Navigation – Plan du site

AccueilNuméros22Notes de lectureCommunication, langue et discoursRoger Odin, Les espaces de commun...

Notes de lecture
Communication, langue et discours

Roger Odin, Les espaces de communication

Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, coll. La communication en plus, 2011, 159 p.
Christine Chevret-Castellani
p. 341-342
Référence(s) :

Roger Odin, Les espaces de communication, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, coll. La communication en plus, 2011, 159 p.

Texte intégral

1Roger Odin, professeur émérite à l’université Sorbonne Nouvelle – Paris 3 et chercheur à l’Institut de recherche sur le cinéma et l’audiovisuel, est reconnu pour ses travaux sur le film de famille et l’approche sémiopragmatique du cinéma. Son parcours initial en linguistique le conduit à se détourner d’une approche structuraliste et immanentiste au profit d’une orientation greimassienne dont il conserve notamment le concept d’actant

2Dans Les espaces de communication, Roger Odin se fonde sur un modèle, entendu au sens d’outil de travail, de la communication médiatisée dans lequel l’espace de l’émission et celui de la réception sont radicalement séparés (p. 18). Il s’agit d’insister sur le rôle qu’exercent les contraintes « qui régissent la construction des actants de la communication et la façon dont ils sont conduits à produire du sens » (p. 21). Pour l’actant, ces contraintes induisent des types de lectures, ou plus exactement le conduisent à produire des hypothèses de lectures. Dès lors, l’auteur cherche à savoir si certaines seraient universelles. Il en recense et en évalue plusieurs : naturelles, narratives, propres à la langue. Le chercheur renonce à l’importance des contraintes naturelles et ajoute celles liées à la communication. De plus, le propos vise à exposer un modèle relatif à la communication médiatisée. Le concept de « vibrations » lui sert donc à envisager ce qui circule dans chaque espace, celui de l’émetteur comme celui du récepteur, et à voir comment ces vibrations sont transformées en sens et en affects. La notion de contexte renvoie aux contraintes. Cependant, en introduisant l’idée de production de sens, Roger Odin lui préfère celle d’espace de communication. Cette dernière est « un espace à l’intérieur duquel le faisceau de contraintes pousse les actants (E) et (R) à produire du sens sur le même axe de pertinence » (p. 39).

3À partir du deuxième chapitre, l’idée de « mode » est introduite. Roger Odin y voit une construction théorique visant à structurer en « ensembles fonctionnels les processus de production de sens » (p. 46). Les modes peuvent se décliner : fictionnalisant, spectacularisant, documentarisant, documentarisant moralisant, fictionnalisant fabulisant. Chacun est envisagé eu égard aux niveaux discursif, affectif et énonciatif. L’application méthodologique implique de se poser les questions suivantes : quelle est la forme discursive ? À quel espace est-on confronté ? Quelles relations affectives produit-il ? Quelles relations énonciatives ?

4Dans le troisième chapitre on interroge des modes – esthétiques et artistiques – dont les processus s’organisent dans la succession, supposant un autre ordonnancement temporel. Un mode est esthétique lorsque la démarche dans laquelle s’engage un sujet le conduit à rechercher des valeurs esthétiques (p. 67). Il se distingue du mode artistique, qui implique avant tout la construction « d’un énonciateur réel comme appartenant à l’espace de l’art » (p. 73). Force est de reconnaître que, dans notre culture, l’énonciation du nom propre (de l’artiste, d’un groupe ou d’une institution) garantit l’appartenance à l’espace de l’art.

5Le quatrième chapitre du livre a pour objectif de comprendre ce qui se produit dans un cadre contextuel avec, comme exemple, la communication dans l’espace familial. Ce dernier conduit Roger Odin à introduire de nouveaux modes, privé et intime. L’espace de communication de la mémoire familiale est marqué par des médias hybrides. Ainsi le film de famille n’est-il pas exactement un film avec un début et une fin. D’ailleurs, il est réussi à la condition de ne pas être un film. L’espace familial peut également faire l’objet d’un point de vue extérieur. Dans ce cas, il suppose le mode du témoignage (p. 97), qui a connu des évolutions, et, en se fondant sur l’analyse de ces dernières, Roger Odin conclut que la communication n’est pas réductible à la production de sens et d’affects car elle génère aussi des effets.

6Aussi le film de famille est-il l’objet essentiel du cinquième chapitre. Celui-ci est envisagé sous un autre angle, celui de sa migration en dehors de son contexte d’origine. Les migrations impliquent différents modes de lecture : documentarisant, privé, intime, mais également celui de l’authenticité suivant lequel un énonciateur réel est construit sans que celui-ci puisse faire l’objet d’interrogations en termes de vérité (p. 108).

7Le dernier chapitre, intitulé « Analyse textuelle et sémio-pragmatique », vise à exposer ce que signifie précisément analyser la communication en contexte. La mise au jour des contraintes contextuelles doit succéder à l’analyse immanentiste. Roger Odin procède de la sorte pour trois objets : une émission du Tour de France cycliste, une reproduction d’une peinture dans une collection de livres d’histoire de l’art et un travail collectif universitaire sur un film. Ainsi l’auteur est-il conduit à mettre en évidence la pluralité des textes construits (p. 140). L’analyse immanentiste ne peut rendre compte de cette pluralité en laissant croire qu’il n’y a qu’un seul texte. De même, le lecteur change constamment de mode de production : « Toute expérience de lecture est une aventure » (p. 140).

8Même si le chercheur préfère le terme d’« outils », ses apports conceptuels sont nombreux. Par exemple, le concept d’espace est substitué à celui d’institutions. Pourtant, l’institution a marqué une génération de chercheurs – on pense à Jean-Pierre Esquenazi et à ses travaux, notamment celui sur Le pouvoir d’un média : tf1 et son discours (Paris, Éd. L’Harmattan, 1996). Concernant les apports, certains concepts auraient mérité d’être éclairés. Si l’on comprend que celui de « vibration » désigne ce qui circule à l’intérieur d’un espace et fait l’objet de sens et d’affects, on admet son usage pour une communication médiatisée comme celle relative au cinéma et à la télévision. En revanche, il paraît plus obscur concernant le texte. Par ailleurs, dans un contexte théorique justifiant l’importance de l’interprétation, pourquoi conserver cette terminologie relative au « récepteur » ? Pourquoi ne peut-on pas lui substituer celle de « destinataire » ?

9Enfin, écarter le concept d’institution tout en maintenant la tension théorique sur les contraintes donne à s’interroger sur l’importance qu’elles représentent désormais. Par exemple, si, dans un article du Monde, on cherche la construction de l’énonciateur et la production d’informations, c’est le mode documentarisant qui impose la lecture de l’extrait. Le Monde est une institution qui ordonne le mode au prisme duquel on le lit. Ce n’est que dans un second temps – au prix d’une posture phénoménologique qui exige une disponibilité à l’expérience – qu’on découvrira notamment la production de valeurs. Ainsi la lecture glissera-t-elle subrepticement vers le mode moralisant.

10Les apports de l’ouvrage dépassent très largement la réflexion sur le film de famille ou plus généralement sur le cinéma. Avec cette « boîte à outils », Roger Odin fait un précieux cadeau aux chercheurs en sciences de l’information et de la communication, surtout à ceux qui arrivent dans la discipline ; il donne à penser.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Christine Chevret-Castellani, « Roger Odin, Les espaces de communication »Questions de communication, 22 | 2012, 341-342.

Référence électronique

Christine Chevret-Castellani, « Roger Odin, Les espaces de communication »Questions de communication [En ligne], 22 | 2012, mis en ligne le 08 janvier 2013, consulté le 12 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/questionsdecommunication/6998 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/questionsdecommunication.6998

Haut de page

Auteur

Christine Chevret-Castellani

labsic, université Paris 13
christine.chevret@univ-paris13.fr

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search