Guy Millière, La septième dimension, le nouveau visage du monde. Après la crise
Guy Millière, La septième dimension, le nouveau visage du monde. Après la crise. Paris, Éd. L’Àpart de l’esprit, 2009, 390 p.
Texte intégral
1Dans son histoire, l’humanité génère le plus souvent des évolutions, des accélérations ou des révolutions, par vague de mondialisation se traduisant par des dimensions économique, technologique, culturelle et spirituelle. Depuis la Révolution et l’avènement de la « galaxie Gutenberg » – celle de la première révolution industrielle – nous vivions au sein de la civilisation de l’imprimé avec ses règles de production, de diffusion et de consommation. Ces étapes furent à l’origine des moments les plus brillants de l’Histoire humaine qui donna naissance aux valeurs scientifiques et technologiques desquelles émergera la seconde révolution industrielle et la modernité occidentale. Cette civilisation hiérarchique industrielle, en prise avec l’économie de marché et les pluralismes politique et religieux, a engendré une autre civilisation, une troisième révolution, celle du numérique et de l’électronique, avec l’arrivée de l’internet et de l’ordinateur individuel, accompagnés de nombreux médias et d’applications intelligentes tels le papier électronique ou le cellulaire. Une civilisation hétérarchique post-industrielle et post-capitaliste – fondée sur le service, la connaissance et le savoir – apparaît avec d’autres dimensions parmi lesquelles devra vivre et se développer une nouvelle humanité sur une base individuelle, non plus seulement collective.
2Ces dimensions des sociétés évolutives contemporaines sont analysées dans un livre remarquable et visionnaire écrit par un économiste et philosophe enseignant à l’université Paris 8, Guy Millière : La septième dimension, le nouveau visage du monde. Il y analyse ce processus de dématérialisation dans le passage de l’analogique au numérique puis de l’atome au photon, la lumière, qui annonce une quatrième révolution celle de l’économie de la connaissance et des services. L’auteur étudie la révolution technologique qui s’est opérée au cours des trente dernières années. Il définit la différence entre le fonctionnement d’une société industrielle et une société post-industrielle : « Le fonctionnement industriel repose sur la production de marchandises matérielles et implique une utilisation importante de main d’œuvre dans le secteur produisant ces marchandises matérielles. Le fonctionnement post-industriel repose sur une production immatérielle (vente de brevets, de services, de savoir-faire) et implique un glissement graduel de la population active vers le secteur correspondant à cette production immatérielle […]. La logique économique du fonctionnement post-industriel, elle, a pour matériau essentiel et presque unique l’innovation, la création et la connaissance ; les sociétés post-industrielles sont dans une situation de dépendance matricielle par rapport à l’efficacité des institutions d’enseignement et à la performance des moyens d’information […]. Le fonctionnement post-industriel remet en cause fondamentalement les procédures centralisatrices et fait éclater les structures que ce fonctionnement suscitait. Il brise les anciens clivages de la division du travail et fait de chacun un décideur potentiel » (p. 76).
3Guy Millière explique que le fonctionnement post-industriel implique un changement d’organisation car, précise-t-il, la structure pyramidale de l’ère industrielle est condamnée à l’obsolescence au profit du réseau qui permet à tous ses membres d’apporter leur contribution et leur créativité. En fondant sa réflexion sur les travaux de George Gilder (mit), l’auteur précise que la hiérarchie cède la place à l’hétérarchie ce qui se traduit par « une complémentarité synergique de singularités créatives individuelles ». Ainsi chaque individu devient-il son propre entrepreneur via l’exploitation de son capital intellectuel. Ce chercheur interprète cette logique d’ensemble comme un passage vers une sixième dimension : « Aux quatre dimensions qui structurent l’espace-temps, à la cinquième dimension qui concerne les déplacements dans les quatre dimensions de l’espace-temps, s’ajoute la dimension constituée par la réalité virtuelle où l’on est dans l’univers du web ». Ainsi la société postindustrielle semble-t-elle se fonder, ou « se recomposer », sur cette sixième dimension avec un ensemble d’entreprises « plateforme » fonctionnant d’une façon hétérarchique. Guy Millière prévient que si les sociétés continuent à exister en valorisant une analyse en quatre ou cinq dimensions avec une nostalgie de l’ère industrielle, sans intégrer le caractère « globalement révolutionnaire de la sixième dimension » nous risquons le déclin. Il invite à un changement global de logique qui ne soit ni « antimondialiste » ni « alter-mondialiste ». Il conseille de développer une autre voie qui ne prendra pas la forme de crispation ou de protectionnisme, mais celle d’une ouverture à l’autre car nous entrons réellement dans ce que Marshall McLuhan avait défini comme un « village médiatique global » où la proximité avec chacun forcera à la compréhension dans un commerce et des échanges qui doivent nous enrichir mutuellement. Cette voie est définie par Guy Millière comme la septième dimension, un lieu de réflexion et un regard paré d’une position transversale.
Pour citer cet article
Référence électronique
Éric Le Ray, « Guy Millière, La septième dimension, le nouveau visage du monde. Après la crise », Questions de communication [En ligne], 17 | 2010, mis en ligne le 23 janvier 2012, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/questionsdecommunication/248 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/questionsdecommunication.248
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