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Notes de lecture
Histoire, sociétés

Béatrice Galinon-Mélénec, Fabien Liénard, Sami Zlitni, dirs, L’Homme-trace. Inscriptions corporelles et techniques

Paris, CNRS Éd., coll. Alpha, 2015, 284 pages
Fabienne Duteil-Ogata
p. 414-415
Référence(s) :

Béatrice Galinon-Mélénec, Fabien Liénard, Sami Zlitni, dirs, L’Homme-trace. Inscriptions corporelles et techniques, Paris, CNRS Éd., coll. Alpha, 2015, 284 pages

Texte intégral

1Le troisième tome de la série « L’Homme trace » publié aux éditions du CNRS en 2015, poursuit l’aventure éditoriale transdisciplinaire initiée en 2011 par Béatrice Galinon-Mélénec, chercheuse en sciences de l’information et de la communication (SIC). Cet ouvrage s’inscrit toujours dans le paradigme anthropologique suivant lequel l’homme est à la fois construit de traces et producteur de traces.

2Si le premier tome (Béatrice Galinon-Mélénec, dir., 2011, L’Homme Trace. Perspectives anthropologiques des traces contemporaines, Paris, CNRS Éd.), présentait la notion de trace à travers toutes ses déclinaisons humaines : langage, corps humain et institutions sociales (je renvoie les lecteurs à la note de lecture de Daiana Dula Questions de communication, 20, 2011, pp. 435-437) ; le deuxième tome (Béatrice Galinon-Mélénec, Sami Zlitni, dirs, 2013, Traces numériques. De la production à l’interprétation, Paris, CNRS Éd.) prenait pour objet les traces numériques. Ce troisième tome a, quant à lui, l’ambition d’analyser différentes formes de traçabilité que laissent les technologies numériques et d’envisager les questions qu’elles sous-tendent sur un plan éthique : celles de la liberté et de l’intimité. Pour ce faire, les auteurs venant d’horizons disciplinaires fort différents (SIC, sociologie, informatique, psychologie, linguistique, géographie) se sont tous attelés à déconstruire la notion de trace en dégageant un nouveau paradigme. Émerge alors la nécessité de mettre en rapport le contexte de production de la trace, celui de sa réception et de son interprétation. L’internaute est interrogé sur ses propres comportements vis-à-vis de la formation, de la responsabilisation et de l’éthique de ces traces contemporaines.

3L’Homme-trace. Inscriptions corporelles et techniques examine comment la notion de trace, dans toute sa porosité et sa complexité, interagit avec le sujet, comment elle se sémiotise. Comme le rappelle à juste titre la quatrième de couverture, ce tome inscrit de manière encore plus concrète le rapport indéfectible entre la trace et l’homme. En effet, en accolant un tiret entre les deux termes, les auteurs mettent en avant le paradigme qui explicite la fonction cachée des signes-traces en matière de communication et, de manière plus générale, le rôle des traces (visibles et invisibles) dans l’évolution de l’Homme. Le chapitre liminaire, rédigé par les trois directeurs de la publication (pp. 29-46), présente les thématiques de l’ouvrage (corporéité, scripturalité, identité et territorialité) qui structurent le tome en trois parties. Ils rappellent avec raison que leur approche s’inscrit toujours dans l’anthropologie de la communication où la dimension de la corporalité et du langage (verbal et écrit), est au cœur de leur questionnement.

4Le premier livre consacré aux traces du corps s’ouvre avec le remarquable article de Bernard Andrieu, Nicolas Burel et Sabine Cornus « Les traces émersives des gestes du corps vivant dans le cosmomorphisme de l’enseignant » (pp. 49-62). L’approche de l’émersiologie de Bernard Andrieu offre ainsi une nouvelle lecture de la trace dans la relation enseignant/élève à partir des notions de corps vivant et de corps vécu. Tyler Reigeluth aborde dans le deuxième texte (pp. 63-76) le rapport du corps à la trace numérique à travers la production algorithmique en termes spinoziens. Autrement dit, en suivant la généricité du corps développé par Spinoza et en étendant la notion de corps aux algorithmes, l’auteur se demande comment la puissance de liaison et de déliaison propres aux pratiques corporelles se compose avec celles des algorithmes. D’une plume alerte, la contribution de Pascal Lardelier « Un parcours littéraire et cinématographique » (pp. 77-96) conclut le premier livre en reprenant la thématique de l’implication du corps dans l’affect, à travers la médiatisation de l’écriture (qu’elle soit ou non numérique). L’auteur nous invite à une promenade littéraire et cinématographique qui réexamine le rapport de l’écrit et de l’absence des corps sur un de ses terrains privilégiés : les sites de rencontre.

5Le deuxième livre intitulé « Un contexte hyperconnecté » souligne l’importance attribuée aux contextes de la trace numérique. Toutefois, le premier texte n’aborde pas de manière explicite la trace, Adrian Staii (pp. 99-113) constate cependant, à partir de deux contextes médiatiques (une agence de storytelling et une agence éditoriale), que la généralisation du numérique contribue à une rationalisation et une mécanisation des techniques. L’avènement de l’automatisation du numérique ouvre une nouvelle étape de l’industrialisation de la communication, notamment à travers le ciblage et le pistage. Et l’auteur de s’interroger sur la nature de cette industrialisation du numérique et sur le sens à donner à l’économie de la médiation. Dans sa contribution d’une grande limpidité « L’expérience transmédiatique : inclusion, environnement, communs » (pp. 115-128), Louise Merzeau – trop tôt disparue et dont je salue la mémoire – s’attache à montrer comment l’internet à travers des projets collaboratifs peut renforcer le sentiment d’appartenance à un monde commun et permettre une reconfiguration démocratique. Sung do Kim (pp. 129-150), quant à lui, prend comme contexte hyperconnecté l’espace urbain et s’interroge sur les rapports que la ville numérique entretient avec l’écriture. L’étude de la nature des modes d’inscriptions dans l’urbain et des traces numériques spatialisées le conduit à conclure que l’écriture dans la ville augmentée dépasse les frontières public/privé ; global/local et général/particulier. Ce marquage urbain numérique se reflète dans la matérialisation de forme de pouvoir sur et dans l’espace de la ville. L’auteur convoque alors judicieusement Pierre Bourdieu pour indiquer que ce marquage correspond à la dimension spatiale de la violence symbolique. La dernière étude du livre 2 de Franck Cormerais, « De la critique de l’économique politique du signe à l’économie politique de la mémoire » (pp. 151-159), tente de rapprocher les SIC avec l’économie politique en élaborant une économie politique de la mémoire. L’auteur met en évidence les menaces que constitue l’exploitation économique des traces aboutissant probablement à un capitalisme cognitif.

6Le livre 3 « Traces d’interaction » principalement consacré aux digitales natives se décline en trois contributions. Les deux premières retranscrivent de manière explicite les interactions en ligne des jeunes : sur le forum de discussion ados.fr pour la première et sur le site ub-link.fr (une communauté d’alumni) pour la seconde. Ces deux articles ont le mérite de livrer aux lecteurs une analyse circonstanciée à partir d’extraits commentés qui se révèle très éclairante. Dans son texte « Traces et mise en scène des identités individuelles et collectives dans un forum de discussions d’adolescents » (pp. 173-197), Michel Marcoccia met en évidence le rôle que joue la présentation de soi dans la dynamique de l’interaction et les mécanismes qui sont à l’œuvre dans cette mise en scène de l’identité numérique (individuelle et collective). La contribution d’Alex Frame et Gilles Brachotte « Significations, figures, formes et traces : penser les interactions à travers l’écriture d’une communauté d’alumni en ligne » (pp. 199-216) offre une étude stimulante sur le plan théorique qui réinterroge la notion d’interaction et le rôle des objets dans cette interaction. Pour clôturer ce deuxième livre, le texte de Sylvie Leleu-Merviel, « De la trace d’interaction à la communication numérique » (pp. 217-229) revient sur la notion d’interaction et sur les constructions signifiantes entre l’interprétant cognitif (IC) et son milieu. Elle conclut ainsi : « Les traces d’interaction sont aux racines des inférences permettant à un interprétant cognitif de saisir son milieu pour mieux s’y adapter » (p. 228).

7La postface signée par Yves Jeanneret « Représentations, altérations, identification : le signe-trace dans l’industrie des écritures » (pp. 231-257) reprend le paradigme des signes-traces présent dès le premier tome pour l’appliquer ici au champ de l’industrie des écritures. L’auteur indique que le signe-trace est une réalité protéiforme et une élaboration complexe. Les inscriptions médiatiques en sont un ingrédient essentiel parce qu’elles lui apportent la dimension du tracé (p. 43).

8Ce troisième tome de l’Homme-trace aura mis en évidence comment l’environnement technique et les pratiques numériques influent sur l’être humain, sa corporalité, ses comportements individuels et collectifs et ses interactions avec son milieu. L’ouvrage aura répondu aux enjeux complexes qui y sous-tendent tant sur le plan cognitif, politique, économique qu’éthique. Précisons que l’ouvrage peut se lire article par article séparément, même si la lecture de chacun des livres semble la plus appropriée. Si certains textes sont assez faciles d’accès pour les non-spécialistes des SIC, beaucoup se réfèrent aux concepts et théories de cette discipline. Aussi, même si les auteurs font preuve de didactique, certains lecteurs pourront être rebutés, d’autres y verront, j’espère, une bonne occasion d’approfondir ou compléter leur connaissance.

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Pour citer cet article

Référence papier

Fabienne Duteil-Ogata, « Béatrice Galinon-Mélénec, Fabien Liénard, Sami Zlitni, dirs, L’Homme-trace. Inscriptions corporelles et techniques »Questions de communication, 32 | 2017, 414-415.

Référence électronique

Fabienne Duteil-Ogata, « Béatrice Galinon-Mélénec, Fabien Liénard, Sami Zlitni, dirs, L’Homme-trace. Inscriptions corporelles et techniques »Questions de communication [En ligne], 32 | 2017, mis en ligne le 31 décembre 2017, consulté le 11 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/questionsdecommunication/11658 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/questionsdecommunication.11658

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Auteur

Fabienne Duteil-Ogata

Clare, université Bordeaux Montaigne, F-33607
fabienne.duteil-ogata[at]u-bordeaux-montaigne.fr

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Droits d’auteur

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