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Dossier. Journalisme cuturel en mutation : quelles pratiques éditoriales ?

Le nouveau visage médiatique des organisations culturelles : le cas de We are Europe

‘Becoming media’ for Cultural Organizations: The Case of the Media We are Europe
Camille Jutant
p. 91-116

Résumés

Résumé : À partir du cas d’étude du site internet We Are Europe, fruit d’un partenariat entre des festivals de musiques électroniques, cet article étudie un récent mouvement dans le champ culturel : la mise en ligne et l’animation, par les structures artistiques, de « médias ». L’objectif est de comprendre si le dispositif We Are Europe est une stratégie de promotion des acteurs culturels ou une forme émergente de journalisme culturel. L’analyse sémiotique du site montre que des formats éditoriaux variés (l’archivage, le reportage) et des logiques énonciatives plurielles s’enchâssent au service d’un « médiactivisme » faisant la promotion d’une communauté diversifiée de locuteurs et d’un traitement d’enjeux à la fois culturels et politiques à l’échelle européenne.

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Texte intégral

1Depuis le début des années 2020, des dispositifs le plus souvent numériques, qualifiés de « média », font leur apparition dans le secteur culturel. Entre autres exemples, on peut citer La Relève et la Peste1 qui se décrit comme une maison d’édition et un média, le média de la Gaîté Lyrique Plein écran2, le média MODAL3, élaboré par la Fédération des acteurs et actrices des musiques et danses traditionnelles (FAMDT). Ils ont tous en commun d’être en ligne, initiés, gérés et alimentés par des acteurs du milieu artistique ou culturel qui mènent des activités dans ce domaine (diffusion d’œuvres, production de spectacles, médiation culturelle, etc.) et ne sont pas journalistes.

  • 4 Marjorie Glas (2018) cite le cas de la revue Théâtre populaire crée en 1953 et liée à la naissance (...)
  • 5 Le rapport de la Cour des comptes d’octobre 2023 fait état de l’augmentation considérable de l’off (...)

2Que représentent ces dispositifs ? S’agit-il véritablement de médias ? Qu’y trouve-t-on ? Des œuvres et des spectacles ? Des informations sur ces œuvres et ces spectacles ? Ces dispositifs sont-ils nouveaux ? S’il existe quelques exemples dès les années 19504, la multiplication récente de ces « médias » pose de nombreuses questions à la fois sur la nature de ces objets et sur les stratégies de communication des organisations culturelles qui en sont à l’initiative. Ces dispositifs consacrent-ils une forme émergente du journalisme culturel à portée de tous, qui serait liée au contexte de démocratisation de la mise en forme et de la mise en circulation de l’information propres aux dispositifs numériques (Mercier et Pignard-Cheynel, 2014) ? Est-il question d’un renouvellement des approches de ces structures en matière de médiation artistique et culturelle ? En d’autres termes, s’agit-il d’un journalisme culturel qui se caractériserait par de nouveaux entrants ? Ou s’agit-il plutôt d’un « journalisme de communication » (Rieffel, 2001) dans un secteur professionnel de plus en plus concurrentiel, qui a vu son offre et ses acteurs doubler en vingt ans5 et sa relation aux publics se cristalliser autour de deux problématiques : le non-renouvellement des spectateurs d’un point de vue de leur catégorie socio-professionnelle et la baisse d’une « culture de sortie » chez les plus jeunes (Lombardo et Wolff, 2020) ?

3Pour répondre à ces questions, un cas en particulier sera investigué, le site internet We Are Europe6 (WAE). Mis en ligne en 2021 et qui s’auto-définit comme un « média » (voir fig. 1), ce site est le fruit d’un partenariat entre des professionnels du spectacle vivant, plus précisément de huit festivals de musiques électroniques : c/o pop Festival & Convention, Elevate, Insomnia, Nuits sonores & European Lab, Reworks Festival & Reworks Agora, Sónar & Sónar+D, TodaysArt and Unsound. Ces partenaires coopèrent depuis 2015, dans le cadre de projets bénéficiant de financements européens (Europe Creative) et continuent à ce jour de collaborer, comme en témoigne le projet Times7 orienté vers la création d’œuvres originales et le réseau Reset8, constitué d’acteurs culturels et de médias indépendants européens.

Figure 1. Présentation du « média » We Are Europe, sur le site de l’un des partenaires du projet de coopération Arty Farty, accès : https://arty-farty.eu/we-are-europe/, (consulté le 10 avr. 2024).

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  • 9 La newsletter, aussi appelée « lettre d'information », est un bulletin d'information périodique en (...)

4Le cas de WAE nous semble intéressant, car il s’agit d’un acteur culturel qui met en ligne un dispositif qu’il nomme « média ». L’hypothèse est qu’il est symptomatique des initiatives citées ci-dessus et qu’il révèle une tendance actuelle : une nouvelle porosité entre mondes de l’art et journalisme caractérisé par des productions éditoriales protéiformes – site web associé à une newsletter9, comportant des passerelles vers des plateformes numériques de musique et de vidéo – et multi-genres – archive de débats et de spectacles, compte rendu d’événements culturels, reportages et récits, etc. (Jutant, 2023).

5Si la littérature scientifique a beaucoup étudié la production de l’information sur la culture, en parcourant les formes et l’évolution du journalisme culturel (Nguyên-Duy et Cotte, 2001 ; Lafosse et Rieffel, 2002 ; Spano, 2004 et 2011 ; Rieffel, 2006 ;) ou de la critique culturelle (Teillet 2002 ; Béra, 2003 ; Rialland, 2014 ; Béliard et Naulin, 2016 ; Di Sciullo, 2021), peu d’études ont été faites sur la prétention au journalisme de la part des acteurs culturels et artistiques. Néanmoins, on peut citer les travaux socio-historiques sur les collectifs de vidéastes et artistes engagés dans des médias militants comme Indymedia ou le mouvement « Next 5 minutes » (Garcia et Lovink, 2002 ; Cardon et Granjon, 2013) ainsi que l’analyse socio-sémiotique du magazine de la FNAC Notre Epok (Croissant et al., 2006). Par conséquent, c’est à partir d’un cadre théorique sur les relations entre journalisme, culture et média au sens large, que l’analyse sera construite, en nous appuyant autant sur le travail de Jean Davallon autour du rapprochement entre musée et média, que sur celui de Fabien Granjon et Dominique Cardon (2013) sur les « médiactivistes », et enfin celui de Caroline Marti de Montety (2013) sur le phénomène de « dépublicitarisation ».

6Pour étudier ce site, l’approche sémio-discursive de son contenu a été faite en s’inspirant du travail de Lucie Alexis (2019) sur le site Culturebox. D’une part, la structuration du dispositif WAE a été décryptée, en prêtant particulièrement attention au système de renvois entre la newsletter bimensuelle et le site internet. D’autre part, il a fallu comprendre la structuration générale des contenus en observant le système de rubriquage et d’ordonnancement des éléments – zones dédiées à des fonctionnalités métatextuelles (recherche, liens, catégories) –, ainsi que la nature des contenus (image, image cliquable, zones textuelle, vidéo) et leur nombre d’occurrences par rubrique. Enfin, les registres de discours ont été étudiés sur un corpus de 201 articles publiés sur le site. Les extraits du site retranscrits dans l’article ont tous été traduits de l’anglais vers le français par l’auteur. À l’intérieur de ces extraits, les termes qui illustrent le mieux les analyses de l’article ont été soulignés par l’auteur.

7Dans une première partie, il s’agira d’expliquer en quoi le site WAE n’est pas un site de critique culturelle, mais qu’il assume une double fonction, a priori paradoxale, d’archives des activités des festivals partenaires et de site d’actualités culturelles. La deuxième partie sera consacrée au choix du terme de « média » par les partenaires pour décrire le dispositif WAE. Il sera révélé que la forme média répond à la fois à une volonté de donner une lisibilité à toutes les activités des partenaires et celle de renforcer leur visibilité en multipliant les espaces d’énonciation. Cette relation entre lisibilité et visibilité sera éclairée par les termes de curation et de dépublicitarisation. Enfin, dans une dernière partie, les logiques énonciatives de WAE seront observées pour démontrer que le site déploie un véritable « médiactivisme » en cherchant à devenir le lieu d’une énonciation plurielle et alternative sur la culture en Europe.

Un acteur culturel aux manettes d’un « média »

8Cette première section va permettre de présenter le site WAE et de décrire le type de contenus qui y est publié, ainsi que la manière dont ces contenus sont organisés. Bien que le site soit porté par des festivals de musique électronique, il n’assume pas une fonction de description des créations ni de critique musicale, mais plutôt une fonction d’archives des activités (concerts et conférences) organisées par les festivals et aussi une fonction d’information et d’actualité.

Un site de critique culturelle ?

9Les partenaires qui sont à l’origine de WAE sont des festivals de musique électronique. Ils programment chaque année des concerts, produisent des performances acoustiques, organisent des masters class (cours donné par un artiste reconnu) avec des musiciens. On peut donc peut s’attendre à trouver dans le site WAE, une communication sur les activités artistiques des structures, voire peut-être une volonté de se positionner comme critique artistique.

10On sait que l’histoire de la critique culturelle est « lourde d’échanges, de collusions, de dépendance avec les auteurs eux-mêmes, mais également avec les “maisons (d’édition, de production, de diffusion…” » (Pourtier, 2006a : 52 et 2006b). Rappelons même que les premières formes de journalisme culturel étaient produites par les artistes eux-mêmes (écrivains, artistes), à l'instar du Spectateur français, de Marivaux, publié en 1721 (jusque 1724). Aussi, WAE, produit et éditorialisé par les structures culturelles elles-mêmes renouerait-il avec cette forme de la critique d’art. Ce serait un retournement de situation, un retour à la production de discours par celles et ceux concerné·es par la création, légitimes à défendre un point de vue sur les œuvres, une sorte de critique savante – une « critique des maîtres » par opposition à une « critique journalière » (Thibaudet, 1930). Rien n’est moins sûr, car, si l’on entend la forme critique « comme une prise de position subjective et esthétique sur des spectacles vivants, des écrits ou des œuvres, s’exposant elle-même au public » (Béra, 2003 : 155), paradoxalement, dans le cas de WAE, l’énonciateur ne se réclame pas de sa compétence de jugement, ni de sa compétence artistique pour asseoir son autorité auctoriale. En réalité, il la met à distance. En effet, si l’on reprend deux critères de la critique culturelle, l’exercice d’une subjectivité, et même d’un jugement « elle consiste à prendre position selon des critères esthétiques, moraux voire idéologiques, en faveur (ou non) d’œuvres ou de biens culturels » (Guyot, 1980 : 35), et une analyse selon des critères esthétiques – « les jugements qu’ils dispensent ne sont pas uniquement donnés au coup par coup, selon les œuvres, mais correspondent plutôt à de véritables partis pris artistiques » (Pourtier, 2006b : 93), on observe que les articles ne remplissent ni la fonction d’évaluation critique, ni du jugement esthétique.

11La fonction d’évaluation ou même de commentaire d’œuvre est très peu présente dans le site. Lorsqu’on se plonge dans la compréhension du contenu, on y trouve des genres et formats de nature diverse. Au total, 201 articles sont répertoriés sur le site que le tableau 1 permet de catégoriser.

Tableau 1. Classement des 201 articles répertoriés sur WAE par genre.

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12Si l’on retrouve la quasi-totalité des genres rédactionnels, de l’éditorial au reportage, en passant par la brève ou encore l’interview, en revanche on constate que le site n’offre que trois articles relevant de la critique culturelle et indique même un premier geste de mise à distance de l’identité des partenaires, à savoir leur approche de la culture et des arts par l’objet artistique, la création et le créateur. Le processus de l’œuvre n’est pas commenté ni étudié en fonction de critères tels que son originalité, sa capacité à transgresser, son inscription dans une histoire de la musique. Le lecteur n’est pas non plus invité à aller voir l’œuvre, à se rendre au spectacle pour faire l’expérience esthétique du concert comme événement. Les concerts sont accessibles sur le site, en replay, comme illustration des articles et pas comme matériau de recherche. La fonction documentaire de la reproduction de l’œuvre prend ainsi le pas sur l’aura de l’œuvre par sa dimension d’expérience, qu’aurait pu illustrer le principe du live stream ou au contraire l’invitation à se rendre physiquement dans les lieux de concerts.

  • 10 La description de ces thèmes est difficile à trouver sur le site et confirme la diversité des appr (...)

13Le site fait l’objet d’un rubriquage complexe (voir fig. 2 et fig. 3). Les sept mots clés sur la page d’accueil sont les suivants : Culture: Reset!, Nightivism, Agora Europe, Beyond the city, Cyber Space, Planet: Reconnect, Arts. Ces termes forment un inventaire de thématiques, d’enjeux, de disciplines, de slogans10. On constate ici un deuxième geste de mise à distance du parti pris artistique : le rubriquage ne fonctionne pas par genre culturel ou artistique – comme pour Sens Critique (Bonaccorsi et Croissant, 2015 ; Cordonnier et Touboul, 2019), Télérama.fr ou Culturebox –, mais par entrées problématiques ou thématiques qui ont significativement la même importance visuelle.

Figure 2. Copie d’écran du site WAE (affichage du rubriquage thématique sur la page d’accueil).

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Un site d’archives ou un site d’actualité ?

14La mise à distance de la critique artistique ne s’arrête pas là, car on repère dans l’organisation de ce contenu, deux logiques éditoriales, en référence d’une part, à un ordre documentaire et d’autre part, à une logique d’information et d’actualité.

15Ce principe d’organisation thématique – et non pas par genre artistique – se retrouve doublé d’un autre rubriquage plus général qui se décline en trois entrées : Collections, Series et Thema (voir fig. 3).

Figure 3. Copie d’écran du site WAE.

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16On constate l’inscription des contenus dans des logiques de listes : par exemple les entretiens classés par hashtag (Stassin, 2022) et par numéro sous l’intitulé MEETS ; les listes de noms les uns à la suite des autres, classés comme 64 faces of We Are Europe ; les épisodes présentés sous le titre New Activists of European Culture. Or, la liste est un système d’écriture situant les objets qu’elle représente sur un plan de similarité : « [l]a liste, par la suppression des connecteurs de coordination ou de subordination, ne peut traduire les relations entre les éléments qu’elle présente et ne peut donc construire un discours ou un univers narratif » (Bonaccorsi et Jutant, 2019 : 69). Mais si la liste ne raconte pas d’histoires sur les contenus, elle dit en revanche quelque chose sur son producteur, « dans la mesure où la liste peut être l’expression de l’originalité du scripteur, de son érudition, de sa capacité à collectionner, à conserver » (ibid. : 70). En produisant des listes, les auteurs du site font le choix d’un classement et d’un ordonnancement des contenus qui rappellent la gestion documentaire (Desprès Lonnet, 2009).

17Par ailleurs, lorsqu’on essaye de dater les contenus présentés, on trouve des entretiens réalisés avec des artistes ou des porteurs de projets pendant les conférences des festivals, ainsi que des captations réalisées pendant les événements ; tous ces contenus sont rattachés à des contextes précis, des lieux, des moments. Quasiment la moitié d’entre eux remontent à avant 2021 et sont donc antérieurs à la naissance du site WAE, en 2021. Ces contenus ont été republiés sous un format homogénéisé. En témoignent les rubriques Club to Cloud – interviews et vidéos réalisées pendant la crise sanitaire – ou encore les WAE mixes – cartes blanches musicales de DJ (sélections musicales organisées par les DJ) au format de podcast (séries de fichiers audio diffusés en ligne) réalisées avant 2021, disponibles sur SoundCloud, mais accessibles depuis la page du site via un player son (support de lecture en ligne). En regroupant et en classant ces contenus sous un même intitulé, le site leur donne une fonction d’archives. WAE est ainsi doté d’une fonction de valorisation, de capitalisation, d’archivage de contenus existants. Par-là, le site patrimonialise les activités et les contenus produits par les partenaires. Ce geste est liéà une mission de service public dont la prise en charge est rendue nécessaire par l’obtention de crédits publics (nationaux, européens) dont la contrepartie consiste en la mise à disposition des productions réalisées dans ce cadre. Cette logique répond aussi à un objectif d’accès à la culture des politiques culturelles, ainsi que de définition de ce qui fait culture et mérite d’être conservé, mis en valeur. Cette fonction de patrimonialisation trouve alors dans le choix du terme « média » une façon de se publiciser.

18Mais d’autres contenus et un autre principe de classement de ces contenus sont aussi visibles sur le site et éloignent WAE d’une stricte fonction documentaire et patrimoniale. D’un côté, après 2021, on trouve des articles « hors sol », plus du tout rattachés à des contextes, mais répondant à des thématiques, à des appels à contribution. Les sujets de ces articles sont pour la grande majorité présentés par rapport à un contexte international ou national, voire une actualité politique et sociétale :

  • « Au grand dam des indépendants culturels, Viktor Orban a conservé sa majorité à l’issue des élections hongroises de 2022. Ce revers a nécessité un examen de la situation des indépendants dans le pays » (extrait d’article publié sur WAE11).
  • « En mars 2022, la majorité des restrictions liées à la pandémie ont été levées, mais l’interdiction de la musique se poursuit » (extrait d’article publié sur WAE12).

19D’un autre côté et d’un point de vue sémiotique, le design de l’interface WAE rappelle le système de publication chronologique et d’affichage de la forme « blog ». En effet, les pages sont formées d’une succession de petits blocs « texte/image » qui défilent de haut en bas et composés, dans l’ordre, d’une image, d’une date de publication, d’un titre et d’un extrait de texte (voir fig. 4). On constate qu’à partir de 2021, les articles sont publiés avec une régularité dans le temps et une fréquence de l’ordre de six par mois.

Figure 4. Copie d’écran du site WAE (agencement des blocs textes/images).

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  • 13 Dailymotion est un site web, crée en 2005, proposant un service d’hébergement, de partage et de vi (...)

20Le site fait la promesse d’un traitement régulier et continu de l’actualité artistique, culturelle et activiste. Ici, les acteurs culturels font face à des enjeux de rythme qui s’éloignent des pratiques professionnelles des champs artistiques pour se rapprocher de celles du journalisme, mais aussi de la nécessité de garder et sans cesse réactiver le lien avec leurs publics et le monde qu’ils habitent. Le rapport au temps, et plus spécifiquement à l’actualité, est un des critères de reconnaissance de l’information journalistique, ainsi que l’écrit Franck Rebillard (2006 : 215) : « [L]’information journalistique est avant tout une représentation liée au temps, ce qui la distingue des autres discours sur le monde environnant (discours scientifique, politique, artistique, etc.) ». Le site WAE n’est ainsi pas qu’une plateforme documentaire, mais se rapproche plutôt d’une forme médiatique ; à l’instar de Dailymotion13 investigué par Vincent Bullich et Benoît Lafon (2019), qui décrivent comment le site web est progressivement passé d’un format de plateforme à celui de média : « [d]’un tiers des contenus proposés sur la page d’accueil au milieu des années 2000, les informations représentent, quinze ans plus tard, les deux tiers de l’offre […]. On assiste donc à l’affirmation d’une logique de portail offrant des contenus éditorialisés selon une quasi-programmation calquée sur les médias audiovisuels traditionnels ».

  • 14 Principes de classement : « discover our stories: Collections (a selection of topics that drives u (...)

21On voit donc que le site WAE ne peut être décrit comme un site de critique artistique spécialisé sur les musiques électroniques, mais qu’il déploie à la fois une approche quantitative d’accumulation, de collecte et une approche de rendez-vous, de régularité, ou en d’autres termes une logique d’archive avec une logique d’actualité. En témoigne la description du rubriquage général sur le site lui-même : les Collections sont décrites comme une « sélection de sujets », les Series sont des histoires racontées depuis partout en Europe et le Thema regroupe des « sujets tendances »14. Les pratiques d’écriture des contenus relèvent donc d’une hybridation empruntant à différents formats éditoriaux et à diverses démarches de mise en circulation des informations (la patrimonialisation d’un côté et le traitement de l’actualité de l’autre).

  • 15 L'« événementialisation de la culture » traduit la recrudescence des formats courts, faisant l'obj (...)

22On peut alors se demander ce que produit cette juxtaposition de logiques différentes, voire paradoxales, le patrimoine relevant du temps long et l’actualité relevant du temps court. Servent-elles un même projet ? Il convient d’interroger maintenant le terme de « média » qui est celui choisi par les auteurs du site pour le qualifier. WAE est-il un « média » ? Cette forme réconcilie-t-elle les deux approches de production et d’organisation des contenus décrites plus haut ? L’hypothèse est que le choix du « média » par les partenaires a été réalisé au moins en partie pour résoudre ce paradoxe. D’un côté, le média fait exister et durer les contenus publicisés sur le site, en les inscrivant dans une histoire longue de production : certains articles datent de novembre 2016, date à laquelle le site n’existait pas. Il positionne les partenaires du projet différemment, non plus dans le temps de l’événementialisation15 qui caractérise de plus en plus les manifestations culturelles, et particulièrement les festivals, mais au contraire dans une identité inscrite dans le long terme. De l’autre côté, le média fait la promesse du renouvellement des contenus et du rendez-vous régulier avec ses usagers.

Le choix du média : stratégie de visibilité ou nouvelle forme de lisibilité des savoirs ?

23Dans cette deuxième partie, il faut décrypter le terme de média et le sens qu’il a pris ces dernières années dans le secteur culturel pour mettre en perspective le cas de WAE dans un contexte plus général. En effet, du côté des institutions culturelles, on observe des formes d’injonctions à « devenir média16 », comme en témoignent les discours de plusieurs directeurs d’établissements, mais aussi la multiplication de sites internet qui se présente comme « médias » culturels. Les institutions culturelles sont tiraillées, depuis les années 1980 entre leur rôle historique de création et de production d’une forme médiatique particulière (l’exposition, le concert, etc.) et « la sollicitation de l’actualité qui voudrait que toute institution devienne un support de sa propre visibilité – et donc qu’un média soit avant tout, plutôt qu’un dispositif de médiation de savoirs, un moyen de se rendre visible » (Jeanneret, 2019 : 122). Cette tension entre lisibilité et visibilité a été exacerbée par la crise sanitaire toute récente, dont, bien sûr, on mesure encore mal les effets à long terme. La crainte de ne pas voir revenir les publics dans les salles après la crise sanitaire du Covid-1917 a poussé les acteurs culturels, structures comme artistes, à multiplier les présences en ligne en favorisant plutôt des logiques de médiation des savoirs ou de diffusion assez traditionnelles qui ne remettaient pas en cause leur positionnement auctorial (Errecart et Fache, 2023). En assurant une fonction de patrimonialisation des activités artistiques et culturelles musicales, WAE s’inscrit dans une continuité des missions attendues des structures culturelles, mais, comme on l’a vu, en ajoutant une autre logique, celle du traitement de l’actualité, le site s’émancipe d’un projet de démocratisation culturelle pour assumer davantage une mission journalistique.

24Ce jeu entre lisibilité et visibilité est au cœur de l’analyse que fait, dès 1992, Jean Davallon dans un texte qui préfigure un programme scientifique de trente ans sur le développement de la muséologie en sciences de l’information et de la communication. Il pose la question, titre de l’article : « Le musée est-il vraiment un média ? ». L’intérêt de ce texte pour cet article réside bien sûr dans le fait que J. Davallon interroge, déjà dans les années 1990, le devenir média d’une institution culturelle, mais surtout dans le fait que le texte examine la notion de média, non pas au sens d’une technologie de diffusion d’informations, mais à partir de son opérativité sociale et symbolique c’est-à-dire comme « un dispositif social dont la particularité est de relier des acteurs sociaux à des situations sociales » (Davallon, 1999 : 232). Rappelant la constitution de l’exposition, au xixe siècle, comme « élément de l’espace public qui se met alors en place […], caractérisé par l’activité critique d’individus éclairés à l’égard du pouvoir politique comme à celui des productions culturelles » (ibid. : 238), J. Davallon pose que le musée est bien cet espace qui permet une rencontre publique avec les œuvres et produit un discours sur ce qu’il montre. Autrement dit, le musée produit un discours qui prend « en charge le statut institutionnel de l’œuvre ainsi que du sens à donner à l’articulation des œuvres entre elles au regard d’un public » (ibid. : 243). Pour cela, le musée produit une forme spécifique l’exposition, qui intègre objets, discours sur les objets, sur la sélection de ceux-ci, et devient « une forme particulière d’institutionnalisation d’un espace de réception » (ibid. : 243). Cette réflexion suggère de se demander par quel système WAE rend visibles (fait circuler et permet un accès) et rend lisibles (manifeste ses choix et produit de la cohérence) les contenus qu’il abrite, ce qu’Yves Jeanneret (2008 : 167) qualifierait, en d’autres termes, d’« ostension » communicationnelle.

La curation comme mise en lisibilité

25Le dispositif WAE est composé de plusieurs espaces numériques. On devrait plutôt dire que son fonctionnement repose sur un ensemble d’autres dispositifs. C’est cet agrégat qu’il faut observer pour comprendre ce dont témoigne cette diversité et à quel point elle peut en effet relever d’une stratégie de lisibilité.

26Le dispositif WAE est en réalité formé de deux objets (une newsletter et un site web) qui sont deux espaces médiatiques distincts, mais se font référence mutuellement. Les internautes sont invités à s’inscrire à la newsletter directement depuis le site et, depuis la newsletter, les internautes sont renvoyés par un système de signes passeurs (liens hypertextes) à retrouver sur le site les contenus mentionnés. Quelle est la nature de la relation entre ces deux espaces ? La cohabitation de ces deux dispositifs est intéressante, car elle renvoie à deux logiques de communication différentes. La newsletter est une forme assez classique de communication qu’utilisent les structures culturelles, les équipements, les lieux de diffusion qui ont des nouvelles à donner de leurs des activités. Elle participe des stratégies de communication et de médiation des organisations qui souhaitent valoriser ce qui a été fait ou a été programmé par elles, mais aussi ce qui a été fait et programmé par d’autres, pour en informer leurs publics, leur communauté d’usagers. Comme son nom l’indique, elle est la métaphore d’une correspondance intermittente entre des sujets qui se connaissent. En revanche, le média est une forme autonome qui, d’un point de vue éditorial, produit des contenus, respecte et instruit un certain traitement des informations. En proposant une circulation de la newsletter vers le site web, les partenaires du projet font passer leurs publics (ou les contacts enregistrés par les logiciels de billetterie) à un statut d’audience, qui ne partage plus seulement une pratique culturelle, mais un regard sur l’actualité artistique et culturelle européenne.

27Cette diversité de formats rappelle l’étude que font Joëlle Le Marec (2007) et Éva Sandri (2020) de l’évolution des activités développées par les structures culturelles depuis vingt ans, qui hybrident de plus en plus leurs propositions, produisent davantage de formes et de formats. En atteste, pour les festivals qui forment le consortium WAE, une pratique conjointe depuis ces dernières années de production de concerts, de conférences et débats d’idées, de mouvements de plaidoyer, etc. Le succès qu’ont connu, ces dernières années, les termes de « curation », et d’« éditorialisation » témoigne ainsi d’un mouvement opéré chez nombre d’acteurs spécialisés non plus sur un type de savoir-faire disciplinaire, mais sur une capacité à sélectionner et mettre en relation des objets et des formats d’origines variées. Dans le cas de WAE, on pourrait même parler de « curation partagée », comme en témoigne un jeu de délégation à d’autres scripteurs le soin de construire une proposition éditoriale, ainsi qu’on peut le voir sur les extraits suivants :

  • « Nous avons récemment donné la parole au Drugstore, basé à Belgrade, pour qu’il nous en dise plus sur la scène locale du club et son contexte politique. Afin d’explorer davantage la diversité de cette scène musicale, le club a demandé à Andria d’enregistrer un podcast d’une heure. Il est "l’un des jeunes musiciens les plus talentueux de la scène de Belgrade" » (extrait du site – rubrique Club to Cloud18).
  • « L’équipe éditoriale de Kiblind Magazine a fait un voyage à travers les villes d’Europe. Dans cette série, ils ont exploré les différents rôles que les propositions culturelles peuvent prendre dans les villes de demain » (extrait du site – rubrique Beyond the city)19.

28Ce geste de curation des contenus, cette capacité à dénicher et à sélectionner est celui de la programmation, de l’expertise des acteurs culturels. Ils rejoignent en cela certains médias d’information qui proposent depuis une vingtaine d’années de nouvelles formes de diffusion de la culture comme Culturebox (Alexis, 2019) ou Arte Concert. Le cas de Culturebox permet de saisir comment un média traditionnel façonne et produit un média culturel en ligne. Lucie Alexis explique que Culturebox fait le choix d’une stratégie de « marque éditeur » en défendant et justifiant sa mission de service public, c’est-à-dire sa capacité à produire des repères, des prescriptions liées à la notoriété du groupe dans un paysage informationnel saturé. Il fait le choix de produire une « programmation » culturelle sur une chaîne culturelle numérique et s’oppose donc aux stratégies d’agrégation de contenus comme les plateformes de type YouTube.

La multiplication des espaces médiatiques au profit du référencement

  • 20 Accès : https://soundcloud.com/discover, (consulté le 15 mai 2024).
  • 21 Accès: https://www.buymusic.club/, (consulté le 15 mai 2024)

29Le dispositif WAE, composé à première vue de deux espaces, newsletter et site internet, renvoient en réalité vers d’autres sites. Ce qui semble logique pour la newsletter, qui est un dispositif du repérage, de collecte et de renvois systématiques vers d’autres contenus, l’est peut-être moins pour le site. Pour autant, le site comme la newsletter renvoient les internautes vers d’autres plateformes de deux manières : soit le renvoi est direct, l’internaute se retrouve alors sur une autre plateforme comme c’est le cas pour celle d’écoute de la musique SoundCloud20 ou Buy Music Club21. Soit le renvoi est indirect, l’internaute reste sur le site WAE mais consulte le contenu à partir du système de visionnage ou d’écoute d’un autre dispositif, intégré sémiotiquement sur le site comme c’est le cas du visionnage de vidéo sur la plateforme YouTube, incrustée dans les pages du site WAE. Ce dernier délègue ici à d’autres, soit la compétence technique (l’hébergement de contenus, le player vidéo pour YouTube), soit l’expérience de l’internaute (l’écoute de la musique dans un autre environnement sémiotique pour Buy Music Now).

30Ces espaces sont « des adjuvants promotionnels » du site WAE et prennent aussi la fonction d’archivage des vidéos de concerts, de conférences, etc. (Alexis, 2019). Ils se renvoient mutuellement les uns vers les autres. Ce constat porte à penser que le site agit ainsi par commodité (par exemple pour ne pas avoir à développer son propre player vidéo), mais aussi et surtout pour contribuer à sa propre visibilité. En multipliant les espaces en ligne qui renvoient vers le site, WAE capitalise ses chances d’avoir un bon référencement dans les moteurs de recherche, et donc une meilleure visibilité en ligne (Sire, 2016).

31Il faut ici rajouter une chose : ces contenus, qu’ils soient mis en avant comme archives ou comme actualité, ont été produits par des contributeurs représentants des festivals, des artistes invités à s’y produire, des penseurs ou experts invités à s’y exprimer. Tous prennent la parole, si ce n’est « au nom » du projet, du moins dans son cadre. Ce cadrage est évidemment renforcé par le fait qu’une partie des contenus mis en ligne ont été produits avant la naissance du site, par les festivals, dans le cadre de leurs manifestations type conférences, forums, etc. et « reconditionnés », a posteriori, comme des articles de même gabarit sur le site. Deux exemples : la présence conjointe des termes tels que « (notre) projet », « site web » et « online media platform » qualifient différemment le dispositif, et la présence du logo WAE, sur de nombreuses photos mises en ligne pour accompagner les articles, renvoie vers les logiques institutionnelles et réglementaires de valorisation du partenariat en plus du financement européen. Le cadrage interprétatif en devient ambivalent : consulte-t-on un site qui fait la promotion d’un projet et de ses activités ou un média qui traite des enjeux d’actualité débattus dans des arènes culturelles professionnelles ?

32Aussi, pour conclure cette deuxième section, serait-on tenté de dire que la fonction de WAE est bien de contribuer à la stratégie de communication des festivals de musique électronique, à la façon d’un soft power (Martel, 2013). Cette hypothèse s’appuie sur l’analyse que font plusieurs auteurs du phénomène de dépublicitarisation (Patrin Leclère et al, 2013 ; Marti de Montety, 2013) correspondant aux :

« tactiques des annonceurs et agences de communication qui visent à démarquer les discours publicitaires des formes les plus reconnaissables de la publicité pour lui substituer des formes de communication plus discrètes. Ces formes sont médiatiques : immixtion dans des productions médiatiques préexistantes (parrainage télévisuel, placement de produits au cinéma, à la télévision ou dans le jeu vidéo, etc.), imitation des formes médiatiques instituées (magazine de marque, programme court, web TV, série de marque, films, etc.) » (Marti de Montety, 2013).

33Paradoxalement, les festivals de musique électronique ne sont pas des marques et leur intention n’est pas d’asseoir un ordre marchand. Mais quand Caroline Marti de Montety explique que l’enjeu pour les marques est de mettre au premier plan leur capacité auctoriale, on se rapproche très certainement de ce que produit WAE : un statut d’auteur, une place légitime à produire du discours et des connaissances. Dans le travail du magazine Epok de l’enseigne culturelle la Fnac, Valérie Croissant (et al., 2006) prouvent que le choix du média permet à l’entreprise de se positionner sur « une approche beaucoup plus “détachée”, dans une logique “d’intérêt général” » ainsi que de revendiquer par « la captation de l’héritage symbolique du journalisme, et des valeurs idéalisées comme l’indépendance ou l’objectivité », une liberté d’expression et une légitimité à en faire part dans l’espace public. Toute la question reste de savoir si un positionnement auctorial clair est assumé par ses auteurs.

Un activisme culturel engagé, mais peu partagé 

34Il s’agit maintenant de savoir quel est le positionnement auctorial et éditorial du site web pour comprendre si WAE n’est que stratégie de visibilité ou si est agencé un complexe éditorial au service du traitement d’informations qui puisse être considéré d’intérêt général. Cette troisième et dernière section concerne donc les contributeurs du site. La partie précédente insistait sur une diversité d’espaces de médiatisation des contenus ; retrouve-t-on cette diversité dans les logiques d’énonciation, c’est-à-dire dans les points de vue axiologiques exprimés ? Une hypothèse est que le site est fortement rattaché, d’un point de vue énonciatif, aux structures qui l’ont fait naître. Le projet de collaboration WAE changerait simplement de forme et de médium, mais ni de nom et ni de récits. Grâce à ce site, les partenaires organiseraient et proposeraient un discours sur la culture en Europe qui leur serait propre. Néanmoins, on se rend compte que la responsabilité auctoriale n’est pas très claire. Elle est diluée au profit de la mise en avant d’une communauté floue de scripteurs et de lecteurs dont le point commun serait celui de l’activisme. C’est donc plutôt une forme de « médiactivisme » qui est défendue comme position. Pour approfondir il faut s’appuyer cela sur l’analyse de D. Cardon et F. Granjon (2013), mais aussi Olivier Blondeau et Laurence Allard (2007), au sujet du médiactivisme. Comme l’expliquent les premiers : « [n]ous désignerons […] par le néologisme "médiactivisme" les mobilisations sociales progressistes qui orientent leur action collective vers la critique des médias dominants et/ou la mise en œuvre de dispositifs alternatifs de production d’information » (Cardon et Granjon, 2013 : 8).

Un exemple de « critique expressiviste »

35Si le responsable légal du site web est Arty Farty, l’un des partenaires du projet européen et à l’origine du festival Les Nuits Sonores à Lyon, sa présence est très discrète, voire invisibilisée d’un point de vue sémiotique. On ne trouve mention de son nom que sous l’onglet « information légale ». Comme dans le cas du magazine Epok, cet espace réservé est censé « afficher le non-interventionisme de l’instance émettrice dans la production du journal et par conséquent, l’indépendance et la liberté de ton accordée à la publication » (Croissant et al., 2006).

36Le site met en avant un énonciateur collectif. Si le nom du site est beaucoup plus explicitement et régulièrement rattaché au « projet » européen WAE, dans les onglets d’informations (contact, contribute, about, etc.) c’est pour mettre en avant un énonciateur collectif d’abord matérialisé par son nombre de locuteurs. La quantité de contributeurs est en effet régulièrement rappelée comme un indicateur de la position auctoriale du site :

  • « En un peu plus de cinq ans, il a permis à des milliers d'artistes et de conférenciers de tout le continent de se produire, de partager des idées et de nouer des liens par le biais d'événements » (extrait du site – rubrique Contact22).
  • « We are Europe rassemble chaque année des centaines d'innovateurs culturels, dessinant ainsi la carte culturelle de l'Europe » » (extrait de la chaîne YouTube – Cultural… What?23 Épisodes 2017).

37Un autre élément attire l’attention : le site exploite le champ lexical du  récit, du témoignage, de la narration – on repère de nombreuses occurrences comme « our stories », « european stories » « they are Europe », récurrence du mot « told », etc. Les contributeurs du site racontent des choses, des vraies. Et les gens qui racontent ces « vraies » choses sont des « vrais » gens, dont on ne peut douter de l’authenticité. De ce point de vue, WAE se situe clairement du côté d’un activisme que D. Cardon et F. Granjon (2013 : 11) nomment la critique « expressiviste » qui :

« dénonce quant à elle la réduction de la couverture des événements par les médias centraux aux seules activités des acteurs dominants. Elle revendique alors un élargissement des droits d’expression des personnes en proposant des dispositifs de prise de parole ouverts qui doivent leur permettre de s’affranchir des contraintes imposées par les formats médiatiques professionnels ».

38L’élargissement des droits d’expression des personnes est concrétisé, dans le site, à la fois par la variété des locuteurs et par leur position subalterne ou émergente.

  • « Il s'agit d'individus qui remettent le projet européen à zéro par le biais de la musique, de la culture, de nouvelles énergies démocratiques et du renouvellement des usages et des pratiques entrepreneuriales. Il peut s'agir de musiciens, de DJ, de journalistes, de figures des nouveaux médias, d'auteurs, de designers, d'artistes visuels, de chefs cuisiniers, de réalisateurs, de philosophes, de dramaturges ou d'entrepreneurs culturels » (extrait du site – rubrique About24). 
  • « Nous voulons mettre en lumière de nouveaux récits, des histoires inédites et des voix émergentes. (…) Nous devons faire entendre leurs voix à un public plus large, et jamais autant qu'aujourd'hui, alors que nous avons tous besoin de récits alternatifs en lesquels croire » (extrait du site Manifesto: A New European and Online Media Platform25).

39La diversité des récits est manifeste de deux manières : d’une part, le nombre considérable d’interviews témoigne bien de la volonté de donner la voix à une large majorité de locuteurs, d’autre part les scripteurs, sont eux aussi nombreux et se caractérisent par une diversité de position professionnelle, ainsi qu’en témoignent ces extraits de descriptions des auteurs des articles :

  • « Caroline Sinders est une conceptrice, une chercheuse et une artiste profondément intéressée par l'impact de la technologie sur les sociétés ».
  • « David Bola est le rédacteur en chef du contenu de We are Europe Media. Il a travaillé à Radio Nova en tant que journaliste indépendant et anime une résidence mensuelle sur Piñata Radio, avec Ludotek, une émission axée sur la musique de jeux vidéo ».
  • « Marie Dapoigny est rédactrice en chef et fondatrice d'ANFER, un groupe de réflexion français dédié aux pratiques éthiques de la vie nocturne ».
  • « Marco Salah El Din Tantawy est le responsable de la communication de l'Ortigia Sound System Festival ».

40La volonté d’élargir le nombre de contributeurs est manifeste dans les appels à contributions du site et illustre bien la volonté de mettre en place une stratégie énonciative qui valorise l’affirmation des subjectivités, s’assurant de la « diversité des points de vue, devenue possible par l’élargissement du nombre des producteurs d’information » (Cardon et Granjon, 2013 : 20) : « Nous lancerons régulièrement des appels à contributions spécifiques sur des sujets qui nous tiennent particulièrement à cœur. Le premier d'entre eux porte sur le(s) futur(s) des festivals. Rendez-vous sur la page dédiée pour découvrir ce que nous recherchons, puis envoyez votre proposition à hello@weare-europe.eu avant le 8 février 2021 ». La diversité des participants souhaités croise d’ailleurs la diversité des formes de contenus sollicitées : « Nous sommes ouverts à différents formats : histoires courtes, lectures longues, vidéos, podcasts, contenus multimédias » (extrait du site – rubrique Contribute26).

41In fine, on pourra signaler que si le site construit un énonciateur collectif très ouvert, il n’invite pas, en revanche, le public à participer en tant que citoyen. Le dispositif WAE n’est pas un média participatif. Si l’on reprend la distinction que font V. Bullich et B. Lafon (2019 : 378) entre les « zones et “signes passeurs” dédiés aux contenus dits “sociaux”, c’est-à-dire aux fonctionnalités liées aux commentaires, tags et boutons cliquables de type “Suivre”, “Liker”, etc. » et les « zones dédiées à des fonctionnalités métatextuelles (recherche, liens, catégories, etc.) visant à faciliter la navigation ou à ouvrir sur d’autres pages », on voit bien que le site développe moins un modèle de la demande (l’internaute bénéficie d’outils spécifiques de recherches de contenus) qu’un modèle centré sur une offre prédéfinie. En effet, la mention des réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Instagram de WAE) est visible sur le site, aucun autre espace ne permet la contribution des usagers du site. Ce modèle manifeste un contrôle de l’éditorialisation et une volonté d’être un espace d’exposition de contenus. C’est bien le registre de l’expertise qui s’exerce pleinement dans le travail de la programmation artistique et culturelle que mènent les partenaires de WAE. On retrouve ici les résultats des études réalisées sur les plateformes récentes de diffusion de contenus culturels numérisés. Ces sites empruntent aux réseaux sociaux les logiques participatives et contributives qui structurent la relation entre contenus, producteurs et internautes. Or, bien souvent, les formes de participation des usagers sont sollicitées, mais en réalité peu mises en œuvre par les sites eux-mêmes et donc peu opérationnalisées par les internautes (Croissant et Cambone, 2022).

Un nouveau contrat social ?

42Les initiateurs du projet entendent réunir autour d’eux une communauté d’intérêts animée par un périmètre géographique, l’Europe, la volonté de construire une vision prospective et, enfin, un ensemble de valeurs autour de l’indépendance.

43La section Why we are Europe décrit la genèse du projet et l’on comprend qu’il y a un souhait, un désir de construire une nouvelle vision de l’Europe. À ce titre, c’est un projet prospectiviste manifeste dans les termes employés par le site, qui dépasse bien largement le monde de la culture et des arts, ainsi qu’on peut le lire dans les extraits suivants du site de la rubrique About27 :

  • « We are Europe est né de la volonté de formuler et de faire progresser une nouvelle vision de l'Europe, portée par ses militants, ses acteurs du changement, ses artistes et ses citoyens ».
  • « Nous lançons un nouveau site web et média pour rendre compte, tout au long de l'année, des transformations culturelles qui façonnent l'Europe de demain ».

44L’analyse des articles publiés montre qu’ils convergent presque toujours vers la défense d’un horizon politique général qui est celui de l’indépendance. En effet, il s’agit d’un horizon politique comme en témoigne l’usage des termes « plaidoyers » ou « contrat social ». Le terme de « contrat social » est utilisé sur le site pour présenter le projet WAE. Des marqueurs discursifs de la responsabilité, de la croyance, du devoir quasiment moral, sont présents dans ce texte pour justifier le positionnement des auteurs :

  • « Ces dernières années ont été marquées par des changements importants dans les industries culturelles et créatives. Cela a été causé non seulement par les progrès technologiques et l'apparition du Covid-19, mais aussi par l'impact puissant de mouvements sociaux tels que #MeToo et Black Lives Matter. En tant qu'acteurs culturels, nous devons aborder ces changements et y répondre. Nous avons le devoir de réfléchir à nos activités, nos pratiques, nos événements et, surtout, d'amplifier les voix de ceux qui luttent pour des sociétés plus justes » (extrait du site – Manifesto: A New European and Online Media Platform28)
  • « Nous avons la responsabilité de soutenir la création artistique, les communautés et les activistes » (extrait du site – rubrique Explore the map29)
  • « Nous croyons en une communauté culturelle européenne composée d'acteurs qui promeuvent une vision de la culture indépendante, connectée, innovante et tournée vers l'avenir » (extrait du site – rubrique Explore the map).

45Comme le disent D. Cardon et F. Granjon (2013 : 19), « il s’agit de produire des représentations inédites, mais surtout des actions individuelles et collectives visant la consolidation d’un entre-soi et le renforcement de valeurs morales et politiques. Les médias alternatifs peuvent, dès lors, fonder les éléments d’une nouvelle opinion publique, tout en renforçant les principes d’une cohésion sociale alternative ». C’est précisément ce que défend le site en proposant d’être le lieu de consolidation d’une opinion publique européenne.

« En favorisant une coopération à si grande échelle, ce média permettra une meilleure circulation des idées à travers le continent et servira également à cimenter les liens entre les communautés, les générations et les territoires » (extrait du site – rubrique Call for contributions30).

46Si on lit ce positionnement dans la suite du mouvement du Manifeste des indépendants31, porté par le festival de musique électronique français Nuits Sonores en 2020, on comprend que le site a été le support d’un travail de plaidoyer sur la structuration d’un certain secteur des musiques actuelles, en direction des pouvoirs publics européens, surtout nationaux et locaux. Ce positionnement s’inscrit dans l’histoire longue de la presse culturelle qui, dès le xixe siècle « témoigne du souci des gens de presse d’inscrire leur métier dans une fonction à la fois critique et politique » (Spano, 2004 : 180). Les périodiques et les pratiques professionnelles des journalistes culturels ont suscité largement moins d’attention que celles d’autres catégories de journalistes. Cependant, plusieurs auteurs, en France et en Amérique du Nord, s’y sont intéressé et ont attesté que ces derniers estiment avoir un rôle à jouer dans la démocratisation culturelle et la démocratie culturelle (Harries et Wahl-Jorgensen, 2007 ; Blandin, 2010 ; Luckerhoff, 2012). On peut lire ainsi la mission que se donne le site, qui projette d’évoluer encore davantage vers une logique d’agrégateur et de portail au service d’un contenu culturel européen, produits et portés par des acteurs « invisibles », ces activistes décrits comme étant encore dans des positions subalternes et sous les radars des médias traditionnels. Dans cette lignée, il est alors possible de faire l’hypothèse que WAE fait partie des nouveaux entrants produisant un médiactivisme culturel : ils parlent d’eux en s’associant à d’autres, non pas seulement pour faire la promotion de leurs activités, mais pour éclairer les logiques et les métamorphoses qui secouent le champ culturel. Depuis leur position d’observateur privilégié, ils documentent ces évolutions.

Conclusion 

47À l’issue de cette analyse, le site WAE apparaît comme un objet hybride, protéiforme s’appuyant sur plusieurs espaces de médiatisation et activant plusieurs logiques éditoriales. De ce point de vue, il est un exemple typique du travail de « curation » à l’œuvre chez de plus en plus de structures culturelles qui multiplient les espaces d’énonciation et les activités. Il illustre aussi très bien la façon dont ce travail de curation rencontre et exploite les possibilités numériques. F. Rebillard (2006 : 214) disait déjà « que l’originalité d’internet réside peut-être moins dans les opportunités qu’elle fournit à chaque expérimentation informationnelle considérée à titre individuel (ex : tel site de presse en ligne, tel blog, etc.) que dans sa capacité à réunir ces différents espaces de publication journalistique (ex : un blog commentant une nouvelle parue sur un site de presse en ligne) ».

48Par ailleurs, toutes ces logiques d’écriture font exister une position énonciative militante et des locuteurs pluriels unis dans leur capacité à produire un récit alternatif ; l’attention est portée sur la capacité de l’énonciateur à produire du discours, plus que sur le discours lui-même. Cette consécration de l’énonciateur est le fruit d’une tension entre volonté de visibilité et dépublicitarisation, mais aussi d’une volonté de critiquer, de mobiliser, de fédérer autour de causes et d’enjeux de société tout en prenant des distances avec la critique culturelle. En effet, l’énonciateur ne se présente pas dans sa compétence d’artiste, mais dans sa compétence activiste. Finalement, c’est peut-être une dé-autonomisation de la création artistique que le média contribue à asseoir ainsi que la réactivation d’un imaginaire sur le rôle politique et social de l’art. Mais il suggère un renouvellement paradoxal des relations entre organisations culturelles et publics : ensemble au cœur de la société, mais toujours distincts dans leur capacité à pouvoir en parler.

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Notes

1 Accès : https://lareleveetlapeste.fr, (consulté le 15 mai 2024).

2 Accès : https://gaite-lyrique.net/plein-ecran, (consulté le 15 mai 2024).

3 Accès : https://modal-media.com/, (consulté le 15 mai 2024).

4 Marjorie Glas (2018) cite le cas de la revue Théâtre populaire crée en 1953 et liée à la naissance du Théâtre National Populaire, qui va défendre et accompagner, tout au long de son existence, les expériences menées dans le cadre de la décentralisation dramatique. Benoît Lafon (2010) analysait, il y a plus de 10 ans, la façon dont le site public institutionnel de l’Institut national de l’audiovisuel s’était progressivement orienté vers une logique de programmation médiatique.

5 Le rapport de la Cour des comptes d’octobre 2023 fait état de l’augmentation considérable de l’offre culturelle, en France, depuis les vingt dernières années, logique reconduite depuis la crise sanitaire par le soutien par l’État aux artistes notamment, comme en témoigne le dispositif de commandes artistiques, Mondes nouveaux, évoqué dans la Communication à la commission des finances du Sénat, datant de mars 2024 et intitulée « Les crédits exceptionnels à la culture et aux industries créatives. Des moyens considérables, une logique de guichet, un contrôle insatisfaisant 2017-2023 », accès : https://www.culture.gouv.fr/actualites/Mondes-nouveaux-1-un-dispositif-reconduit-pour-repenser-notre-monde, (consulté le 15 mai 2024).

6 Accès : https://weare-europe.eu (le site est en maintenance depuis janvier 2024, dernière consultation 15 déc. 2023). Je remercie Pierre Brini pour tous nos échanges au sujet du projet européen We Are Europe et du site WAE.

7 Times (The Independent Movement for Electronic Scenes), accès : https://times-movement.eu/, (consulté le 15 mai 2024).

8 Accès : https://arty-farty.eu/, (consulté le 15 mai 2024).

9 La newsletter, aussi appelée « lettre d'information », est un bulletin d'information périodique envoyé par e-mail à celles et ceux qui s'y inscrivent.

10 La description de ces thèmes est difficile à trouver sur le site et confirme la diversité des approches et des objets qu’ils recouvrent « Beyond the City — rethinking the future of cities and highlighting emerging cultural projects located in Europe’s rural areas » (6 articles). « Arts — uncovering emerging aesthetics, technologies, cultural movements and new artistic scenes in Europe» (56 articles). « Agora Europe — discussing democracy all over Europe and beyond» (29 articles). « Nightivism — putting club culture and dance floors at the forefront of social and political change » (29 articles). « Cyber Space — assessing the influence of new technologies on our social and cultural practices, and working out where society might be headed next » (18 articles). « Planet: Reconnect — reflecting on our relationship with the ecosystems that surround us and our natural environment » (8 articles). « Culture: Reset! — showcasing the independent cultural actors and initiatives that are shaping the European culture of tomorrow » (20 articles).

11 27 juin 2022, « Resistant and Resilient: Perspectives for Independent Culture in Hungary ». Accès : https://weare-europe.eu/perspectives-for-independent-culture-in-hungary/, (consulté le 18 déc. 2023).

12 29 mars 2022, « Quiet Return to Music in Post-Pandemic Turkey ». Accès : https://weare-europe.eu/quiet-return-to-music-in-post-pandemic-turke/, (consulté le 20 déc. 2023).

13 Dailymotion est un site web, crée en 2005, proposant un service d’hébergement, de partage et de visionnage de vidéo en ligne, accès : https://www.dailymotion.com/fr, (consulté le 15 mai 2024).

14 Principes de classement : « discover our stories: Collections (a selection of topics that drives us and we believe are key to rethinking the future of Europe) – Series (European stories from all over the continent and further afield, told in the long run with dedicated format) – Thema (trending topics – as told from a European perspective) ».

15 L'« événementialisation de la culture » traduit la recrudescence des formats courts, faisant l'objet d'une promotion comme « temps forts », dans le champ de l'action culturelle, comme en témoignent les « Nuits de musées », les « Journées du patrimoine » ou le nombre croissant de festivals ces dernières années (Milery, et al. 2023).

16 Voir par exemple : https://www.rfi.fr/fr/culture/20171220-centre-pompidou-devenir-media-serge-lasvignes-afrique-bruxelles-shanghai, (consulté le 24 avr. 2024).

17 De nombreuses enquêtes entre 2020 et 2021 annonçaient que les spectateurs, festivaliers et visiteurs ne seraient pas au rendez-vous à la sortie des confinements. Pour exemple : « fin avril 2020, 75 % des Français se déclarent inquiets à l’idée d’assister à un spectacle et 50 % à celle de visiter un musée ou une exposition. [Par ailleurs], 46 % envisagent de moins fréquenter les musées et les bibliothèques, voire pas du tout, et près des deux- tiers les concerts et salles de spectacles fermées ou avec un public nombreux ». Extrait de la note de synthèse de l’étude « Les nouvelles pratiques culturelles des français avec le confinement » du Gece, cabinet d’études et de sondages, accès : https://www.gece.fr/2020/07/06/pratiques-culturelles-covid/, (consulté le 15 mai 2024).

18 Accès : https://weare-europe.eu/serie/club-to-cloud/, (consulté le 20 nov. 2023).

19 Accès : https://weare-europe.eu/collection/beyond-the-city/, (consulté le 20 nov. 2023)

20 Accès : https://soundcloud.com/discover, (consulté le 15 mai 2024).

21 Accès: https://www.buymusic.club/, (consulté le 15 mai 2024)

22 Accès : https://weare-europe.eu/contact/, (consulté le 10 avr. 2023).

23 Accès : https://www.youtube.com/watch?v=7oIzPi3WR-s&list=PLIKmyCbrD4cj4sMxKF2bd-HF775E4TPKp, (consulté le 15 mai 2024).

24 Accès : https://weare-europe.eu/about/, (consulté le 10 avr. 2023).

25 Accès : https://weare-europe.eu/a-new-european-and-digital-media/, (consulté le 10 avr. 2023).

26 Accès : https://weare-europe.eu/contribute/, (consulté 20 déc. 2023).

27 Accès : https://weare-europe.eu/collection/about/, (consulté le 20 nov. 2023).

28 Accès : https://weare-europe.eu/a-new-european-and-digital-media/, (consulté le 20 nov. 2023).

29 Accès : https://weare-europe.eu/#explore-the-map, (consulté le 18 déc. 2023).

30 Accès : https://weare-europe.eu/call-for-contributions-02-about-artists-lives-and-perspectives/, (consulté le 18 déc. 2023).

31 Accès : https://appeldesindependants.fr/manifeste/, (consulté le 15 mai 2024).

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Pour citer cet article

Référence papier

Camille Jutant, « Le nouveau visage médiatique des organisations culturelles : le cas de We are Europe »Questions de communication, 45 | -1, 91-116.

Référence électronique

Camille Jutant, « Le nouveau visage médiatique des organisations culturelles : le cas de We are Europe »Questions de communication [En ligne], 45 | 2024, mis en ligne le 07 octobre 2024, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/questionsdecommunication/35040 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11wx6

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Auteur

Camille Jutant

Elico, Université Lumière Lyon 2

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