient avant tout à la possibilité d’explorer son potentiel pour aborder les expériences, les significations et les tensions relatives aux transformations politico-institutionnelles, professionnelles et organisationnelles qui accompagnent la réorientation des agendas technoscientifiques vers les nanosciences et nanotechnologies. Ces transformations se matérialisent, comme nous l’avons vu dans les résultats présentés dans l’article, par la conception de nouveaux instruments de politique de recherche et d’innovation, par la redéfinition (progressive et partielle) des identités professionnelles et par la création de nouvelles entités organisationnelles (comme l’entreprise technologique que nous avons étudiée dans la troisième section). Elles sont à la base non seulement de divers dynamiques de convergence (interdisciplinaire, interinstitutionnelle, entre science et industrie), mais aussi de résistances, voire de divergences. Ces dynamiques de divergence, ainsi que les tensions qu’elles suscitent (obstacles administratifs, négociations permanentes, désajustements institutionnels, surcharges de travail, divergence entre critères d’évaluation), n’ont ici été traitées que de manière très marginale et mériteraient des approfondissements.

48Finalement, nous avions débuté cet article en nous demandant comment opère la convergence dans les politiques, les institutions et les laboratoires de recherche d’un pays du Sud comme l’Argentine. Les résultats présentés nous permettent d’identifier certaines des multiples contingences inhérentes à ce contexte national (que ce soit au niveau politico-institutionnel, professionnel ou organisationnel). Celles-ci sont le fait non seulement des spécificités du contexte sociopolitique étudié, mais aussi des caractéristiques et des dynamiques propres à chacun des trois niveaux étudiés. Bien qu’il existe des interdépendances entre ces trois niveaux, il est nécessaire, pour comprendre les caractéristiques spécifiques de la convergence dans chaque contexte national, d’étudier empiriquement les dynamiques telles qu’elles se produisent à chaque niveau, sans présumer qu’un niveau soit plus déterminant qu’un autre. En ce sens, ne pas limiter la convergence à un processus épistémique de rapprochement entre divers domaines de connaissances qui se produirait nécessairement grâce à l’échelle de travail en commun (l’échelle nanométrique) permet de mettre en évidence l’importance des dimensions politiques, professionnelles et organisationnelles pour évaluer la réalité, les nuances et les limites de la convergence dans chaque contexte national. Là aussi, des enquêtes complémentaires seraient nécessaires pour caractériser davantage ce contexte national et déterminer dans quelle mesure les dynamiques observées sur quelques cas sont spécifiques du domaine des nanosciences et nanotechnologies et si elles sont représentatives de transformations plus générales du système de recherche et d’innovation argentin.

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Notes

1 Alors que le rapport américain assigne un objectif explicite à la convergence (l’amélioration des performances humaines) (Roco & Bainbridge, 2002), le rapport d’experts de la Commission européenne le rejette (Nordmann, 2004), tout en maintenant une vision des technosciences comme principale (voire unique) source de progrès social (Bensaude-Vincent, 2015).

2 Voir Miège et Vinck (2011) pour une revue des significations de la convergence et des perspectives adoptées pour l’étudier et, par exemple, Rafols et Meyer (2007) sur le cas des bionanotechnologies, Vinck et Robles (2011) sur les nanosystèmes ou Louvel (2021) sur la nanomédecine.

3 L'article est issu de la convergence de deux projets de recherche financés par l’Agence nationale pour la promotion de la science et de la technologie (Argentine), respectivement intitulés « Production de connaissances et organisation de la recherche en nanosciences et nanotechnologies en Argentine » et « Trajectoires, collectifs et dynamiques institutionnelles dans la physique argentine. Les cas des nanotechnologies et du nucléaire », ainsi qu’un projet de doctorat en cours sur un cas d’entrepreneuriat technologique dans la ville de Bariloche.

4 La première recherche mentionnée dans la note de bas de page précédente s’appuie sur des entretiens avec des scientifiques et des techniciens et sur l’analyse de documents pour aborder la formation des groupes de recherche et l’évolution de leurs agendas. La seconde se base sur des entretiens avec des scientifiques et des observations sur le terrain pour analyser leurs trajectoires professionnelles et, en particulier, les décisions qui aboutissent à des bifurcations. Enfin, dans le cadre de la thèse de doctorat en cours, un travail ethnographique de terrain est mené depuis trois ans dans un laboratoire devenu une start-up. L'articulation de ces différentes recherches repose sur les principes théoriques et méthodologiques de l’ethnographie multisite (Marcus, 1995 ; Hine, 2007). Cette approche, qui multiplie les lieux d’observation et de participation, propose d’identifier un fil conducteur problématique qui permette, dans notre cas, de rassembler différentes études de cas autour des questions de convergence.

5 Il s’agissait des réseaux suivants : « Matériaux nanostructurés et nanosystèmes », « Nanosciences et nanotechnologies moléculaires, supramoléculaires et d'interface », « Conception, simulation et fabrication de nano- et micro-dispositifs, de prototypes et d'échantillons » et « Auto-organisation de bionanostructures pour la transmission d'informations moléculaires en neurobiologie et dans les processus biologiques ».

6 Parmi les autres initiatives, citons la création du Centre binational argentino-brésilien de nanotechnologies et nanosciences (CABNN) en 2005, du Centre interdisciplinaire de nanosciences et nanotechnologies (CINN) et de l'Institut des nanosciences et nanotechnologies (INN) en 2008, ainsi que du programme de financement FS-Nano en 2009.

7 Par exemple, le rapport 2009 du Boletín Estadístico Tecnológico du Ministerio de Ciencia, Tecnología e Innovación montre que : le Centro Atómico Constituyentes se concentre sur la conception et la fabrication de microtechnologies et nanosystèmes ; l’université de Mar del Plata est orientée vers l'étude des matériaux nanostructurés ; l’université de Córdoba est spécialisée dans la nanobiomédecine (MINCYT, 2009, p. 5).

8 C'est également ce qu’ont observé Vinck et Robles (2012).

9 Les fonds sectoriels (FONARSEC) sont une des initiatives centrales du plan national « Argentina Innovadora 2020. Plan nacional para la ciencia, la tecnología y la innovación. Lineamientos Estratégicos 2012-2015 », lancé en 2012. Outre les nanotechnologies, ils proposent également des programmes de financement pour deux autres « technologies génériques » (Tecnologías de Propósito General) : les technologies de l’information et de la communication (TIC) et les biotechnologies (MINCYT, 2012).

10 Profil Twitter de l'un des fondateurs de GLIT.

11 Pour des raisons de confidentialité, un nom fictif est utilisé pour désigner l’entreprise.

12 Les microtechnologies (> 100 nanomètres) ont une taille plus grande que les nanotechnologies (entre 1 et 100 nanomètres) mais, dans la pratique, il existe un continuum entre la recherche sur les microtechnologies et les nanotechnologies. De fait, nombre d’acteurs impliqués parlent des « micro et nanotechnologies » pour désigner l’ensemble du domaine de recherche.

13 Le complexe CAB-IB regroupe un centre public de R&D et un établissement public d'enseignement supérieur. Le premier est une unité de la Commission nationale de l'énergie atomique (CNEA), une institution créée en 1950 pour générer des connaissances et conseiller le gouvernement national sur les questions nucléaires. Le second est un institut d'enseignement sous tutelle de l'Université nationale de Cuyo et de la CNEA.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Matthieu Hubert, Ana Spivak L’Hoste et Bárbara Burton, « La convergence technoscientifique et ses traductions politico-institutionnelles, professionnelles et organisationnelles »Revue d’anthropologie des connaissances [En ligne], 16-3 | 2022, mis en ligne le 01 septembre 2022, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rac/28410 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/rac.28410

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Auteurs

Matthieu Hubert

Chercheur au Conseil national de la recherche scientifique et technique (CONICET) et au Laboratoire de recherche en sciences humaines (LICH) de l’université nationale de San Martín (UNSAM) en Argentine.
https://orcid.org/0000-0002-0761-131X

Adresse postale : Martín de Irigoyen 3100, Código Postal 1650, Provincia de Buenos Aires (Argentine)
Courriel : mhubert[at]unsam.edu.ar

Articles du même auteur

Ana Spivak L’Hoste

Chercheuse au Conseil national de la recherche scientifique et technique (CONICET) et au Centre de recherches sociales (CIS) en Argentine.
https://orcid.org/0000-0002-7989-8305

Adresse postale : Aráoz 2838, C1425 DGT, Ciudad Autónoma de Buenos Aires (Argentine)
Courriel : anaspivak17[at]yahoo.com.ar

Articles du même auteur

Bárbara Burton

Doctorante au Conseil national de la recherche scientifique et technique (CONICET) et au Centre d’études en science, technologie, culture et développement (CITECDE) de l’université nationale de Río Negro en Argentine.
https://orcid.org/0000-0002-2504-6334

Adresse postale : Villegas 360 SC Bariloche (8400) Río Negro (Argentine)
Courriel : bburton[at]unrn.edu.ar

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