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Dossier. Journalisme cuturel en mutation : quelles pratiques éditoriales ?

La passion comme convention de travail : les magazines français consacrés au cinéma fantastique

Passion as a Working Convention: French Magazines dedicated to Fantasy Cinema
Quentin Mazel
p. 49-72

Résumés

Résumé : Les magazines français entièrement consacrés au cinéma fantastique apparaissent au tournant des années 1980 dans le sillage de nombreux fanzines. Les personnes qui animent ces publications appréhendent leur travail à travers le prisme de la passion. Cette contribution interroge la manière dont le contexte de professionnalisation et de développement de ces publications a conduit à l’expression d’une convention de travail associée à la passion. Il étudie la manière dont des critiques professionnels sont traversés par des logiques propres au milieu amateur. Il décrit le contexte d’apparition de cette presse spécialisée, les propriétés sociales et les relations qui unissent les journalistes de ce segment, pour ensuite analyser la manière dont la « passion » encadre la distribution, l’organisation et la réalisation du travail.

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Texte intégral

« La critique n’est pas une passion de la tête, elle est la tête de la passion. » (Marx, 1844 : 92)

  • 1 L’auteur tient à remercier Gaël Stephan et Thomas Pillard pour leur lecture et leurs conseils.

1Le métier de critique de cinéma dépend du statut de journaliste qui encadre entre autres aspects les grilles de salaire et le statut de pigiste1. Si l’activité repose sur un faisceau de tâches (Hughes, 1996) protéiforme, elle relève pour l’essentiel du domaine de la prescription – consistant à produire des discours et des jugements sur des œuvres. Intermédiaires (Lizé, Naudier et Roueff, 2014) entre les films et les spectateurs, ces professionnels orientent la consommation et l’interprétation des publics. À ce titre, ils participent activement à l’appariement de l’offre et de la demande, dans un marché structurellement incertain (Karpik, 2007).

  • 2 Ces publications relèvent de ce qu’on désigne usuellement « la presse magazine », au sens où elles (...)
  • 3 L’expression fantastique doit être comprise dans une acception large, loin de la célèbre définitio (...)
  • 4 La relation d’asymétrie assoit l’autorité des critiques dans leur champ d’exercice et justifie la (...)

2Cette profession connaît de multiples segmentations. Au sein de la presse cinématographique (Ciment et Zimmer, 1997 ; Prédal, 2004 ; Chedaleux, 2018), les magazines2 français entièrement consacrés au genre du fantastique3 forment un ensemble spécifique. Apparues au tournant des années 1980, ces publications professionnelles entretiennent une proximité importante avec le milieu amateur et sont animées par des personnes qui appréhendent leur travail au prisme de la passion. Généralement, les amateurs et les professionnels sont distingués en fonction de critères économiques – la capacité à tirer un revenu substantiel du travail, l’acquisition d’une rationalité financière, etc. – et de qualification – la capacité à construire une relation asymétrique avec les lecteurs4, par des connaissances cinématographiques, des modalités d’expression et de jugement, etc. Cette frontière renvoie à des couples d’opposition plus fondamentaux : travail/loisir, raison/émotion, public/privé, contrainte/plaisir, obligation/liberté, etc. Si certains travaux insistent sur les spécificités de ces univers – en soulignant par exemple le caractère fondamentalement alternatif des publications non professionnelles, comme les fanzines (Atton, 2002 et 2006 ; Étienne, 2003) –, la ligne de démarcation s’avère plus floue qu’il n’y paraît. Ces dernières années, des chercheuses et chercheurs ont ainsi mis en avant l’hétérogénéité des pratiques amateurs, surtout en ligne (Allard, 2000). Les internautes les plus actifs ont par exemple tendance à employer le langage de la critique professionnelle (Naulin, 2014 ; Béliard, 2014 ; Beaudouin et Pasquier, 2014 et 2016) et à inscrire leur activité dans l’écosystème promotionnel des œuvres (Dupuy-Salle, 2014 ; Bois, Saunier et Vanhée, 2015 et 2016). Ces résultats ont participé à remettre en question l’étanchéité de cette démarcation pour, au contraire, mettre en lumière « les allers-retours incessants » (Béliard, 2014) entre ces univers.

3Il s’agit ici de prolonger ces réflexions en opérant deux déplacements. D’une part, en renversant le poste d’observation, puisque l’étude porte sur la manière dont des critiques professionnels sont traversés par des logiques propres au milieu amateur. D’autre part, en embrassant un champ d’action plus large, puisque l’analyse aborde conjointement les modalités d’écriture et les conditions de travail. Pour appréhender ces deux dimensions, le concept de convention semble particulièrement adéquat. Par convention, on désigne un principe de raisonnement (acquis par la socialisation des individus) qui organise la manière de concevoir et de réaliser certaines actions. Elle s’incarne notamment dans un système rhétorique, un langage, des manières d’agir et d’écrire, qui participent d’une culture professionnelle (Hughes, 1958). Elle constitue un savoir partagé que les personnes mobilisent de manière réflexive pour considérer les situations et appréhender les espaces des possibles qui leur sont associés. En aiguillant la manière de comprendre le monde et d’y agir, elle sert de principe de coordination (Becker, 1982).

4Dès lors, il convient de se demander dans quelle mesure le contexte dans lequel se sont professionnalisées et développées ces publications a conduit à l’expression d’une convention de travail associée à la passion ? L’article décrit ainsi l’environnement dans le quel apparaissent ces magazines, les propriétés sociales et les relations qui unissent les travailleurs de ce segment, pour ensuite analyser la manière dont la passion encadre la distribution, l’organisation et la réalisation du travail. Cette contribution prolonge à la fois les recherches sur les conditions sociales de la critique (Alexandre, 2016 et 2018 ; Béliard, 2014 ; Beaudouin et Pasquier, 2014 et 2016), ainsi que celles qui abordent plus largement les « métiers de passion » (Slimani, 2014 ; Loriol et Leroux, 2015), comme on les appelle parfois. Notre approche s’inscrit au croisement de la sociologie – notamment les études consacrées au travail (Hughes, 1996) et aux groupes professionnels (Strauss, 1992) – et des sciences de l’information et de la communication, en particulier les travaux portant sur la presse (Blandin, 2018) et le journalisme culturel (Spano, 2011).

  • 5 En plus de l’étude des textes publiés, cette analyse repose sur l’indexation systématique des ours (...)

5L’enquête croise un corpus de 10 magazines (Mad Movies, L’Écran fantastique, Starfix, Fantastyka, Vendredi 13, Toxic, Impact, Métaluna mag, HK Orient Extreme Cinéma, DVDvision) publiés entre 1977 et 2019 et de 253 fanzines publiés entre 1962 et 20195, avec une série d’entretiens réalisés en 2019 auprès de 30 critiques ayant collaboré avec ces titres. Le corpus réunit des publications professionnelles spécialisées dans le cinéma fantastique. Deux revues séminales ont été écartées, Midi-Minuit Fantastique, créée par Michel Caen et Alain Le Bris en 1962 (Paris, 1962-1970), et Horizon du fantastique, créée par Dominique Besse et Alain Schlockoff en 1967 (Asnières-sur-Seine, 1967-1975), en raison de leur éloignement temporel avec les autres revues du corpus et de leur statut « semi professionnel ». Deux autres revues, Le Cinéphage (Paris, 1991-1995) et Brazil (Auvers-sur-Oise, 2002-2011), constituent des cas limites aussi exclus du corpus, l’une et l’autre adoptant une ligne éditoriale où le fantastique occupe une place de choix, mais embrasse une très grande diversité générique. Enfin, les revues étrangères (britanniques et étatsuniennes) traduites et diffusées en France, les revues non spécialisées dans le cinéma (comme Science-Fiction Magazine, Paris, 1998-en cours), ont aussi été écartées. Ainsi circonscrit, le corpus a été traité de manière exhaustive. N’ayant pas eu la possibilité de rencontrer l’ensemble des personnes ayant écrit au sein de ces revues, il a fallu chercher à diversifier au maximum les profils, en fonction des périodes où elles y ont travaillé, des postes qu’elles ont occupés et de la durée de leur collaboration. Grâce aux différentes données recueillies, l’analyse porte à la fois sur les carrières professionnelles, les conditions de travail, les formes rédactionnelles et les modalités d’évaluation des films.

Un segment de la critique : des amateurs aux professionnels

6Au sein de la critique cinématographique, les rédacteurs engagés dans ces magazines consacrés au cinéma fantastique forment un « segment » (Bucher et Strauss, 1961 ; Strauss, 1992 : 67-86), c’est-à-dire un sous-groupe intra-professionnel faisant valoir des préoccupations spécifiques (Hénaut et Poulard, 2018). Relativement homogène, cette population entretient une proximité importante avec le milieu amateur.

Le fanzine comme origine commune

7Les revues du corpus apparaissent à partir du tournant des années 1980 dans le sillage de nombreux fanzines – productions éditoriales périodiques ou uniques, assurées par des bénévoles et insérées dans un réseau de reproduction et de distribution restreint (Atton, 2002 et 2006 ; Hein, 2006 ; Étienne, 2003 ; Chanoir, 2015) – créés par des adolescents ou de jeunes adultes pour ouvrir un espace d’expression communautaire et « défendre » des objets jugés « mineurs ». Entièrement consacrées au fantastique – esthétique générique alors tenue à distance par le reste de la presse cinématographique française –, ces publications s’emploient à porter un contre-discours en adoptant une attitude ouvertement partisane. Cette revendication d’un goût hétérodoxe et cet engagement visant à « redonner vie et considération à des films non seulement invisibles, mais écartés de la projection cinématographique du fait de leur [supposée] médiocrité, de leur stupidité ou de leur indignité », rappelle pleinement l’idéal-type de la cinéphilie de réparation décrit par Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto (2006 : 187). L’un des enquêtés explique ainsi :

« En fait, le principe des fanzines c’était de s’exprimer déjà… de dire, ce qu’il n’y avait pas dans les revues pros. Parce que le cinéma fantastique, à l’exception de Midi-Minuit [Fantastique] qui existait bien avant, mais qui n’existait plus à ce moment-là, le cinéma fantastique n’était pas du tout reconnu. Donc, on faisait des zines pour parler de cinéma, mais aussi pour rencontrer d’autres gens… L’un de mes meilleurs amis que je ne vois plus trop maintenant parce qu’il habite en Bretagne, on s’est rencontrés comme ça. Moi, je faisais un zine, lui en faisait un aussi. […] À l’époque, quand tu faisais un zine, tu mettais ton adresse dedans. Lui, il n’habitait pas très loin de chez moi. Et donc, il était venu un dimanche midi sonner à la maison en disant : "voilà". En repérant l’adresse. C’est comme ça qu’on est devenu pote. Donc en fait, ça permettait de rencontrer les autres fans et les autres gens qui faisaient des zines » (entretien avec Bruno, ancien fan-éditeur et rédacteur occasionnel dans plusieurs magazines depuis les années 1980, Paris, 27 juin 2019).

8À l’image de bouteilles jetées à la mer, les fanzines sont également conçus, et pour ainsi dire vécus, comme des supports de sociabilités ; ils représentent un moyen de rencontrer d’autres cinéphiles qui partagent un même goût. Dès lors, ces publications – qu’elles soient animées par une ou plusieurs personnes – forment les soubassements de réseaux relationnels dans lesquels se déploient des amitiés. Elles établissent aussi les bases d’un groupe de pairs au sein duquel s’échangent des manières de faire, en d’autres termes où les individus se socialisent (Hughes, 1958) à l’activité critique : « [Avec] les autres gens qui faisaient des zines, on s’échangeait des infos, on se lisait, on écrivait des textes les uns pour les autres. Enfin ce genre de choses. C’était vraiment un petit milieu » (entretien avec Christophe, ancien fan-éditeur et rédacteur occasionnel dans plusieurs magazines depuis les années 2000, Paris, 30 juil. 2019). Ces rassemblements informels encadrent un apprentissage « sur le tas » (Bouron, 2017), c’est-à-dire, tacite, implicite et basé sur la pratique.

  • 6 Une première série de L’Écran Fantastique est publiée en 1969. Après plusieurs mois d’arrêt, le ti (...)

9Les magazines spécialisés entretiennent une proximité très forte avec le milieu amateur. De fait, sur les dix titres étudiés, trois sont d’anciens fanzines et neuf ont eu pour premier rédacteur en chef une personne issue de ce milieu. Plus largement, l’année de leur création, les rédactions sont composées jusqu’à 71 % par des personnes provenant du fanzinat (Tableau 16). Pour animer ces publications naissantes, les rédacteurs en chef s’entourent donc d’anciens collaborateurs, d’autres fan-éditeurs, mais aussi d’amis et de proches, recrutés pour leur goût, leurs connaissances et leur capacité d’expression.

Tableau 1. Les magazines et leurs propriétés.

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  • 7 L’International Standard Serial Number, est un numéro permettant d’identifier une publication en s (...)
  • 8 Les Nouvelles messageries de la presse parisienne.
  • 9 Messageries lyonnaises de presse.

11Le processus de professionnalisation – les titres sont titulaires d’un numéro ISSN7, distribués nationalement par une société tierce (NMPP8, MLP9), les publications sont régulières et les collaborateurs rémunérés – est conçu comme un moyen de prolonger l’engagement cinéphilique et de maintenir l’activité, grâce à des moyens financiers et infrastructurels. Dès lors, ce changement n’est pas subjectivement considéré comme une rupture de l’exercice critique par les individus, mais au contraire comme un prolongement de la carrière (Hughes, 1996). L’expérience dans le fanzinat se révèle être – comme dans l’univers musical décrit par Fabien Hein (2006) – une rampe d’accès privilégié à l’emploi (Tableau 1). Ces publications s’apparentent à des supports de formation pour les jeunes impétrants qui acquièrent par leur intermédiaire une culture cinématographique et des compétentes rédactionnelles. Dans le même temps, elles peuvent servir de carte de visite pour illustrer l’étendue des savoir-faire aux employeurs. Plusieurs personnes insistent :

« J’avais mis un point d’honneur à embaucher des mecs qui avaient déjà fait un fanzine, en fait. Pour deux raisons. La première, c’est que déjà, ça me montrait une sorte d’envie de volonté et d’endurance. Parce que mine de rien, faire un fanzine c’est aussi faire une petite masse de travail. Et aussi, parce qu’obligatoirement tu développes, en effet, une sorte de passion pour l’écriture et donc de plume. Et puis, il n’y a pas de meilleur test, en plus, pour recruter quelqu’un de lire certains écrits et donc un mec qui a déjà publié quelque chose au cœur d’un fanzine » (entretien avec Damien, ancien fan-éditeur, rédacteur et rédacteur en chef durant les années 1990-2000, Paris, 13 juin 2019).

« Ce qui s’est passé c’est qu’avec Erwan… Erwan qui était très force de proposition, il a été moteur dans un fanzine qu’on avait créé Steadicam. Et puis, ça je vais te répéter ce qu’il t’a dit probablement. On a fait plusieurs numéros, c’était sympa, c’était chouette. On était un peu chroniqué dans Mad [Movies], notamment, je me rappelle ça nous faisait plaisir. Mais on était à Tours c’était très limité, tu vois. Même si on commençait à monter de temps en temps à Paris pour des projos. Et on a fait un numéro spécial sur Mathieu Kassovitz. À une époque où Kasso n’était pas bien du tout, c’était après Assassin(s), il était parti à Los Angeles. Il se faisait insulter dans la rue tout ça… Donc il était content de voir des fans. Et puis nous, tu parles. Et puis interview de… chemin faisant… elle est devenue très longue, on a fait un numéro spécial. Erwan avait rencontré Nicolas Boukhrief, ensemble on avait aussi interviewé son producteur. Et puis c’est un numéro qui a été remarqué. Et puis on nous a proposé en fait d’écrire dans Starfix [Nouvelle Génération]. Et c’était à la fin des années 90, début des années 2000 et c’était une époque où il y avait encore du boulot là-dedans. On a eu la chance de tomber… parce qu’il y avait une super ambiance à Starfix… On a eu la chance de tomber sur des gens qui nous ont aidés. En fait, ils nous ont confirmé, si tu veux, notre entrée dans le milieu, où il y avait beaucoup plus de boulots qu’aujourd’hui à l’époque, rémunérés en tout cas. Christophe Lemaire, Cyril Delavenne, tout ça, c’est des gens à qui on doit beaucoup. Et donc on en a fait notre boulot. Après, tout ça est très précaire » (entretien avec Julien D., ancien fan-éditeur et ancien rédacteur dans plusieurs magazines durant les années 1990-2000, Paris, 21 août 2019).

  • 10 Séries de fichiers audio diffusés en ligne.

12Si quelques noms – ceux des rédacteurs en chef et d’une dizaine collaborateurs – se maintiennent dans le temps, les équipes connaissent des évolutions régulières. Certains critiques poursuivent leur carrière au sein des rubriques cinéma de titres généralistes (Caroline Vié à 20 Minutes [Paris, 2002-en cours] ; Arnaud Bordas au sein du journal Le Figaro [Paris, 1826-en cours] ; Jean-Baptiste Thoret chez Charlie Hebdo [Paris, 1970-en cours]) ou au sein de revues cinéma non spécialisées sur le fantastique (Nicolas Stanzick et Stéphane Du Mesnildot aux Cahiers du cinéma [Paris, 1951-en cours]), d’autres prolongent leur travail au sein de secteurs contigus à la presse : à la télévision (Jean-Pierre Dionnet, Jean-Claude Romer, Didier Allouch, Yannick Dahan, Rafik Djoumi, Julien Dupuy, Luc Lagier), à la radio (Patrick Nadjar) ou via des podcasts10 indépendants (Rafik Djoumi, Julien Dupuy, Stéphane Moïssakis). Enfin, à l’image de la fameuse trajectoire des cinéastes de la Nouvelle Vague (Mary, 2006) ou plus largement d’anciens des Cahiers du cinéma (Alexandre, 2018), quelques personnes réussissent à investir le monde du cinéma, principalement du côté de la réalisation (Christophe Gans, Nicolas Boukhrief, Yannick Dahan, Alexandre Bustillo, Julien Magnat, Doug Headline), mais aussi du scénario (Claude Scasso), de la production (François Cognard) ou des effets spéciaux (Benoît Lestang). Cependant, dans la majorité des cas, il est difficile de retrouver la trace des rédacteurs qui quittent probablement le monde du journalisme et du cinéma. Ces départs sont compensés par l’arrivée régulière de jeunes rédacteurs – pour bon nombre d’entre eux, issus du fanzinat – qui assurent un renouvellement démographique. Passé 2005, la baisse des tirages (après une période faste, au tournant des années 1990, où certains numéros ont été publiés à plus de 150 000 exemplaires, les tirages moyens s’élèvent à quelques dizaines de milliers d’exemplaires) et la disparition de la plupart des titres (Tableau 1) ont peu à peu réduit les opportunités professionnelles. Cette nouvelle situation s’est traduite par un vieillissement des rédactions, les personnes étant moins enclines à prendre le risque d’un départ.

13La proximité de ces magazines avec le milieu amateur tient autant à l’histoire des titres qu’à la carrière des rédacteurs qui les animent. Ces derniers se sont majoritairement formés au sein de ce milieu amateur, dans lequel ils ont nourri une culture cinématographique, acquis des compétences rédactionnelles et des manières de faire. La professionnalisation n’étant pas perçue comme une rupture dans l’activité critique, mais, au contraire, comme un moyen de la poursuivre, les individus « emportent avec eux » leur savoir-faire et savoir-être.

Un « petit monde » : des rédactions interconnectées et des relations informelles

  • 11 Les décomptes réunissent : les rédacteurs en chef, les secrétaires de rédaction, les membres du co (...)
  • 12 Le titre Métaluna mag n’apparaît pas dans le tableau en raison des dates de publication : huit num (...)

14Pour intégrer une rédaction, il n’existe aucun entretien d’embauche ou annonce dans le journal, c’est le bouche-à-oreille et la cooptation qui priment. Les sociabilités constituent alors une ressource décisive à l’insertion professionnelle, une donnée plus largement transversale au métier de journaliste (Marchetti et Ruellan, 2001). Dès lors, l’importance accordée aux liens d’interconnaissances dans les recrutements autant que la dimension genrée et juvénile de ce goût cinématographique (Gimello-Mesplomb, 2012 : 12) favorisent l’expression de rédactions très homogènes, essentiellement composées de jeunes hommes. Sur l’ensemble des titres étudiés, entre 1980 et 2015, aucun n’a accueilli plus de 28 % de femmes dans ses effectifs11 (Tableau 212), tendance qui n’a jamais connu de véritable fléchissement.

Tableau 2. Évolution du genre au sein des effectifs des magazines.

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  • 13 Festival international du film fantastique et de science-fiction de Paris, organisé par Alain Schl (...)
  • 14 Festival organisé par Jean-Pierre Putters, rédacteur en chef de Mad Movies.
  • 15 Festival international du film fantastique d’Avoriaz.
  • 16 Festival international du film fantastique de Gérardmer.

16Plus généralement, l’importance des sociabilités dans l’accès à l’emploi conduit les individus à fréquenter des lieux et des évènements spécifiques (parisiens le plus souvent) dans lesquels il est possible de rencontrer d’autres cinéphiles et de potentiels employeurs. Certaines librairies – comme Movies 2000, associée au magazine Mad Movies – et festivals de cinéma – comme le festival du Grand Rex13, le festival du super 8 fantastique14 ou le festival d’Avoriaz15 puis de Gérardmer16 – territorialisent les coteries et instituent des points de rendez-vous spatio-temporels pour les individus. Dans les entretiens, certains se remémorent ainsi :

« Bah, moi, je fréquentais Movies 2000, qui était à Pigalle. Il y avait Damien Granger, qui était rédac-chef de Mad qui était souvent là. Et puis on discutait souvent. Il aimait beaucoup East Side Stories [fanzine animé par Julien S.]. Puis il a commencé à me parler : "Ouais, ça serait bien que tu fasses un truc." Je lui ai dit : "Ouais, ça serait cool". Il m’a fait une commande. Je crois que mon tout premier papier chez eux c’était Tokyo Underground. Il voulait que je fasse un papier… un peu… sur le cinéma japonais. Ça a été mon premier papier pour eux. Et puis après, j’ai dit : "Écoute, pourquoi tu voudrais pas une rubrique mensuelle sur l’actualité ?" Et puis, il a donné le feu vert et ça a donné des notules asiatiques, qui existent toujours maintenant » (entretien avec Julien S., ancien fan-éditeur et rédacteur dans plusieurs magazines depuis les années 2000, Paris, 17 juin 2019).

17Ces relations de proximité peuvent aussi être observées dans les liens familiaux ou matrimoniaux. En effet, les rédactions accueillent souvent des dyades de frères (Alain et Robert Schlockoff, Philippe et Pierre Chambin, Jean-Pierre et Philippe Andrevon, Laurent et Jean-Marc Chabrol), des couples (Alain Schlockoff et Cathy Karani, Jean-Marc et Randy Lofficier, Claire Sorel signant sous le pseudonyme Paillocher et Frédéric Albert Levy signant sous le pseudonyme FAL, Jean-Pierre Putters et Betty Chappe signant sous le pseudonyme Sue Perouitt), et quelques fois même des duo parents-enfants (Jean-Pierre et Fabienne Andrevon).

« Oui, mon frère écrivait dans L’Écran Fantastique. Il écrivait très bien, d’ailleurs. On travaillait ensemble jusqu’à que je rencontre ma femme, qui s’appelait Cathy Karani. Et mon frère ne la supportait pas, et m’a dit un jour : "tant qu’elle sera dans le journal – parce qu’elle collaborait avec moi – je n’écrirai plus". Et il a tenu parole, il n’a plus jamais écrit. C’est dommage, il écrivait très bien. Il n’avait rien contre moi, mais il ne supportait pas ma femme » (entretien avec Alain, ancien fan-éditeur et rédacteur en chef de plusieurs magazines depuis les années 1970, Paris, 25 nov. 2019).

  • 17 Quelques années plus tard, Jean-Pierre Putter sera à l’origine d’un autre titre Metaluna mag – cré (...)

18Quand bien même ces différents magazines entretiennent des relations de concurrences – qui peuvent s’apparenter à des « guerres de chapelle » –, la plupart des personnes collaborent au sein de plusieurs titres inscrits au sein du même segment. Cette situation n’a rien d’une coïncidence, elle s’avère extrêmement commune au sein de la presse écrite (Standaert, 2016 ; Machut et Bastin, 2023). Conséquence de la précarité des emplois, elle est le fruit d’une stratégie d’expansion initiée par les différentes directions. Jean-Pierre Putter (alors rédacteur en chef de Mad Movies) crée Impact en 198617 ; Alain Schlockoff (rédacteur en chef de L’Écran fantastique) initie Vendredi 13 en 1988, Toxic en 1989 et Fantastyka en 1993 ; Christophe Gans (alors rédacteur en chef de Starfix) lance HK Orient extrême cinéma en 1996 (Tableau 1). Dès lors, une même rédaction travaille souvent pour plusieurs titres en parallèle (Figure 1). Au-delà de ces fortes interconnexions, certains rédacteurs circulent d’un titre à l’autre, au gré des opportunités et des querelles.

Figure 1. Représentation synthétique des relations entre les magazines, entre 1977 et 2019.

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  • 18 La figure représente les relations qui peuvent unir différents magazines. Trois niveaux de relatio (...)

20Si les carrières se caractérisent par la multiplicité des engagements, qu’ils soient réalisés concomitamment ou successivement, les critiques demeurent le plus souvent fidèles à un unique employeur. Cette spécificité est la conséquence directe de la place stratégique occupée par quelques personnalités – contrôlant un grand nombre d’emplois en dirigeant plusieurs titres – et de l’importance accordée aux sociabilités dans l’accès et le maintien de l’activité. Dès lors, il se dégage de la représentation graphique (Figure 118) deux nœuds autour des revues « principales » : L’Écran fantastique et Mad Movies  Starfix organisant dans une moindre mesure une troisième polarité, au vu de la quantité plus faible de relations qui émanent de sa rédaction et l’unissent aux autres magazines. Ces titres sont à la fois les employeurs principaux (par la taille des rédactions et par le volume de publication) et les portes d’entrée dans le milieu professionnel – la professionnalisation des rédacteurs se faisant généralement en leur sein. Dans ce « petit monde », les interactions informelles (pendant et hors travail) sont structurantes, conditionnant les opportunités professionnelles. Conséquence d’un mode de recrutement endogame où les sociabilités organisent le marché de l’emploi, les rédacteurs ont des profils et des trajectoires relativement similaires. Il s’agit pour l’essentiel de jeunes hommes, nés ou habitant en région parisienne, partageant un goût et une culture cinématographique, fréquentant des lieux et des évènements spécifiques.

21Les rédactions se caractérisent alors par un brouillage des frontières entre la vie personnelle et la vie professionnelle, prêtant ainsi le flanc à la colonisation de la première par la seconde. L’activité est imbriquée dans un réseau relationnel relativement réduit, mais qui s’avère très dense, les statuts (amis, collègues, parents, etc.) se superposant très régulièrement. Cette organisation favorise un rythme de travail soutenu et des engagements de longues durées – puisqu’elle implique de multiples liens d’interconnaissance (Becker, 1960) –, où les personnes s’investissent d’autant plus qu’elles collaborent avec leurs proches, mobilisant des principes qui dictent usuellement les comportements dans la sphère privée (comme le sacrifice, le dévouement, la loyauté). Dans le même temps, elle favorise les disputes, lors desquelles les affects (comme le sentiment de trahison) peuvent éventuellement envenimer les situations, conduire à des sorties fracassantes de l’activité et, parfois, mettre en péril les entreprises.

La passion comme convention

22Au sein de ce segment, les rédacteurs expriment des positions communes sur la manière de concevoir et de réaliser le travail, prises de position qui participent autant à l’identité du groupe qu’à tenir à distance les segments potentiellement concurrents. À ce titre, elles servent de système rhétorique permettant de revendiquer et de contrôler un ensemble de tâches (produire des discours et des jugements) en direction d’un territoire cinématographique (le cinéma fantastique).

23Lors des entretiens, certains enquêtés expliquent ainsi : « Bon ou mauvais critique… en fait, je ne sais pas trop ce que c’est. C’est bon ou mauvais passionné, en fait ! T’es vraiment passionné ou tu joues un rôle. C’est tout » (entretien avec Yannick, ancien rédacteur dans plusieurs magazines durant les années 1990-2000, Paris, 26 juin 2019). Cette convention, qui encadre les savoir-faire et les savoir-être, se manifeste dans la manière d’appréhender le travail, mais aussi de le réaliser.

Un engagement total et désintéressé

24La passion désigne à la fois un état psychologique et un objet d’attachement (Bromberger, 1998 : 23 ; Slimani, 2014). Dès lors, elle s’incarne dans un éthos spécifique – qui valorise certains traits de caractère, comme l’enthousiasme, l’obsession, l’humilité, l’obstination, la précision – et dans un ensemble de connaissances – acquis par les individus au fur et à mesure de leur proximité avec le cinéma qu’ils aiment. Ces manières d’être et ces savoirs sont perçus par les critiques comme des signes de l’intensité et de la stabilité d’une orientation affective. Revendiquer comme un dénominateur commun, la passion sert de socle à une conception horizontale des relations entre les travailleurs, mais aussi entre les critiques et leurs lecteurs, rompant ainsi partiellement avec l’exigence d’asymétrie usuellement appliquée avec les clients d’un service. Par-delà les différences de statut, elle permet d’établir une proximité élémentaire entre des personnes qui partagent un même goût cinématographique, ainsi que l’explique Erwan, ancien fan-éditeur et rédacteur dans plusieurs magazines depuis les années 1990 : « je suis un cinéphile comme les autres au final, on est surtout des passionnés » (entretien mené à Paris, 13 août 2019). 

25En outre, la passion correspond à une forme d’engagement sincère et, par voie de conséquence, supposée désintéressée, les individus étant réputés investir l’activité pour leur seul plaisir. Elle est considérée comme un substrat motivationnel (un carburant à l’action) qui vient supplanter les préoccupations pécuniaires. Cet engagement qui tiendrait à distance la rationalité financière s’inscrit dans une dialectique entre le travail et le loisir. L’un des enquêtés explique, par exemple :

« C’était une passion, ce n’était pas mon métier quand j’ai fait mes fanzines… Je ne savais pas que ça allait engendrer des revenus professionnels. C’était vraiment par passion, j’avais pas d’autres prétentions » (entretien avec Alain, ancien fan-éditeur et rédacteur en chef de plusieurs magazines depuis les années 1970, Paris, 25 nov. 2019).

26Pour la plupart des rédacteurs, le travail s’avère précaire. Il repose en grande partie sur une économie de la pige dans laquelle les personnes sont payées au feuillet, les CDI étant extrêmement rares. La faiblesse des rémunérations et le nombre réduit d’opportunités – dans un marché de l’emploi concurrentiel où les prétendants sont bien plus nombreux que les places disponibles – contraignent les personnes à vivre chichement et à combiner, pour certains, plusieurs activités professionnelles hors de la presse – le plus souvent des emplois alimentaires. Une telle situation rappelle les remarques de Pierre Bourdieu (1992 : 140-142) à propos de ce qu’il nommait « économie à l’envers », dans laquelle il ne s’agit plus de travailler pour gagner sa vie, mais de gagner sa vie pour travailler. Quand bien même l’activité de critique est perçue comme la plus importante, au point de devenir un marqueur identitaire (Hughes, 1996), elle s’avère souvent financièrement secondaire.

« Au début, j’ai fait plein de boulot, comme beaucoup de gens, pour gagner de la tune. Tu vois, travailler à la Fnac, faire des trucs, des machins. Le seul qui m’a vraiment plu comme boulot alimentaire, dans tous les sens du terme, c’est quand j’étais crêpier. […] Je travaillais chez Mad [Movies], je ne me souviens plus. À L’Ecran Fantastique ou Mad [Movies], j’étais crêpier aussi accessoirement » (entretien avec Rurik, ancien rédacteur dans plusieurs magazines et ancien rédacteur en chef durant les années 2000-2010, Paris, 14 août 2019).

27Dans ce contexte, la passion est convoquée pour justifier le maintien de l’activité ; elle viendrait contrebalancer les affres de la précarité par des rétributions symboliques et psychologiques (Menger, 1997 : 271-272 ; Sinigaglia, 2013) participant des attraits du métier, au côté de la faible routinisation des tâches et de l’autonomie relative dans leur réalisation. D’une part, la passion renvoie à un rapport enchanté et épanoui au travail, les individus éprouvant une satisfaction au moment même où ils l’accomplissent, puisqu’il permettrait d’entretenir une proximité avec l’objet d’attachement (le cinéma fantastique) et de développer des connaissances approfondies à son sujet. En offrant la possibilité aux individus de se « réaliser », la passion participe de la valeur expressive du travail (Menger, 2014 : 19). D’autre part, en élaborant un contre-discours sur des œuvres jugées « mineures » par le reste de la presse, l’engagement passionnel évoque une forme de responsabilité, pouvant produire des gratifications : reconnaissance sociale, sentiment de grandeur morale, gain de sens dans l’activité.

28Comme le remarquait Olivier Donnat (2009), la traduction d’une passion en profession offre aux individus la possibilité de maintenir une cohérence identitaire en instaurant une continuité entre l’univers du loisir et du travail – en d’autres termes, un style de vie (Bajard et Perrenoud, 2013) dans lequel se concilieraient a priori des exigences contraires. Cette cohérence conduit souvent les individus à s’engager corps et âme dans leur travail se définissant entièrement en fonction de celui-ci. Dès lors, l’activité n’est plus seulement précaire, elle devient chronophage (on ne compte pas ses heures) au point parfois de supplanter d’autres aspects de l’existence (la famille, l’amour, les amitiés, dès lors qu’elles se développent à l’extérieur de ce monde social), qui peuvent à l’occasion être perçus comme concurrents (Donnat, 2009). Ces carrières exposent donc les individus à des formes d’auto-exploitation pouvant conduire à des épuisements physiques et psychiques. Un ancien rédacteur en chef raconte par exemple comment cet engagement passionnel « total » (Donnat, 2009) s’est avéré extrêmement éreintant et l’a finalement conduit à cesser son activité :

« En effet, j’ai quelque part vécu ce que je redoutais. C’est-à-dire que pendant dix ans je n’ai pas eu de vie. J’allais quand même, je sortais avec mes copains tout ça, mais je n’ai pas eu vraiment de vie. C’est très prenant. C’est très prenant et puis surtout.... c’était Mad [Movies]. Je rêvais d’y bosser. J’y bossais, j’en étais devenu le chef, il était hors de question que je ne le fasse pas bien. Donc j’y mettais toute ma passion et du coup… ça prenait du temps. Alors après, on aimait ça, malgré tout. J’adorais faire ça. Pareil, par la suite, quand on est devenu mensuel avec Gérard [Cohen, directeur de publication de la revue], j’allais bosser deux, voire trois week-ends par mois au bureau. Je finissais le soir assez tard. […] Mais comme j’aimais ça, ce n’était pas un souci. À partir du moment où tu as la chance de faire ce que tu aimes. Tu y vas à fond et tu ne t’imposes pas d’horaires de fonctionnaires, tu bosses. De toute façon, la presse c’est comme ça, je veux dire la presse, il y a un délai pour sortir un magazine, il faut tout faire pour le respecter, parce que tes lecteurs ils l’attendent. […] Mais encore une fois à partir du moment où tu aimes ça, tu trouves l’énergie, la passion. La passion, c’est… Pour ceux qui ont la chance d’en avoir une, c’est ce qui fait vivre, j’ai envie de dire. C’est ta rage de vivre donc tu y vas à fond, à fond… Même si sur la fin, j’étais aussi fatigué. J’ai aussi arrêté pour ces raisons, il y a un moment où tu es un peu usé et surtout avec l’âge. J’ai fini à 32 ans, même si 32 ans, ça reste jeune, 10 ans de Mad [Movies]… c’est quand même épuisant » (entretien avec Damien, ancien fan-éditeur, ancien rédacteur et ancien rédacteur en chef durant les années 1990-2000, Paris, 13 juin 2019).

29Dans une certaine mesure, cet investissement important au sein d’une activité faiblement rémunératrice rappelle le comportement des personnes engagées dans le monde associatif (Simonet, 2012) ou dans l’animation et l’encadrement sportif (Chevalier et Dussart, 2002 ; Slimani, 2014 ; Lourd et Philippe, 2019). Il renvoie à un rapport au travail tenant en partie du don, qui n’est pas sans rappeler le fonctionnement des fanzines (Atton, 2006) où les individus sont davantage préoccupés par leur activité que par leurs intérêts économiques ou commerciaux. La présence de cette forme d’engagement total et désintéressé au sein de ce segment professionnel tient donc à sa proximité avec le monde amateur et l’univers du loisir, en étant notamment une activité susceptible d’être réalisée par seul plaisir.

Une forme d’expression

30La passion est la clé de voûte de la légitimité des critiques à porter des jugements sur un ensemble d’œuvres cinématographiques. C’est d’ailleurs à ce titre que les avis produits par les professionnels des segments limitrophes sont tenus à distance – puisqu’ils « n’aime[raient] pas vraiment ce cinéma » (entretien avec Julien D., ancien fan-éditeur et ancien rédacteur dans plusieurs magazines durant les années 1990-2000, Paris, 21 août 2019). Cette manière de réaliser le travail constitue autant une façon d’appartenir à un groupe, qu’un moyen d’éloigner « une certaine critique française » (entretien avec Erwan, ancien fan-éditeur et rédacteur dans plusieurs magazines depuis les années 1990, Paris, 13 août 2019) d’un territoire cinématographique. Dès lors, témoigner de sa passion revêt un intérêt quasi stratégique, comme avaient déjà pu le montrer Samuel Coavoux et Noémie Roques (2020) dans le contexte du streaming de jeu vidéo.

  • 19 Un style qui n’écrase pas les spécificités individuelles et s’avère donc plus ou moins marqué selo (...)
  • 20 The Bat est un fanzine animé par Marcel Burel, rédacteur au sein de Mad Movies. Le titre n’a connu (...)

31Dans les interactions, les récits et les anecdotes qui attestent de la longévité autant que de la centralité biographique de la cinéphilie servent à signaler cette passion. Dans le travail d’écriture, cette convention s’exprime dans un style rédactionnel19 qui caractérise un contrat de lecture (Charon, 2001 ; Verón, 1985) reposant d’abord sur l’élaboration d’une relation de connivence avec les lecteurs (Hohnsbein, 2020). Cette dernière est construite grâce à des adresses directes – « les gars » (Putters, 1984 : 4) ; « les enfants ! » (Headline, 1983 : 5) –, un ton ironique et familier – « ces crétins de Césars ont “oublié” » le film le plus remarquable de l’année 84 » (Brutus, 1986 : 6) ; « on s’en balance de la poésie » (Headline, 1983 : 5) –, des private joke – « paraissez toutes les années bissextiles, comme The Bat20 » (Putters, 1985a : 1) –, l’emploi de la première personne du pluriel pour désigner conjointement l’auteur du texte, la rédaction du titre, le lecteur, voire la communauté de goût, conçu comme un regroupement d’amateurs entretenant des rapports horizontaux. Caractéristique du genre journalistique de l’éditorial, ce « nous » à multiple référence se construit dans l’opposition directe à un « eux » (Ambroise et Le Bart, 2002), délimitant les frontières d’une communauté imaginée (Anderson, 1983 : 19-21).

« Mais doit-on se plaindre quand les chaînes nationales proposent au moment de Noël, des œuvres telles Jaws, Frankenstein, Dune et autres Greystoke, propres à séduire un nouveau public ? Adaptons-nous, sans perdre pour autant de vue que personne, jamais ne pourra nous faire renoncer à ce qui est ancré au plus profond de nous – cette passion dévorante qui nous lie » (Alain Schlockoff, « Éditorial », L’Écran Fantastique, n° 118, 1991 : 1).

32Si cette rubrique d’ouverture est habituellement l’occasion de présenter le sommaire du numéro (les films, les dossiers, les interviews), d’évoquer les changements éventuels de maquette, les retards de livraison ou de discuter d’un sujet polémique, à l’occasion, elle sert aussi à mettre en scène la rédaction – son engagement professionnel (qui combine une dévotion au travail avec une attitude désinvolte et désordonnée) et son amour du cinéma : « À l’heure où je tape ces lignes, les locaux de la rédaction de DVDvision sont un invraisemblable chaos. Des DVDs sont empilés en vrac, au milieu de gobelets plastiques usagés, de cendriers débordants de mégots, de cartons de pizzas froides et de documentation éparpillée » (Fakrikian, 2000 : 3). Le procédé permet d’individualiser le titre et d’alimenter un sentiment de proximité avec les critiques, les lecteurs pouvant leur attribuer un nom, une fonction, une histoire, un comportement, etc.

  • 21 Adresse de la rédaction de Mad Movies entre 1986 et 2001.

« Le 4 rue Mansart21. Un endroit mythique. Tellement mythique qu’il est aussi terriblement poussiéreux. Il faut dire que JPP [Jean-Pierre Putters] n’était pas le roi du balai. D’ailleurs, personne ne l’est vraiment ici. Pas même Gérard, notre nouveau boss. En fait, il n’y a pas eu de grands changements depuis le départ de JPP [Jean-Pierre Putters], si ce n’est pas dans formule de ce beau magazine. Tout comme lui, Gérard se pointe à 8 heures. Mais pas du matin, du soir. Pile-poil au moment de l’apéro. Du coup, on termine souvent les réunions à moitié saouls, un filet de bave au coin des lèvres » (Granger, 2001 : 8).

33Cette convention s’exprime aussi dans la manière d’appréhender l’écriture critique. La formulation d’un jugement sans concession (« Chef-d’œuvre d’épouvante », Anonyme, 1988 : 14), l’emploi d’un style fleuri et parfois vulgaire, l’usage de l’argot, de calambours ou de grossièretés – la plupart du temps sous couvert d’humour – sont autant de moyens de manifester une passion par écrit. Par exemple, sous la plume de San Helving (2018 : 6), on peut lire : « Autant dire que le fantastique Ibérique semble continuer à se mordre la queue en se léchant les couilles. Oui, je sais, c’est élégant comme formule ». Ces manières de faire témoignent souvent du caractère juvénile et masculin des critiques, qui mobilise parfois – de façon plus ou moins sarcastique – la plastique des actrices comme un critère de qualité cinématographique. Elles rappellent encore le ton direct, irrévérencieux et provocateur des fanzines (Sabin et Triggers, 2001). Cette forme rédactionnelle se traduit également par des invitations régulières faites aux lecteurs à visionner tel ou tel film (« P.S. : Courez voir Cocoon. C’est magnifique. On vous en parlera dans le 39 » (Putters, 1985b : 9). Souvent attribuées aux amateurs (Pasquier, Beaudouin et Legon, 2014 : 62-66), ces formulations prescriptives transcrivent l’oralité des échanges communautaires (donner des conseils, communiquer ses impressions, etc.). Transmettre son enthousiasme constitue ainsi une fin en soi. Pour cela, les rédacteurs mobilisent en grande partie le registre des émotions et décrivent notamment leurs réactions corporelles devant les œuvres (Leveratto, 2006) : « Beaucoup moins sanglante, mais encore plus angoissante, la scène du chien, autre grand moment de terreur, a laissé un souvenir inoubliable à toute l’équipe » (Gans, 1983 : 5). À nouveau, ce registre critique est généralement associé aux amateurs (Allard, 2000 ; Pasquier et Beaudouin, 2016). Il tient autant à la carrière des rédacteurs (le contexte dans lequel ils se sont socialisés à l’exercice critique) et à l’histoire des revues, qu’aux spécificités génériques du fantastique (la place qu’il accorde aux émotions) et de son caractère populaire. Dans le même temps, le langage savant, le vocabulaire universitaire et conceptuel sont tenus à distance, considérés comme du « jargon » ou de « l’enfumage » (entretien avec Yannick, ancien rédacteur dans plusieurs magazines durant les années 1990-2000, Paris, 26 juin 2019) servant à camoufler une mauvaise connaissance des œuvres.

« Tournez ces pages avec douceur et respect : voici la plus délirante et la plus terrorisante des planches anatomiques : celle de trois cents ans de conneries humaines, de bureaucratie mortelle, de déglingue généralisée. Si vous voulez vraiment avoir plus de détails sur ce que le cadavre du monde a dans le tube digestif, lisez ces pages et allez voir Brazil. » (Cognard, 1985 : 76).

34Ces magazines font la part belle à des textes au style plus « distancé », que ce soit lors d’interviews, de longs dossiers thématiques sur des acteurs ou des cinéastes, des articles détaillant le fonctionnement des effets spéciaux (le magazine Toxic est en bonne partie consacrée à ce type de contenus) ou des commentaires de séquences s’appuyant sur des découpages techniques. Les auteurs investissent alors une attitude érudite et pédagogue en cherchant à fournir aux lecteurs des « clés de compréhension » (entretien avec Julien S., ancien fan-éditeur et rédacteur dans plusieurs magazines depuis les années 2000, Paris, 17 juin 2019). Dans ce contexte, l’originalité et la précision des informations, l’abondance des références, l’utilisation de termes techniques, l’attention portée aux détails sont autant de signes de sérieux qui témoignent implicitement de la longévité et de l’intensité de la cinéphilie du rédacteur. Inversement, une erreur ou un oubli peuvent être interprétés comme un manque, voire une absence de passion. Cette attitude, consistant à investir avec sérieux des formes mineures, rappelle certains comportements de fans (Le Guern, 2002) qui tiennent d’un rapport à la fois consciencieux et ludique au savoir.

« Il faut s’armer de beaucoup de prudence et se barder de précaution lorsqu’on range, d’après son titre un film dans telle ou telle catégorie. Un exemple des plus frappant est, en effet, celui des filmographies consacrées à Frankenstein, dans lesquelles certains ont cru bon de faire figurer le film intitulé Frankenstein’s trestle (littéralement : Le Pont de Frankenstein), et dont le copyright est du 21 mai 1902 : le tout premier de la liste… Hélas, il ne s’agissait que du bref passage d’une locomotive et des quatre wagons sur le pont de la ville de Frankenstein, New Hampshire, dans le White Montains (USA) ! » (Romer, 1982 : 2).

35Dans ces différentes configurations, c’est le principe du partage – probablement l’un des verbes d’action qui revient le plus souvent dans les entretiens (« l’idée, avant tout, c’est quand même de partager ce qui nous anime », entretien avec Yannick, ancien rédacteur dans plusieurs magazines durant les années 1990-2000, Paris, 26 juin 2019) et les éditos – qui préside l’activité rédactionnelle : « Impact ne naît pas d’une conjonction utile de journalistes pros à la pige en détresse, qui vous auraient aussi bien concocté un canard de bande dessinée, de science-fiction ou de pêche à la ligne. En fait, nous sommes tous des cinéphiles désireux de vous faire partager notre dévorante passion », (Putters, 1986 : 4). Il s’agit donc de transmettre une passion à d’autres cinéphiles en prodiguant des conseils, en communiquant un enthousiasme ou en délivrant des informations fiables. Pour cela, le style rédactionnel (cette rhétorique de la passion) de ces différents magazines repose sur la construction d’une proximité, pourrait-on dire, entre l’auteur empirique et le lecteur modèle (Eco, 1979), en particulier au vu du goût, du genre (masculin) et de la classe d’âge.

Conclusion

36Au sein de ces différents magazines, une logique commune caractérise des domaines a priori distincts, la passion encadrant la manière dont le travail est distribué, considéré et réalisé. En renvoyant à la fois à un goût, un éthos, une manière d’investir une activité (par des savoir-être et savoir-faire via un style rédactionnel) ou d’entretenir des relations avec certaines personnes, la passion incarne une convention importante, au point que les individus en témoignent constamment. Fruit d’une proximité historique avec le milieu amateur, cette convention ébranle les critères usuellement associés au monde professionnel, que cela concerne le travail et sa rémunération ou les jugements et leur expression. L’analyse de cette convention permet de comprendre, au moins en partie, la longévité de cette presse, qui, malgré une crise économique, continue d’exister. Une longévité qui n’est probablement pas étrangère à la capacité des critiques à déployer des savoirs spécialisés et à témoigner d’un engagement important, malgré des rémunérations relativement faibles.

37Si cette convention entretient une proximité avec le régime vocationnel des artistes (Heinich, 1993 : 205-208), comme le désintéressement, elle se rapporte plus spécifiquement aux intermédiaires (Lizé, Naudier et Roueff, 2014) et aux personnels de renfort (Becker, 1982). Contrairement aux artistes, l’attachement ne porte pas tant sur l’activité (l’écriture) que sur l’objet sur lequel elle se rapporte (le cinéma fantastique), la profession de critique ayant pour vertu majeure d’assurer une proximité avec cet univers artistique. Tout en étant considéré comme un moyen de s’accomplir, d’exprimer et de témoigner d’un état intérieur, ce modèle « passionnel » se montre étranger aux logiques et discours sur l’innéité, l’inspiration ou la postérité. En d’autres termes, il relève d’une exigence de singularité moins importante qu’observée dans les activités de création.

38En échange de rétributions symboliques et psychologiques – comme la satisfaction personnelle supposée procurée par l’activité –, ces métiers faiblement rémunérateurs supposent des individus un niveau d’engagement extrêmement important. Ils relèvent d’un idéal paradoxal dans lequel il serait possible de s’émanciper du labeur en travaillant dans un domaine qui, a priori, relève du loisir. Largement défendu aujourd’hui, cet idéal prolifère sous la forme d’injonctions plus ou moins explicites, comme celle attribuée à Confucius : « choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour dans ta vie ». L’intensité de ces métiers et la précarité de leur condition de travail donnent cependant à voir des situations bien plus ambivalentes.

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Notes

1 L’auteur tient à remercier Gaël Stephan et Thomas Pillard pour leur lecture et leurs conseils.

2 Ces publications relèvent de ce qu’on désigne usuellement « la presse magazine », au sens où elles reposent sur une segmentation du public et une importante thématisation de son contenu (Charon, 2001).

3 L’expression fantastique doit être comprise dans une acception large, loin de la célèbre définition que Tzvetan Todorov (1970) avait pu en donner.

4 La relation d’asymétrie assoit l’autorité des critiques dans leur champ d’exercice et justifie la transaction financière en échange de leur expertise.

5 En plus de l’étude des textes publiés, cette analyse repose sur l’indexation systématique des ours des différents numéros, afin d’objectiver la morphologie des rédactions. Comportant quelques erreurs et mentionnant quelques pseudonymes (plus ou moins farfelus), ces encarts ont été appréhendés avec précaution et un regard critique.

6 Une première série de L’Écran Fantastique est publiée en 1969. Après plusieurs mois d’arrêt, le titre renaît en 1977, avec une nouvelle numérotation. Cependant, il n’a été possible de travailler qu’à partir de la seconde série, la première étant absente des fonds documentaires auxquels nous avons pu avoir accès. Le calcul du pourcentage de rédacteurs issus du fanzinat a été réalisé sur l’année de la création du titre et sur l’ensemble de l’équipe. Certains titres ont connu des interruptions de publications plus ou moins longues. Les dates indiquées correspondent aux premiers et derniers numéros publiés.

7 L’International Standard Serial Number, est un numéro permettant d’identifier une publication en série. Obligatoire, il permet souvent de distinguer les publications professionnelles à vocation commerciale, des autres.

8 Les Nouvelles messageries de la presse parisienne.

9 Messageries lyonnaises de presse.

10 Séries de fichiers audio diffusés en ligne.

11 Les décomptes réunissent : les rédacteurs en chef, les secrétaires de rédaction, les membres du comité de rédaction et l’ensemble des rédacteurs occasionnels.

12 Le titre Métaluna mag n’apparaît pas dans le tableau en raison des dates de publication : huit numéros entre 2013 et 2014. Sur cette période, les hommes représentent 81 % des effectifs de la rédaction.

13 Festival international du film fantastique et de science-fiction de Paris, organisé par Alain Schlockoff, rédacteur en chef de L’Écran fantastique.

14 Festival organisé par Jean-Pierre Putters, rédacteur en chef de Mad Movies.

15 Festival international du film fantastique d’Avoriaz.

16 Festival international du film fantastique de Gérardmer.

17 Quelques années plus tard, Jean-Pierre Putter sera à l’origine d’un autre titre Metaluna mag – créé en 2013 sous une forme professionnelle, après avoir publié huit numéros sous la forme de fanzines entre 2007 et 2010. L’apparition du titre fait suite à la reprise de Mad Movies en 2001 par Gérard Cohen (voir Tableau 1).

18 La figure représente les relations qui peuvent unir différents magazines. Trois niveaux de relations sont distingués (faible, moyen, fort), retranscrits par trois épaisseurs de trait. Un lien faible associe des titres partageant trois à cinq rédacteurs. Un lien moyen associe des titres partageant un groupe de cinq à neuf rédacteurs. Un lien fort associe des titres partageant plus de dix rédacteurs, voire la totalité de leur rédaction. Une flèche indique la direction tendancielle des carrières des rédacteurs d’un titre à l’autre. Un signe « = » traverse le lien lorsque les collaborations sont concomitantes. En l’absence de ce signe, il s’agit de collaborations successives, c’est-à-dire le départ d’un titre pour un autre. Trois niveaux de nœuds sont distingués en fonction de la durée d’existence des titres (et, par voie de conséquence, le nombre de personnes ayant travaillé pour ces titres). Une petite taille pour les titres ayant publié moins de 50 numéros. Une taille moyenne pour les titres ayant publié entre 50 et 150 numéros. Une grande taille pour les titres ayant publié plus de 150 numéros.

19 Un style qui n’écrase pas les spécificités individuelles et s’avère donc plus ou moins marqué selon les rédacteurs et les revues.

20 The Bat est un fanzine animé par Marcel Burel, rédacteur au sein de Mad Movies. Le titre n’a connu qu’un seul numéro, mais l’auteur avait la réputation de promettre régulièrement l’arrivée d’un second.

21 Adresse de la rédaction de Mad Movies entre 1986 et 2001.

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Pour citer cet article

Référence papier

Quentin Mazel, « La passion comme convention de travail : les magazines français consacrés au cinéma fantastique »Questions de communication, 45 | -1, 49-72.

Référence électronique

Quentin Mazel, « La passion comme convention de travail : les magazines français consacrés au cinéma fantastique »Questions de communication [En ligne], 45 | 2024, mis en ligne le 07 octobre 2024, consulté le 20 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/questionsdecommunication/34937 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11wx4

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Auteur

Quentin Mazel

Ircav/Labex Icca, Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, F-75012, Paris, France

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