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Surveiller les animaux, conserver l’espèce

Enjeux et défis de la surveillance de la tuberculose des éléphants au Laos
Monitoring animals, conserving the species. Issues and challenges of elephants tuberculosis surveillance in Laos
Vigilar los animales, conservar la especie. Problemas y desafíos de la vigilancia de la tuberculosis de los elefantes en Laos
Nicolas Lainé

Résumés

Prenant pour objet d’étude le dispositif de surveillance de la tuberculose des éléphants mis en place au Laos depuis 2013, cet article vise à rendre compte des enjeux et des défis que représente la surveillance de maladie animale dans un contexte global de conservation des espèces. Il s’appuie sur une enquête ethnographique dont l’intention était de comprendre le rôle des populations locales et la place de leur savoir dans ce dispositif, mais aussi les agencements spécifiques et les transformations – dans le rapport à l’animal et parmi l’ensemble des acteurs concernés – induites par la mise en place de la surveillance. Les enjeux de l’alerte à la maladie sont multiples : aux enjeux sanitaires et économiques s’ajoutent ceux de la conservation de l’espèce. Il s’agit d’abord de brosser le tableau d’ensemble de la construction de la maladie en tant que zoonose globale : retracer la généalogie de l’alerte, faire le point sur les connaissances actuelles chez les pachydermes et sur leur expression au niveau mondial. Sur le plan local, la surveillance modifie le rapport à l’animal et celui de l’ensemble des acteurs concernés. Les résultats de l’enquête soulignent les difficultés rencontrées pour organiser la surveillance, mais aussi, dans le contexte de la patrimonialisation des pachydermes, la possibilité réelle, pour les cornacs, de faire évoluer leur savoir en transformant leur pratique en outil de gestion des crises sanitaires et environnementales.

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Texte intégral

Introduction

1Au cours des vingt dernières années, le nombre d’éléphants atteints ou supposés être atteints de tuberculose dans le monde n’a cessé de croître, d’après les tests auxquels on a pu soumettre des éléphants gérés par des institutions diverses. Ce constat a généré une floraison d’études scientifiques sans précédent, en même temps qu’il a entraîné une alerte globale sur les risques potentiels de l’apparition de ce pathogène chez les pachydermes (Mikota, 2011). Chez l’homme, la tuberculose reste à ce jour la seconde cause de mortalité humaine après le HIV, soit près de 1,5 million de morts par an (OMS, 2015), avec la plus forte prévalence de la maladie en Asie. Les chiffres de l’année 2013 révèlent que, sur neuf millions de personnes touchées, plus de la moitié (56 %) l’ont été en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique occidental, sur lesquels la tuberculose demeure un enjeu de santé publique majeur. Or le continent asiatique abrite la plus grande concentration d’éléphants captifs, soit près de 15 000 individus dont l’espèce Elephas maximus s’inscrit sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature qui désigne celles menacées d’extinction (UICN, 2016). À l’inévitable proximité des éléphants, de leurs propriétaires et de leurs cornacs, s’associe un facteur aggravant : la forte pression environnementale mycobactérienne exercée sur les hommes et leurs animaux domestiques. Deux raisons de craindre de fréquentes transmissions interespèces et de voir s’ouvrir la porte sur une pandémie qui toucherait aussi bien les hommes que les animaux. En Asie, les experts sont préoccupés par le risque de diffusion de la bactérie Mycobacterium tuberculosis au cheptel des animaux domestiques et aux éléphants sauvages, de là à l’ensemble de la biodiversité.

2À l’échelle globale, la mise en surveillance d’espèces animales, en tant que modalité de gestion et de contrôle de maladies au potentiel zoonotique est apparue au cours des dernières années comme un outil privilégié pour anticiper l’émergence de crises sanitaires et environnementales (Prete, 2008). La surveillance n’implique pas l’isolement des animaux. Ils ne sont pas séparés des humains par une barrière étanche, comme dans le cas du dépistage ou des autres formes de contrôle plus « classiques », les campagnes de vaccination ou l’abattage. Nicolas Fortané et Frédéric Keck l’ont rappelé : ce dispositif de type biosécuritaire « implique de se préparer à une catastrophe dont la probabilité est incalculable, et dont l’arrivée est perçue comme imminente » (Fortané et Keck, 2015, p. 125). À ce jour, il n’est pas de crise sanitaire liée à l’apparition de la tuberculose chez les éléphants. Il n’est question en Asie que de détecter chez eux la présence de la maladie et d’en identifier les risques pour affronter, le cas échéant, la perspective de ses conséquences probables sur les plans sanitaire et environnemental.

3En prenant pour objet d’étude le dispositif de surveillance des éléphants mis en place au Laos depuis 2013, cet article vise à rendre compte des enjeux et des défis que représente la surveillance de maladie animale dans un contexte global de conservation des espèces. Il s’appuie sur une enquête ethnographique dont l’intention était de comprendre le rôle des populations locales et la place de leur savoir dans ce dispositif, mais aussi les agencements spécifiques et les transformations – dans le rapport à l’animal et parmi l’ensemble des acteurs concernés – induites par la mise en place de la surveillance. Comment la mise sous surveillance de la maladie, au Laos, s’est-elle inscrite dans l’histoire locale, et comment s’est-elle opérée ? Dans quelles conditions locales particulières de coopération avec les cornacs et les propriétaires des animaux ? Comment articuler les enjeux sanitaires et de conservation des éléphants, qui prennent tournure d’impératif dans la conjoncture actuelle de disparition progressive de l’espèce, avec les connaissances et les savoirs mobilisés localement ?

  • 1 Cette recherche s’inscrit dans le cadre du projet « Représentations sociales des agents pathogènes (...)

4Pour permettre de saisir l’ensemble des enjeux (sanitaires, économiques et de conservation) de l’alerte liée à cette maladie, et avant d’exposer les résultats de l’enquête dans le contexte laotien, une réflexion sera d’abord menée sur la construction de cette maladie en tant que zoonose globale. Il s’agira de retracer la généalogie de l’alerte, de présenter les connaissances actuelles sur la maladie chez les pachydermes, et son expression au niveau mondial. L’enquête ethnographique1 cherchera ensuite à mettre au jour la perception locale de la tuberculose des éléphants par les spécialistes qui les côtoient quotidiennement, les cornacs et les propriétaires des animaux. Dans un contexte biosécuritaire marqué par l’émergence de risques zoonotiques, il s’agira de chercher à comprendre comment les cornacs gèrent localement et concrètement des relations de distance et de proximité avec les éléphants. Au Laos, il s’agira également de comprendre comment s’articulent enjeux sanitaires et de conservation avec différentes formes de savoirs sur les animaux.

Contexte et généalogie de l’alerte

La réémergence de la tuberculose des éléphants à l’échelle globale

  • 2 Pour une revue exhaustive des cas confirmés, voir Michalak et al., 1998.

5La tuberculose des éléphants est connue depuis les temps anciens. Chez ces animaux, une maladie clairement identique à la tuberculose est décrite dans des documents sanscrits, datant de près de 2000 ans (Iyer, 1936). Depuis cette époque, plusieurs cas ont été sporadiquement découverts2 à partir du début du XXe siècle. À l’échelle globale cependant, l’année 1996 est considérée comme une date clé avec la mort de deux éléphants dans un cirque aux États-Unis. L’année suivante, toujours aux États-Unis, cinq nouveaux cas ont été confirmés dans un parc à éléphants.

  • 3 La dernière version à jour a été publiée en 2015.

6À partir de 1996, le United States Department of Agriculture (département de l’agriculture des États-Unis, USDA) et l’association américaine des vétérinaires de zoos (AAZA) se sont réunis pour produire un manuel de recommandations pour le contrôle de la maladie, le Guidelines for the control of Tuberculosis in Elephant. Publié pour la première fois en 1998, ce document est régulièrement mis à jour en fonction des nouvelles avancées et découvertes3. Il est destiné aux professionnels qui partagent le quotidien des pachydermes, soigneurs dans les parcs zoologiques, vétérinaires ou dresseurs dans les cirques. Il fournit les informations sur les protocoles concernant le diagnostic, la surveillance et le traitement des individus déclarés porteurs de la maladie. Néanmoins, après vingt années de recherche sur le sujet, de sérieux doutes demeurent sur la plupart de ses aspects.

7En premier lieu, les épidémiologistes sont préoccupés par la nécessité d’élaborer un test fiable pour détecter la présence de la bactérie chez les éléphants. Les signes cliniques ne sont pas faciles à repérer. Dans les parcs zoologiques ou dans les cirques occidentaux, la plupart des cas ne sont confirmés qu’après examen post-mortem. La mise en culture de salive ou de crachat, qui permet le diagnostic le plus fiable concernant la tuberculose humaine, n’est guère possible avec les éléphants : elle nécessiterait le lavage du tronc et un entraînement spécifique de l’animal. De plus, les résultats ne tombent qu’après un délai de six à huit semaines ; impossible d’avoir ou non confirmation de la séropositivité d’un individu. Pour pallier cette difficulté, un diagnostic sérologique a été produit et mis sous licence par l’USDA en 2007. Il s’agit du STAT-PAK, dont l’utilisation ne demande pas plus de vingt minutes, et qui est devenu le principal outil de dépistage de la maladie chez les éléphants dans le monde. On lui reproche toutefois son hypersensibilité ; il arrive trop souvent qu’ils soient déclarés positifs sans en porter le germe.

  • 4 Aux États-Unis, le coût du traitement antituberculeux pour les éléphants peut atteindre jusqu’à 50  (...)

8Lorsqu’un éléphant est porteur du pathogène, il ne se trouve à ce jour aucun traitement spécifique pour le soigner – il faut se baser sur celui qui est réservé aux hommes, le maintenir pendant une année au moins et déplorer qu’il demeure onéreux4. Précisons qu’aujourd’hui aucun éléphant tuberculeux n’a pu être guéri de la tuberculose. Aux États-Unis, tous ceux qui étaient sous traitement sont morts. Notons néanmoins que la maladie y est considérée, non pas comme cause du décès, mais comme condition aggravante. Quant à la prévention, précisons que la vaccination n’est pas préconisée chez les individus adultes ; le vaccin ne protège, de toute façon, que de la forme infantile de la maladie, chez les éléphants comme chez les humains.

9La tuberculose est étudiée depuis plus d’un siècle chez les humains (le traitement a été introduit dans les années 1940), mais depuis les vingt dernières années seulement chez les éléphants. Qui plus est, les épidémiologistes au travail sur le sujet déplorent un manque de transparence préjudiciable sur les plans économique et touristique de la part de certaines institutions en charge de ces animaux, parcs zoologiques, cirques ou camps touristiques (Maslow & Mikota, 2015). Les études menées jusqu’à présent permettent tout de même d’énoncer quelques caractéristiques de la maladie chez les pachydermes. L’ensemble des cas déclarés concerne les individus en captivité. Aucune étude ne mentionne, à ce jour, la présence de la bactérie dans les habitats naturels des éléphants. On constate une prévalence plus élevée chez les sous-espèces de l’éléphant d’Asie ; parmi les 51 cas officiellement répertoriés entre 1996 et 2010, on ne compte que cinq éléphants d’Afrique.

  • 5 Plusieurs experts semblent sceptiques au sujet des risques liés à la tuberculose des éléphants. En (...)
  • 6 Une étude de 2006 montre l’existence de lésions typiques de la tuberculose dans les os du pied et l (...)

10La plupart des cas de tuberculose parmi les éléphants sont associés à la présence de Mycobacterium tuberculosis, l’agent causatif de la maladie chez l’homme. Un argument en faveur de l’origine humaine du mal chez les pachydermes, dans les parcs zoologiques ou dans les cirques occidentaux. Quelques scientifiques n’ont pas hésité à parler de « zoonose inversée » (Shimshony, 2008), tandis que d’autres, de renommée mondiale, tirent parti du développement des relations entre les éléphants en captivité et l’homme, dans de tels espaces, pour parler de la « réémergence » de la tuberculose des éléphants (puisque l’Histoire ancienne évoque déjà la présence de la maladie chez eux, nous l’avons vu). Dans ces conditions, quels sont les risques associés à la tuberculose des éléphants ? Le débat est ouvert. Spéculations et critiques vont bon train dans la communauté scientifique5, alors que le risque environnemental potentiel élargit encore le spectre des acteurs ou experts en tous genres susceptibles de prendre part à la gestion de la maladie. Et la question se pose, des moyens alloués pour son contrôle. Faut-il les diriger sur quelques individus seulement, se contenter de ne traiter que les cas positifs tout en cherchant à mettre au point un test de dépistage fiable ? Vaut-il mieux, au contraire, considérer qu’il serait plus utile de répartir les fonds sur l’ensemble des représentants de l’espèce pour augmenter ses chances de survie, étant donné que, pour l’instant, la tuberculose ne touche que les captifs ? C’est la position de plusieurs biologistes de la conservation qui tiennent pour une évidence que la maladie vient les réduire (Riddle et al., 2012), même si aucun cas de tuberculose n’a encore été constaté dans les populations sauvages. Et de rappeler que la tuberculose est le facteur supposé de l’extinction des mastodontes6.

  • 7 Le vétérinaire en charge des éléphants, Florence Ollivier-Courtois, a récemment publié un livre ret (...)

11Cependant, soucieux de la défense de l’environnement, d’autres s’interrogent sur le sort des éléphants porteurs de la bactérie : dans un contexte de crise de la biodiversité à l’échelle mondiale, est-il raisonnable d’éliminer les représentants d’une espèce déjà hautement menacée ? Une controverse a éclaté en France entre 2010 et 2012, dans le parc zoologique de la Tête d’Or, à Lyon, autour de Baby et Népal, deux éléphants déclarés porteurs de la tuberculose. Résultat positif, mise en quarantaine, soupçon : Baby et Népal n’auraient-ils pas transmis le pathogène au plus ancien pensionnaire du zoo, mort peu après leur arrivée ? Les voici aussitôt condamnés à l’euthanasie sur arrêté préfectoral, avec l’assistance du conseil de ville de Lyon – principe de précaution oblige. Exécution des présumés coupables Baby et Népal dans les trente jours… Là-dessus, des militants associatifs se mobilisent, épaulés par le vétérinaire du zoo. Ils lancent une campagne en faveur des éléphants, multiplient les pétitions et les manifestations. Le cirque Pinder, propriétaire initial des animaux, va jusqu’à demander leur grâce au Président de la République française, avec l’accord du ministre de l’Agriculture. L’histoire finit comme dans les contes ; la princesse Stéphanie de Monaco offre un refuge aux éléphants, si on lui garantit qu’ils ne sont pas contagieux. Nouveaux tests : ils ne sont pas infectés tuberculose ! Baby et Népal coulent depuis lors une nouvelle vie sur une paisible colline du Sud de la France7.

12L’affaire médiatique a eu du bon, en faisant sortir la maladie du cercle restreint des débats techno-scientifiques. Relayée par les défenseurs des droits des animaux, elle a permis à l’opinion publique de s’exprimer et à une population non spécialisée de s’impliquer en termes de solidarité envers d’autres êtres sensibles. Simultanément, les défenseurs des droits des animaux ont saisi l’opportunité de la fameuse émergence de la tuberculose chez les pachydermes pour remettre en cause la présence des captifs dans les parcs zoologiques ou dans les cirques. L’argument avancé est le suivant : l’état de captivité cause un stress qui induit une baisse des défenses immunitaires chez l’animal, alors qu’il se trouve déjà exposé à des agents pathogènes absents dans son milieu naturel (Mikota, 2009)

Le contexte régional asiatique

13De la sphère occidentale, à l’origine de l’alerte en 1996, les inquiétudes relatives à la tuberculose des éléphants se sont étendues depuis 2006 au continent asiatique. La plupart des pays concernés ont lancé des enquêtes visant à préciser la prévalence de la tuberculose chez leurs animaux. Cette année-là, le projet le plus ambitieux a été mis sur pied au Népal : The Nepal Elephant Healthcare and TB Surveillance Program8 a permis d’afficher un taux de séropositivité de 15 % sur un échantillon de 106 éléphants, soit 85 % de la population nationale des animaux en captivité (Mikota et al., 2015). Sept éléphants porteurs du pathogène sont morts entre 2002 et 2009 et, en 2009, le projet a rejoint l’initiative One World, One Health (un monde, une seule santé)9 qui tend à développer une stratégie interdisciplinaire au service des hommes, des animaux et de l’environnement. Il est actuellement piloté par l’ONG internationale Elephant Care en collaboration avec les autorités nationales népalaises10.

14Des études ont été conduites plus récemment en Thaïlande, en Malaisie, en Inde et au Laos, qui fera l’objet d’une réflexion plus approfondie en seconde partie. En Thaïlande, en 2010, une enquête préliminaire basée sur la recherche de signes cliniques a révélé pour la première fois une probable transmission du pathogène des cornacs vers les éléphants (Angkawanish et al., 2010). En Malaisie, deux ans plus tard, une autre enquête révèle un taux de prévalence de 20,4 % (sur 63 éléphants testés) et de 24,8 % sur 149 cornacs dépistés (Ong et al., 2013). En Inde du Sud, où les éléphants de temple sont en contact quotidien avec les populations humaines, sur un échantillon de 179 éléphants captifs testés, la prévalence de la tuberculose s’avère de 18 % (Verma-Kumar et al., 2012). Les résultats de l’étude ont été largement médiatisés dans le sous-continent par les associations de protection animale internationale qui l’avaient financée, le CUPA, notamment. Ils ont déclenché une campagne d’interdiction de contact avec les éléphants des temples, à la consternation des pèlerins qui réclamaient d’être bénis par leur trompe (The Telegraph, 2010).

15Si des actions de surveillance de la maladie sont bien menées dans ces pays en particulier, il faut déplorer l’absence de concertation interétatique à l’échelle régionale asiatique, de fait le foyer principal d’habitation des éléphants d’Asie. Nulle coordination dans la gestion des risques zoonotiques liés à l’émergence de la maladie. Les opérations sont menées sur place sous l’égide d’ONG étrangères occidentales réunies sous le paradigme One World, One Health. Les inquiétudes de la tuberculose des éléphants et des risques qu’elle génère sont donc malgré tout prises en compte dans les réseaux de santé sur un plan global à l’instar d’autres maladies d’origines animales, telle la grippe aviaire, par exemple (Hinchcliffe, 2015). Pour ce qui est des pachydermes, la « gouvernance globale des risques » (Keck & Fortané, 2015) liés à la tuberculose se fond dans celle de la conservation de l’espèce.

16Localement, les campagnes conduites dans plusieurs pays d’Asie ont fini par prendre le caractère de « sites » où s’exprime l’alerte – ce que l’Occident a connu, naguère, avec « l’affaire » du cirque américain qui a focalisé l’attention du public sur le décès de ses deux pensionnaires, ou avec celle du zoo de la Tête d’Or, à Lyon, qui a entraîné le sauvetage des célèbres Baby et Népal. Ces « sites » deviennent autant de « localités » plus ou moins connectées dans lesquelles se reflète une même vision globale des risques sanitaires et environnementaux liés à l’émergence de la maladie chez les éléphants, énonce B. Latour (2006) : « Dès que l’on souligne l’importance des sites locaux où sont élaborées les structures dites globales, c’est toute la topographie du monde social qui s’en trouve modifiée. “Macro” ne désigne plus un site plus large ou plus vaste dans lequel le niveau micro serait enchâssé comme une poupée russe, mais un autre lieu, tout aussi local, tout aussi “micro”, qui se trouve connecté à d’autres par un véhicule précis qui transporte un type précis de trace » (Latour, 2006, p. 257).

17Chaque situation où s’exprime l’alerte présente des conditions et des enjeux particuliers tout en impliquant un ensemble de savoirs, de techniques et d’acteurs propres au contexte. Ainsi, au Laos, comprendre l’agencement spécifique du dispositif de surveillance de la tuberculose nécessite d’adopter une approche ascendante en prenant pour base une ethnographie locale. Observer la pratique de surveillance « par le bas » permet d’éviter « le biais de suivre les injonctions ou les principes qui les orientent “par le haut” » (Keck & Fortané, 2015, p. 127). C’est le moyen de saisir le jeu même de l’appareil de la surveillance et l’étagement de ses conséquences, les transformations des relations entre l’homme et l’animal, et encore la manière dont les « médiateurs de la surveillance » (Pretre, 2008) et leurs savoirs spécifiques s’insèrent dans le dispositif.

18La partie ethnographique à suivre se focalisera sur les cornacs, population sentinelle pour alerter les autorités. En quoi l’émergence de la maladie et sa mise en surveillance influencent-elles leur perception des risques d’épidémies, plus généralement leurs relations aux animaux ? Considèrent-ils les éléphants comme des réservoirs de la maladie ? Je m’intéresserai également à la place de leur savoir dans le dispositif de surveillance. Comment ces savoirs et connaissances s’articulent-ils avec d’autres types de savoirs ? Il s’agira enfin de décrire les transformations induites par la surveillance dans le système de gestion des pachydermes et la reconfiguration de la place de chacun qu’elle impose. Comment les cornacs et propriétaires perçoivent-ils la présence de scientifiques et de vétérinaires ? Comment cette surveillance redéfinit-elle les liens que chacun des acteurs (humains et non humains animaux) y prenant place ? Quelle(s) opportunité(s) génère-t-elle pour chacun de ces acteurs ?

Une ethnographie de la tuberculose des éléphants au Laos

19L’enquête porte sur les cornacs et sur les propriétaires des éléphants. Elle s’est construite autour de trois axes : d’abord, la perception des signes visibles ou invisibles de la maladie, à partir du modèle des ontologies (Descola, 2005) en considérant l’intériorité et l’extériorité des êtres. Ensuite, le traitement de la mort des animaux. Enfin, la circulation des sujets porteurs du gène à la frontière du village (ban) et de la forêt (pa). À titre de comparaison, des données ont été recueillies sur le traitement des buffles malades et leurs relations avec les hommes.

20L’enquête a été réalisée dans la Province de Sayabouli, au nord-ouest du pays, dans les districts de Hongsa et Meung Ngeun. Elle s’est déroulée dans les villages auprès des communautés Tai Lao Tai Lue, et dans un camp d’éléphants. Sayabouli abrite actuellement les 3⁄4 des éléphants domestiques du pays. Les données réunies sont les fruits d’entretiens avec les cornacs et les propriétaires des éléphants, et d’observations faites au cours des relations de travail entre les hommes et les pachydermes.

21Il importe de situer d’abord la mise en surveillance de ceux-ci dans son contexte laotien en rappelant les principales actions de conservation de l’espèce qui ont eu cours ici.

L’éléphant au Laos : un symbole vivant à conserver

22Autrefois surnommé le pays du million d’éléphants, Lan Xang, le Laos n’en compte plus désormais que 800 à 900 individus (Khoubouline, 2010). En dépit de la révolution de 1975, l’éléphant demeure étroitement associé à la royauté (Kremmer, 1998) et à la religion, et il conserve son statut d’emblème national. Seulement la menace qui pèse sur lui est telle qu’une étude récente a annoncé sa disparition d’ici quelque 112 années (Suter et al., 2014). Les changements socio-économiques ont bouleversé propriétaires et cornacs ici comme ailleurs en Asie depuis la fin du XXe siècle. Le premier de ces changements a résulté de l’ouverture du marché à la fin des années 1980, quand le travail des éléphants s’est spécialisé dans l’industrie forestière, d’abord très lucrative. On les employait au débardage du bois. Mais cette forme d’industrie s’est mise à péricliter avec les nouvelles régulations forestières et les progrès techniques appliqués au bois. Au début des années 2000, le déclin était net. Aussi a-t-on cherché à proposer d’autres activités associant les hommes et les animaux, dont l’ensemble vient développer dorénavant l’industrie touristique ; ce sont en particulier des promenades à dos d’éléphant, ou la création de parcs et de festivals dédiés aux pachydermes. Ainsi apparaît de nos jours un processus de « patrimonialisation » de l’animal.

  • 11 Une initiative similaire a été effectuée en 2002.

23L’exemple le plus emblématique de cette patrimonialisation est sans doute celui du festival annuel des éléphants, organisé depuis 2007 dans la Province de Sayabouli. Dans cette même Province, en 2011, s’est ouvert l’Elephant Conservation Center (ECC). Ce complexe a la particularité de rassembler en un même lieu un programme de reproduction de l’espèce, une clinique vétérinaire, un parc pour visiteurs (principalement des touristes étrangers), un musée consacré aux éléphants et une école de formation pour cornacs. Plus récemment, durant l’enquête, une caravane composée de vingt éléphants (caravan xang) a traversé le nord du pays pendant 45 jours entre les mois de novembre et de décembre 2015, dans le but de sensibiliser les populations locales et la communauté internationale à la nécessité de sauver les derniers éléphants du pays11. Cette caravane a terminé sa route dans la ville de Luang Prabang où elle était directement associée avec les célébrations pour le 20e anniversaire de l’inscription de la ville en tant que patrimoine mondial de l’UNESCO.

24Seulement, le processus de patrimonialisation de l’animal et les activités associées mentionnées plus haut (parcs ou festivals dédiés, etc.) augmentent les interactions avec les humains, touristes ou visiteurs de camps. Dans ces conditions, une épidémie de tuberculose serait catastrophique. Or il se trouve que, comparé aux douze autres pays d’Asie abritant des éléphants, le Laos présente deux particularités qui accroissent les risques liés au potentiel zoonotique de la maladie : plus de la moitié des pachydermes vivent avec les hommes, soit environ 470 éléphants, et les actions de conservation des animaux posent problème. Ce problème, le voici : la population des éléphants de village (xang ban) joue un rôle clé pour la survie de l’espèce dans le pays. Depuis 2010, un programme incitatif de reproduction appelé Baby bonus vise à encourager les propriétaires d’éléphants femelles à les laisser parfois au repos plutôt que de les faire travailler (Labatut & Suter, 2010), pour qu’elles puissent aller librement dans la forêt s’accoupler avec des éléphants sauvages. Dans ces conditions, les interactions entre animaux sauvages et domestiques se multiplient avec le risque d’aggraver la propagation de la tuberculose chez les éléphants sauvages.

25Les pachydermes mobilisent de nos jours différents groupes d’acteurs aux intérêts divergents parce qu’ils sont partie prenante dans l’histoire et la culture de leur pays, et parce qu’ils sont probablement les derniers représentants d’une espèce menacée. Experts, vétérinaires, protecteurs, conservateurs de la Nature, institution nationale, touristes… se rejoignent dans un même discours patrimonial associé à la conservation de l’espèce. Ainsi que l’a montré Sarinda Singh, les éléphants sont intégrés au Laos au sein de contextes écologiques et politiques complexes (Singh, 2010), et le fait est que le processus de leur patrimonialisation a des répercussions sur les connaissances et le savoir-faire mis en œuvre par les cornacs. C’est surtout flagrant dans le système de gestion des animaux et dans leurs soins. Dès le début de mon enquête, force m’a été de constater que la médicalisation occidentale des éléphants, instaurée il y a une quinzaine d’années, inspire la méfiance des cornacs et des propriétaires, qu’il s’agisse des campagnes de vaccination, de dépistage et de tous les recours dont dispose la médecine vétérinaire moderne (Labatut & Suter, 2010, cf. supra).

Dépistage et surveillance de la tuberculose au Laos

26Comme dans plusieurs pays d’Asie (cf. infra), une étude exploratoire visant à évaluer la prévalence de la tuberculose chez les éléphants domestiques a été entreprise à l’échelle nationale (Lassaussaie et al., 2014). Cette étude réalisée sous le paradigme One world, one Health, consistait à détecter chez eux la trace du pathogène à partir d’un test sérologique. Il s’est appliqué sur un échantillon de 82 éléphants, soit près de 25 % de la population totale du pays. Elle comportait un deuxième volet, relatif aux cornacs et aux propriétaires des animaux, cette fois, afin de déterminer chez eux le taux de prévalence de la maladie. À quel point cette population exposée chaque jour au contact des éléphants était-elle vulnérable ? Le travail devait s’effectuer en collaboration avec les médecins de l’Institut de la francophonie pour la médecine tropicale (IFMT) à Vientiane. Un taux anormalement élevé chez les personnes concernées aurait pu souligner que les éléphants jouaient un rôle de réservoir de la maladie. 145 cornacs et propriétaires d’éléphants ont été diagnostiqués. Après une visite médicale, ceux présentant des signes cliniques (fièvre, toux) étaient conduits dans l’hôpital le plus proche pour y effectuer un examen radiographique des poumons.

27Les résultats de cette enquête indiquent un taux de prévalence de 34 % chez les éléphants testés, ce qui correspond au taux le plus élevé découvert à ce jour parmi l’ensemble des études menées en Asie. Dans certains districts, le taux de séroprévalence relevé était de 54,6 %. Sur les 145 cornacs et propriétaires examinés, 99 présentaient des signes cliniques évocateurs de la tuberculose, et on voyait des lésions suspectes sur huit d’entre eux. Finalement, après examen et mise en culture de crachat, on a pu conclure qu’aucun cas de tuberculose n’a été dépisté parmi les humains. Les résultats n’ont pas confirmé que l’existence au contact d’éléphants infectés par la tuberculose constituait un risque significatif de développer la maladie. Cependant, compte tenu de la forte prévalence de la tuberculose dans le pays, les scientifiques ont vivement recommandé la mise en place d’une surveillance médicale des pachydermes et des hommes qui les côtoient au jour le jour.

28Suivant ce qui était préconisé dans l’étude nationale, une surveillance clinique a donc été mise en place au Laos, coordonnée par le Department of Fisheries and Livestocks (DLF) du ministère de l’Agriculture laotien. Elle s’exerce dans le cadre du programme The Lao Elephant Management and Care Program (LEMCP), programme national de gestion des pachydermes en captivité initié à l’origine par une ONG française, ElefantAsia. Une fois par an au moins, les vétérinaires membres de l’unité mobile du LEMCP se rendent dans chacun des districts où vivent des éléphants pour y effectuer une visite routinière.

29Les premières visites ont permis de réunir les personnes ayant participé à l’étude en organisant des réunions au niveau villageois. Il s’agissait d’informer les cornacs et propriétaires des résultats et de répondre à leurs questions. Il s’agissait également de leur donner des conseils en matière de prévention. Par exemple, dans la mesure où les éléphants fatigués ou en état de faiblesse pour telle ou telle raison sont plus vulnérables à la maladie, les vétérinaires insistaient sur la nécessité de ne pas trop faire travailler les pachydermes. Notons que, dans le cadre des programmes de conservation de l’espèce, ce même argument est déjà employé pour expliquer le faible taux de reproduction de ces animaux dans le pays.

  • 12 En dehors de ces visites routinières, la surveillance s’applique chaque fois qu’un cornac ou propri (...)

30Depuis, à chaque visite, à chaque occasion12, les vétérinaires interrogent directement les cornacs et les propriétaires : ont-ils remarqué quoi que ce soit, chez leur animal, qui puisse être l’indice d’une tuberculose ? Fatigue ? Perte de poids ou d’appétit ? Écoulement anormalement fréquent de la trompe ? Ils conseillent en même temps à ces hommes, de manière systématique, de se préoccuper de leur propre santé en leur enjoignant de se rendre à l’hôpital le plus proche au premier signe alarmant. Ils les encouragent aussi à faire le test VIH.

31En plus d’être passive et de type clinique, sans intervention directe d’actions publiques, sur le terrain, la surveillance reste avant tout de type clinique. Du point de vue des vétérinaires, cette surveillance clinique est plutôt modérée, par souci de ne pas effrayer cornacs et propriétaires en leur fournissant trop d’informations sur les risques potentiels de transmission de la tuberculose, d’après le témoignage d’un ancien vétérinaire du LEMCP, coauteur de l’enquête sur la séroprévalence dans le pays. Trop bien informés des résultats de l’enquête, surtout dans les districts où le taux de prévalence dépasse les 50 %, certains propriétaires n’hésiteraient pas à se séparer de leur animal en le vendant à un habitant d’une autre région du Laos ou, pis encore, à l’étranger. Quant à la conservation de l’espèce au « pays du million d’éléphants », l’impact serait par trop négatif.

32Les conversations avec les cornacs apportent aussi leur moisson d’informations pour que nous nous fassions une idée assez précise des difficultés ou des blocages rencontrés, face au dispositif de surveillance. Cornacs et propriétaires ont tendance à associer l’émergence de la maladie parmi leurs éléphants à l’instauration d’une médicalisation occidentale. Ils sont même à peu près unanimes là-dessus. Le système de soin s’est transformé, en effet, depuis les années 2000, la science vétérinaire moderne chasse progressivement les savoirs locaux qui incluaient divers spécialistes au village, et ce changement s’accompagne de l’intervention de nouveaux acteurs, évoqués plus haut : les ONG environnementales, dont les vétérinaires étrangers (phalang) font partie (Labatut et Suter, 2010). L’ONG Elefantasia et, plus récemment, l’Elephant Conservation Center, sont à l’origine de création de festivals et des activités liées à la patrimonialisation des éléphants du Laos, avec les risques que nous avons vus.

33Durant l’enquête, j’ai rapidement constaté que les cornacs et les propriétaires d’éléphants n’accordent pas une confiance suffisante envers la médecine vétérinaire occidentale pour soigner leurs animaux. C’est notamment le cas pour ceux qui vivent dans les villages. Cette méfiance à l’égard de la science vétérinaire moderne s’est exprimée de différentes manières. Par ailleurs, si l’ensemble des cornacs interrogés avaient connaissance de la tuberculose humaine (tous avaient d’ailleurs été vaccinés au cours de leur enfance), ils étaient également tous informés de la tuberculose des éléphants, en raison de l’étude nationale. Mais peu d’entre eux associaient les deux maladies – celle des humains porte ici un autre nom ; en langue taie, elle est connue sous le terme wan gna lok.

  • 13 Parmi les autres clauses de leur contrat, les cornacs n’ont pas le droit d’utiliser d’outils (bâton (...)
  • 14 Après une visite dans un camp, je décidai d’ailleurs de conduire mon enquête exclusivement dans les (...)

34Enquêtant d’abord dans les camps touristiques, je me suis aperçu qu’il y était difficile d’aborder directement la question de la tuberculose des éléphants avec les cornacs. Face à une volonté de ne pas aborder le sujet, j’ai appris qu’ils signaient un contrat spécifique avec le propriétaire du camp (généralement un étranger) dans lequel il est mentionné qu’ils devaient avoir un discours approprié lors des interactions avec les visiteurs, surtout les étrangers dont je faisais partie13. Parler des risques potentiels zoonotiques de la tuberculose des éléphants (encore largement méconnus du grand public) pouvait entacher la réputation du camp en faisant chuter son chiffre d’affaires, à plus forte raison quand le camp en question se targuait de faire œuvre de pionnier et se présentait comme leader en matière de conservation des éléphants au Laos. Dans les villages, les cornacs se sont montrés relativement moins réticents ; j’ai pu les interroger plus librement sur leur connaissance de la maladie et sur leur perception des risques qu’elle fait courir14.

  • 15 Cet aspect explique en partie le choix de certains propriétaires de ne pas faire travailler leurs é (...)

35Collecter des données sur les traitements employés pour soigner les éléphants s’est révélé tout aussi difficile. Dans les camps, la médecine vétérinaire occidentale prévaut, je l’ai constaté. Chaque camp dispose d’un vétérinaire et d’une équipe qui a la charge de l’état de santé de l’animal, laissant aux cornacs un rôle de conducteur d’éléphant. Au village, en revanche, les cornacs semblent rechigner à faire appel au vétérinaire, même s’il leur fournit des traitements gratuits. Plusieurs propriétaires m’en ont donné franchement la raison ; ils considèrent les vétérinaires responsables de la maladie de leurs éléphants. En outre, pour l’ensemble des cornacs que j’ai interrogés, les éléphants sont capables de se soigner par automédication, en sélectionnant eux-mêmes les plantes et les racines à ingérer15.

Perception locale des signes de zoonose

36Comme nous l’avons vu, la surveillance clinique se base exclusivement sur les connaissances des cornacs qui, reportées aux vétérinaires, sont interprétés par ces derniers comme signes cliniques susceptibles d’indiquer l’état de santé des éléphants. La pertinence de ces signes extérieurs sur le corps des animaux n’est pourtant pas évidente à tous les cornacs. Ils ont l’habitude de voir leur éléphant fatigué ou amaigri sans que ces symptômes soient reliés à une quelconque maladie, par exemple après quatre ou cinq jours de travail en forêt. Leur morphologie varie, dans ces conditions, et, aux dires de certains, même la couleur de leur peau peut changer ! Et tous sont d’accord pour dire qu’une fois la tâche accomplie, lorsqu’ils laissent leurs éléphants au repos, libres de déambuler dans la forêt, il ne leur suffit que de quelques jours pour retrouver leur poids de forme.

37La question des signes invisibles est apparue plus pertinente, aux yeux des cornacs, pour juger de l’état de santé des pachydermes. Comme tous les grands animaux, les éléphants possèdent dans leur intériorité des esprits, les phi, et comme les hommes, ils sont animés par une force vitale, les kwaan. Ces croyances impliquent une forte ritualisation du quotidien des relations entre les cornacs et les éléphants. Celle-ci s’exprime en particulier chaque soir, lorsque les cornacs laissent leur éléphant dans la forêt après une journée de travail. Ils en informent l’esprit de la forêt (phi pa) ainsi que le dieu du sol et de la terre du territoire spécifique (chao don chao dee) et leur demandent de prendre soin de l’animal, de le protéger en cas d’attaque par d’autres animaux – comme les serpents –, mais aussi par des mauvais esprits (phi phai).

  • 16 La cérémonie du baci est également effectuée en l’honneur des buffles à la récolte de riz (au cours (...)

38Cette ritualisation de leur quotidien implique également la présence de plusieurs spécialistes pour veiller à la santé et au bien-être des pachydermes. Au village, il existe des spécialistes rituels pour le traitement des pachydermes, les mo xang. Ces derniers sont d’abord appelés au moment du dressage des éléphants à l’âge de quatre ou cinq ans. Puis, tout au long de la vie de l’animal, en cas d’attaque d’un mauvais esprit, les cornacs consultent le mo xang qui agit comme un exorciste. Par des incantations (khatha), ce spécialiste rituel va rentrer en contact avec le phi phai qu’il va chasser du corps de l’éléphant. De même, chaque année, les propriétaires font également appel aux mo xang pour réaliser le baci aux éléphants, au moment du nouvel an lao généralement en avril. Durant cette cérémonie, il s’agit de rassembler les kwaan de l’animal pour lui garantir une bonne santé. La même cérémonie peut être observée durant l’année pour remercier l’animal de son travail et de ses services rendus aux hommes16.

39Contrairement aux buffles ou aux autres animaux d’élevage, les éléphants de village sont considérés comme appartenant à un foyer et sont membres à part entière de la famille de leur propriétaire. Durant mon enquête, dans l’ensemble habitations des propriétaires visitées, je pouvais constater que des photographies de leurs éléphants figuraient aux côtés des portraits des différents membres de la famille. Aussi, chaque éléphant de village (xang ban) vit sous la protection de l’esprit du foyer de son propriétaire, le phi huean. Et quand le propriétaire et son éléphant doivent quitter l’habitation plusieurs jours durant pour aller travailler en forêt, le premier en informe son phi huean et lui demande par une prière de les protéger tous les deux. En plus de son rôle protecteur, le phi huean a la capacité d’agir sur la santé ou le comportement des pachydermes. Durant l’enquête, un propriétaire Tai-Lue du village de Viengkeo m’a par exemple m’a raconté qu’il lui était arrivé de perdre son éléphant en forêt et de l’y chercher pendant plusieurs jours. Après consultation du mo xang dans son village, ce dernier lui indiqua que le phi huean avait délibérément caché l’animal, privant ainsi la famille de revenus, parce que son couple n’était pas harmonieux et qu’il ne cessait de se quereller avec sa femme. Ce n’est qu’après avoir fait la promesse à cet esprit, par une cérémonie rituelle et des offrandes, qu’ils cesseraient ces disputes, qu’il a pu retrouver son éléphant et poursuivre avec lui son travail.

Photo 1. Cérémonie du baci en l’honneur d’un éléphant revenant du travail

Photo 1. Cérémonie du baci en l’honneur d’un éléphant revenant du travail

Source : Lainé, Laos, 2015

  • 17 Une cérémonie similaire est effectuée lorsque l’animal est vendu à un autre propriétaire.

40L’attachement du foyer à l’éléphant s’exprime également lorsque l’animal meurt. De nouveau, le propriétaire fait appel au mo xang. Celui-ci sépare littéralement l’éléphant du foyer par des rites appropriés. Il signale aux kwaan de l’animal et autres esprits qu’ils ne font plus partie du foyer domestique17. Ce n’est qu’après une telle cérémonie que le propriétaire décide du sort du corps de l’éléphant, s’il doit être brûlé, enterré ou même consommé. D’une manière générale, la mise à mort d’un éléphant, même gravement malade, n’est jamais envisagée. Je n’ai rencontré durant mon enquête qu’un cas d’abattage d’éléphant par son propriétaire, parce qu’il était devenu trop dangereux pour les humains. Ces premiers éléments montrent que par leurs savoirs et pratiques locaux, cornacs et propriétaires sont particulièrement attentifs aux signes invisibles de maladie de leurs éléphants. Ces attentions constituent d’ailleurs une forme de surveillance quotidienne de l’état de santé des animaux et rejoignent les enjeux sanitaires et de conservation de l’espèce. Pourtant, dans le dispositif actuel, ce sont les signes visibles qui sont visés par les vétérinaires lors de leur visite.

  • 18 La plupart de ces manuscrits sont écrits en tai, les plus anciens en pali.
  • 19 J’emprunte à R. Pottier cette distinction entre médecine des rituels et médecine des remèdes pour l (...)

41Au village, en dehors des mo xang, que l’on peut considérer comme pratiquant la médecine des rituels, il existe d’autres guérisseurs locaux pour veiller au bien-être et à la santé de pachydermes, les mo ya xang, qui soignent les hommes et les animaux par les plantes. Ils se réfèrent à des manuscrits anciens, en tai ou en pali, nommés Thamla Ya18 pour préparer les compositions préconisées dans cette médecine dite « des remèdes » pour la distinguer de celle « des rituels »19. J’ai interrogé ces spécialistes : aucun ne m’a fait part d’une mention de la tuberculose dans ces manuscrits. Pour eux, la tuberculose est une maladie moderne, qu’elle touche les humains ou les éléphants. Leur opinion rejoint celle des cornacs et des propriétaires, pour lesquels la tuberculose est apparue récemment, dans le contexte de la médicalisation des pachydermes et de la gestion de ces animaux par des vétérinaires occidentaux. D’autre part, qu’il s’agisse de la tuberculose ou de toute autre maladie, ils ne conçoivent pas le franchissement de la barrière des espèces. À ce sujet, durant l’enquête, une réponse récurrente des cornacs et des propriétaires était la suivante : « xang bo dtît xang ; xang bo dtît khon ; xang bo dtît kuwai », littéralement par « (il y a) une impossibilité de transmission (de maladies) entre les éléphants (sauvages ou domestiques), entre les éléphants et les hommes, et entre les éléphants et les buffles ». De même que nous avons souligné l’importance des signes invisibles de maladie chez les animaux, au village, cornacs et propriétaires mobilisent des spécialistes capables de soigner les éléphants sur la base de compositions de plantes. Cette médecine traditionnelle qui participe d’une surveillance locale s’inscrit cependant dans une forme de confrontation avec les normes vétérinaires modernes en vigueur.

Conclusion : les défis de la surveillance

42Au Laos, l’enquête ethnographique souligne un certain nombre de difficultés pour effectuer la surveillance requise dans la lutte contre la tuberculose des éléphants. Il y a le système de gestion des éléphants, mais il y a aussi l’incompréhension des cornacs et des propriétaires quant au risque de transmission du pathogène. Initiée par les autorités à l’appui d’une ONG occidentale, la surveillance des éléphants dans le pays se base sur les observations et la collaboration des cornacs pour informer les vétérinaires de la présence de signes cliniques sur l’animal. Localement, cette surveillance passive se heurte à la difficulté à faire accepter un risque zoonotique auprès des cornacs. Pour ces derniers, le franchissement de la barrière interespèce concernant les maladies et la tuberculose en particulier sont difficilement pensables. De même, pour les cornacs et les propriétaires d’éléphants, la tuberculose chez ces animaux apparaît comme quelque chose de récent, fortement associée à l’implantation de la médecine occidentale, dans laquelle ils n’ont pas confiance. Non seulement la tuberculose des éléphants ne fait pas sens pour eux, mais il semble bien que le sujet vienne exacerber des tensions déjà existantes en opposant plus vivement les savoirs locaux et occidentaux sur les pachydermes. Dans ce contexte, l’apparition du pathogène de la tuberculose chez les éléphants et leur mise en surveillance donnent une légitimité nouvelle aux actions des vétérinaires dans la gestion et le contrôle des pachydermes dans le pays.

43Sur le terrain, j’ai pu constater que cette surveillance ne s’opère finalement pas de la même manière dans les camps touristiques (pour lesquels travaillent principalement les vétérinaires) et dans les villages où ils ne sont pas systématiquement appelés par les propriétaires des animaux. Dans chaque cas s’ajoutent différents types d’enjeux, notamment la question de la réputation des camps ou des discours et actions de conservation mises en avant par ces institutions. En fait, on s’aperçoit donc qu’il existe au Laos différents « sites » ou « localités » (cf. Latour infra) où se matérialise l’alerte globale sur la maladie. Ils impliquent clairement des enjeux différents de savoirs sur les pachydermes, ceux des experts (vétérinaires) et ceux des profanes (cornacs et propriétaires des éléphants). Si le global se décline dans une série de localités, il ne fait pas de doute qu’en retour, ces mêmes localités participent à (re)construire l’alerte globale en faisant circuler de nouvelles normes et signent pour une meilleure surveillance de la maladie.

  • 20 Frédéric Keck distingue au moins trois sens à la sentinelle comme nouvelle forme normative de contr (...)

44De même, l’enquête montre que les pratiques de surveillance de la maladie chez les éléphants semblent être utilisées comme un moyen pour agir en faveur de la survie de l’espèce. Dans le pays, ce dispositif vise à détecter la présence du pathogène chez les animaux, en même temps qu’elle cherche à prendre soin de ces individus dans un objectif de conservation de l’espèce (Keck, 2013)20, laquelle concernant les éléphants se gouverne déjà au niveau mondial (Lainé, 2015).

45Le point critique de la surveillance réside dans l’articulation des actions locales de conservation de la biodiversité avec la gestion des risques sanitaires et environnementaux globaux. À ce jour, il n’y a pas, au Laos, de stratégies d’intégration des politiques de santé ou de conservation globale avec une gestion locale où ce sont les experts (vétérinaires) qui décident et coordonnent la surveillance. De peur de voir les propriétaires d’éléphants chercher à vendre ces derniers, les vétérinaires ne partagent pas avec eux, ni avec leurs cornacs, l’ensemble des informations sur les risques liés à leurs maladies. D’où une part d’incompréhension, sans doute, et le fait que ceux qui vivent avec les éléphants ne les considèrent pas comme des réservoirs potentiels de la tuberculose et ne les imaginent pas susceptibles d’amplifier sa diffusion parmi les hommes, la faune sauvage et le cheptel domestique. La surveillance gagnerait pourtant en efficacité si l’on pouvait concilier les différentes conceptions de la maladie dans les pratiques et la gestion des pachydermes. Il semble cependant que l’efficacité de la surveillance en place réside précisément dans l’articulation de différentes conceptions de la maladie, dans les pratiques et la gestion des pachydermes.

46Il reste une particularité des actions de conservation des éléphants au Laos, le processus de patrimonialisation de l’animal. En alliant patrimoine biologique et culturel, il ouvre la porte à une reconsidération du rôle des savoirs et savoir-faire locaux sur ces animaux. À ce jour, la patrimonialisation est aussi un des moyens de conserver l’espèce. Comme nous l’avons montré, le consensus opéré par les différents acteurs sur le terrain ne laisse cependant que peu de place aux cornacs et aux propriétaires. À l’appui de ce processus, il s’agirait d’intégrer au cœur des connaissances et des savoirs locaux les questions liées à la prévention des risques sanitaires et environnementaux de la tuberculose. En traduisant ces risques, la surveillance aurait sans doute plus de sens pour les cornacs et les propriétaires, en même temps qu’elle relierait ces populations aux préoccupations globales liées à la gestion des risques sanitaires, le « emerging disease worldview » (King, 2002), en même temps qu’à la conservation des éléphants dont ils sont aujourd’hui exclus. En conduisant les propriétaires et cornacs des éléphants à penser global lorsqu’ils agissent local, une telle proposition appellerait même à refonder le paradigme de la conservation. Dans le continent sud-est asiatique, comme le rappelle Anna Tsing (2002), la place des populations locales n’est pensée que comme une allégorie guidant les politiques et agendas environnementaux globaux. Ils ont pourtant la capacité d’être les « nœuds culturels au sein des réseaux globaux » (Tsing, 2002, p. 164). À travers les actions de valorisation qu’elle engendre, la patrimonialisation des pachydermes pourrait et devrait pouvoir transformer les savoirs locaux en de véritables outils d’anticipation et de gestion de crises, qu’elles soient sanitaires ou environnementales.

L’auteur remercie Frédéric Keck ainsi que les trois évaluateurs pour leurs remarques et commentaires sur une première version de l’article.

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Notes

1 Cette recherche s’inscrit dans le cadre du projet « Représentations sociales des agents pathogènes aux frontières entre les espèces », subventionné par le fonds Axa pour la recherche, coordonné par Frédéric Keck au sein du Laboratoire d’anthropologie sociale (Collège de France, Paris). Elle se base sur une enquête de terrain au Laos réalisée entre les mois de septembre et décembre 2015.

2 Pour une revue exhaustive des cas confirmés, voir Michalak et al., 1998.

3 La dernière version à jour a été publiée en 2015.

4 Aux États-Unis, le coût du traitement antituberculeux pour les éléphants peut atteindre jusqu’à 50 000 dollars. Il est onéreux en Asie mais avoisine les 3000 à 4000 US dollars par an (Maslow & Mikota, 2015).

5 Plusieurs experts semblent sceptiques au sujet des risques liés à la tuberculose des éléphants. En 2011, un séminaire portant sur cette maladie organisé par l’US Department of Agriculture (USDA) avait pour titre évocateur : « Tuberculosis in Elephants : Science, Myths, and Beyond ! ».

6 Une étude de 2006 montre l’existence de lésions typiques de la tuberculose dans les os du pied et les côtes de plus de la moitié d’un échantillon de 113 squelettes de mastodontes étudiés. Reconnaissant que seule une partie des animaux infectés par la tuberculose développent la maladie osseuse, la haute fréquence de la pathologie a suggéré que la tuberculose a pu avoir contribué à la disparition du mastodonte (de Rothschild & Laub, 2006).

7 Le vétérinaire en charge des éléphants, Florence Ollivier-Courtois, a récemment publié un livre retraçant le « sauvetage » des éléphants (Ollivier-Courtois, 2015). Une association, avec une page sur le réseau social Facebook, a également été créée pour soutenir les pachydermes (voir http://www.association-baby-nepal.com/ et https://www.facebook.com/babyetnepal/).

8 Voir le lien http://www.elephantcare.org/tbnepal.htm.

9 Depuis 2009, l’initiative One Health allie la FAO, l’OMS et l’OIE pour mieux détecter et combattre plus efficacement les émergences de pathogènes à l’interface animal-homme-environnement. Voir http://www.onehealthinitiative.com.

10 Voir la page dédiée au programme sur le site de l’ONG : http://www.elephantcare.org/tbnepal.htm.

11 Une initiative similaire a été effectuée en 2002.

12 En dehors de ces visites routinières, la surveillance s’applique chaque fois qu’un cornac ou propriétaire fait appel à l’unité mobile du LECPM.

13 Parmi les autres clauses de leur contrat, les cornacs n’ont pas le droit d’utiliser d’outils (bâton) pour contrôler leur éléphant en présence de visiteurs.

14 Après une visite dans un camp, je décidai d’ailleurs de conduire mon enquête exclusivement dans les villages.

15 Cet aspect explique en partie le choix de certains propriétaires de ne pas faire travailler leurs éléphants dans ces camps car les animaux doivent suivre un régime alimentaire monotone établi par les vétérinaires de la structure composé en partie de compléments alimentaires. Le soir, les animaux sont systématiquement laissés au même endroit en lisière du camp, ce qui leur donne peu de choix de plantes à ingurgiter.

16 La cérémonie du baci est également effectuée en l’honneur des buffles à la récolte de riz (au cours du mois de novembre-décembre) et avant de laisser les animaux dans la forêt pour plusieurs mois.

17 Une cérémonie similaire est effectuée lorsque l’animal est vendu à un autre propriétaire.

18 La plupart de ces manuscrits sont écrits en tai, les plus anciens en pali.

19 J’emprunte à R. Pottier cette distinction entre médecine des rituels et médecine des remèdes pour le Laos (voir Pottier, 2007).

20 Frédéric Keck distingue au moins trois sens à la sentinelle comme nouvelle forme normative de contrôle de maladies infectieuses émergentes. Elle peut être associée à un territoire et à l’ensemble des acteurs qui le pratiquent ; la sentinelle peut également être un dispositif sociotechnique en place tel le choix de non-vaccination d’un certain nombre de volailles pour anticiper et contrôler l’émergence de maladies animale ; elle peut enfin, comme cela semble être le cas au Laos, associer une volonté de détecter une maladie sur des animaux dans un objectif de conservation (Keck, 2013).

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Titre Photo 1. Cérémonie du baci en l’honneur d’un éléphant revenant du travail
Crédits Source : Lainé, Laos, 2015
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rac/docannexe/image/1544/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 53k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Nicolas Lainé, « Surveiller les animaux, conserver l’espèce »Revue d’anthropologie des connaissances [En ligne], 11-1 | 2017, mis en ligne le 01 mars 2017, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/rac/1544 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.3917/rac.034.0023

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Auteur

Nicolas Lainé

Ethnologue, chercheur associé au Laboratoire d’Anthropologie Sociale (LAS), Collège de France, Paris, dans le cadre d’une anthropologie désanthropocentrée, ses travaux portent sur l’étude et la compréhension des communautés hommes-éléphants en Asie (Inde, Laos). Il est également chargé d’enseignement à l’Université de Strasbourg. http://las.ehess.fr/index.php?2334
https://orcid.org/0000-0001-8454-3886

Adresse : Laboratoire d’Anthropologie Sociale, 52 rue du Cardinal Lemoine, FR-75005 Paris (France).
Courriel : nlaine[at]unistra.fr

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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