- 1 Jeanne Bulant, « Comment le costume de La Servante Écarlate est devenu un symbole de protestation (...)
- 2 Gregory Claeys, Dystopia : a natural history, Oxford University Press, 2016.
- 3 Lionel Ruffel, Le Dénouement, Lagrasse, Verdier, 2005, p. 5152.
1« Dans les pays qui interdisent le contrôle des naissances et l’information sur la santé de la reproduction, l’État revendique la propriété du corps des femmes grâce à la maternité forcée. Ce que le costume demande vraiment aux téléspectateurs est : voulons-nous vivre dans un état d’esclave ?1 », expliquait l’écrivaine canadienne Margaret E. Atwood, autrice du roman The Handmaid’s Tale sur lequel s’appuie la série éponyme diffusée sur OCS. Effectivement, la série dystopique décrit une société dans laquelle les femmes ont été réduites en esclavage : sexuel pour celles qui sont fertiles, domestique pour les femmes stériles de bonne moralité ou laborieux, dans les colonies, pour les lesbiennes et les femmes sanctionnées (selon un large spectre de crimes moraux). Cette dystopie « post-totalitaire2 », décrit un régime politique totalitaire qui a émergé en mobilisant un discours écologiste et essentialisant des rapports sociaux. Face à l’effondrement ce récit d’anticipation « fait du présent un passé3 » en nous plaçant déjà au dénouement, tragique, de ce que nous vivons aujourd’hui.
2Depuis la diffusion de la première saison en avril 2017, un certain nombre de mobilisations féministes ont utilisé la robe rouge. Aux États-Unis, l’élection de Trump, survenue juste avant la diffusion de la série, a donné lieu à de nombreux parallèles, par les producteurs et scénaristes, mais aussi par les militantes. En quelques mois, comme par « contagion iconographique », le symbole, que les réseaux sociaux ont largement contribué à diffuser, fut utilisé en Europe et en Amérique latine. Des photos montrant des femmes vêtues en « servantes écarlates » sortent des manifestations en Pologne, en juillet 2017, pour la venue de Trump. Idem à Zagreb (Croatie), en février 2018, face au refus du gouvernement de ratifier la Convention d’Istanbul contre les violences faites aux femmes. En juillet 2018, ce sont les pro-légalisations de l’avortement en Argentine qui le revêtent. Et en septembre de la même année, une mobilisation contre la fermeture d’une maternité met en scène le déguisement dans le contexte français.
- 4 Les happenings, apparus dans les années 1950, sont une forme de composition théâtrale qui rejett (...)
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- 6 Bibia Pavard, » Faire naître et mourir les vagues : comment s’écrit l’histoire des féminismes », (...)
- 7 Nelson A. Pichardo, “New Social Movements : A Critical Review”, Annual Review of Sociology, vol. (...)
- 8 Érik Neveu, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2019, p. 66.
- 9 Zeynep Tufekci, Twitter et les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connect (...)
3L’apparition de ces happenings4 sur la scène publique en mobilisant l’imaginaire de The Handmaid’s Tale semble parler tout autant du message défendu dans la série que de l’actualité des mouvements féministes américains et européens, inscrits dans ce qu’Aurore Koechlin décrit comme la « quatrième vague5 ». Cet élan nouveau et internationaliste du féminisme, cherche à fédérer massivement à travers des mouvements récents comme #MeToo ou Ni una menos en Amérique latine, et fait synthèse entre les « vagues » précédentes — si tant est qu’on accepte de penser ces mobilisations comme des vagues6 — en insistant sur la question des violences faites aux femmes. Ces manifestations illustrent également ce que le sociologue Nelson Pichardon définit comme le paradigme des nouveaux mouvements sociaux, « vision historique spécifique des mouvements sociaux associée à des nouvelles formes d’un radicalisme de classe moyenne7 ». Mais elles les dépassent encore, en « renouvelant le nouveau8 », par une organisation adhocratique et horizontale, sans leader et en temps réel9, en écho aux mobilisations récentes de Black Lives Matter ou, en France, des Gilets jaunes. La position de June, personnage principal de la série dénommée Offred depuis sa mise au service du Commandant Fred Waterford, celle d’une trentenaire active de classe moyenne supérieure, mère et épouse dévouée, qui prend conscience au milieu d’un jogging de la violence de la répression gouvernementale, fait écho à celle d’une partie de l’électorat américain, qui correspond justement à la clientèle que la plateforme de diffusion Hulu cherche à fidéliser.
- 10 Pauline Delage et Fanny Gallot, Féminismes dans le monde : 23 récits d’une révolution planétair (...)
4Pour comprendre la portée de ce symbole, il convient donc de mettre en relation les usages de l’iconographie et les motifs pour lesquels elle est mobilisée avec le message que véhicule la série. Il s’agit de saisir pourquoi et par qui ce symbole est utilisé en interrogeant la dimension dystopique dans les mobilisations féministes. La spécificité de ce genre permet de questionner dans la période actuelle les possibilités d’internationalisation et de convergences de différents mouvements à travers les appropriations de cette iconographie. Stratégie esthétique ou support de la circulation internationale d’un message politique commun10, la mise en garde de la dystopie permet-elle un élargissement de la cause féministe ? À partir d’entretiens menés en France, aux États-Unis, en Argentine et en Équateur — pays dans lesquels les mobilisations féministes récentes ont été particulièrement médiatisées et qui nous ont été accessibles pendant l’enquête —, d’échanges sur les réseaux sociaux avec les protagonistes de mobilisations féministes dans ces pays et d’études de la presse, cet article propose un panorama, largement non exhaustif, des usages de l’iconographie de la série américaine par les collectifs mobilisés pour des causes concernant les femmes. L’enquête permet ainsi de mettre en évidence l’adaptation de l’iconographie dystopique aux contextes de luttes locaux plutôt que le développement d’un réel discours commun et international de ces mobilisations. Après avoir présenté, dans un premier temps, l’iconographie de la série, ensuite ses usages par les mouvements féministes, enfin nous les analyserons dans les contextes historiques locaux.
- 11 Fátima Vieira, “The concept of utopia”, in Gregory Claeys (dir.), The Cambridge Companion to Uto (...)
- 12 Serban Dan Blidariu, “Inheritance after Apocalypse : The Dystopian Environment”, Altre Modernità(...)
5S’il est deux termes qui ont été utilisés pour décrire la série (et le livre qui l’a précédé), c’est sans aucun doute « dystopique » et « féministe ». La situation est effectivement dystopique à double titre : il s’agit d’un « mauvais endroit11 », mais en plus elle détruit tout espoir de « mieux12 ». La mise en esclavage des femmes, l’annihilation de toutes leurs libertés, par un gouvernement fondamentaliste totalitaire explicitement patriarcal, s’apparente effectivement à un cauchemar féministe. La lente arrivée au pouvoir de ce groupe — les Fils de Jacob — ressemble bien à un avertissement, ou du moins un appel à la vigilance, face aux pressions actuelles (et constantes) sur le droit des femmes à disposer de leurs corps. Pour autant, les formes de féminismes et de résistances qu’elle présente ne peuvent pas être entièrement considérées comme un appel à la mobilisation.
- 13 Genèse 29.31-30.24.
- 14 Nous faisons ici référence aux travaux de Grégoire Chamayou sur la chasse aux hommes dans Grégoi (...)
6États-Unis. Époque actuelle. La fertilité chute, de façon drastique. Avoir un enfant vivant relève quasiment du miracle. C’est pourtant le cas de June, correctrice dans une maison d’édition, et de son conjoint, Luke. Cette baisse de la natalité combinée avec une crise des frontières fait le lit des extrémismes religieux conservateurs. Les Fils de Jacob, élite bourgeoise fondamentaliste, organisent une prise de pouvoir pour créer un nouveau régime. S’appuyant sur un passage de la Genèse13, dans lequel Léa donne sa servante, Bilha, à Jacob, son époux, pour qu’elle puisse enfanter à sa place, la secte organise une mise en esclavage sexuel des femmes fertiles. Dans cette société renommée Gilead, les femmes sont mises à disposition des familles d’élite. Depuis ce qu’on peut nommer la chasse aux femmes14, certaines, considérées comme non vertueuses par ce néo-fascisme totalitaire, sont devenues des esclaves sexuelles à but procréatif d’une élite stérile. Les femmes fertiles sont donc devenues handmaids, en rouge intégral, avec un cornet blanc, qui réduit le champ de vision et l’audition. Le patriarcat fondamentaliste de Gilead ne prend pas place dans une époque éloignée, post-apocalyptique, mais dans un quotidien proche de celui que nous connaissons. Et la série apparaît d’autant plus actuelle que le quotidien du personnage principal, June, est proche de celui des classes moyennes américaines.
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- 16 Ariel Colonomos, « Les évangélistes en Amérique Latine : De l’expression religieuse à la mobilis (...)
7En parallèle, la série donne à voir l’avènement de sectes fondamentalistes protestantes — qui fait largement écho à la place que prennent de plus en plus les courants évangéliques dans les sphères politiques en Amérique du Nord15 et du Sud16. Grâce aux flashbacks, elle nous montre aussi le quotidien d’un autre couple, Serena et Fred, qui prépare le coup d’État. Serena est alors à son apogée, féministe domestique, selon ses termes, qui appelle les femmes à rentrer au foyer et à reprendre la place qui leur a été assignée biologiquement.
- 17 Margaret E. Atwood, “Haunted by The Handmaid’s Tale”, The Guardian, 20 janvier 2012. “I made a r (...)
- 18 Constance Jamet, « The Handmaid’s Tale, série symbole malgré elle », tvmag.lefigaro.fr, 30 septe (...)
8En 2012, Margaret E. Atwood inscrivait l’histoire de son ouvrage dans le passé : « Je m’étais fixé une règle : je n’inclurais rien que l’humanité n’ait pas déjà fait ailleurs ou à une autre époque, ou pour lequel la technologie n’existerait pas déjà. Je ne voulais pas me voir accusée de sombres inventions tordues, ou d’exagérer l’aptitude humaine à se comporter de façon déplorable17. » Six ans plus tard, le producteur, Bruce Miller, confiait au Figaro : « Au spectateur de tirer les enseignements de ce qu’il voit à l’écran, et de le rapprocher ou non de ce qui se passe dans le monde ». Insistant même : « Beaucoup considèrent cette série comme un avertissement politique, mais toute fiction recèle une mise en garde18. » Ainsi, que le danger soit à situer dans le passé ou dans l’actualité, voire le futur, autrice, producteur, et scénaristes présentent la série comme une alerte, une « mise en garde », à ne pas considérer comme pure fiction.
- 19 Corinne Daniellot et Florence Ihaddadene, « Mouvements féministes et mobilisations improbables d (...)
9La série, si elle peut être considérée comme une invitation à la vigilance face aux attaques croissantes contre les libertés des femmes à disposer de leurs corps, ne fournit pas pour autant de guide de la révolte. Au contraire, elle semble même décourager, parfois, des formes de mobilisations radicales et/ou des mobilisations collectives anti-patriarcat19. La série parvient, dans le même temps, à présenter des figures de militantisme radical, à les discréditer en partie et à donner à voir les réprimandes qu’elles subissent, décourageant toute révolte. Si elle les réhabilite parfois, ou petit à petit, ces militantes apparaissent condamnées à une souffrance sans fin et leurs actions sont décrites comme peu utiles, voire contre-productives.
- 20 Juliet Monnain, « The Handmaid’s Tale - la Servante écarlate », Le genre & l’écran, 23 juillet 2 (...)
- 21 Danita J. Dodson, ““We lived in the blank white spaces” : Rewriting the Paradigm of Denial in At (...)
10De nombreux.ses auteurs.trices ont déjà remarqué que June apparaît être une figure d’un féminisme libéral, individualiste20. L’identification nécessaire au succès commercial de la série semble effectivement aller de pair avec la promotion d’un féminisme consensuel, non violent, et qui n’empêche pas l’héroïne de mener une vie compatible avec les attentes liées à sa position sociale. C’est également ce qu’ont reproché à la production de nombreuses afroféministes, constatant que cette série était un petit « frisson pour femmes blanches » invisibilisant le vécu, assez proche, des femmes noires pendant l’esclavage21.
- 22 Corinne Daniellot et Florence Ihaddadene, « Mouvements féministes et mobilisations improbables d (...)
11Surtout, la série tend à donner tort à toutes les formes de mobilisations collectives. Un attentat à la bombe organisé par MayDay, un groupe de résistance souterraine des handmaids, s’avère sans effet. Lorsque ce sont les épouses, pourtant pro-système, qui se révoltent pour le droit des femmes à lire la Bible, la sanction est si violente — en témoigne la mutilation du doigt de Serena — que la mobilisation semble étouffée quasi instantanément. La seule résistance fonctionnelle est celle organisée par les Marthas (les domestiques) qui facilitent la fuite hors du pays de certaines femmes. Mais celle-ci encore ne prend une place significative que lorsque June en prend les rênes22. Finalement, dans la série, ce sont majoritairement les actions individuelles qui sont valorisées, à court terme. Et les effets, à long terme, des formes d’actions collectives apparaissent généralement masqués par une répression violente.
12Son iconographie est devenue une référence esthétique dans certaines mobilisations féministes. Il s’agit donc ici de saisir comment la série a été perçue par les militantes, qui ont décidé d’utiliser le costume des handmaids.
13Les premiers usages des costumes emblématiques des handmaids (capes rouges et bonnets blancs) aux États-Unis s’inscrivaient dans le contexte de l’élection de Trump et, bientôt, de ses propositions juridiques en matière de santé. Rapidement, le costume est apparu dans des mobilisations aux objectifs différents, en Irlande, en Argentine, en Croatie, en Pologne et en France (nous n’avons trouvé aucun usage de ces déguisements en Asie ou en Afrique).
14Avant même la diffusion de la série, en avril 2017, des manifestantes américaines faisaient référence à l’ouvrage de Margaret E. Atwood lors des marches anti-Trump de janvier, en précisant qu’il ne s’agissait pas d’un « manuel d’instruction », comme le montre le tweet reproduit ci-dessous. Si la série n’était pas encore visionnable, la référence au costume rouge et blanc, présente dans l’ouvrage, est déjà utilisée.
Photo 1 : La photo, publiée sur Twitter, est légendée “My sign for the @womenmarch (and sentiment for the next four years) @MargaretAtwood #whyIMarch #Womensmarch”, Tweet de @Lizskoski, 19 janvier 2017
- 23 “If you think that A Handmaid’s Tale could never really happen, remember that republicans just m (...)
- 24 “Today’s episode of Handmaid’s Tale, with the Religious Freedom order and repeal of ACA, is the (...)
15Les premiers usages médiatisés du costume des « servantes écarlates » semblent remonter au moment d’étude par le Sénat de l’American Health Care Act. Cette réforme, surnommée « TrumpCare », est désignée comme particulièrement dangereuse pour les femmes, remettant en cause le financement des soins en maternité et instaurant de nouvelles barrières à l’avortement. Le AHCA devait notamment reclasser le viol, les violences domestiques, la dépression post-partum, la césarienne ou encore simplement la grossesse en « maladies préexistantes », ce qui aurait empêché de nombreuses femmes d’accéder à une couverture médicale. Début mai 2017, on trouve sur Twitter des commentaires comme « Si vous pensez que Handmaid’s Tale ne pourra jamais devenir réalité, souvenez-vous que les Républicains viennent de rendre le fait d’être une femme une maladie préexistante23 » ou encore : « L’épisode de Handmaid’s Tale d’aujourd’hui avec l’ordre sur la liberté religieuse et qui retire ACA [Affordable Care Act] est le plus terrifiant24 ». Une trentaine de militantes du Planned Parenthood (équivalent du Planning familial) manifestent alors, capes rouges et bonnets blancs sur la tête, le 27 juin devant le Capitole. Ce ne sont pourtant pas les premières fois que les capes rouges sont de sorties. Le 9 mai 2017, au Texas, les handmaids manifestent contre des lois anti-IVG.
- 25 Floriane Valdayron, « Quand The Handmaid’s Tale devient un outil de combat féministe contre Trum (...)
Photo 2 : Le 9 mai, dans le Capitole du Texas, des femmes empruntent les couleurs d’Offred pour manifester contre les lois anti-avortement.25
Crédits : Ricardo Brazziell/AP/SIPA
16Le 17 mai 2017, des manifestantes l’utilisent devant le siège du bureau de l’Assemblée législative à Concord (New Hampshire) pour demander l’expulsion du représentant de l’État, le républicain Robert Fisher, réputé misogyne. Le 3 juin, une femme le porte dans une « marche pour la vérité » à Washington, réclamant une enquête sur le rôle de la Russie dans l’élection présidentielle de 2016. Le 13 juin, il apparaît dans l’Ohio, pour une manifestation contre un projet de loi pour interdire la procédure de « dilatation et évacuation », méthode d’avortement la plus utilisée dans l’État. Le 20 juin, c’est la League of Women Voters qui l’arbore dans une manifestation en Albany pour réclamer la prise en charge des soins de santé reproductive et de contraception. Enfin, le 23 juillet, c’est le groupe Refuse Fascism qui le porte à Philadelphia, lors d’une visite du vice-président Mike Pence.
17À partir de juillet, commence donc la « contagion ». Les photos, présentant les handmaids silencieuses, se propagent rapidement sur les réseaux sociaux, et elles ont l’avantage d’être claires : quiconque sur les continents européens ou américains a vu la série comprend le message. On retrouve des photos de mobilisations en Pologne, en juillet 2017, contre la présence de Trump et en Croatie, contre les violences faites aux femmes. Le 20 septembre 2017, c’est en Irlande qu’il a été utilisé par des militantes pro-choix qui réclamaient la légalisation de l’avortement.
Photo 3 : « Des militantes pour l’avortement en Irlande », Twitter : @JimSheridan
18Les photos donnent toutes à voir un visuel proche : un déguisement dont sont réutilisés la cape et le bonnet, et un silence compensé par des banderoles ou des pancartes. Partout sur ces photos, ce ne sont que des femmes qui le portent et qui n’utilisent pas d’autres signes distinctifs. Dans le cas argentin, spécifiquement abordé ensuite, les manifestantes possédaient déjà un signe antérieur de « ralliement » : le foulard vert, symbole de la lutte pour le droit à l’avortement. Ici, elles les combinent, comme sur la photo ci-dessous. Le costume semble renforcer le symbole, le « mondialiser », sans le remplacer.
- 26 “For all of the sponsorship options, we also invite you to share your name (if you so choose) or (...)
- 27 Jean Lojkine, La Révolution informationnelle et les nouveaux mouvements sociaux, Lormont, Éd. Le (...)
- 28 “It really doesn’t do much accept advertise for a TV show and kind of perpetuate a myth that wom (...)
19Aux États-Unis, des militantes pro-choix ont transformé l’expérience en marque : « Handmaid Coalition », collectif déposé présent dans 19 États, propose de « sponsoriser » des mobilisations déguisées. Sur Facebook, des pages au nom de la marque permettent des échanges de costumes et de patrons de couture, mais aussi de savoir-faire contestataires. Le site précise les avantages du déguisement : il évite l’identification de manifestantes tout en unifiant le corps de la manifestation. Pourtant, il propose également aux donateurs·trices de s’identifier dans les photos de manifestation et d’y faire apparaître des messages personnalisés (ou son nom), pour visibiliser son soutien financier26. Ce mouvement, inscrit dans ce que le sociologue Jean Lojkine qualifie de « révolution informationnelle », dépasse la question technique de transmission de l’information. Il s’agit « d’abord d’un certain rapport social de co-production de sens27. » Forme de retournement d’un stigmate, à partir d’un symbole fictif, il s’agit tant de matérialiser la proximité de la menace dystopique qu’une dénonciation réactualisée du passé. Toutefois, son usage dans les mobilisations féministes peut être contreproductif. En entretien, une militante féministe new-yorkaise, Kathleen nous explique : « ça ne sert à rien d’accepter de faire de la publicité pour une émission télévisée et de perpétuer un mythe selon lequel les femmes seront obligées de se soumettre à une loi créée par les hommes, alors qu’en réalité nous devrions nous élever contre ces lois par tous les moyens nécessaires28. » Elle ajoute que l’usage du costume tend à donner l’impression que le danger arrive dans le futur, alors qu’il est, selon elle, déjà présent depuis longtemps. Ici encore, la dystopie tend à mettre à distance une peur déjà présente. Puis elle explique à propos de la mobilisation au Sénat : « Nous n’étions pas verbalement interactives. »
- 29 Claudia Acuña, « Criar rebeldía : la raíz argentina de Las Criadas », 21 mars 2019, consulté le (...)
Photo 4 : manifestation du 18 juillet 2018, à Buenos Aires29
Crédits : Nacho Yuchark
- 30 Lena Bjurstörm, « Pour les femmes, le Blanc hisse le Rouge », Femmes et ailleurs, n° 39, janvier (...)
Photo 5 : Mobilisation des Blancoises, devant la préfecture le 21 novembre 201830
Crédits : Christopher Chriv
- 31 « Des défenseurs de la maternité de Bernay conspuent le ministre Lecornu et le président Macron (...)
20Alors que les fermetures de maternité s’accélèrent un peu partout sur le territoire français, les membres de « Cpasdemainlaveille » ont convoqué une réunion inter-collectif pour organiser la lutte. Depuis cette rencontre, d’autres mobilisations utilisent également ce déguisement, à Bernay (Normandie) ou à Thann (Alsace). Au contraire de la mobilisation du Blanc, des hommes portent la cape rouge, sans bonnet blanc, aux côtés des femmes, dans les vidéos de la manifestation à Bernay31.
21Des situations hétérogènes aux messages variés : une adaptation des usages aux contextes de la mobilisation
22Les mobilisations que nous avons présentées reposent toutes sur le même usage du visuel de The Handmaid’s Tale : des femmes, silencieuses, affublées de pancartes, pour permettre la diffusion de photos « choc ». Cependant, les usages dépassent le cadre médiatique et la visibilisation d’un mouvement. En Argentine et en France, les entretiens montrent une adaptation des messages portés par la série à des contextes locaux différents. L’enquête a aussi permis d’accéder à l’un des angles morts de la médiatisation : celles qui refusent d’avoir recours à ce symbole, comme dans le cas de l’Équateur. Ces trois cas donnent à voir des écarts dans les justifications données à ce choix (ou refus) iconographique.
- 32 “A division between women’s rights and human rights is a false dichotomy. One of my sources for (...)
- 33 Ibid, p. 211.
- 34 Jean-Pierre Lavaud, « Mères contre la dictature en Argentine et Bolivie », Clio. Histoire‚ femme (...)
23Le 21 janvier 2018, Margaret E. Atwood écrivait sur Twitter : « La division entre les droits des femmes et les droits humains est une fausse dichotomie. L’une de mes sources pour #TheHandmaidsTale fut l’Argentine sous les Généraux. Tellement des femmes furent tuées et leurs bébés volés32. » Entre 1976 et 1983, les organisations des Droits humains estiment à 30 000 personnes le nombre de disparu·es en Argentine sous la dictature militaire. En collaboration avec l’Église et des professionnel·les de la santé, le régime a mis en place un plan de vol d’enfants des détenues enceintes. Cinq cents enfants furent « appropriés33. » Dans la recherche de leurs enfants et petits-enfants, les mères des détenu·es ont créé en 1979 l’association des Madres de Plaza de Mayo. Ces dernières, lors du pèlerinage annuel à la vierge de Lujan, ont décidé collectivement de porter le message de leur lutte et « de se couvrir la tête de foulards blancs, qu’elles assimilent aux langes de leurs nourrissons34. »
Photo 6 : Manifestation du 5 mai 198235
Crédits : Abuelas
- 36 Claudia Acuña, op. cit.
24Pour Claudia Acuña, responsable nationale de la coopérative « La Vaca » et du journal « MU » et militante active pour les droits humains depuis la période de la dictature, c’est dans cette histoire qu’est enracinée l’appropriation des symboles vestimentaires de The Handmaid’s Tale. Selon elle, mobiliser les références au roman dans le cadre de la lutte pour la légalisation de l’avortement en Argentine a un sens historique : « peu de personnes se rappellent en Argentine que le scénario de la servante écarlate raconte une histoire qui est la nôtre. Une grande partie de sa trame est recousue avec les récits des survivantes des camps de concentration de la dictature militaire argentine, pour nous c’est impossible de l’oublier36. » Pour la journaliste, dont la famille a été victime de la répression pendant la dictature, ce symbole vestimentaire fait référence à la lutte des Madres de Plaza de Mayo : « elles nous ont appris l’importance de créer un langage capable de vaincre la terreur. »
- 37 « Las Criadas » en espagnol.
- 38 Claudia Acuña, op. cit.
- 39 Claudia Acuña, op. cit.
25Pour Acuña, le mouvement « Les Servantes37 » n’a pas été conçu comme une performance artistique, mais comme « une construction de sororité et reconnaissance à la généalogie du féminisme argentin38. » En tout, 530 femmes et personnes trans’ ont participé aux actions organisées par le mouvement entre le 10 juillet 2018 et le 8 mars 2019. Chaque participante a contribué à hauteur de 120 pesos argentinos (soit environ 2,50 €) pour financer les capes rouges et coiffes blanches. Elle ajoute ici un refus d’accepter l’assignation des tâches de travail « féminin » : « Nous ne savons pas coudre, et nous ne voulons pas apprendre à le faire39. »
- 40 Manus Actis, Cristina Ines Aldini et Miriam Lewin, Ese infierno : conversaciones de cinco mujere (...)
- 41 Ibid., p. 95.
26Le 8 mars 2019, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le mouvement « Les Servantes » a choisi la journaliste Miriam Lewin pour porter le message du collectif. Cette dernière, séquestrée au sein de l’École de Mécanique de l’Armée pendant la dictature militaire, a lu le prologue du roman The Handmaid’s Tale devant le sénat argentin. Dans un ouvrage consacré au recueil de témoignages des survivantes de l’ESMA40, elle raconte des scènes très proches du roman de Margaret E. Atwood, où les prisonnières quittaient parfois le centre de rétention pour aller dîner, voire danser dans les boîtes de nuit branchées de Buenos Aires : « Une fois ils ont amené danser un groupe de filles, mais je vais te donner le contexte, ils venaient de tuer le mari de l’une d’entre elles (…) Dis-moi si ce n’était pas une torture psychologique, une torture des plus raffinées… Que les assassins de ton mari, qui t’avaient percée et battue, t’amènent danser…41. »
- 42 Francis Chateauraynaud et Didier Torny, Les Sombres Précurseurs. Une Sociologie pragmatique de l (...)
- 43 Ibid., p. 2.
27La « logique d’alerte42 » prend ici une tout autre signification. Il ne s’agit plus d’une « prise de parole publique face à l’imminence d’un danger43 », mais d’une dystopie conjuguée au passé. Pour beaucoup de ces militantes, dans le contexte argentin le pire scénario est déjà arrivé. La réappropriation des symboles de la série permet d’actualiser les combats, en intégrant une nouvelle génération et des femmes d’univers divers.
28En France, le collectif « Cpasdemainlaveille » s’est appuyé, pour utiliser le déguisement, sur des articles de la presse étrangère qui évoquaient les mobilisations en Pologne et aux États-Unis. Dans ce collectif auto-organisé, composé d’habitant·es de la zone desservie par la maternité (qu’il s’agisse de femmes ou d’hommes, de médecins, enseignant·es, agriculteur·trices ou infirmier·es), le costume des servantes écarlates est utilisé quasiment depuis le début de la mobilisation. Dix premiers costumes ont été achetés pour une utilisation test. Face au succès de cette première, quarante autres ont été cousus par des membres du collectif (sans que l’on puisse savoir comment s’est réparti ce travail). Deux décisions ont été prises en collégiale : celles de réserver les déguisements rouges aux femmes, pour ne pas s’approprier la lutte de celles qui sont les plus concernées, et celle, ensuite, de n’utiliser le symbole que dans des contextes silencieux. Pour l’un des membres du collectif interviewé, ces costumes « vont avec la tristesse et la tête baissée ».
29Lorsqu’un jeune père, paysan de la région, propose de l’adopter, seules deux personnes ont déjà vu la série. Ils décident de le revêtir comme seul symbole visuel, sans connaître le contenu précis de la série. Il explique, en comparaison des mobilisations étrangères : « c’est sûr qu’une maternité et le droit à l’avortement, c’est pas la même chose, c’est même presque l’opposé. » À l’origine, le déguisement est utilisé au nom de la mise en danger des femmes par le trajet rallongé d’une heure pour se rendre à la maternité de Châteauroux (pas de réseau de téléphone sur la route, risque de verglas, etc.). L’éloignement du père et de la famille, qu’aggrave la distance, est également un argument puisqu’elle favorise l’isolement des mères. Cependant, lorsqu’il a vu la série plusieurs mois plus tard à l’occasion de sa diffusion française sur TF1, il a trouvé qu’elle s’adaptait encore mieux que prévu, car elle décrit un système organisé par l’État. Il fait le lien direct avec l’envoi de la gendarmerie pour les déloger quand le collectif a occupé la maternité, sans prendre le temps de discuter, sans leur donner de rendez-vous avec la direction. Les gendarmes ont délogé les occupant·es, pacifistes, même habillé·es en servantes. Le discours du collectif change alors : le déguisement est utilisé pour dénoncer les violences faites aux femmes par l’État, qu’elles s’illustrent par la fermeture de la maternité ou la répression policière.
- 44 Iñigo Arrazola, María-Rosa Cevallos, Guglielmina Falanga, Gabriela Ruales, Verónica Vera, Amanda (...)
- 45 Ana Acosta et Luisiana Aguilar, « Las niñas invisibles del Ecuador », Wambra, 6 mars 2018, consu (...)
- 46 Manuela Lavinas Picq et Sévérine Sofio. « Porter le genre dans la culture : femmes et interlégal (...)
- 47 Ibid., p. 208.
30La situation des droits sexuels et reproductifs des femmes en Équateur s’est largement aggravée sous le gouvernement de la « Révolution Citoyenne » de Rafael Correa. Les réformes du Code pénal ont initié un processus de criminalisation massive de femmes ayant avorté et 243 femmes ont été attaquées en justice entre 2013 et 201744. Dans un pays où, entre 2009 et 2016, 17 448 filles de moins de 14 ans ont accouché, pour la plupart victimes de viol45, les problématiques liées à l’avortement sont fortement marquées par les inégalités de classe et de « race ». Dans ce contexte, les groupes féministes sont amenés à penser l’articulation de ces inégalités. Comme l’expliquent Manuela Lavinas Picq et Séverine Sofio à propos des femmes amérindiennes en Équateur, le féminisme peut être « une identité politique coûteuse ». Les organisations de femmes au sein des mouvements indigènes doivent conjuguer leurs revendications « indéniablement féministes (…) dans le cadre revendicatif de l’identité ethnique46. » Ainsi, l’étiquette du féminisme peut amener à une ostracisation et a « un coût politique élevé pour les femmes de la périphérie qui doivent déjà faire face à de multiples formes de discriminations47. »
31Ana Lucia, militante pour le droit à l’avortement en Équateur, nous explique que son collectif a fait le choix de ne pas mobiliser l’iconographie vestimentaire de la série Handmaid’s Tale : « Je pense que la principale raison pour laquelle il n’y a pas eu le truc avec Handmaid’s Tale, c’est que presque personne en Équateur ne l’a regardé. Moi non plus, je voulais lire le livre donc j’ai pas regardé la série (…). Je pense que c’est le principal motif, les gens ne s’identifient pas à ça, donc si t’as des nanas qui sortent avec le petit chapeau et habillées en rouge personne va capter ce que c’est. Une fois je crois que les filles de l’avortement l’ont proposé, mais je me souviens très bien, c’était moi qui ai dit qu’on devait chercher un symbole de femme, des femmes, avec qui les gens de Quito, de l’Équateur, puissent s’identifier… » Ainsi, l’iconographie de l’une des principales campagnes dans la lutte pour l’avortement légal Niñas No Madres [filles, pas mères] a mis au centre la problématique des mineures pauvres dans la lutte pour l’avortement..
32Lorsque nous avons entrepris ce travail d’enquête, nous ne pensions pas nous retrouver face à une telle diversité de « régimes de justification » des choix dans les mobilisations. Mais la succession des entretiens et des contextes sociopolitiques donne à voir une nécessaire remise en contexte local et historique des usages d’un symbole, aussi médiatique et mondialisé est-il. Plutôt que de proposer une analyse commune des usages du déguisement dans ces mobilisations, il nous faut chercher les points de convergence et de divergence.
- 48 Denis Vidal, « La migration des images », L’Homme, 165, 2003, 249-266.
- 49 Koichi Iwabuchi, « Au-delà du “Cool Japan”, la globalisation culturelle... », Critique internati (...)
- 50 Tristan Mattelart, « Les théories de la mondialisation culturelle : des théories de la diversité (...)
- 51 Jenny Gunnarsson Payne, “Feminist Media as Alternative Media ? : Theorising Feminist Media from (...)
- 52 Christine Hauser, “A Handmaid’s Tale of Protest”, in The New York Times, 30 juin 2017, consulté (...)
33Dans un premier temps, nous pouvons remarquer que cette iconographie est d’abord un outil médiatique. Ainsi, la presse l’utilise même quand les femmes n’y font pas référence. Le cosplay est ainsi devenu un visuel « choc », qui, à l’instar de la série, veut faire réagir sans formuler clairement de message. Inscrite dans une économie politique transnationale, cette diffusion de la culture populaire, véritable « migration des images48 », ne dépend pas tant de l’impact psychique qu’elles ont que de la globalisation des produits culturels49. Autrement dit, comme le montre l’exemple Équatorien, elle dépend moins d’appropriations culturelles locales que de la pénétration à chaque endroit du mode marchand de production et de consommation des produits médiatiques50. Pour l’ethnographe Jenny Gunnarsson Payne, les médias alternatifs jouent un rôle crucial dans la constitution négociation des intérêts politiques et des identités collectives51. Ceci interroge notamment la centralité du silence dans l’utilisation de l’iconographie de la série. Lors de la mobilisation de juin 2017 dans l’Ohio, contre l’interdiction d’une méthode d’avortement, la directrice exécutive de la coalition Elaina Ramsey confiait au New York Times : « Rester silencieuses au cours de cette audience en dit long sur la façon dont les femmes sont ignorées dans une conversation organisée par des hommes qui légifèrent sur le corps de ces femmes. » Elle ajoute : « Nous n’avons pas été défiées ni invitées à quitter l’audience. Mais d’une certaine manière, c’était très choquant d’être assises là en tant que participantes. Je me sentais vraiment invisible. Ils ont juste poursuivi la procédure52. » Partout, on l’a vu, la référence est accompagnée du silence des femmes, là où leur mobilisation devrait les faire entendre.
- 53 Damien Tissot, Féminisme et universalisme : vers une définition commune de la justice. Etudes su (...)
- 54 Reswan, « Du Bangladesh au Pakistan en passant par l’Amazonie, les femmes scandent le chant “Un (...)
34Au sein des mobilisations étudiées, la question des violences faites aux femmes directement par l’État semble bien être au cœur du message. Paradoxalement, plus leur mobilisation est rendue visible par une iconographie connue et identifiable, plus elles perdent en précision dans la spécificité de leur cause. C’est sans doute d’ailleurs ce qui fait le lien entre ces mobilisations et la série : en donnant peu de modes d’action, en en dénigrant certains, la superproduction de Hulu contribue également à brouiller les pistes. Un féminisme libéral, surprésent sur les réseaux sociaux, peut-il faire collectif, alors que d’autres, au contraire, refusent de s’identifier à ce produit commercial ? Une production culturelle mondialisée à fort audimat, même dystopique, peut-elle être réellement au service de la subversion des rapports sociaux de sexe ? Bien que cette contagion iconographique fasse émerger des perspectives pour « repenser les termes d’un cosmopolitisme féministe53 », il n’en reste pas moins que le support esthétique s’adresse à une partie restreinte de femmes, ayant accès à ce socle commun de références et qui possède des propriétés sociales proches de celles du personnage principal. Ainsi, quand bien même la mobilisation d’une rhétorique visuelle contemporaine par son caractère dystopique a permis l’intégration de nouvelles militantes au sein de ces mouvements féministes, elle a également contribué à invisibiliser les fractures sociales qui les traversent. Toutefois, le partage socialement situé de cette iconographie a également mis en avant le potentiel d’une mutualisation graphique de préoccupations partagées aux femmes qui participent à ces mouvements. L’appropriation collective de ce symbole reflète des inquiétudes communes bien plus que d’une idéologie collective. Que ce soit la dystopie comme crainte pour l’avenir ou comme dénonciation actualisée du passé, ces différents mouvements évoquent le potentiel mobilisateur d’un levier commun. Dans ce sens, nous pouvons mentionner le happening « Un violeur sur ton chemin » du collectif féministe chilien Las Tesis. Cette chorégraphie, proposant également des signes visuels distinctifs comme un bandeau noir sur les yeux, a plus largement dépassé les frontières, tout en gardant son fort message politique. En étant présenté comme un « cri de guerre féministe et mondial » reproduit et traduit « du Bangladesh au Pakistan en passant par l’Amazonie54. » Cette nouvelle forme de mobilisation montre que l’internationalisation des luttes féministes ne peut uniquement venir d’une peur pour l’avenir appartenant au féminisme libéral, mais prend plutôt sa source dans les voix des expériences, passées et présentes, d’oppression et domination communes.