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Echanges

La mondialisation culturelle par-delà le prisme de la diversité culturelle

Cultural Globalization beyond cultural Diversity’s Prism
Jean Tardif
p. 151-168

Résumés

La mondialisation pose un défi à la pensée et à l’action. Cette rupture instauratrice se laisse difficilement saisir dans sa complexité par les spécialisations disciplinaires, tout comme elle semble ne pouvoir être maîtrisée par les instruments politiques et économiques adaptés aux réalités antérieures. La crise actuelle en fournit un révélateur par son caractère multidimensionnel. À cet égard, les échanges publiés dans les livraisons 13 et 14 de Questions de communication est instructif : tout en présentant une diversité de points de vue, il illustre la difficulté de croiser des perspectives différentes. La culture fournit un référentiel intéressant : invoquée trop souvent en termes de qualificatifs qui permettent de se replier sur des aspects singuliers concernant les beaux-arts, les industries culturelles, « l’exception culturelle », le divertissement, etc. Lorsque l’on accepte de la considérer comme le système symbolique qui constitue une société et la distingue des autres, c’est dans la mesure où elle épouse le moule « national » qui en serait la seule expression politiquement acceptable. La diversité culturelle est invoquée pour défendre la légitimité des politiques nationales. Ces prismes ne permettent pas de déchiffrer le paradigme du nouvel écosystème symbolique émergeant de la mondialisation culturelle qui affecte la capacité de socialisation de toutes les cultures existantes. On peut en voir les incidences dans le débat sur l’identité nationale amorcé en France et qui ne pourra être fructueux sans expliciter les liens dialectiques entre identité et culture, ainsi que la façon dont ces processus symboliques sont affectés par la mondialisation culturelle. Pour comprendre et vivre la mondialité, il faudra sans doute sortir de la perspective occidentalo-centrée, soi-disant universelle, pour connaître et intégrer d’autres points de vue – asiatiques notamment – qui permettront de composer avec les exigences du pluralisme culturel comme seul fondement réaliste du vivre ensemble.

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Notes de la rédaction

Deux textes – celui de Joëlle Farchy (2008) et celui de Jean Tardif (2008) – ont donné lieu à des « Échanges » sur le thème « Promouvoir la diversité culturelle? ». Il revient à leurs auteurs de répondre aux chercheurs qui ont discuté leurs propositions. Ce que Jean Tardif a souhaité faire.

Texte intégral

  • 1 L’observation formulée par M. Gauchet est piquante : « L'université ne m'apparaît pas en meilleure (...)

1L’invitation à engager des échanges sur les questions abordées dans Les enjeux de la mondialisation culturelle (Tardif, Farchy, 2006) est apparue comme un moyen de stimuler les débats que cet ouvrage cherche à susciter à l’écart des positions idéologiques et des polémiques artificielles. La formule proposée permettait d’espérer croiser les perspectives sur des enjeux qui ne se laissent guère enfermer dans les couloirs disciplinaires et dont la nature, l’importance et la complexité ne peuvent être comprises et maîtrisées par le simple recours aux théories et aux pratiques du passé. Le dossier présenté dans les 13e et 14e livraisons de Questions de communication illustre les difficultés de dépasser la juxtaposition de textes et d’organiser des échanges structurés permettant d’éclairer les questions complexes par des analyses croisées. Dans leurs présentations, Béatrice Fleury et Jacques Walter (2008a, 2008b) ont tenté de trouver une articulation – sinon une cohérence – entre des textes intéressants à maints égards, mais dont ils observent que certains ont un lien ténu avec les deux articles proposés comme point de départ. Dans ces conditions, et faute de commentaires et de critiques étayées, il est difficile de réagir à ces contributions en respectant l’esprit des échanges. Néanmoins, ne serait-ce que pour marquer l’appréciation des efforts de Questions de communication qui rejoignent ceux de PlanetAgora pour susciter des discussions malheureusement trop rares, la présente contribution – qui ne saurait proposer une conclusion – veut renouveler l’invitation à pousser plus loin l’analyse de questions dont l’actualité et l’importance ne peuvent que devenir de plus en plus pressantes. Par-delà la spécialisation indispensable à l’avancement scientifique et la nécessité pour l’action de trouver les moyens de composer avec les défis immédiats particulièrement pressants en cette période de crise économique qu’on ne peut comprendre sans y voir le miroir d’une crise politique et culturelle, la compréhension des mutations qui emportent le monde représente aujourd’hui une exigence essentielle aussi bien pour les chercheurs et les responsables engagés dans l’action que pour les sociétés en quête de sens, de repères et de leviers1. Avant de formuler quelques remarques sur les propos des commentateurs, peut-être n’est-il pas inutile de rappeler l’argument central de l’ouvrage Les enjeux de la mondialisation culturelle, repris de façon sommaire dans les contributions publiées dans Questions de communication (Farchy, 2008 ; Tardif, 2008) qui ont servi de point de départ au dossier.

Les enjeux de la mondialisation culturelle ne se limitent pas à la diversité culturelle

  • 2 Les actes d’un colloque tenu à la Sorbonne le 18 juin 2008 pour tenter d’établir un premier bilan d (...)

2« Promouvoir la diversité culturelle? ». Ce titre retenu par Béatrice Fleury et Jacques Walter pour le dossier d’échanges se fondant sur Les enjeux de la mondialisation culturelle reflète bien l’angle sous lequel les questions culturelles ont été abordées dans la sphère publique, notamment en France, depuis le mouvement engagé en 1994, d’abord sous le signe de « l’exception culturelle » – assimilée indûment par certains à « l’exception française » –, puis de « la diversité culturelle » et qui a conduit à l’adoption par l’Unesco en 2005 de la Convention sur la promotion et la protection de la diversité des expressions culturelles. Formulé sur le mode interrogatif, il invite à réexaminer les affirmations souvent péremptoires qui ont scandé cette mobilisation, ce que l’ouvrage a cherché à faire en explicitant et en articulant les enjeux que présente la mondialisation culturelle dont on ne peut guère saisir la nature et la dimension stratégique à travers le prisme réducteur de la diversité culturelle. Sans reprendre ici un débat qui a fait l’objet d’innombrables discours, colloques et publications au cours des dernières années, il n’est peut-être pas inutile d’évoquer rapidement certains éléments qui permettront d’apprécier les différences entre « la diversité culturelle » et le propos central de l’ouvrage traitant de la mondialisation culturelle (Tardif, Farchy, 2006). Très souvent, encore aujourd’hui, on fait référence à la Convention sur « la diversité culturelle ». Faute de préciser à quoi tient cette diversité et quelles sont ses assises et les menaces qui pèseraient sur elle, ce raccourci commode peut masquer des ambiguïtés, voire justifier des interprétations et des projets qui n’ont pas de rapport évident avec sa défense effective. La Convention a comme objet relativement restreint de garantir le droit des États d’adapter leurs politiques culturelles nationales à l’abri des obligations de libéralisation qui auraient pu découler de l’Accord général sur le commerce des services (agcs, gats en anglais) adopté sous l’égide de l’Organisation mondiale du commerce (omc) en 1994 et qui n’en est pas affecté. L’efficacité de ce nouvel instrument dont la portée juridique reste théorique tant qu’elle n’a pas été confrontée à un test concret à ce jour encore hypothétique ne saurait être appréciée sous le seul angle juridique2. La Convention constitue surtout une avancée politique significative en introduisant dans le droit international un principe concurrent à celui du libre échange inscrit au cœur du système international par l’idéologie néolibérale qui s’était imposée après la chute du Mur de Berlin en 1989. Il serait pourtant bien aventureux de soutenir que la Convention aurait inauguré « une nouvelle ère dans le paysage culturel mondial » pour reprendre la formulation de la question soumise à la rencontre organisée le 27 avril 2009 par Cultures France au théâtre national de Chaillot. Il est d’ailleurs piquant d’observer que les États-Unis, qui se sont opposés à la Convention, ne sont pas les seuls à chercher à la contourner : l’Union européenne qui est partie de cette Convention n’a-t-elle pas introduit des dispositions relatives aux échanges audiovisuels dans le projet d’accord commercial en cours de négociation avec la Corée du Sud? Les débats entourant la Convention ont suscité une salutaire prise de conscience de l’importance des politiques culturelles. Pourtant, la mobilisation autour de ces questions semble déjà s’estomper alors que, à l’instigation des lobbies des industries culturelles qui ont joué un rôle significatif en faveur de la Convention, l’attention s’est déplacée vers la lutte contre le téléchargement illégal des œuvres culturelles. Depuis l’entrée en vigueur de ce nouvel instrument international, les ressources budgétaires consacrées aux politiques culturelles ont été réduites dans certains pays qui ont été ses plus fervents promoteurs, ce qui démontre l’importance toute relative de cette priorité déclarée. Le fonds prévu pour aider les pays en développement à se doter de politiques culturelles est doté d’à peine un million de dollars. Il serait difficile d’identifier de nouvelles mesures significatives qu’aurait entraînées l’entrée en vigueur de ce traité. Et l’on ne constate pas de signe probant d’une baisse de l’attrait que les productions hollywoodiennes continuent de susciter en dehors des États-Unis alors même qu’est avérée partout la préférence des auditoires pour des histoires ancrées dans la réalité locale.

  • 3 « Copenhague, c'est d'abord l'échec de la gestion de l'onu, temple du multilatéralisme hérité de la (...)
  • 4 A. Courban, « Monsieur Huntington, taisez-vous! », Chroniques de l’Irréparable (entretien n° 3, 27/ (...)
  • 5 La topologie des aires géoculturelles que nous avons proposée n’exclut pas la coïncidence de certai (...)
  • 6 À cet égard, les interrogations sur les difficultés à prévoir et à analyser la crise, notamment dan (...)
  • 7 Pour une explicitation de cette perspective qui ne se réduit pas à l’acception courante du terme, a (...)
  • 8 « Pour un Conseil de sécurité économique », Le Nouvel Observateur (25/06/98 ; 17/09/99).
  • 9 Voir J. Dufresne, Encyclopédie Agora. Accès : http://agora.qc.ca/francophonie.nsf/Documents/Diversi (...)

3Ces quelques observations en forme de rappel permettent de réaliser que les approches de « l’exception culturelle » et de « la diversité culturelle » reconnaissent l’importance économique grandissante et la composante identitaire et politique de la culture, mais sans les articuler autrement que de façon défensive, en s’en remettant aux politiques nationales. Avec la Convention, on reste dans le système international westphalien réservé aux acteurs étatiques alors que l’émergence même du G7 et du G20 en démontre pourtant les carences et les limites face aux défis transfrontaliers que présente la mondialisation, comme on l’a constaté à nouveau lors du Sommet de Copenhague sur l’environnement.3 On ne peut saisir ni comprendre la dimension stratégique des facteurs culturels dans la dynamique mondiale – qui ne se réduit pas aux relations interétatiques – sans expliciter les rapports dialectiques qu’entretiennent culture et identité dans des conditions qui sont profondément bouleversées par la mondialisation culturelle. C’est à partir de là que pourront être envisagés les moyens d’inventer les cadres d’interactions entre les sociétés et leurs cultures – incluant les rapports interétatiques – en prenant en compte les conditions dans lesquelles elles interviennent à l’ère de la mondialisation culturelle. À l’origine de la démarche qui a conduit à la rédaction des Enjeux de la mondialisation culturelle, c’est le constat de la place marginale qu’occupe la culture dans les réflexions sur la mondialisation et encore davantage dans les efforts pour tenter de la maîtriser. Certes, le courant des cultural studies, les concepts de culture de masse ou d’impérialisme culturel, les théories de la communication comme les discours sur le multiculturalisme ou sur la diversité culturelle, les travaux sur le capitalisme culturel ou les industries culturelles apportent des contributions intéressantes. Pour autant, ils n’ont pas réussi à faire reconnaître la dimension centrale de la culture dans les sciences humaines et encore moins comme enjeu stratégique de la mondialisation qui reste essentiellement analysée dans sa dimension économique et trop souvent évoquée en termes vagues, propices aux approximations sur ses autres dimensions. Il n’est donc guère surprenant que la culture soit très rarement abordée dans sa dimension politique – qui ne se résume pas aux politiques culturelles ou aux politiques d’intégration communautaire. Il ne suffit pas de dire « Monsieur Huntington, taisez-vous! »4, ni de critiquer ses analyses sur des aspects marginaux comme la question des frontières des civilisations parce qu’elles ne coïncideraient pas avec celles des États ancrés sur un territoire5, pour évacuer le fait que les facteurs culturels jouent un rôle bien réel dans les clivages mondiaux actuels et constituent des enjeux de realpolitik. La prétention à répandre ou à imposer un modèle présenté comme le meilleur suivant des critères économiques – voire « universel » en termes de valeurs – ne peut manquer de susciter des réactions à la mesure de ce qui peut être considéré comme une menace pour la sécurité culturelle d’une société. Il ne suffit pas, au plan politique, d’invoquer les dialogues interculturels comme un aimable antonyme au « choc des civilisations » pour exorciser comme par magie la perspective malheureusement pas irréelle des rivalités et des conflits entre les cultures. Faut-il voir dans leur origine, dans leur approche idéologique et dans le rôle de leurs protagonistes l’explication du fait que les mouvements altermondialistes n’ont jamais inclus la culture dans leurs analyses et dans leurs revendications? Si la distinction entre les enjeux géopolitiques et les enjeux géoéconomiques a commencé à s’imposer en raison de l’importance croissante de la dimension transfrontalière des acteurs économiques, les réalités géoculturelles restent le plus souvent considérées comme une simple dimension de la géopolitique. C’est parce que la mondialisation pose un défi à la pensée et à l’action que l’ouvrage n’a pas pris la forme d’une discussion académique des théories plus ou moins partielles qui ne permettent pas d’appréhender la complexité de ce processus6, sans pour autant les ignorer ni rester enfermé dans le nationalisme méthodologique. C’est en proposant de façon systématique des définitions à chacun des concepts employés qu’on a cherché à expliciter les rapports entre culture, identité, mondialisation et gouvernance, en intégrant aussi l’incontournable perspective économique. Cette démarche a conduit à avancer des propositions qui permettraient de prendre en compte les enjeux géoculturels dans la gouvernance de la mondialisation : le pluralisme culturel comme fondement d’une approche cosmopolitique7 et qui pourrait fonder le rôle des aires géoculturelles, non pas comme des supplétifs géopolitiques ou géoéconomiques, mais comme des acteurs spécifiques de la mondialisation. Pour composer avec les enjeux géoculturels, la démarche envisagée pourrait conduire à instituer une instance politique d’un type nouveau puisqu’elle ne serait pas seulement interétatique – un Conseil mondial des cultures – qui ferait pendant au Conseil de sécurité économique proposé par un groupe d’experts constitué par l’onu en 1995 et reprise ensuite notamment par Jacques Delors8. Cet essai qui lie analyses et propositions veut susciter des débats publics dont il pose certaines balises qui peuvent constituer le point de départ des démarches politiques originales et exigeantes qu’appelle la mondialisation. Il a été apprécié pour le souci de définir les concepts utilisés (Jacques Dufresne) et pour son souci de lier réflexion et action (George Ross). Nicolas Becqueret (2008) estime que cet ouvrage « mérite de faire date dans l’histoire de la réflexion politique à la fois par la qualité de la réflexion qui y est menée mais aussi par la force des propositions exposées ». Anne-Marie Autissier qui l’a qualifié d’ambitieux et précieux, estime qu’il jette « les fondements d’une nouvelle prise en compte des identités et des échanges culturels contemporains dans le cadre de la mondialisation »9. C’est sans doute son observation de la construction européenne qui la rend sensible à l’utilité de distinguer l’État de la nation.

Quelques réactions aux textes des débatteurs

  • 10 En même temps qu’elle crée des médias à l’étranger et multiplie les centres Confucius pour appuyer (...)

4Les contributions publiées dans les échanges de Questions de communication reflètent la perspective disciplinaire et les centres d’intérêt de leurs auteurs dont les préoccupations ne rejoignent pas forcément le propos central des Enjeux de la mondialisation culturelle évoqués rapidement, de façon plutôt positive, par ceux qui ont lu l’ouvrage. À une exception près, aucun ne commente les pistes proposées comme prolongements politiques des analyses, notamment celle préconisant que les aires géoculturelles – dont la Francophonie constitue une figure qui devrait intéresser les Français – s’instituent en acteurs de la mondialisation. Un juriste aurait pu discuter l’idée d’un régime adapté aux échanges culturels et qui substituerait notamment le principe de l’échange équitable à celui du libre-échange régissant le commerce des marchandises. Les perspectives disciplinaires des auteurs n’expliquent pas tout puisque l’on trouverait sans doute peu de politologues de tradition française qui accepteraient de prendre en compte la dimension culturelle du politique dans la gouvernance de la mondialisation. Voilà des volets significatifs – aussi bien théoriques que pratiques – de la démarche qui sont ainsi passés sous silence. Les commentaires soulèvent quelques questions intéressantes dans une perspective disciplinaire particulière, mais sans aborder autrement que de façon générale l’effort déployé pour tenter de remédier au fait qu’il n’existe pas de cadre théorique et pratique approprié pour traiter les réalités complexes de la mondialisation et notamment sa dimension culturelle, même chez les auteurs cités par Tristan Mattelart (2008). On aurait souhaité que Louis Baeck (2008) – qui ouvre une perspective originale en évoquant les approches culturelles différentes de la Chine – explicite leur portée en dehors de la sphère économique10. C’est donc en regard de notre propos central que sont formulées les remarques qui suivent.

  • 11 Pour l’année 2007, la part des œuvres européennes (films et fiction) diffusées par les principales (...)

5En spécialiste du cinéma, Joël Augros (2008) analyse la stratégie de cette industrie emblématique pour mobiliser les capitaux énormes requis pour réaliser des productions de plus en plus couteuses et pour leur garantir l’accès aux marchés rentables. Soumis aux impératifs d’une rentabilité aléatoire, les Majors cherchent à réduire les coûts en délocalisant les productions, utilisant divers moyens, y compris les productions localisées, pour exploiter les marchés locaux ou les coproductions. Cette stratégie multiforme qui repose sur une adaptation permanente aux conditions changeantes (Rifkin, 2000) a permis à Hollywood de conserver un rôle de « prescripteur » grâce à des réseaux de distribution alimentés par un marketing intensif et un système de vedettariat sans rival. Se profile ainsi un marché binaire où se retrouvent essentiellement les productions d’Hollywood et les productions nationales. Encore faudrait-il préciser ce que recouvrent en l’occurrence les « productions nationales » : la glocalisation ne consisterait-elle pas à adapter aux conditions locales des formats définis par les prescripteurs ou encore à reprendre les succès nationaux dans les studios d’Hollywood pour en faire des produits destinés au marché mondial? À défaut d’un bilan bien documenté des politiques nationales, le rapport publié le 24 mars 2009 par l’Observatoire européen de l’audiovisuel fournit certains indicateurs de l’efficacité des politiques culturelles nationales11. Il montre que le paysage audiovisuel européen est largement dominé par les productions d’Hollywood, y compris en France qui s’est pourtant dotée du dispositif de financement le plus important et le plus sophistiqué en la matière. Alors que l’Union européenne a produit en 2008 plus de films (1 145) que les États-Unis (520), Joël Augros constate que les politiques de soutien ne favorisent guère la diversité du spectacle cinématographique et la circulation des films européens en Europe (passée de 6 % en 1989 à 22 % en 2006, selon Anne-Marie Autissier, 2008) qui demeure un marché fermé aux films des pays tiers autres que les États-Unis, le Canada, le Japon et l’Australie. La part de la fiction nationale recule à 23,5 % sur les chaines publiques de télévision européenne en 2007, ce qui n’est guère mieux que sur les chaînes privées où 76 % des fictions sont d’origine non-européenne.

6Pour la première fois en 2008, la part du cinéma français, avec 45,7 % sur le marché hexagonal, a dépassé celle du cinéma américain (44,5 %) grâce à quatre films conçus pour un public international12. Le caractère exceptionnel de cette situation ressort des statistiques de la fréquentation des salles en 2009 : la part de marché des films français recule à 37,1 % pendant que celle des films américains atteint 49,8 %. Les films non français et non américains réalisent 13,1 % des entrées totales en 2009, contre 11,5 % en 200813. En 2008, la part relative des films et fictions présentés à la télévision française s’établissait à 28 % pour les productions françaises, à 32 % pour les productions européennes et à 39,8 % pour les productions non européennes14. Le Festival de la fiction qui s’est tenu à La Rochelle le 20 septembre 2009 a permis de constater que les créations hexagonales sont confrontées à une double crise d’audience et de financement dont la moitié, en raison de la baisse des recettes publicitaires des chaines privées, risque d’être assurée en 2012 par France Télévisions, selon Patrice Duhamel. De son côté, M6 a indiqué que les séries américaines, très populaires et donc très rentables, seraient diffusées en prime time quatre fois par semaine. Certains invoqueront ces données relatives à l’audiovisuel, préoccupation majeure des partisans de la Convention, pour justifier la nécessité de politiques nationales alors que d’autres y verront la démonstration de leur efficacité limitée. Marin Karmitz – qui anime le Conseil de la création artistique récemment mis sur pied en France –illustre l’ambiguïté du combat pour la diversité culturelle lorsqu’il déclare dans une interview au Figaro (30/03/09) : « Le cinéma français se porte bien en France, mais moyennement à l’export. Pourquoi? Parce que les cinéastes français sont refermés sur leur monde et ne cherchent pas à aller vers l’universel. Dès qu’on y parvient […], ces films ont des succès importants dans le monde entier. Actuellement, des producteurs français font des films en anglais ou en américain qui se vendent bien ». Ne soulève-t-il pas à sa manière la question de la définition du cinéma « national » et de son apport à la diversité culturelle? Mais aussi celle de savoir s’il s’agit de défendre les intérêts économiques des producteurs nationaux ou la diversité culturelle. Cette ambiguïté n’est peut-être pas innocente. On peut comprendre que ces données incitent Anne-Marie Autissier, qui connaît bien les politiques culturelles européennes, à souhaiter leur réorientation fondamentale en prenant en compte la révolution numérique qui oblige à placer l’amateur au cœur d’une nouvelle société cognitive. Il faut d’ailleurs saluer son rôle dans l’organisation d’une consultation publique pour une politique européenne de la culture qui s’est achevée avec le Forum européen à Montpellier les 2 et 3 juillet 200915.La note de synthèse qu’elle a rédigée au terme de ce processus, et dont on a pu prendre connaissance, devrait être publiée sur le site de l’adcei (Association pour le développement culturel européen). Elle reprend les principales recommandations classées en quatre parties : les recommandations d’ordre général, celles qui concernent la culture comme éléments de cohésion et de compétitivité des territoires, celles relatives au dialogue culturel et à la diversité, et celles qui traitent de la culture comme élément indispensable des relations extérieures de l’Union européenne. En rappelant que ce ne sont pas les initiatives qui manquent mais plutôt les moyens de les relier à l’échelle européenne, elle observe que si la diversité linguistique et culturelle fait partie des objectifs du futur traité européen, l’article 87 du traité actuellement vigueur autorise les politiques nationales en faveur de la culture et de l’audiovisuel dans la mesure où elles n’altèrent pas les conditions du libre échange. Même en donnant suite aux recommandations formulées à Montpellier ou lors du Forum européen de la culture qui vient de se tenir à Bruxelles (29-30/09/09)16, on peut se demander si les politiques nationales et européennes pourront faire émerger un marché culturel européen qui ne soit pas qu’un simple segment du marché global imaginé par Theodore Levitt (1983). Mais, pour être davantage qu’un marché, en l’absence d’un véritable espace médiatique européen qui permettrait aux Européens de créer et de diffuser des œuvres reflétant leur diversité culturelle et qui les amènerait à voir, à lire et à écouter plus d’œuvres de leurs voisins que d’outre-Atlantique, l’Union européenne pourra-t-elle dépasser le stade de la « coexistence des ignorances mutuelles » (Gauchet, 2005 : 11) qui n’est guère propice à un véritable projet politique commun, puisque, comme le souligne Anne-Marie Autissier (2009), aucune instance démocratique ne peut se développer sans l’adhésion de ses citoyens? Au-delà des politiques culturelles éminemment souhaitables, il faudrait que le pluralisme culturel – l’Europe des cultures, qui n’est pas synonyme de l’Europe de la culture – soit reconnu réellement comme l’un des fondements du projet européen17. Existe-il seulement des idées, sinon des projets, visant à prendre en compte cette dimension culturelle du politique? Cette question qui ne concerne pas seulement l’Europe est loin de se réduire à la dimension économique qui polarise trop facilement l’attention. Elle révèle un non-dit critique de la mondialisation culturelle : comment sommes-nous préparés à comprendre le monde dans sa multiplicité et sa complexité?18

  • 19 On devrait s’interroger sur le silence et l’attitude des partisans de la diversité culturelle au su (...)
  • 20 La question se pose à la lecture du Rapport de la mission Zelnik remis au ministre français de la C (...)

7Aussi bien dans la sphère économique que dans le secteur culturel et audiovisuel, les politiques nationales, toujours nécessaires, n’ont de prise que sur les effets de forces transfrontalières qui échappent largement à leur emprise. Le débat qui oppose certains milieux français à Google à propos de la numérisation des livres a le mérite de soulever les enjeux énormes liés à la technologie numérique19, y compris le besoin évident d’inventer les contrepoids indispensables aux géants privés qui cherchent constamment à limiter la concurrence pour acquérir une position dominante, mais il prend trop souvent l’allure d’une croisade défensive qui oublie ce principe énoncé par Sun Tzu : la défensive permet parfois de remporter des batailles mais elle ne suffit jamais à assurer la victoire. On ne voit guère pour l’instant de stratégie et de proposition crédibles face à l’innovation, à la performance et aux moyens que réussissent à mobiliser Google et les autres acteurs de l’économie numérique qu’une concurrence sans merci oblige à s’adapter constamment sous peine d’être dépassés20. Constater l’efficacité limitée des politiques publiques, nationales ou européennes, ne conduit nullement à en contester la légitimité et l’utilité et encore moins à soutenir qu’il faille s’en remettre au marché pour assurer l’avenir de productions culturelles diversifiées comme l’allègue Philippe Bouquillion (2008 : 255). Ce n’est pas la définition anthropologique de la culture qui remet en cause les dispositions de « l’exception culturelle » mais l’efficacité toute relative des politiques dont on voit mal ce qui en justifierait la légitimité, si ce n’est le fait que les productions culturelles sont porteuses de valeur alors même que leur singularité culturelle semble s’estomper. Si la « diversité culturelle » a servi de « discours de vérité », c’est bien pour chercher le moyen de revenir sur l’ouverture à la libéralisation voulue par les États eux-mêmes en signant l’Accord général sur le commerce des services sous l’égide de l’omc qui est chargée d’en assurer la mise en œuvre. La régulation par les moyens classiques a certainement encore un rôle important à jouer, y compris à l’échelon national même si celui-ci ne constitue plus l’assise suffisante pour composer avec les forces transfrontalières. La mondialisation, dans ses dimensions économique et culturelle, oblige à penser ensemble les multiples dimensions du politique : ni exclusivité ou sacralisation de l’État, ni primat de l’économie ou diabolisation de l’entreprise, ni sanctuarisation de la culture ou relativisme culturel, mais reconnaissance d’interdépendances multiples et dialectiques, et recherche de leur articulation par la voie politique qui doit inventer les nouvelles modalités de son exercice à l’échelon extranational (qui n’est pas synonyme de supranational ou de post-national). C’est dans cette perspective que sont avancées quelques pistes dont celle d’un régime approprié aux échanges culturels, fondé sur les principes d’ouverture maîtrisée et de l’échange équitable, et qui associerait les diverses parties prenantes à l’exercice de leurs responsabilités respectives. Plus du tiers de notre ouvrage sur la mondialisation culturelle est consacré à l’élaboration de ces propositions relatives à la gouvernance de la mondialisation et qui ne pouvaient évidemment être évoquées que de façon sommaire dans le cadre d’un article.

  • 21 Tr. Mattelart, « L'internationalisation de l'audiovisuel : (bref) état des savoirs ». Accès :http:/ (...)
  • 22 Si le débat engagé en France sur la notion ambiguë d’« identité nationale » ne parvient pas à expli (...)
  • 23 On peut se demander pourquoi les défenseurs des politiques nationales expliquent rarement les raiso (...)
  • 24 Rappelons deux de ces caractères privatifs : « A-historique, elle ne se définit pas par rapport au (...)
  • 25 O. Waever (1993 : 23) définit ainsi la sécurité culturelle : « La capacité d’une société de conserv (...)

8En annonçant qu’il allait prendre le contrepied de l’une des deux contributions, Tristan Mattelart (2008 : 270) laissait espérer une discussion qui, malheureusement, tourne court. Considérant que les deux articles « laissent néanmoins chacun dans l’ombre, dans une large mesure, l’arrière-plan théorique qui sous-tend les débats sur la mondialisation culturelle, sans lequel on ne peut avoir qu’une conscience floue des enjeux que suscite ce phénomène », il entreprend d’évoquer les écrits de certains auteurs qui ont forgé « des théories destinées à penser les incidences culturelles de la mondialisation et qui ont transformé les manières d’appréhender les processus d’internationalisation des médias et des industries culturelles » (ibid.). Un rapide coup d’œil sur la bibliographie de l’ouvrage lui aurait permis de constater que la plupart des écrits qu’il évoque ne sont pas ignorés et qu’ils y côtoient ceux d’autres auteurs qu’il ne cite pas. D’ailleurs, comment pourrait-on les ignorer après l’avoir invité à résumer l’un de ses articles où il reprenait pratiquement les mêmes propos pour le site du Forum permanent sur le pluralisme culturel21? Sa revue de littérature serait encore plus intéressante s’il avait utilisé ces théories pour discuter des propos des deux articles, ce qu’il ne fait que de façon incidente au début et à la fin de son texte. Le rappel de ces théories ne justifie pas de ramener le propos de notre article aux « incidences culturelles de la mondialisation » ni d’affirmer qu’il part des formes de gouvernance de la mondialisation culturelle. La mondialisation n’est pas synonyme d’internationalisation et la mondialisation culturelle, si elle est portée notamment par les médias, ne se réduit pas à leur « internationalisation ». En prenant soin de la définir comme un processus qui met en présence intensive et en concurrence des valeurs, des préférences collectives, des visions du monde, en somme des systèmes symboliques dont les différences acquièrent une portée et une signification inédites, on ne se limite pas à l’analyse des médias pour prendre en compte la dimension sociale, politique et stratégique de cette mutation. Le concept de « l’hyperculture globalisante » permet d’expliciter le fonctionnement d’une nouvelle matrice qui affecte la capacité de socialisation de toutes les cultures existantes. Il est articulé à la notion de culture telle que définie dans son processus socialement instituant et donc bien différent de celui de « culture de masse ». Il fournit une clé d’interprétation du phénomène de (dé-)re-socialisation que favorise l’addiction croissante à l’écran portable qui n’est plus un simple téléphone et il permet de prendre en compte les questions identitaires indissociablement liées à une matrice socioculturelle, jadis essentiellement localisée dans la plupart des situations et désormais soumise à la concurrence d’éléments d’identification distincts des liens traditionnels « d’appartenance ». En soulignant le caractère interactif des processus culturels et identitaires, on peut prendre en compte les diverses modalités des interactions (résistance, acculturation, hybridation, etc.) entre ces deux pôles actifs, sans se laisser piéger dans le faux débat homogénéisation/hétérogénéisation22. On peut aussi mettre en évidence le fait que les systèmes symboliques ne sont pas contraignants mais habilitants, ce qui permet de dépasser les théories pratiquement abandonnées mais encore prégnantes de l’impérialisme culturel : l’hyperculture globalisante – qui n’est pas une culture globale – se déploie comme l’empire de la séduction qui n’inspire qu’une seule crainte, celle de l’exclusion de cet eldorado virtuel23. Elle n’appartient à aucune société concrète existante (le système Hollywood n’est pas la société américaine) et elle ne constitue pas un ensemble social intégré, ni une sorte de communauté mondiale. Ce qui n’empêche pas de reconnaître qu’en étant véhiculée notamment par les médias, elle est soumise à l’influence des Majors qui disposent des moyens économiques et techniques pour répondre aux « impératifs de l’ubiquité » suivant la formule de l’ancien pdg d’at&t, et qui obéissent aux exigences de ce que Jeremy Rifkin (2000) a décrit comme le capitalisme culturel. Ce qui en justifie évidemment l’analyse économique incluant le déséquilibre des flux des productions culturelles et audiovisuelles. Même en y regardant de près, on n’arrive pas à trouver de contradiction entre ces analyses et les propos des auteurs cités par Tristan Mattelart. Ni sur la définition de la mondialisation plus précise que celle de David Harvey et dont on analyse le processus avant d’en aborder les effets, ni dans l’examen des rapports entre identité et culture dont on souligne comme Stuart Hall ou Roland Robertson qu’elle ne s’incarne pas seulement dans sa figure « nationale », ni avec les propos d’Anthony Giddens sur l’identité. Tristan Mattelart considère que la notion de culture est traitée avec légèreté dans notre contribution sans même en discuter la définition sommaire mais explicite. Il se borne à rappeler les caractères « privatifs »24 utilisés pour distinguer l’hyperculture globalisante d’une culture liée à une société concrète (on a défini la culture comme le système symbolique qui institue tout groupe social) sans s’intéresser apparemment à son rôle de matrice de socialisation. Ce qui lui permet d’alléguer une contradiction avec la dimension stratégique qu’on a pourtant pris soin d’expliciter, avec le concept d’enjeux géoculturels et celui de la sécurité culturelle emprunté à Ole Waever (1993)25, en soulignant – après Joseph Nye, Susan Strange et d’autres –, que la puissance tient aujourd’hui en grande partie à la capacité de créer et de manipuler des symboles dans la sphère médiatique globalisée qui révolutionne le concept même d’espace stratégique lié désormais moins à la domination sur un territoire qu’à la capacité d’y accéder par la séduction. Par ailleurs, on ne voit guère sur quelle base il s’appuie pour nous imputer, à tort, de militer en faveur du démantèlement des politiques publiques nationales d’aide aux industries culturelles dont il se garde bien pourtant d’analyser l’efficacité. Faut-il lui retourner le reproche de la légèreté ou regretter qu’une phrase lui serve de prétexte pour faire état de lectures liées à son champ disciplinaire sans engager à partir de là une discussion de ce que nous avons écrit et en passant sous silence des aspects qui sont loin d’être marginaux, même s’ils débordent la perspective de certaines théories de la communication? En quoi les théories qu’il évoque expliquent-elles mieux la dynamique actuelle de la mondialisation culturelle que nos analyses?

  • 26 Th. Boyer soulève cette question à propos de la crise financière et économique actuelle : « Vers un (...)

9René Girard (2002 : 9) soutient à juste titre que les « disciplines qui n’ont pas de statut scientifique, les sciences de l’homme et de la société, ne peuvent pas se passer d’hypothèse théorique » ce qui ne l’empêche pas d’observer que ses propres essais « furent d’abord des batailles forcément perdues contre les modes tyranniques du passé récent ». Il n’y a jamais de cadre « neutre » qui permettrait de regarder le monde de façon « objective ». L’historien et philosophe des sciences Thomas Kuhn (1962) a montré que le paradigme de la « science normale » où les chercheurs s’accordent sur les bases (concepts, modèles ou théories) qui servent à résoudre les problèmes qu’ils se posent peut être remis en cause lorsque trop d’anomalies s’accumulent et ne peuvent être expliquées, ce qui oblige à envisager d’autres façons d’y remédier. La crise entraîne le développement d’un nouveau paradigme dans lequel les concepts du précédent ne peuvent plus être compris, ce qui peut susciter la résistance de la part de ceux qui cherchent à faire correspondre le réel à leurs théories26. La mondialisation constitue une véritable mutation si l’on accepte la définition que Peter Drucker (1993 : 9) donne de ce terme : « En quelques années, la société se trouve complètement remaniée dans sa conception du monde, ses valeurs fondamentales, ses structures sociales et politiques, ses arts, ses grandes institutions ; un monde nouveau surgit. Les générations qui naissent alors ne peuvent plus se représenter le monde dans lequel vivaient leurs parents ».

10N’est-ce pas ce que l’on peut observer, au-delà de ce qui est souvent décrit comme la désocialisation des jeunes, avec ce qui pourrait être plus justement analysé, non seulement comme l’un des aspects du consumérisme individualiste ou de l’économie numérique, mais aussi comme l’émergence de la société numérique dans laquelle la construction identitaire et le besoin de reconnaissance s’expriment à travers des réseaux multiples, branchés en permanence et qui modifient la portée du pôle social de proximité? Cette nouvelle forme de socialisation qui caractérise la « génération numérique » (les « digital natives ») a été évoquée par Nathalie Kosciusko-Morizet à l’ouverture du séminaire organisé à Paris le 10 septembre 2009 sur le thème « Numérique : investir aujourd’hui pour la croissance de demain », mais sans susciter une discussion de cette dimension par les divers intervenants préoccupés davantage par les aspects économiques et technologiques espérés du « grand emprunt »27. Comment ne pas s’interroger sur les conséquences du fait qu’il y a déjà quatre milliards d’abonnés au téléphone mobile dans le monde si l’on considère, comme Tomi Ahonen (2008), que le mobile, devenu premier des médias de masse, est aussi différent de l’internet que la télévision l’a été de la radio. On se permettra de renvoyer aux pages 274-282 de notre ouvrage consacrées au défi numérique où, après avoir rappelé « l’arithmétique d’Hollywood »28 et l’échec retentissant de certaines politiques défensives, et en soulignant que les contenus représentaient un enjeu stratégique, on soulevait la question suivante : « Qui, et au nom de quel principe, pourra s’opposer aux projets qui prétendront réaliser le rêve de médiathèques à ambition universaliste intégrant écrits, musiques et images du monde, et rendront partout accessible comme jamais auparavant la richesse de la diversité culturelle? » (Tardif, Farchy, 2006 : 280). Ni l’approche centrée sur la diversité des productions culturelles ni la polarisation sur le téléchargement gratuit ne permettent de comprendre et de maîtriser cette nouvelle dynamique sociale qui nous fait entrer dans une ère que certains géographes appellent « l’anthropocène »29. La conscience de plus en plus répandue des risques que l’activité humaine fait courir à l’écosystème physique ne parvient pas encore à susciter les décisions politiques que de puissants intérêts économiques cherchent à différer sinon à contrer, comme en témoigne la conférence de Copenhague. La crise financière et économique actuelle est le miroir de la crise du politique qui n’a pas su inventer les modalités pour traiter les enjeux extranationaux dont font partie les enjeux géoculturels. Le G20 – qui exclut le G172 suivant l’expression saisissante d’Abdou Diouf – mobilisé pour faire face à la crise a appelé à « sortir d’une ère d’irresponsabilité » qui ne se limite malheureusement pas à la sphère financière. Parce qu’elle avance sous les atours de la séduction, la mondialisation culturelle ne semble pas prendre l’allure d’une crise alors qu’elle marque pourtant l’émergence d’un nouvel écosystème symbolique qui affecte la capacité de socialisation de toutes les cultures existantes et le processus de construction identitaire individuelle. Faudra-t-il attendre trente ans pour que la prise de conscience de cette véritable mutation, sans précédent historique, conduise à un Kyoto ou à un Copenhague culturels?

Conclusion

  • 30 Pour reprendre le titre de l’article de P.-Fr. Paoli (Le Figaro littéraire, 03/09/09) commentant Ph (...)

11À cet égard, on peut souhaiter que le champ de réflexion et de proposition que nous avons cherché à ouvrir soit exploré à la fois de façon transdisciplinaire et transcontinentale et permette de prendre en compte des points de vue turcs, arabes, africains, latino-américains, asiatiques, etc., pour ouvrir des perspectives qui ne peuvent plus être seulement occidentalo-centrées, y compris sous l’angle conceptuel et théorique. Les « modernités » japonaise ou chinoise, pour n’être pas occidentales n’en constituent pas moins des voies d’accès à l’universel qui, comme le langage et comme l’humanité, n’existe qu’au pluriel. Le fait que « les autres civilisations pensent aussi »30 ne comporte pas seulement des incidences philosophiques ou théoriques. Nul n’est une île : vivre avec l’autre qui est la condition de cet animal social qu’est l’homme devient un impératif concret à dimension désormais planétaire, à comprendre, à accepter, à vivre et à gérer.

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Bibliographie

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Notes

1 L’observation formulée par M. Gauchet est piquante : « L'université ne m'apparaît pas en meilleure forme que le système éducatif en général ou que les médias. […] De quel type de production intellectuelle parle-t-on? Quatre spécialistes parlent au cinquième. Selon la bonne formule, il s'agit de tout savoir sur presque rien! Il y a un phénomène d'ésotérisation et de spécialisation qui marginalise la production intellectuelle et universitaire par rapport à la vie sociale. [...] Les intellectuels ne sont pas moins déboussolés que les citoyens par rapport à l'évolution du monde, qui leur échappe comme au reste. Malheureusement, le nombre de réflexions pertinentes et efficaces par rapport à la marche du monde tel qu'il va n'est pas très grand. Nous sommes dans un changement tellement brutal que personne n'en a la mesure », entrevue au journal Le Devoir (11/01/10). Accès : http://www.ledevoir.com/societe/medias/280850/l-entrevue-sortir-du-brouillard-mediatique

2 Les actes d’un colloque tenu à la Sorbonne le 18 juin 2008 pour tenter d’établir un premier bilan de la Convention devraient être publiés dans la collection de l'umr de droit comparé de Paris (vol. 22, Paris, Éd. de la Société de législation comparée, 2010).

3 « Copenhague, c'est d'abord l'échec de la gestion de l'onu, temple du multilatéralisme hérité de la seconde guerre mondiale. Les organisateurs ont été impuissants à concilier les exigences de 193 États, dont certains étaient, suivant l'expression de Coluche, plus égaux que les autres. La formule des blocs de pays n'a pas mieux fonctionné. L'Union européenne a été absente » (S. Kauffmann, « 2010, année du Tigre : qui gouvernera le monde? », Le Monde, 08/01/10).

4 A. Courban, « Monsieur Huntington, taisez-vous! », Chroniques de l’Irréparable (entretien n° 3, 27/10/02). Accès : http://www.vigile.net/ds-chroniques/docs/mmv-02-10-28-3.html. Par ailleurs, cet article critique la prétention de la modernité occidentale à se considérer comme seule universelle, ce qui constitue notamment une entrave au dialogue avec le monde islamique.

5 La topologie des aires géoculturelles que nous avons proposée n’exclut pas la coïncidence de certaines avec l’État-nation mais elle permet aussi de prendre en compte les réalités socioculturelles qui n’épousent pas les frontières étatiques, que ce soit à l’échelon infranational ou extranational.

6 À cet égard, les interrogations sur les difficultés à prévoir et à analyser la crise, notamment dans sa dimension économique, et qui seraient attribuables à l’hyperspécialisation, peuvent être étendues à toutes les sciences humaines et sociales et elles soulignent le besoin de croiser les savoirs. Voir « Les Contrecoups de la crise » (Esprit, nov. 2009, 271 p.).

7 Pour une explicitation de cette perspective qui ne se réduit pas à l’acception courante du terme, apparemment reprise par A.-M. Autissier, voir Tardif, Farchy (2006 : 228-243).

8 « Pour un Conseil de sécurité économique », Le Nouvel Observateur (25/06/98 ; 17/09/99).

9 Voir J. Dufresne, Encyclopédie Agora. Accès : http://agora.qc.ca/francophonie.nsf/Documents/Diversite_culturelle--Diversite_et_pluralisme_culturels_par_Jean_Tardif_et_Joelle_Farchy ; G. Ross, Esprit, févr. 2007, pp. 216-218. Accès : http://www.planetagora.org/blog/index.php?2007/02/23/101-esprit-recension-les-enjeux-de-la-mondialisation-culturelle. Voir aussi N. Becqueret (2008 : 110-111) et A.-M. Autissier (2007 : 21). On peut retrouver ces critiques et quelques autres sur le site du Forum permanent sur le pluralisme culturel : http://www.planetagora.org/blog/index.php?Articles-de-presse

10 En même temps qu’elle crée des médias à l’étranger et multiplie les centres Confucius pour appuyer sa puissance économique mondiale par son influence culturelle, la Chine, dont la diaspora à travers le monde est évaluée à quelque cinquante millions de personnes, semble craindre de répondre aux attentes internationales envers une puissance mondiale de peur que l’évolution d’une société aussi vaste et qui bouge rapidement n’échappe au régime en place avec des conséquences imprévisibles. Tout en tirant profit de la mondialisation, la Chine vient de démontrer lors du Sommet de Copenhague qu’elle refuse toute instance extérieure qui pourrait exercer une supervision effective de ses décisions internes.

11 Pour l’année 2007, la part des œuvres européennes (films et fiction) diffusées par les principales chaînes de télévision est sensiblement plus élevée en France que dans la moyenne des 17 autres pays européens étudiés : 60,2 % (dont 28,2 % d’œuvres nationales devançant à cet égard le Royaume-Uni (19,4 %), l’Espagne (18,3 %), l’Italie (14,9 %) et l’Allemagne (13,4 %). Mais partout, l’offre non européenne est supérieure à l’offre nationale, dépassant 50 % dans tous les pays sauf en France (39,8 %). L’offre américaine en léger déclin reste pourtant largement majoritaire dans les médias européens pour les séries et feuilletons (59,5 %), les films (55,7 %), les téléfilms (49,3 %) et l’animation (45,4 %). La situation est comparable pour le cinéma. En 2007, les 921 longs métrages à financement européen parvenaient à occuper seulement 5 % du marché américain.

12 M. Dagnaud, « L’état du cinéma », Telos (25/05/09). Accès : http://www.telos-eu.com/fr/article/l_avenir_incertain_de_cinema_paradiso

13 Rapport publié par le CNC le 7 janvier 2010. Accès : http://www.cnc.fr/CNC_GALLERY_CONTENT/DOCUMENTS/statistiques/frequentation_mensuelle/2009/Freq_2009.pdf

14 Rapport de l’Observatoire européen de l’audiovisuel (24/03/09). Accès : http://www.obs.coe.int/online_publication/reports/focus2009.pdf.fr

15 Accès : http://citoyennete.euromedinculture.org/index.php?option=com_docman&Itemid­=126&lang=fr. Le rapport de synthèse a été mis en ligne le 17 décembre 2009.

16 Accès : http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.do?reference=IP/09/1378&format=HTML&aged=0&language=FR&guiLanguage=en

17 J. Tardif, « Shaping cultural globalization. Europe as a mediator in the dialogue of civilizations », communication présentée au Forum d’Alpbach, le 29 août 2007. Accès :

18 Cette question est loin d’être purement théorique. Dans son livre Avec le recul. La tragédie du Vietnam et ses leçons (1996), R. McNamara, qui fut l’architecte de la guerre au Vietnam comme ministre américain de la Défense, reconnaît que l’une des treize raisons de cet échec tient au fait que les Américains ignoraient tout de l’histoire, de la culture et de la vie politique de la population et des habitudes de ses dirigeants. M. Guidère en fait une description détaillée dans Irak in Transition. De l’art de perdre une guerre sans connaître la langue de son adversaire (Paris, Jacob-Duvernet, 2008). Aujourd’hui encore, en songeant à l’Irak comme à l’Afghanistan, le discours prononcé par de Gaulle au Cambodge en 1966 mérite d’être médité : « Il n’y a aucune chance que les peuples de l’Asie se plient à la loi d’un étranger venu de l’autre côté du Pacifique, quelles que soient ses intentions et la puissance de ses armes ».

19 On devrait s’interroger sur le silence et l’attitude des partisans de la diversité culturelle au sujet de la diversité linguistique qui en constitue pourtant un élément capital. Un exemple significatif : on ne semble plus guère s’inquiéter de la domination écrasante des revues scientifiques de langue anglaise alors que l’internet permettrait de publier rapidement, en respectant des exigences scientifiques aussi grandes, des articles en d’autres langues pour éviter cette situation qui ne voit pratiquement plus référencés et cités que les écrits en langue anglaise. Les critiques du « classement de Shanghai » des établissements universitaires devraient pourtant trouver là un argument percutant et une incitation à l’action. Autre exemple emblématique : lorsque A. Sen, professeur d’origine indienne à l’Université Harvard après l’avoir été à Cambridge et prix Nobel d’économie en 1998, n’inclut dans la bibliographie de son livre Identity and Violence : The Illusion of Destiny (2006) aucune référence à un ouvrage qui n’a pas été publié ou traduit en anglais, est-ce parce qu’il n’en existerait aucun de sérieux sur ce sujet ou parce qu’il illustre ainsi de façon éloquente, paradoxale et sans doute involontaire dans son cas, une attitude pernicieuse qui permettrait d’ignorer tout ce qui n’est pas exprimé dans cette langue? On pourrait examiner dans la même perspective la liste des « 100 Global Thinkers of 2009 » établie par la revue Foreign Policy dans son numéro de décembre 2009 (accès : http://www.foreignpolicy.com/globalthinkers) : elle est établie dans une perspective reliée à la perspective américaine sur le monde et sur l’économie, y compris lorsqu’elle inclut des personnalités étrangères. Il est sans doute impossible de figurer parmi ces « global thinkers » sans avoir réussi à être connu des médias américains. Le « soft power » se construit en commençant par définir les références par rapport auxquelles sont établis les « mérites » et les classements et en invitant les autres à s’inscrire dans cette course et à devenir ainsi « les artisans de leur servitude volontaire » pour reprendre la formule percutante de La Boétie. Abram de Swaan a montré comment la mondialisation s’accompagnait d’une reconfiguration de constellations linguistiques autour d’une langue centrale qui est l’anglais. Words of the World. The Global Language System,, Polity Press, 2001. Ce qui permet à A. Wyne de soutenir, à la suite de D. Rothkopf, que l’anglais est un instrument du maintien de l’influence américaine : « The Language of Empire. Why English will keep America’s influence from waning » (Foreign Policy, 06/08/09. Accès : http://experts.foreignpolicy.com/posts/2009/06/08/domination_by_language). D. Lim évoque le rôle de la langue dans l’attribution des Oscars : « Oscars Try to Navigate Through Babel » (The New York Times, Jan. 31, 2010. Accès : http://www.nytimes.com/2010/01/31/movies/awardsseason/31oscar.html?ref=movies).

20 La question se pose à la lecture du Rapport de la mission Zelnik remis au ministre français de la Culture et de la Communication le 6 janvier 2010. Au lieu de préconisations sur les innovations qui permettraient de tirer parti de l’univers numérique, on y trouve des propositions visant à taxer celles qu’ont apportées des acteurs qui ont su développer des modèles performants à visée transfrontalière alors que le rapport reste confiné à la perspective nationale sans même envisager les mesures pour le développement d’un véritable marché culturel francophone. Par rapport à cette approche essentiellement défensive, le rapport remis au même ministre par Marc Tessier le 12 janvier sur La numérisation du patrimoine écrit se démarque de l’approche frileuse de J.-N. Jeanneney pour explorer la voie difficile mais plus prometteuse de partenariats équilibrés avec les acteurs privés.

21 Tr. Mattelart, « L'internationalisation de l'audiovisuel : (bref) état des savoirs ». Accès :http://www.planetagora.org/theme4_suj1_note.html

22 Si le débat engagé en France sur la notion ambiguë d’« identité nationale » ne parvient pas à expliciter les rapports entre ces deux processus symboliques que sont la culture et l’identité et à montrer comment ils sont affectés par la mondialisation culturelle qui rend illusoire tout repli derrière les frontières de l’État-nation citadelle, il a peu de chance d’arriver à une conception partagée de l’identité comme projet à réactualiser constamment dans des conditions nouvelles, y compris dans son expression nationale. À ce sujet, on aurait intérêt à relire A.-M. Thiesse, La création des identités nationales (2001). Sur la notion d’identité, voir « Changer l’identité? », Rue Descartes (66, nov. 2009), et les observations de P. Legendre sur les rapports entre « la logique du Miroir et la nature relationnelle de l’identité » dans Ce que l’Occident ne voit pas de l’Occident (Paris, Fayard/Éd. Mille et une nuits, 2004).

23 On peut se demander pourquoi les défenseurs des politiques nationales expliquent rarement les raisons pour lesquelles les productions hollywoodiennes suscitent partout un tel attrait. L’importance des moyens financiers mobilisés n’explique pas tout puisque certaines productions à haut budget connaissent des échecs. La comparaison des chaînes publiques et privées de télévision permet de s’interroger sur leurs différences réelles en termes de production et de diffusion.

24 Rappelons deux de ces caractères privatifs : « A-historique, elle ne se définit pas par rapport au passé… elle est événementielle, liée à l’expérience centrée sur l’immédiat. » ; « A-politique, obéissant à une logique combinatoire sans projet prédéterminé. Ce sont les utilisateurs des répertoires qu’elle offre qui peuvent éventuellement les exploiter à des fins politiques » (Tardif, Farchy, 2006 : 75).

25 O. Waever (1993 : 23) définit ainsi la sécurité culturelle : « La capacité d’une société de conserver son caractère spécifique malgré des conditions changeantes et des menaces réelles ou virtuelles : plus précisément, elle concerne la permanence des schémas traditionnels de langage, de culture, d’association, d’identité et de pratiques nationales ou religieuses, compte tenu des nécessaires évolutions jugées acceptables ».

26 Th. Boyer soulève cette question à propos de la crise financière et économique actuelle : « Vers une « révolution » des sciences économiques? » (Le Monde, 08/04/09). Et aussi dans le numéro de novembre 2009 de la revue « Esprit » consacré à la crise.

27 Accès : http://www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/2_-_Seminaire_Numerique_10_septembre_-_Synthese_Matin.pdf?IdTis=XTC-DFKX-4BLVP-DD-D9JQS-MFW

28 Pour 100 idées en développement, il n’y a qu’un film produit et sur six réalisés, un seul connaît le succès.

29 S. Dalby, « The human element ». Accès : http://www.foreignpolicy.com/story/cms.php?story_id=4979&page=5 ) évoque cette approche en critiquant le déterminisme physique que semble illustrer Robert D. Kaplan dans son article « The Revenge of Geography », Foreign Policy, May/June 2009 : http://www.foreignpolicy.com/story/cms.php?story_id=4862

30 Pour reprendre le titre de l’article de P.-Fr. Paoli (Le Figaro littéraire, 03/09/09) commentant Philosophes d’ailleurs, un recueil de textes philosophiques issus des traditions non européennes présenté par R.-P. Droit.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean Tardif, « La mondialisation culturelle par-delà le prisme de la diversité culturelle »Questions de communication, 17 | 2010, 151-168.

Référence électronique

Jean Tardif, « La mondialisation culturelle par-delà le prisme de la diversité culturelle »Questions de communication [En ligne], 17 | 2010, mis en ligne le 01 juillet 2012, consulté le 18 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/questionsdecommunication/381 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/questionsdecommunication.381

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Jean Tardif

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