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L'invention d'un secteur et ses conséquences socio-économiques : les politiques de soutien aux services à la personne

The invention of one sector and its socio-economic consequences : the case of personal care service public policies
François-Xavier Devetter et Florence Jany-Catrice
p. 75-101

Résumés

Cet article vise à montrer que malgré un discours très homogénéisant en particulier de la part des acteurs publics, le regroupement dans un même « secteur » dit « des services à la personne » d’activités hétéroclites, relève moins d’une trajectoire historique ou d’un héritage sectoriel que d’un « coup de force » politique datant des années 2005. On analyse alors les conséquences socioéconomiques de la création et du développement de ce type de « secteur », en particulier sur la qualité des emplois et sur la nature des services proposés. Nous concluons que ce cas empirique et a priori sectoriel est l’une des expressions d’un net changement de cap dans le développement des politiques sociales en France.

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Texte intégral

Introduction

1Le développement des services à la personne (SP), favorisé par les pouvoirs publics depuis plusieurs décennies, mais plus encore depuis la mise en place du Plan Borloo de 2005, vise à répondre à des objectifs multiples. C’est l’objet de cet article, fruit de différentes recherches collectives menées depuis 2005 (encadré 1), que de présenter non seulement les buts visés par le développement de telles activités, mais aussi d’en établir un bilan. S’il a de vastes ambitions, c’est que, sous l’intitulé « services à la personne », sont regroupées de nombreuses et diverses activités. Notre posture vise donc à déconstruire un objet qui a les apparences d’un tout cohérent.

2Nous le ferons en trois étapes. Dans un premier temps, nous exposons les principaux objectifs du Plan et les étapes de l’action publique permettant d’y parvenir. Dans un second temps, nous présentons les spécificités du champ des SP, en particulier en présentant la multiplicité des acteurs de la régulation et la diversité des financements dont il bénéficie. Enfin, nous soulignons le caractère contrasté des résultats du bilan des créations d’emploi, de leur qualité, et des publics bénéficiaires de ces services.

Encadré 1 - Méthodologie du travail de recherche

Cet article prend appui sur une grande diversité de matériaux issus de trois vagues successives de recherches fondées à la fois sur un travail d’exploitation statistique (§2.) et sur un travail qualitatif d’entretiens semi-directifs (§1).

Trois vagues d’entretiens semi-directifs

- 2006-2007 : la recherche visait à établir un état des lieux des services à la personne. Nous avons réalisé 85 entretiens semi-directifs (d’une durée comprise entre 30 mn pour les salariés en gré à gré à 1h30 pour des entretiens avec des régulateurs ou des salariés en régime prestataire), systématiquement enregistrés et retranscrits. Parmi ceux-ci on compte 30 salariés, 32 employeurs, 16 « acteurs de la régulation » du marché des services à la personne : responsables de DRTEFP (Direction régionale du travail et de la formation professionnelle), référents ANSP, responsables APA des Conseils généraux, responsables formation, médecins, maisons de l’emploi. Voir Devetter et alii, 2008, rapport pour la Diieses.

- 2008-2009 : la recherche visait à saisir les enjeux de la construction politique du secteur par le prisme de la construction de la nouvelle convention collective pour les entreprises privées du secteur des services à la personne. Des entretiens semi-directifs, systématiquement enregistrés et retranscrits, ont été réalisés auprès des principaux acteurs, parti-prenantes directes des négociations. 8 entretiens de 2h30 ont été réalisés avec les principaux syndicaux de salariés et patronaux à partir d’une même grille de questions.

- 2009 : la recherche en cours vise à analyser les facteurs explicatifs des écarts en emploi entre départements d’une même région dans le champ des services à la personne. 25 entretiens ont, à ce jour, été réalisés et se concentrent surtout sur les acteurs locaux de la régulation (délégués ANSP, pôle emploi, conseils généraux, CRAM, observatoires sociaux) et les employeurs.

Notre méthode inductive a consisté à confronter ici, de manière inédite et par des analyses transversales, les discours, les jugements et les représentations de l’ensemble de ces acteurs issus de ces trois vagues successives de recherche.

Des sources statistiques complémentaires

L’étude statistique du champ des services à la personne est particulièrement complexe. Le croisement de plusieurs sources peut fournir des éléments d’analyses complémentaires aux entretiens qualitatifs. Pour les questions relatives aux emplois, nous nous sommes appuyés d’une part sur les sources administratives et d’autre part sur l’Enquête emploi 2007 réalisée par l’Insee. Pour analyser la demande de services à la personne, nous avons exploité l’enquête Budget des familles de 2006. Cette enquête réalisée également par l’Insee concerne plus de 10 000 ménages, et étudie de manière détaillée leurs dépenses.

Objectifs et processus des politiques publiques de soutien aux services à la personne

Trois objectifs complémentaires : politique de la dépendance, politique de l'emploi et politique en faveur d'une meilleure conciliation des temps

3L'ambition des dispositifs mis en place par le plan Borloo constitue « l'amorce d'une véritable révolution économique et sociale de notre société » (préface de JL Borloo, Debons, 2006). Loin de n’être qu’une politique sectorielle de soutien à l’emploi par exemple, les mesures mises en œuvre sont au confluent de plusieurs politiques publiques : l'amélioration de la prise en charge des personnes âgées ou dépendantes, l'aide à une meilleure articulation entre vie familiale et vie professionnelle, et enfin la création d'emploi.

a. L'enjeu du vieillissement

  • 1  Enquête budget des familles, Insee, voir encadré 1.

4Le développement des services à la personne demeure d'abord très lié aux politiques de la vieillesse. L'âge constitue un facteur explicatif essentiel de la demande effective (Flipo, 1998 ; Marbot, 2008a). En effet si le taux de recours à une aide à domicile demeure proche de 5 % pour les ménages d'âges actifs, il passe de 9,6 % à plus de 19 % pour les plus de soixante ans entre 1989 et 20051. A ce titre la création de la Prestation spécifique dépendance (PSD) en 1997, puis de l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) en 2002 ont favorisé un développement rapide du secteur (Cabotte, 2000).

5A ces politiques de solvabilisation spécifiques des personnes âgées ou dépendantes, s'ajoutent les évolutions démographiques réelles et escomptées. Celles-ci continuent de nourrir des perspectives de croissance importante : « les plus de soixante ans qui représentaient 11,5 millions de personnes en 1995 devraient dépasser les 22 millions en 2020, les plus de 75 ans passeraient quant à eux de 3,5 à 11 millions » (Gallouj, 2008). La plupart des travaux portant sur les services à la personne soulignent ainsi le potentiel de croissance lié aux évolutions démographiques. Ces services doivent répondre aux besoins exprimés par les personnes âgées désirant rester à leur domicile : aide-ménagère, soin, soutien et travail de care se cumulent et s'entremêlent ici.

  • 2  L’expérience des Pyrénées orientales est exemplaire de ce point de vue.

6Les politiques publiques à destination des personnes âgées, et notamment celles mises en œuvre par les conseils généraux, sont directement influencées par les mesures de soutien aux services à la personne. Certains Conseils généraux font ainsi des dispositifs issus du plan Borloo des éléments essentiels de leur politique (comme la généralisation du Cesu dans certains Départements2) tandis que d'autres les reçoivent avec plus de circonspection. Tous néanmoins s'accordent à souligner l'importance des services à la personne dans le cadre plus général des politiques de la dépendance.

b. L'aide à une meilleure articulation entre vie familiale et vie professionnelle

7Les politiques publiques en faveur des SP s'appuient également explicitement sur un objectif de promotion d'une meilleure articulation des temps pour les actifs. Le secteur inclut ainsi les services à la petite enfance nécessaires à la conciliation des temps familiaux et professionnels. De multiples services de confort sont aussi présentés comme pouvant faciliter une meilleure gestion des contraintes temporelles. Déléguer l’entretien du domicile ou externaliser certaines tâches comme le jardinage, l’aide aux devoirs ou encore la maintenance informatique a été présenté par l’Agence nationale des services à la personne (ANSP) et ses campagnes publicitaires comme un moyen d’améliorer la qualité de vie.

8Au-delà, de nombreux services visent à décharger les femmes des tâches domestiques, ils apparaissent alors comme le support d’une politique de promotion d’une plus grande égalité entre hommes et femmes. La commission européenne a d’ailleurs identifié le chèque emploi service (en France) et le titre emploi service (en Belgique) comme des mesures parmi les plus innovantes pour aider à concilier vie professionnelle et vie familiale et favorisant à ce titre une plus grande égalité entre les genres (Windebank, 2006).

9Le soutien à des services de proximité de qualité peut favoriser l’égalité entre hommes et femmes à deux niveaux complémentaires (Croff, 2000) : non seulement ces services peuvent faciliter la conciliation des contraintes professionnelles et familiales pour les femmes qualifiées mais ils peuvent également apparaître comme un support particulièrement propice à la création d’emplois accessibles aux femmes les moins qualifiées. Les objectifs en matière de qualité de vie rejoignent, ce faisant, ceux de politique de l’emploi.

c. Un secteur clé des politiques de l’emploi

10L’importance des besoins en termes de politiques sociales ou de conciliation des temps a également permis de souligner le potentiel de création d’emploi des services à domicile qu’ils soient regroupés sous le terme de services de proximité dans les années 90 (Laville, 1996) ou de services à la personne depuis 2005. La rhétorique du « gisement » d’emploi n’est pas nouvelle mais elle s’appuyait auparavant sur des travaux de comparaisons internationales, reconnaissant des gisements d’emplois dans des secteurs d’activité dits déficitaires « toutes choses égales par ailleurs », lorsqu’on les compare à la situation d’autres pays. Par exemple, le commerce de détail français a longtemps été considéré comme un secteur gisement d’emplois en France sur la base du constat que les Etats-Unis en pourvoyaient nettement plus « pour servir une même population » (Piketty, 1997 ; Gadrey et alii, 2001). Dans le cas des services à la personne, les perspectives de gisement d’emploi ne relèvent pas de justifications comparatives, mais procèdent d’arguments plus subtils. Il s’agit d’abord de la faible productivité caractérisant les SP qui permettrait alors de poursuivre un phénomène de déversement en provenance de l’industrie : « le développement des SP serait le moyen privilégié d’enrichir la croissance en emploi » (Gallouj, 2008). Mais il s’agit également de s’appuyer sur l’identification de nombreux ‘besoins’ insatisfaits liés aux mutations démographiques et sociales (vieillissement, activité féminine, etc.).

11De nombreux rapports se sont d’ailleurs succédés pour évaluer les opportunités de création d’emploi (notamment Cette et alii, 1998 ; Cahuc, Debonneuil, 2004) et les ambitions affichées en la matière lors du lancement du plan Borloo sont apparues très ambitieuses (500 000 emplois nouveaux en trois ans) d’autant qu’une attention plus grande est portée à la question de la qualité des emplois. Les termes de « professionnalisation », de « structuration de l’offre » accompagnent ainsi les discours politiques comme dans la communication de l’ANSP. Des assises de la professionnalisation ont ainsi été mise en place dès 2006-2007. Un observatoire de la qualité de l’emploi, coordonné par l’ANSP, est en cours de création. Ces dimensions qualitatives viennent compléter les objectifs chiffrés en matière de création d’emploi et concourent à donner une dimension consensuelle aux politiques en faveur des SP.

12Le développement des « services à la personne » serait alors triplement efficace. Il permettrait, par la politique fiscale avantageuse stimulant la demande effective, d’absorber une partie importante des chômeurs. Ces emplois viseraient également répondre aux enjeux du vieillissement tout en « produisant » du bien-être pour les consommateurs : courses, ménages, aide aux devoirs, conseils informatiques à domicile etc. Cette palette de charges pour les ménages pourrait être « externalisée » pour une plus grande qualité de vie pour tous.

Un processus en quatre étapes

13Le passage de ces multiples objectifs à une politique structurée repose sur un processus que nous proposons de décomposer en quatre temps analytiques, et qui est utilisé par les principaux protagonistes comme une construction argumentative cohérente : un « constat » de besoins individuels et sociaux ; un amorçage de la demande par des leviers économiques ; une ouverture des activités à la concurrence ; et une autonomisation de la demande.

a. Un constat de besoins plus ou moins contextualités

14Ce processus argumentatif prend donc pour point de départ le constat de « besoins » qui combine à la fois des besoins identifiés et objectivables, et des besoins de nature plus subjective révélés par enquêtes. A partir d’éléments surtout démographiques, un consensus assez fort établit un constat de « besoins », sur lequel se sont appuyées les analyses économiques portant les revendications de la création d’un secteur de « services à la personne » (Cerc, 2008 ; Debonneuil ; 2006 ; Cahuc, Debonneuil ; 2004). Ces besoins se fondent sur l’observation et les perspectives démographiques (voir supra).

15L’évaluation des besoins demeure cependant une question complexe. Les politiques publiques qui ont mis en place le Plan de développement des services à la personne tendent à s’appuyer sur des études du type de celle qui est réalisée par l’International Social Survey Programme au niveau Européen3 par exemple. Dans cette enquête par sondage, on y lit que l’une des premières tâches dont les français se libéreraient bien [« le temps que vous aimeriez réduire »], concerne les activités de ménage (c'est-à-dire une partie du champ couvert par les « services à la personne », mais une partie seulement). La libération du temps pour le soin des enfants, ou celui des personnes âgées dépendantes n’est pas envisagée, alors que ces activités occupent une partie importante du champ. Le consentement à payer de cette libération de temps n’est pas non plus évoqué.

16 Il est, par ailleurs, nécessaire de contextualiser ces constats de besoins, c'est-à-dire d’éclairer les raisons « systémiques » pour lesquelles ces besoins sont plus ou moins exprimés. Ainsi, une partie des besoins permettant de libérer la femme active de ses tâches ménagères, peut être liée au faible partage des temps de travail entre hommes et femmes dans la sphère domestique en France (Paihlé, Solaz, 2006 ; Méda, 2008). De même, la norme sociale spécifique à la France de grande disponibilité temporelle, incitant au recours aux longs horaires de travail hebdomadaires pour les cadres et déciles supérieurs, en particulier pour consolider la carrière professionnelle (Bouffartigue, Bocchino, 1998) est d’une acuité probablement inédite en Europe. Sous cet angle, la réponse à ces « besoins » peut alors prendre une toute autre épaisseur, et permet d’envisager une multitude de pistes en termes de politiques publiques. On peut ainsi avoir, selon les pays, des politiques de conciliation des temps plus ou moins égalitaires.

b. Amorcer la transformation des besoins en demande par les leviers économiques

17Le deuxième moment dans l’argumentaire peut s’énoncer ainsi. Il serait profitable à toutes les parties prenantes (les usagers, les salariés, les entrepreneurs), que les besoins identifiés soient transformés en « demande » profitable sur un marché.

18Les ressorts mobilisés par les pouvoirs publics de la transformation des besoins en demande sont de trois ordres et relèvent tous de l’économique (au sens de réduction du coût d’accès, et meilleure circulation de l’information pour faciliter le recours au service, voir encadré 2) : les activités sont peu qualifiées, et la main d’œuvre est abondante, nécessitant pas de contraintes d’adéquation au poste de travail ; la mise en place d’un secteur concurrentiel permet de limiter le prix facilitant l’accès aux services ; les politiques de défiscalisation limitent amplement le coût d’acquisition de ces services.

Encadré 2 - Les principales mesures économiques de soutien de l’activité

Couvrant la diversité des « missions », les principales mesures sont difficilement classables par les catégories analytiques des politiques d’emploi traditionnelles puisque dans 85 % des cas, l’employeur est aussi le consommateur immédiat du service (cas du particulier employeur). Dans ce cas, une mesure de réduction du cout du travail renvoie-t-elle à une mesure d’offre ou d’incitation à la demande ?
On distingue, parmi les mesures économiques de soutien à l’activité :

  • 4  Cela équivaut à mettre de côté les retraités, qui constituent pourtant une partie non négligeable (...)

Des mesures directes sur l’emploi. Trois pistes sont simultanément explorées : réductions fiscales (réduction d’impôts sur le revenu ou crédit d’impôt pour les actifs uniquement4 ; exonération (associations) ou réduction (entreprises) de la TVA pour les structures agréées), réduction du coût du travail (exonération des cotisations patronales de sécurité sociale, ou abattement de cotisations patronales de 15 points selon la situation, exonération de taxe sur les salaires), subvention de la demande (subvention directes aux entreprises finançant des Cesu préfinancés à leurs salariés). Des aides sociales sont également ciblées sur certains publics qui relèvent du champ, mais pas directement du Plan Borloo : APA (allocation personnalisée d’autonomie), PCH prestation compensation du handicap), PAJE (prestation d’accueil du jeune enfant)…

Des mesures relevant du soutien de l’offre de travail
Elles se développent par le biais de l’incitation à l’offre de travail (par une diminution des revenus de remplacement, non spécifiques au secteur, mais exacerbés dans ces activités souvent réduites et morcelées).
Le passage obligé par l’ANSP quand, en tant qu’étranger, on arrive en France : les étrangers sont de plus en plus nombreux dans les principaux métiers du champ.

Des mesures de structuration de l’offre
Soutien aux entreprises ou aux associations et aux particuliers, Délivrance simplifiée d’agréments simples et qualité, Création et soutien d’"enseignes"Développement du Cesu(voir : Devetter, et alii, 2009)

19Dans cette posture, sont cependant éludés trois grands ressorts de transformation des besoins en demande. Les ressorts institutionnels d’une part et qui renvoient aux questions suivantes : comment l’offre est-elle déjà présente ? Quels dispositifs de régulation de la qualité du service doivent-ils être mobilisés ? Les ressorts psycho-sociaux ensuite renvoyant à la question de la propension mentale ou culturelle au recours à du personnel de service dans son propre domicile. Les ressorts éthiques enfin qui visent à estimer les conséquences de l’externalisation à autre que soi-même d’activités relevant du soin, du caring, de l’entretien de soi. La multitude d’activités que regroupent les « services à la personne » nécessiterait, pour chacune de ces questions, des réponses nuancées et souvent singulières, parfois divergentes.

c. L’ouverture du marché à la concurrence pour des activités « bon marché »

20L’ouverture du marché à la concurrence constitue un moment privilégié de la création du « secteur ». Celle-ci est effective depuis le plan Borloo, en particulier parce que les entreprises privées ont dorénavant accès à l’agrément qualité et à l’autorisation, dispositifs de qualité (Karpik, 2007) jusqu’alors circonscrits aux associations. Ceci ouvre désormais l’activité de l’action sociale aux entreprises privées. Ces perspectives d’ouverture à la concurrence ont suscité un net intérêt autour de perspectives de créations d’entreprises, entretenues par la multiplication de « salons OSP (organismes des services à la personne) » partout en France, financés par l’ANSP, parfois en lien avec la Fepem, la fédération du particulier-employeur, et la nouvelle fédération des employeurs de services à la personne, acteurs qui gagnent en importance dans la construction du secteur à but lucratif. Dans ces salons, est en particulier promue l’idée que dans ce « secteur », les créations d’entreprises sont « bon marché », nécessitant peu ou pas trop de savoir faire, ni de lourds investissements. Des entretiens réalisés auprès des directeurs de ces nouvelles entreprises évoquent ainsi que « c’est la franchise la moins chère du marché » (Devetter et alii, 2008). Des Conseils généraux évoquent, dans nos entretiens, d’anciens coiffeurs, gérants de bar-tabac, se convertissant dans l’activité des services à la personne.

  • 5  Cette part peut cependant être divisée par quatre si l’on tient compte du poids très élevé du gré (...)

21Dans ce cadre interprétatif, la condition d’atomicité du marché est respectée : se développe un très grand nombre d’agents économiques identiques participant à l’offre et à la demande du service, aucun d’entre eux ne pouvant à lui seul modifier les conditions d’échange en raison de sa taille négligeable en comparaison de la taille du marché. Entre 2004 et 2007, on comptabilise près de 4 000 créations nettes d’entreprises commerciales dans les services à la personne. Celles-ci représentent aujourd’hui un tiers (37 %) des organismes agréés. La plupart sont des petites ou très petites structures puisqu’en moyenne, chaque structure héberge 12 emplois. L’emploi de ces entreprises commerciales a lui aussi très nettement progressé : il est passé de moins de 2 % des emplois des organismes agréés en 2004, à plus de 11 % en 20075.

d. A terme : une autonomisation de la demande

22La demande, amorcée grâce à l’afflux de subventions non négligeables (voir infra) devrait connaitre progressivement un stade d’autonomisation, l’Etat n’intervenant que pour amorcer la pompe de la création de l’offre et de la demande, puis s’éclipsant progressivement. Cette autonomisation repose sur deux mécanismes imbriqués : banalisation et dépendance à la consommation.

23 - Le projet de création du secteur des services à la personne s’appuie sur une volonté de banalisation (Jany-Catrice, Lefebvre, 2009) en particulier de l’acte de consommation de ce type de services : on pourrait en quelque sorte consommer un service à la personne comme on va au cinéma (Debonneuil, 2007) ou comme l’on consomme n’importe quel produit. Dans certaines activités du champ cependant, l’incertitude qui pèse sur la qualité de ces services nécessite la production de dispositifs de confiance : la réputation, les réseaux, l’expérience. Cette expérience du temps long de l’interaction entre salariés et usagers, renforcée par le fait que la prestation s’effectue dans le domicile du particulier, contraste avec l’idée du « produit », non durable, que l’on peut changer selon ses souhaits.

24 - La dépendance aux services que pourrait permettre ce premier amorçage doit être suffisamment forte pour transformer ces biens supérieurs, voire de luxe (voir partie III) en biens « essentiels », dont on peinerait à pouvoir en faire l’économie.

Un secteur insaisissable faisant intervenir des acteurs et des financements multiples

Une définition sectorielle précise

25C’est un paradoxe. Alors que la définition de ce nouveau secteur est bien cernée par la loi du 26 juillet 2005 (traduction législative du Plan de développement des services à la personne), le caractère insaisissable du secteur est identifié par de nombreux acteurs, qu’ils soient « acteurs de terrain » ou statisticiens. Quel dénominateur commun trouver à l’ensemble des activités regroupées ? Ni tout à fait services « sur » la personne pour transformer son état physique ou son état cognitif - assistance aux personnes âgées, garde malade, soins esthétiques des personnes âgées - ni tout à fait services « pour » la personne - assistance informatique, petits travaux de jardinage, ou promenade des animaux domestiques - les services dont il est question ont des usages multiples qui portent soit sur l’amélioration d’un certain bien-être individuel (services de confort), soit sur des services d’assistance et de soins à des publics fragiles et dépendants (personnes âgées, enfants, handicapés), ce que traditionnellement l’Insee distingue par « services domestiques » d’une part, et « services d’action sociale » d’autre part. Le ciment de cohésion du regroupement des activités est suit plutôt une logique d’offre par le lieu de la prestation : le « domicile » des particuliers. Ce n’est pas récent dans les nomenclatures d’activité, surtout d’activité de services.

Une diversité des acteurs de la régulation

  • 6  Le niveau de perte d’autonomie de la personne est évalué à partir de la grille Aggir (Autonomie Gé (...)

26Bien que le secteur ait en partie quitté la logique de la régulation tutélaire, les acteurs de la régulation sont nombreux dans ce champ. L’Etat intervient d’une part en tant qu’incitateur par la défiscalisation partielle (réduction d’impôts, crédit d’impôt depuis 2007, et réduction de charges sociales employeurs) des heures déclarées. Les Conseils généraux interviennent sur leur territoire dans la structuration d’une offre, par le biais de la fourniture de la prestation légale de l’APA dont la conditionnalité, la tarification et la structuration sont très divers d’un département à l’autre. D’autres prestations extra-légales qui viennent compléter ces dispositifs. Les CRAM (Caisses régionales d’assurance maladie) sont, elles aussi, des partenaires importants du champ du social pour les personnes âgées des Gir 5 et 66. De même, les DDTEFP (directions régionales du travail) sont aujourd’hui au cœur du système car ce sont elles qui sont habilitées à la délivrance de l’agrément qualité –agrément ouvrant droit à prestation auprès de publics fragiles et dépendants. Enfin l’ANSP est un acteur particulier qui coordonne les actions du champ ; elle intervient comme interlocuteur privilégié sur des activités éclatées.

27Les fournisseurs de services sont également de plus en plus diversifiés. Ce phénomène est le produit partiel des dispositifs publics de 2005, mais s’inscrit aussi dans une tendance de fond à l’œuvre depuis les années 1990. La régulation quasi-marchande qui s’installe progressivement établit un partage relatif des activités entre différents types d’intervenants. Le secteur associatif tend à se reconfigurer autour de l’agrément qualité, que ce soit en mode mandataire ou prestataire. Les entreprises à but lucratif s’orientent plutôt, mais non exclusivement, vers la procédure d’agrément simple (prestations tous publics). Enfin, les Centres communaux d’action sociale survivent ou se développent, au gré des politiques locales.

Une diversité des financements et une analyse conflictuelle du coût de cette politique

a. Diversité des financements

28L’identification des sources de financement est délicate d’autant qu’elle dépend des publics. Sur le volet de la dépendance, globalement le financement public repose sur l’assurance maladie, qui en supporte, selon H. Gisserot (2007) la plus grande part (60 %), sur les budgets départementaux (20 %), l’Etat et l’ex Fonds de Financement de l’APA (11 %), « auxquels s’ajoutent des contributions moins importantes des allocations familiales, de l’ANAH et de l’assurance vieillesse ». Mais la complexité du financement de l’ensemble de l’action publique dans ce champ, notamment depuis 2005, nécessite que soient également prises en compte les réductions de charges et la défiscalisation, prises en charge par le budget de l’Etat.

b. Analyse conflictuelle du coût de cette politique

  • 7  Voir Jany-Catrice, 2009.
  • 8  Rapport Debonneuil et projet annuel de performance 2009.

29Les ambiguïtés de l’évaluation de cette politique aux multiples visées, viennent, certes, des difficultés à en évaluer l’objectif principal : combien d’emplois créés ?7 Mais elles sont également liées aux limites des évaluations du coût de l’action publique et, plus encore, de l’équité sociale des mesures. En effet, de l’exploitation des documents d’évaluation de ces dispositifs8, deux interrogations subsistent : qui sont vraiment les bénéficiaires du Plan Borloo ? Et quel est le coût des emplois créés ? La première question est primordiale car le Plan est souvent soupçonné (voir infra) d’être inégalitaire, en subventionnant des services de confort au profit des ménages les plus aisés. Or les différentes mesures semblent profiter à la fois aux publics non fragiles (dans les mesures de soutien des services de confort – Cerc, 2007) et à des publics fragiles (principalement personnes âgées et dépendantes). Ce second type de dépenses ne relève plus seulement d’une politique de l’emploi (au service des plus riches) mais s’apparente à une politique sociale de lutte contre la dépendance, ce qui, en quelque sorte, en accroît la légitimité.

30La répartition des cinq milliards de dépenses publiques (Debonneuil, 2008) en faveur des SP entre ces deux pôles (publics fragiles, publics non fragiles) est délicate et peut faire l’objet de conventions de calculs conduisant à des résultats antinomiques.

31D’un côté, M. Debonneuil attribue plus de 72 % des dépenses publiques aux ‘publics fragiles’ (2008, op. cit., dans son rapport évaluatif ). D’autres modalités de calculs, appuyées notamment sur les projets annuels de performance (PAP) annexés aux lois de finances 2008 et 2009, conduisent à des estimations très différentes. En restant sur des hypothèses basses, les aides aux publics non fragiles dépasseraient les 40 %. Le tableau 1 synthétise les principales différences.

32

Tableau 1 - Répartition des aides publiques dans les services à la personne (en millions d’Euros)

Tableau 1 - Répartition des aides publiques dans les services à la personne (en millions d’Euros)
  • 9  http://www.performance-publique.gouv.fr/farandole/2009/pap/pdf/PLF2009_BG_TRAVAIL.pdf.

Source : Debonneuil, 2008, Projets annuels de performance 20099.

33Comment peut-on aboutir à des résultats si contrastés ? Si les répartitions relatives aux exonérations de cotisations sociales ne posent pas de problèmes car elles sont directement liées au statut des bénéficiaires, et donc facilement identifiables, les dépenses fiscales assises sur les impôts d’État (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés et TVA) sont plus délicates à manier, puisqu’elles touchent (au moins jusqu’en 2007) indifféremment tous les ménages, pourvu qu’ils soient imposables.

  • 10  Cette hypothèse doit être considérer comme plutôt basse car elle place du côté des publics fragile (...)
  • 11  Coefficients réutilisés rétropolairement pour 2007 dans le tableau 2.

34Le premier point de désaccord entre cette estimation et l’évaluation de M. Debonneuil concerne la réduction et le crédit d’impôt sur le revenu. La répartition de ce coût, peu explicite dans le rapport, peut pourtant être calculée à partir des données issues de la loi de finances, au moins depuis 2008. En effet, la loi distingue désormais un crédit d’impôt (accessible aux ménages composés d’actifs ou de demandeurs d’emplois de plus de trois mois) des réductions d’impôts réservées aux ménages dont aucun membre n’exerce d’activité professionnelle. Une hypothèse basse du montant des aides accordées aux publics non fragiles peut ainsi inclure au minimum la totalité du crédit d’impôt, puisque seuls les actifs peuvent y prétendre. Dans notre estimation, et en l’absence d’informations supplémentaires, la totalité de la « réduction d’impôts » est attribuée aux publics fragiles même si cette convention conduit probablement à accroître un peu la part des publics fragiles10. Pour 2008, la répartition est de 1,5 milliards pour le crédit d’impôt et de 1,2 pour la réduction (soit 55,5 % contre 44,5 %11).

  • 12  Dares, Drees, nos propres enquêtes monographiques.
  • 13  Le paragraphe relatif aux mesures d’exonération de TVA et de taux réduits de TVA, p. 94.

35Le second désaccord entre ces deux estimations concerne la répartition des coûts liés aux associations (exonération de TVA et de taxe sur les salaires). Ceux-ci sont, dans l’évaluation Debonneuil, intégralement reportés sur les publics fragiles (tandis que réductions de taxes et exonérations des entreprises sont intégralement attribués aux publics non fragiles) alors que les études relatives à leurs activités12 soulignent que la réalité est bien plus complexe. Une part non négligeable de l’activité des associations consiste en la fourniture de services de confort. Ceci conduit d’ailleurs le PAP n° 103 du PLF 2009, à préciser que 40 % de l’activité des structures agréées concerne l’assistance aux personnes âgées et dépendantes13. Les données de la Dares (Adjerad 2003) aboutissent certes à des statistiques un peu supérieures (60 % de l’activité auprès des personnes âgées). Le partage demeure donc délicat mais ne peut en aucun cas attribuer 90 % des exonérations aux publics fragiles (500 millions sur un total de 550). Nous avons pour notre part fait l’hypothèse d’une répartition équirépartie des charges associatives entre les deux types de public.

36Au total, ces divergences conduisent, dans un cas, à considérer les aides aux publics non fragiles comme marginales (874 millions d’Euros, soit 19 % du coût total auxquels on peut ajouter 408 millions liés aux aides aux entreprises) tandis que dans notre estimation, ces aides atteignent près de 2 milliards d’Euros, soit plus de 40 % du total. Loin d’être anecdotiques, ces débats de fond renvoient au caractère inégalitaire des mesures de solvabilisation de la demande (voir infra). Ils rejaillissent également sur la mesure du coût des emplois créés, variant, ici aussi, du simple au double selon les estimations.

Une évaluation globale ambigüe

Un bilan quantitatif conflictuel en matière d'emploi

37A partir de sources administratives, le champ des services à la personne peut être estimé regrouper environ 1,5 millions d’emplois. Parmi eux, 85 % sont des emplois directs (1,271 millions) dont 164 000 relèvent du régime mandataire. Les 15 % restant relèvent du régime prestataire.

Tableau 2 - Le nombre d’emplois dans le champ des services à la personne

Niveaux 2006

Structure

Emplois directs

Dont mandataire

1 271 000

164 000

85 %

Emplois prestataires

229 000

15 %

TOTAL emplois SP

1 500 000

Source : données administratives, voir Devetter, et alii, op. cit.

38Ce décompte ainsi présenté (Tableau 2) ne fait pas l’unanimité. Dans sa controverse avec l’ANSP, l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) a par exemple utilisé un taux de correction qu’usuellement les comptes nationaux appliquent au cas des salariés des particuliers. Ce taux est calculé sur la base du recensement de la population de 1999 (Lemoine, 2008) : de 46 % en 1999, il indique le pourcentage de salariés des particuliers qui cumulaient un emploi chez un particulier, avec un emploi dans une entreprise ou une association, quel que soit le secteur concerné (Debonneuil, 2008). Les récents travaux de Marbot (2008a) tendraient à penser que ce taux de correction s’élèverait plutôt à 33 %.

39Au-delà des dissonances sur l’évaluation des créations d’emploi du champ, qui ont nourri des polémiques lors de la première évaluation du plan Borloo, on note des convergences assez fortes autour de la durée moyenne du travail. Celle-ci est estimée autour de 10 à 12 heures hebdomadaires. La distribution des salariés selon la durée du travail étant très disparate, on peut proposer que dans le champ se côtoient deux groupes d’emplois ; d’un côté des emplois (aide à domicile, employés de maison) identifiés par l’Enquête emploi, dont la durée moyenne du travail serait de l’ordre de 20 à 22 heures hebdomadaires. Ils représenteraient environ la moitié des emplois. Et de l’autre, des emplois d’une durée du travail faible comme l’illustre la répartition cumulée des employés de maisons et des gardes d’enfants au domicile du particulier par vingtile selon la durée du travail totale en 2005 (voir également Iraci, 2009).

Graphique 3 – Répartition cumulée des employés de maison et des gardes d’enfants au domicile du particulier par vingtile selon la durée du travail totale en 2005.

Graphique 3 – Répartition cumulée des employés de maison et des gardes d’enfants au domicile du particulier par vingtile selon la durée du travail totale en 2005.

Source : Debonneuil, 2008.

40Une comptabilité des niveaux d’emplois, et des emplois créés en ETP (équivalent temps plein), devrait a minima diviser par trois le niveau d’emploi (Devetter et alii. 2009), voire par six (Lemoine, 2008). Cette transformation en ETP est pourtant repoussée par les évaluateurs du Plan Borloo, au motif que les indicateurs des objectifs Européens de Lisbonne n’en tiennent pas compte : « Mais est-il légitime de convertir les emplois créés en équivalent temps plein pour juger du succès du plan ? Nous ne le pensons pas. En effet, les pays développés qui ont retrouvé le plein emploi l’ont fait dans 75 % des cas avec des emplois de moins de 30 heures et pour la moitié d’entre eux de moins de 15 heures par semaine, majoritairement dans les secteurs des services à la personne » (Debonneuil, 2008, p. 15).

41Au contraire, les indicateurs retenus pour évaluer les politiques publiques se concentrent sur le principe d’employabilité. Tout comme dans le cas du taux d’emploi des objectifs de Lisbonne, la qualité des emplois comptabilisés n’est pas directement prise en compte (Salais, 2004). L’efficacité à terme de cet ajustement peut être interrogé et le champ des services à la personne pourrait, selon nous, devenir l’illustration d’une « implantation purement instrumentale de règles de marché dans un univers social qui ne s’y prête pas » (Salais, in Armatte, 2005, p. 18).

42Les mesures plus récentes qui cherchent à mobiliser de manière plus explicite le revenu de solidarité active (RSA) au bénéfice des SP soulignent également la volonté de promouvoir une politique d’emploi relevant de la logique d’activation des dépenses passives du chômage. Ainsi dans le premier bilan officiel du plan Borloo, M. Debonneuil affirme : « Supposons que les personnes qui ne trouvent pas de travail, sous une forme ou sous une autre, perçoivent une somme représentant la valeur de la moitié d’un Smic mensuel. Supposons qu’on utilise ces sommes pour réduire de moitié, via des exonérations fiscalo-sociales, le prix du service (supposé ici égal au salaire fixé au Smic) de façon à déclencher une demande latente. Alors on pourra créer autant d’emplois à temps plein qu’il y a de personnes qui chôment sans coût supplémentaire pour les finances publiques. Autrement dit, sous les conditions de ce modèle très simplifié, pour que le coût net d’un emploi créé soit nul, il faut et il suffit que le taux de solvabilisation de l’heure de travail dans ces services soit égal à la fraction du Smic mensuel que représente l’allocation d’inactivité » (Debonneuil, 2008, p. 9). Cette démarche focalisée sur la dimension quantitative de la création d’emploi, laisse ouvertes de nombreuses questions quant à la qualité des postes créés.

Une qualité de l'emploi qui demeure médiocre

43L’importance des politiques incitatives doit être mise en relation avec le constat que le champ des services à la personne abrite principalement des emplois de qualité médiocre, notamment pour les deux principaux métiers que sont les employés de maison et les aides à domicile. Ces deux professions regroupent plus des deux tiers des emplois des SP.

44La situation des employés de maison et des aides à domicile connait une accumulation de pénibilités sur la plupart des dimensions objectivables. Quatre éléments constituent les dimensions de la qualité des emplois : les rémunérations, la sécurité de l’emploi, les conditions de travail et la reconnaissance individuelle. Ces dimensions apparaissent comme le dénominateur commun à toutes les analyses relatives à la qualité des emplois (Davoine, Erhel, 2007) ou au travail décent (Ghai, 2003). Elles sont également au cœur des recherches plus théoriques sur la justice sociale (Fraser, 2004). Or, que ce soit à partir de l’Enquête Emploi (Devetter et alii 2008) ou d’entretiens qualitatifs (Bernardo, 2003 ; Vasselin, 2002 ; Dussuet, 2005 ainsi que nos propres entretiens des vagues 1 et 3), l’analyse de la situation des employés de maison souligne la position dégradée de ces PCS sur ces quatre dimensions de la qualité de l’emploi.

  • 14  Toutes les données sont issues de l’Enquête emploi de 2007.

45Tout d’abord il s’agit d’activités où les bas salaires restent la norme. Les salariés des SP se distinguent largement des autres professions d’employés et d’ouvriers : prés des deux tiers sont des travailleurs à bas salaires (inférieurs aux deux tiers du salaire médian, soit 820 € mensuels14). Cette faiblesse des revenus mensuels n’est pas une surprise compte tenu des faibles rémunérations horaires et des temps de travail réduits. La fréquence élevée du temps partiel maintient un nombre conséquent des salariés du champ dans des situations de bas ou très bas salaires. L’absence de perspectives de carrière en fonction de l’ancienneté aggrave encore cette situation tandis que la quasi absence de formation diplômante limite les possibilités d’évolution vers d’autres emplois. Les mobilités professionnelles apparaissent par ailleurs particulièrement peu probables au regard de la moyenne d’âge élevée dans ces métiers. Celles-ci reprennent souvent une activité après avoir été en rupture d’emploi pour diverses raisons : chômage, éducation des enfants, soutien d’un parent dépendant (Avril, 2006 ; 2008).

46Ensuite, la sécurité de l’emploi est fragile malgré des artefacts statistiques trompeurs dans ce champ puisque ces emplois sont caractérisés par un faible taux de CDD et d’intérim. En effet, outre l’importance du travail au noir (évaluée à près de 35 % des heures travaillées, malgré les politiques de blanchiment de ce travail, Marbot, 2008), l’existence de modes de contractualisation spécifiques (Chèque emploi service universel), la généralisation du temps partiel (plus de 70 % des employés de maison et des aides à domicile) la fréquence de la pluriactivité ou des situations de multi employeurs rendent la stabilité de l’emploi illusoire. Cette insécurité de l’emploi est renforcée par les situations familiales souvent précaires. Ainsi les employés de maison sont bien souvent (dans 4 situations sur 10) des femmes seules apporteuses de revenus d’activité car appartenant à des familles monoparentales ou parce que le conjoint est inactif (invalide, chômeur découragé, etc.) ou en recherche d’emploi.

47Les conditions de travail sont également dégradées et semblent cumuler des pénibilités typiques des emplois non qualifiés de l’industrie et des services (Volkoff, Gollac, 2000) : aux contraintes posturales s’ajoutent les contraintes relationnelles (être en interface permanente avec les usagers) ou les contraintes de variabilité des horaires, et d’imprévisibilité des emplois du temps. Si les contraintes physiques sont connues (position debout longue, déplacement à pieds, etc.), les nuisances liées à l’usage des produits d’entretiens sont plus fréquemment oubliées ; elles sont pourtant importantes (Médina-Ramon et alii, 2006).

48Enfin, ces emplois sont victimes d’un déni de reconnaissance multidimensionnel. Cette faible reconnaissance est visible d’abord d’un point de vue juridique puisque qu’il s’agit d’emplois encadrés par des règles souvent dérogatoires vis-à-vis du droit de travail : non accès de l’inspection du travail au domicile des particuliers par exemple, mais aussi quasi absence de syndicalisation, bénéfice partiel des assurances sociales si le temps de travail n’atteint pas les minima requis, etc. Il est également fort au niveau symbolique notamment en termes d’estime de soi permise par l’exercice de la profession (Honneth, 2002). L’image de ces emplois demeurent négative et les liens qu’ils peuvent entretenir avec des formes de domesticité ou de servitude sont régulièrement rappelés (Walzer, 1990 ; Gorz, 1991).

Le maintien d’une demande inégalitaire ?

49Le bilan socioéconomique des mesures de soutiens aux SP ne peuvent cependant reposer sur la seule dimension de l’emploi. Comme nous l’avons identifié en première partie, ces dispositifs nourrissent des objectifs plus ambitieux et visent non seulement à créer des emplois, mais également à développer de nouveaux services répondant aux enjeux de la dépendance ou visant à promouvoir une meilleure conciliation des temps. Dans les deux cas, l’une des clés du succès dépend de la possibilité de démocratiser en partie le recours aux SP (Debonneuil, 2008 ; Gallouj, 2008). Au-delà de l’objectif de lutter contre le travail dissimulé, la solvabilisation vise non seulement à créer un marché, mais aussi à le rendre accessible à de nouvelles catégories sociales. Ainsi les mesures fiscales ont été modifiées afin d’être moins inégalitaires (transformation de la réduction d’impôt en crédit d’impôt pour les ménages actifs) tandis que de nouveaux dispositifs de subvention ont été mis en place (distribution de Cesu aux ménages plus modestes ou aux personnels de la fonction publique).

50Il est délicat pour le moment de dresser un bilan de ces mesures les plus récentes, en dépit des espoirs importants qu’elles suscitent (Gallouj, 2008) mais les travaux qui portent sur la demande de services à la personne demeurent pour le moment très réservés sur la diffusion de la consommation auprès de nouvelles catégories. La délégation des tâches domestiques demeure une consommation de luxe réservée au décile supérieur des revenus (voir tableau 3). Les analyses ‘toutes choses égales par ailleurs’ des déterminants du recours à des services à la personne soulignent l’effet écrasant du revenu par rapport à tous les facteurs liés à des ‘besoins’ (nombre d’enfants, activité et temps de travail, etc.) (Flipo, 1998 ; Marbot, 2008a).

51Il convient cependant de nuancer ce résultat global, en particulier en distinguant les effets des politiques sur deux populations bien distinctes, les personnes âgées d’une part, et les couples bi-actifs de l’autre.

a. Une demande croissante chez les personnes âgées

  • 15  Passage de 26 % à 38 % pour les ménages du 10ème décile.
  • 16  Passage de 14,5 % à 21 % pour le premier quartile entre 2001 et 2006.

52La demande de SP des personnes âgées a nettement augmenté sur les deux dernières décennies, passant de 12,5 % en 1989 à 19,5 % en 2006. Mais cette hausse est la conséquence de facteurs différents selon les périodes. Entre 1989 et 1995, elle se concentre parmi les ménages aisés15 puis touche davantage les foyers modestes à partir de 200116. On repère ici l’effet des politiques de solvabilisation : les années 90 ont été marquées par la mise en place des premières mesures de réduction d’impôts tandis que le début des années 2000 voit la création de la PSD, puis de l’APA, attribuée principalement en fonction de critères de dépendance (grille Aggir) et de revenu. Les mesures récentes, c'est-à-dire d’après 2005, s'inscrivent à nouveau dans une logique d'exonérations fiscales (le crédit d'impôt étant explicitement refusé aux ménages retraités) et risquent ainsi de relancer une dynamique inégalitaire.

b. Une croissance stable chez les moins de 60 ans

  • 17  Une mesure comme l’APA apparaît cependant promouvoir une logique inverse. Et il apparaît qu’elle a (...)

53Pour les ménages de moins de 60 ans, les mesures de solvabilisation n’ont jusqu’à présent ni permis d’accroître la demande (maintien d’un taux de recours stable de 5 % entre 1989 et 2006) ni favorisé une diffusion de cette consommation auprès de ménages moins aisés. Le seul groupe ayant vu son taux de recours croître de manière significative étant les 5 % les plus riches17. Les effets d’une mesure importante comme la création du crédit d’impôt ne sont cependant pas encore visible dans ces évaluations mais les premières hypothèses (notamment dans la loi de finances) ne reposent que sur une modification mineure des comportements.

Tableau 3 - Taux de recours à une femme de ménage en fonction du revenu

Position dans l'échelle des revenus

1989

2006

0 % - 10 %

4 %

2.5 %

10 % - 25 %

1 %

1 %

25 % - 50 %

1 %

1.5 %

50 % - 90 %

2.5 %

4 %

90 % - 95 %

14 %

14 %

95 % - 100 %

29.5 %

33 %

Total

4.5 %

4.5 %

Source : Enquêtes budget des ménages 1989 et 2006, Insee.

54Ces résultats sont-ils surprenants ? Dans le cadre de services qu’il est envisageable de réaliser soi-même (par exemple l’entretien courant du domicile), l’essor de ces services sur une base marchande ne peut s’envisager que si des salariés prêts à accepter des rémunérations horaire faibles se mettent à disposition de ménages, qui, de leur côté, ont des revenus suffisamment élevés pour être incités à recourir à leurs services. Les analyses de la demande de services domestiques soulignent d’ailleurs le rôle central des inégalités dans le développement de ces services : en dehors du cas des personnes âgées, l’existence d’un revenu très élevé est le facteur le plus explicatif du recours à une aide domestique rémunérée (Flipo, Olier 1998 ; Iraci, 2005).

  • 18  D’ailleurs, dans les pays dans lesquels la tolérance sociale à l’égard des inégalités économiques (...)

55Pour des activités qui, en quelque sorte, se substituent à l’auto-production (le ménage que l’on fait faire par d’autres par exemple), on peut considérer qu’il s’agit d’une substitution d’heures travaillées entre l’employeur et son salarié. Comme les gains de productivité sont souvent présentés comme faibles (Blanchet, Ravalet, 1995), l’expansion de ce type d’activité ne peut s’appuyer que sur des écarts conséquents entre la rémunération horaire d’un demandeur, et celle de l’offreur18. Lorsque les inégalités économiques sont contenues, seules des mesures de solvabilisation de la demande, entraînant une hausse des financements publics, peuvent permettre une croissance de l’activité. Au final, les mesures financières d’aide aux clients ou employeurs de services à la personne ont un effet très ambigu. Le choix d'une solvabilisation par la défiscalisation favorise le maintien de services fondés sur des inégalités de revenu bien plus que sur une logique de 'besoins', à l'inverse d'une mesure comme l’APA.

  • 19  Ce que G. Esping-Andersen (2008) appelle la ‘féminisation’ des pratiques masculines.

56Les études empiriques que nous avons menées auprès des employeurs indiquent également que cette logique de développement ne joue pas non plus un rôle déterminant sur la réduction des inégalités en termes de répartition des tâches domestiques. La délégation marchande semble au contraire un moyen d’éviter la renégociation du partage des tâches au sein du ménage (Baxter et alii, 2009) et notamment de remettre en cause le faible investissement des hommes19. Plus encore, le recours à certains services à la personne peut parfois être interpréter comme un obstacle à l’émergence d’un partage réellement équitable des travaux domestiques.

Une volonté d'encourager l'industrialisation du secteur préjudiciable à la qualité de services relationnels

57Parallèlement aux politiques de solvabilisation, les pouvoirs publics ont choisi de structurer l'offre de services, en s’appuyant principalement sur une logique d'industrialisation : rationalisation des organisations, standardisation des prestations, équipement du marché de dispositifs de qualité par multiplication des agréments et certifications, création d’ « enseignes » d’inspiration du grand commerce, soutien explicite aux entreprises à but lucratif (Debonneuil, 2008). Il s'agit notamment de faciliter la standardisation des services mais également d'améliorer la circulation des informations via des dispositifs spécifiques.

58Cette vision du secteur est véhiculée également par les campagnes promotionnelles menées par l'ANSP autour du « produit » : le service à la personne serait un produit comme un autre. Dans ces campagnes, les services et les salariés qui les réalisent sont profondément réifiés. Le service perd soudain le caractère de relation sociale qui en faisait sa spécificité. Loin d'être anecdotique, cette campagne rejoint les stratégies d’industrialisation de certaines entreprises récemment implantées. Celles-ci tentent d'imposer une relation commerciale entreprises-clients au sein de la relation triangulaire client-salariée-entreprise.

59Les employeurs insistent ainsi sur leur rôle de sélection de personnel et d'intermédiaire : il s'agit à la fois de protéger le salarié des exigences trop fortes des clients, et de garantir au client l'absence de contraintes vis-à-vis des intervenants. Cet objectif, propre à toutes les structures prestataires (entreprises et associations), est défendu par les acteurs publics mais également par les enquêtes sociologiques accusant le système du ‘gré à gré’ d’entretenir la domesticité (Romero, 2002 ; Anderson, 2000). Ce rôle positif d’arbitre et d’intermédiaire peut cependant revêtir des inconvénients, notamment lorsqu’il s’agit d’une logique commerciale nécessitant une maîtrise des coûts.

60La promotion d’une forme d’industrialisation, qui s'écarte à la fois du modèle domestique traditionnel (l'emploi de gré à gré) et du modèle de l'économie sociale appuyé sur les associations, n'est cependant pas sans conséquence sur l'évolution du champ de services à la personne. Cette stratégie ne garantit pas de véritable professionnalisation des salariés, et risque de maintenir les emplois dans une 'trappe à précarité' (Mendez, 1998 ; Béduwé et alii, 2003 ; Devetter, Rousseau 2007). Elle implique surtout un recentrage de l'entreprise sur les métiers les moins relationnels, créant des « spécialisations » : le ménage est alors séparé de la garde d'enfant ou de l'aide aux personnes âgées.

61Plusieurs enquêtes soulignent que les entreprises se positionnent sur un marché spécifique : clients plus jeunes et disposant de revenus plus confortables (Iraci, 2009). Les entreprises qui s’engagent dans ces stratégies limitent leur champ d'activité, ou le segmentent, en refusant la polyvalence du personnel, dont le coût peut alors être minimisé dans la logique du principe de Babbage (subdiviser le travail permet de ne payer, pour une tâche, que le salaire le plus faible nécessaire à l'accomplissement de cette tâche). La référence ici est le secteur du nettoyage industriel. Les entreprises vendent une technicité et un service standardisé, un 'produit'. Leur communication ne se fait pas autour de la notion de fidélité mais, au contraire, sur le dépannage ponctuel, sur la totale liberté du client d’acheter quelques heures et sur la technicité de la prestation présentée comme standard. Si cette stratégie peut être cohérente dans le cas des services de confort, elle ne semble pas en mesure de répondre aux enjeux d’action sociale et d’exigence de services plus relationnels que requiert le service auprès des personnes fragiles. Ainsi les entretiens menés auprès des responsables de la politique en faveur des personnes âgées au sein de Conseils Généraux insistent sur les dérives qui peuvent parfois apparaître : sélection de clients les plus solvables, fractionnement ou diminution des interventions quand le tarif APA est jugé trop faible, demande de caution, etc.

Conclusion

62L’ « invention » du secteur des services à la personne peine à répondre aux multiples objectifs qui lui ont été assignés. Le critère quantitatif de la création d’emplois a pris le pas sur les autres dimensions envisageables. L’atteinte d’une cible chiffrée ambitieuse (500 000 emplois en trois ans) semble possible uniquement au prix de l’abandon des autres critères relatifs tant à la qualité des emplois qu’à l’utilité sociale ou à la qualité des services mis en œuvre.

63Le secteur des services à la personne est au confluent d’une grande variété d’enjeux de politique économique, de politique sociale, de politique familiale. Un secteur peut-il à lui seul fournir une solution conciliant une telle diversité d’objectifs ?La réponse n’est certainement pas immédiate. Soulignons simplement qu’une telle variété de politiques publiques appliquées à un même « secteur » confère aux tensions, contradictions et injonctions contradictoires de ces politiques, une acuité peut-être inédite. Nous ne faisons que les évoquer ici, mais elles sont le symptôme d’une grande difficulté dans la construction d’une « cohérence politique ». Ainsi, la création politique de ce secteur s’accompagne de mesures financières nombreuses et diverses, expression des larges et diverses ambitions politiques subordonnées à la création de ce secteur, mais aussi signe d’une instrumentalisation du secteur et du détournement de certaines de ses finalités (Laville, 2009). D’autres tensions se font jour, sur lesquelles il est difficile de trancher tant le champ est difficilement saisissable : tensions entre les différentes motivations des politiques publiques ; entre les logiques marchandes et non marchandes qui traversent ce champ (peut-on regrouper dans un même champ activités relevant d’utilité sociale, et d’autres répondant à des besoins de confort ?) ; dans la structuration de l’offre (peut-on tout marchandiser ?) ; mais aussi entre la qualité de l’emploi et la qualité des services (peut-on envisager des services de qualité si les salariés qui portent ces services sont eux, ou plutôt elles, dans une situation de forte fragilité économique et sociale ?) ; et enfin entre maitrise des financements publics et montée en qualification des personnels.

64La réflexion en termes de « croissance » ou de « croissance de l’emploi » ne suffit en tout cas pas pour établir le bilan d’une politique sectoriel. Cette analyse a priori sectorielle, et les conséquences socio-économiques auxquelles le développement des services à la personne conduit, sont l’expression d’un changement de cap dans la logique des politiques sociales, et renvoie à de nouvelles conceptions du rôle de l’Etat social. Nous expérimentons ici le glissement d’une prise en charge de la politique sociale par le secteur de l’économie sociale et solidaire vers une prise en charge de cette action sociale par les entreprises privées à but lucratif, et la consolidation de l’emploi direct. Ce cas empirique est une expression d’un changement de cap net dans la logique des politiques sociales, elles-mêmes reflet de la nature de l’Etat social. D’un système de transferts publics financés par des taxes sur les revenus privés, on passe progressivement à des transferts privés subventionnés par le public. Ceci s’inscrit dans une logique de workfare, peu compatible avec le principe d’un plan de cohésion sociale.

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Notes

1  Enquête budget des familles, Insee, voir encadré 1.

2  L’expérience des Pyrénées orientales est exemplaire de ce point de vue.

3 Voir sur le site http://www.pacte.cnrs.fr/IMG/pdf_presentationresul05Fr-2.pdf

4  Cela équivaut à mettre de côté les retraités, qui constituent pourtant une partie non négligeable des « consommateurs ». Selon l’Una, 13 millions de personnes de plus de 60 ans dont 1/3 ne paient pas d’impôts- et de nombreuses personnes adultes handicapées (1 million de personnes concernées).

5  Cette part peut cependant être divisée par quatre si l’on tient compte du poids très élevé du gré à gré dans l’emploi comme dans les heures travaillées.

6  Le niveau de perte d’autonomie de la personne est évalué à partir de la grille Aggir (Autonomie Gérontologie Groupes Iso-Ressources) et le niveau (classement GIR –groupe iso-ressource) ouvre droit à l’Allocation personnalisée autonomie (APA). Cette intervention est concrétisée par un plan d’aide, et par le versement d’une allocation.

7  Voir Jany-Catrice, 2009.

8  Rapport Debonneuil et projet annuel de performance 2009.

9  http://www.performance-publique.gouv.fr/farandole/2009/pap/pdf/PLF2009_BG_TRAVAIL.pdf.

10  Cette hypothèse doit être considérer comme plutôt basse car elle place du côté des publics fragiles tous les ménages dont au moins un des membres est inactif. Or un nombre, non négligeable mais complexe à évaluer, de ménages où l’un des conjoints est au foyer recourent néanmoins à des services de conforts (les analyses économétriques concluent notamment à l’absence d’impact de l’activité féminine sur le recours à une femme de ménage, Flipo, 1998).

11  Coefficients réutilisés rétropolairement pour 2007 dans le tableau 2.

12  Dares, Drees, nos propres enquêtes monographiques.

13  Le paragraphe relatif aux mesures d’exonération de TVA et de taux réduits de TVA, p. 94.

14  Toutes les données sont issues de l’Enquête emploi de 2007.

15  Passage de 26 % à 38 % pour les ménages du 10ème décile.

16  Passage de 14,5 % à 21 % pour le premier quartile entre 2001 et 2006.

17  Une mesure comme l’APA apparaît cependant promouvoir une logique inverse. Et il apparaît qu’elle a pu réellement diffuser le recours aux aides à domicile parmi les personnes âgées aux revenus plus modestes. L’APA reste cependant davantage une mesure liée aux politiques de la vieillesse qu’aux politiques d’aides aux services à la personne.

18  D’ailleurs, dans les pays dans lesquels la tolérance sociale à l’égard des inégalités économiques est plus faible (la Suède par exemple), le recours aux services d’un salarié pour le ménage est peu envisageable.

19  Ce que G. Esping-Andersen (2008) appelle la ‘féminisation’ des pratiques masculines.

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Table des illustrations

Titre Tableau 1 - Répartition des aides publiques dans les services à la personne (en millions d’Euros)
Crédits Source : Debonneuil, 2008, Projets annuels de performance 20099.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pmp/docannexe/image/2256/img-1.png
Fichier image/png, 122k
Titre Graphique 3 – Répartition cumulée des employés de maison et des gardes d’enfants au domicile du particulier par vingtile selon la durée du travail totale en 2005.
Crédits Source : Debonneuil, 2008.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pmp/docannexe/image/2256/img-2.png
Fichier image/png, 150k
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Pour citer cet article

Référence papier

François-Xavier Devetter et Florence Jany-Catrice, « L'invention d'un secteur et ses conséquences socio-économiques : les politiques de soutien aux services à la personne »Politiques et management public, Vol 27/2 | 2010, 75-101.

Référence électronique

François-Xavier Devetter et Florence Jany-Catrice, « L'invention d'un secteur et ses conséquences socio-économiques : les politiques de soutien aux services à la personne »Politiques et management public [En ligne], Vol 27/2 | 2010, mis en ligne le 15 mars 2012, consulté le 15 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pmp/2256 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pmp.2256

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Auteurs

François-Xavier Devetter

Membre du Clersé-UMR 8019, Faculté Sciences économiques et sociales de Lille

Florence Jany-Catrice

Membre du Clersé-UMR 8019, Faculté Sciences économiques et sociales de Lille

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Droits d’auteur

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