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AccueilNuméros99-100DossierLe désir technologique de Dieu

Résumés

Les références au sacré et à Dieu sont omniprésentes dans les discours sur les techniques. L’invocation du divin, de l’immortalité et de la transcendance est censée apporter un supplément d’âme à la prolifération des innovations technicistes. La Silicon Valley est portée par une « idéologie technico-mystique » héritière de la cybernétique et revivifiée par le New Age. L’anthropologie souligne le lien entre le symbolique et la techni­cité pour définir le rapport d’extériorité et d’objectiva­tion de l’homme au monde. Toutefois la technique ne peut pas symboliser, mais elle ne va pas sans récit, sans imaginaire et sans fictions. La technique est biface : fonctionnelle et fictionnelle. Si la technique ne peut symboliser, elle n’est donc pas « instituante » comme l’a montré Lucien Sfez. Elle ne peut instituer, mais l’institution entrepreneuriale qui la met en œuvre, elle, le peut. La technique est « instituée » par l’industrie.

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Texte intégral

  • 1 « Seul un dieu peut encore nous sauver ». Entre­tien de Martin Heidegger avec le Spiegel tenu le 23 (...)
  • 2 Martin Heidegger « La question de la technique » in Essais et Conférences. Paris, Gallimard, 1958.

1Dans une interview au Spiegel, en 1966, Heidegger1 disait une fois encore : « la technique moderne n’est pas un outil », et « elle n’a plus rien à voir avec les outils. » Son insistance était nécessaire car, ajoutait-il, « aussi longtemps que nous nous représentons la technique comme un instrument, nous restons pris dans la volonté de la maîtriser. Nous passons à côté de l’essence de la technique2. » Cette essence, c’est-à-dire la technicité, est selon Heidegger, « un mode de dévoilement » à la fois « pro-ducteur » qui fait advenir le non-présent à la présence, et « pro-vocateur » car il arraisonne (idée d’une maîtrise du réel) en mettant en demeure la nature « de livrer une énergie qui puisse comme telle être extraite et accumulée. » Le préfixe « pro » que l’on retrouve dans pro-grès (du latin pro-gredire) ou pro-jet (pro-jection), désigne une représen­tation de ce qui est devant, une promesse ou un possible. Est ainsi convoqué l’imaginaire du démiurge (de demos et ergon ou travail, œuvre), le créateur de mondes qui rend présente la chose absente, la figure occidentale du Dieu-homme ou de l’homme-Dieu, soit la figure christique qui incarne la dualité dans une seule et unique personne.

2Le Christ et saint Paul ont été ouvriers : la technique et la transcendance sont ficelées par le christianisme, en prolongement de la mythologie gréco-romaine. Hephaïstos le dieu du feu, de la forge et de la métallurgie, était ingénieur et mécanicien, créateur d’objets magiques dans son laboratoire, une caverne sous-marine (caverne devenue garage pour les techno-génies de la Silicon Valley). Prométhée, qui a dérobé le feu sacré pour en faire don aux humains, leur enseigne la métallurgie et d’autres arts appris auprès d’Athéna.

  • 3 David F. Noble, The Religion of technology. The di­vinity of man. The spirit of invention. Alfred A (...)
  • 4 Fabienne Pomel (dir.), L’imaginaire mécanique dans les textes médiévaux, Rennes, Presses Universita (...)
  • 5 « Il y a beaucoup de Jules Verne chez Bacon », dit Émile Bréhier, La philosophie du Moyen Âge, Pari (...)
  • 6 Lynn White, Technologie médiévale et transformations sociales, Paris, La Haye, Mouton et Cie, 1969, (...)

3Dans The Religion of Technology, David Noble soutient que l’expérience christique a fourni les bases théologiques de l’imaginaire technolo­gique. Il note que dans la Cité de Dieu de saint Augustin, les techniques et les arts sont présents et que la notion « d’art mécanique » apparaît chez le moine bénédictin irlandais Jean Scot Erigène au début du IXe siècle : « Les arts sont les liens des hommes avec le divin, les cultiver est un moyen pour leur salut3. » Une longue tradition va voir dans la technique une objectivation de la rédemption christique. À partir de « la pre­mière révolution industrielle » du XIIIe siècle, largement accomplie par les moines cisterciens, la mécanique et l’ingénierie prennent une dimension merveilleuse, voire magique4. Ainsi le francis­cain anglais Roger Bacon (v.1214-v.1294), a-t-il imaginé de nombreuses inventions à tel point qu’Émile Bréhier a pu voir en lui un précurseur de Jules Verne5. Quant à Nicole Oresme (v.1322-1382), ecclésiastique et mathématicien, évêque de Lisieux, c’est dans son œuvre que l’on trouve la première métaphore considérant le monde comme une horloge mécanique créée et mise en marche par un Dieu-ingénieur6. Cette image va traverser l’histoire de la philosophie et de l’ingénierie, notamment chez Leibniz. On pourrait poursuivre cet inventaire qui est devenu une véritable tradition en Occident. Notons qu’aux débuts de la grande industrialisation de l’Europe, en 1818, Mary Shelley sous-titre son roman Frankenstein, la figure diabolique de la grande industrie, « Le Prométhée moderne ».

La prolifération du sacré dans les « techno-discours7 »

  • 7 Dominique Janicaud, La puissance du rationnel. Paris, Gallimard, NRF. 1985.
  • 8 Norbert Wiener, God and golem inc. : sur quelques points de collision entre cybernétique et religio (...)

4Après la Seconde Guerre mondiale, à l’ère de l’hyper-technologie, la figure de l’homme-dieu démiurge est réactivée par la cybernétique notamment par Norbert Wiener dont le dernier livre écrit en 1964, est intitulé God and Golem8. Cette figure est inspirée du concept de Teilhard de Chardin, « le point Oméga » qui représente le point ultime du développement de la complexité et de la conscience vers lequel se dirige l’univers, c’est-à-dire pour lui, le Christ.

  • 9 Michail C. Roco et William Sims Bainbridge (dir.), Converging Technologies for Improving Human Perf (...)
  • 10 Stéphanie Chifflet, « L’imaginaire technoscienti­fique. Récits, mythe, image ». Raison Présente n°  (...)

5En 2002, un rapport de la National Science Foundation sur la convergence NBIC (nano-bio-info-cognitio-socio-technologies9), à l’ori­gine de l’approche transhumaniste, a été co-rédigé par un spécialiste d’ingénierie et un sociologue des religions, tous deux apôtres d’une « techno-prophétie » annonçant « l’avènement d’un monde et d’un homme nouveaux. » Comme le dit Stéphanie Chifflet : « En traitant de la résurrection et de l’immortalité, le récit NBIC est construit comme un discours religieux. Il propose à l’homme une transcendance10. » 

  • 11 Christian Huitéma, Et Dieu créa Internet, Eyrolles, 1996 ; Philippe Breton, Le culte de l’Internet. (...)
  • 12 Après le pape Benoit XVI en 2009, le pape Fran­çois déclare en décembre 2018 : « Les instruments de (...)
  • 13 Pascal Lardellier, « Un anthropologue à l’Apple Store. », Questions de communication, 23 | 2013, pp (...)

6Plus récemment les références au divin se mul­tiplient notamment dans des slogans industriels inaugurés par « Atari et les dieux ». De nombreux ouvrages en ont fait l’analyse : Philippe Breton dans le Culte de l’internet, critiqua le discours religieux tenu sur l’Internet, Christian Huitéma dans Et Dieu créa Internet, Mark Alizart traite de l’Informatique céleste ou Ariel Kyrou de Google God11. Ce que confirmera d’une certaine façon en janvier 2014, le pape François qui, confor­mément à la doctrine de l’Église, considère les médias comme « un don de Dieu12 » : « Internet peut offrir plus de possibilités de rencontre et de solidarité entre tous, et c’est une bonne chose, un don de Dieu ». Dans un célèbre article de L’Espresso en 1994, Umberto Eco voyait même une guerre de religion se profiler entre les fidèles du Mac et ceux de Windows : « Une attention trop faible a été accordée à la nouvelle guerre religieuse souterraine qui transforme le monde moderne… Le fait est que le monde est divisé entre les utilisateurs d’ordinateurs Mac et les utilisateurs d’ordinateurs compatibles ms-dos. Je suis entièrement convaincu que le Mac est catholique et le dos protestant. » La mort de Steve Jobs en 2011 fut d’ailleurs saluée par les mots : « dieu », « prophète », « messie », « pape », « icône », « apôtre » ou « gourou.13 »

7Désormais l’invocation du divin, de l’immortalité et de la transcendance est censée apporter un supplément d’âme à la prolifération des délires technicistes entourant l’IA ou le transhumanisme. Ray Kurzweil, gourou chez Google, affirme : « Beaucoup de transhumanistes travaillent dans l’architecture conceptuelle de l’OPT (théorie du point Oméga) de Teilhard sans en être vraiment conscients » et il ajoute, « Dès les années 2030, nous allons, par hybridation de nos cerveaux avec des nanocomposants électroniques, disposer d’un pouvoir démiurgique. » Google a ainsi créé en 2013, la société de biotechnologies Calico dont le but est « d’arrêter la mort », considérée comme une maladie qui peut se soigner : ce projet de « tuer la mort » signifie technologiser la dimen­sion symbolique de l’humain pour l’anéantir.

8La technique se dresse ainsi contre le symbolique et se fait diabolique. Symbolique et diabolique sont des antonymes : le verbe grec ballein signifie jeter ; soit jeter ensemble sym-ballein, soit à travers ou en travers, dia-ballein. Ainsi le dia-ballein est facteur de guerre alors que le sum-ballein rétablit la paix. Si le symbole réunit deux choses apparemment différentes, le diabolus/diabolon les délie.

  • 14 « Ce qui va être créé sera effectivement un Dieu », assure Anthony Levandowski. Tout en précisant q (...)

9Un autre gourou de la Silicon Valley, Anthony Levandowski, un ingénieur père de la voiture au­tonome, a fondé aux États-Unis une organisation religieuse qui fait la promotion d’une « divinité » basée sur une intelligence artificielle. Intitulée « Way of the Future » (La voie de l’avenir), cette organisation religieuse vise à « développer et promouvoir la prise de conscience d’une divi­nité basée sur l’intelligence artificielle » pour « améliorer la société ». Dans une interview au magazine Wired, il déclare « Cette fois, vous pourrez parler à Dieu, littéralement. Et vous saurez qu’il vous écoute14. »

  • 15 Fred Turner, Aux sources de l’utopie numérique, De la contre-culture à la cyberculture : Steward Br (...)
  • 16 Marina Maestrutti, « Imaginaires des nanotechno­logies : la fabrique des grands récits » in Imagina (...)

10Ainsi la Silicon Valley a adopté une « idéologie technico-mystique » héritière de la cyber-nétique de Wiener, revivifiée par le New Age et certains courants artistiques des années 1960, comme l’USCO (The US Company) collectif d’artistes qui voulait fusionner « les cultes du mysticisme et de la technologie pour générer introspection et communication15» On retrouve souvent ces discours chez les politiques contemporains. Ainsi Marina Maestrutti a noté que « la mise en scène du “miracle” », par la mobilisation des dimensions mythiques des sciences et des technologies, a été une stratégie très répandue dans les discours publics. Il est en effet possible de mobiliser les promesses bibliques de « restituer la vue aux aveugles », de « faire marcher les paralytiques » et « entendre les sourds », comme le fit Philip J. Bond, sous-secrétaire au Commerce de la Technologie du Département du Commerce américain, en présentant la politique de financement de la NNI (National Nanotechnology Initiative). Alors les nanotechnologies sont explicitement appelées à réaliser des « miracles16 ».

La technique fonctionnelle et fictionnelle

  • 17 André Leroi-Gourhan, Le Geste et la Parole, vol. I. Technique et langage, Paris, Albin Michel, 1964 (...)
  • 18 Ibid. p. 157.
  • 19 Gilbert Simondon, Du mode d’existence des objets techniques. Paris, Aubier, 1958, p. 152. « Technic (...)
  • 20 Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, Plon (1958), 1974, p. 144.
  • 21 Jacques Ellul, La technique ou l’enjeu du siècle, Paris, Armand Colin, 1954, p. 131.

11Plusieurs sociologues et anthropologues ont sou­ligné le lien entre le symbolique et la technicité pour définir le double rapport d’extériorité de l’homme au monde. Leroi-Gourhan dit que le propre de l’homme est de créer des techniques et des symboles dans un double processus d’extériorisation et d’objectivation : « L’homme fabrique des outils concrets et des symboles [...], les uns et les autres recourant dans le cerveau au même équipement fondamental [...]. Le lan­gage et l’outil [...] sont l’expression de la même propriété de l’homme17» Dans son rapport au monde, l’homme doit séparer les choses et les mots par le langage et s’adapter à son milieu par l’outil, prolongement de la main pensante. Gilbert Simondon défend aussi que la relation de l’homme au monde se dédouble en technicité et religiosité, formant un couple indissociable. Il considère que l’essence de la technique inclut « la religiosité ». Dans la « phase magique » ori­ginelle de la relation de l’homme au monde, ce dédoublement s’est opéré : « L’univers magique originel, riche en potentiels, se structure en se dédoublant. La technicité apparaît comme l’un des deux aspects d’une solution donnée au problème de la relation de l’homme au monde, l’autre aspect simultané et corrélatif étant l’ins­titution des religions définies18. » Cette hypothèse a pour conséquence que « la technicité des objets ou de la pensée ne saurait être considérée comme une réalité complète ou comme un mode de pensée possédant sa vérité propre à titre indépendant ; toute forme de pensée ou tout mode d’existence engendré par la technicité exigeraient d’être complétés par un autre mode de pensée ou d’existence sortant du mode religieux19. » Il serait donc de l’essence même de la technicité que de s’associer un discours de type religieux, ou du moins relevant du symbolique. Cette dualité de la technique et du langage est propre à l’humain comme l’avait déjà souligné Claude Lévi-Strauss qui définissait « l’homme total » par l’unité de ses productions et de ses représentations : « Une tech­nique n’a pas seulement une valeur utilitaire, elle remplit aussi une fonction et celle-ci implique, pour être comprise, des considérations sociologiques20. » Pour Jacques Ellul, la technique est ainsi devenue » le dieu qui sauve21. »

  • 22 Georges Balandier, Le Grand Système, Paris, Fayard, 2001, p. 20.
  • 23 Georges Balandier, « Un regard sur la société de communication », Actes du colloque du CNCA (E. Duc (...)

12Bien que la technique ne symbolise pas, les références au sacré et à Dieu sont omniprésentes. La technique ne va pas sans récit, sans imaginaire et sans fictions. La technique est biface, fonc­tionnelle et fictionnelle. Pour Maurice Godelier, la technique est « un gueuloir d’imaginaire et d’images ». Georges Balandier a préféré parler de « techno-imaginaire22 » plutôt que de technique, pour souligner qu’elle génère des représentations faites d’alternance de « techno-messianisme » porteur des promesses de bonheur et de « techno-catastrophisme », avec les menaces de destruction : « c’est sans doute pour la première fois dans l’histoire des hommes, précise-t-il, que l’imaginaire est aussi fortement branché sur la technique, dépendant de la technique et cela mérite une considération attentive23. »

  • 24 Cornelius Castoriadis, L’institution imaginaire de la société, Paris. Le Seuil, 1975, p. 521.

13Dans le même sens, Castoriadis soulignait que « la dimension instrumentale ou fonctionnelle du faire (le teukhein et la technique) et sa dimension significative sont indissociables24. »

  • 25 François Dagognet, Éloge de l’objet : pour une philosophie de la marchandise. Paris. Librairie phil (...)
  • 26 Bertrand Gille, Histoire des techniques, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1978.

14Si les techniques sont si étroitement ficelées à l’imaginaire, c’est qu’elles sont le fruit de la civilisation occidentale, de sa culture et de sa vision du monde. François Dagognet rappelle que « n’importe quel objet, même le plus ordi­naire, enferme de l’ingéniosité, des choix, une culture25. » On ne peut dissocier un système technique du système culturel et de croyances qui le soutient, comme le montre toute l’histoire des techniques26. On peut même lire des rapports sociaux et les imaginaires cristallisés dans l’objet comme des sédimentations qui le forment. L’objet est sa généalogie et la géologie des imaginaires des acteurs qui l’ont constitué. Gilbert Simondon souligne que la genèse d’un objet technique fait partie de son identité. L’objet technique est toujours culturel, il n’est pas extérieur à la société : il s’inscrit dans une Imago Mundi.

  • 27 Jean Baudrillard, Le système des objets, Paris, Gallimard, coll. « Tel ». 1968, p. 39.
  • 28 Yves Stourdzé, Pour une poignée d’électrons, Paris, Fayard, 1987, p. 237.

15L’objet cache et révèle en même temps, l’humain et sa culture. Il y a ainsi dans l’objet un enchevê­trement de structures mentales et fonctionnelles. Il est possible de lire une civilisation dans ses objets techniques. Pour Baudrillard, les objets « sont le reflet de toute une vision du monde27. » Yves Stourdzé avait pu ainsi se livrer à « l’autop­sie mécanique » d’une machine à laver : « Prenez, je vous prie, une machine à laver et autopsiez-la ! une machine à laver dans sa banalité, comme dans sa simplicité, constitue une plaque sen­sible. Telle une photographie, elle renseigne… Voici qu’apparaissent par couches successives, des personnages, des groupes, des acteurs, des intérêts et des panoramas imaginaires28 ». Dans l’objet technique, dit Stourdzé, se loge même un système de valeurs, « une tutelle morale qui fonde l’acceptabilité d’une technologie. »

  • 29 Abraham Moles, Théorie des objets, Paris, Éditions universitaires, 1972, pp. 176-177.
  • 30 Georges Canguilhem, Revue Philosophique de la France et de l’Étranger, vol. 126, n° . 9. Sept.-Oct. (...)
  • 31 Francis Bacon, Daedalus sive mechanicus, cité par Paolo Rossi, Aux origines de la science moderne. (...)

16Ainsi les objets techniques parlent-ils en se taisant. Au sein de l’objet « s’esquisse toute une dramaturgie silencieuse29. » L’objet parle, énonce, dicte… Dans l’objet, plusieurs niveaux de significations s’enchevêtrent, bien au-delà de son instrumentalité : il réifie une pensée, une abstraction, un rêve. « Derrière » un objet technique, se tient une foule de sujets, d’acteurs, de mythes et d’imaginaires. Dans leur silence, les techniques dictent même des normes et des comportements, avec ou sans notice. « Derrière l’objet », il y a toujours un macro-système technique (Alain Gras) qui l’a engendré et lui donne sens. Georges Canguilhem invitait à déceler ces diverses strates : « Derrière le machinisme, phénomène technique, il faut aper­cevoir le capitalisme, phénomène économique, et derrière le capitalisme il faut apercevoir un système de valeurs, un humanisme rationa­liste30» Dans les sociétés industrielles, désormais « hyper-industrielles » (et nullement « post-industrielles »), la technique tend à prendre une valeur totémique, érigée en symbole de moder­nité, de progrès, d’innovation et de développement. Une technique est choisie par une société à un moment donné, en fonction de son cadre culturel et symbolique. Il n’existe aucune linéarité progressive du développement technologique dans l’histoire, ce sont des choix, des bifurcations, des conflits et des résistances qui font l’histoire des techniques. Mais la technique ne symbolise pas comme le soulignent aussi bien Lucien Sfez que Gilbert Hottois : elle est même le diabolique, soit l’inverse complémentaire du symbolique. Elle demeure toujours ambivalente. Pour les Grecs, elle est une « ruse », car elle trompe la nature et la détourne de ses lois : ils parlaient d’ailleurs à son propos de « machination » et de pharmakon, pour souligner son ambivalence (remède et poi­son).La technique est un mal-remède comme le dira Francis Bacon dès le début du XVIIe siècle, pour définir le progrès comme projection temporelle (et non plus spatiale). Bacon souligne ainsi l’ambivalence de la technique : « Les arts mécaniques sont ainsi d’un usage ambivalent et peuvent tout à la fois produire le mal et offrir un remède au mal31. » Cette idée du mal-remède sera reprise par Rousseau qui développa une véritable philosophie de la technique afin de critiquer l’idée de progrès.

17La combinaison de la technique aux idées de progrès, d’utilité ou d’efficacité, renverse toujours sa magie en diablerie, et font de la machine une machination.

  • 32 Anne Deneys-Tunney, Un autre Jean-Jacques Rousseau. Le paradoxe de la technique. Paris. PUF, 2010, (...)

18La technique est de prime abord, un spectacle, une magie et un émerveillement comme Rous­seau le montre dans les Confessions à propos de la fontaine et de l’aqueduc, ou dans l’Émile avec le canard aimanté. Mais une fois passé ce moment de découverte et de séduction, la tech­nique dépasse sa propre sphère et dégrade toute la culture, comme il le soutient dans le Discours sur les sciences et les arts. Dès qu’est recherchée « l’utilité », tout s’inverse. Rousseau refuse la « doctrine empoisonnée » de l’utilité écono­mique. Les sciences et les arts sont condamnés, non en eux-mêmes, mais dans leur soumission à l’utile et par leur association au luxe, pour leurs conséquences négatives sur les mœurs. C’est donc au nom de la morale, de « la vertu » et de la religion que Rousseau conduit sa critique contre la technoscience utilitaire. Il ne s’agit pas d’une critique rétrograde de la civilisation, mais « d’une alerte sur les souffrances et l’esclavage que subit la majorité des hommes au sein même de la civilisation policée et technicienne qui leur promet le bonheur.32 »

Politique et technique : l’une symbolise, l’autre non

  • 33 L. Sfez, La Politique symbolique, Paris. PUF, coll. « Quadrige », 1993.

19L’œuvre de Lucien Sfez se déploie entre politique et technique et son dernier ouvrage, Technique et idéologie, est en quelque sorte une synthèse. Si le politique fonctionne au symbolique comme il l’a souligné dans La Politique symbolique33 – titrée initialement L’Enfer et le Paradis – la technique fonctionne elle, à la fiction, mais elle ne peut symboliser : seule une institution peut le faire. Or la technique n’est pas instituante. De ce point de vue là, elle est antipolitique. La technique diabolique est un dissolvant du symbolique, donc du politique et du religieux.

  • 34 Lucien Sfez, Critique de la communication. Le Seuil, « La couleur des idées », nouvelle édition ent (...)
  • 35 L. Sfez, La Santé Parfaite. Critique d’une nouvelle utopie. Le Seuil, 1995, pp. 111-112.

20Lucien Sfez a longuement traité des récits et discours sur la technique, en prenant toujours soin de distinguer les techniques des représentations sociales qui les accompagnent. Pour caractériser ces représentations, Sfez évolue du signe à la fiction, via l’imaginaire et l’utopie, mais il la différencie toujours du symbolique réservé au politique. Dans Critique de la communication, la technologie est une liaison qui donne une forme à la communication considérée elle-même comme une forme symbolique – elle n’est qu’un signe de signe (signalisation) et non un symbole – c’est pourquoi « la technique joue le rôle d’agrégat pour une société éclatée34. » Dans La Santé Parfaite, Sfez évoque « l’imaginaire technique » qui fusionne technique et utopie dans la techno-utopie : « la technique a toujours été sollicitée par les utopies » : elle joue un « double rôle d’aide structurelle pour le récit et d’un leitmotiv interne au contenu idéel de l’utopie.35 »

  • 36 L. Sfez, Technique et idéologie, o.c., p. 13.
  • 37 Ibid., p. 133.

21Finalement, dit Sfez, la technique relève de la fiction, maniant le vrai-semblable, et c’est là qu’elle se rapproche de la politique. Telle est l’affirmation forte de Technique et idéologie qui prend pour objet le rapport politique-technique : « Technopolis est un faisceau de discours de fiction. C’est la fiction, croyons-nous, qui est le moteur de la technique, et par là de la politique.36 » Les deux sont enchevêtrés dans « le techno-politique », mais la technique est à l’opposé du politique qui se définit en propre par le symbolique. Il insiste sur « l’impuissance tech­nicienne à symboliser 37 », la technique véhicule une imagerie faite de fictions (le progrès, la révo­lution technique, l’extériorité, la neutralité, etc.). Pour cette raison elle ne peut instituer, contrai­rement au politique qui lui, institue, notamment par et dans l’État.

  • 38 Ibid. p. 246.
  • 39 Ibid. p. 265.

22La technique est ainsi antinomique du symbo­lique – et en ce sens elle est le diabolique – mais exclue du symbolique, elle partage avec lui la production fictionnelle. Sfez pose la question cruciale pour le politique : « La fiction de la technique est-elle instituante ?38 » Il répond par la négative, notamment parce que la technique n’est pas une organisation sociale. En résumé, la technique est « une fiction en manque de symboli­cité39 » : elle produit des images, des métaphores, des signes au nom desquels elle prétend opérer des « révolutions », mais ce n’est qu’un techno-récit, une image symbolique, au mieux un mythe récurrent.

Le mariage de la techno-politique et de l’État-Entreprise

  • 40 Ibid., p. 225.

23Pour instituer, il faudrait que les images et les fictions de la technique soient agissantes, et donc « relayées par des grands corps d’État pour s’imposer.40 » Mais si l’État ne le peut, n’est-ce pas l’entreprise, autre grande institution contem­poraine, qui le fait ? L’exemple des GAFAM est illustratif de ce nouveau type de techno-insti­tution entrepreneuriale. Ce sont même de très grandes institutions, des « techno-institutions » qui rivalisent avec les États-nations : leurs dirigeants sont reçus comme des chefs d’État et réciproquement le Danemark a accrédité « un ambassadeur » à la Silicon Valley. La technique est érigée par ces entreprises en symbole de la modernité, du progrès, de la jeunesse, du futur, voire de la « révolution » permanente (par exemple, « révolution numérique »).

  • 41 Voir notre ouvrage La Religion industrielle. Une généalogie de l’entreprise : monastère, manufactur (...)

24Si la technique ne symbolise pas, et ne peut insti­tuer sans médiation, l’institution entrepreneuriale qui la met en œuvre, elle, le peut. La technique est « instituée » par l’industrie. La « religion technologique » dont traite David Noble est en fait dérivée de « la religion industrielle » occidentale41. La technologisation instituée par l’entreprise et l’ingénierie, peut déstabiliser le politique : la technique réifiée est d’une part, un dissolvant diabolique qui réduit l’État à un simple appareil de gestion et d’autre part, instituée par l’Entreprise, elle lui contrapose une institution rivale. La technique répond à la question du « comment faire » efficacement, et en ce sens, elle élimine le « pourquoi faire ». Poser au politique la question de son utilité ou de son efficacité, celle qui est posée à la machine et à la technique par l’ingénierie, c’est le liquider car il fonctionne au symbolique, c’est-à-dire « au nom de » valeurs fondatrices : Dieu, la Patrie, la Nation, la République… Le soldat ou le résistant meurt « pour la patrie ».

  • 42 P. Musso, Le temps de l’État-Entreprise. Paris. Fayard, 2019.

25Après la Seconde Guerre mondiale, le para­digme cybernétique et managérial fondé sur « l’efficacité » au sens de l’ingénierie, a amplifié et renouvelé le modèle du pouvoir machinique, un pouvoir automate et algorithmique par une science du commandement. Si l’État use de tech­nologies de pouvoir, les entreprises les inventent, les produisent et les reproduisent, les diffusent. La socialisation des techniques, à l’heure de leur suraccumulation, suscite l’inflation des fictions, des récits, voire des propagandes industrielles, non seulement pour leur promotion commerciale, mais aussi pour donner du sens aux usages. Si l’entreprise industrielle fabrique les techniques et manie ses fictions, l’État produit des images symboliques dans lesquelles la technique joue un rôle central pour légitimer le pouvoir des experts et des élites. Ainsi les fictions techniciennes et politiques s’entremêlent-elles. Mais ce mariage fictionnel dont traite Sfez est, selon nous, la conséquence de l’hybridation de deux institutions dans l’Entreprise-État ou l’État-Entreprise42. L’État technologisé, désymbolisé, aplati dans la gestion techno-rationnelle et calculatrice, devient État-Entreprise. Ces deux grandes institutions, « produits dérivés » de la révolution grégorienne (P. Legendre) s’hybrident : technique et poli­tique font cause commune dans la prolifération fictionnelle.

  • 43 G. Burdeau, L’État. Paris, Le Seuil, coll. « Points », 1970, p. 179.
  • 44 Carl Schmitt, La notion de politique (1932), Paris. Flammarion, coll. « Champs ».

26Désormais l’État technocratique et rationnel se contente d’administrer, de calculer et de gérer. Cet État rationnel se fait technicien, voire technocrate et industrialiste. Ainsi « le Léviathan moderne, dit Georges Burdeau, est enchaîné par ses propres prétentions ; assimilant la technique pour en faire l’instrument de son empire, il est finalement colonisé par elle. Léviathan conserve l’apparence d’un souverain, choisissant son heure et ses fins, mais en réalité il est téléguidé par la force même qu’il utilise pour régner. La technique lui dicte ses objectifs.43 » Depuis la fin des années 1970, la « désindustrialisation » et la vague néo-libérale de dérégulation mondiale ont remis en chantier les dispositifs de politique technologique pilotée par l’État durant les « Trente Glorieuses » de l’après-guerre. Il se limite au soutien à des entreprises « champions » et à quelques grands programmes de recherche et d’innovation. Seul le « noyau régalien » militaro-policier de l’État semble y échapper. Toute extension hors de ce sanctuaire doit être justifiée car les industriels ont la main sur les politiques technologiques alors que les experts et techniciens, notamment les grands corps tech­niques d’ingénieurs en France, pilotent les choix stratégiques de l’État. Ainsi l’État rationnel et fonctionnel est-il lui-même technicisé, voire technologisé, par une « technostructure » (J. K. Galbraith) d’experts maniant les techniques de pensée et d’organisation du management indus­triel. Dans cette vision seule compte « l’effica­cité » du fonctionnement de l’État-ingénieur réduit à une simple administration des hommes, c’est-à-dire à une grande machinerie destinée à gérer la société. Comme le notait dès 1932 Carl Schmitt, « parmi les peuples industrialisés, les grandes masses demeurent adeptes d’une obscure religion de la technicité ». Cette croyance appelait déjà à « la tabula rasa créée par la technicisation totale.44 »

  • 45 Georges Balandier, Carnaval des apparences ou Nouveaux commencements ? Paris, Fayard 2012 ; Le dépa (...)

27La technique réifiée est le diabolique de la sym­bolique politique. Elle marque le renversement révolutionnaire de l’État aplati en un simple « appareil », selon le projet léniniste des « soviets et de l’électricité ». L’État a dilapidé son capital symbolique, il ne manie plus que des images et des fictions et se retrouve ainsi sur le même terrain que la techno-industrie. D’où le passage du « tout politique » des années 1960-1970 au « tout technologique » depuis la « Grande Transformation » de la décennie 1980, mutation de dimension anthropologique selon Georges Balandier45, car elle amorce un « nouvel âge de l’histoire humaine ».

La religion de la techno-science-industrie

  • 46 Jean-Pierre Vernant, Mythe et pensée chez les Grecs, Paris. Maspero, vol II, pp. 49-50.
  • 47 Oswald Spengler, L’homme et la technique, coll. « Idées nrf », Paris. Gallimard. 1958, p. 461.

28Si aujourd’hui sont célébrées l’« utilité » et l’effi­cacité opératoire des techniques, dans la Grèce antique les techniques étaient elles, des thaumata, machines merveilleuses et inutiles qui étonnent et amusent46. C’est avec la chrétienté occidentale que naquit la « culture techno-faustienne » et même la « religion industrielle », notamment dans les monastères cisterciens du XIIIe siècle, avec la révolution hydraulique, par exemple chez Roger Bacon et Albert le Grand : « C’est là où jamais, dit Spengler, que se révèle l’origine religieuse de toute pensée technique. » Pour les moines gothiques, la machine est diabolique car elle concurrence Dieu : « C’est ce que signifie le songe de ces étranges dominicains comme Petrus Peregrinus rêvant du perpetuum mobile qui aurait arraché à Dieu sa toute-puissance. Ils n’ont pas cessé d’être victimes de cette ambition ; ils ont arraché son secret à la divinité pour être eux-mêmes Dieu. Ils ont épié les lois du tact cos­mique pour les violenter, et ils ont créé ainsi l’idée de la machine, comme d’un petit cosmos qui n’obéit qu’à la volonté de l’homme. La machine est diabolique : ce sentiment n’a jamais cessé d’accompagner la foi authentique.47 »

29À la même époque, la cloche associée à Marie et au Christ, était perçue comme la voix de Dieu appelant à la prière. La cloche et l’horloge, techniques qui accompagnent toute l’histoire de l’industrie occidentale, incarnent le pouvoir du Verbe divin ; elles équivalent, en tant que techniques et mécaniques, au corps du Christ. La cloche faite de la fonte d’un alliage subtil de métaux – cuivre, étain, plomb, zinc, fer et antimoine – pour obtenir des sonorités diverses, était fabriquée exclusivement par des moines-métallurgistes dans le monastère-usine.

  • 48 Erich Fromm, Avoir ou être. Un choix dont dépend l’avenir de l’homme. Traduction par Théo Carlier. (...)

30Par la production techno-industrielle, l’homme est à l’image du Dieu créateur. Erich Fromm le résume ainsi : « l’Homme a fait de lui-même un Dieu parce qu’il a acquis la capacité technique de procéder à une “seconde création” du monde qui remplace celle du Dieu de la religion tradi­tionnelle. On peut également dire que nous avons fait de la machine un dieu et que, en la servant, nous sommes devenus des dieux48 ». La technique s’est lentement institutionnalisée dans les monas­tères, les manufactures, les usines et aujourd’hui, dans les entreprises high-tech, c’est-à-dire dans les institutions de la religion industrielle, et non dans l’État porteur de la religion politique. Désormais la religion industrielle maniant la techno-science-économie triomphe et s’impose à toutes les institutions, y compris à l’État affaibli et au politique désymbolisé. Ainsi les fictions technicistes pullulent et circulent d’une institution à l’autre pour colmater les brèches et promettre quelque miracle.

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Notes

1 « Seul un dieu peut encore nous sauver ». Entre­tien de Martin Heidegger avec le Spiegel tenu le 23/09/1966, publié le 31/05/1976.

2 Martin Heidegger « La question de la technique » in Essais et Conférences. Paris, Gallimard, 1958.

3 David F. Noble, The Religion of technology. The di­vinity of man. The spirit of invention. Alfred A. Knopf. New York, 1998, p. 17.

4 Fabienne Pomel (dir.), L’imaginaire mécanique dans les textes médiévaux, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, « Interférences », 2015.

5 « Il y a beaucoup de Jules Verne chez Bacon », dit Émile Bréhier, La philosophie du Moyen Âge, Paris. Albin Michel, 1971, p. 338.

6 Lynn White, Technologie médiévale et transformations sociales, Paris, La Haye, Mouton et Cie, 1969, p. 132 et p. 165 note 270.

7 Dominique Janicaud, La puissance du rationnel. Paris, Gallimard, NRF. 1985.

8 Norbert Wiener, God and golem inc. : sur quelques points de collision entre cybernétique et religion ; trad. de l’anglais par Christophe Wall-Romana et Patricia Farazzi. Paris : Éd. de l’Éclat, 2001.

9 Michail C. Roco et William Sims Bainbridge (dir.), Converging Technologies for Improving Human Performance : Nanotechnology, biotechnology, infor­mation technology and cognitive science, National Science Foundation (NSF), Arlington, VA, 2002.

10 Stéphanie Chifflet, « L’imaginaire technoscienti­fique. Récits, mythe, image ». Raison Présente n° 171, 3e trimestre 2009.

11 Christian Huitéma, Et Dieu créa Internet, Eyrolles, 1996 ; Philippe Breton, Le culte de l’Internet. Paris. La Découverte, 2000 ; Ariel Kyrou , Google god. Big brother n’existe pas, il est partout. Éditions inculte. 2010 ; Mark Alizart, Informatique céleste. Paris, PUF, 2017.

12 Après le pape Benoit XVI en 2009, le pape Fran­çois déclare en décembre 2018 : « Les instruments de communication sont aussi un don de Dieu : ils ont représenté un élargissement de l’horizon pour de nombreuses personnes. C’est un don de Dieu et c’est aussi une grande responsabilité. » (https://fr.zenit.org/articles/telepace-le-pape-encourage-lantenne-a-aller-surtout-vers-les-exclus).

13 Pascal Lardellier, « Un anthropologue à l’Apple Store. », Questions de communication, 23 | 2013, pp. 121-144. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ques­tionsdecommunication/8378

14 « Ce qui va être créé sera effectivement un Dieu », assure Anthony Levandowski. Tout en précisant qu’il ne s’agit pas « d’une divinité qui lance de la foudre ou cause des ouragans, mais d’une entité un milliard de fois plus intelligente que l’humain le plus intelligent ». Source : https://www.cath.ch/newsf/lintelligence-artificielle-devient-divinite/

15 Fred Turner, Aux sources de l’utopie numérique, De la contre-culture à la cyberculture : Steward Brand, un homme d’influence. Caen, C&F éditions, 2012, p. 101.

16 Marina Maestrutti, « Imaginaires des nanotechno­logies : la fabrique des grands récits » in Imaginaire, industrie et innovation. Colloque de Cerisy, [21-28 septembre 2015], sous la direction de Pierre Musso. Paris. Éditions Manucius, 2016.

17 André Leroi-Gourhan, Le Geste et la Parole, vol. I. Technique et langage, Paris, Albin Michel, 1964, pp. 162-163.

18 Ibid. p. 157.

19 Gilbert Simondon, Du mode d’existence des objets techniques. Paris, Aubier, 1958, p. 152. « Technicité et religiosité ne sont pas des formes dégradées de la magie, ni des survivances de la magie ; elles pro­viennent du dédoublement de complexe magique primitif... Technicité et religion sont contemporaines l’une de l’autre, et elles sont, prises chacune à part, plus pauvres que la magie d’où elles sortent » (ibid., p. 173).

20 Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Paris, Plon (1958), 1974, p. 144.

21 Jacques Ellul, La technique ou l’enjeu du siècle, Paris, Armand Colin, 1954, p. 131.

22 Georges Balandier, Le Grand Système, Paris, Fayard, 2001, p. 20.

23 Georges Balandier, « Un regard sur la société de communication », Actes du colloque du CNCA (E. Duckaerts, P. Musso et J.M. Vernier). Centre Georges Pompidou. Paris 1986, p. 161.

24 Cornelius Castoriadis, L’institution imaginaire de la société, Paris. Le Seuil, 1975, p. 521.

25 François Dagognet, Éloge de l’objet : pour une philosophie de la marchandise. Paris. Librairie philo­sophique Jean Vrin.1989.

26 Bertrand Gille, Histoire des techniques, Paris, Gallimard, La Pléiade, 1978.

27 Jean Baudrillard, Le système des objets, Paris, Gallimard, coll. « Tel ». 1968, p. 39.

28 Yves Stourdzé, Pour une poignée d’électrons, Paris, Fayard, 1987, p. 237.

29 Abraham Moles, Théorie des objets, Paris, Éditions universitaires, 1972, pp. 176-177.

30 Georges Canguilhem, Revue Philosophique de la France et de l’Étranger, vol. 126, n° . 9. Sept.-Oct. 1938, pp. 240-242.

31 Francis Bacon, Daedalus sive mechanicus, cité par Paolo Rossi, Aux origines de la science moderne. Paris. Éd. du Seuil, coll. « Sciences ». 1999, p. 68.

32 Anne Deneys-Tunney, Un autre Jean-Jacques Rousseau. Le paradoxe de la technique. Paris. PUF, 2010, p. 81.

33 L. Sfez, La Politique symbolique, Paris. PUF, coll. « Quadrige », 1993.

34 Lucien Sfez, Critique de la communication. Le Seuil, « La couleur des idées », nouvelle édition entiè­rement refondue et augmentée, 1990, p 32.

35 L. Sfez, La Santé Parfaite. Critique d’une nouvelle utopie. Le Seuil, 1995, pp. 111-112.

36 L. Sfez, Technique et idéologie, o.c., p. 13.

37 Ibid., p. 133.

38 Ibid. p. 246.

39 Ibid. p. 265.

40 Ibid., p. 225.

41 Voir notre ouvrage La Religion industrielle. Une généalogie de l’entreprise : monastère, manufacture, usine. Paris. Fayard. 2017.

42 P. Musso, Le temps de l’État-Entreprise. Paris. Fayard, 2019.

43 G. Burdeau, L’État. Paris, Le Seuil, coll. « Points », 1970, p. 179.

44 Carl Schmitt, La notion de politique (1932), Paris. Flammarion, coll. « Champs ».

45 Georges Balandier, Carnaval des apparences ou Nouveaux commencements ? Paris, Fayard 2012 ; Le dépaysement contemporain. L’immédiat et l’essentiel. Entretiens avec Joël Birman et Claudine Haroche. Paris, PUF, 2009.

46 Jean-Pierre Vernant, Mythe et pensée chez les Grecs, Paris. Maspero, vol II, pp. 49-50.

47 Oswald Spengler, L’homme et la technique, coll. « Idées nrf », Paris. Gallimard. 1958, p. 461.

48 Erich Fromm, Avoir ou être. Un choix dont dépend l’avenir de l’homme. Traduction par Théo Carlier. Paris. Robert Laffont, 1978, p. 178.

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Pour citer cet article

Référence papier

Pierre Musso, « Le désir technologique de Dieu »Quaderni, 99-100 | 2020, 113-124.

Référence électronique

Pierre Musso, « Le désir technologique de Dieu »Quaderni [En ligne], 99-100 | Hiver 2019-2020, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/quaderni/1567 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/quaderni.1567

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Auteur

Pierre Musso

Institut d’Études Avancées de Nantes

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