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Résumés

Politique et fictions entretiennent des rapports constants et étroits dans des domaines extrêmement variés allant des nouvelles technologies aux politiques urbaines, de l’écologie à la création cinématogra­phique, de l’enseignement aux médias. En posant un regard rétrospectif sur les dossiers publiés par les Quaderni depuis trente ans, cet article met en évi­dence une transformation radicale des formes, des figures et des enjeux de communication. Des utopies technologiques aux dystopies de la science fiction, des storytellings aux mini-récits fragmentaires, des fictions complotistes aux fake news, c’est l’ensemble du champ politique qui semble contaminé par la fiction et s’engloutir en elle. Un parallèle avec les travaux de l’américain Fredric Jameson permet de souligner l’apport spécifique de la démarche des Quaderni dans l’analyse critique des rapports entre technologie, communication et pouvoir.

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Texte intégral

« La Cité utopique est la figure, dans la fiction et la sphère du religieux, d’une idéologie politique en situation d’émergence historique »
Louis Marin, Utopiques : jeux d’espace

  • 1 L. Marin, Utopiques : jeux d’espaces, Paris, Éd. Minuit, 1973, p. 243.

1La citation de Louis Marin1 condense une analyse qui trouvera dans les Quaderni de larges échos. Elle pose l’utopie comme une « figure » (et non un concept) relevant de la fiction dans son expression et du religieux dans sa configuration englobante. Elle souligne son apparition historique à un moment déterminé comme critique d’un état de la société et idéologie en formation. Enfin, elle en pointe le caractère politique. L’utopie constituera pour les Quaderni un fil rouge des interactions entre technologie, communication et pouvoir. Le regard rétrospectif qu’on peut porter sur son analyse critique dans différentes formes de dis­cours et de réalisations, puis sur d’autres formes de fictions qui peu à peu s’y substitueront, met en évidence une transformation radicale des enjeux de communication.

  • 2 J-F. Lyotard, La condition post-moderne, Paris, Éd. Minuit, 1979.

2Sur cent numéros de la revue, outre une quinzaine où des articles font explicitement référence à l’utopie, trois y furent entièrement consacrés. La fiction, puis la science-fiction, sont plus discrètes mais constantes. Elles se ramifient aujourd’hui dans un mouvement qui va de la fin des « Grands Récits »2 vers des configurations nouvelles tentant de prédire, puis de dire le présent et l’avenir dans des raccourcis temporels accélérés avant de se fragmenter en une infinité de micro-récits.

  • 3 A. Cauquelin, Lieux et non-lieu de l’art contempo­rain, Quaderni 40.

3Dans le numéro 40, Anne Cauquelin3 note le mouvement de balancier décennal de la figure de l’utopie. Après mai 1968, une très large place lui est faite. Puis elle disparaît au début des années 1980, avant de revenir à la fin de la décennie avec les nouvelles technologies. L’épicentre est alors américain et japonais et on préfère parler d’ima­ginaire. Le vocabulaire montre pourtant (que ce soit celui utilisé pour les « sites » internet ou le Land Art) de fortes connotations utopiques qui invitent à ne pas en rester aux seuls énoncés ou aux ressentis des acteurs. L’utopie est moins ce qu’on en dit que ce que l’analyse révèle.

  • 4 K. Mannheim, Idéologie et Utopie, une introduction à la sociologie de la connaissance [1929], tradu (...)
  • 5 P. Ricœur, L’idéologie et l’utopie, traduction M. Revault d’Allonnes et J. Roman, Paris, Seuil, 199 (...)
  • 6 R. Ruyer, L’utopie et les utopies, Brionne, Gérard Monfort, 1988.

4Dans le numéro 28, intitulé Utopie et imaginaire de la communication, Lucien Sfez avait proposé, à la fin de son article « du monde de la communication à l’utopie des corps », une interprétation du film Metropolis de Fritz Lang. Il y voyait la transformation d’une utopie en idéologie qui, à son tour, appelait une nouvelle utopie purificatrice. Il soulignait deux éléments décisifs. D’une part l’utopie était moins une critique (directe ou indirecte) de l’idéologie dominante que sa « purification ». C’est-à-dire une opération cathartique de nature symbolique appliquée à l’idéologie. D’autre part, il s’agissait moins d’étudier l’utopie que d’entreprendre sa critique en termes de communication politique. Ces deux éléments (rapport de l’utopie à l’idéologie et nature du travail à réaliser) sont, de manière remarquable, orthogonaux par rapport à d’autres analyses sur le couple idéologie – utopie comme celles de Karl Mannheim4 ou Paul Ricœur5 par exemple, tout comme au travail princeps de Raymond Ruyer6.

5Ces deux articles présentent un cadre. Ils mettent en évidence le caractère cyclique et ubiquiste de l’utopie ainsi que la démarche à adopter. Ils permettent également d’identifier différents niveaux de recherche à distinguer avec soin qui seront une constante des travaux présentés dans les Quaderni. Leur disparition sera les signes mêmes d’une transformation du politique dans son rapport à la communication.

6Je me propose de :

  • Souligner l’apport des Quaderni à l’analyse critique des utopies et idéologies ;

  • Expliciter le mouvement allant de l’utopie à la production de récits-fictionnels disant le « réel », voire le « vrai » ;

  • Analyser ce changement en termes de commu­nication, de technologie et de pouvoir.

7J’adopterai pour cela une démarche systéma­tique de référence aux articles publiés. Non pour reconstruire après coup une cohérence globale mais pour tenter de proposer, dans leur mou­vement même révélé par la revue, une lecture rétrospective des problématiques et des outils d’analyse mobilisés.

La figure de l’utopie dans les Quaderni

  • 7 L. Sfez, La santé parfaite, critique d’une nouvelle utopie, Paris, Seuil, 1995, p. 30.

8Plusieurs éléments ont précisé les contours de la figure de l’utopie. Le premier concerne le positionnement et la logique de la démarche. Lucien Sfez les résume en une phrase : « Il ne s’agit pas de critiquer une idéologie sur le mode marxiste, mais de démonter une utopie, selon un mode à inventer. Nos critiques des idéologies de la post-modernité que furent ‘Critique de la décision’ et ‘Critique de la communication’ sont ici poursuivies et dépassées7. »

  • 8 Ibid., p. 107 - 114. Quaderni 40 précisera qu’ils pourraient éventuellement être complétés (p. 7).

9Le second élément concerne les « marqueurs » de l’utopie ; c’est-à-dire les signes distinctifs qui permettent de l’identifier. Au nombre de cinq (lieu isolé, clos et défendu de l’extérieur ; toute puissance du narrateur ; règles de vie hygié­niques et transparentes ; imaginaire technique permettant des transformations immédiates et retour-refondation d’un âge d’or retrouvé) ils sont rappelés dans le n° 28 des Quaderni. Ils avaient été identifiés dans La santé parfaite8. Fait remarquable, ils n’expliquent pas le fonc­tionnement de l’utopie, ou son caractère attractif voire séduisant, mais relèvent de son organisation formelle et phénotypique. On pourrait d’ailleurs parler d’« empreintes ». Elles permettent d’éviter les amalgames et distinguent ce genre de discours d’autres parfois très proches. Elles font, en même temps, apparaître une logique d’associations, qu’on pourrait qualifier d’organique, entre des éléments hétérogènes qui dessinent ensemble une figure salvatrice.

  • 9 Ph. Breton, L’utopie de la communication entre l’idéal de la fusion et la recherche de la transpare (...)
  • 10 D. Forest, Corps symbolique de la ville et utopie du corps, Quaderni 35, p. 39-44.
  • 11 C. Ghorra-Gobin, Les centres commerciaux : morceau de ville ou simulacre de ville, Quaderni 41, p.  (...)

10Le troisième élément porte sur la prééminence des utopies technologiques et la place centrale des États-Unis dans leur production. Elles concernent aussi bien les technologies de communication (Philippe Breton rappelle dans le n° 28 le rôle de Norbert Wiener à l’origine de ces utopies cybernétiques9) que les villes nouvelles ou les centres commerciaux (les gated communities étudiées par David Forest10, ou Cynthia Ghorra-Gobin11). Rien de bien neuf dans cette localisation du hors-lieu utopique, sinon qu’elle pointe une forme paradigmatique d’utopie techno-politique en train de se transformer en idéologie tout en se présentant comme « révolution ».

11Auparavant, l’approche technologique était plus circonscrite. On parlait d’imaginaire (n° 3), de phantasme (n° 5) et de mythe (n° 26). Or, c’est l’approche globale de la communication qui est désormais première. Elle concerne tous domaines où l’information, l’informatique et la communication numérique sont mis en œuvre. C’est-à-dire des domaines multiples, notamment la santé et les biotechnologies, et tous les secteurs de la recherche et de la production où ils trouvent à se développer. Si cet élargissement permet de sortir d’une analyse techniciste d’innovations spécifiques, il permet surtout d’interroger les discours et les pratiques circulant dans ce vaste champ en mettant en œuvre les marqueurs identifiés précé­demment. Les Quaderni pourront alors interroger et mener des enquêtes sur un ensemble très vaste de projets dans des champs disciplinaires variés et des milieux divers. C’est ce qui fait l’intérêt et la force pluridisciplinaire de la revue dans son travail d’enquête minutieuse.

  • 12 Sur ce point une analyse critique des positions et surtout des profondes divergences entre Habermas (...)

12Cet élargissement permet également d’identi­fier, de cerner, les champs d’intervention et les objectifs de ces technologies. L’homme et son environnement naturellement, mais surtout la matérialité des corps (qu’ils soient humains, urbains, métropolitains, environnementaux, territoriaux ou planétaires) et leur symbolisation. La démarche à laquelle s’attachent les Quaderni n’est pas éthique mais politique. Elle porte sur l’agir12 ; c’est-à-dire sur l’utopie en tant qu’elle constitue une représentation et un moteur d’action sortant du champ littéraire où elle était cantonnée pour s’appliquer à des territoires corporels multiples… et interconnectés.

  • 13 B. Paulré, L’utopie néolibérale de la New economy ; le prétendu rôle des nouvelles technologies dan (...)
  • 14 D. Pagès, Des mondes parfaits aux mondes possibles ; les territoires équivoques de l’utopie, Quader (...)
  • 15 V. Cicchelli et S. Octobre, Fictionnalisation des attentats et théorie du complot chez les adolesce (...)

13Enfin, quatrième élément, si les discours, orga­nisations, matrices d’actions, etc., sont statiques, l’ensemble est en mouvement. On peut alors parler de « dérive13 », de durcissement ou, au contraire, « d’évidement14 ». Ces glissements vont de l’utopie comme imaginaire à l’utopie comme « hyperrationalité » technologique, de l’utopie-idéologisée à la science-fiction, de la « fictionnalisation »15 de l’événement au récit pouvant véhiculer des thèses complotistes… S’il y a un pic au moment du passage à l’an 2000 considéré comme risqué et source de fantasmes millénaristes, les dix années suivantes marquent à la fois une transformation radicale et l’apparition de nouveaux objets de recherche comme les récits d’informations ou de fictions. Elles éclairent les apports de l’analyse critique, comme les transfor­mations en profondeur de la communication dans son rapport à l’action et au politique.

L’an 2000. Climax et délitement

14À la fin des années 1990, l’utopie est une sorte de clé pour décrypter des traits majeurs des sociétés occidentales dans les domaines de la technologie, de l’urbanisme ou de la démocratie. Les Quaderni s’attachent à comprendre ce qui s’y joue en termes de pouvoir. Deux courants se partagent l’analyse.

  • 16 A. Colonomos, Les utopies de la communautari­sation transnationale : les évangélistes en Amérique L (...)
  • 17 À titre d’exemple : B. Morvan : l’utopisme « tombe dans un imaginaire de type science-fiction » (41 (...)

15Le premier marque la distance et parle d’uto­pisme, voire d’« utopisation », comme d’un phénomène qui relève du phantasme, de ce qui n’arrivera pas, mais aussi comme une construc­tion réalisée à des fins utilitaires (marketing territorial, promotion des centres commerciaux voire de la religion16). On se situe en limite de champ : « manipulation numérique », « réalité augmentée », simulacre, espace virtuel voire science-fictionnelle17 . Le second, presque à l’opposé, cherche à caractériser les discours et les réalisations en distinguant utopie et idéologie. Si le premier courant s’attache aux représentations de la société civile, à ses rêves, ses mythes et archétypes (l’âge d’or, la Jérusalem numérique et l’apocalypse), le second se concentre sur les discours pour en repérer les failles, les non-dits, les dangers et leurs transformations inévitables en idéologies. Le premier s’attache aux origines, à l’inconscient et aux images qui peuvent pousser à la consommation et à l’action, le second aux effets et conséquences en termes de liberté et de démocratie.

16Les numéros 40, 41 et 42 de l’an 2000 illustrent avec force ces courants. Le premier tente de déga­ger les rapports, parfois ambigus, d’un certain nombre de disciplines scientifiques avec l’utopie. Le troisième s’attache aux objets ou événements. L’utopie y apparaît comme un outil pour décryp­ter différents phénomènes sociaux. Le 41, entre les deux, porte sur les territoires mais surtout sur l’utopisation du monde, sa fausse fabrique d’innovations. Contrairement aux titres il faudrait parler pour le 40 de la déconstruction des utopies par la science, pour le 41 de la fabrique moderne de l’utopisation et pour le 42 des jeux de passage entre utopies et idéologies.

  • 18 La dernière phrase de l’avant-propos résume ces questions : « Paradoxe d’une discipline qui a déjà (...)
  • 19 P. Acot et M. Lignon (43, p. 59-60) ; A. Micoud (43, p. 108). Voir également dans le n° 40 B. Péqui (...)
  • 20 F. Engels, Socialisme utopique et socialisme scien­tifique. Cité dans Quaderni 43, p. 59..
  • 21 Ou, comme le remarque P. Acot et M. Lignon, comme tension entre « la dimension critique du réel » e (...)
  • 22 C. Emelianoff, L’écologie urbaine entre science et urbanisme, Quaderni 43, p. 96.
  • 23 A. Mattelart, La communication et la promesse de la rédemption, Quaderni 40, p. 69-78.
  • 24 Malgré le travail réalisé par Lucien Sfez dans les années 1970 (L’administration prospective, Paris (...)
  • 25 D. Forest, Les think tanks et l’institutionnalisation de la prévision technologique, Quaderni 53, p (...)

17Sur ce point, le 43 qui porte sur l’écologie urbaine est éclairant en posant frontalement la question de savoir s’il s’agit d’une « vraie » nouvelle utopie ou d’une « vraie » nouvelle idéologie. Mais ce dossier est aussi profondément perturbant en s’interrogeant pour savoir s’il s’agit également d’une science18. Or, ce critère scientifique est précisément ce qui, chez Marx et Engels, oppose le « socialisme utopique » et le communisme comme « socialisme scientifique ». Deux articles du numéro y font référence19 en rappelant que l’utopie socialiste était alors considérée comme une construction rationnelle ne tenant pas compte des modes de production ; cet hyper-rationalisme de l’utopie pouvant conduire, selon la formule d’Engels, « à se perdre dans la fantaisie pure20 ». Se trouvent ainsi confrontées une conception de l’utopie comme rationalité détachée de la réalité21 et une science construisant des outils et méthodes qui peuvent se révéler à la fois « trop scientifiques et trop scientistes22 ». Dans le n° 40, Armand Mattelart s’était inscrit dans le même constat en ne parlant plus d’utopie, mais de futurologie, de prophétie, de démocratie et de la professionnali­sation des discours présentant des scénarios futu­ristes comme des certitudes23. Il rendait compte d’un contexte historique et institutionnel plus vaste, dominé par les appareils de recherche et de technologie publiques et privées, peu pris en compte jusqu’alors par la revue24. David Forest25 en restituera le cadre en montrant comment la guerre froide contribua à faire de la recherche sur le futur une technique « militaro-intellectuelle ».

  • 26 C’est le propos de L. Sfez, Technique et idéologie, un enjeu de pouvoir, Paris, Seuil, 2002, p. 22- (...)

18En fait, tout se passe comme si on glissait d’un temps où il fallait justifier l’emploi du terme uto­pie comme qualificatif d’une situation nouvelle, à une période où il n’est plus besoin de justifier ce choix, tant la réalité institutionnelle, politique et technologique est évidence. L’utopie est devenue un mot-valise (n° 40, p. 6) et il devient de nouveau urgent de savoir de quoi on parle26.

  • 27 D. Forest, Du prophétisme techno-communica­tionnel à la théolo-technologie Quaderni 49, citations p (...)

19C’est à partir du numéro 49, qui date de 2002-2003, que la problématique de l’utopie semble se déliter mêlant futurisme, prophétie, utopie, idéo­logie et science-fiction. Les contours deviennent flous. L’utopie devient emblème, catégorie, habil­lage, image. Les discours perdent en consistance. Il ne reste que des formules et des tentatives de séductions éphémères, transitoires et nomades. Le thème d’ailleurs des ‘utopies nomades’ fait son apparition. David Forest27 diagnostique une coexistence de l’utopie, de l’idéologie et de la science-fiction sous l’égide d’un « prophétisme techno-communicationnel » qui à la fois s’insère entre utopie et idéologie et constitue « un opé­rateur théologico-technique ». Ce diagnostic est surtout le signe de profonds bouleversements et ce sont les choix de postures politiques des acteurs, leurs engagements, qui dans ce contexte deviennent déterminants.

Inventivité créatrice ou besoin de nouvelles grilles critiques ?

  • 28 F. Jameson, Archéologie du futur, le désir nommé utopie, [2005], traduction N. Vieillescazes et F. (...)

20Marquons une pose pour repérer ce qui se joue. Un parallèle avec les travaux de Fredric Jameson sur l’utopie peut y aider28.

  • 29 Jameson s’appuie sur le travail de Véronika­Hollinger (Contemporary Trends in Science Fiction Criti (...)

21Son point de départ est politique : « la résistance est-elle possible dans un tel régime de reproduction ? » (qu’il désigne comme post­moderne) et l’utopie peut-elle constituer une « perspective politiquement stimulante » ? Sa réponse est ambiguë. Le discours utopique lui semble un « bricolage » de formes et de contenus issus de sources variées. Pénétré d’« idéogèmes », qui forment système et donnent une cohérence à l’ensemble, il ne renvoie pas à une stratégie politique. Il est le fait d’individus exprimant leurs « obsessions » de manière « quasi magique » sans tenir compte des systèmes de pouvoir. Il appartient à une classe « sans projet ni raison » et finalement « anhistorique » ou se pensant comme fin de l’histoire. La proximité avec la science-fiction est alors très grande29 et peut aisément apparaître comme une forme particu­lière, voire nouvelle, de l’utopie. Pourtant, d’un autre côté, ce discours lui apparaît comme une sorte d’« inventivité post-moderne » ; y compris dans son intégration-acclimatation de l’idée de post-humain. L’intérêt du discours utopique ou de science-fiction réside alors dans son caractère ironique, imaginatif et déstabilisant. La création de nouvelles utopies est une réponse idéologique à l’idéologie ; à toutes certitudes idéologiques !

  • 30 Je n’ai parlé ici que des « marqueurs » de l’uto­pie. Le n° 95 des Quaderni « Logiques numériques d (...)
  • 31 Pour Philippe Quéau, la « vérité du virtuel, c’est le bien commun...qui pourrait être l’utopie ulti (...)
  • 32 Je voudrais rappeler ici la remarque critique de Stourdzé, sociologue et directeur du think tank CE (...)
  • 33 Faute de place je ne développerai pas les analyses de la science-fiction dans la revue. On en trouv (...)

22Pour les Quaderni, les marqueurs30 ont été la pierre angulaire de la démarche et avec eux l’aspect quasi religieux des discours. Leurs glissements, leurs transformations, leurs disparitions indiquent des changements profonds dans l’ordre de la représentation et donc des rapports au réel et au pouvoir. Il ne s’agit pas seulement de métamorphoses, mais d’émergences, de surgissements et de disparitions qui disent plus sur l’état d’une société que sur la créativité d’un genre littéraire en évolution permanente. Les nouveaux espaces où s’inscrit la résurgence du discours (comme pour les nouvelles technologies), désignent de fait les questions qu’il convient politiquement d’examiner. On peut en effet considérer soit que ces fictions ont quitté l’espace du discours, soit qu’elles étendent leur existence virtuelle31 sur l’ensemble du réel dont elles donnent de nouvelles clés de compréhension, de connaissance, de vérité et d’action. C’est dans ce cadre que se situent les discours prophétiques32 et la science-fiction33. Ils opèrent un changement de registre qui rend caduc le fait de parler d’utopie.

23En termes méthodologiques, cela signifie qu’il y a désormais trois grandes voies pour l’analyse critique.

24D’une part, le démontage des utopies à travers l’étude des vocabulaires, des discours et des projets dans le cadre d’enquêtes dans différents milieux de la recherche, de l’ingénierie ou de la création. Il vise au repérage de représentations et de manipulations. La présence ou l’absence de marqueurs permet de qualifier discours et pratiques sans tenir compte du discours direct des acteurs.

  • 34 Voir L. Sfez, Technique et idéologie, op.cit.
  • 35 Ils seront traités dans les dossiers 53, 79, 89 et 97 des Quaderni.

25Il y a, d’autre part, l’identification d’institutions (notamment militaires) émanant des grands corps de l’État34 et le développement d’organismes de prospectives, de think tanks, qui vont devenir de nouveaux objets d’étude pour la revue35. L’analyse vise le démontage des stratégies technologiques et de pouvoirs qui leurs sont propres.

  • 36 L. Sfez, Technique et idéologie, op. cit. p. 306-307.

26Il y a, enfin, les producteurs de discours politiques transformant les inquiétudes ou incertitudes en messages positifs aux vertus rédemptrices comme le remarque A. Mattelart dans le titre de son article du n° 36. L’analyse s’attache aux postures de ces acteurs qui s’expriment tout particulière­ment sur et dans le champ du numérique. Lucien Sfez démontre ainsi la présence dans un même discours de plusieurs postures comme celles du prophétisme et du réformisme36 qui indiquent des choix politiques. La fiction même devient posturale. Prophétisme, science-fiction et besoin d’une réformation se retrouvent associés. Sous forme de récit un nouveau discours émerge.

Le récit : une réalité sans virtualité

  • 37 D. Pagès, Avant-propos : pour une approche com­municationnelle de la métropole parisienne. D. Pagès (...)

27Le dossier consacré en 2010 à la métropole parisienne (n° 73) est particulièrement significatif de cette transformation et de l’apparition de la notion de « récit ». Le terme utopie a disparu ; même si l’on parle d’imaginaire, de mythe, de fabrique symbolique, de « nouveaux mondes possibles37 »… En fait, les récits en tant que genre (et leurs relations troubles avec le storytelling) ont pris la place. Le « Grand Paris » de Nicolas Sarkozy comme « épopée visionnaire » en est un exemple frappant. Il conjugue le mythe, claire­ment affiché et revendiqué, à l’aménagement du territoire, la création d’une « marque » à l’action. Le récit est moins ce qui sera que ce que la parole construit. Retour de la parole démiurgique. La parole est acte. Elle instaure le sens.

  • 38 C. Ghorra-Gobin, De la métropolisation : un nou­veau paradigme ? Quaderni 73, p. 27.
  • 39 G-L. Rayssac, Pour l’émergence d’un citoyen métropolitain, Quaderni 73, p. 45 et 47.
  • 40 S. Thiery, Après la ville : regard sur l’imaginaire de la métropole, Quaderni 74, p. 88 et 90.

28Le récit-fiction devient constitutif d’une « identité narrative métropolitaine » ; c’est-à-dire d’une construction marketée. En fait, ce, ou ces récits, ne constituent plus des « discours » sur l’urbain. Ils sont l’urbain même. Ils en sont la dyna­mique. La métropolisation, nouveau paradigme de l’urbanisation38, s’impose dans sa relation à la globalisation. Elle est « glocalisation » ou « ville monde »39 comme vérité ontologique supérieure inscrite dans des « réseaux globaux » auxquels elle permet d’accéder ! Parler d’utopie n’a plus vraiment de sens. Pas plus que de parler de politique comme le montre Sébastien Thiery dans le numéro 7440 lorsqu’il prend ‘streetview’ du logiciel Google Earth « comme fragment de l’imaginaire de la métropole ». Ici le territoire « se développe sous l’impulsion d’une force anonyme que les acteurs politiques sont invités à constater. Ceux-ci entrent en jeu en aval du processus, dès lors que se pose la question de la ‘gouvernance’ ». Le dossier SmartCity : « fiction » et innovation stratégique (n° 96) explicitera et approfondira l’analyse.

  • 41 B. Berut, La forme du récit dans l’information télévisée Quaderni 74. Il souligne que ce qui pouvai (...)
  • 42 C. Servais, De la structure au lecteur et du code à la fiction : une brève histoire du ‘récit d’inf (...)
  • 43 M. Lits, Pour une analyse narratologique de l’infor­mation télévisée, Quaderni 74, p. 35.
  • 44 J. Arquembourg, Les enjeux politiques des récits d’information : d’un objet introuvable à l’institu (...)

29La déconstruction des récits, que propose le dossier 7441 à travers une « analyse théorique, appuyée par des études de cas, des possibles de l’analyse de l’information sous l’angle de la narration », permet de souligner les différences avec le discours utopique. Ces récits sont issus de l’événement. Ils appartiennent à l’actualité. Mais ils sont aussi sont plus que cela : ils « appa­raissent… comme des moyens de la mise en place des identités collectives » qui peuvent déboucher sur un agir collectif. Leur intérêt réside dans leur « capacité à nous faire concevoir les prises de positions communes, les identités et les agir collectifs en nous donnant à voir la signification du sens que déploient les médias et le rôle qu’ils tiennent dans la société en nous proposant de partager une prise de position vis-à-vis d’un événement ». Christine Servais42 explicite clai­rement les différents niveaux concernés. Elle montre que le récit d’information peut être à la fois refondation mythique et mythe identi­ficatoire ; qu’il apparaît comme événement en train d’arriver susceptible de susciter différentes modalités d’actions et que les travaux sur la structure du récit s’attachent à identifier des « effets » (de réel, d’authenticité, de fiction…) et des modes (ludiques, fictifs…). Ainsi se déve­loppent des « micro-récits » successifs qui font éclater tout cadre narratif, fragments de récits et accumulation de fragments qui prennent place dans des flux d’information en continu… « saisir l’homme socialisé comme un animal narrativisé, traversé par des récits construits selon des formes radicalement nouvelles et ouvertes. Le récit peut désormais prendre toutes les voies, revenir en arrière, emprunter simultanément des voies contradictoires, télescoper des étapes, varier d’un usager à l’autre43. » Mais, au-delà de cette fragmentation, ces récits proposent des modes d’agencement du réel qu’ils contribuent à objectiver. Voire « ils deviennent constitutif du seul monde réel44. »

  • 45 A. Faure et E. Taïeb, Les « esthétiques narratives » : l’autre réel des séries, Quaderni 88, p. 10. (...)
  • 46 E. Taïeb montre clairement que la fiction marche avec la dépolitisation (House of Cards, Qu’est-ce (...)

30Le dossier sur les séries télévisées, que coor­donnent Antoine Faure et Emmanuel Taïeb en 2015 (n° 88), reprend à sa manière et sous un angle différent cette analyse. Si les séries sont loin de fictions utopiques ou contre-utopiques (même si ce parallèle est évoqué45), elles per­mettent de « développer des situations et des dialogues complexes »… et au fond de « donner à penser ». Le mélange va si loin d’ailleurs qu’on peut parler de « social science-fiction » ; « c’est-à-dire [considérer les séries] comme des œuvres de fiction qui délivrent une certaine de ‘vérité’ anthropologique ou sociologique, ou au moins un récit qui va stimuler l’imagination sociologique du spectateur46. »

  • 47 V. Cicchelli et S. Octobre, op. cit. Quaderni 95, op.cit, p. 54.

31Ce qui a radicalement changé c’est le rapport au temps « qui s’incarne dans le partage du quotidien : celui des personnages et celui des téléspectateurs, qui ne font qu’un ». Ici, le caractère idéologique est clairement évacué : « les séries contemporaines ne sauraient… être vues de façon réductrice comme vectrice d’une « idéologie dominante » ou de « l’idéologie américaine », car leur faculté à présenter des points de vue variés est le socle de leur narration ». Le récit comme fiction n’entend dire rien d’autre que ce qui se passe ou se passera. Il n’exprime a priori aucun jugement de valeur mais des faits : le lecteur, l’auditeur ou le spectateur en tireront les conclusions qu’ils veulent. Le champ est celui de l’imaginaire et du vraisemblable presque entièrement dépolitisés ou alors perçus comme fantaisie, clin d’œil à la « réal » politique et mise à distance... à moins qu’il ne devienne, sous l’effet d’un événement perturbateur, d’un climat de violence latente et d’un scepticisme profond vis-à-vis d’informations « officielles », l’expression même de la vérité et ne débouche sur l’idée de complot « rendant poreuse la frontière entre fait et fiction, vérité et mensonge47. »

  • 48 E. Candel et P. Gkouskou-Giannakou, « Avant-propos. Autorité et pratique de légitimation en ligne » (...)

32La fiction complotiste est bien alors le dernier avatar de la communication politique que George Bush, avec la menace d’armes de destruction massive et la guerre en Irak, a, avec succès, portée à un niveau mondial. Qu’est-ce qui peut distin­guer les fake news véhiculées sur les réseaux sociaux d’autres informations ? Les informations gouvernementales officielles, des informations diffusées par WikiLeaks ? Quelles légitimités s’interroge le n° 93 des Quaderni48 ? Sans pouvoir réellement répondre à la question, le dossier sou­ligne qu’il s’agit désormais d’« autoautorisation » ou d’une « autorité réputationnelle » reposant sur des « indicateurs de réputation numérique » qui ne peuvent être généralisés et sont largement autoréférencés via des boucles de reprises de l’information formant bulles et buzz.

Tautisme ?

33Lucien Sfez parlait de « tautisme » à propos des technologies de la communication, association d’autisme et de totalitarisme. Trente années d’analyse des jeux de pouvoir et du pouvoir s’éclairent d’une lumière crue lorsqu’on prend le traitement de l’utopie comme fil rouge des rapports entre fiction et politique. Passage de deux cycles où aux utopies sociales ont succédé les utopies technologiques avec les mêmes ambi­tions de sortir des crises. Les illusions utopiques y rejoignent les représentations idéologiques mais, avec elles, les tensions se sont accrues, les horizons se sont refermés, les certitudes eschatologiques de déclin, de catastrophe ou de transformations radicales du monde par le trans­humanisme ou par les technologies numériques par exemple se sont affirmées. Elles engendrent différentes formes de replis, de populismes49, de complotismes ou de fondamentalismes.

  • 50 H. Jonas, Principe de responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Cerf, (...)
  • 51 Voir par exemple Isabelle Delannoy, L’économie symbiotique : Régénérer la planète, l’économie et la(...)

34Le discours utopique semble avoir presque entièrement disparu et sa critique avec lui. On est sur le versant de l’opérationnel et de l’agir. Il prend les traits du discours catastrophe ou de la dystopie et ce sont désormais ces formes d’une « heuristique de la peur », comme disait Hans Jonas50, qui sont opérantes. La forme actualisée de l’utopie, qui pourrait être rapprochée des ana­lyses de la Grande Santé, porte sur l’économie symbiotique51. Mais cette réflexion, qui se veut concrète, réaliste, pratique, serait très étonnée, voire scandalisée, d’être rapprochée de l’utopie tant la notion même a perdu tout intérêt et n’est plus synonyme que d’irréalisme, de rêverie, et de danger.

  • 52 J-M. Lauret, L’évaluation des politiques d’édu­cation artistique et culturelle, approche critique e (...)

35En même temps, dernier arrêt sur la route de l’utopie, le moins que l’on puisse dire du dossier 92 des Quaderni intitulé Les artistes à l’école : fin d’une illusion ou utopie en devenir ? c’est que la porte est largement ouverte. Dans son avant-propos, Patrick Germain-Thomas rappelle à la fois les origines lointaines de la problématique (un colloque en mars 1968) et les vicissitudes et allers-retours des politiques publiques pour construire une politique d’édu­cation artistique cohérente qui, pourtant, n’a pas dépassé une minorité d’élèves. La confrontation des idéaux aux réalités oscille entre espoirs et découragements. L’utopie est renvoyée dans un futur quasiment impossible malgré les résultats qui ont pu être obtenus ici ou là. Face à elle se dresse des indicateurs et des grilles d’évaluation qui bien qu’imparfaites n’en pèsent pas moins sur les décisions52. L’utopie ne fait plus l’objet d’une critique mais d’une attente...

36Ce dialogue sur trente ans entre utopie, idéologie, politique, réalité, dessine des figures multiples et dramatiques de la modernité. Elle va de la critique des grands récits par la postmodernité à leur retour, subreptice et globalisant, dans l’utopie des corps. Elle prend les traits à un moment de la prospective, chemin encore possible vers des mondes programmables, pour s’anéantir ensuite dans la certitude de chemins tout tracés par la technologie qui efface peu à peu les limites entre vérité et erreur, présent et avenir et produit moins une politique-fiction qu’elle n’engloutit le politique dans la fiction. C’est ce décryptage pas à pas, constant, systématique et critique que les Quaderni apportent à ceux qui souhaitent sortir des descriptions de l’existant pour interroger, d’un point de vue critique, leur monde et leur temps.

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Bibliographie

Quaderni n° 28. 1996. Utopie et imaginaire de la communication

Quaderni n° 30. 1996. Territoires éclatés, le rôle des technologies de communication

Quaderni n° 35. 1998. Les publics : généalogie de l’audience télévisuelle

Quaderni n° 40. 1999-2000. Utopie I : La fabrique de l’utopie

Quaderni n° 41. 2000. Utopie II : Les territoires de l’utopie

Quaderni n° 42. 2000. Utopie III : Passages et apocalypse

Quaderni n° 43. 2000-2001. Écologie urbaine

Quaderni n° 49. 2002-2003. « L’école de Francfort » aujourd’hui

Quaderni n° 53. 2003-2004. La convivialité, fable contemporaine

Quaderni n° 73. 2010. La métropole parisienne

Quaderni n° 74.2010-2011. Récit et information télévisée

Quaderni n° 75. 2011. Le Parlement face aux TIC

Quaderni n° 88. 2015. Les séries, politique fiction

Quaderni n° 92. 2016-2017. Les artistes à l’école : fin d’une illusion ou utopie en devenir ?

Quaderni n° 93. 2017. Autorité et pratiques de légitimation en ligne

Quaderni n° 95. 2017-2018. Logiques numériques des radicalisations

Quaderni n° 96. 2018. Smart city : « fiction » et innovation stratégique.

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Notes

1 L. Marin, Utopiques : jeux d’espaces, Paris, Éd. Minuit, 1973, p. 243.

2 J-F. Lyotard, La condition post-moderne, Paris, Éd. Minuit, 1979.

3 A. Cauquelin, Lieux et non-lieu de l’art contempo­rain, Quaderni 40.

4 K. Mannheim, Idéologie et Utopie, une introduction à la sociologie de la connaissance [1929], traduction P. Rollet, Paris, Marcel Rivière, 1956.

5 P. Ricœur, L’idéologie et l’utopie, traduction M. Revault d’Allonnes et J. Roman, Paris, Seuil, 1997, p. 355 et ss.

6 R. Ruyer, L’utopie et les utopies, Brionne, Gérard Monfort, 1988.

7 L. Sfez, La santé parfaite, critique d’une nouvelle utopie, Paris, Seuil, 1995, p. 30.

8 Ibid., p. 107 - 114. Quaderni 40 précisera qu’ils pourraient éventuellement être complétés (p. 7).

9 Ph. Breton, L’utopie de la communication entre l’idéal de la fusion et la recherche de la transparence, Quaderni 28, p. 131.

10 D. Forest, Corps symbolique de la ville et utopie du corps, Quaderni 35, p. 39-44.

11 C. Ghorra-Gobin, Les centres commerciaux : morceau de ville ou simulacre de ville, Quaderni 41, p. 79-90.

12 Sur ce point une analyse critique des positions et surtout des profondes divergences entre Habermas et Sfez s’imposerait. Ce n’est pas le lieu ici. Je renvoie d’une part à l’analyse de Lucien Sfez (Critique de la communication, Paris, Seuil, 1990, p. 149-160 en particulier) et d’autre part à l’affirmation d’Habermas que la théorie de l’agir communicationnel est « anhis­torique » (Théorie de l’agir communicationnel, pour une critique de la raison fonctionnaliste, traduction JL Schlegel, Paris, Fayard, 1997, Tome 2, p. 421).

13 B. Paulré, L’utopie néolibérale de la New economy ; le prétendu rôle des nouvelles technologies dans l’avènement de l’économie parfaite, Quaderni 42, p. 64.

14 D. Pagès, Des mondes parfaits aux mondes possibles ; les territoires équivoques de l’utopie, Quaderni 41, p. 49.

15 V. Cicchelli et S. Octobre, Fictionnalisation des attentats et théorie du complot chez les adolescents, Quaderni 95, hiver 2017-2018, p. 53-63.

16 A. Colonomos, Les utopies de la communautari­sation transnationale : les évangélistes en Amérique Latine, Quaderni 28, p .83-96.

17 À titre d’exemple : B. Morvan : l’utopisme « tombe dans un imaginaire de type science-fiction » (41, p. 105), L. Levasseur : « il nous apparaît que les utopies contemporaines ont l’allure de véritables ‘sciences-fic­tions’«  (42, p. 53), P. Acot et M. Lignon, l’écologie des cités utopiques et leur représentation dans la littérature de science-fiction (43, p. 53-68)…

18 La dernière phrase de l’avant-propos résume ces questions : « Paradoxe d’une discipline qui a déjà fait couler beaucoup d’encre : nous découvrons ici une écologie urbaine existant au moins autant par les diverses figures de son absence, comme des formes en creux sur le sable, que par son existence en actes » (Op. cit, p. 51).

19 P. Acot et M. Lignon (43, p. 59-60) ; A. Micoud (43, p. 108). Voir également dans le n° 40 B. Péquignol, Karl Marx : l’utopie, la raison et la science.

20 F. Engels, Socialisme utopique et socialisme scien­tifique. Cité dans Quaderni 43, p. 59..

21 Ou, comme le remarque P. Acot et M. Lignon, comme tension entre « la dimension critique du réel » et « le projet qui donne à voir et à penser une autre manière d’être au monde » (op.cit, p. 63.)

22 C. Emelianoff, L’écologie urbaine entre science et urbanisme, Quaderni 43, p. 96.

23 A. Mattelart, La communication et la promesse de la rédemption, Quaderni 40, p. 69-78.

24 Malgré le travail réalisé par Lucien Sfez dans les années 1970 (L’administration prospective, Paris, Armand Colin, 1970). Il rappellera ce travail dans Quaderni 40, p. 7.

25 D. Forest, Les think tanks et l’institutionnalisation de la prévision technologique, Quaderni 53, p. 23-36.

26 C’est le propos de L. Sfez, Technique et idéologie, un enjeu de pouvoir, Paris, Seuil, 2002, p. 22-23. Il présente en annexe (p. 281 et ss) la dispersion des discours sur les techniques de trente six personnalités issues de différentes disciplines et domaines.

27 D. Forest, Du prophétisme techno-communica­tionnel à la théolo-technologie Quaderni 49, citations p. 17-18.

28 F. Jameson, Archéologie du futur, le désir nommé utopie, [2005], traduction N. Vieillescazes et F. Ollier, Paris, MaxMilo, 2009. Jameson sera cité tardivement dans le n° 92 des Quaderni. Les citations ci-dessous p. 288, 14, 87, 42, 138, 47, 68, 19, 132, 127-128.

29 Jameson s’appuie sur le travail de Véronika­Hollinger (Contemporary Trends in Science Fiction Criticism, 1980-1999, in Science Fiction Studies, vol. 26, n° 78, juillet 1999, p. 232-262). Il emprunte une part importante de ses rapprochements entre utopie et science-fiction à DarkoSuvin (Metamorphoses of Science Fiction, Yale UniversityPress, 1979).

30 Je n’ai parlé ici que des « marqueurs » de l’uto­pie. Le n° 95 des Quaderni « Logiques numériques des radicalisations » propose d’identifier les six marqueurs de la postmodernité. V. Tournay, E., Taïeb, J. Giry, Avant propos, les radicalisations. Culture et postmodernité, Quaderni 95, p. 8.

31 Pour Philippe Quéau, la « vérité du virtuel, c’est le bien commun...qui pourrait être l’utopie ultime du virtuel » (Le virtuel : une utopie réalisée, Quaderni 28, p. 123).

32 Je voudrais rappeler ici la remarque critique de Stourdzé, sociologue et directeur du think tank CESTA en 1982 qui constatait que « la prophétie créé la tension, elle polarise le désir, le capte et l’organise. Il est remarquable de constater comment une prophétie… permet de retarder à ‘l’infini’ les preuves de sa réalisation » Y. Stourdzé, Organisation, anti-organi­sation, [1973], Paris, Sens&Tonka, 2015, p. 140-141

33 Faute de place je ne développerai pas les analyses de la science-fiction dans la revue. On en trouvera des éléments chez P. Grundy, Clairvoyance et vacuité : l’utopie de la communication dans trois œuvres de fiction américaine (Asimov, Pynchon, Allen), Quaderni 75. Il souligne une des particularités de ces discours : une sorte de fatalité s’abat sur eux. Si l’utopie s’écrit au futur, la science-fiction s’écrit au présent et dans ce présent il ne reste qu’à constater ou se révolter. Le narrateur n’y est plus tout puissant. Il est écrasé. Pour Y. Rumpala (Entre imaginaire écotechnique et orien­tations utopiques ; la science-fiction comme espace et modalité de reconstruction utopique du devenir planétaire, Quaderni 92) elle offre un « répertoire de solutions à des enjeux écologiques globaux ». Le propos n’est plus celui d’une critique de l’utopie mais de son instrumentalisation. Elle devient prétexte. C’est ce que montraient à leur manière P. Acot et M. Lignon (n° 43) en soulignant que la fiction donne à voir et à méditer sur un autre monde. Il ne s’agit plus de désigner un possible mais d’utiliser la fiction pour aborder les débats sur le développement durable, l’écologie urbaine, la solidarité, le droit des animaux ou de l’environnement…

34 Voir L. Sfez, Technique et idéologie, op.cit.

35 Ils seront traités dans les dossiers 53, 79, 89 et 97 des Quaderni.

36 L. Sfez, Technique et idéologie, op. cit. p. 306-307.

37 D. Pagès, Avant-propos : pour une approche com­municationnelle de la métropole parisienne. D. Pagès, La métropole parisienne et ses récits : du projet de territoire à une possible identité narrative dialoguée ? Quaderni 73. Il est significatif de voir apparaître avec la notion de récit celle d’identité presque totalement absente des discours antérieurs et qui deviendra récurrente.

38 C. Ghorra-Gobin, De la métropolisation : un nou­veau paradigme ? Quaderni 73, p. 27.

39 G-L. Rayssac, Pour l’émergence d’un citoyen métropolitain, Quaderni 73, p. 45 et 47.

40 S. Thiery, Après la ville : regard sur l’imaginaire de la métropole, Quaderni 74, p. 88 et 90.

41 B. Berut, La forme du récit dans l’information télévisée Quaderni 74. Il souligne que ce qui pouvait apparaître en 1997 comme ‘oxymore programmatique’ (référence à Lits M., Le récit médiatique : un oxymore programmatique in Recherche en communication n° 7, 1997) est aujourd’hui (2011) parfaitement recevable et constitue un vaste domaine de recherche. Citations p. 6 -7.

42 C. Servais, De la structure au lecteur et du code à la fiction : une brève histoire du ‘récit d’information’ Quaderni 74, p. 9-18.

43 M. Lits, Pour une analyse narratologique de l’infor­mation télévisée, Quaderni 74, p. 35.

44 J. Arquembourg, Les enjeux politiques des récits d’information : d’un objet introuvable à l’institution d’un monde commun, Quaderni 74, p. 44.

45 A. Faure et E. Taïeb, Les « esthétiques narratives » : l’autre réel des séries, Quaderni 88, p. 10. Les citations suivantes p. 8, 9, 12, 16.

46 E. Taïeb montre clairement que la fiction marche avec la dépolitisation (House of Cards, Qu’est-ce qu’un coup politique fictionnel ? Quaderni 88, p. 67-80).

47 V. Cicchelli et S. Octobre, op. cit. Quaderni 95, op.cit, p. 54.

48 E. Candel et P. Gkouskou-Giannakou, « Avant-propos. Autorité et pratique de légitimation en ligne ». C. Alloing, « La réputation pour questionner l’auto­rité informationnelle : vers une « autorité réputationnelle » ? », Quaderni 93.

49 C’est ce que montre par exemple la philosophe Agnès Heller : https://www.liberation.fr/debats/2018/11/23/agnes-heller-nationalisme-comment-la-hongrie-est-tom­bee_1693850

50 H. Jonas, Principe de responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Cerf, 1995, p. 49. Il en appelle d’ailleurs à la science-fiction pour son aspect « sérieux » comme « expérience de pensée » (p.53) et critique l’utopie (p. 218).

51 Voir par exemple Isabelle Delannoy, L’économie symbiotique : Régénérer la planète, l’économie et la société, Actes sud, 2017.

52 J-M. Lauret, L’évaluation des politiques d’édu­cation artistique et culturelle, approche critique et prospective. Quaderni 92, p . 85-95.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marc Chopplet, « Utopie, fiction et politique dans les Quaderni »Quaderni, 99-100 | 2020, 13-25.

Référence électronique

Marc Chopplet, « Utopie, fiction et politique dans les Quaderni »Quaderni [En ligne], 99-100 | Hiver 2019-2020, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 11 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/quaderni/1540 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/quaderni.1540

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