Entre désenchantement et problématisation : le cyberpunk comme panorama d’un devenir dystopique du technocapitalisme ?
Résumés
Le cyberpunk a renouvelé et marqué la littérature de science-fiction des années 1980 avec un agencement de motifs empreints d’exubérance technologique (notamment tout ce qui touche au « cyber »), sur fond de néo-féodalisme économique et de décrépitude sociale (l’aspect « punk »). Si le critère pour définir une dystopie est la dégradation des conditions d’existence pour la grande majorité d’une population, les représentations du cyberpunk semblent largement y répondre. Une des forces apparentes de ce courant est d’avoir remis les évolutions et avancées technologiques dans des dynamiques socio-économiques de fond, celles d’un technocapitalisme en devenir, et d’en donner aussi à voir les contreparties potentielles sous la forme de pathologies sociales. Cette contribution prolongera ainsi l’idée selon laquelle la fiction, y compris dans sa version anticipatrice et spéculative, peut être considérée comme un laboratoire pouvant aider à la compréhension d’évolutions et tendances sociales. À partir d’un corpus principalement littéraire, il s’agira de mettre en relief les dimensions structurantes du cyberpunk pour sérier les éléments qui sont problématisés et montrer ce que les hypothèses ainsi déplacées temporellement vers un futur à coloration dystopique peuvent apporter à la pensée politique.
Plan
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- 1 Cf. Anna McFarlane, Lars Schmeink, Graham Murphy (eds), The Routledge Companion to Cyberpunk Cult (...)
- 2 Cf. Graham Murphy, Lars Schmeink (eds), Cyberpunk and Visual Culture, Oxon, Routledge, 2018.
- 3 « Introduction : The Sea Change(s) of Cyberpunk », in Graham J. Murphy and Sherryl Vint (eds), Be (...)
1Sous-genre de la science-fiction et mouvement littéraire, le cyberpunk a marqué les années 1980, mais a eu des résonances au-delà et en garde encore : culturellement1 et esthétiquement2, mais pas seulement. Avec le recul, ses sombres projections présentent en effet des correspondances troublantes avec des évolutions ou des tendances qui allaient devenir plus visibles ensuite, de l’omniprésente pénétration des technologies dans les existences et les environnements jusqu’à la transformation du monde en un vaste terrain de jeu global pour multinationales toujours plus expansives. Plutôt qu’une « défamiliarisation », qui serait le propre de la science-fiction, c’est cette espèce de glissement entre le futur proche anticipé et le présent que laissent par exemple entrevoir Graham J. Murphy et Sherryl Vint : « L’une des raisons peut-être pour lesquelles le cyberpunk semble si daté et paradoxalement si pertinent est que les hypothèses idéologiques du néolibéralisme sont devenues aussi omniprésentes que la technologie de l’information3. »
- 4 Préface, in William Gibson, Burning Chrome, New York, Harper Collins, 1986, p. xiv.
2Ce qui caractérise le courant cyberpunk, c’est un agencement de motifs marqués par l’exubérance technologique, informatique notamment, sur fond de néo-féodalisme économique et de décrépitude sociale. Ou, plus simplement, « une combinaison de vie des bas-fonds et de haute technologie » (« combination of lowlife and high tech ») pour reprendre les termes de Bruce Sterling4, auteur majeur du mouvement, à propos des premières œuvres de son compère William Gibson, fréquemment considéré comme le principal inspirateur de ce courant. Si le critère pour définir une dystopie est la dégradation des conditions d’existence pour la grande majorité d’une population, les représentations du cyberpunk semblent largement y répondre. La précarité est généralisée et tout paraît artificiel ; l’environnement, largement dégradé, ne semble plus avoir grand-chose de « naturel » et la moindre expérience semble devoir passer par une médiation technique, vécue le plus souvent sous le registre de la dépendance. Décalez dans le temps et rapprochez de notre présent, en ajoutant sous forme plus contemporaine une domination presque hégémonique des grandes firmes du numérique, des utilisations expansives des intelligences « artificielles », les connexions hypnotiques au virtuel, les désirs transhumanistes de transformation de l’humain (liste non exhaustive), et vous trouvez dans cet imaginaire un large ensemble d’ingrédients pouvant être assez facilement liés aux anxiétés qui participent au « moment dystopique » évoqué dans ce dossier.
- 5 Préface, in William Gibson, Gravé sur chrome, Paris, J’ai lu, 1990, p. 8.
- 6 Cf. Mike Davis, Beyond Blade Runner : Urban Control, The Ecology of Fear, Westfield, Open Media, (...)
- 7 Cf. Douglas Kellner, Media Culture : Cultural Studies, Identity and Politics Between the Modern a (...)
- 8 Cf. Roger Burrows, « Cyberpunk as Social Theory : William Gibson and the Sociological Imagination (...)
3Le cyberpunk absorbe un imaginaire déjà là, mais le retravaille et le restitue pour produire lui-même une nouvelle couche d’imaginaire (dans le domaine informatique typiquement). Avec toutefois une portée supplémentaire parfois revendiquée. Bruce Sterling le formulait ainsi, à propos des écrits de William Gibson : « Les extrapolations de Gibson révèlent, avec une clarté outrée, la masse cachée de l’iceberg du changement social5. » Dans un autre registre, des auteurs plus habitués à travailler dans le champ des sciences sociales (Mike Davis6, Douglas Kellner7, Roger Burrows8) ont aussi cherché à montrer le potentiel du cyberpunk comme forme de théorie sociale, dotée de capacités de préfiguration ou de dévoilement
4Comment donner à voir des processus abstraits ou, au moins, difficiles à (se) représenter ? Les mutations de la condition humaine dans des environnements hyper-technologiques, par exemple. Ou la déterritorialisation du capitalisme (et non plus seulement sa globalisation). Réponse possible : en métaphorisant ces processus, en leur donnant une figuration, quitte à les rendre encore plus anxiogènes. Déterritorialisation, car il s’agirait d’un (techno)capitalisme dont le rapport à l’espace physique se serait distendu, parce que son fonctionnement serait de plus en plus fait de flux (d’informations, de données…), dont une part ne paraît plus avoir de matérialité. À l’image presque de ce que les auteurs du courant cyberpunk avaient représenté en anticipant le recours aux intelligences artificielles, c’est même l’économie dans son ensemble qui semble cybernétisée et devenir post-humaine. Voire inhumaine…
- 9 Il a souvent été reproché au cyberpunk de reproduire une forme de privilège masculin (Voir par ex (...)
- 10 Sur ce type de perspective : Yannick Rumpala, « Ce que la science-fiction pourrait apporter à la (...)
5Plus qu’au désenchantement ainsi introduit, cette contribution s’intéresse aux questionnements que l’effet de contraste dystopique semble permettre d’amener dans et par les représentations et visions de ce groupe d’auteurs (en ajoutant notamment Pat Cadigan, George Alec Effinger, Rudy Rucker, Lewis Shiner, John Shirley, Michael Swanwick, Walter Jon Williams)9. Une bonne part paraît en effet entrer en résonance avec des formes de réflexions relevant de la théorie politique10, typiquement s’agissant des redistributions ou reconfigurations des formes de pouvoir et de domination. Si certains éléments (motifs, thèmes, etc.) tendent à donner une tournure dystopique aux récits et descriptions, en quoi celle-ci peut-elle alors aussi fonctionner comme un mode de problématisation ? Quelles trajectoires d’évolution sont accentuées et quels effets de perspective résultent de leur conjonction ?
- 11 À la manière également de Fredric Jameson lorsqu’il ambitionne aussi de montrer la « valeur épist (...)
- 12 Cf. Yannick Rumpala, « Littérature à potentiel heuristique pour temps incertains : la science-fic (...)
6Cette contribution prolongera ainsi l’idée selon laquelle la fiction, y compris dans sa version anticipatrice et spéculative, peut être considérée comme un laboratoire11 dont les expériences de pensée sont autant de dispositifs heuristiques pour aider à réfléchir sur certaines évolutions et tendances sociales12, et celles figurées dans le cyberpunk offrent typiquement ce genre de prises, sans être donc réductibles à des formes d’anxiétés collectives absorbées dans l’imaginaire. Nous nous appuierons sur un corpus des principales œuvres du genre et de leur paratexte, notamment donc la production des auteurs mentionnés plus haut. En sériant et spécifiant les évolutions problématisées sous forme fictionnelle, nous étudierons ce que les dimensions structurantes du cyberpunk esquissent comme trajectoires dystopiques et, de manière latente, comme questionnements. Utiles à la pensée politique, ces derniers peuvent l’être en poussant plus loin hypothèses et horizons temporels, en l’occurrence sur quatre dimensions significatives : les contreparties des mutations technologiques, la domination totale des structures et organisations économiques capitalistes, les formes déshumanisantes et incapacitantes de subjectivation engendrées dans ces contextes, et la fermeture politique tendanciellement induite.
Une dystopie high tech ?
7En rendant accessibles des puissances computationnelles, des masses d’informations, des interconnexions multiples, etc., les technologies informatiques et numériques, dans le sillage de leurs développements, et comme d’autres avant elles, pouvaient difficilement rester sans susciter des questionnements, et même des inquiétudes, quant aux possibilités ouvertes, aux effets sociaux, aux détournements ou dérives. Les promesses n’ont pas effacé une face plus sombre qui, de fait, est réapparue sous les atours de l’imaginaire.
- 13 Neuromancer, New York, Ace Books, 1984, Paris, J’ai Lu, nouvelle édition, 2001.
- 14 Count Zero, London, Gollancz, 1986, Paris, La Découverte, 1986.
- 15 Mona Lisa Overdrive, London, Gollancz, 1988, Paris, J’ai lu, 1990.
- 16 Le seul roman de la série traduit en français : Paris, Opta, 1986 (Software, New York, Ace Books, 1 (...)
8Le cyberpunk décrit une technosphère qui aurait continué à s’étendre, et jusque dans l’intimité des existences et des corps, dotés de prothèses, d’implants, de prises, de câblages cérébraux, etc. Il laisse l’impression d’une inévitabilité quant à la colonisation des environnements quotidiens par les cybertechnologies. Dans ces mondes, tout paraît désormais interconnectable et interconnecté : non seulement les ordinateurs entre eux, mais aussi les humains aux machines, les cerveaux avec le cyberespace, les artefacts entre eux, etc. Il ne paraît plus possible pour les humains d’envisager leur existence en dehors de médiations informatiques. Les auteurs du cyberpunk ont ainsi découvert comme un large champ où explorer l’extension des possibilités de simulation, de virtualisation, mais aussi de surveillance, de hacking… Ce sont les pièces de base d’œuvres comme celles de William Gibson, notamment dans sa « Sprawl Trilogy » (Neuromancien13, Comte zéro14, Mona Lisa s’éclate15), de Rudy Rucker avec sa « Ware Tetralogy » (Software16, Wetware, Freeware, Realware) et de Pat Cadigan.
9Dans ce que restituent les descriptions, c’est aussi la nature de l’humanité qui paraît avoir changé du fait de l’enserrement dans ces nouvelles médiations technologiques, jusqu’à la cyborgisation qui rend même difficile de trouver une séparation tranchée avec ce qui relevait auparavant de l’artefact extérieur. Ce qui est métaphorisé dans ces récits, c’est aussi une hybridation plus large, non seulement à l’échelle des individus et de leur corps, mais touchant l’ensemble du système socio-économique par une pénétration technologique de plus en plus diffuse. Dans ce qui ne devait être que des fictions, les sociétés du cyberpunk, à l’image typiquement de celle de Neuromancien et de ses suites, avaient commencé à tester les possibilités de déploiement maximal d’une forme de capitalisme assise sur une cybernétisation généralisée. Ce laboratoire d’un technocapitalisme, en expérimentant des conditions particulières, donne à observer les rapports sociaux qui sont produits lorsque toutes les existences passent par des artefacts auxquels elles deviennent soumises tout en en perdant la maîtrise (comme les produits et matériels hypersophistiqués d’Ono-Sendai et d’Hosaka utilisés dans Neuromancien pour accéder à la « matrice »). Dans l’intertextualité de la science-fiction, un des apports majeurs du cyberpunk a été de souligner comment des évolutions techniques encore à venir risquaient de réfracter inégalités sociales et logiques de domination. Le cyberpunk montre à quels types de résultats peuvent aboutir des accès différenciés aux technologies (informatiques / numériques, médicales, etc.) et comment ils peuvent contribuer à stratifier les conditions sociales (la performance technique est onéreuse), à favoriser certaines formes d’exploitation, d’aliénation...
10Mais cet imaginaire ne porte pas une vision monolithique de la technologie. Les ressources que cette dernière offre révèlent la possibilité de nouvelles formes d’assujettissement, mais aussi de débordement et de détournement. Une partie de ces technologies (clonage, intelligence artificielle, améliorations corporelles, etc.) se déploie dans les frontières grises entre légalité et illégalité, et même souvent au-delà de toute considération morale. Le cyberpunk laisse imaginer que les possibilités techniques puissent être appropriées de manières variées, et parfois à l’encontre des intentions de leurs concepteurs. La figure du pirate informatique en est une représentation archétypale : comme le « console cowboy » mis en scène chez William Gibson, spécialement celui dont les talents en feront la pièce centrale de l’équipée suivie dans Neuromancien. Hélène Taillefer le formulait ainsi :
- 17 Hélène Taillefer, « L’utopie moderne ou le rêve devenu cauchemar. Portrait de la transformation d (...)
« Moins dogmatique que la dystopie classique, le cyberpunk ne répond pas à la question de façon tranchée. Là se trouve toute son ambivalence : le protagoniste cyberpunk vit dans un monde détestable, qu’un développement technique indiscerné a contribué à créer, mais, comme il est incapable de modifier ce monde, il choisit de s’approprier la technologie qui l’aliène et d’y projeter son salut. La dystopie classique dépeignait la révolte de l’être aliéné ; le cyberpunk met en scène une insubordination qui, pour s’articuler, passe par une nouvelle forme de servitude17. »
11La force évocatrice du cyberpunk est de ne pas seulement décrire un état d’avancement de la technologie, mais aussi de montrer dans quelle mesure et comment il est couplé avec certaines orientations du système économique, ou un certain stade du capitalisme pour le dire avec un autre vocabulaire. Les convergences technologiques ne résultent pas du hasard ; elles sont le produit de conjonctions d’intérêts que le décalage fictionnel peut révéler d’une autre manière. Les firmes qui cherchent à développer des « intelligences artificielles », comme Tessier-Ashpool dans Neuromancien, en ont une vision qui a peu à voir avec le bien-être collectif : elle est essentiellement utilitaire. Ce qui n’empêchera pas ces dernières de chercher leur autonomie…
- 18 E. M. Forster, La Machine s’arrête, Vierzon, le pas decôté, 2014 (The Machine Stops, 1909).
12Plutôt techniciste, mais socialement ancrée, la vision que donnent les productions du cyberpunk est clairement sorti de l’imaginaire progressiste. Ou si « progrès » il y a, ses retombées ne bénéficient pas à l’ensemble de la collectivité. Au surplus, l’imaginaire informatique ayant changé, ce qui est esquissé n’est plus l’horizon dystopique d’un contrôle machinique total et centralisé, typiquement par une espèce de super-ordinateur, comme dans la nouvelle « The Machine Stops » d’E. M. Forster18 ou d’autres fictions ensuite sur un schéma similaire. Chez des auteurs comme William Gibson, ces machines évoluées semblent avoir une présence plus immanente, qui ne peut non plus relever d’une maîtrise définitive. À l’aune du cyberpunk, croire que les intelligences artificielles vont rester dans la technosphère, comme de simples outils, devient d’une grande naïveté : l’anticipation proposée fait déjà comme si elles étaient destinées à prendre leur autonomie, ou au moins à mener des existences propres, difficiles à appréhender avec des critères humains.
- 19 Le postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif, op. cit.
13L’esthétique cyberpunk, avec ses cadres densément urbanisés et surtout son exubérance hypertechnologique, accentue encore davantage le tropisme vers l’artificialité. Si, avec Fredric Jameson, on peut rapprocher ce type de vision fictionnelle avec le cadre culturel de l’époque postmoderne, c’est qu’en effet, dans les deux cas, la technologie y a tendanciellement remplacé la nature19. Le cyberpunk métaphorise l’éloignement croissant de l’humanité avec la nature interne (celle des corps) et la nature externe (celle des écosystèmes et milieux vivants). Tout se passe comme s’il n’y avait plus de « nature », tellement ce qui pouvait en tenir lieu a été transformé. D’une certaine manière, s’il y a un poids croissant de la technosphère dans le devenir écologique et géologique de la planète, le cyberpunk anticipait non pas un anthropocène, mais un cyborgcène.
Une dystopie ultracapitaliste ?
- 20 Cf. La société en réseaux, tome 1 : L’ère de l’information, Paris, Fayard, 1998.
- 21 Hardwired, San Francisco, Night Shades Books, 1986, Paris, Denoël, 1999.
14Le cyberpunk laissait entrevoir la possibilité d’un capitalisme capable d’accumuler des profits tout en étant dans un espace et un rapport éloignés de la matérialité et du monde physique, un « espace des flux » plutôt qu’un « espace des lieux » pour parler comme Manuel Castells dans la décennie qui suivra20. Les forces de ce capitalisme ne sont plus humaines. Elles l’ont amené vers une topographie de plus en plus déterritorialisée, où des firmes géantes (à l’apparence d’ailleurs d’autant plus inquiétante, voire monstrueuse, qu’on sait souvent peu de choses de leur fonctionnement) semblent pouvoir satisfaire leur penchant avide et prédateur sans avoir besoin de rester dans des territoires particuliers. Et même sans craindre de partir plus loin, comme dans Câblé de Walter Jon Williams21, où les conglomérats poussent le processus jusqu’à trouver plus commode de déplacer leur appareil de production en orbite terrestre. Les plus aisés, en aspirant à dépasser leurs limites existentielles par toutes les pratiques accessibles (clonage, transfert de conscience sur support informatique, changement de corps, etc.), se sont écartés de l’humanité et apparaissent davantage comme des « post-humains » ayant cherché égoïstement leur propre mutation.
- 22 Cf. Gregory Claeys, Dystopia : A Natural History, Oxford, Oxford University Press, 2017.
- 23 Cf. Ben Murnane, Ayn Rand and the Posthuman : The Mind-Made Future, Cham, Palgrave Macmillan, 201 (...)
15Les œuvres culturelles sont souvent le reflet d’un moment historique spécifique et, comme une condensation des angoisses, cela vaut a fortiori pour celles aux tonalités contre-utopiques22. Comme le fait remarquer et l’analyse Ben Murnane, les fictions classiques du cyberpunk n’existeraient pas sans un précurseur, un capitalisme avancé dont la tournure pouvait ressembler à une transposition de la pensée de la romancière et philosophe Ayn Rand. Dans le contexte où ces fictions émergent, celui des années 1980, il pouvait y avoir l’impression qu’à l’intérieur des cercles du pouvoir américain, étaient puissamment à l’œuvre les positions de cette théoricienne d’un individualisme forcené et d’un refus de toute interférence gouvernementale dans le marché23. Dans le monde typique du cyberpunk, son utopie égoïste, en un sens, a gagné (mais elle-même aurait-elle eu envie d’y vivre ?).
16Il faut ajouter une autre dimension essentielle, plus spéculative : les productions du cyberpunk ont fortement contribué à tramer des récits intégrant ensemble intelligences artificielles et transformations du capitalisme, les liant par l’anticipation narrative dans un destin commun. Elles ont tendu à représenter ces machines intelligentes comme des forces de transformation à part entière, mettant les puissances économiques dans une forme d’alliance inédite. De manière symptomatique dans Neuromancien, une des rares interventions régaliennes qui semblent subsister est celle d’une unité policière spécialisée dans la surveillance de ces formes artificielles d’intelligence, la « police de Turing » : comme s’il y avait une menace radicale et qu’il ne fallait pas laisser s’échapper des forces susceptibles de devenir incontrôlables… Les humains ne sont alors plus les serviteurs d’une seule machine abstraite, celle d’un système économique poussant à l’accumulation infinie ; ils le sont aussi d’un autre type de machine abstraite, celle d’une création cybernétique dont ils peuvent à peine s’imaginer comment elle s’articule à la première.
Déshumanisation 2.0 et nouvelles aliénations ?
- 24 Par comparaison, voir Niculae Liviu Gheran, « The Monster Factory : Monsterisation of Characters (...)
17Le cyberpunk n’est pas dans une interrogation sur la place de l’Homme dans l’univers, comme peuvent facilement y inciter les explorations des space operas. Ce sont davantage des conditions d’existence individuelle et sociale qui semblent en ligne de mire, et en laissant de surcroît entrevoir comme horizon dystopique celui d’une déshumanisation. Cette déshumanisation de l’individu n’est toutefois pas associée, comme dans des dystopies antérieures, à des régimes totalitaires dont elle serait la résultante24. Elle est d’un autre type.
18Avec une dérégulation économique totale et une précarisation généralisée comme conséquence, c’est la qualité d’être humain libre et digne qui paraît profondément affectée pour une très grande majorité de la population. Dans ce futur, le pouvoir a des appuis et des expressions qui ont changé. Il a été absorbé par des firmes de plus en plus grosses qui paraissent être devenues des entités à la fois tentaculaires et inatteignables, capables en outre de se protéger avec leurs propres armées privées. D’où cette difficulté apparente, de surcroît pour des masses d’individus atomisées, à ressentir autre chose qu’un sentiment d’impuissance et à dégager des forces pour agir au-delà des préoccupations du quotidien.
- 25 « Johnny Mnemonic », in William Gibson, Gravé sur chrome, Paris, J’ai lu, 1990 (Burning Chrome, N (...)
19En décrivant des individus ballotés dans des mondes (ultra)technicisés, le cyberpunk est aussi une esthétique de l’aliénation 2.0, à la manière éminemment symbolique de Johnny Mnemonic, le coursier dont les implants cérébraux sont loués pour transporter des paquets de données dont il ne saura jamais rien25. Les protagonistes avancent comme brimbalés dans les récits tout en ne semblant pas avoir conscience de leur condition. Si ce trait n’est pas spécifique au cyberpunk, ce courant l’accentue en tout cas fortement. Jusque dans l’ambiance traduite dans les décors, l’immensité des villes et leur inhospitalité diffuse ajoutent comme un rappel récurrent de ce monde qui les dépasse et où les changements techniques et culturels paraissent difficiles à suivre tellement ils sont rapides.
- 26 Cf. Tom Moylan, « Global Economy, Local Texts : Utopian/Dystopian Tension in William Gibson’s Cyb (...)
- 27 Cf. Zygmunt Bauman, Liquid Modernity, Cambridge, Polity, 2000.
20Les capacités que semblent offrir une société ayant accru son niveau de développement technologique n’empêchent pas qu’elles soient accompagnées d’autres formes de dépossession. Pour Tom Moylan, familier des utopies et dystopies en science-fiction, la fiction de William Gibson produit de la résignation plutôt que de la subversion et il est difficile d’y trouver des figures d’opposition26. Comme pour le casse virtuel monté dans Neuromancien, les personnages ne sont pas sûrs de comprendre ce à quoi ils participent, que ce soit leur mission ou le monde qui les entoure. Leur futur ressemble à une accentuation de notre époque historique qu’un sociologue comme Zygmunt Bauman avait essayé de saisir en parlant d’une » modernité liquide », marquée par la dissolution des repères stables27. L’individu n’est plus un sujet qui agit parce qu’il a une compréhension de ce qui fait son monde. Au mieux, il essaye de s’adapter. Au jour le jour, le plus souvent…
Disparition ou fin du politique ?
21Quel sens ont encore les idées de démocratie, de citoyenneté, de bien commun, dans ce type de sociétés ? Ces dernières en sont à un stade marquant la fin de la politique et sa dissolution dans le règne des logiques de domination les plus brutales. Il y a bel et bien eu une guerre de classes et elle a été gagnée par celle qui possède les richesses. Les visions du cyberpunk se déploient comme si, dans ces sociétés futures, le résultat était inévitable et ne pouvait mener qu’à une séparation sociale encore plus exacerbée…
22En apparence, le type de monde décrit est donc un monde post-politique, car il n’y a plus d’espace de discussion public et même politique (même s’il peut rester des luttes de pouvoir au sein des conglomérats). Aucun groupe ne semble porter un quelconque grand projet collectif au service d’un intérêt général. À force d’érosion du lien social, il ne semble rester que des stratégies individuelles, que les récits permettent de suivre pour certaines en montrant comment elles peuvent parfois entrer en friction avec les nouvelles forces dominantes, comme Cowboy, le pilote de « panzer » de Câblé, lorsqu’il se rendra compte qu’il met sa vie en danger pour en définitive n’être qu’un pion manipulé dans les trafics organisés par les Orbitaux. Mais les tentatives de ce type n’iront jamais jusqu’au point de s’agréger pour pouvoir mettre à bas ces forces inaccessibles… Quels résultats au mieux escompter de tentatives de piratage de systèmes informatiques, par exemple ?
- 28 Riverdale, Baen, 1984.
23Quand la contrainte, à cause de conditions multiplement difficiles, est de penser en permanence à assurer sa survie, il reste évidemment peu de disponibilité pour s’engager dans des combats plus politiques. L’apathie générale paraît aussi pouvoir être entretenue par d’autres voies : dans Frontera, roman de Lewis Shiner2828 où une large partie de la population est sans emploi, celle-ci est assagie par une « pension » que les grandes firmes ont préféré collectivement concéder par la collecte de ce qui ressemble à une taxe de prévention des émeutes (« riot prevention tax »).
- 29 Cf. Ana Teixeira Pinto, « Capitalism with a Transhuman Face. The Afterlife of Fascism and the Dig (...)
- 30 Voir par exemple Rémi Durand, L’évangélisme technologique. De la révolte hippie au capitalisme hi (...)
24Si l’on prend les mondes du cyberpunk comme les résultats de (non-)choix et de processus antérieurs, une autre question de société fondamentale est même activée : faut-il laisser les développements technologiques trop loin des débats publics et démocratiques ? Ces mises en scène fictives amènent à penser qu’une telle négligence ferait courir le risque de voir ces enjeux orientés par des forces elles-mêmes peu démocratiques et au service d’intérêts guère soucieux de l’intérêt général. Si ce genre de question revient vers le présent, c’est aussi parce que, dans certains milieux proches de la Silicon Valley, on a vu se développer une pensée néo-réactionnaire, portée depuis les années 2000 par des communautés notamment actives sur Internet, soutenue par des entrepreneurs influents et acclimatant les nouvelles technologies dans la réhabilitation d’un féodalisme et d’un monarchisme restaurés29. Les productions du cyberpunk faisaient déjà comme si les tentations hégémoniques des firmes allaient être encore plus présentes dans un capitalisme alimenté par les hautes technologies, intégrant ainsi par avance des inquiétudes qui viendront également plus tard30.
- 31 Cf. La condition postmoderne, Paris, Éditions de Minuit, 1979.
25De manière métaphorique, le cyberpunk dénie l’automaticité d’un lien entre avancées techniques et amélioration des conditions d’existence humaine. Avec les termes de Jean-François Lyotard, on peut dire qu’il est postmoderne en ce qu’il entérine la fin du grand récit du Progrès31 (et donc que ce qualificatif vaut au-delà de son esthétique ou de ses constructions narratives). Et ce, même lorsque machines intelligentes et environnements cybernétisés sont mis en scène : là aussi, voire encore plus, il est possible de sentir des formes d’interrogations sur ce qu’il reste de capacités d’action pour les humains, a fortiori dans un registre politique. Si des intelligences artificielles, même bridées, comme les deux créées par Tessier-Ashpool dans Neuromancien, apparaissent capables d’influencer et d’orienter les comportements de certains individus à leur insu, quelles pourraient être ensuite leurs ambitions ?
- 32 Cf. Douglas Kellner, Media Culture : Cultural Studies, Identity and Politics Between the Modern a (...)
- 33 Neuromancien, op. cit., p. 72.
- 34 Neuromancien, op. cit., p. 85.
26Avec la forte présence des figures du hacker et du mercenaire, le cyberpunk contribue de surcroît à atomiser et singulariser la représentation des possibilités de résistance, comme si celle-ci ne pouvait être qu’individuelle. En ce sens, l’imaginaire produit est aussi un symptôme de l’époque et de la dissolution des solidarités dans un néolibéralisme et un individualisme diffus. Pour Douglas Kellner, William Gibson, en conservant une importance à la souveraineté individuelle, reste de ce point de vue très américain32. N’apparaissent le plus souvent que des formes isolées de dissidence, qui ne trouvent donc pas de débouchés pour une rébellion plus collective. Les récits, avec leurs personnages souvent sans idéaux, se déroulent sans laisser de place à des mouvements politisés qui puissent engendrer une résistance structurée. Ce sont davantage des poches de contre-culture qui subsistent ou éclosent ici ou là. Dans Neuromancien, les « Panthers modernes », qui vont servir d’aide ponctuelle à Case (et son équipe) sont décrits comme « des mercenaires, des rigolos, des technofétichistes nihilistes33. » Et ils ne semblent pas prétendre à plus : « Le chaos […]. C’est notre mode, notre méthode. Notre truc de base34. »
- 35 Ou, si l’on pousse plus loin à la manière de Frédéric Claisse et Pierre Delvenne à partir de dyst (...)
27Avec le cyberpunk, la dystopie ou la contre-utopie n’est pas engendrée par la recherche d’une quelconque utopie : ce n’est pas une aspiration utopique qui aurait mal tourné. Si les visions du cyberpunk sont prises comme des dystopies, l’étincelle d’émancipation ne sera pas à trouver à l’intérieur, dans le contenu des récits, mais par l’extérieur, de manière réactive, devant l’image fonctionnant comme un repoussoir incitant à éviter ce type de trajectoire35.
- 36 Cf. Raffaella Baccolini and Tom Moylan (eds), Dark Horizons : Science Fiction and the Dystopian I (...)
28Tom Moylan avait proposé la notion de « dystopie critique » pour ces récits dystopiques qui laissent entrevoir une lueur d’espérance dans certains arrière-plans ou replis des mondes funestes de la science-fiction36. Difficile toutefois de trouver un horizon d’espoir dans le cyberpunk. Si, dans les sociétés qui y sont décrites, il y a quelque chose à attendre du futur, ce n’est pas vraiment une amélioration de l’existence humaine. Même les plus aisés restent pris dans des incertitudes susceptibles de fragiliser plus ou moins temporairement leur sort (certes avec une probabilité plus faible).
- 37 Cf. Tom Moylan, Demand the Impossible : Science Fiction and the Utopian Imagination, New York, Me (...)
29Le cyberpunk est une sortie de la ligne prométhéenne qui avait pu marquer une large partie de la science-fiction des décennies précédentes. Son désenchantement latent vient annihiler les esquisses de restauration utopique, fussent-elles critiques, que le genre avait accueillies dans les années 1970 (avec des auteurs comme Joanna Russ, Marge Percy, Ursula K. Le Guin, Samuel R. Delany, etc.)37. Il questionne ce qu’il reste de liberté pour les individus. Mais pas sur le mode des classiques dystopies totalitaires. L’origine de la contrainte est plus diffuse, moins centralisée, en tout cas plus difficilement assignable à un bloc unique. Comme en écho, les œuvres du genre laissent souvent affleurer une tonalité paranoïaque : l’action dans les récits apparaît souvent dépendante de manipulations et machinations en arrière-plan (et, de manière peut-être encore plus inquiétante, celles non-humaines d’intelligences artificielles dans Neuromancien).
- 38 Darko Suvin, « On Gibson and Cyberpunk SF », Foundation, n° 46, Autumn 1989, p. 40-51. Repris dan (...)
- 39 « Cyberpunk and Neuromanticism », in Larry McCaffery (ed.), Storming the Reality Studio : A Caseb (...)
30Darko Suvin avait précocement fait remarquer que le cyberpunk avait peut-être moins à voir avec le futur qu’avec un présent semblant s’accélérer38. De fait, les auteurs du genre ont tendu à le présenter et à en faire une « forme paradoxale de réalisme », pour reprendre les termes d’Istvan Csicsery-Ronay, Jr39. C’est ce qui peut le rendre à la fois daté et terriblement actuel. Ou, pour le dire avec les mots et arguments d’Elana Gomel :
- 40 Elana Gomel, « The Cyberworld is (Not) Flat : Cyberpunk and Globalization », in Brian McHale, Len (...)
« La poétique du cyberpunk transcende les limites étroites de sa signification historique. Son importance réside dans la création d’un vocabulaire narratif pour le monde globalisé, multinational, interconnecté et « câblé ». Même s’il n’existe plus en tant que sous-genre distinct, sa défaite est paradoxalement sa victoire. L’espace qu’il a imaginé est celui que nous habitons aujourd’hui40. »
31Le cyberpunk est venu comme une transposition d’un contexte particulier dans l’imaginaire, le contexte des années 1980 qui lui ont servi de matrice et qui ont vu l’enclenchement d’un ensemble de reconfiguration s idéologiques, économiques, technologiques, etc. Quelques décennies ont passé et c’est comme si se rapprochait le moment où la boucle allait finir par être bouclée. Christian Godin faisait remarquer que la contre-utopie peut avoir ce type de destin :
- 41 Christian Godin, « Sens de la contre-utopie », Cités, 2010/2 (n° 42), p. 65-66.
« Puisque la contre-utopie inverse l’utopie qui elle-même était une inversion du monde réel, elle devrait comme inversion de l’inversion retrouver les termes mêmes du monde réel. Et c’est bien ainsi qu’elle se donne à lire et à comprendre. Ce lointain est déjà tout proche, ce futur hypothétique est en un sens déjà notre présent41. »
Conclusion
- 42 Modern Dystopian Fiction and Political Thought : Narratives of World Politics, Oxon, Routledge, 2 (...)
32À propos des fictions dystopiques de la première moitié du XXe siècle, Adam Stock42 montrait l’espace qu’elles ont offert à leurs auteurs pour se confronter et en quelque sorte dialoguer avec la pensée politique de leur époque et d’auparavant, tout en adoptant un registre susceptible de trouver une audience. On peut considérer qu’il y a encore de cela dans le cyberpunk.
33Vu de loin, le cyberpunk paraît rejoindre ces nombreuses dystopies où l’individualité humaine semble avoir perdu toute valeur. Il explore toutefois un registre qui n’est plus celui des dystopies totalitaires et fait intervenir d’autres forces sociales que celles de gouvernements dictatoriaux ou d’appareils bureaucratiques répressifs. Plus qu’au réassemblage de composantes dystopiques, l’originalité tient au développement d’éléments relativement neufs et à l’absorption de possibles nouvelles anxiétés dans l’imaginaire fictionnel. Les personnages y traversent des environnements à la fois hypertechnologiques et déglingués, et l’on devine qu’ils partagent avec la majorité de la population une vulnérabilité devenue systémique. Les intérêts économiques ne craignent plus de s’exposer dans toute leur brutalité. Dans ces mondes, une large partie de la société paraît sous la coupe de firmes géantes devenues surpuissantes en ayant réussi à contourner ou désarmer les lois antitrust.
- 43 Sur l’inconscient énergétique présent dans Neuromancien, voir aussi Brent Ryan Bellamy, « Neuroma (...)
34S’il y a des degrés dans les dystopies, il est certes possible de relativiser celles du cyberpunk en concédant qu’elles auraient pu être poussées quelques crans plus loin. Dans ces mondes, il semble en effet rester des ressources énergétiques relativement abondantes pour faire fonctionner les omniprésentes infrastructures techniques et informatiques, pour lesquelles l’expérience dans les années récentes a montré qu’elles pouvaient être extrêmement consommatrices et de manière presque exponentielle43.
- 44 « I’ve always been taken aback by the assumption that my vision is fundamentally dystopian. I sus (...)
35La question, de toute manière, n’est pas celle de la capacité de ces fictions dystopiques à prédire des réalités futures. La lecture prend-elle le même sens dans les années 1980, 1990, 2000, etc. ? Comme l’a rappelé d’ailleurs plusieurs fois William Gibson lui-même, la dystopie est quelque chose de relatif : « J’ai toujours été déconcerté par l’hypothèse selon laquelle ma vision était fondamentalement dystopique. Je soupçonne que les gens qui disent que je suis dystopique doivent mener une vie complètement protégée et chanceuse. Le monde est rempli d’endroits bien plus désagréables que mes inventions, des endroits où les habitants de la Conurb considéreraient comme une punition d’y être réinstallés, et beaucoup de ces endroits semblent empirer régulièrement44. » Pas sûr qu’il ait rassuré tout le monde…
Notes
1 Cf. Anna McFarlane, Lars Schmeink, Graham Murphy (eds), The Routledge Companion to Cyberpunk Culture, London, Routledge, 2019.
2 Cf. Graham Murphy, Lars Schmeink (eds), Cyberpunk and Visual Culture, Oxon, Routledge, 2018.
3 « Introduction : The Sea Change(s) of Cyberpunk », in Graham J. Murphy and Sherryl Vint (eds), Beyond Cyberpunk : New Critical Perspectives, New York, Routledge, 2010, p. xvii (« Perhaps one of the reasons cyberpunk seems both so dated and yet paradoxically so relevant is that the ideological assumptions of neoliberalism have become as ubiquitous as information technology »).
4 Préface, in William Gibson, Burning Chrome, New York, Harper Collins, 1986, p. xiv.
5 Préface, in William Gibson, Gravé sur chrome, Paris, J’ai lu, 1990, p. 8.
6 Cf. Mike Davis, Beyond Blade Runner : Urban Control, The Ecology of Fear, Westfield, Open Media, 1992.
7 Cf. Douglas Kellner, Media Culture : Cultural Studies, Identity and Politics Between the Modern and the Post-modern, London, Routledge, 2003 (1995).
8 Cf. Roger Burrows, « Cyberpunk as Social Theory : William Gibson and the Sociological Imagination », in Sallie Westwood and John Williams (eds), Imagining Cities : Scripts, Signs, Memory, London, Routledge, 1997.
9 Il a souvent été reproché au cyberpunk de reproduire une forme de privilège masculin (Voir par exemple Nicola Nixon, « Cyberpunk : Preparing the Ground for Revolution or Keeping the Boys Satisfied ? », Science Fiction Studies, vol. 19, n° 2, July 1992, p. 219-235). De fait, c’est un sous-genre dont les principales figures mises en avant, autant du côté des auteurs que des personnages, ont été très majoritairement des hommes. L’œuvre de Pat Cadigan, une des rares femmes de ce courant, marque une sensibilité différente, paraissant plus attentive aux problématiques de genre et d’altérité sexuelle.
10 Sur ce type de perspective : Yannick Rumpala, « Ce que la science-fiction pourrait apporter à la pensée politique », Raisons politiques, n° 40, novembre 2010, p. 97-113. Sur les dystopies plus précisément : Shauna L. Shames, Amy L. Atchison, Survive and Resist : The Definitive Guide to Dystopian Politics, New York, Columbia University Press, 2019.
11 À la manière également de Fredric Jameson lorsqu’il ambitionne aussi de montrer la « valeur épistémologique » des écrits de William Gibson : « […] le cyberpunk constitue une espèce d’expérience de laboratoire où sont enregistrés le spectre lumineux et les largeurs de bande géographico-culturels du nouveau système » (Penser avec la science-fiction, Paris, Max Milo, 2008, p. 187).
12 Cf. Yannick Rumpala, « Littérature à potentiel heuristique pour temps incertains : la science-fiction comme support de réflexion et de production de connaissances », Methodos. Savoirs et textes, n° 15, 2015. URL : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/methodos/4178
13 Neuromancer, New York, Ace Books, 1984, Paris, J’ai Lu, nouvelle édition, 2001.
14 Count Zero, London, Gollancz, 1986, Paris, La Découverte, 1986.
15 Mona Lisa Overdrive, London, Gollancz, 1988, Paris, J’ai lu, 1990.
16 Le seul roman de la série traduit en français : Paris, Opta, 1986 (Software, New York, Ace Books, 1982).
17 Hélène Taillefer, « L’utopie moderne ou le rêve devenu cauchemar. Portrait de la transformation d’un genre », Postures, n° 9, 2007. http://revuepostures.com/fr/articles/taillefer-9
18 E. M. Forster, La Machine s’arrête, Vierzon, le pas decôté, 2014 (The Machine Stops, 1909).
19 Le postmodernisme ou la logique culturelle du capitalisme tardif, op. cit.
20 Cf. La société en réseaux, tome 1 : L’ère de l’information, Paris, Fayard, 1998.
21 Hardwired, San Francisco, Night Shades Books, 1986, Paris, Denoël, 1999.
22 Cf. Gregory Claeys, Dystopia : A Natural History, Oxford, Oxford University Press, 2017.
23 Cf. Ben Murnane, Ayn Rand and the Posthuman : The Mind-Made Future, Cham, Palgrave Macmillan, 2018, notamment le chapitre « Rand Noir vs. Rand Incorporated », p. 93-131.
24 Par comparaison, voir Niculae Liviu Gheran, « The Monster Factory : Monsterisation of Characters in Dystopias », in Elizabeth Hollis Berry (ed.), The Pathogenesis of Fear : Mapping the Margins of Monstrosity, Leiden, Brill / Rodopi, 2019, p. 46–58.
25 « Johnny Mnemonic », in William Gibson, Gravé sur chrome, Paris, J’ai lu, 1990 (Burning Chrome, New York, Arbor House, 1986).
26 Cf. Tom Moylan, « Global Economy, Local Texts : Utopian/Dystopian Tension in William Gibson’s Cyberpunk Trilogy », in Graham J. Murphy and Sherryl Vint (eds), Beyond Cyberpunk : New Critical Perspectives, Oxon, Routledge, 2010.
27 Cf. Zygmunt Bauman, Liquid Modernity, Cambridge, Polity, 2000.
28 Riverdale, Baen, 1984.
29 Cf. Ana Teixeira Pinto, « Capitalism with a Transhuman Face. The Afterlife of Fascism and the Digital Frontier », Third Text, vol. 33, n° 3, 2019, p. 315-336.
30 Voir par exemple Rémi Durand, L’évangélisme technologique. De la révolte hippie au capitalisme high-tech de la Silicon Valley, Limoges, FYP éditions, 2018.
31 Cf. La condition postmoderne, Paris, Éditions de Minuit, 1979.
32 Cf. Douglas Kellner, Media Culture : Cultural Studies, Identity and Politics Between the Modern and the Post-modern, London, Routledge, 2003 (1995), p. 315-316.
33 Neuromancien, op. cit., p. 72.
34 Neuromancien, op. cit., p. 85.
35 Ou, si l’on pousse plus loin à la manière de Frédéric Claisse et Pierre Delvenne à partir de dystopies plus classiques (1984 de George Orwell et Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley), lecteurs et lectrices pourraient peut-être y trouver des appuis ou des capacités pour avancer dans l’action. Cf., « Building on Anticipation : Dystopia as Empowerment », Current Sociology, vol. 63, n° 2, March 2015, p. 155–169.
36 Cf. Raffaella Baccolini and Tom Moylan (eds), Dark Horizons : Science Fiction and the Dystopian Imagination, New York, Routledge, 2013.
37 Cf. Tom Moylan, Demand the Impossible : Science Fiction and the Utopian Imagination, New York, Methuen, 1986.
38 Darko Suvin, « On Gibson and Cyberpunk SF », Foundation, n° 46, Autumn 1989, p. 40-51. Repris dans Larry McCaffery (ed.), Storming the Reality Studio : A Casebook of Cyberpunk and Postmodern Science Fiction, Durham, Duke University Press, 1991.
39 « Cyberpunk and Neuromanticism », in Larry McCaffery (ed.), Storming the Reality Studio : A Casebook of Cyberpunk and Postmodern Science Fiction, Duke University Press, 1991, p. 182.
40 Elana Gomel, « The Cyberworld is (Not) Flat : Cyberpunk and Globalization », in Brian McHale, Len Platt (eds), The Cambridge History of Postmodern Literature, Cambridge University Press, 2016.
41 Christian Godin, « Sens de la contre-utopie », Cités, 2010/2 (n° 42), p. 65-66.
42 Modern Dystopian Fiction and Political Thought : Narratives of World Politics, Oxon, Routledge, 2018.
43 Sur l’inconscient énergétique présent dans Neuromancien, voir aussi Brent Ryan Bellamy, « Neuromancer : The Cultural Logic of Late Fossil Capital ? », Open Library of Humanities, 5(1), 2019. URL : https://olh.openlibhums.org/articles/10.16995/olh.150/
44 « I’ve always been taken aback by the assumption that my vision is fundamentally dystopian. I suspect that the people who say I’m dystopian must be living completely sheltered and fortunate lives. The world is filled with much nastier places than my inventions, places that the denizens of the Sprawl would find it punishment to be relocated to, and a lot of those places seem to be steadily getting worse » (The Paris Review, n° 211, 2011).
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Yannick Rumpala, « Entre désenchantement et problématisation : le cyberpunk comme panorama d’un devenir dystopique du technocapitalisme ? », Quaderni, 102 | 2021, 25-38.
Référence électronique
Yannick Rumpala, « Entre désenchantement et problématisation : le cyberpunk comme panorama d’un devenir dystopique du technocapitalisme ? », Quaderni [En ligne], 102 | Hiver 2020-2021, mis en ligne le 05 janvier 2023, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/quaderni/1861 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/quaderni.1861
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