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Notes de lecture
Médias, technologies, information

Marta Severo, Sébastien Shulz et Olivier Thuillas, Culture en partage. Guide des plateformes culturelles contributives

Fabrice Thuriot
p. 616-619
Référence(s) :

Marta Severo, Sébastien Shulz et Olivier Thuillas, Culture en partage. Guide des plateformes culturelles contributives, Limoges, Éd. FYP, 2022, 240 pages.

Texte intégral

1Les trois auteur·ices en sciences de l’information et de la communication, respectivement professeure, post-doctorant et maître de conférences à l’université Paris-Nanterre, proposent un ouvrage pratique, agrémenté d’une introduction scientifique et d’une postface prospective. Pour certaines fiches, ils ont été aidés de quelques membres de Culture Media Lab de l’université Paris-Nanterre et de l’unité de recherche Dicen-IdF (Dispositifs d’information et de communication à l’ère numérique en Île-de-France), cités en fin d’introduction.

2L’ouvrage « présente 54 plateformes françaises et internationales dans lesquelles les citoyens et les institutions contribuent ensemble à la création de savoirs communs. Il montre leur contenu, raconte leur origine, explique leurs objectifs et leurs usages, analyse leur financement, leur modèle économique, ainsi que leur mode de contribution et d’animation » (quatrième de couverture).

3L’introduction questionne la place des utilisateurs dans les médias sociaux à l’aune de l’origine d’internet et de l’histoire du Web collaboratif. Sont-ils devenus des rouages, essentiels mais manipulés, dans le développement d’un internet commercial qui se sert des données suscitées et collectées auprès d’eux, ou bien ont-ils encore des marges de manœuvre pour produire de la connaissance autonome, horizontale et décentralisée dans le prolongement de la philosophie créatrice d’internet ? Tout en rappelant l’importance des GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft –, précédées de quelques entreprises précurseuses, les plateformes contributives, en l’occurrence culturelles, montrent qu’il est possible de s’en affranchir, totalement ou partiellement. Dès les années 1980, des « communautés virtuelles » ont pu se constituer, souvent inspirées par les contre-cultures, suivies « de projets collaboratifs dans les années 2000, comme l’encyclopédie Wikipédia et la cartographie libre OpenStreetMap » avec des contributions de millions de bénévoles du monde entier, parfois spécialisés comme pour Flickr, Wattpad ou Myspace, tournées vers « la production de ces communs numériques autogouvernés et librement accessibles » (Introduction, p. 10). On parle parfois de tribus numériques avant l’éclosion des influenceurs, dont la France cherche désormais – mieux vaut tard que jamais… – à encadrer les pratiques commerciales au sein de réseaux sociaux détenus majoritairement par des oligopoles.

4Les plateformes culturelles contributives prouveraient que des alternatives à la marchandisation généralisée peuvent exister, recréant sans le dire un « tiers secteur » numérique – ni les pratiquants ni les auteurs n’utilisent cette expression pourtant adéquate – en concurrence ou collaboration avec les secteurs commerciaux et institutionnels pour partager en ligne des connaissances, créations, témoignages, transcriptions, etc. à des fins d’échanges et/ou de transmission. Ce sont donc « des lieux de production de savoirs culturels […] pour créer une valeur dédiée au bien commun », deux propriétés identifiées dans l’introduction (p. 11). Les chercheurs essaient de classer les plateformes selon des critères distinctifs en donnant des exemples déclinés dans le guide : dans l’esprit originel d’un internet collaboratif ; institutionnelles, en particulier pour des patrimoines culturels et/ou naturels, avec parfois le recours aux sciences participatives ; commerciales, mais aussi engagées dans « des dynamiques de partage plus spontanées et désintéressées » (p. 12). Elles peuvent être créées par des individus, des groupes informels ou des organisations.

5Les auteur·ices sont confrontés à la question du choix de plateformes à retenir pour la présentation, ce qui les conduit à écarter des réseaux (appelés « médias ») sociaux « comme Instagram, propriété de Facebook », des plateformes de mise en visibilité individuelle « comme SoundCloud », ainsi que « des portails d’accès à des contenus publics numérisés » « à l’instar de l’Inathèque ou de la base Joconde », mais aussi, de manière plus subjective, « des centaines de plateformes qui auraient eu toute leur place dans ce livre : des plateformes d’archives départementales, de critiques littéraires, de collectes musicales, d’annotation et de retranscription à des fins de recherche participative, ou encore des projets qui sont peu actifs bien qu’ils puissent avoir joué un rôle important par le passé », comme « PhotosNormandie et ceux de l’IRI, JocondeLab et IcomLab » (p. 12). Des dispositifs contributifs créés durant la crise sanitaire du Covid-19, seul #Culturecheznous a été retenu (p. 13, 110-113). S’il est indispensable de sélectionner les plateformes présentées, les critères de choix semblent parfois subjectifs, privilégiant certains domaines (voir infra) et certaines régions, en particulier la Bretagne et les Hauts-de-France.

6Les auteur·ices proposent ensuite un mode d’emploi du guide constitué de 54 fiches analytiques catégorisées en 6 domaines principaux : « Arts et littérature » (4 plateformes), « Archives et histoire » (17), « Culture populaire » (7), « Musique et audiovisuel » (7), « Patrimoine et tourisme » (13), « Sciences et nature » (6), qu’iels présentent chacun de manière détaillée et décomposée avec des exemples à la clé (p. 13-15). « Archipop » (p. 138-141) est la seule plateforme dédiée à l’audiovisuel dans la catégorie « Musique et audiovisuel », étant surtout musicale et sonore. Elle aurait pu ou dû être classée dans le domaine « Archives et histoire » puisqu’elle « a pour mission de collecter, conserver, numériser et valoriser les films amateurs des Hauts-de-France » (p. 138), comme « Mémoire Ciclic » le fait pour la région Centre-Val de Loire (p. 106-109). De même, « Histoires de ch’tis. Cahier de mémoire collective des habitants du Nord et du Pas-de-Calais » (p. 170-173) aurait pu figurer dans la catégorie « Archives et histoire ».

7Ce mode d’emploi est néanmoins très intéressant en amont et en aval de la lecture des fiches afin de les (re)placer dans un écosystème plus vaste. Celles-ci sont toutes déclinées sur le même modèle (4 pages) plus ou moins développé : les créateurs, la plateforme, les contributeurs, les publics, souvent la parole du porteur de projet, de contributeurs ou d’un public et toujours une capture d’écran… la plupart du temps illisible mais montrant un peu l’architecture du site. « Ce guide privilégie les plateformes de grande taille (25 projets) et de moyenne taille (21 projets) qui présentent de fortes dynamiques de contributions et attirent des contributeurs débutants », bien que les auteurs reconnaissent que « quelques dizaines d’utilisateurs peuvent créer une grande quantité de contenus » (p. 16).

8La question des licences, ouvertes, fermées ou mixtes (la plupart du temps pour des plateformes ayant une part commerciale), est abordée pages 17-18 et dans les fiches. Les contributeurs ont parfois le choix de la licence, d’autres fois non, la propriété de leurs apports leur restant ou passant à la plateforme afin d’alimenter les (biens) « communs numériques ». Le statut juridique des données n’est cependant pas toujours clair, occasionnant parfois des procès menaçant certaines plateformes comme « Genius, site consacré aux paroles des chansons rap et à d’autres genres musicaux » (p. 154-157). Selon « la mission de la plateforme et la valeur qui y est produite […], trois fonctions principales » sont identifiées « création, mémoire et production de savoirs » et « trois types de contribution » proposés « participation, production partagée et coconstruction » avec toutes les combinaisons possibles (p. 18-20).

9En définitive, il faut saluer, comme Francesca Musiani, directrice adjointe du Centre internet et société du Centre national de la recherche scientifique le fait en postface, l’effort de classification et d’analyse des auteur·ices, ainsi que la diversité et la variété des plateformes présentées face à une complexité et une richesse croissantes de celles-ci dans un monde numérique avec de réelles tensions sur la propriété des données et leur interopérabilité. Cependant, il faut émettre quelques réserves sur les choix opérés des plateformes, tant dans leur équilibre quantitatif que dans leur succession. Autant l’introduction est argumentée et chaque fiche cadrée, autant le classement des fiches laisse à désirer, cassant parfois l’ordre alphabétique sans raison et ne donnant pas une impression d’ensemble très claire, sauf pour « Archives et histoire » et « Sciences et nature », de même en partie pour « Musique » (sans l’audiovisuel) et « Patrimoine et tourisme ».

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Pour citer cet article

Référence papier

Fabrice Thuriot, « Marta Severo, Sébastien Shulz et Olivier Thuillas, Culture en partage. Guide des plateformes culturelles contributives »Questions de communication, 45 | -1, 616-619.

Référence électronique

Fabrice Thuriot, « Marta Severo, Sébastien Shulz et Olivier Thuillas, Culture en partage. Guide des plateformes culturelles contributives »Questions de communication [En ligne], 45 | 2024, mis en ligne le 22 août 2024, consulté le 16 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/questionsdecommunication/36060 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11wz0

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Auteur

Fabrice Thuriot

Crdt, Université de Reims Champagne-Ardenne, F-51100 Reims, France fabrice.thuriot[at]univ-reims.fr

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