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Professionnalisation et identité des associations du secteur social : chronique d’une mort annoncée ?

Professionalization and identity of social sector associations: Chronicle of a death foretold?
Philippe Eynaud et Damien Mourey
p. 671-693

Résumés

La demande des acteurs publics vis-à-vis des associations s’est orientée vers plus de transparence avec pour corollaire le développement de dispositifs de gestion spécifiques supposés renforcer la capacité d’évaluation des bailleurs de fonds. Dans le même temps, la part des financements globaux de fonctionnement a fortement diminué au profit de financements accordés sur la base d’activités spécifiques conduites par les associations. Il en découle l’obligation pour les associations de développer une expertise plus grande dans le montage de dossiers de financement dont le nombre et la technicité augmentent. Les résultats de cette recherche montrent la non-pertinence du seul modèle d’entreprise pour penser la professionnalisation d’une association du secteur social. L’observation d’une situation de crise dans une association soumise à une pression financière met à jour une création de sens qui s’articule autour de deux postures : le simple habillage de la relation aux financeurs (en jouant éventuellement sur les contradictions entre les discours nationaux et les pratiques locales des responsables de l’instruction des dossiers), et la recréation de marges de manœuvre par l’exploration de nouvelles pistes de financement. Ces deux postures renvoient à des visions différentes de l’identité des associations et supposent des fondements différents de l’action collective.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Extrait de la lettre de mission de Jean-Louis Langlais, Inspecteur général de l’administration hono (...)

Les associations sont dans leur ensemble appelées à trouver de nouvelles formes de partenariat avec l’État car elles sont soumises à une concurrence toujours plus forte pour obtenir des financements (Peyrin, Trouve, Engels, & Hely, 2005). Au cours des dix dernières années, la part de l’État dans le financement des associations a décru alors que la part des financements privés et des collectivités locales augmentait (Tchernonog, 2007). Au-delà de ces changements dans le poids relatif des différents financements, il y a là un signe de la volonté affirmée des pouvoirs publics de « clarifier leurs modes de financement en les rendant plus lisibles et plus stables  et de « passer de la culture de la subvention à celle de la commande publique »1. Dès lors, la terminologie d’entreprise associative est proposée (Langlais, 2008). Dans ce contexte, les nouvelles procédures d’évaluation et de suivi des actions instaurées par les financeurs publics pour allouer les fonds publics se traduisent par un besoin de gestion nouveau pour les associations. Cela implique des évolutions notables dans leurs structures et leurs modes d’organisation (Laville & Hoarau, 2008).

  • 2 La proposition 33 de ce rapport vise à interdire à toute collectivité locale la possibilité d’accor (...)

Une injonction leur est faite notamment pour un nouveau contrat avec les pouvoirs publics dans lequel le contrôle interne est encouragé et l’évaluation promue (Morange, 2008). Le terme de « révolution culturelle » utilisé dans le rapport Morange pour qualifier ce nouveau contrat ne manque pas d’inquiéter d’autant plus que le rapport Warsmann propose d’encadrer strictement les subventions accordées par les collectivités publiques et notamment les subventions de fonctionnement2 (Warsmann, 2009). La demande des acteurs publics vis-à-vis des associations s’est donc orientée vers plus de transparence avec pour corollaire le développement de dispositifs de gestion spécifiques supposés renforcer la capacité d’évaluation des bailleurs de fonds (Avare & Sponem, 2008). Il en découle l’obligation pour les associations de développer une expertise plus grande dans le montage de dossiers de financement dont le nombre et la technicité augmentent.

La question est maintenant de savoir quels sont les effets de la forte demande de professionnalisation gestionnaire induite par les nouveaux dispositifs de gestion des financeurs sur l’identité des associations du secteur social et les fondements de leur action collective ? (Adam, 2005 ; Boulte, 1991 ; Enjolras, 1996). Pour répondre à cette question, notre travail de recherche a consisté à approcher la réalité quotidienne d’une association du secteur social (que nous nommerons COPR) dont la particularité est de combiner des activités différentes au sein d’un même quartier sensible de la municipalité de Strasbourg. Nous avons notamment analysé la nature des réponses apportées par cette association pour répondre à une situation de crise financière concomitante à de nouvelles demandes gestionnaires de la part de ses financeurs. C’est en effet dans ce genre de situation qu’une recherche de sens est nécessaire et que des orientations doivent être choisies.

1. Cadre théorique

1Penser la question de l’articulation entre les modes de financement d’une association et sa structuration autour d’un projet ne peut se faire de manière simple. Une analyse financière peut éventuellement mettre en lumière au travers de l’évolution des comptes de l’association le besoin d’une meilleure gouvernance (Avare & Eynaud, 2008). Elle n’est cependant pas suffisante pour comprendre les enjeux qui se posent au niveau d’une association car une analyse financière ne dit rien (ou bien peu) sur le projet de l’association. Or celui-ci est indispensable à connaître pour pouvoir appréhender l’organisation des associations et mieux en approcher la gouvernance (Hoarau, Laville 2008). Dès lors, une exploration de l’identité sociale des associations est nécessaire. Elle peut conduire à mieux comprendre les fondements d’actions collectives construites autour d’une recherche partagée de sens. Nous explorerons tour à tour ces deux dimensions.

1.1. Identité sociale et conceptions concurrentes de l’association

2La littérature anglo-saxonne a pour habitude de définir l’association de manière négative comme une organisation sans but lucratif (non-profit). Cela revient à supposer incidemment que l’organisation interne des associations peut facilement se caler sur celle des entreprises. En effet, l’impossibilité de distribuer le profit n’aurait finalement d’autre conséquence que d’exiger une gouvernance forte au sein des associations pour compenser l’absence d’actionnaire (Fama & Jensen, 1999). Par ailleurs, les stratégies des associations seraient liées à leur présence sur des secteurs d’activité concurrentiels où la non lucrativité est un signal indispensable pour des marchés caractérisés par des asymétries d’information et l’opportunisme des acteurs (Oster, 1995 ; Steinberg & H, 1993). Ce cadre de pensée conduit à envisager l’association comme un type d’entreprise dont la particularité se définit avant tout par la nature des marchés sur lesquels elle exerce son activité.

3Cette vision conceptuelle fait néanmoins l’objet de critiques. Une première critique est interne à la théorie économique et souligne l’absence de vérification empirique et la faiblesse théorique de ces propositions calées sur des mécanismes de marché (Ortmann & Schlesinger, 1997). Une seconde critique d’inspiration sociologique analyse, quant à elle, l’identité des associations autour de l’objectif intrinsèque et constituant du faire société (Bloch-Lainé, 1999) et d’une forte sensibilité au contexte culturel, politique et légal (Di-Maggio & Anheier, 1990 ; Fraisse, 2000 ; Laville, 2010), de la présence de bénévoles (Mayaux, 1996), ou d’un horizon démocratique (Haeringer, Gounouf, Gardin, & Bisson, 2008). Cela souligne l’importance de la dimension institutionnelle des associations. Une analyse sur le long terme permet ainsi d’observer le travail d’infusion des valeurs dans l’organisation (Selznick 1984). Plus les valeurs sont fortes (comme c’est le cas dans une association) plus l’identité institutionnelle de l’organisation est potentiellement affirmée. Mais les valeurs sont plurielles et les associations sont donc prises dans un double isomorphisme (Di-Maggio et Powell 1983) sous l’influence conjuguée du secteur public (liée à la notion d’intérêt général) et des entreprises privées (mettant en avant le concept de performance).

4Ainsi, l’action sociale associative présente la spécificité de renvoyer à la notion d’usager c’est-à-dire à un statut ambivalent entre client et bénéficiaire (Humbert 2002). La professionnalisation du secteur pose donc la question de la préservation du lien social au sein de processus opératoires se formant sur des quasi-marchés (Howard Glennerster et Le‑Grand 1995). On peut d’ailleurs s’interroger sur la pertinence du développement de métiers spécifiques à l’action sociale dans un cadre toujours plus normé ayant tendance à contraindre les acteurs (Annézo 2011). En effet, l’action sociale est avant tout une affaire collective (Frigoli 2004) qui nécessite d’être désormais pensée en liaison avec un territoire local dans le cadre d’une décentralisation des services de l’État (Lafore 2004).

5En fait, toute réflexion sur la structure et la dynamique des organisations doit prendre en compte la complexité des formes organisationnelles en jeu (Mintzberg, 1982) et cela passe par une analyse dédiée aux associations pour en révéler le sens caché et les fondements internes (Mintzberg et al., 2005). Les associations ne peuvent pas fonctionner avec une technostructure classique. La présence de bénévoles et l’ambition sociale qu’elles entretiennent suppose des mécanismes où les acteurs intériorisent et s’approprient pour une part l’organisation collective afin de la rendre effective à l’instar des membres d’une organisation missionnaire (Mintzberg, 2004). Dès lors, l’analyse de l’identité des associations doit être complétée par une recherche sur la création de sens (Weick, 1995) qui fonde l’action collective.

1.2. Recherche partagée de sens et fondements de l’action collective

6L’organisation des associations autour d’une pluralité de parties prenantes chacune porteuse d’une représentation de l’identité commune met en jeu une co-construction de nouvelles significations pour l’action collective (Avenier, 1997). Cette construction de sens n’est pas linéaire. Elle peut connaître des inflexions et des retournements. Des situations de crise de sens (Weick, 2003) peuvent être induites au sein des associations par l’irruption d’événements inattendus et/ou non anticipés de nature à modifier le sens partagé de l’action voire se traduire par un effondrement de sens (Weick, 2003). L’instauration de nouvelles modalités d’accès au financement remettant en question les rapports habituels établis depuis longue date avec les acteurs externes (tiers, partenaires, financeurs locaux) et internes (dirigeants, salariés, bénévoles) peut en constituer un exemple.

  • 3 Extrait page 6 « Le sens de l’action » sous la direction de B. Vidaillet, Éditions Vuibert.

7Dans un contexte de forte pression pour rendre des comptes précis aux financeurs, un rejet vis-à-vis de la demande de gestion est tout à fait envisageable au motif d’une altération du social (Chauvière, 2007). Dans le cadre d’une approche socio-psychologique, les personnes engagées dans des processus ne cessent de « construire et de déconstruire de l’organisé »3 (Weick, 1995). Cette double action est courante mais doit faire l’objet d’une étude fine si l’on veut mieux comprendre les évolutions des structures organisationnelles en situation de crise (Vidaillet, Allard-Poesi, Koenig, Laroche, & Roux-Duport, 2003). En effet, si les évolutions en cours ne sont pas toujours prévisibles, cela ne signifie pas pour autant qu’elles sont aléatoires.

8Il y a un ensemble de règles collectives et de structures organisationnelles qui conditionnent et déterminent l’action de chacun des acteurs mais, dans le même temps, chaque acteur n’est jamais totalement réduit et il dispose d’une certaine marge de manœuvre dont il va pouvoir jouer pour essayer de contourner (ou modifier) ces dispositifs (Giddens, 1987). L’un des moyens à leur disposition va résider dans la capacité des acteurs à donner du sens à ce qui vient perturber leur action (Vidaillet et al., 2003). Il est donc possible d’observer dans l’analyse des discours comment les points de vue se confrontent et comment s’opère une création collective de sens propice à dessiner un futur.

1.3. Le rôle des instruments de gestion dans le processus de construction de sens

9La volonté de contrôle des bailleurs de fonds est relayée par l’introduction de nouvelles procédures d’évaluation des actions des associations et par de nouveaux indicateurs de mesure de la performance. Toutefois, pour rendre compte du processus de création de sens engagé par les acteurs de l’association et du rôle joué par ces instruments de gestion dans cette dynamique, nous adoptons une approche interactionniste et située (Suchman, 1987). En cela, nous nous écartons du paradigme classique du contrôle qui se caractérise par la volonté d’une approche déterministe et rationaliste des outils de gestion (Lorino, 1995a, b).

10La construction de sens est un processus social à base d’interactions qui est initié par la perception d’une dissonance cognitive, d’un doute existentiel (la survie de l’association). Tant que des cadres de signification n’ont pas été élaborés permettant aux acteurs de faire sens de la situation qu’ils affrontent collectivement, il n’y a rien à décider (Weick, 1995). Lorsqu’on adopte une perspective de l’action, il convient d’étudier l’action managériale concrète et de se placer au niveau des interactions entre les acteurs de ces relations qui sont médiatisées par des instruments de gestion. En effet, c’est seulement au travers de l’évolution du processus d’interprétation des acteurs engagés dans la confrontation avec ce nouvel appareillage gestionnaire que ces derniers agiront différemment.

11Aussi, appréhender le rôle des instruments de gestion dans le processus de création de sens suppose de renoncer à toute lecture positiviste et déterministe des instruments de gestion (Lorino, 2005 ; Moisdon & Engel, 2005). Il convient davantage d’étudier les conditions de leur engagement en situation par les acteurs ainsi que leurs effets pratiques induits sur l’action collective (Scapens & Jazayeri, 2003). Cette approche permet de souligner la dualité de tout instrument qui est à la fois contrainte et ressource pour l’activité humaine.

12Ceci implique deux considérations importantes : l’introduction d’un nouvel instrument ne peut commander ou prescrire le changement mais seulement le faciliter, le rendre possible dans la durée. Par ailleurs, la nature du changement est partiellement indéterminée : à partir du moment où de nouvelles lectures de l’activité sont rendues possibles, elles peuvent très bien avoir des répercussions à différents niveaux, en raison des boucles d’interactions qui caractérisent l’organisation. Le changement ne s’appréhende pas en des termes d’impact, de succès ou d’échec mais, bien plus, au travers des effets pratiques induits par les nouvelles médiations permises entre interprétation et interactions (Lorino, 1989, 2005). Les interactions entre les acteurs sont médiatisées par des instruments de gestion et sont à l’origine de la production de nouvelles connaissances. L’organisation apparaît comme un « système d’action collectif investi de sens par les acteurs » (Lorino, 2003).

2. Méthodologie de la recherche

13La méthodologie choisie est celle d’une étude de cas. Après avoir décrit la méthode de terrain choisie, nous présenterons le contexte général de l’association étudiée.

2.1. La méthode de terrain

14Une étude qualitative a permis de fonder le travail de collecte de cette recherche et une étude de cas a été utilisée afin d’illustrer notre question de recherche (Yin, 1994). Nous avons eu recours à plusieurs sources d’information : trente-trois entretiens semi-directifs (enregistrés et retranscrits) réalisés auprès des parties prenantes internes et externes de l’association. Parmi ceux-ci, des représentants des financeurs de l’association ont accepté de nous rencontrer ainsi que quelques partenaires de l’association. Un tableau de synthèse (Annexe 1) recense la qualité des personnes interviewées par les auteurs et témoigne de la diversité des points de vue exprimés par les financeurs publics.

15Pour compléter ces entretiens, des échanges informels et des observations ont été conduits au sein des activités de terrain de cette association : cours d’alphabétisation (français langue étrangère - FLE) et papothèque (lieu d’accueil parents-enfants). Des documents écrits ont également été rassemblés pour compléter la démarche de collecte d’information et pour autoriser une triangulation des données (Allard-Poesi, 2003). Nous avons pu notamment travailler sur des documents comptables et budgétaires, la lettre d’information de l’association, les supports de communication et les études et rapports réalisés par l’association elle-même. L’ensemble des données ont fait l’objet d’un codage au moyen du logiciel N’vivo (Deschenaux & Bourdon, 2005).

2.2. Etude de cas sur une association du secteur social

16L’association COPR est fortement implantée sur un territoire économiquement défavorisé dans la périphérie de Strasbourg où vit une proportion importante de familles d’origine étrangère présentant des difficultés d’intégration. L’association a été créée dans les années quatre-vingt et est un acteur important d’un réseau constitué d’élus locaux, de représentants de l’État, d’associations du secteur social et de financeurs publics locaux, nationaux et européens. L’animation de ce réseau vise à proposer et financer des actions sur ce territoire permettant de faciliter l’intégration de ces populations dans la vie sociale. Les financeurs publics (CAF, ville de Strasbourg, préfecture, conseil Général, conseil Régional, Fonds Social européen etc.) soutiennent les associations lorsqu’elles proposent de mener des actions répondant à leurs propres objectifs et moyens.

17Les relations entre les différents acteurs locaux de ce réseau sont caractérisées par une histoire longue et une forte imbrication entre leurs différents rôles. Par exemple, le Président de l’association COPR est aussi un élu local sur un quartier proche de celui où est implantée COPR et il préside également d’autres associations. Les membres du bureau de COPR sont souvent des bénévoles dans d’autres associations et sont parfois engagés dans leurs activités de gestion. Nous avons également rencontré d’autres élus locaux étant eux-mêmes responsables d’autres associations du département du Bas-Rhin. De même, la plupart des financeurs locaux rencontrés sont également engagés au sein de la vie associative. En ce sens, il convient de privilégier une approche historique, systémique et centrée autour de l’animation d’un territoire pour l’étude des relations entre l’association et les bailleurs de fonds.

18Dans ce cadre, l’association COPR témoigne des deux orientations majeures qui fondent sa raison d’être : la première est de susciter le « contact, comme rencontre de personnes d’origines, de milieux, d’âges… différents, pour s’ouvrir aux autres et partager » et la deuxième est de « contribuer au développement des compétences, [pour] diminuer le poids des inégalités ». Même si elle dispose de salariés, l’appel aux bénévoles est un des principes fondateurs de l’association.

19Des activités variées tournées vers le développement du lien social

20Les activités s’orientent autour de l’accueil des familles, du travail avec l’enfant dans sa globalité, et visent à « s’inscrire principalement dans les interstices non couverts par les dispositifs institutionnels légaux ou réglementaires ». Les valeurs défendues par l’association figurant dans le « projet de l’association » rédigé en 2006 sont l’engagement, le sens de l’accueil, la tolérance, le dialogue et la participation, la recherche de la qualité par la promotion du travail et de l’effort, la ténacité.

21Dans ce cadre, les cours de Français pour adultes s’adressent aux étrangers vivant en France. Ils poursuivent un double objectif en cela qu’ils recherchent à la fois un développement de compétences linguistiques, l’autonomisation et, également, le développement d’échanges interpersonnels et interculturels. Au moment de la rédaction du projet associatif, en 2006, des objectifs de capacité d’adaptation aux besoins des apprenants, de renforcement des compétences des intervenants, d’évaluation du fonctionnement des cours et de support aux échanges interculturels ont été fixés. Au plan des orientations, on note la place de cette activité par rapport à l’importance du lien parents-enfants, la question de la fidélisation des apprenants, la construction ou la consolidation de lieux d’élaboration du savoir-faire des bénévoles (réunions et bibliothèque) et d’outils de communication.

22La papothèque est ouverte à tous et est centrée sur l’évolution du lien parents-enfants et sur la place de chacun dans la vie sociale. Le projet associatif précise que « l’équipe des accueillants crée et propose des supports variés et adaptés (livres, jeux de société, bricolage…) et des activités comme le conte, la musique, le chant, la cuisine, le travail de la terre…, et organise des moments café ». Les orientations fixées en 2006 portent sur les locaux, les relais et partenariats, et la production de savoirs sur l’expérience de la papothèque au regard de l’évolution de son public. Avec 15 ans d’existence, la papothèque a joué un rôle déterminant dans l’histoire et l’évolution de COPR en lui conférant le statut d’association innovante et une notoriété auprès des responsables politiques et des financeurs publics œuvrant sur ce territoire. Il s’agit de promouvoir, vis-à-vis de populations en danger d’exclusion et vivant dans un quartier en grande difficulté économique, la participation des familles dans l’acte éducatif en les associant à des activités culturelles, artistiques ou ludiques. L’intention éducative est résumée par la formule, empruntée à COPR, « papoter autour d’un faire ».

23L’association COPR s’est aussi battue pour obtenir le financement de cette nouvelle structure pour laquelle il n’existait à l’époque aucune ligne de crédit budgétaire mobilisable. L’association a joué un rôle moteur dans le développement de cette innovation sociale et a réussi à convaincre et mobiliser des financeurs publics pour obtenir et pérenniser son financement. Les propositions pour les cinq années à venir portent sur la priorité donnée au lien parents-enfants, les passerelles entre les différentes activités, l’attention aux besoins des publics, et la volonté de se positionner en tant que force de proposition vis-à-vis des institutions.

24Les bénévoles : un atout majeur de l’association

25L’importance du bénévolat constitue une spécificité de l’association. L’ensemble des financeurs reconnaît à COPR la force de mobilisation de ses bénévoles. Certains d’entre eux considèrent même qu’il s’agit là de la plus-value de l’association. Les bénévoles réalisent concrètement et permettent financièrement les activités de l’association. Sans eux, la plupart des actions de COPR ne pourraient pas être financées. Leur régularité, leur implication et le développement de leurs compétences, sont des atouts pour l’association. Dans le domaine du FLE, quelques réunions annuelles permettent d’échanger sur les pratiques d’enseignement et de prise en charge des apprenants. Les échanges peuvent avoir lieu de façon informelle avec le salarié coordinateur et les autres bénévoles sur le site. Des formations sont également organisées. Le débat entre les financeurs et l’association porte sur la question de savoir si ces formations doivent être internes (regroupant des bénévoles de COPR) ou externes (s’adressant à tous les bénévoles de Strasbourg et des alentours). L’association met en avant que les formations internes amorcent des dialogues qui peuvent se poursuivre ensuite, et même déboucher sur une demande de réunions supplémentaires.

26L’attachement des bénévoles est ainsi très lié aux activités dans lesquelles ils sont engagés. Si quelques-unes s’impliquent au Conseil d’Administration, la plupart d’entre eux témoignent surtout d’un attachement très fort à leur activité. Dans les cours de FLE, des liens de quasi-amitié se développent entre les apprenantes et les formateurs bénévoles. L’apprentissage du Français reste naturellement un objectif, mais le lien affectif est un moteur indéniable pour l’action. Ainsi, des bénévoles se sont réjouis et félicités qu’une apprenante, réservée et visiblement soumise à son mari en début d’année, ait eu pendant la formation le courage de prendre le tramway toute seule. On voit ici que la représentation des bénévoles sur la qualité de leur action déborde largement le périmètre d’un lieu ou d’une situation d’apprentissage. Il n’est pas certain qu’un tel résultat (salué par l’ensemble de l’équipe de bénévoles comme un bon résultat) puisse un jour trouver sa place dans les indicateurs de mesure de performance des financeurs. Les bénévoles ne se pensent pas comme une main-d’œuvre à bon marché et leur contribution ne se limite pas à donner un « supplément d’âme » à des activités qui seraient pensées en-dehors d’eux. Ils contribuent activement à proposer des améliorations des activités existantes (FLE familial, FLE informatique, etc.) voire même des activités entièrement nouvelles (kiosque culturel).

3. Description des situations de gestion observées

27La contrainte d’espace propre à la rédaction d’un article ne nous permet pas de rendre compte d’une manière exhaustive de l’ensemble de nos observations sur le terrain. Nous restituons ici un thème important qui traverse - systématiquement mais à des degrés différents selon les situations étudiées - l’ensemble des échanges et des discussions auxquels nous avons participé : la prise de conscience collective d’une menace pesant sur la survie de l’association. Nous montrons que cette menace a pris une double forme pour les acteurs de l’association : la volonté de contrôle des pouvoirs publics et le désengagement annoncé de certains financeurs publics. Cette menace apparaît d’autant plus forte pour cette association que la dépendance de l’association aux financeurs publics est quasi totale et que sa situation financière est très dégradée.

3.1. Les nouvelles règles du jeu voulues par les financeurs publics

28La volonté de contrôle renforcé exprimée par les financeurs publics se manifeste par de nouveaux dispositifs et procédures d’évaluation. Les organismes publics nationaux et européens - préfecture, DASS, CAF - semblent vouloir regarder davantage la conformité des actions proposées avec les objectifs nationaux des politiques publiques. Par exemple, la volonté de financer les activités de FLE ayant pour finalité une insertion professionnelle constitue un exemple emblématique de cette nouvelle approche. Ou encore, l’introduction d’un indicateur mesurant le coût moyen de la formation par individu a fait son apparition dans certaines procédures d’évaluation. Or les objectifs des politiques publiques peuvent être sensiblement différents de ceux de COPR. Par exemple, dans ce domaine précis du FLE, la visée de l’action de COPR est celle de l’accompagnement de populations particulières qui ne cadre pas tout à fait avec cet objectif-là.

29Quels que soient les artifices que l’on peut employer pour faire cadrer l’activité FLE de l’association avec ces nouvelles exigences, quelle que soit la bonne volonté des interlocuteurs de ces financeurs publics, ces derniers sont néanmoins tenus de respecter des règles plus strictes et ne seront pas non plus toujours en poste. Cela constitue une nouvelle menace pour le financement de ces activités basées sur une approche différente, plus personnalisée et qui tient compte des différences culturelles de ces populations.

30Deux décisions prises par les financeurs publics et affectant directement l’association COPR illustrent le resserrement des instructions des dossiers. D’abord, les pouvoirs publics ont imposé une formation externe aux bénévoles des associations qu’ils financent. Cela vient en contradiction avec l’approche de COPR qui a toujours privilégié une formation en interne de ses bénévoles. Cette mesure a été perçue en interne comme un appauvrissement et une tentative de formatage de l’action sur le terrain. Ensuite, le Fond Social Européen s’est désengagé en 2007 du financement des actions de FLE en soulignant que les objectifs visés par COPR n’étaient pas compatibles avec la visée d’insertion professionnelle recherchée par le FSE. Cela représentait 40 K€ soit environ 8 % du montant des subventions obtenues en 2007 par COPR. Ainsi, le représentant européen explique sa position :

Et, lorsque… j’ai eu l’occasion de travailler avec les organismes qui proposent du FLE dans les quartiers, c’est la question essentielle qui s’est posée : est-ce que l’action FLE que vous mettez en œuvre dans les quartiers via généralement des centres socioculturels ou via des associations comme COPR sur Hautepierre et sur Schiltigheim, est-ce qu’il y a réellement une valeur ajoutée en matière de visée professionnelle ? Et c’est là que, il y a eu effectivement de grosses difficultés parce que, en réalité, il y a eu des financements sans doute les années précédentes qui… qu’on appelait à visée professionnelle mais qui en réalité étaient très orientés sur une insertion sociale. Et là, il y avait une vraie difficulté avec le Secrétariat Général aux Affaires Régionales et Européennes qui avait prévenu très clairement que les dossiers seraient, suite à contrôle, retoqués…

31 Ensuite, certains financeurs publics nationaux favorisent désormais une logique d’appels d’offres et de mise en concurrence entre associations ou entre associations et entreprises privées. Dès lors le périmètre d’action des opérateurs choisis peut dépasser le niveau strictement local. Cela constitue une menace pour une association ancrée dans un territoire, disposant de peu de ressources gestionnaires et qui pourrait se retrouver en concurrence avec des entreprises privées. Certes, les dangers de choisir un prestataire national proposant le prix le plus bas par rapport à une association localement implantée sont connus par les financeurs comme en témoigne l’extrait suivant.

Y : Donc vous trouvez que cette logique des appels à projet, ça a quand même des limites ?
X : Oui… parce que l’appel à projet, enfin on le voit, moi je pourrais vous donner quelques exemples… les appels à projet tels qu’ils sont réalisés aujourd’hui au niveau gouvernemental via le Pôle Emploi… on voit bien que c’est des appels à projet qui deviennent nationaux voire européens et que, évidemment ceux qui sont retenus sont ceux qui sont en capacité de faire des prix, dramatiquement bas, donc ça veut dire qu’ils recrutent des gens à des salaires les plus bas, qui ne connaissent rien au niveau local. »

3.2. Le désengagement annoncé de financeurs publics locaux

32L’association COPR a toujours pu compter dans le passé sur le soutien des collectivités territoriales. Cependant, ces dernières sont désormais soumises à des contraintes financières nouvelles qui remettent en question la pérennité et le niveau des financements accordés au monde associatif. En effet, le transfert de compétences de l’État vers les collectivités territoriales qu’il convient de financer en priorité et l’impossibilité de continuer à augmenter un endettement déjà élevé rend plus difficile le financement du monde associatif. De ce point de vue, ces budgets ne sont pas prioritaires et ne peuvent provenir que du solde qui demeure une fois le financement assuré des autres missions de la collectivité territoriale. Cela a été expliqué, avec une très grande clarté, par le président du conseil général du Bas-Rhin fin 2009. Il n’est d’ailleurs pas certains que les deux cent participants issus du monde associatif soient repartis aussi rassurés de cette réunion que le président l’aurait voulu. Un extrait de son allocution permet d’en comprendre les raisons :

« À ce stade, il faut dire un mot de nos perspectives en matière d’autonomie fiscale parce que ça va beaucoup changer la donne, ça veut dire, les marges de manœuvre qu’on avait ne seront plus les mêmes demain. Ce qu’il va se passer, c’est que la taxe d’habitation et la taxe professionnelle […] ; le département n’en bénéficiera plus. À compter de 2011, son pouvoir de taux [celui du conseil général du Bas-Rhin], sa liberté fiscale va passer de 44 % de ses recettes de fonctionnement à 11 %, une division par 4. […] Notre Dette ? À fin 2009 sera de l’ordre d’un demi‑milliard d’euros, c’est beaucoup sur un budget qui est d’un peu plus d’un milliard d’euros. C’est tout à fait soutenable mais c’est déjà significatif. Si on continue avec la même dynamique de dépenses de fonctionnement mais avec la nouvelle dynamique de recettes en face, on arrive en 2014 à près d’un milliard et demi de dettes. C’est un niveau insoutenable. […] Donc cela va plus loin que la crise conjoncturelle. […] Pourquoi sommes‑nous dans cette situation ? Parce qu’on nous a transféré des compétences extrêmement dynamiques en termes de dépenses, notamment dans le domaine social, de l’indépendance, du RMI et des recettes qui se sont beaucoup comprimées. C’est ce qui explique en fait cet effet ciseaux. »

33De grandes manœuvres politiques sont engagées pour renationaliser la conduite de politiques publiques dans le domaine social, voire culturel et cela sonne comme la fin du « département providence » (Lafore, 2004). Cela prend différentes formes : la réforme en cours des collectivités territoriales visant à fusionner les rôles d’acteurs aujourd’hui différents, le resserrement - à l’étude - de l’objet des missions de ces collectivités visant à restreindre leur champ d’intervention, le tarissement de leur capacité à lever de nouvelles recettes par la réforme de l’impôt, l’alourdissement de leurs charges par le transfert des compétences nationales partiellement financées par des dotations provenant de l’État. Ces dernières constituent désormais la source principale de leur financement et instaurent une nouvelle forme de dépendance avec l’État. Aussi, il est peu probable que les financements publics locaux s’accroissent dans un tel contexte, et ce serait déjà une bonne chose que le financement de la papothèque par la ville de Strasbourg ne soit pas partiellement amputé dans les années qui viennent.

3.3. Des ressources publiques induisant une précarité financière

  • 4 L’association s’inscrit par certaines de ses actions dans la recherche de valorisation de certains (...)

34L’analyse des sources de financement de COPR et de leur évolution dans le temps permet d’esquisser un premier aspect des relations qu’elle entretient avec ses financeurs et de décrire le maillage de l’ensemble des financements obtenus par COPR pour l’ensemble de ses actions. L’association intervient dans le champ de la politique de la ville4 et dans des actions thématiques complémentaires qui peuvent d’ailleurs déborder le cadre de ce champ.

35La situation financière de l’association est vulnérable (Annexe 2) en raison des trois éléments suivants : d’une part, elle dispose de très peu de réserves pour faire face aux aléas d’une vie associative mouvementée. D’autre part, elle dépend de trois financeurs publics qui sont eux-mêmes confrontés à une baisse de leurs ressources disponibles pour le financement du monde associatif en général. Enfin, certains financeurs souhaitent également contrôler davantage l’attribution des fonds publics. Dans cette approche, les actions financées doivent répondre strictement aux orientations des politiques publiques, ce qui n’est pas toujours le cas de celles menées par COPR. Cette crise a des implications tant sur le plan externe que sur le plan interne.

4. Des interprétations différentes sur le degré de remise en cause de l’action sur le terrain

36Il va de soi que la plupart des membres de l’association sont conscients de l’évolution défavorable de leur environnement. Pourtant, le sentiment d’urgence et de gravité de la situation n’est pas ressenti de la même manière au sein de l’association. Les interprétations des acteurs quant au degré de remise en cause du projet associatif et de l’action sur le terrain sont divergentes. Il n’existe pas non plus, à l’heure actuelle, de consensus sur le positionnement que l’association pourrait adopter pour y faire face. De nombreuses propositions, plus ou moins radicales, ont été avancées par différents acteurs de l’association. Les réactions qu’elles suscitent soulignent les tiraillements face à toute évolution suggérée du modèle historique - le projet associatif, les valeurs de l’association et un financement public - sur lequel s’est construit avec succès l’association depuis quarante ans.

37Toutefois, il existe un point commun à l’ensemble des acteurs de l’association : celui du refus de devenir un sous-traitant des pouvoirs publics. Personne ne souhaite remettre en cause le projet associatif et les valeurs incarnées par l’action de l’association. La discussion porte sur les aménagements du modèle historique qu’il est possible d’envisager sans « perdre son âme ». Nous présentons désormais les différentes positions que nous avons identifiées.

4.1. Le refus de devenir un sous-traitant des pouvoirs publics

38Les membres de l’association revendiquent un projet associatif unitaire, ancré dans un territoire et qui ne trouve sa cohérence que considérée globalement. La valeur sociale créée par l’action de cette association déborde de très loin la simple évaluation comptable de ses actions considérées sur le court terme et isolément les unes des autres. En un mot, COPR n’est pas réductible à une somme de projets. L’extrait d’un entretien avec un membre de l’association exprime l’idée, qu’au-delà de la valeur économique des actions menées et que les financeurs souhaitent évaluer projet par projet, les acteurs de l’association se battent d’abord pour apporter une valeur sociale au quartier de Cronenbourg. C’est à l’aune de la contribution au mieux-vivre ensemble au sein de ce quartier que l’association devrait être, selon eux, évaluée.

X : Je vais vous donner un exemple. Jusqu’à présent, on faisait donc l’apprentissage de la langue comme ça, c’est-à-dire qu’il y a plus de femmes qui viennent que d’hommes et maintenant on nous impose, si on veut avoir les finances, il faut qu’on le fasse dans la perspective d’un emploi. […] Ça a été un problème. […] Mais même le fait qu’ils disent on vous finance uniquement si c’est pour l’emploi, de la part de l’État qui combat, qui est censé combattre le chômage, je peux l’accepter, mais je ne veux pas le réduire à ça, parce qu’il y a aussi le reste, y a aussi la vie. Il y a l’emploi puis y a la vie aussi. Mais je comprends qu’il le demande, je voudrais simplement qu’il n’en fasse pas quelque chose d’absolument rigide. […] Il y a des besoins qui n’ont pas changé. Les femmes, leur condition n’a pas beaucoup changé. Elles sont enfermées chez elles, donc elles n’apprennent pas la langue, ça, c’est toujours vrai. […] Les relations entre parents et enfants sont toujours très difficiles dans ce quartier. L’autorité parentale ça a beaucoup changé. […] Je crois que les adolescents de ces quartiers manquent d’adultes. Ils n’ont pas d’adultes avec qui discuter, avec qui échanger. Des adultes qui leur montrent un peu la voie, qui leur apportent des arguments, qui leur permettent de mûrir leurs propres pensées. Il n’y en a pas assez dans le quartier. […] À mon avis, c’est un nouveau besoin.

39 Cependant, il semble qu’un tel discours soit de moins en moins audible par des financeurs publics désormais désireux d’instaurer un contrôle par les résultats et d’évaluer l’efficacité des politiques publiques « projet par projet ». L’extrait de l’entretien suivant souligne les efforts entrepris pour répondre aux demandes de certains financeurs.

X : Comment vous mesurez… la nature des… le contenu des actions, etc. ?
Y : Déjà on a un taux de fréquentation… il y a un nombre d’élèves… Sur un volume déjà, on sait si le volume correspond… puisqu’il y a un volume qui est affiché pour financer… au nombre d’élèves. Donc, il y a un coût moyen c’est-à-dire que si le nombre d’élèves baisse, le coût… augmente.
[…]
X : Il y a un dossier qui est rempli ?
Y : Absolument, dans le cahier des charges il y a un dossier « demande de subvention » qui détaille action par action le financement, le nombre d’élèves, le contenu des actions. […] Voilà… donc on a un partenariat. Alors, il y a un comité de pilotage qui décide… d’une programmation qui valide des évaluations et un comité technique auquel je vais participer cet après-midi pour valider les appels à projets dans le cadre de ce contrat et donc les cofinancements, voilà, pour vous expliquer réellement le fonctionnement. […] Il y a aussi une évaluation avec un prestataire extérieur, la XYZ qui a été choisie et qui permet de vérifier si les indicateurs sont remplis.

4.2. Jouer sur les ambiguïtés des financeurs publics

40Deux arguments de nature différente sont exprimés par les acteurs internes de l’association - à l’exception notable de son Président - pour relativiser les effets de ce contrôle renforcé. D’abord COPR est certes dans une situation précaire financièrement mais a toujours réussi à survivre en trouvant au coup par coup des solutions en sollicitant les financeurs locaux. Ainsi, le retrait du FSE pour le financement des cours de FLE a été compensé par une intervention conjointe de financeurs locaux. COPR a organisé une réunion de tous les financeurs de cette action au cours de laquelle la ville de Strasbourg a évoqué la possibilité de fermer un cours et de maintenir le niveau de financement. La négociation a finalement abouti à la non-fermeture d’un des cours et à l’augmentation du financement de l’ensemble des cours de l’association. L’argument selon lequel COPR est une association « trop fortement implantée pour être laissée à l’abandon » a, semble-t-il, un certain poids.

41Ensuite, la mise en œuvre des nouvelles orientations voulues par les financeurs publics afin d’assurer une plus grande cohérence dans l’allocation des fonds avec les objectifs des politiques publiques n’est cependant par toujours lisible sur le terrain. Ainsi, le contrat urbain de cohésion sociale (CUCS) est un dispositif cogéré par l’État et la Ville. Le Conseil général et la CAF sont également signataires. Il traduit la volonté affichée des financeurs de mieux coordonner l’attribution des subventions au monde associatif. Cette initiative a permis une contractualisation. Le cahier des charges de l’évaluation prévoit notamment de renforcer les processus du pilotage du CUCS, tant au niveau de l’instruction des dossiers qu’au niveau de son articulation avec les autres dispositifs.

42Toutefois, la réalité observée du fonctionnement de ce dispositif souligne un danger réel : celui de se limiter à une gestion uniquement administrative des dossiers au détriment d’une instruction conjointe basée sur la recherche de cohérence des actions menées au niveau d’un territoire. Les relations parfois tendues entre les financeurs, les arbitrages politiques, le manque de ressources pour traiter un nombre important de dossier, les valses-hésitations de certains financeurs dont les positions et objectifs changent parfois rapidement, le renouvellement fréquent des différents interlocuteurs qui à chaque fois doivent se réapproprier la démarche et les dossiers expliquent les difficultés rencontrées à ce jour pour tirer tous les bénéfices de ce dispositif de coordination inter-financeurs.

  • 5 L’annonce en 2000 par la direction de Michelin de la suppression de 7 500 emplois s’était traduite (...)

43Par ailleurs, il existe un décalage entre certaines actions prises par les financeurs et le discours tenu souhaitant la professionnalisation des associations. Nous donnerons ici deux illustrations. Tout d’abord, il semble paradoxal de constater que le monde associatif est aujourd’hui confronté à une procédurisation de sa gestion imposée par les financeurs alors même que ces derniers refusent de considérer le besoin de gestion induit pour les associations par leurs demandes formalisées et intensifiées de contrôle. L’acquisition de compétences gestionnaires dans les associations pourra difficilement se réaliser sans un financement dédié. Ensuite, la réaction des financeurs à l’annonce du licenciement économique d’une salariée de l’association COPR ressemble, toute proportion gardée, à une sorte d’effet Michelin5. La portée de cet acte est naturellement symbolique à l’échelle de ces financeurs même s’il en est tout autrement pour la personne licenciée et pour l’association elle-même. Ce licenciement, mis en avant auprès des financeurs, semble avoir conduit ces derniers à proposer ponctuellement de nouvelles activités et donc de nouveaux financements à l’association. Considérer un licenciement économique comme un acte de bonne gestion pour une association investie dans le travail social de proximité en dit long sur l’évolution de l’attitude des financeurs publics envers le monde associatif.

44Dans le même temps, l’association s’est vue proposer des financements inattendus à des moments opportuns. Cela permet de maintenir en vie l’association en renflouant provisoirement ses caisses. Par exemple, la lutte contre l’illettrisme a été élevée au rang des priorités d’un financeur public. Leurs représentants ont dès lors proposé à un responsable de COPR d’allouer des subventions à l’association. Cette dernière devait en échange présenter un projet contribuant à la lutte contre l’illettrisme. Il est intéressant de souligner que cette proposition est formulée à un moment où l’association fait face à des difficultés financières, ce qui témoigne de la sollicitude de certains financeurs envers l’association. Cependant, la lutte contre l’illettrisme n’a jamais été la compétence de l’association.

4.3. Retrouver l’esprit pionnier du début de l’association

45Une autre voie a également été explorée en interne : celle de la diversification des projets, des activités et de la mise en avant de l’esprit de bénévolat de l’association. L’énergie, l’expertise et les compétences des bénévoles constituent une ressource précieuse. Le FLE familial, le FLE informatique, le FLE citoyen, le kiosque culturel, le recensement des compétences des bénévoles pour mieux les exploiter, telles sont les principales idées qui ont émergé de ces réflexions collectives. Certes, ces idées ne sont pas toutes nouvelles, mais il existe aujourd’hui une volonté de coordonner leur développement. Cela témoigne de l’attachement des bénévoles à l’association et ouvre très certainement de nouvelles perspectives. Pourtant, certaines de ces idées posent d’autres problèmes car, si elles s’inscrivent dans le projet associatif, elles ne reposent pas toutes sur un financement clairement identifié. De plus, elles ne répondent pas non plus toujours à une demande des financeurs. Or certains acteurs importants de COPR pensent qu’une bonne idée ne peut être considérée comme telle tant que l’on ne s’est pas préoccupé préalablement de son financement.

5. La question de la gouvernance de l’association : l’illustration d’un clivage idéologique

46Le débat sur l’évolution de la gouvernance de l’association se cristallise autour de la diversification de ses sources de financement. L’association a toujours été financée par des fonds publics provenant d’une large variété d’organismes. L’innovation sociale dont a fait preuve l’association au fil du temps, la pertinence des projets conduits par l’association pour remédier à des problèmes de vie dans des quartiers difficiles et son rôle de force de propositions joué auprès des financeurs lui ont assuré une reconnaissance et une notoriété qui constituent probablement aujourd’hui, avec le bénévolat, son plus grand atout. Aussi, elle ne s’est jamais trop occupée, dans le passé, du financement de ses actions ni d’obtenir l’aval des financeurs sur les finalités des actions menées : on agissait d’abord, on s’arrangeait ensuite. De plus, des acteurs de l’association expriment l’idée que ce n’est que justice que les pouvoirs publics contribuent au financement. De leur point de vue, l’activité sociale de COPR vient combler un manque, une carence dans l’action de l’État.

47Pourtant, de nombreuses voix s’élèvent au sein de l’association et aussi auprès des financeurs pour souligner qu’un tel discours n’est aujourd’hui plus tenable, même s’ils sont nombreux à le regretter. La crise économique, conjuguée aux problèmes aigus de financement des missions des collectivités locales liées aux transferts des compétences de l’État aux collectivités territoriales, réduit sensiblement les budgets alloués au monde associatif.

48Dès lors, la question de l’ouverture au financement privé est naturellement posée. Certains plaident pour la création d’une branche commerciale avec l’objectif de tirer, à terme, 40 % des recettes de l’association de cette activité. Pourtant, les contours de ce projet, dont l’essence même est loin d’être partagée par tous au sein de l’association - notamment pour des raisons idéologiques mais pas seulement - demeurent flous. Par exemple, l’idée de développer une aide à domicile payante pour l’accompagnement des devoirs scolaires pose un problème en raison de la mise en concurrence avec des entreprises privées. Cela s’oppose également à l’idée même du bénévolat qui imprègne l’association.

49De même, certains financeurs doutent de la possibilité pour COPR de pouvoir s’affranchir des fonds publics. Son objet social ne permet pas de solliciter des dons auprès du public ou d’organiser des événements attirant des sponsors comme dans le domaine sportif. Aujourd’hui, seul un financement de 2 500 € de la fondation Kronenbourg a été obtenu pour le développement d’un jardin partagé avec les habitants du quartier. L’hybridation des ressources (Gardin 2008) avec des fonds privés demeure donc un objectif lointain. Toutefois, les avantages que l’association pourrait retirer d’une diversification de son financement sont importants : possibilité de financer des actions plus en lien avec son projet associatif, restaurer des marges de manœuvre vis-à-vis des autres financeurs, pérenniser une partie de son financement.

50L’extrait d’un entretien avec le président de l’association, illustre les dilemmes de l’association :

P : Ce sentiment d’urgence, enfin, ce sentiment qui devrait être un sentiment d’urgence provient d’une certaine façon que cette association a toujours eu l’habitude de vivre avec des fonds publics. […] C’est-à-dire, de subventions. […] À la limite, on est vraiment des auxiliaires des pouvoirs publics.
X : Alors oui. Justement, c’est intéressant de savoir, vous êtes auxiliaires dans le sens où vous êtes prestataires ou dans le sens où vous êtes force de propositions ?
P : Les deux figurez-vous. Les deux. Et c’est pour cela que j’aimerais bien et j’en ai parlé longuement au bureau, que j’aimerais bien qu’on développe une section économique.
X : D’accord. C’est donc développer une activité commerciale qui serait connexe à votre activité de mission de services publics ?
P : Pourquoi ne pas dire, je ne sais pas, quelqu’un qui peut payer des cours particuliers à son enfant, je fais appel à l’association COPR.

6. Discussion

51L’analyse des discours portant tant sur la structuration de l’association en externe que sur la structuration en interne met en lumière des difficultés importantes que traverse COPR. Elles sont à l’origine d’un processus de création de sens (sensemaking) parmi les acteurs internes qui la constituent et ce en interaction avec les acteurs externes avec qui l’association échange. Ce dernier n’est pas convergent et ne peut aboutir (ou se réduire) à un sens collectif. L’étude révèle plutôt l’affrontement entre différentes visions de l’association qui ne sont pas réductibles les unes aux autres avec des prises de position parfois contradictoires et souvent non convergentes.

52La création de sens qui a lieu à l’occasion de cette crise traversée par l’association a des répercussions tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de COPR. Elle prend des formes très différentes selon les acteurs concernés. Les acteurs hésitent et s’interrogent sur l’attitude à adopter. Certains changent d’avis, d’autres campent sur leurs positions. Tout cela crée des tensions qui ont abouti aux retraits (parfois vécus comme des évictions) de certains membres du conseil d’administration. L’enjeu de cette création collective de sens avec ses surprises et ses ajustements (Avenier, 1997) est de déployer les formulations d’un avenir pour COPR alors même que la prise de conscience d’une mort possible de l’association fait son chemin. Dans ce contexte, des membres du conseil d’administration cherchent à donner du sens à l’action et à réaliser un véritable travail institutionnel (Lawrence et Roy, 2006). Le concept de sensegiving (Gioia et Chittipeddi, 1991) se juxtapose alors à celui de sensemaking (Weick, 1995) pour rendre compte de l’influence d’un acteur sur le processus de construction de sens des autres acteurs.

53L’avenir de COPR semble se dessiner autour de deux postures influencées par le sens donné par les acteurs à leur action :

54- Posture n° 1 : les acteurs cherchent à faire coïncider ou ré-émerger dans le sens de leur action, malgré les changements survenus, les anciens schémas (ou modèles éprouvés) de COPR. Au besoin, ils sont prêts à tordre un peu la réalité pour la rendre compatible avec le nouveau contexte. Il s’agit pour eux d’adapter les structures à la marge. Le sens de la réalité de leur action est perturbé mais n’est pas fondamentalement remis en cause. Cette posture peut s’appuyer sur la présence d’un réseau social important et développé, et sur la valeur forte et reconnue des actions engagées (et ce quel que soit le mode d’évaluation choisi par le financeur).

55- Posture n° 2 : les acteurs (dont le président) sont les promoteurs d’un sens nouveau qui engage l’association dans un autre rapport avec son environnement en modifiant profondément les structures organisationnelles. Les temps ont changé et les nouvelles modalités d’évaluation contraignent l’association à se penser, à se vivre et à se structurer différemment. Il y a là un projet de changement du sens donné à l’action et un défi important à relever. Celui-ci est pensé comme une opportunité en ce qu’il est vecteur d’une plus grande autonomie pour l’association et d’une meilleure exploitation de sa richesse interne et de son savoir-faire. Sur le plan mythique, il y a là un retour à l’esprit des fondateurs de l’association démarrant le projet sans moyen mais avec de nombreuses idées.

56Parmi les acteurs adoptant la posture n° 1, on ne recense pas que des acteurs internes. Certains acteurs externes et notamment des financeurs estiment à titre personnel que les nouvelles procédures d’évaluation ne sont pas forcément pertinentes dès lors que l’on connaît son dossier. L’idée pour ces acteurs est de trouver des moyens d’entrer sur le plan formel dans les dispositifs en vigueur tout en s’entendant sur le fond autour de valeurs et de types d’actions attendues. Ici, le partage de sens est nécessaire même si les objectifs poursuivis ne sont pas forcément les mêmes. Les structures ne sont pas fondamentalement modifiées. Un effort d’organisation doit être réalisé pour une meilleure productivité sur la partie fonctionnelle afin d’arriver à un plus grand professionnalisme dans le montage des dossiers. Il n’est question ici que d’habillage administratif pour une association qui resterait globalement sur le même type d’activité et avec les mêmes prestations qu’auparavant.

57En revanche, les acteurs qui adoptent la posture n° 2 sont les zélateurs de solutions alternatives qui impliquent un changement de structures de l’association voire une désolidarisation de certains pôles. Parmi les pistes envisagées, on note le développement d’activités commerciales, l’ouverture au mécénat d’entreprise, ou la création de nouvelles activités (ex. Kiosque culturel). L’idée est celle de l’hybridation des ressources et de l’adoption des nouvelles activités plus en rapport avec la demande exprimée par les financeurs. Il ne s’agirait pas forcément de se transformer en prestataire de services des pouvoirs publics mais d’apparaître comme l’acteur innovant sur le plan local qui sait anticiper sur les besoins et répondre efficacement aux demandes. Dans ce contexte, il est légitime que des personnes expriment leur désaccord, quittent l’association et que d’autres prennent le relais. On est dans la vision d’une association dynamique qui se renouvelle dans ses pratiques, qui prend des risques et ne cherche pas à tout prix à garantir la pérennité des emplois et de la fidélité des groupes de bénévoles.

58Les résultats de cette recherche sont limités à l’analyse des données issues d’une étude de cas auprès d’une association. En ce sens, ils ne sont pas généralisables à l’ensemble du secteur social. Cependant, ils présentent l’intérêt de concerner une association bénéficiant d’un enracinement et d’une reconnaissance très importants sur le plan local. À ce titre, ils sont porteurs d’enseignements très riches.

59Il nous semble ainsi que ces premiers résultats sont de nature à ouvrir des débats en termes d’évaluation des politiques publiques autour de la généralisation de l’instrumentation des relations aux associations. Nous relèverons essentiellement deux enjeux principaux à mettre en débat :

60- Le financement par projet des associations semble desservir les associations ayant choisi (comme COPR) un positionnement ancré sur un territoire avec la volonté de le servir dans une pluralité d’initiatives et d’actions qui ne trouvent leur cohérence que dans cet espace. Les résultats de notre recherche exploratoire devront être prolongés et renforcés bien entendu mais ils ouvrent d’ores et déjà la question de la nécessaire prudence de la puissance publique vis-à-vis de telles associations pour ne pas arriver à des résultats contreproductifs (notamment face à la demande sociale).

  • 6 Au sens du sens du paradigme classique du contrôle, c’est-à-dire de « vérifier » la conformité des (...)

61- Le contrôle6 gestionnaire des associations peut présenter un danger s’il se réduit à un contrôle coercitif, quantitatif et reposant sur un découpage de l’association en un ensemble de projets considérés isolément les uns des autres (Follett, 1924). L’activité d’une association comme COPR doit sans doute être appréhendée globalement et dans la durée afin d’en avoir une meilleure évaluation. Cette dernière est complexe car la valeur sociale créée par une association du secteur social sur le territoire où elle agit peut échapper aux tentatives de rationalisation et de représentation formelle de son action. Ce que montre le cas COPR c’est qu’il s’agit davantage de réinventer et de co-concevoir de nouveaux modes de gestion des relations entre le monde associatif et les bailleurs de fonds en favorisant une démarche d’apprentissage conjointe (Lorino, 2003).

Conclusion

62Les tensions observées dans la situation de crise vécue par COPR sont révélatrices, comme nous l’avons vu, de représentations contradictoires de l’action collective et donc de l’association. Deux postures se dégagent. Certains acteurs de l’association cherchent à profiter des éventuels décalages existant entre les discours nationaux des pouvoirs publics et les pratiques locales des responsables chargés de l’instruction des dossiers pour protéger le projet de l’association et son mode de fonctionnement tout en pérennisant les financements. D’autres explorent de nouvelles pistes pour trouver la voie vers de nouveaux financements ou de nouvelles activités. Les deux positions, difficilement conciliables, témoignent cependant d’une même volonté de conserver la nature et la qualité du projet dans un contexte de difficultés majeures et de prise de conscience d’une fin possible des activités de l’association.

63Grâce aux jeux des acteurs de nouvelles formes de médiation des associations à la puissance publique se sont développées. Ce premier résultat non attendu des législateurs est intéressant à noter car il conditionne finalement une évolution graduelle de la construction collective de sens des associations dans leur rapport à leur financeur. Il est aussi un premier élément d’appréciation de politique publique et montre la nécessité de ne pas s’en tenir à une vision déterministe pour apprécier les conséquences de l’introduction de nouvelles méthodes de gestion dans le secteur social. Les nouvelles médiations engendrées par les nouveaux dispositifs de financement et d’évaluation sont donc à mettre en rapport avec l’émergence d’identités plurielles qui demandent à être reconnues et arbitrées. L’analyse de gestion située que nous avons utilisée peut être un moyen d’aborder cette pluralité et, sans doute, de trouver des solutions de sortie de crise. Au-delà des outils formels, l’enjeu d’importance semble finalement de pouvoir suivre le monde social dans sa complexité en ouvrant un espace de discussion et de co-création autour d’indicateurs de mesure et d’analyse. Ceci aurait pour bénéfice une plus grande liberté d’action rendue aux associations et une capacité renouvelée pour celles-ci en termes d’innovation sociale.

64En conclusion, la demande de professionnalisation adressée à COPR ne se traduit pas par une volonté collective d’adopter un management et une identité proche du modèle d’entreprise. Il y a même un refus de se conformer à ce modèle associé au risque de devenir à terme un simple sous-traitant de l’action des pouvoirs publics. Les résultats de ce travail doivent maintenant être mis en perspective par d’autres études de terrain afin de consolider ou d’infirmer ce premier niveau d’analyse.

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YIN R. K., (1994). Case study research: Design and Methods, Sage publication, Thousand Oaks.

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Annexe

Annexe 1 - Tableau de synthèse des personnes interviewées

Les acteurs dirigeants de l’association
• Président COPR
• Directrice COPR (deux interviews séparées dans le temps)
• Trésorier COPR
• 3 administrateurs COPR membres du bureau de l’association
• 1 membre du conseil d’administration

Les acteurs opérationnels de l’association
• Un partenaire du Français Langue Étrangère, la formatrice cours de français au Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA)
• 2 salariées coordinatrices Français Langue Étrangère de COPR
• 2 bénévoles Français langue étrangère
• Responsable Papothèque
• 3 bénévoles Papothèque
• 2 salariées Papothèque
• Un usager de la Papothèque

Des partenaires directs de l’association
• Un partenaire de terrain de la Papothèque, le centre médico-social
• Un partenaire du Français Langue Étrangère, la formatrice cours de français au Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA)
• Directeur d’un centre de positionnement linguistique à vocation départementale (ADESCA)7

Les représentants des financeurs publics
• Directeur CAF et le Responsable de l’action sociale CAF du Bas-Rhin
• Deux chargés de mission politique de la Ville à la Préfecture
• Délégué territorial Politique de la Ville Préfecture
• L’ancienne et l’actuelle responsable du Français Langue Étrangère à la Ville de Strasbourg
• Une salariée du Crapt Carrli8 (Centre régional d’appui pédagogique et technique, Centre d’appui et de ressources régional de lutte contre l’illettrisme.)
• L’élu municipal du quartier Hautepierre
• Le responsable petite enfance à la Ville de Strasbourg
• Le responsable local du Fonds social européen
• Le président du Conseil Général9

Annexe 2 - Tableau de synthèse financier de COPR

Analyse des données comptables de l’association entre 2002 et 2009 :
Les subventions dépendent à 81 % de trois financeurs publics en 2009
Le montant des subventions obtenues est de 448 K€ en 2009, ce qui représente la quasi-totalité des produits d’exploitation de l’association. Ces subventions proviennent à plus de 95 % de financeurs publics. Depuis 2002, les subventions ont progressé en valeur de 62 %. Cela témoigne du déplacement du centre de gravité des activités de l’association sur cette période qui, en 2002, était surtout axé sur la papothèque.
La ville de Strasbourg et l’Agence de la Cohésion Sociale et de l’Égalité des chances (ACSE)10 constituent les deux financeurs « historiques » de l’association. Leur soutien ne s’est jamais démenti sur la période 2002-2009 puisque le montant cumulé de leurs subventions oscille entre 52 % et 74 % de l’ensemble des subventions perçues sur cette période. En 2009, ils représentent 61 % des subventions reçues soit 283 K€.
La caisse d’allocations familiales (CAF) représente le troisième financeur le plus important en 2009 avec 20 % du montant des subventions attribuées. Il s’agit d’une évolution importante depuis 2002 car, à cette époque, la CAF ne représentait que 2 % des subventions de l’association.
Le financement de COPR est donc concentré dans les mains de trois acteurs importants : la ville de Strasbourg, l’ACSE, et la CAF. Ces trois institutions représentent 81 % du total des subventions en 2009. Les 19 % restant proviennent notamment du conseil général (8 %), du Fonds Social Européen FSE (2 %), de la direction des affaires sanitaires et sociales DASS (2 %). Il convient de noter la faible part (1 %) que représente le montant des subventions obtenues par les trois fondations Orange, Kronenbourg et de France.
Le financement de la papothèque représente 36 % du montant des subventions en 2009.
Le montant des fonds propres de l’association est insuffisant pour assurer des marges de manœuvre à court terme. Ce dernier s’élève à 32 K€ euros en 2009 et ont été amputés de moitié lors de l’exercice comptable 2008. La suppression des fonds parlementaires en 2008 de 40 K€ euros en constitue la cause principale.
Les charges de personnel représentent 72 % de l’ensemble des charges d’exploitation de l’association en 2009. Ce taux n’a pratiquement pas varié entre 2002 et 2009. Les effets du licenciement économique11 réalisé en 2009 devraient avoir un impact favorable et assez important sur les charges d’exploitation à partir de l’exercice 2010.
En 2009, le résultat de l’association est proche de zéro et certains financeurs ont ajusté le montant de leur subvention pour permettre à l’association de ne pas terminer dans le rouge.

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Notes

1 Extrait de la lettre de mission de Jean-Louis Langlais, Inspecteur général de l’administration honoraire.

2 La proposition 33 de ce rapport vise à interdire à toute collectivité locale la possibilité d’accorder à une association une subvention supérieure à 200 euros pour financer des dépenses de fonctionnement lorsque cette association dispose de réserves financières supérieures à un an de fonctionnement.

3 Extrait page 6 « Le sens de l’action » sous la direction de B. Vidaillet, Éditions Vuibert.

4 L’association s’inscrit par certaines de ses actions dans la recherche de valorisation de certains quartiers urbains défavorisés et dans un objectif de réduction des inégalités sociales entre les différents territoires de la ville de Strasbourg.

5 L’annonce en 2000 par la direction de Michelin de la suppression de 7 500 emplois s’était traduite par une augmentation de 20 % du cours de son action.

6 Au sens du sens du paradigme classique du contrôle, c’est-à-dire de « vérifier » la conformité des résultats ou de « garantir la régularité des procédures ».

7 Ce centre réalise des prestations d’évaluation linguistique pour des publics en difficulté avec la langue française.

8 Le CRAPT CARRLI est une structure régionale d’ingénierie, de conseil, d’expertise et d’aide à la décision pour favoriser et accompagner les bonnes pratiques dans les dispositifs publics de formation et d’insertion.

9 Nous n’avons pas directement interviewé le Président du Conseil Général du Bas-Rhin mais nous avons participé à une réunion organisée à sa demande avec les représentants des associations du département. La présentation des nouvelles contraintes financières pesant sur le département ainsi que leurs effets prévisibles sur les relations entre le Conseil Général et le monde associatif y étaient discutés.

10 L’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (l’Acsé) est chargée de mettre en œuvre les orientations gouvernementales en matière de politique de la ville, de lutte contre les discriminations et d’égalité des chances.

11 Pour résoudre des problèmes d’équilibre budgétaire, l’association a décidé de licencier une employée administrative.

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Pour citer cet article

Référence papier

Philippe Eynaud et Damien Mourey, « Professionnalisation et identité des associations du secteur social : chronique d’une mort annoncée ? »Politiques et management public, Vol 29/4 | 2012, 671-693.

Référence électronique

Philippe Eynaud et Damien Mourey, « Professionnalisation et identité des associations du secteur social : chronique d’une mort annoncée ? »Politiques et management public [En ligne], Vol 29/4 | 2012, mis en ligne le 07 mars 2015, consulté le 27 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pmp/5826

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Auteurs

Philippe Eynaud

Maître de conférences, IAE de Paris,
Université Panthéon-Sorbonne, 21, rue Broca - 75005 Paris
Auteur correspondant : philippe.eynaud@univ-paris1.fr

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Damien Mourey

Maître de conférences, IAE de Paris,
Université Panthéon-Sorbonne, 21, rue Broca - 75005 Paris

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Droits d’auteur

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