1Que signifie pays non hégémonique ? S’agit-il d’un de ces euphémismes politiquement corrects, tels que « pays en voie de développement », « pays du Sud », etc. ? Ce dossier devait effectivement traiter des savoirs dans les pays « en développement ». Cependant, nous voulions échapper à l’énumération convenue des stigmates : pauvreté, illettrisme, épidémies, faiblesse des investissements et des infrastructures, etc. En définitive, la notion de « pays non hégémonique » renvoie pour nous à deux dimensions essentielles :
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Les pays non‑hégémoniques sont dominés dans la division internationale du travail scientifique. Cette idée était déjà présente dans le concept de « science périphérique » (Díaz, Texera & Vessuri, 1983), qui est d’ailleurs employé dans le présent numéro dans les travaux portant sur l’Argentine (Kreimer & Zabala ; Hubert & Spivak). La science périphérique désigne l’activité scientifique des pays qui participent aux grandes collaborations internationales mais se voient souvent attribuer des fonctions secondaires dans des programmes élaborés dans les pays hégémoniques.
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Les pays non hégémoniques n’ont pas d’instruments financiers capables d’agir sur les grandes tendances de la production de savoir dans le monde, comme les États-Unis, l’Union européenne ou, d’une autre manière, les pays du Sud-Est asiatique, qui ont réussi à imposer leur modèle de développement incrémental, fondé sur le « rattrapage technologique ». Cependant, il leur reste des marges de manœuvre, d’une part à l’échelle nationale, pour agir sur leur propre production de connaissance et, d’autre part, dans les choix de sujets et les choix de partenaires avec lesquels ils coopèrent.
2Pour autant, notre dossier ne porte pas vraiment sur les pays que l’on considère typiquement comme « en développement ». Il porte plutôt sur des pays contraints par les échanges internationaux mais disposant de marges de manœuvre pour élaborer une politique à l’échelle nationale. Certes, la globalisation des échanges rend cette politique difficile mais paradoxalement elle lui donne aussi une nouvelle légitimité. C’est ce qui ressort clairement dans ce numéro des cas de l’Afrique du Sud et de la Russie (voir les articles de Losego et de Milard). On assiste à une claire reprise en main de l’appareil scientifique par l’État au nom même de la mondialisation.
3Notre XXIe siècle est né en 1989, à la chute du mur de Berlin (Hobsbawm, 1999), avec le morcellement de l’espace géopolitique. La disparition du monde bipolaire a aussi modifié les systèmes scientifiques. Les relations Nord‑Sud ont changé de nature. L’aide au développement a diminué et s’est réorientée vers les domaines qui intéressent plus directement les pays riches ; ainsi, les formes d’aide à la coopération scientifique internationale se sont profondément modifiées (lire à ce sujet Gaillard, 1999). La domination des biotechnologies et l’abandon des politiques de promotion de l’agriculture dans les pays en développement ont d’ailleurs conduit Busch et Gunter (1996) à écrire que
l’évolution actuelle du monde développé dans les domaines technologique, économique et politique devrait probablement réduire de façon substantielle le recours aux importations du Tiers monde. La dépendance et l’intérêt du monde industrialisé à l’égard du Tiers monde tendent à diminuer. Tandis qu’au contraire les besoins d’aide, de marchés et autres ressources de ce dernier ne cessent d’augmenter. Ces tendances risquent d’avoir des conséquences désastreuses pour le Sud (p. 42).
4Les ressources humaines des pays non hégémoniques sont affectées par le brain‑drain qui s’est accentué en dépit de la mise en place de politiques de retour au pays et des tentatives d’organiser les diasporas (russe, mexicaine, colombienne, sud-africaine, marocaine, chinoise) par le biais des TIC. Quant aux ressources financières, elles sont touchées par la globalisation et par la hausse du coût de la science (fournitures, instruments).
5Durant les années 1980, la doctrine à usage des « pays du Sud » était la « capacity building », terme intraduisible (construction de capacités ?), dont l’idée centrale était assez simple : les institutions ne sont rien en dehors du capital humain, qui, le cas échéant, peut être réinvesti dans d’autres institutions ou entreprises dotées des ressources appropriées. La notion de « capacity building » s’est répandue au cours des années 1970 et 1980 en s’appuyant sur de nombreux programmes de financement de la recherche pour le développement, parfois en concurrence les uns avec les autres (Gaillard, 1999).
6Mais, à partir des années 1990, la profonde transformation du contexte sociopolitique mondial allait provoquer une révision radicale des politiques de recherche. C’est la « demande de savoir » elle-même qui a changé de nature.
- 1 Développées avec plus de détail dans Arvanitis (2003), qui existe aussi on-line sur le site de l’au (...)
7Ces changements essentiels des sciences et des techniques et de leur rapport avec la société peuvent se résumer aux transformations suivantes1 :
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La démilitarisation de la recherche
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Le rapprochement de la technique et de la science la plus fondamentale
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L’importance de la recherche financée sur fonds privés et le rapprochement des institutions privées et publiques
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La mise en avant sur la scène politique des problèmes environnementaux
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La pression des usagers de la recherche
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Le rôle central joué par les technologies de l’information
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La multiplication des organismes supranationaux et des entreprises multinationales dans le financement de la recherche
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Des rééquilibrages en faveur des universités
8Les deux pays traités dans ce numéro selon une perspective nationale (Afrique du Sud et Russie) ont vécu de plein fouet, de part et d’autre de l’ancien « rideau de fer », les effets de la fin de la guerre froide. À l’époque, la démilitarisation de la recherche a eu un impact financier très important, bien qu’il soit très difficile de l’évaluer étant donné le secret qui protégeait les budgets militaires. Elle a aussi contribué à questionner la dépense occasionnée par certains grands équipements et a touché assez spécifiquement la physique, qui en a subi, comme en Afrique du Sud, une crise de légitimité. De nombreux chercheurs ont quitté ces pays depuis la fin de la guerre froide. Cette fuite n’a pas eu seulement des conséquences économiques. Symboliquement, elle représente le « déclin » et se trouve instrumentalisée politiquement par les nostalgiques des ordres anciens (communisme ou apartheid). Cependant, dans les deux cas, des enquêtes empiriques montrent que l’attrait d’entreprises privées à l’intérieur du pays est bien plus fort que l’attrait de l’étranger. Ce qui relativise la thèse des « déclins » nationaux.
9La transition entre 1989 et 2000 environ s’est notamment traduite pour les deux pays par une baisse du volume de la publication, alors que le contexte international était à la croissance scientifique. La concurrence, notamment celle des pays du Sud‑Est asiatique (Chine, Taiwan, Corée du Sud, etc.) a d’ailleurs fortement réduit la traditionnelle puissance scientifique de ces deux pays. Les effectifs de la recherche ont été fortement réduits et le statut symbolique du chercheur diminué. L’opposition entre la Russie et l’Ouzbékistan proposée par les deux articles de Béatrice Milard et de Monique Selim nous permet de voir qu’avec l’URSS c’est un espace scientifique relativement autonome, qui a disparu avec sa langue et ses dispositifs de reconnaissance. Aujourd’hui, l’anglais règne sans partage : l’ISI-Thomson a fait disparaître de ses bases de données des revues russophones.
10En Ouzbékistan, à partir de la monographie d’un institut de recherche, Monique Selim nous montre un système scientifique plongé dans une crise profonde dans un pays brutalement décolonisé. La fin des échanges privilégiés avec la métropole russe, la disparition de l’URSS comme espace de légitimation des connaissances, la défonctionnarisation des chercheurs, le décalage entre les salaires, les budgets de recherche et l’économie réelle, conduisent les laboratoires à une sorte de privatisation larvée, par la commercialisation directe de quelques produits de recherche. Dans le monde ex-soviétique, au-delà des pénuries, la chute symbolique des savants est cruelle. Autrefois fierté de leurs peuples, ils sont aujourd’hui conduits à de mesquins expédients pour survivre. Les chercheurs poursuivent leur labeur comme mécaniquement, sachant que la faible rémunération ne leur permettrait pas de vivre sans les royalties reçues sur le brevet qu’exploite l’Institut et qui devient de ce fait un enjeu majeur de pouvoir.
11La recherche s’est internationalisée (Larédo, Leresche & Weber, 2009). C’est un fait observable à partir des données de l’ISI Thomson. Cette internationalisation est accentuée par les grands programmes scientifiques, notamment européens et américains, qui recherchent des équipes internationales et font souvent appel à des chercheurs de pays non hégémoniques.
12L’un des premiers buts fixés par ces derniers à leurs systèmes scientifiques est de permettre à leurs chercheurs d’accéder aux grands réseaux internationaux de recherche. Pourtant, accéder aux grands réseaux, c’est souvent s’insérer dans des thématiques imposées par d’autres pays. Disposant d’instruments coûteux, élaborés en collaboration avec des entreprises sises sur leurs territoires et aidés par des programmes scientifiques proches de leurs thématiques, les laboratoires des pays hégémoniques tendent à transformer les laboratoires de pays non hégémoniques en « succursales » de la recherche mondiale. Les collaborations internationales sont un moyen pour eux de valoriser leurs outils en jouant sur les différentiels de coût du travail scientifique. Ainsi, les chercheurs argentins interrogés par Matthieu Hubert et Ana Spivak se décrivent assez littéralement comme des prolétaires qui, faute d’instruments et de financements, louent leurs cerveaux à des pays qui disposent de ces capitaux techniques et financiers mais subissent un coût du travail scientifique plus élevé. La « vague nano » plonge les chercheurs qui s’y sont engagés dans un dilemme : y participer c’est contribuer au renforcement de la puissance économique et militaire des pays déjà hégémoniques qui auront toujours une longueur d’avance. S’y refuser, c’est prendre le risque de se retrouver du mauvais côté de la « fracture nano‑technologique », et accessoirement, laisser passer les budgets afférents…
13Les thématiques de recherches imposées par les programmes européens ou nord-américains ne correspondent pas nécessairement aux besoins et aux compétences des industries locales. Tout se passe comme si la recherche, malgré le consensus sur la notion de « société du savoir » n’avait pas d’impact sur le développement économique des pays non hégémoniques. Pablo Kreimer et Juan Pablo Zabala s’intéressent justement à ce qui peut expliquer la faible utilité ou la faible appropriation des produits de la science par l’industrie dans les pays périphériques. Ils l’expliquent notamment par ce qu’ils désignent sous le nom d’« intégration subordonnée » : les recherches sont guidées par une logique d’intégration dans des thématiques relevant du « mainstream » international, plutôt que par l’utilité locale. Du fait de cette intégration, les programmes locaux de recherche se concentrent sur des problèmes et des objets en tant que « modèles théoriques » qui leur offrent une plus grande visibilité scientifique internationale. L’exemple qu’ils traitent est intéressant parce que parfaitement paradoxal : la « maladie de Chagas », érigée par les chercheurs eux-mêmes en problème de santé publique depuis les années 1950 a fait l’objet de nombreux programmes considérés comme de grands succès scientifiques au Brésil et en Argentine. Pourtant, cette maladie épidémique est sur la liste de la DNDI des affections négligées par les industriels du médicament. Kreimer et Zabala montrent comment la maladie de Chagas est dès le départ instrumentalisée selon des logiques scientifiques : si le but affiché au plan national est toujours pratique (concevoir des thérapies ou un vaccin), les groupes scientifiques ne s’écartent pas de la recherche fondamentale. Ils collaborent très peu localement et recherchent des partenaires internationaux. Ils prennent le parasite comme modèle biologique et s’en servent à des fins purement fondamentales. Ils ne se préoccupent pas de recherche clinique. Ainsi donc, on voit une science occupée à poursuivre des « modèles » (agent-vecteur-symptôme, génome, etc.) plutôt que des solutions. Le modèle est le but en soi car il permet de collaborer, de se situer au niveau international et de publier. Comment se forgent les grandes collaborations internationales ? Bien sûr, elles sont appuyées par des programmes scientifiques internationaux et se font souvent sur la base d’un partage des instruments. Mais la plupart du temps, ce sont des séjours doctoraux ou post‑doctoraux des étudiants des pays non hégémoniques vers les pays hégémoniques qui produisent les liens qui sous-tendront ces collaborations. Les chercheurs des pays non hégémoniques restent souvent prisonniers des modèles théoriques acquis au cours de ces séjours.
14Cette profonde influence du système académique dans lequel a été formé le chercheur est aussi ce qui permet d’expliquer les malentendus concernant l’orientalisme. L’article de Thomas Brisson montre que l’orientalisme fut longtemps une « discipline » prisonnière du regard colonial porté sur les sociétés étudiées, regard qui tendait à les figer dans un essentialisme passéiste. Mais il montre aussi que même la critique de cet orientalisme, pourtant portée par un regard « natif », est plus fortement marquée par les enjeux académiques des pays hégémoniques que par les structures socio-économiques des pays considérés, au nom desquelles pourtant cette critique a lieu. Ainsi, il situe la critique « native » de Abd el Malek dans le contexte français des années 1960, caractérisé par l’émergence du modèle de scientificité des sciences humaines et de son application à un orientalisme jusque-là purement philologique. En même temps, il explique son faible retentissement par le positionnement institutionnel de l’auteur, trop marginal par rapport à l’Institut des Études Islamiques de la Sorbonne pour avoir un impact. Au contraire, la critique de Saïd sur l’orientalisme américain aura plus d’impact dans les années 1970, essentiellement grâce à la carrière très orthodoxe de l’auteur dans le système universitaire américain. Mais le retentissement de cette œuvre sera fondé sur un malentendu : alors que Saïd voulait sauver l’autonomie académique de la profession d’orientaliste contre les area studies, tournées vers l’expertise technique d’appui à la politique étrangère des États‑Unis, son œuvre sera plutôt reçue et utilisée comme une défense de la pensée native à cause de la montée des relativismes ethnicistes dans les universités américaines de l’époque.
15Traiter des savoirs dans les « pays non hégémoniques », c’est aussi adopter la perspective nationale, perspective à laquelle continuent à résister la plupart des études sur les savoirs ou sur la science. On pourra à juste titre remarquer qu’on parle rarement de « science américaine » ou de « science européenne » et constater que la perspective nationale resurgit surtout lorsqu’on traite des pays « en développement ». Il n’en reste pas moins que la manière dont un État agit dans le cadre de son territoire sur le(s) système(s) de production de savoir est un objet d’étude important, dans le contexte « global » qui est le nôtre aujourd’hui.
16On tend, conventionnellement, à concevoir la mondialisation comme un abandon relatif de toute politique, les États livrant leurs pays aux logiques « globales » de marché. Or l’internationalisation croissante de la recherche ne conduit pas les États à abandonner toute politique de la recherche. On constate au contraire une volonté de ces États de reprendre en main leur système scientifique, de forger leur politique nationale en gardant l’empreinte de leurs histoires nationales et institutionnelles et, nouveauté, de la décentraliser dans les régions et de la promouvoir dans des accords macro-régionaux (MERCOSUR en Amérique du Sud, SADC en Afrique australe, etc.).
17Après une période de sous-financement de la recherche au cours des années 1990, on assiste aujourd’hui à un renforcement du financement public de la recherche mais selon des logiques différentes. D’une part, nous assistons à des rééquilibrages institutionnels au détriment de la recherche « de branche » (les ministères techniques : défense, agriculture, santé, industrie, etc.) et des organismes scientifiques gouvernementaux, et au bénéfice des universités. D’autre part, il y a une mise en réseau de ce qui relevait autrefois de logiques séparées (recherche technique, recherche gouvernementale et universitaire). Le centre de gravité des systèmes de recherche est dès lors constitué par les universités.
18En Russie, on constate un double déplacement des activités de recherche depuis les organismes d’État et l’Académie des sciences vers les universités, mais aussi depuis la capitale vers les universités provinciales. Dans le cas de l’Afrique du Sud, on constate de la même manière un déplacement des organismes scientifiques gouvernementaux, des administrations et des hôpitaux vers les universités (et marginalement vers les entreprises et les ONG).
19La pénurie, volontaire ou non, a servi de purge, en quelque sorte, pour tenter d’imposer de nouveaux fonctionnements. Il s’agit notamment du financement sur projet et par agence. On cherche à obliger les équipes à formuler des projets pour pouvoir en évaluer la pertinence en regard des priorités politiques fixées par les agences nationales ou internationales. Il est vrai que cela consiste à se plier aux tendances internationales citées plus haut. Mais on perçoit aussi un retour des systèmes à leur « héritage ». Dans le cas de la Russie, l’État reprend le contrôle de l’appareil de recherche fondamentale, remilitarise la recherche… et tend malheureusement à reprendre les habitudes soviétiques de persécution des chercheurs pour trahison ! Dans le cas de l’Afrique du Sud, on s’aperçoit qu’après avoir recherché un rapprochement entre la science et les « besoins du peuple », le système s’est finalement redirigé vers les spécialités qui lui apportent le plus de légitimité, compte tenu de son passé : astronomie, botanique, anthropologie, physique nucléaire, matériaux ultra‑résistants, etc.
20Que se passe-t-il lorsqu’il n’y a pas d’État ? C’est une des questions auxquelles répond Vincent Romani à travers son étude des sciences sociales en Palestine. Il décrit un pays occupé, ce qui est différent d’un pays colonisé, puisque la colonisation implique un effort de domination culturelle. Ici, aucun effort de ce genre n’existe. En Palestine, les principes d’organisation professionnelle des savoirs sont l’expertise internationale, la professionnalisation des études ou le syndicalisme. En revanche, les disciplines n’ont aucune existence. On s’aperçoit ainsi négativement de ce que l’existence des disciplines doit à l’existence de l’État. C’est une situation qui par bien des aspects rappelle la profonde modification de la production des savoirs en Afrique sub-saharienne. Roland Waast, dans un large projet sur les Sciences en Afrique (Waast, 2002), signale que la précarisation de la recherche en Afrique l’a transformée en une sorte de marché des compétences. Les grands organismes internationaux donateurs trouvent en Afrique des ONG et des entreprises de consultance qui sont portées par de jeunes diplômés du supérieur qui auraient autrefois trouvé refuge dans les organismes de recherche publique et les universités. C’est une sorte d’incarnation parfaite du « mode 2 » de production des savoirs (Gibbons et al., 1994), une science parfaitement adaptée à la demande, souple, recevant des financements sur projets. Ce modèle des financements par des agences, d’ailleurs, se généralise et tient lieu et place de politique de recherche.
21Mais, dans les pays qui ont volontairement joué la carte de l’ouverture aux investissements étrangers (Mexique, Chine, Maroc) la recherche sera‑t‑elle autre chose qu’un service externalisé des entreprises étrangères ? Les laboratoires de très hautes technologies que l’on voit apparaître un peu partout dans les pays non hégémoniques, en biotechnologie, en électronique, dans les sciences de l’ingénieur, sont de véritables relais des savoirs produits localement vers les grands centres, en intégrant les chercheurs des pays les plus pauvres dans une nouvelle segmentation de la recherche sous l’effet des demandes du secteur productif (Arvanitis et al., 2009). On verrait donc la création d’un gigantesque marché mondial des compétences soutenu par les organismes internationaux et les grandes entreprises qui puisent les personnels nécessaires à leur propre stratégie.
- 2 À paraître fin 2009, dossier dirigé par Dana Diminescu, Paul de Guchteneire, Jean-Baptiste Meyer et (...)
22Ces questions sont loin d’être résolues d’avance. Ce dossier de la Revue d’Anthropologie des Connaissances ouvre le débat. Il sera suivi d’un dossier sur « Mobilités et développement des Suds »2. Le débat devrait également rebondir dans une série d’articles sur les savoirs dits indigènes, traditionnels, locaux et populaires, qui ont été réhabilités au cours des deux ou trois dernières décennies, en relation étroite avec les enjeux forts concernant l’environnement, la biodiversité, la pharmacie. Un débat à peine ébauché sur ce que certains nomment déjà un capitalisme cognitif. Où l’anthropologie des connaissances recoupe largement des enjeux politiques et sociaux au niveau mondial.