Notes de l’auteur
Cf. SAUSSURE F. (1972) : Cours de linguistique générale, Edition critique préparée par T. de Mauro, Paris : Payot (1ère éd. : 1916).
Texte intégral
1La revue PMP a souhaité revisiter pour son 1er numéro de l’année 2012 le rapport des consultants et de la politique. À travers cette relation ambiguë, c’est le marché de l’expertise publique qui constitue le thème de ce numéro. Jamais les consultants n’ont paru en effet si près de la (des) politique(s), et jamais leur rôle n’a semblé si confus. Qui sont-ils, ces spécialistes proclamés de l’action publique ? Des experts techniques agissant en parfaite neutralité méthodologique, les visiteurs d’un soir manœuvrant sous le masque d’une complaisance tarifée, ou encore les passeurs d’une décision que les responsables politiques ne peuvent plus assumer seuls ?
2Aussi ancien que les relations mêlées entre consultants et politiques, il y a toujours un miroir tendu au lien de confiance qui se noue entre eux. D’où parlent-ils, ces consultants d’un New Public Management qui a désormais dépassé ses quarante ans ? Du dedans ou du dehors de l’Institution ? Leur objet d’étude préexiste-t-il à leur science ou en est-il le résultat ? Quelle est la portée et la limite de leurs conclusions quand des décisions politiques sont en jeu ? Offrent-ils tout simplement les réponses techniques qu’appellent des projets publics de plus en plus complexes, ou proposent-ils plus généralement une forme de normalisation libérale de la pensée administrative et une manière unique d’imaginer l’État aujourd’hui ?
3Le problème est bien ici celui des distances : trop ou pas assez de distance entre l’objet et le point de vue. C’est l’injonction paradoxale d’une scientificité et d’une expertise équivoque : celle qui cherche à faire marcher l’organisation en l’embrassant de trop près, ou celle qui donne à comprendre l’Institution en l’observant de trop loin. La fracture épistémologique passe ici entre les exigences de la science sociale et les techniques du commandement, comme une malédiction irréductible et constitutive du management public. La lutte entre le marché académique et le marché des cabinets de conseil pour la maîtrise des savoirs managériaux en est le symbole depuis les années 1970.
4La revue PMP revient, dans le présent numéro, sur les relations entre consultants et politique(s), sur les champs nouveaux de cette relation complexe et incertaine, sur les évolutions contemporaines du marché de l’expertise technique, sur ce colloque singulier entre le décideur et son consultant. Sept articles constituent le ferment de cette réflexion autour des trois clés de lecture qui y sont explorées : la légitimation du régalien, la technicité de l’action publique, et la médiation institutionnelle.
5Ces articles ne prétendent naturellement pas apporter de conclusions définitives à un débat déjà exploré dans nos colonnes, mais proposent un nouvel état des lieux quant aux liens de l’expertise et de la décision. Souhaitons que ce nouvel angle sur les savoirs managériaux nourrisse le débat entre praticiens et chercheurs auquel la revue PMP s’est toujours attachée à contribuer.
Pour citer cet article
Référence électronique
Pierre-Éric Verrier, « « Le point de vue crée-t-il l’objet ? » », Politiques et management public [En ligne], Vol 29/1 | 2012, mis en ligne le 30 mai 2014, consulté le 13 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pmp/4577
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