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Pour en finir avec l’hétérogénéité adverbiale

Putting an end to adverbial heterogeneity
Dan Van Raemdonck

Résumés

Liste non finie, définition malaisée et non intégrante, catégorie peu homogène, disparate, fourre-tout, poubelle d’inclassables de tous horizons, voilà autant de critiques qui autorisent à remettre en question la validité d’un concept, l’adverbe, ce pervers polymorphe, qui, malgré une existence plus que doublement millénaire, ne semble pas avoir atteint le statut d’outil opérationnel de description linguistique.
La présente contribution revient sur nos plus de 30 ans de recherches sur l’adverbe français et sur l’élaboration d’un double système de parties de langues (natures) — organisé autour du critère du mode d’accès à l’extension — et de discours (fonctions) — organisé autour du critère de l’incidence. L’adverbe y est défini comme un mot dont le mode d’accès à l’extension est doublement indirect et dont le mode de fonctionnement prototypique est d’être un apport (déterminant ou prédicat second) à une relation entre deux termes, caractérisé par une incidence externe du second degré.

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Texte intégral

Introduction

1Liste non finie, définition malaisée et non intégrante, catégorie peu homogène, disparate, fourre-tout, poubelle d’inclassables de tous horizons, voilà autant de critiques qui autorisent à remettre en question la validité d’un concept, l’adverbe, ce pervers polymorphe (Goes, 2005), qui, malgré une existence plus que doublement millénaire, ne semble pas avoir atteint le statut d’outil opérationnel de description linguistique.

  • 1 Nous optons pour la terminologie guillaumienne de « parties de langue » pour désigner ce que l’on a (...)

2La présente contribution revient sur nos plus de 30 ans de recherches sur l’adverbe français. À partir du bilan critique des définitions antérieures (en ce compris les critères définitoires et les classifications opérées) et des apories auxquelles elles aboutissent (1.), nous proposerons d’inscrire l’adverbe à l’intérieur d’un double système (2.) de parties de langue1 (natures) (2.1.) et de discours (fonctions) (2.2.), où il sera réellement défini par rapport aux autres parties de langue et de discours. Nous montrerons le bénéfice à tirer de cette réorganisation systémique par le biais de l’examen de trois points débattus dans le corpus des études adverbiales (2.3.) : la négation (2.3.1.), les adverbiaux paradigmatisants (2.3.2.) et les adverbes de phrase (2.3.3.).

31. Bilan des différentes définitions et classifications

4La définition traditionnelle de l’adverbe revient généralement à celle-ci : « L’adverbe est un mot invariable qui se rapporte à / modifie / complète / détermine un verbe, un adjectif ou un autre adverbe. » Si l’on excepte le caractère non valide d’une telle définition (l’usage du terme à définir dans sa propre définition en fait une tautologie), que nous dit-elle de l’adverbe ?

1.1. Les critères de définition de l’adverbe

5Quels critères sont utilisés pour définir l’adverbe dans cette définition ? Au-delà de celle-ci, quels autres critères auraient été convoqués ?

1.1.1. L’adverbe est un mot invariable

6La division première des mots de la grammaire traditionnelle en mots variables et mots invariables regroupe en un ensemble les prépositions, conjonctions, interjections et adverbes. Ce critère formel, détectable, à visée pédagogique essentiellement orthographique, déjà dénoncé comme non pertinent en grammaire générale par Harris (1751 [1796]) dans la mesure où les marques morphologiques ne sont pas communes à toutes les langues, est non suffisant pour distinguer l’adverbe de ces autres parties.

7La classe est reconnue comme purement orthographique par certains :

La catégorie « adverbe » recouvre des réalités fort diverses, rassemblées pour des raisons essentiellement orthographiques : mots invariables qui ne sont ni prépositions, ni conjonctions, les adverbes pourront être représentés par un mot comme très mais aussi par un mot comme linguistiquement. (Combettes & Tomassone, 1978 : 53)

8La définition de l’adverbe devra donc être complétée, comme chez Wagner & Pinchon (1962 : 381) :

Les adverbes sont des mots invariables comme les conjonctions et les prépositions. Ils diffèrent néanmoins de ces deux espèces de mots parce qu’ils peuvent assumer une fonction dans la phrase.

9D’autres, jugeant sans doute que l’invariabilité de l’adverbe était d’une autre nature que celle des prépositions ou des conjonctions, avancent des hypothèses de justification :

L’adverbe possède, lui aussi, les deux types d’incidence : l’incidence interne à une notion, l’incidence externe au verbe ou à l’adjectif, ou, pour mieux dire, l’incidence externe à l’incidence de l’adjectif ou du verbe : il s’agit donc d’une incidence du second degré. L’invariabilité de l’adverbe est en réalité un fait d’accord : accord à un mouvement d’incidence, qui en soi n’a d’autres caractères que d’être incidence et ne possède pas de caractère de genre, nombre, personne, voix, aspect, mode, temps. L’incidence est homogène et neutre ; l’incidence ne peut avoir de marque personnelle. (Moignet, 1981 : 118)

10Ces justifications, quelque scientifiques qu’elles soient, ne peuvent néanmoins faire oublier les cas de contravention à la sacro-sainte invariabilité de l’adverbe : le cas de certains adjectifs composés (des fenêtres grandes ouverts) et le cas de tout (de toutes petites filles).

11Critère non suffisant et non nécessaire, l’invariabilité n’apparaît donc pas comme le critère définitoire le plus opérant pour la définition de la classe.

1.1.2. La portée de l’adverbe

12La définition traditionnelle que l’on trouve chez Grevisse (1980 : § 2020),

L’adverbe est mot invariable que l’on joint à un verbe, à un adjectif, ou à un autre adverbe pour en modifier le sens.

13propose trois points possibles d’ancrage pour l’adverbe. Cette vision qui s’est largement imposée dans l’enseignement n’est guère la seule. Les options seront en fait différentes selon que l’on traduise adverbum par qui se joint au verbe ou par qui se joint au mot (verbum).

1.1.2.1. Le verbe

14Au commencement de la tradition française, l’adverbe ne se rapportait qu’au seul verbe (Palsgrave, 1530 ; Sylvius, 1531). Il faut attendre Meigret (1550) et Buffier (1709) pour le voir également joint respectivement à l’adjectif et à l’adverbe.

15Les tenants du rapport au seul verbe ont pour eux une certaine étymologie du mot. Ad-verbe signifie proche du verbe. Ainsi Baylon & Fabre (1973 : 52) :

La catégorie adverbiale est une catégorie malaisée à définir. On remarquera d’abord que la dénomination de l’adverbe est fonctionnelle : ad-verbe (= ad-verbum), ce qui signifie qu’il est incident à un verbe — on dit qu’il est l’adjectif du verbe : il détermine ou caractérise un procès.

  • 2 Cité par Guimier (1991 : 25-26).

16C’est cette optique que choisissent également les distributionalistes américains (notamment, pour l’adverbe, Arthur (1970)2). Considérant que « an adverb is a word that modifies a verb », Arthur décrit les cadres syntaxiques où apparaissent les adverbes, sans malheureusement éviter le recours au sens (il est obligé de parler d’adverbes de lieu pour certains cadres), ce qui est contraire aux principes distributionalistes. Les autres « adverbes traditionnels » trouveront une place dans de nouvelles classes.

  • 3 Voir notamment Dagneaud, 1965, cité par Guimier (1991 : 23).

17Pour beaucoup de grammairiens, encore aujourd’hui, l’adverbe modifie par nature le seul verbe, il est l’adjectif du verbe et, s’ils sont obligés de reconnaître que l’adverbe peut modifier d’autres constituants comme l’adjectif ou un autre adverbe, ils invoquent « l’élargissement tout naturel3 » de la fonction de l’adverbe.

1.1.2.2. Le verbum

18D’autres voient dans l’étymologie du mot adverbe d’autres significations. Ainsi, Beauzée (1767 : 548) :

J’observerai que l’étymologie du nom Adverbe, telle que la donne Sanctius, n’est bonne qu’autant que le mot latin verbum sera pris dans son sens propre pour signifier mot, et non pas verbe ; parce que l’adverbe supplée aussi souvent à la signification des Adjectifs, et même à celle d’autres Adverbes, qu’à celle des verbes.

19L’étymologie ne doit néanmoins pas faire oublier que le mot adverbium latin répond au grec επιρρημα et que la notion de ρημα n’a pas toujours recouvert celle de verbe. Le ρημα grec recouvre aussi la notion logique de prédicat. L’adverbe se rapporterait alors aux attributifs tels l’adjectif, le participe ou le verbe.

  • 4 Tout est considéré comme fonctionnant comme un adverbe dans toutes ces/les années, de la même maniè (...)
  • 5 La question de l’adverbe du nom remonte au moins à Jespersen (1913 : II, 5) pour une expression com (...)
  • 6 En français, l’idée de l’existence d’un adverbe de phrase remonte à Serreau & Boussi (1829) ; elle (...)

20Malgré ces essais de délimitation terminologique, force est de constater que ce que l’on a pris l’habitude d’étiqueter adverbe déborde des cadres ainsi corsetés. C’est ainsi que l’on trouve, dans l’optique quasi unanime où l’adverbe se rapporte à des constituants (ici étiquetés selon une terminologie traditionnelle), des adverbes se rapportant à : des verbes (il court vite) ; des adjectifs (c’est très bon) ; des adverbes (c’est très bien) ; des présentatifs (voilà bien une histoire belge) ; des prépositions ou des syntagmes prépositionnels (il est juste devant la porte) ; des conjonctions de subordination ou des propositions enchâssées (juste avant qu’il ne parte) ; des conjonctions de coordination (et donc, et/ou surtout, et/ou même) ; des interjections ou des mots-phrases (eh bien, merci bien) ; des déterminants numéraux (il a quelque/à peine/presque/juste vingt francs en poche) ; déterminants possessifs et démonstratifs (il a mangé toute son assiette, il a travaillé toutes4 ces années) ; des articles (il a bien des ennuis, il a toute la vie devant lui, il en fait tout un plat) ; des pronoms (même lui/lui aussi est venu, c’est tout lui) ; des noms5 : des noms propres (c’est tout Pierre, le tout Paris) et des noms communs (une déjà tradition, elle est très femme, il est très café, tout gens du monde qu’ils prétendent être…, quelque princes que vous soyez…, être tout feu tout flamme) ; certaines expressions figées : avoir très faim) ; certains noms communs déadjectivaux ou déverbaux (la presque/quasi-totalité, la non-conformité, la toute-puissance, les nouveau-nés, le tout début, la toute fin) ; des noms communs avec adverbes « adjectivés » (la station debout, la roue arrière, la lettre exprès, une fille bien, les dames du temps jadis) ; des propositions ou des phrases6 (évidemment, il vient) ; des discours (enchainements logiques du type premièrement… deuxièmement, d’abord… ensuite… enfin)…

21On le voit, tant pour ce qui est du critère de l’invariabilité que pour celui de la portée de l’adverbe, la confrontation à la cohérence interne du système et aux données de la langue infirme la validité et la pertinence de la définition de cette partie du discours.

1.1.3. L’équation : Adverbe = préposition + nom

22Port-Royal considère que l’adverbe est un substitutif :

Le désir que les hommes ont d’abreger le discours, est ce qui a donné lieu aux Adverbes. Car la pluspart de ces particules ne sont que pour signifier en un seul mot, ce qu’on ne pourroit marquer que par une préposition & un nom : comme sapienter, sagement, pour cum sapientia, avec sagesse : hodie pour in hoc die, aujourd’hui. (Arnauld et Lancelot, Port-Royal, 1660 : 88)

23La définition de l’adverbe par l’équation « adverbe = préposition + nom » a été critiquée tant au niveau de la portée qu’il fallait lui donner qu’au niveau du principe même de l’équation.

24Les critiques peuvent se résumer ainsi :
On n’imagine pas la création en langue d’une classe superfétatoire ; on ne définit pas un mot par ce à quoi il est équivalent ; l’équation n’est pas réciproque ; certains adjectifs (juste = de justice) et certains pronoms (me = à moi) acceptent une telle décomposition ; tous les adverbes ne se laissent pas décomposer.

25L’approche port-royaliste conduit en fait à rendre l’adverbe accessoire ; il ne serait qu’une forme secondaire prise, après transformation, par des mots appartenant à d’autres classes.

26Cette conception reprise par Chomsky (1965) a pour conséquence d’évacuer l’adverbe de la structure profonde et, partant, des parties du discours. Emonds (1986), logiquement, supprime la classe. Wilmet (2010) reprend également cette tradition et fait de l’adverbe un syntagme nominal prépositionnel synthétique.

27Même si la conception se maintient, elle ne permet guère de définir correctement la classe des adverbes.

1.1.4. La position

28Après avoir envisagé des propriétés non suffisantes (invariabilité…), Bonami, spécialiste de la question dans le cadre de la HPSG et responsable du chapitre « adverbe » de la Grande grammaire du français (GGF, Abeillé & Godard, 2021), considère que la propriété définitoire la plus probante pour l’adverbe est le fait de pouvoir occuper la position entre auxiliaire et participe passé avec une prosodie intégrée (sans détachement prosodique), et devant le verbe infinitif (GGF : 864). Mais cela ne vaut pas pour tous les adverbes. Certains adverbes n’apparaissent pas entre l’auxiliaire et le participe passé : les adverbes interrogatifs (combien, comment, pourquoi, quand) ou exclamatifs (comme) (sans compter que les pronoms tout et rien peuvent également occuper cette position), ainsi que les adverbes énonciatifs (franchement), qui ne peuvent apparaître qu’entre virgules avec prosodie non intégrée ; certains adverbes sont incompatibles avec un verbe (si, très). Ces adverbes sont dès lors dits « atypiques ».

29Bonami procède, pour répondre à certaines de ces objections, à l’écrémage des items adverbiaux qui ne se positionnent pas entre l’auxiliaire et le participe passé. Ils sont renvoyés à d’autres classes. Demain et aujourd’hui, qui cumulent l’exclusion de position et la possibilité d’être sujet, sont des pronoms. Pour leur seule absence de position, ailleurs, dedans, dehors, dessous, ici, là(-bas), , partout, tôt, tard, surtout des locatifs et quelques temporels, rejoignent la catégorie des prépositions sans complément (GGF : 69-770 et 867-868). Or la catégorie des prépositions se définit d’habitude par le fait que la préposition est placée devant un terme de la phrase pour le relier à un autre. Ici, point de terme à relier. On déstructure une catégorie (préposition) pour éviter d’apparaître en contradiction avec un test érigé en critère définitoire. On essaie de sauver une cohérence de surface, mais on en sacrifie une autre de fond.

1.1.5. La fonction

30Dès le début de la tradition, on constate que l’élément qui semble le plus important dans la définition de l’adverbe est l’élément fonctionnel. Qu’il s’agisse de répondre à des questions (Palsgrave, 1530), d’indiquer la circonstance, de modifier le sens du verbe, c’est plus l’unité de la fonction qui est visée que celle de la partie du discours, même si c’est cette dernière qui est recherchée. La délimitation de la classe s’est longtemps opérée par commutation, sans restriction d’ordre morphologique. L’effet en est simple : la classe englobait des éléments allant de la préposition à la phrase ; son unité morphologique était inexistante.

31Il faut donc attendre Girard (1747) pour la séparation nette des plans de la nature et de la fonction. Selon lui, si tout adverbe assume la fonction de circonstanciel, la fonction circonstancielle, quant à elle, peut être assumée par des adverbes, mais aussi par des groupes prépositionnels (ou non). La classe des adverbes est donc écrémée.

32Cependant, les tentatives ultérieures de définition restent souvent fonctionnelles, devant l’impuissance des grammairiens à subsumer un critère opérant qui ne le serait pas. L’adverbe modificateur (Girard), adjectif du verbe, équivalent fonctionnel de l’épithète pour le verbe (Van Hout, 1973-1974) sont plutôt tournés vers le plan fonctionnel. Si l’on ajoute à cela le renforcement de l’hétérogénéité de la classe par l’institutionnalisation par la grammaire scolaire de la locution adverbiale (Le Tellier, 1819), la confusion des plans nature/fonction reprend le dessus au bénéfice du tout à la fonction.

33Chervel (1977, 1979) répartira les appréhensions fonctionnelles de l’adverbe, dans le cadre des « compléments circonstanciels », en trois selon que l’on le considère comme accessoire, adverbial ou circonstanciel.

  • 7 Melis (1983) préfèrera étudier le circonstant.

34Mais même au niveau de la définition fonctionnelle7, les difficultés surgissent. La cause principale en est l’incontournable hétérogénéité de la classe (voir ci-dessous 1.6.3.)

35Les distributionalistes américains de même que les fonctionnalistes, entre autres Martinet (1985), désireux néanmoins de maintenir une unité de classe, en sont réduits à une présentation de classification fonctionnelle, avec des inconvénients équivalents à ceux qui se présentaient pour les classifications sémantiques : le risque de multiplier les types de fonctionnement autant qu’il existe d’adverbes, les chevauchements de classes. L’hétérogénéité fonctionnelle vient donc doubler l’hétérogénéité morphologique. On assiste là aussi à une tentative de définition en extension de la classe sur la base de regroupements de type fonctionnel, et non à une définition en compréhension. Ces auteurs ont les yeux rivés sur les emplois de discours. C’est ce que relève Nølke (1990 : 17) :

Primordiale est évidemment la question de savoir quelle est la nature de ce qu’on se propose de classifier. Or la distinction fondamentale entre unité lexicale et fonction syntaxique ne paraît jamais très nette chez les auteurs cités. En fait, ceux-ci font semblant de classer les adverbes, mais ce qu’ils font réellement, c’est classer leurs occurrences.

36Malgré une tentation toujours plus grande à ne voir dans l’adverbe qu’une fonction, on sent encore la volonté chez certains, le doute ou la nostalgie chez d’autres, du maintien d’une classe unitaire au même titre que les autres classes, dont, par ailleurs, on ne peut guère affirmer qu’elles jouissent d’une très grande homogénéité sémantique, morphologique ou fonctionnelle, comme celle de l’adjectif.

37L’hétérogénéité sémantique, morphologique et fonctionnelle de la « classe », la confusion nature/fonction, due à un recouvrement certain mais non total des deux plans, ont visiblement empêché toute solution définitive.

1.2. Une triple hétérogénéité

38La définition d’une classe d’adverbe ainsi que sa délimitation souffre en effet d’une triple hétérogénéité constitutive : morphologique, sémantique et fonctionnelle. Souvent, à défaut de définition valide, on en a été réduit à adjoindre aux définitions déficientes des classifications (surtout la sémantique) afin de palier le défaut de définition en compréhension par l’artifice d’une définition en pseudo-extension de catégories : « Je ne sais pas te dire ce qu’est un adverbe, mais je vais te lister l’ensemble des sous-classes qui composent la classe. »

1.2.1. Hétérogénéité sémantique

39Dès le début, chez Denys le Thrace, on trouve une classification qui compte 26 classes ; chez Priscien, 17 ; chez Palsgrave, 24. Le nombre de classes ne va cesser de croître pour culminer, avec Oudin (1632), à 48. Après une certaine rationalisation, due en partie à la grammaire générale, le nombre de significations retenues va sensiblement diminuer. On n’en dénombre, après des fluctuations numériques d’une édition à l’autre, plus que 7 chez Grevisse (1980) — manière, quantité ou intensité, temps, lieu, affirmation, négation, doute — et 3 chez Grevisse-Goosse (1986) — manière (incluant le degré, la négation et l’aspect), lieu et temps, relation logique. Complément régulier de définitions non valides, cette classification ne permet assurément pas de dire ce qu’est un adverbe.

1.2.2. Hétérogénéité morphologique

40La délimitation de la classe s’est longtemps opérée par commutation, sans restriction d’ordre morphologique. L’effet en est simple : la classe englobait des éléments allant de la préposition à la phrase ; son unité morphologique était inexistante.

41Gross, renonçant à une caractérisation précise de l’adverbe, propose une classification des adverbes en fonction de leur structure interne. Il limite son objet surtout aux adverbes figés (considérés comme tels lorsque deux éléments de la construction sont fixes l’un par rapport à l’autre), même s’il fait un détour par les adverbes libres. Un chapitre isolé est néanmoins consacré à la classe sémantique des adverbes de temps, considérés comme des cas particuliers.

Tableau 1 : classification morphologique (Gross, 1986 : 52)

Structures

Exemples

Adv

soudain

Prép C

en bref

Prép Dét C

contre toute attente

Prép Adj C

de sa belle mort

Prép C Adj

à gorge déployée

Prép C de C

en désespoir de cause

Prép C Prép C

des pieds à la tête

Prép C Conj C

en tout et pour tout

Prép C de N

au moyen de N

Prép C prép N

par rapport à N

Prép V W

à dire vrai

P (phrase figée)

Dieu seul le sait

(Adj) comme C

comme ses pieds

(V) comme C

comme un cheveu sur la soupe

(V) comme Prép C

comme dans du beurre

Conj C

et tout le tremblement

42Pour rigoureuse que soit l’application du principe morphologique de classification, si l’on excepte la mise à l’écart sémantique des adverbes de temps, on peut s’interroger sur l’intérêt de ce type d’organisation. Avec ce type de classification en effet, l’unité de l’adverbe est perdue 1) par la limitation de l’objet (elle n’étudie que les adverbes de verbe) ; 2) par l’éclatement morphologique qu’elle propose sans subsumer de propriétés communes.

1.2.3. Hétérogénéité fonctionnelle

43L’hétérogénéité fonctionnelle a souvent été mise en évidence :

On appelle « adverbes », dans les grammaires traditionnelles des langues occidentales, un ensemble de lexèmes fonctionnellement hétérogènes : compléments circonstanciels (ex. où ?, hier, mal), déterminants d’adjectifs ou d’autres adverbes (ex. très beau, assez tôt), régissants de noms (ex. même Jean dort), régis de relateurs (ex. dès demain), opérateurs énonciatifs (ex. peut-être), connecteurs entre énoncés (ex. en effet). Aucun critère ne les regroupe. […] Il existe, certes, des regroupements de formes. Mais les « adverbes en — ment » du français, par exemple, ne sont pas un tout homogène : relateurs et modificateurs en régissent certains (mais non tous) tout autant qu’ils régissent d’autres « adverbes » (ex. trop lentement, jusqu’ici, plutôt tard, mais non d’ici prochainement, dès doucement ou peu récemment). (Hagège, 1986 : 89-90)

44La Grande Grammaire du français procède de même (2021 : 896) en énumérant les fonctions :

L’adverbe, ou le syntagme adverbial, est typiquement en fonction d’ajout :
– au verbe (Paul apprend facilement.) ;
– à la phrase (Souvent, Paul est à Paris le lundi.) ;
– à un autre élément (facilement en retard, très content, même Marie).

Il peut aussi occuper d’autres fonctions syntaxiques :
– complément direct (Cela coûte davantage.) ;
– complément oblique de verbe (Paul se comporte bizarrement.) ou de préposition (pendant longtemps) ;
– attribut du sujet (C’est bien.) ;
– introducteur de syntagme nominal, en fonction spécifieur (beaucoup de gens, trop de travail) ;
– extrait (Comment allez-vous ?) ;
– tête de phrase non verbale (Peut-être qu’il pleuvra.).

  • 8 Nøjgaard (1992-1995) en vient à décrire, dans sa somme sur l’adverbe, des emplois à partir de leur (...)

45On ne peut qu’en tirer la conclusion d’une polyfonctionnalité de l’adverbe, sans possibilité de subsumer un principe organisateur global, ce qui vient renforcer l’image de fourre-tout d’une classe que certains considèrent déjà comme morphologiquement non homogène8. Pour autant, la description photographique garantit ici à peu près une place à tous les cas envisageables dans le paysage.

1.3. Les tests morphosyntaxiques

46Un autre mode de classification syntaxique voit le jour avec la grammaire générative transformationnelle. C’est en effet dans ce cadre qu’apparaissent de nouveaux critères, apparemment rigoureux, de classification : les tests morphosyntaxiques. Ceux-ci, de par leur formalisme, sont censés donner des réponses claires quant à l’appartenance de tel adverbe à telle classe, en fonction de la réponse qu’il fournit à tel test.

  • 9 L’appellation adverbe de phrase n’est pas neuve pour autant. La notion apparait déjà chez Serreau (...)

47Une des conséquences majeures de l’utilisation de ces tests sera l’inscription quasi définitoire — étant donné l’absence de réelle définition valide en compréhension —, dans les grammaires, de la dichotomie, devenue traditionnelle, adverbe de phrase vs adverbe de constituant. On ne sait pas ce qu’est un adverbe, mais un adverbe sera soit un adverbe de constituant, soit un adverbe de phrase. On obtient là une définition en extension de deux classes à défaut de définition en compréhension. Initiés par Greenbaum (1969) et repris par Schlyter (1977) et pour le français par Martin (1973-1974), qui va proposer une classification sur la base de ce type de tests. C’est à lui dès lors que l’on doit l’instauration définitive de la distinction adverbe de phrase/adverbe de constituant dans la grammaire française9. Martin relève deux critères d’identification des adverbes de phrases :
– L’impossibilité pour eux d’être le foyer de la négation ou la possibilité d’apparaître en tête de phrase négative : Probablement/Heureusement/Franchement, Pierre n’a pas ouvert la lettre ;
– L’impossibilité de constituer seul le foyer d’une phrase clivée. Comparons *C’est probablement/heureusement/franchement que Pierre a ouvert la lettre.

  • 10 Sabourin & Chandioux (1977) poussent le luxe jusqu’à exposer 1400 adverbes en -ment à 35 tests. Le (...)

48On a souvent fait l’impasse sur la recherche d’une signification aux tests effectués et appliqué aveuglément ceux-ci. Que signifie tel comportement au regard de la classe qu’on essaye de déterminer ? Quelle propriété est testée par ce test ? Quelle est la pertinence de la mise en avant de tel test, de telle propriété dans la constitution des classes10 ? On voit le danger : si on n’y réfléchit pas, la classe sera justifiée et légitimée par le comportement au test. Or, c’est le contraire que l’on attend. C’est le comportement qui doit être expliqué par la propriété qu’a la classe, d’être ce qu’elle est. Ces tests ne peuvent avoir valeur définitoire, tout au plus heuristique.

49Par ailleurs, si certains adverbes sont dits clairement « de phrase » parce que passant les deux tests (les modaux, évaluatifs et énonciatifs ci-dessus), d’autres, comme les adverbes de domaine-point de vue (Légalement, Pierre ne conduit pas une voiture volée ; C’est légalement que Pierre conduit une voiture volée) provoquent l’indécision parce qu’ils ne passent qu’un seul d’entre eux, avec néanmoins une appréhension de phrase… (Van Raemdonck, 2000).

50Tout cela, sans compter le fait que certains adverbes peuvent se trouver « de phrase » ou « de constituant » : Curieusement, Pierre a ouvert la porte ; Pierre a ouvert curieusement la porte. Dans ce cas, les auteurs hésitent entre homonymie de deux adverbes différents, afin de préserver la division définitoire entre les deux classes (Molinier, 1990 et Molinier & Levrier, 2000) ou polysémie fonctionnelle, tributaire des différentes portées potentielles de l’adverbe (Van Raemdonck, 2005).

1.4. Bilan d’étape

  • 11 Il en va ainsi, entre autres, des travaux de Mørdrup (1976), Schlyter (1977), Molinier (1990) et Mo (...)

51De ce qui précède, on observe un certain nombre d’entraves à une définition valide de l’adverbe : la confusion des plans de nature et de fonction ; l’attachement traditionnel de la nature et de la fonction au mot et non au groupe ; la répartition très traditionnelle des territoires pour les liens de dépendance entre différentes classes : adj nom, adv  verbe, adj, autre adv ; la prototypie de l’adverbe en -ment ; l’absence de vision systémique ; l’absence de prise en considération du niveau d’envisagement : langue ou discours ; la gestion problématique entre homonymie et polysémie ; le rattrapage par la définition en pseudo-extension. D’où, face à la difficulté de définir l’adverbe, la tentation de se rabattre sur les adverbes indéniables, les adverbes prototypiques, à savoir les adverbes en -ment. Point de définition nécessaire : l’objet d’étude est morphologiquement circonscrit. L’absence11 de vision d’ensemble entraînera d’ailleurs la multiplication de contributions sur tel ou tel adverbe en -ment.

2. Un autre modèle explicatif

52Afin d’apporter des réponses à ces apories séculaires, nous avons élaboré un double système de parties de langue (natures ; 2.1.) — organisé autour du critère du mode d’accès à l’extension (à partir de Wilmet, 1986) — et de discours (fonctions ; 2.2.) — organisé autour du critère de l’incidence (Guillaume, 1964). L’adverbe y est défini comme un mot dont le mode d’accès à l’extension est doublement indirect et dont le mode de fonctionnement prototypique est d’être un apport (déterminant ou prédicat second) à une relation entre deux termes, caractérisé par une incidence externe du second degré (Guillaume, Harris & Jespersen).

2.1. Le mode d’accès à l’extension comme critère de classification des parties de langue

53Dans la foulée d’une tradition parallèle de classification des mots, une tradition qui propose des systèmes hiérarchisés, ouverte par Harris (1796) et suivie par Jespersen (1924) et Guillaume (1964), nous avons élaboré un système de parties de langue hiérarchisé et articulé autour d’un seul critère : le mode d’accès à l’extension telle que définie par Wilmet (1986) et revue par nous : l’extension est l’ensemble des êtres, objets, faits ou situations du monde pensable auxquels un mot peut être appliqué.

54L’extension est un critère sémantico-référentiel. Il fait référence au monde pensable, extralinguistique, en associant la dimension sémantique. L’extension d’un mot renvoie à un ensemble extralinguistique dont la délimitation est fonction du contenu notionnel du mot lui-même. À cet égard, l’extension est une propriété du mot et non de la classe comme l’était l’incidence (le rapport entre apport et support de signification était le même pour toute la classe). Cela permet des différences, à l’intérieur d’une même classe, d’(in)compatibilités d’ordre sémantique qui donnent lieu à des divergences de comportement en discours.

55Ce qui différencie les parties de langue c’est le caractère direct ou non de l’accès à l’extension :

Un nom est un mot dont le mode d’accès à l’extension est direct (le nom se dit de lui-même), dont la définition est notionnelle, fonctionnant prototypiquement comme sujet et dont les catégories de flexions sont (genre) et (nombre).

Un adjectif est un mot dont le mode d’accès à l’extension est indirect (support = objet), dont la définition est notionnelle (rôle de caractérisant) ou catégorielle (rôle de quantifiant), fonctionnant prototypiquement comme apport d’information à un terme (apport par détermination — voir ci-dessous 2.2.) et dont les catégories de flexions sont (genre) et (nombre).

Un verbe est un mot dont le mode d’accès à l’extension est indirect, dont la définition est notionnelle, fonctionnant prototypiquement comme noyau de prédicat (apport d’information par détermination — voir ci-dessous 2.2.), et dont les catégories de flexions sont (mode) (temps) (personne) (aspect) (nombre) et (genre).

Un adverbe est un mot dont le mode d’accès à l’extension est doublement indirect (support = processus, fait, situation), dont la définition est notionnelle, fonctionnant prototypiquement comme un apport d’information à une relation (par détermination ou par prédication seconde) et dont les catégories de flexions sont inexistantes. (Van Raemdonck, 20152)

56Chaque partie de langue est donc définie à partir du mode d’accès à l’extension. Ce mode d’accès est une propriété qui permet de prévoir les conditions et les types d’emplois possibles. C’est le caractère direct ou non de l’accès à l’extension qui va permettre de prévoir, dans le domaine de la syntaxe, les types d’emploi des mots insérés dans le discours. Ces propriétés de constructions syntaxiques pourront être décrites avec la notion d’incidence (Van Raemdonck, 20152).

2.2. L’incidence comme propriété de fonction

  • 12 Guimier (1988) est davantage dans la lignée de Guillaume : il exploite le critère de l’incidence en (...)

57Dans le cadre d’une syntaxe d’inspiration guillaumienne, et dans la foulée — même si parfois distante — des travaux de Guimier (1988)12 sur l’adverbe anglais, nous avons proposé d’inscrire les fonctions syntaxiques dans un système où elles sont toutes définies à partir d’un même critère, l’incidence (relation entre un apport et un support de signification), critère repris à Guillaume, mais reversé à la seule syntaxe (Van Raemdonck, 1996, 2011, 20152).

58Couplé à la paire de mécanismes détermination et prédication, le critère de l’incidence permet d’établir une grille des fonctions de la phrase. Le support-sujet est dit « noyau de phrase ». Les apports sont dits soit « déterminant », soit « prédicat », selon qu’ils mettent en œuvre les mécanismes de détermination ou de prédication.

  • 13 Sur la notion d’extensité (« quantité d’éléments auxquels un terme est effectivement appliqué »), v (...)

59Par détermination, nous entendons le mécanisme grammatical général par lequel un élément est rapporté à un autre élément ou à une relation et 1) réduit l’extension ou donne une indication sur l’extensité13 de l’élément déterminé, 2) réduit l’extension de la relation sur laquelle il porte. Le déterminant se comporte comme un complément d’information. Nous parlerons donc de déterminants du nom, du pronom, du verbe, de l’adjectif, de l’adverbe, du connecteur subordonnant (prépositionnel)…, ainsi que de déterminant de relation (relation prédicative, relation entre le déterminant et le noyau nominal, entre le déterminant et le noyau verbal…). Le groupe de mot(s) organisé et hiérarchisé qui réunit autour d’un support-noyau ses apports par le biais de relations de type déterminatif sera appelé groupe déterminatif (nominal si le noyau est un nom (GDN) ; verbal si le noyau est un verbe (GDV)…). La relation de détermination est inscrite dans les schémas à l’aide d’une flèche simple.

60La détermination est encore à l’œuvre lorsqu’il s’agit d’apporter de l’information à la composante énonciation de l’énoncé. Ainsi, Franchement dans Franchement, tu exagères sera considéré comme déterminant de l’énonciation. Le déterminant de l’énonciation sera inscrit dans les schémas à l’aide d’une flèche triple aboutissant à la relation prédicative, doublée d’une flèche en pointillé, aboutissant dans le bain environnant qu’est l’énonciation.

61Par prédication, nous entendons le mécanisme grammatical général par lequel un élément est rapporté à un autre élément ou à une relation sans en réduire l’extension. Le prédicat se comporte comme un supplément d’information, car lorsqu’il intervient sur un terme de la phrase, il le fait une fois la détermination opérée et le groupe déterminatif constitué, soit après la clôture de celui-ci. Pour éviter la confusion avec la prédication première et constitutive de la phrase, lorsque ces mêmes mécanismes seront mis en œuvre sans l’intervention d’un verbe conjugué à un temps fini, nous parlerons de prédication seconde. Ce sera notamment le cas pour les appositions (nominales ou adjectives, y compris les relatives explicatives), pour certains apports adverbiaux, qui prédiquent sans l’intermédiaire d’un verbe et pour les attributs de déterminant du verbe. Le groupe de mot(s) organisé et hiérarchisé qui réunit autour d’un support-noyau ses apports par le biais de relations de type prédicatif sera appelé groupe prédicatif (GP1, par exemple, pour la phrase). La relation de prédication est inscrite dans les schémas à l’aide d’une flèche double.

62À côté du support-sujet (que nous appellerons dorénavant « noyau de phrase » : Pierre est grand), caractérisé par une incidence interne, et des apports à des termes de la phrase (déterminants du nom (Le château de ma mère), du verbe (manger une pomme), de l’adjectif (pleine de vin), de l’adverbe (loin de la ville)… ; prédicats de terme (Pierre mange)), caractérisés, quant à eux, par une incidence externe du premier degré, on distingue encore des apports (déterminants ou prédicats seconds ; T3 dans le schéma ci-dessous) à des relations entre deux termes, apports morphologiquement divers (du mot à la (sous-)phrase), qui sont unifiés par la caractéristique qu’ils ont en commun : l’incidence externe du second degré : Hier, il est parti en voyage, avant qu’on ne puisse lui dire au revoir (déterminants) ; Heureusement, il est en bonne santé (prédicat second). Dans ce système, on substitue à une représentation traditionnelle du type T1 T2 (où T2 est dit déterminant ou prédicat de T1) une représentation bidimensionnelle et plus hiérarchisée, où T3 est dit déterminant ou prédicat de la relation entre T2 et T1 :

Figure 1 : Une représentation bidimensionnelle

Figure 1 : Une représentation bidimensionnelle
  • 14 Si son mode d’accès à l’extension le conduit à porter sur une relation, un adverbe peut, comme beau (...)

63Dans ce système, l’adverbe est vu comme un mot dont les emplois seront caractérisés par une incidence externe du second degré, de type déterminatif ou prédicatif second : il portera sur une relation entre deux termes pour la déterminer ou la prédiquer14.

64Les relations, supports potentiels d’apports (soit déterminants, soit prédicats seconds), sont, elles aussi, multiples et se rencontrent à des niveaux divers de la phrase, allant du niveau supérieur, la relation prédicative, au niveau inférieur, infrasyntagmatique. Cela étant, l’apport à une relation peut être pris en charge par différents types de structures intégratives : groupes déterminatifs adverbiaux, mais également nominaux, pronominaux, connectifs, ou encore sous-phrases.

65Ce modèle s’inscrit dans le cadre d’une syntaxe opérative, qui intègre l’idée que les processus de construction prennent du temps et que les apports peuvent se faire à des moments différents. C’est ainsi que nous posons l’existence de deux types d’incidence (Van Raemdonck, 2002) : une incidence effective (en trait continu dans les schémas, voir fig. 1 et 2), qui relie effectivement l’apport de signification à son support, et une incidence d’attente (en trait discontinu dans les schémas, voir fig. 2), qui préfigure et donc précède l’incidence effective, avant sa réalisation, dans la genèse de la phrase. Chaque terme ou chaque groupe constitué, avant même d’être effectivement mis en relation avec d’autres éléments, peut être déclaré en attente soit de support, soit d’apport (de détermination ou de prédication). Cette construction hypothétique n’est pas une construction ad hoc ; elle permet de trouver des supports à certains apports, qui, sans relation d’attente, n’auraient aucun point d’ancrage syntaxique (par ex., la négation descriptive (voir 2.3.1.) ou les adverbiaux paradigmatisants (voir 2.3.2.), qui ne peuvent porter que sur une relation d’attente de groupe constitué)

Figure 2 : Une représentation bidimensionnelle opérative

Figure 2 : Une représentation bidimensionnelle opérative

66Une phrase en syntaxe opérative pourra donc être représentée comme suit (figure 3) :

  • 15 Par exemple : Franchement/Curieusement/Aujourd’hui, ce chercheur défend intelligemment son point de (...)

Figure 3 : Une phrase en syntaxe opérative15

Figure 3 : Une phrase en syntaxe opérative15

67Une distinction s’opère donc entre, d’une part, l’analyse des syntagmes effectifs, qui ressortit à la syntaxe de résultat et, portant sur l’énoncé phrastique, repose sur de l’observable (l’ordre linéaire des énoncés construits) et, d’autre part, l’analyse de l’effection des syntagmes, qui n’est pas toujours de l’ordre de l’observable et nécessite de la part du linguiste l’élaboration d’hypothèses, de modèles de description, qui sont autant de paris à tenir.

68Cette construction hypothétique n’est pas une construction ad hoc ; elle permet de trouver des supports à certains compléments, qui, sans relation d’attente, n’auraient aucun point d’ancrage syntaxique comme la négation descriptive ou les adverbes paradigmatisants.

69Elle impose de tenir compte d’une dimension supplémentaire : celle du temps que prend l’opération d’effection de la phrase, celle du moment d’intervention des éléments dans sa construction, temps que l’on nomme « opératif » :

[…] l’étude précise et la datation, dans le cadre de l’acte de langage intégral, des incidences pouvant servir de support à l’incidence adverbiale. C’est en effet par le moment d’intervention de cette dernière que s’expliquera, au niveau résultatif, c’est-à-dire dans l’énoncé réalisé, la portée de l’adverbe (son « scope ») et l’effet de sens auquel il participe. (Cervoni, 1990 : 9)

2.3. Quelques exemples d’exploitation du système

70À partir de ce double système et de la position qu’y occupe l’adverbe, nous proposerons des pistes de résolutions à trois questions récurrentes : la question de la portée de la négation (Van Raemdonck, 2014) ainsi que celle des adverbiaux paradigmatisants (Nølke, 1983 ; Van Raemdonck, 2002) ; la question de l’adverbe de phrase (Van Raemdonck, 2000). Chacune de ces questions trouve une solution dans le cadre proposé, qui consacre l’unité de la nature et de la fonction adverbiales dans la diversité des emplois, qu’un système révisé de portées permet de désambigüiser.

2.3.1. La négation

71La portée syntaxique de la négation a toujours été considérée comme dichotomique (Van Raemdonck, 2014). Soit la négation porte sur la phrase (Il ne viendra pas), soit sur un constituant (Il habite pas loin d’ici). La place obligée de la négation, autour du verbe, a empêché d’imaginer d’autres portées. Parallèlement, la portée sémantique a été décrite, elle aussi, de manière dichotomique, selon qu’elle est totale (Il ne viendra pas) ou partielle (Il ne vient pas souvent = Il vient, mais pas souvent vs Il ne vient pas).

72Cependant, portée syntaxique et portée sémantique de la négation ne se recouvrent pas : dans le cas de la négation partielle (Il ne vient pas souvent), la négation est syntaxiquement décrite comme une négation de phrase.

73Si l’on considère la négation comme un adverbe à fonction adverbiale (déterminant de relation), elle doit être syntaxiquement incidente à une des relations — qu’elles soient effectives ou d’attente d’apport ou de support — mises en jeu dans l’énoncé, conformément à la propriété de la fonction d’être incidente externe au second degré.

74Soit la phrase : Pierre n’abandonnera pas ses collègues.

75Dans l’acception traditionnelle de la négation de phrase, avec prosodie et intonation neutres de la phrase, nous considérons que la portée syntaxique de la négation (7 dans fig. 3) s’effectue sur la relation d’attente qui va du prédicat constitué vers le noyau de phrase (3 dans fig. 3).

76En fait, la négation clôt le prédicat (elle le quantifie) ; elle est quasiment la dernière des incidences adverbiales à pouvoir tomber sur cette relation. Ce qui est dit de Pierre, c’est l’affirmation du prédicat nié : Il est vrai que Pierre n’abandonnera pas ses collègues (négation interne). Cette négation nous semble la seule à pouvoir être dite « descriptive ».

77À moins d’une intonation marquée, l’apport sémantique de la négation est reversé sur la partie droite de la relation, ici le prédicat dans son ensemble. Cependant, dans la mesure où c’est le dernier élément du prédicat qui reçoit l’accent final de la phrase, c’est également ce dernier élément (ses collègues) qui sera le plus susceptible — sans que cela soit une obligation — de servir de support spécifique de l’apport sémantique de la négation.

78D’autres lectures peuvent être données de la phrase, avec, pour chacune d’entre elles, une intonation particulière. Ne citons qu’un exemple : Pierre n’abandonnera pas ses collègues.

79Avec une intonation d’insistance sur pas, on assiste à une lecture polémique pure, qui réfute la mise en relation du prédicat au noyau de phrase, comme en écho. La phrase signifie ici il n’est pas vrai que Pierre abandonnera ses collègues vs, pour la précédente, Il est vrai que Pierre n’abandonnera pas ses collègues (et amis) pour partir à la retraite. Dans cette deuxième lecture, la négation porte sur la relation prédicative (1 sur fig. 3). Elle intervient après la mise en relation effective du prédicat au noyau de phrase pour la briser, créant ainsi un sens polémique.

80L’inscription syntaxique précise permet de rendre compte des effets pragmatiques, comme n’étant pas seulement contextuels et de surface, mais inscrits dans la structuration de la phrase.

2.3.2. Les adverbiaux paradigmatisants

81Nølke (1983), le premier, consacre un ouvrage aux adverbiaux paradigmatisants. Il étudie un groupe d’adverbiaux qui, jusque-là, trouvaient difficilement leur place au sein de la dichotomie adverbe de phrase/adverbe de constituant : même, surtout, aussi, également, non plus, seulement, ne… que, uniquement, juste, simplement, encore, précisément, exactement, au moins, au plus, presque, à peine, pour ainsi dire, etc.

82Le fonctionnement de ces adverbiaux est décrit comme suit (ibid. : 19) :
Un adverbial paradigmatisant introduit en tant que présupposé un paradigme d’éléments semblables à l’élément auquel il est attaché dans la phrase actuelle. Ils ont ce que je propose d’appeler une fonction paradigmatisante.

83Nølke (1996 : 21) considère que la portée de l’adverbial est la phrase entière, vu qu’elle constitue « la prédication syntaxique (minimale) dans laquelle se trouve l’adverbial ». Le reste de l’analyse est le fait de la composante sémantico-pragmatique, via la focalisation : si l’on veut focaliser tel élément, on insérera l’adverbial dans son voisinage direct.

84Dans notre système, les adverbes paradigmatisants porteraient syntaxiquement sur la relation d’attente d’un constituant en attente de support ou d’apport (Van Raemdonck, 2002). Nous rejoignons ainsi la règle d’insertion énoncée par Nølke, mais en considérant que si un adverbial est inséré à une place, c’est parce que sa portée syntaxique — la relation d’attente — l’y autorise, et non pas seulement le pouvoir focalisateur de l’adverbial, qui, chez Nølke, pallie l’imprécision du système de portée.

85Ainsi, dans une phrase comme Même son père est parti avant la fin, même porterait sur la relation d’attente « noyau de phrase en attente de prédicat » (2 dans fig. 3). Même quantifierait en quelque sorte l’argument son père après la clôture de la constitution du groupe nominal. Le paradigme serait composé de groupes comme : son frère, sa mère

86Dans une phrase comme Il aime même la littérature moderne, selon nous, l’adverbial porte syntaxiquement plutôt sur une des relations d’attente suivantes :

  • la relation d’attente « prédicat en attente de noyau de phrase » (3 dans fig. 3) ;
    Le paradigme serait composé de phrases comme : Il apprécie la cuisine, il ne dédaigne pas le cinéma.

  • la relation d’attente « déterminant du verbe en attente de verbe (noyau verbal) » (10 dans fig. 3).
    Le paradigme serait composé de phrases comme : Il aime la cuisine, il aime le cinéma.

  • la relation d’attente « verbe (noyau verbal) en attente de déterminant du verbe » (9 dans fig. 3).
    Le paradigme serait composé de phrases comme : Il lit la littérature moderne, il comprend la littérature moderne.

87L’apport sémantique de l’adverbial, reversé à l’énoncé, est assigné, en structure de surface, conformément à la règle énoncée par Nølke (1996 : 22-23) : soit à droite, si l’intonation est non marquée, soit à gauche, si l’intonation est marquée.

88La syntaxe opérative développée ici permet de réduire le hiatus entre l’inscription syntaxique d’un fait linguistique et son interprétation sémantico-pragmatique, et donc d’articuler au mieux et en bonne intelligence les différents niveaux d’analyse.

2.3.3. Les adverbes de phrase

89Le fait de disposer d’une définition valide de l’adverbe rend la question de l’opposition définitoire entre adverbe de phrase et adverbe de constituant relativement accessoire. En effet, l’adverbe a dans notre système pour fonction d’apporter de l’information à une des relations de la phrase, et ce par détermination ou par prédication (Van Raemdonck, 2000).

90Lorsque les adverbes portent syntaxiquement sur la relation prédicative, ils sont hors de portée de la négation (qui porte sur la relation 3 dans fig. 3), et n’en constituent donc pas le foyer.

91Dans les exemples précédemment observés (voir 1.3.), les adverbes de domaine-point de vue (Légalement, Pierre conduit une voiture volée), comme la plupart des circonstanciels antéposés à la phrase (Hier/Dans le jardin/Parce qu’il pleut…), font partie du contenu propositionnel et interviennent dans le calcul des conditions de vérité. Ils jouent le rôle de cadre de la relation prédicative (1 dans fig. 3) sur laquelle ils portent et ils en sont dès lors déterminants (4 dans fig. 3).

92Les adverbes évaluatifs ou modaux (Heureusement/Probablement, Sarah a ouvert la lettre), qui expriment un jugement de l’énonciateur sur son énoncé, ne font pas partie du contenu propositionnel de l’énoncé et n’interviennent pas dans le calcul des conditions de vérité. Ils portent sur la relation prédicative (1 dans fig. 3) et en sont prédicats seconds (5 dans fig. 3).

93Les adverbes énonciatifs (Franchement, Pierre exagère), qui expriment la manière dont l’énonciateur envisage la situation de communication à l’œuvre dans son énoncé, ne font pas partie du contenu propositionnel de l’énoncé et n’interviennent pas non plus dans le calcul des conditions de vérité. Ils portent syntaxiquement sur la relation prédicative (1 dans fig. 3) et reversent l’aspect sémantique de leur apport à l’énonciation : ils sont donc des déterminants de l’énonciation (6 dans fig. 3).

94Les adverbes dits « de constituant » ou parfois « de manière », sont en général des adverbes qui portent sur la relation entre le déterminant du verbe et le noyau verbal à l’intérieur du groupe verbal, qui joue le rôle de prédicat (relation 8 dans fig. 3). Ces adverbes fixent le cadre du processus de cette relation et en sont déterminants (11 dans fig. 3) : Pierre range alphabétiquement ses fiches ; Pierre prépare curieusement le repas.

95L’existence d’un énoncé tel que Curieusement, Pierre prépare le repas n’oblige pas à envisager deux adverbes différents : l’un de phrase à l’initiale ; l’autre de constituant dans le groupe verbal. Il y a là un seul adverbe qui a différents emplois, différentes fonctions (polysémie fonctionnelle) : prédicat second de la relation prédicative (« Il est curieux que Pierre prépare le repas ») vs déterminant de la relation entre le déterminant du verbe et le noyau verbal (« Pierre prépare le repas de manière curieuse »).

96Il en va de même pour les adverbes d’attitude ou de manière orientés vers le sujet (Mørdrup, 1976 ; Schlyter, 1977 ; Melis, 1983 ; Molinier, 1990). Point n’est besoin de s’interroger sur la constitution d’une sous-classe qui semble avoir des emplois de manière mais avec un contact avec le sujet, ce qui cumule des caractéristiques d’adverbe de manière et d’adverbe de phrase et brouille les frontières. Il existe en fait pour ces adverbes des emplois comme déterminant de la relation entre le déterminant du verbe et le noyau verbal (Sarah écoute attentivement ma réponse : « l’écoute de ma réponse est attentive ») et des emplois comme déterminant de la relation prédicative (Attentivement, Sarah écoute ma réponse : « En étant attentive, Sarah écoute ma réponse »). Pour les adverbes évaluatifs d’attitude, une lecture supplémentaire apparaît : aux emplois comme déterminant de la relation entre le déterminant du verbe et le noyau verbal (Pierre réduit prudemment sa vitesse : « la réduction de la vitesse est prudente ») et comme déterminant de la relation prédicative (Prudemment, Pierre réduit sa vitesse : « En étant prudent, Pierre réduit sa vitesse »), s’ajoute un emploi comme prédicat second sur la relation prédicative (Prudemment, Pierre réduit sa vitesse : « Il est prudent que Pierre réduise sa vitesse ») dans lequel l’énonciateur émet un jugement sur le contenu propositionnel.

97La question de l’homonymie d’items à séparer artificiellement pour conserver une opposition définitoire factice « de manière » vs « de phrase » est ici résolue.

98Dans notre système, ce qui importe, c’est tout d’abord l’incidence syntaxique de l’apport adverbial et le mécanisme mis en œuvre (détermination ou prédication) ; les questions de compatibilités sémantiques, qui ont conduit à la constitution de nombreuses sous-classes, n’interviennent qu’au niveau de l’explication de la présence de tel ou tel adverbe (ou classe d’adverbes) dans telle ou telle position syntaxique, et non à un niveau définitoire.

99Les tests morphosyntaxiques ne sont dès lors plus définitoires. Tout au plus permettent-ils de révéler ou vérifier si tel ou tel item a bien les propriétés recherchées. Ce sont les propriétés qui sont définitoires et notre système les énonce bel et bien.

Conclusion

100Nous avons tenté, à partir des travaux antérieurs, de dresser un portrait réunifié de l’adverbe autour de deux de ses caractéristiques principales : son mode d’accès doublement indirect à l’extension et son mode de fonctionnement prototypique en syntaxe de dépendance (déterminant ou prédicat second d’une relation entre deux termes caractérisés par une incidence externe du second degré). En syntaxe de constituance, l’apport à une relation peut être pris en charge par différents types de structures intégratives : groupes déterminatifs adverbiaux, mais également nominaux, pronominaux, connectifs ou encore sous-phrases, etc. La syntaxe que nous proposons est en fait une syntaxe opérative à trois dimensions (terme, relation, temps) écrasée en une syntaxe résultative à une dimension dans la production langagière écrite ou orale. Cette syntaxe retrouve une place explicative et ne repousse pas en pragmatique les questions auparavant non résolues. Mieux articulée aux effets discursifs, elle soutient en outre les possibles variations d’intonation.

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Notes

1 Nous optons pour la terminologie guillaumienne de « parties de langue » pour désigner ce que l’on appelle communément « parties du discours ». En effet, les classes de mots constituent la boite à outils de la langue. C’est aux fonctions, que l’on retrouve dans l’exploitation de la langue qu’est le discours, que convient davantage l’étiquette de « parties du discours ».

2 Cité par Guimier (1991 : 25-26).

3 Voir notamment Dagneaud, 1965, cité par Guimier (1991 : 23).

4 Tout est considéré comme fonctionnant comme un adverbe dans toutes ces/les années, de la même manière que bien est un adverbe dans bien des années (Van Raemdonck, 2015).

5 La question de l’adverbe du nom remonte au moins à Jespersen (1913 : II, 5) pour une expression comme the then government. Jespersen tranche en faveur du then adverbe.

6 En français, l’idée de l’existence d’un adverbe de phrase remonte à Serreau & Boussi (1829) ; elle fut reprise et développée par Martin (1973 et 1974).

7 Melis (1983) préfèrera étudier le circonstant.

8 Nøjgaard (1992-1995) en vient à décrire, dans sa somme sur l’adverbe, des emplois à partir de leur portée, sous catégorisés en classes sémantico-pragmatiques. Il ne s’encombre pas de discussion sur la définition de l’adverbe : « Nous n’avons pas non plus jugé utile de trop nous attarder à la définition du concept même d’adverbe. » (1992 : 9), qu’il concède néanmoins en une ligne (« Est adverbe toute particule engagée dans une relation de subordination et opérant à divers niveaux de la phrase. » (1992 : 10)) ; ni même d’ailleurs sur celle de « fonction » : « Nous estimons inutile à notre propos une discussion théorique de la notion de fonction » (1992 : 5).

9 L’appellation adverbe de phrase n’est pas neuve pour autant. La notion apparait déjà chez Serreau & Boussi (1829).

10 Sabourin & Chandioux (1977) poussent le luxe jusqu’à exposer 1400 adverbes en -ment à 35 tests. Le résultat ? L’atomisation de la classe.

11 Il en va ainsi, entre autres, des travaux de Mørdrup (1976), Schlyter (1977), Molinier (1990) et Molinier & Levrier (2000).

12 Guimier (1988) est davantage dans la lignée de Guillaume : il exploite le critère de l’incidence en langue également ; mélange dès lors parfois incidence sémantique, référentielle et syntaxique ; et ne recourt pas aux mécanismes de détermination ou de prédication pour distinguer les fonctions, ce qui le conduit parfois à appliquer les tests morphosyntaxiques critiqués ici et à devoir distinguer certains emplois à partir du sens des adverbes. Nous ne le suivons pas sur ces points.

13 Sur la notion d’extensité (« quantité d’éléments auxquels un terme est effectivement appliqué »), voir notamment Wilmet (1986 et 20105).

14 Si son mode d’accès à l’extension le conduit à porter sur une relation, un adverbe peut, comme beaucoup de termes appartenant à d’autres classes, être employé dans un fonctionnement caractéristique d’une autre classe : emploi nominal dans Demain est un autre jour ; adjectival dans une fille bien, une déjà tradition… Il s’agit ici de l’exploitation du principe de transposition de Bally ou de translation de Tesnière.

15 Par exemple : Franchement/Curieusement/Aujourd’hui, ce chercheur défend intelligemment son point de vue. Où Ph = phrase ; Préd = prédicat ; P2 = prédicat second ; Dét = déterminant ; Dét éion = déterminant de l’énonciation ; GP1 = groupe prédicatif premier ; GDN, GDV, GDAdv : groupe déterminatif nominal, verbal, adverbial. Les GDAdv et le GDN déterminant du verbe ne sont pas déployés. Les chiffres renvoient à des positions dans le schéma reprises dans les exemples d’exploitation décrits ci-dessous.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Une représentation bidimensionnelle
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Titre Figure 2 : Une représentation bidimensionnelle opérative
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Titre Figure 3 : Une phrase en syntaxe opérative15
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Pour citer cet article

Référence électronique

Dan Van Raemdonck, « Pour en finir avec l’hétérogénéité adverbiale »Cahiers de praxématique [En ligne], 82 | 2024, mis en ligne le 27 septembre 2024, consulté le 08 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/praxematique/9635 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12ew3

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Auteur

Dan Van Raemdonck

Université libre de Bruxelles, Vrije Universiteit Brussel, LaDisco, Tradital, Gramm-R, BCLS

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

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