Interview de la CSC Services Publics
Notes de la rédaction
Il n’y a pas eu d’interview à proprement parler avec Madame Silvana Bossio, Secrétaire nationale de la CSC Services publics. Il a été répondu, par ses soins, au questionnaire établi par Eric Nachtergaele, co-directeur de la revue Pyramides.
Texte intégral
Eric Nachtergaele. Le 21 juin 2001, votre organisation signe un protocole d’accord sur l’accord intersectoriel 2001/2002 s’inscrivant dans le cadre reforme Copernic. La réforme Copernic a été mise en place au début des années 2000. 10 ans après son entrée en vigueur, votre prédécesseur nous peignait un tableau plutôt sombre des effets de la réforme Copernic. 20 ans après, quel bilan pouvez-vous tirer de la mise en place des fonctions de management et d’encadrement ? Estimez-vous que le système des mandats est parvenu à maturité ou qu’il doit encore évoluer ?
Silvana Bossio. Précision, la CSC Services publics a bien marqué un accord sur le volet des carrières administratives et pécuniaires de la réforme Copernic, mais pas sur le volet des fonctions de management. Effectivement, mon organisation syndicale a marqué un désaccord sur les projets relatifs à la désignation et à l’exercice des fonctions de management et d’encadrement dans les services publics fédéraux (voir protocole nº 378 du Comité B signé le 28/02/2001, ainsi que les suivants dont notamment les protocoles nº 379 du 28/03/2001, nº 396 du 02/10/2011, nº 397 du 03/10/2001).
Votre organisation syndicale a conclu un protocole d’accord sur cette réforme. Qu’en est-il aujourd’hui ? Comment ce système de mandat a-t-il évolué ? vers une réelle ouverture vers le privé ou vers une nouvelle forme de politisation ?
Les remarques et craintes que nous avions formulées en 2001 se sont avérées justifiées ; à savoir que la politisation des fonctions dirigeantes des SPF serait accrue.
Pas de réelle ouverture vers le secteur privé, car les fonctions de management ont été attribuées à l’époque, et encore aujourd’hui, soit à des fonctionnaires, soit à des personnes issues des cabinets ministériels de la majorité politique en place.
A chaque remplacement de managers, les partis politiques de la majorité en place mènent des tractations en coulisse pour arriver à un équilibre politique dans la répartition des mandats.
Les plans stratégiques sont désormais conclus une fois par législature entre le département et ministre(s) de tutelle. N’est-ce pas une forme de politisation indirecte ?
Certainement.
Alors que l’administration est censée représenter la cohérence et la continuité des services au citoyen, elle est aujourd’hui sujette à revoir ses priorités en fonction des programmes politiques qui sont tout sauf cohérents et constants.
Un des grands axes est la GRH (une gestion moderne du personnel). Avez-vous constaté une évolution positive (en matière de traitement, de carrière, d’évaluation) pour le personnel des services publics fédéraux ?
Durant les dix premières années de la réforme Copernic, nous avons constaté un élan positif. Notamment en termes de :
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attractivité : les barèmes ont été revalorisés, les procédures de sélection ont été orientées sur des profils de fonction précises et les compétences y afférentes
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motivation : les carrières pécuniaires évoluent non plus sur le seul critère d’ancienneté, mais après un effort individuel de développement
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responsabilisation : on a donné un rôle de coaching et d’accompagnement à la ligne hiérarchique
Le développement des agents était au centre de la nouvelle politique RH. Mais le système a été victime de son succès et du coût qu’il engendre. A partir du début des années 2010, les gouvernements successifs ont imposé une rigueur budgétaire qui a rendu le système insoutenable.
Aujourd’hui, à force de simplifier, d’alléger la charge administrative que représente une politique RH dynamique pour plus de 65.000 fonctionnaires, et ceci dans le seul but de faire des économies, les fonctionnaires ne se sentent plus valorisés, souffrent d’une charge de travail excessive et d’un manque d’encadrement digne de ce nom. Par manque de moyens structurels les managers d’aujourd’hui ne sont plus en capacité de mettre en place une politique de gestion du personnel sur le moyen ou le long terme. La première conséquence étant l’impossibilité de remplacer le personnel sortant.
Le lien entre l’évaluation et la carrière a été rompu, mais quels autres changements avez-vous constatés en matière d’évaluation ?
Les notions de coaching, accompagnement, développement (formations) du personnel ne sont plus reprises dans la nouvelle règlementation en matière d’évaluation. L’administration veut instaurer une culture de feedback informelle qui n’est plus reprise dans les critères d’évaluation. Ce qui signifie que seuls les critères pointant d’éventuels dysfonctionnements dans le chef du membre du personnel sont au cœur du nouveau système d’évaluation appelé Symphonie. Raison pour laquelle notre organisation syndicale a remis un désaccord sur le projet.
Au final, la vision d’une gestion plus orientée secteur privé a-t-elle eu un impact sur le recrutement statutaire ? Ou avez-vous constaté un glissement de l’emploi statutaire vers une augmentation des engagements contractuels ?
Nous ne constatons aucun impact en faveur d’un recrutement statutaire.
Nous pensons que cela n’est pas lié à une gestion plus orientée privé ou public. C’est la conséquence de coupes budgétaires incessantes qui mènent à une situation où il n’est plus possible d’avoir une vision sur le moyen ou le long terme. Il est impossible de procéder à un recrutement statutaire si les moyens budgétaires donnés par le gouvernement ne sont pas garantis au-delà de trois mois, et pour lesquels il faut demander un nouvel accord pour maintenir leur prolongation de quelques mois.
On parle de plus en plus d’équilibre vie privée, vie professionnelle ? Qu’en est-il pour les membres de la fonction publique fédérale administrative ?
Le télétravail généralisé, même avant Covid, a aidé à mieux concilier vie privée/vie professionnelle, pour les fonctions qui se prêtent au télétravail.
Cependant, avec la suppression du pointage, la suppression de plages horaires de travail clairement définies pour les télétravailleurs (ceci n’est pas généralisé), la frontière entre travail et vie de famille s’est atténuée.
L’introduction du droit à la déconnexion a le mérite d’exister et de mieux protéger les télétravailleurs.
Tout récemment, un nouveau cadre déontologique a été publié. Y avez- vous étés associés ?
Le projet a été soumis à la négociation du comité B. Mais malheureusement nos avis, remarques et considérations n’ont pas été entendus, nous avons remis un désaccord sur le projet. Le nouveau cadre déontologique ressemble plus à une feuille de route d’exemples de dérives à sanctionner dans le chef du membres du personnel, et non plus à un cadre reprenant, les valeurs, droits et devoirs de tout travailleur de la fonction publique.
Pour citer cet article
Référence papier
Eric Nachtergaele, « Interview de la CSC Services Publics », Pyramides, 37-38 | 2023, 137-140.
Référence électronique
Eric Nachtergaele, « Interview de la CSC Services Publics », Pyramides [En ligne], 37-38 | 2023, mis en ligne le 02 août 2023, consulté le 10 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pyramides/2090
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