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Le management public en question

Où est passé le management public ? Incertitude, institutions et risques majeurs

Where has public management gone? Uncertainty, institutions and major risks
Romain Laufer
p. 25-48

Résumés

L’émergence du management public est étroitement liée à la notion d’incertitude. Cela peut être expliqué par la façon dont elle est liée à la crise des institutions des démocraties occidentales. C’est ce que permet de montrer de façon précise la notion de système de légitimité. Dans un tel contexte, pour savoir où est passé le management public, il est nécessaire de se munir d’une définition de l’objet de notre recherche. Ceci suppose que l’on dispose de définitions conceptuelles précises des notions de « management » d’une part et de « public » d’autre part. Alors seulement la notion de management public pourra être définie de façon suffisamment claire pour nous permettre de reconnaître sa présence à travers tous ses avatars, jusqu’au fameux (devrait-on dire trop fameux ?) New Public Management et au développement du management des risques majeurs.

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Texte intégral

1Dans ce qui suit, il s’agira moins de lever l’incertitude que dénote le titre du présent article que de démontrer que cette incertitude est au cœur de la question du management public. Ce n’est qu’après avoir montré, dans une première partie, comment l’émergence du management public est directement associée à la question de l’incertitude que nous pourrons, dans une deuxième partie, montrer comment il est possible de définir le management public de façon suffisamment précise pour reconnaître sa présence à travers tous ses avatars et en particulier le très célébré, et non moins contesté, New Public Mangement.

2Pour répondre au titre du présent article, cette définition devrait pouvoir satisfaire aux conditions suivantes :

  1. - elle devrait exprimer le caractère complexe, ambigu, voire parfois insaisissable, du management public, et ce, en permettant de rendre compte de toutes ses manifestations dans le temps (temps de l’histoire) et dans l’espace (espace des nations) ;

  2.  - pour cela, à la façon des radaristes qui essaient de reconnaître le passage d’un objet furtif sur leurs écrans, cette définition devrait donner les outils permettant d’en détecter le passage, d’en reconnaître la trace caractéristique ou, comme l’on dit encore, la « signature » ;

  3.  - enfin une telle définition pour prétendre à un certain degré d’objectivité (ou, si l’on préfère, d’intersubjectivité) devra permettre à chacun, quelle que soit son expérience pratique, sa discipline scientifique, ou son point de vue idéologique, de retrouver sa conception du management public.

  • 1   Laufer R., Burlaud A. (1980) Management public : gestion et légitimité ; Dalloz Gestion ; Laufer (...)

3- Un tel programme dépasserait à l’évidence le cadre d’un article qui se doit de rester relativement bref s’il ne pouvait s’appuyer sur des écrits antérieursdont certains raisonnements pourront être repris dans ce qui suit sans autre justification.1

Incertitude et émergence de la notion de management public

4Dans un article récent Mary Douglas (2001) écrit :

  • 2  Douglas, M (2001) "Dealing with uncertainty”

5« La certitude n’est pas une humeur, ou un sentiment, c’est une institution, telle est ma thèse… La certitude n’est possible que parce que le doute est bloqué institutionnellement : la plupart des décisions à propos du risque sont prises sous la contrainte des institutions… Si nous reconnaissons maintenant être confrontés à plus d’incertitude, cela tient au fait que quelque chose est arrivé qui affecte les fondements institutionnels de nos croyances et c’est cela que nous devrions étudier. »2

6Dans ce texte, Mary Douglas établit un lien entre les notions d’incertitude, d’institution et d’histoire , l’accroissement du sentiment d’incertitude étant lié à une mutation des institutions qui le tenait à l’écart. Par ailleurs, elle précise le programme de travail qui doit permettre d’étudier ces mutations avec précision : il s’agit d’étudier « les fondements institutionnels de nos croyances ». On peut remarquer que cette façon de lier histoire, institution et incertitude peut être associée à l’émergence récente de la notion de risque majeur. :

7« L’idée fondamentale qui soutient la possibilité de la société, plus fondamentale même que l’idée de Dieu, est l’idée qu’il y peut y avoir une connaissance certaine. Et celle-ci se révèle à son tour extraordinairement robuste, passionnément défendue par la loi et le tabou dans les civilisations modernes comme dans les anciennes. »

  • 3  Voir note 2.

8Ce lien entre la transgression radicale que représente la reconnaissance formelle de l’incertitude par la société et l’émergence de la notion de risque majeur est confirmé par le fait le fait que Mary Douglas a consacré une partie importante de son œuvre à l’étude des risques technologiques (Douglas, 1985). Dans ce qui suit nous nous proposons donc de suivre ses recommandations et pour cela de définir de façon opérationnelle les « fondements institutionnels de nos croyances » à l’aide des notions de systèmes de légitimité, d’histoiredes systèmes de légitimité et de crise des systèmes de légitimité, crise dont la reconnaissance formelle correspond à l’émergence de la notion de risque majeur.. Ces notions ayant été développées dans des travaux antérieurs nous pourrons nous contenter de les présenter de façon résumée sans les justifier ici de façon détaillée3.

La notion de système de légitimité

9On peut caractériser les sociétés occidentales modernes par deux traits : la démocratie, qui suppose que chacun à le droit d’objecter à l’action de tout autre, et la bureaucratie qui suppose qu’une part au moins des actions sociales sont accomplies par de grandes organisations.

10On peut montrer que la coopération dans une société démocratique moderne exige l’existence d’un système de symboles partagés très simple qui permette : 1/ de décrire les actions et 2/ de déterminer aux yeux de tous (ou de presque tous) qui a raison et qui a tort. Un tel système est, par définition, une théorie de l’action sociale. Par hypothèse, une telle théorie doit exister (et être partagée) pour que l’action organisée soit possible (c'est-à-dire pour que le coût de résolution des conflits ne soit pas tel qu’il paralyse toute action).

  • 4  Au sens de John L. Austin (1970), Quand dire c’est faire, Seuil.

11Dans ce qui suit, il ne s’agit pas de traiter de la théorie en tant qu’elle est vraie mais en tant qu’elle est nécessaire. Cette nécessité est exprimée par le fait qu’elle est rendue obligatoire par le droit (« nul n’est censé ignorer la loi ») et constitue donc ce que nous proposons d’appeler une représentation normative du sens commun (c’est-à-dire une représentation obligatoire des « fondements institutionnels de nos croyances » qui s’impose à tout membre de la communauté sociale considérée), représentation (ou phénoménologie) qui est rendue effective (ou performative4) par le droit.

12Une telle théorie peut être déduite de la façon dont Max Weber définit trois types d’autorité légitime : les types charismatique, traditionnel et rationnel-légal. Les démocraties modernes peuvent être caractérisées par le fait qu’ elles ont substitué aux systèmes de légitimité hétéronomes de l’ancien régime (fondés sur le charisme ou la tradition) un système de légitimité autonome fondé sur la raison et la loi que celle-ci permet de découvrir.

13Il est possible de définir les systèmes simples de symboles partagés, constitutifs de la légitimité rationnel-légale, telle qu’elle s’établit à la fin du XVIII° siècle en distinguant les quatre niveaux suivants :

  1. 1/ A un premier niveau est définie la théorie du cosmos qui sert de « fondement institutionnel à nos croyances ». Sur le cosmos est définie une dichotomie entre la nature et la culture, dichotomie rendue manifeste par les lunettes de la science (en l’occurrence la physique) qui permettent à chacun de percevoir la nature et d’en dégager les lois de façon autonome par l’usage de sa propre raison.

  2. 2/ À un second niveau, une science de la culture est développée sur le modèle des sciences de la nature. Elle permet de projeter sur le monde des actions sociales une dichotomie analogue à la précédente entre nature et culture, dichotomie rendue manifeste par les lunettes de la science (en l’occurrence l’économie politique définie sur le modèle de la physique) qui permettent à chacun de dégager les lois auxquelles ils doivent eux-mêmes se soumettre en tant qu’êtres culturels.

  3. 3/ A un troisième niveau se trouve le droit lui-même divisé en deux parties : le droit privé qui permet de soumettre directement les acteurs sociaux aux lois de la nature que sont les lois de l’économie politique et le droit public qui concerne la définition de toutes les conditions nécessaires à l’établissement du règne effectif des lois de la nature sur la société : le législatif qui découvre la loi, l’exécutif qui l’édicte, le judiciaire qui en contrôle l’effectivité, les transports qui assurent la circulation des biens nécessaire au fonctionnement du marché, la police, les affaires étrangères et l’armée qui garantissent les conditions de paix et de sécurité requises par le fonctionnement de l’économie.

  4. 4/ Enfin, à un quatrième et dernier niveau, se trouvent les actions sociales elles-mêmes dont la légitimité dépend : 1/ de leur soumission au droit ; 2/ de la conformité de celui-ci aux lois de la nature qui sont censées régir la société ; et enfin 3/ de la conformité de celles-ci au modèles des lois de la nature à partir desquelles elles ont été construites par analogie.

14La comparaison de ce système avec celui de l’Ancien régime fondé sur un pouvoir monarchique (traditionnel), lui-même appuyé sur une légitimité religieuse (charismatique), permet de percevoir la façon dont le système de légitimité rationnel-légal est bien l’héritier d’une longue tradition. En effet, la nature, qui sert de référence dans l’un, partage avec le Dieu, qui sert de référence dans l’autre, deux traits essentiels : l’éternité (qui est associée à l’idée de nécessité) et l’omniscience (à travers la notion de déterminisme scientifique).

  • 5  Il n’est pas sans intérêt de savoir que Mary Douglas a consacré en 2004 un de ses derniers ouvrage (...)

15On peut remarquer par ailleurs qu’il est possible d’établir une correspondance entre les quatre premiers livres de la Bible et les quatre niveaux symboliques que nous venons de définir : la Genèse nous parle du cosmos, l’Exode nous parle du peuple, le Lévitique nous parle des rituels (actions formelles opposables aux tiers qui assurent la soumission des actions concrètes à l’instance à laquelle elles sont censées devoir se conformer : c’est ainsi que le respect du droit des obligations permet de donner un sens précis à la soumission des acteurs économiques à la loi des marchés), enfin les Nombres correspondent aux actes administratifs eux-mêmes en tant qu’ils supposent une logique de répartition quantitative5.

16Maintenant que nous disposons de la notion de système de légitimité pour décrire « les fondements institutionnels de nos croyances » nous pouvons tenter de comprendre les raisons qui conduisent le sens commun à penser que le monde devient de plus en plus incertain. Pour cela il nous suffit de suivre les indications données par Mary Douglas dans le texte cité ci-dessus lorsqu’elle écrit : « Si nous reconnaissons maintenant être confronté à plus d’incertitude, cela tient au fait que quelque chose est arrivé qui affecte les fondements institutionnels de nos croyances ». Nous proposons de dire que ce quelque chose désigne l’histoire des institutions, histoire que nous pouvons décrire de façon précise grâce à la notion de système de légitimité telle que définie ci-dessus.

  • 6  Au sens d’Austin, voir note 5
  • 7  Voir ci-dessus note 2

17Pour traiter de l’histoire des systèmes de légitimité il suffit de suivre l’histoire du droit qui étant histoire d’une norme obligatoire est, de ce fait, une histoire obligatoire. Cela nous contraint cependant, pour être rigoureux, à développer nos analyses dans le cadre des Etats-Nations qui sont le lieu où la performativité6 du droit est assurée par le principe de souveraineté. Cette histoire, dans le cas de la France et des Etats-Unis, ayant été décrite dans de nombreux écrits précédents, y compris dans la présente revue7, nous nous contenterons, pour éviter d’être trop long, de rappeler ici très schématiquement le cas de la France.

18La notion juridique sur laquelle nous appuyons notre analyse n’est autre que l’histoire du critère du droit administratif qui permet de définir de façon non équivoque l’histoire de la limite entre public et privé. Or l’histoire de ce critère est décrite dans tous les traités de droit public comme conduisant à la distinction de trois périodes : de 1800 à 1880-1900 règne le critère de la puissance publique (il correspond au règne de l’Etat-Gendarme parce que ce qui est puisant et public c’est le gendarme), de 1880-1900 à 1945-1960 règne le critère du service public (il correspond au règne de l’ Etat-Providence parce que ce qui est au service du public c’est la providence) et enfin depuis 1945-1960 règne (si l’on peut dire) la crise du critère, ce qui correspond à la fois à la crise du système de légitimité et à la crise de l’Etat-Nation. Le seul fait que la dernière période corresponde à une situation juridique de « crise » peut être lié à la notion d’incertitude dans la mesure même où Mary Douglas nous dit le prix que la société attribue à la notion de connaissance certaine (en l’occurrence connaissance de la différence entre le public et le privé.).

  • 8  Herbert Simon, (2004), Les Sciences de l’artificiel, Folio Gallimard

19Nous référant à la façon dont le droit est articulé hiérarchiquement à la sciences dans la définition du système de légitimité rationnel-légal nous avons pu montrer que la première période était associée au déterminisme de la science kantienne , la seconde période au déterminisme de la science positiviste et la troisième période à l’absence de déterminisme qui caractérise la science de la confusion de la nature et de la culture , science de l’artificiel qui est aussi , d’après Herbert Simon , la science des systèmes.8 Il est possible de définir la science des systèmes comme fait de décrire des faits complexes à l’aide de « ronds » et de « flèches », (aussi appelé « entités » et « flux ») . L’absence de déterminisme qui caractérise le paradigme systémique s’accorde bien avec l’émergence de la notion d’incertitude. Quant à savoir pourquoi une incertitude qui se lit dans le droit et la science qui lui est associée dès les années 1945-1960, ne semble avoir donné naissance que très progressivement à un sentiment d’incertitude elle pourrait être liée à la passion avec laquelle, d’après Mary Douglas, l’idée de certitude est « défendue par la loi et le tabou dans les civilisations modernes comme dans les anciennes. ». Muni de ces éléments et sachant qu’à chaque période correspond une description des actions sociales qui assure leur soumission aux normes du droit et de la science, nous pouvons tenter de décrire les principaux traits de la définition institutionnelle du management public. Notons que nous savons déjà que, dans le cas de la France, cette notion, qui met en scène la confusion du public et du privé ne saurait émerger que dans la troisième période de l’histoire que nous venons de conter.

Définition des notions de management et de public

20Pour définir le management public, il nous faut tout d’abord nous assurer de la définition des notions de « public », d’une part, et de « management », d’autre part.

La question de la « publicness »

21Dans un des premiers articles, daté de 1990, consacré à la définition du concept de « publicness » Barry Bozeman écrit : « Durant la dernière décennie de grands progrès ont été réalisés dans l’analyse de la différence entre organisations publiques et privées, mais un certain nombre de questions de théories et de mesures ne sont toujours pas résolues. Parmi les principaux problèmes soulevés il y a l’ambiguïté des concepts liés à la notion de « publicness » et les difficultés de mesure des organisations hybrides. »

22Ce que montrent les travaux sur la publicness, c’est à la fois le fait que les spécialistes américains du management public sont effectivement confrontés à la question de la limite du public et du privé et, d’autre part, que les approches empiriques de cette question ne parviennent pas à une solution claire, ce qui ne saurait nous étonner : l’étude empirique de catégories ambiguës ne peut donner que des résultats confus.

  • 9  Petit Robert et Robert Historique

23Pour tenter de donner une réponse théorique à cette question, il est possible de partir des trois définitions du mot public données par le dictionnaire 9 :

  1. - Premier sens (nom) : « Qui appartient à l’État, qui concerne le peuple »

  2. - Deuxième sens (nom) : « De propriété ou d’usage commun, commun à tous »

  3. - Troisième sens (adjectif) : « Ouvert à tous »

24Nous proposons de dire que le premier sens correspond à une définition institutionnelle du mot public, celle qui figure dans l’expression « droit public » dont Bozeman nous dit qu’elle est « simple et puissante », même si elle se révèle insuffisante. Pour prendre la mesure de la puissance de cette définition, il suffit de remarquer qu’elle parvient à rendre compte de sa propre insuffisance à condition de prendre au sérieux la notion de crise du droit telle qu’elle figure par exemple dans la notion de crise du critère du droit administratif.

25Nous proposons de dire que le deuxième sens correspond à une définition épistémologique du mot public ; elle désigne en effet tous les phénomènes susceptibles d’affecter l’ensemble des membres de la cité. Ce qui est en jeu de ce côté, c’est la façon dont la composante scientifique du système de légitimité permet de penser l’effet d’une actions sur les membres de la communauté politique. Le positivisme, à travers sa conception d’une science des systèmes fermés, permet de penser des actions dont les effets restent confinés dans un espace strictement délimité et subordonné, soit à l’autorité de l’État (État-Providence capable de fonder la légitimation de ses actions par la compétence de corps de spécialistes), soit aux lois du marché (garanties à partir de la fin du XIXème siècle par l’intervention du juge anti-trust aux États-Unis).

26Avec la notion de système ouvert, toute action peut être considérée comme pouvant , par l’enchainement d’un ensemble de causes et d’effets éventuellement inattendus ou pervers, affecter tous les membres du public : ceci correspond à une conception pragmatique de la notion de public qui désigne ce qui est ouvert à tous par opposition à ce qui est secret ou caché. Ce type d’ effet, qui est censé ne pouvoir se développer que dans la troisième période marquée par la crise de la limite entre le public et le privé du point de vue du droit, de la limite entre le politique et l’administratif du point de vue de la science politique, et de la crise de la limite entre la nature et la culture du point de vue de la science économique et/ou physique, peuvent avoir des effets catastrophiques (comme le montre la notion d’effet « papillon » et son lien avec la notion de risque majeur). Ce dernier sens de la notion de public permet de comprendre la demande de « transparence » qui s’adresse désormais à tout pouvoir, qu’il soit public ou privé, et ce aux dépens du principe du secret des affaires , du devoir de réserve de l’administration, voire du respect de la vie privée.

27Par définition, dans un monde décrit par des systèmes ouverts, tout est potentiellement public. D’un autre côté, du fait de la crise de la science (ou si l’on préfère du caractère limité de la rationalité), tout est nécessairement, pour une part plus ou moins bien déterminée, partiellement caché, secret, privé, du fait de l’imperfection des systèmes de représentation.

28Du fait de la confusion qui s’établit ainsi entre public et privé, nous voyons que le management public ne pourra pas être défini comme le management du secteur public, celui-ci n’étant pas défini de façon précise. En fait puisque ce sont désormais les méthodes qui déterminent la limite du public et du privé, c’est la définition du management et du management public en tant que méthodes de l’action administrative qui devrait nous permettre de distinguer le public du privé.

La nécessité d'une définition théorique du management

  • 10  Woodrow Wilson : (1887) The study of Administration, Political Science Quarterly

29Il est difficile de savoir ce qu’est le management public si l’on ne sait pas définir avec précision le management. Or, force est de reconnaître qu’une telle définition semble faire défaut. Cette situation ne doit sans doute rien au hasard, du moins si l’on en croit Woodrow Wilson qui commence le premier article américain consacré à la science de l’administration par ces mots : « Je suppose qu’aucune science pratique n’est jamais objet d’étude tant que le besoin de connaître ne se fait pas sentir ».10 Il y a au moins deux contextes où le besoin d’une telle définition explicite complète et partagée du management ne se fait pas sentir.

30Le premier contexte est celui dans lequel vivent les professionnels du management pour qui cette définition peut demeurer implicite du fait de son statut de présupposés partagés de tous ceux qui ont à en connaître : tel est encore souvent le cas des professeurs de management dans les écoles de gestion. Le second contexte est celui de communautés pour lesquelles le management est une notion importée, qu’il s’agisse de membres du secteur public recevant le management du secteur privé ou bien encore des spécialistes français du management recevant le management des États-Unis.

31Dans ce dernier contexte il faut distinguer deux cas : celui où cette importation est vue favorablement et celui où elle est considérée de manière critique. Dans le premier cas, une définition explicite est inutile puisqu’étant supposée connue de la peuplade à laquelle elle a été empruntée, le besoin de définition disparaît devant l’admiration que suscite l’évidence du savoir reçu ; dans le second cas, la définition tend à se résumer à la dénonciation du caractère idéologique, au sens péjoratif du terme, qui caractérise l’importation de conceptions rejetées parce que contraire aux valeurs de sa communauté d’accueil.

  • 11  Voir Edward Litchfiels (1956), “Notes on a General Theory of Administration” ASQ ; William C. Fred (...)

32Le souci de définir de façon rigoureuse et générale le management n’est pas l’expression d’on ne sait quelle tournure d’esprit théorique propre à la France. Depuis la deuxième guerre mondiale, cette question est régulièrement évoquée par des auteurs influents du monde académique américain. L’examen de la littérature qui en résulte montre que la difficulté réside moins dans le manque de définition que dans le trop-plein. C’est que ces définitions sont le plus souvent liées au caractère singulier des expériences et de la fragmentation de l’objet d’étude lorsqu’il est examiné du point de vue des diverses disciplines des sciences humaines et de la gestion11.

  • 12  Harold Koontz (1961) “The Management Theory Jungle”, Journal of the Academy of Management.
  • 13  Harold Koontz (1980), “The Management Theory Jungle revisited”, The Academy of Management Review, (...)
  • 14  Ce sont : 1/ the empirical or case approach ; 2/ the interpersonal behaviour approach ; 3/ the gro (...)
  • 15  Waino W. Suojanen (1963), “Management Theory : Functional and evolutionary”, The Academy of Manage (...)
  • 16  Id.
  • 17  Sur ce même thème, voir aussi Luther Gulick (1965), “Management is a Science”, The Academy of Mana (...)

33C’est ainsi qu’en 1961, Harold Koontz, dans un article intitulé The Management Theory Jungle12, ne peut mieux faire, dans son effort d’organisation du savoir managerial, que d’identifier six approches distinctes ; mieux même, ou pire, reprenant le sujet vingt ans après13, il est conduit à en identifier onze14. Commentant les articles de Koontz, Waino W. Suojanen écrit15 en 1963 « Il est presque impossible de trouver deux personnes qui partagent plus qu’un accord très général quant à ce qui devrait être inclus, ou exclu, de la définition et de l’étude du management16. Situation que Peter Drucker résume ainsi : « En dépit de son importance cruciale, de sa grande visibilité et de son développement spectaculaire, le management est la moins connue et la moins comprise de nos institutions sociales17. »

  • 18  Oserais-je ajouter, à titre d’indication, qu’une très brève enquête exploratoire auprès de sept ch (...)

34Il y aurait quelque témérité à tenter de relever un tel défi s’il ne l’avait déjà été par Chester Barnard dès 1938. La place déterminante de l’auteur dans l’histoire des théories du management est largement reconnue. Donnons-en deux indices majeurs. Il y a tout d’abord la façon dont Herbert Simon a placé son premier ouvrage sous le patronage de Barnard qui l’a préfacé. Tout aussi significatif pour notre propos est le fait que Dwight Waldo, interrogé vingt ans après la parution de « Administrative State », ouvrage qui fit sa renommée en permettant de fonder l’étude de l’administration dans la science politique, sur le fait de savoir ce qu’il aurait aimer y changer, déclara qu’il regrettait d’avoir sous-estimé l’importance de l’apport de Chester Barnard18.

  • 19  Paul P. van Riper (1983), "The American Administrative State : Wilson and the Founders. An Unortho (...)

35Ceci pose à l’évidence la question de savoir pourquoi la définition du management par Barnard n’est pas plus universellement reconnue. Cette question demanderait sans doute une étude à elle seule. Nous nous contenterons d’évoquer trois raisons à cette anomalie. La première, et peut-être la plus évidente, est que Barnard n’emploie pas lui-même le mot management pour définir son objet mais l’idée que la fonction principale des dirigeants est de créer les conditions de coopération requises pour mener à bien une action organisée. Par ailleurs nous savons que l’usage du mot management, dans son sens technique, ne se développera qu’à partir des années cinquante19.

36Une raison plus profonde tient à la résistance qui a été opposée aux aspects les plus théoriques de ses écrits. C’est ainsi que si l’œuvre maîtresse de Chester Barnard, The Function of the Executive, est bien connue, il semble qu’il n’en aille pas de même de la préface à la seconde édition qui la précède désormais. Ceci est d’autant plus regrettable que ce texte présente de façon brève et sans concession les principaux obstacles théoriques qu’il a dû tenter de surmonter pour accomplir son projet. C’est cette préface qui nous permettra de définir le management comme objet d’étude.

37Il n’est pas sans intérêt de noter que parut en 1940, dans la Harvard Business Review, organe officiel de la Harvard Business School où enseignait Barnard, une critique de son ouvrage majeur où Chester Barnard se voit reprocher par un de ses collègues, le Professeur Melvin Copeland, d’avoir fait précéder la seconde partie de son ouvrage où, nous est-il dit, il expose avec beaucoup de clarté ce que lui a appris son expérience exceptionnelle de manager d’une grande entreprise, d’une première partie que l’auteur de la revue juge à la fois trop longue, trop théorique et, sur un point essentiel au moins, complètement erronée.

  • 20  Chester Barnard (1940), « Comment on the Job of the Executive”, Harvard Business Review, p. 307.

38Loin de s’excuser d’avoir procédé de façon trop « cartésienne » en commençant par un long exposé théorique, Barnard répond qu’il tient que cette façon de procéder est nécessaire : « Il est nécessaire d’avoir un tel cadre théorique afin de définir une sorte de « point d’ancrage », quelque lieu à partir duquel il devient possible de commencer à extraire de l’ordre à partir d’un chaos indescriptible, et d’avoir assez de rigidité - de « consistance » pour garder les choses en ordre suffisamment longtemps pour qu’il soit au moins possible de les considérer »20. C’est ce qui nous permet de penser qu’une définition conforme au programme de Barnard doit être particulièrement adaptée à notre propos qui est la détection du management public dans le contexte d’incertitude dont nous savons qu’il est l’une des expressions majeure.

  • 21  Sur la notion de quasi-positivisme, voir Romain Laufer, « Les institutions du Management », op. ci (...)

39Il est enfin possible de penser que l’œuvre de Barnard a été en quelque sorte éclipsée par celle de Simon et de son école (l’école de la décision) qui aurait en quelque sorte pris sa suite ou, peut-être, sa place. Ce qui se cache derrière cette substitution, c’est le parti pris « positiviste » ou plutôt « quasi-positiviste » de Herbert Simon. Le quasi-positivisme consiste à procéder comme s'il était possible de faire avec des systèmes ouverts (qui caractérisent l’épistémologie de la troisième période) ce que le positivisme parvenait à réaliser avec des systèmes fermés, : il s’agit de faire comme si la rationalité limitée avait un rapport déterminé à l’idée de rationalité, comme si les systèmes ouverts pouvaient être délimités (quitte à postuler une « quasi-indépendance » des sous-systèmes) et comme si les justifications procédurales ( justification par les méthodes) pouvaient avoir la même valeur que les justifications substantielles (par la mesure effective des résultats des actions) qui permettaient de légitimer les actions par leur finalité21.

40Une enquête plus approfondie serait sans doute nécessaire pour préciser la profondeur des différences de conceptions entre Chester Barnard, qui se présenta parfois comme un disciple de Alfred N. Whitehead, auteur de Process and Reality, et Herbert Simon qui se réclame explicitement de la philosophie analytique américaine.

Le management suivant Barnard : un langage administratif

41Dans l’introduction de la seconde édition de The Function of the executive, Barnard décrit son objet d’étude comme un langage particulier.

  • 22  Chester Barnard op. cit. C’est nous qui soulignons.

42« J’ai souvent noté que les dirigeants [executives] sont capables de se comprendre avec un très petit nombre de mots quand ils discutent des problèmes essentiels de l’organisation, du moment que les questions sont posées sans référence directe aux technologies de leurs domaines respectifs. Ceci se voit surtout quand des hommes appartenant à des domaines radicalement différents discutent de ce genre de questions… Ceci n’est dû à aucune nomenclature commune ou étude générale des systèmes organisés22. »

43Ce langage a la particularité d’avoir échappé pour l’essentiel aux regards des sciences sociales.

  • 23  Id.

44« Il m’a toujours semblé que les sciences sociales [il cite la sociologie, la psychosociologie, l’économie, la science politique et l’histoire] n’ont atteint que le bord de l’organisation dont je peux avoir l’expérience et ont fait retraite aussitôt. Rarement, me semble-t-il, ont-ils senti les processus de coordination et de décision qui sous-tendent une grande part au moins des phénomènes qu’ils décrivent23. »

  • 24  Hatchuel A., Management et action collective.

45 Enfin, ce langage définit un objet social de première importance : l’organisation formelle qui permet la coopération nécessaire à l’action collective24.

  • 25  Il n’est pas sans intérêt de savoir que cette approche du management comme langage est soutenue pa (...)

46« Plus important encore était le manque de reconnaissance de l’organisation formelle en tant que caractéristique des plus importantes de la vie sociale et en tant que dimension structurelle de la société elle-même25. »

47- Définition de la notion de langage administratif : Si une société démocratique moderne est définie, d’un côté par l’existence d’organisations bureaucratiques et, d’un autre côté par le droit d’objecter, et si de telles objections peuvent, de droit, conduire à autant de conflits, alors il est possible de définir deux catégories de conflits : ceux qui se développent et se résolvent à l’intérieur des organisations et ceux qui ne peuvent se résoudre sans référence explicite au système de légitimité de la société.

48Par définition tous ces conflits sont supposés se résoudre par la parole ou le discours (l’État ayant, conformément à la définition de l’État moderne de Max Weber, le monopole de la violence légitime),la résolution des conflits « internes » à une organisation suppose donc la définition d’un langage constitutif de la phénoménologie normative du sens commun propre à l’organisation concernée, langage administratif dont l’existence est postulée par Max Weber lorsqu’il fait de l’existence d’une procédure écrite un des traits caractéristique de la bureaucratie.

49Lorsque ce langage manque à résoudre un conflit interne à l’organisation, celui-ci doit être porté devant les instances juridiques de la société qui seules disposent de la puissance publique permettant d’assurer l’execution de ses décisions. Considéré de cette façon, le langage administratif constitue une instance quasi-juridictionnelle : juridictionnelle puisqu’elle fonctionne comme instance formelle de résolution des conflits, quasi-juridictionnelle parce quelle ne dispose pas des moyens permettant de faire exécuter ses décisions en cas de persistance du désaccord.

50Pour définir de façon formelle la notion de langage administratif, nous pouvons nous référer à l’œuvre d’un philosophe de la tradition pragmatique américaine, Charles Morris, et dire que la définition d’un langage suppose la spécification de trois conditions : une condition syntaxique, une condition sémantique et une condition pragmatique :

  1. - Condition syntaxique : dans ce langage, l’organisation est sujet de l’action. Cela correspond au fait, d’une part, qu’il s’agit d’un langage pragmatique qui prend la forme impérative de la décision et, d’autre part, au fait que l’autorité dans une organisation bureaucratique rationnel-légale doit être impersonnelle, ce que Chester Barnard exprime à sa façon en disant qu’un ordre ne peut être légitime que s’il est énoncé au nom de « la fiction de l’autorité supérieure ».

  2. - Condition sémantique : ceux qui utilisent ce langage pensent qu’il décrit bien le monde. Cela correspond à la dimension à la fois épistémologique (ou comme l’on préfère dire aujourd’hui cognitive) et normative de ce langage que l’on peut définir comme constituant la structure formelle de l’organisation. Chester Barnard rend compte de la façon dont s’effectue l’ajustement entre phénoménologie normative et phénoménologie subjective (au niveau des individus ou des groupes), d’un côté par la distinction entre la structure formelle et les relations informelles et, d’un autre côté, par la notion de « zone d’indifférence » qui indique qu’il est une limite à l’écart que chacun peut tolérer entre phénoménologie normative et phénoménologie subjective.

  3. - Condition pragmatique, que nous proposons d’appeler condition de légitimité : ceux qui utilisent ce langage pensent que, s’ils se conforment à ses règles, leur intérêt, l’intérêt de l’organisation et l’intérêt de la société sont globalement compatibles. Ceci correspond à la façon dont Barnard définit et discute les notions d’efficacité et d’efficience.

Ce que le management a de spécifique

  • 26  Herbert Simon : op.cit.

51Ce que le management a de spécifique, c’est qu’il correspond à la forme de langage administratif qui s’est développée tout au long de l’histoire des bureaucraties publiques et privées dans les États-Nations occidentaux. Ses différentes formes peuvent être suivies à travers le statut accordé à la technique par les épistémologies correspondant aux étapes de l’histoire du système de légitimité rationnel-légal définie ci-dessus : 1/ Dans l’épistémologie Kantienne la technique n’a pas de statut, le management n’a donc pas de statut explicite dans le système de légitimité de la première période 2/ Dans le positivisme de Comte la technique a un statut dans la science (les mathématiques, par exemple, sont considérées autant, sinon plus, comme un « outil » pour les autres science que comme une science autonome). Le monde étant décrit par un ensemble de système fermés la technique peut développer ses effets sans jamais cesser d’être strictement délimitée par ceux-ci et subordonnée à un principe hiérarchique fondé sur l’idée de compétence scientifique. C’est cette délimitation et cette subordination qui en assurent la légitimité ( ou l’acceptabilité) sociale. Il en va de même du management qui, pour cela, prend le nom de « management scientifique », 3/ enfin la science des systèmes marque l’omniprésence de la technique qui résulte de la confusion complète entre la nature et la culture c'est-à-dire du règne de l’artificiel. C’est ce que dénote d’une part l’émergence de la notion de techno-science et d’autre part le nom de science de l’artificiel qui lui est donné parfois (notons que les notions d’art, liée à la notion d’artifice, et de technique, liée à la notion de techno-science, sont synonymes en l’occurrence l’une renvoyant étymologiquement au latin et l’autre au grec). Ainsi est mise en cause la hiérarchie qui jusque là soumettait la technique à la science et par là même assurait sa légitimité. Le Prix Nobel d’Economie décerné à Herbert Simon manifeste le fait que cette approche de la connaissance ( à laquelle on a donné le nom de science des systèmes26 ) est désormais reconnue institutionnellement. Toutefois l’émancipation de la technique par rapport à la science correspond à une crise de légitimité. Cette crise s’exprime dans la façon dont la notion de rationalité limitée tente de résoudre la tension contradictoire entre la reconnaissance de la présence de l’incertitude au cœur du savoir (à travers l’idée de limites de la raison et l’indéterminisme du savoir qui en résulte) et le souci de la tenir à l’écart (par la façon dont elle affirme le caractère rationnel d’un savoir conscient de ses limites).

52Pour préciser la forme que prennent la technique et le management il suffit de dire qu’il est possible de définir l’analyse de système comme le fait de décrire des réalités complexes à l’aide de « ronds »et de « flèches » (aussi appelés « entités » et « flux »), en rappelant que les « ronds » désignent des systèmes ouverts , c'est-à-dire des systèmes dont les frontières ne peuvent être définies de manière univoque. De ce fait toutes les distinctions, celles qui sépare le public du privé, l’administratif du politique, l’intérieur et l’extérieur d’une organisation ou d’une nation, distinctions qui fondaient la légitimations des actions, peuvent désormais être remises en cause .

53C’est ce que Luther Gulick exprime de façon particulièrement vigoureuse dès l’année 1955 :

54« Les similarités entre la grande administration privées (« business ») et la grande administration publique (« governmental ») sont très significatives…Toutes deux doivent être hautement sensibles à l’opinion publique et à la continuité de l’entreprise dans un environnement changeant. …

  • 27  Gulick L ;, “”Next Steps in Public administration” Public Administration Review vol. 15, n° 2 (spr (...)

55…S’il y a des différences d’objectifs et d’accentuation, il est clair désormais qu’elles sont superficielles… Il est donc hautement probable qu’administrations publique et privée font partie d’une seule science de l’administration au sens large, qui ne peut être définie que si l’on inclut dans notre analyse tous les problèmes de l’action humaine organisée, qu’elle concerne le gouvernement ou les affaires privées ou toute autre organisation sociale volontaire. ». 27

Définition du management public

56Si management public et management privé en viennent à se confondre dans une même « science de l’administration », on comprend que la question de savoir comment il est possible de donner une définition spécifique du management public se présente comme une sorte d’énigme qu’il nous faut tenter de résoudre. Le management public étant contemporain de la « crise du critère du droit administratif », c'est-à-dire d’une période où ce sont les méthodes qui permettent de distinguer ce qui est public de ce qui est privé, il est nécessaire de définir le management public indépendamment du secteur.

  • 28  Sur la nature de ces méthodes, voir Laufer et Burlaud op. cit.

57Nous avons proposé de le définir comme ce que devient le management d’une organisation quand il est confronté à une crise de légitimité, c'est-à-dire quand il est interpellé par l’opinion publique et sommé de se justifier devant elle. Le management public est le management du pouvoir visible, cette visibilité pouvant être mesurée par le fait qu’il est à la fois représenté et discuté dans la grande presse et, de nos jours dans cet espace qui porte à son comble la confusion du public et du privé qui s’appelle le Web. Le management public correspond aux méthodes utilisées pour légitimer les actions administratives face à l’opinion publique28.

  • 29  Pour une description plus développée du management public, voir Laufer et Burlaud (1980).

58Du point de vue de la syntaxe du langage administratif que nous cherchons à identifier, nous pouvons dire qu’il se caractérise par le fait que les « ronds » et les « flèches », qui constituent la syntaxe du management suivant notre définition, se reflètent dans le miroir de l’opinion publique et que l’action administrative doit être déterminée par le souci de gérer l’image du management reflétée dans ce miroir qui s’en trouve modifiée d’autant. Ceci se traduit formellement par le fait que le management de l’organisation défini ci-dessus est doublé par un schéma de « ronds » et de « flèches » qui représente la syntaxe du management de l’image de l’organisation dans l’opinion publique29.

59Remarquons, qu’en toute rigueur, définir le management dans le troisième temps de l’histoire du système de légitimité rationnel-légal, c’est déjà faire du management public, c'est-à-dire s’exposer à être interpellé par l’opinion publique quant à la légitimité de la définition proposée. La définition du management comme langage ne sera donc légitime que dans la mesure où elle est compatible avec les idées que s’en font les uns ou les autres.

60Deux types d’objections paraissent particulièrement redoutables : celle des praticiens du management pour qui le management est affaire d’expérience, de vécu, et non de théorie, et celle des non-praticiens, qu’ils soient membres du public ou spécialistes des approches scientifiques, pour qui cette notion de langage apparaît insuffisamment exigeante ou rigoureuse pour définir une activité supposée requérir des compétences techniques de plus en plus sophistiquées, compétences qui supposent de nombreuses années d’études universitaires spécialisées.

  • 30  Il est possible à partir de ce moment de vérifier si la définition proposée ici permet d’inclure l (...)

61Aux premiers, il est possible de répondre en leur faisant remarquer qu’il n’y a pas incompatibilité entre le fait de parler un langage et le fait de ressentir un vécu. Il est possible de proposer que, comme à Monsieur Jourdain, il arrive aux managers de faire de la prose sans le savoir ; il n’est pas exclu par ailleurs, qu’en l’apprenant, ils n’éprouvent, comme Monsieur Jourdain, la satisfaction que l’on ressent lorsque l’on découvre une évidence cachée. Aux seconds il est possible de proposer que la technique la plus raffinée peut s’apparenter à un langage dès lors que la syntaxe de ce langage est compatible avec la structure des formalisations utilisées par les spécialistes, ce qui est le cas, s’agissant de management, de toutes les applications informatisées, puisque, aussi bien, leur architecture peut être décrite à l’aide de « ronds » et de « flèches »30

  • 31  Loren A. Smith, (1985) « Juridicialization : The Twilight of Administrative law », Duke Law Journa (...)

62Nous sommes désormais dotés de l’outil qui nous permet de repérer le management public lorsqu’il passe dans notre champ de vision. Il consiste à concentrer son attention sur les fragments de langages administratifs qui traduisent la présence du « curieux mélange des dimensions politiques, bureaucratiques et juridiques31 » présent désormais partout où il y a de l’administratif. C’est la part des langages politiques, du management public et du droit public qui permet de situer l’organisation considérée sur le continuum qui va désormais du plus public au plus privé.

63 On remarquera que cette position n’est pas subie passivement par les acteurs organisés : les choix qu’ils opèrent dans l’élaboration de leur langage administratif sont stratégiques, comme le montre la situation actuelle des établissements financiers et des constructeurs automobiles aux États-Unis dont les modèles de gestion (définition de contraintes publiques spécifiques, mise en place de nouvelles régulations, voire transformation des droits de propriété) sont ouvertement en débat, débat qui semble mêler de façon inextricable les questions de préférence politique et/ou idéologique et d’efficacité administrative.

64La violence de ce mouvement vers un retour du « public » ne doit pas nous faire oublier la puissance du mouvement dit du New Public Management qui visait à privilégier, chaque fois que cela était possible, le champ de l’utilisation de méthodes de management utilisées dans le secteur privé au point de rendre pertinente la question de savoir où avait bien pu passer le management public. Pour répondre à cette question, il sera utile de s’interroger sur les tensions, les paradoxes et les contradictions qui s’expriment dans les turbulences de l’histoire récente du management public.

Sens et limites du New Public Management

65Le New Public Management (NPM) est le nom donné à un mouvement de réforme du secteur public qui s’est développé dans les pays de l’OCDE dans les années 1980. De fait, Jean-Michel Saussois (2002) a montré le rôle actif joué par l’OCDE dans la diffusion de ce modèle de management public que Chistopher Hood propose de caractériser par les sept traits suivants :

66« 1/ La tendance à désagréger les organisations publiques en unités « entrepreneuriales » (corporatized) pour chaque produit du secteur public qui sont autant de centres de coût relativement autonomes ; 2/ Une tendance à favoriser une plus grande compétition au sein du secteur public aussi bien qu’avec le secteur privé ; 3/ Un plus grand usage par le secteur public des méthodes « managériales » pratiquées par les entreprises privées ; 4/ La recherche méthodique du moindre coût ; 5/ Le développement d’une direction dotée d’un certain degré d’autonomie et de pouvoir discrétionnaire à la place de systèmes impersonnels dominés par des règles protectrices de l’autonomie des personnels ; 6/ Une importance accrue accordée à des standards de performance mesurables ; 7/ La tendance à contrôler les organisations à partir de la mesure d’objectifs de production. »

67Cette approche qui tend à vouloir assimiler, autant que faire se peut, la gestion du secteur public de celle du secteur privé, est l’objet de nombreuses critiques (Dunleavy, Hood, 1994). Certains y voient un slogan sans substance, d’autre une attaque contre le service public et le critère de l’intérêt général au bénéfice des intérêts des « nouveaux managers », certains contestent son efficacité économique dans la recherche de la minimisation des coûts, d’autres enfin l’accusent de négliger les différences de valeurs qui caractérisent chaque sociétés (Hood, 1991). Nous allons considérer successivement ces trois questions à la lumière du cadre théorique défini ci-dessus.

Pertinence de la notion de New Public Management

  • 32  Il est possible de remarquer que la Lolf a justement pour caractéristique de transformer la syntax (...)

68Il est possible de rendre compte du succès du NPM en observant qu’il ne fait qu’exprimer, de façon radicale, la crise de légitimité des organisations publiques. Le trait 3 évoque directement la crise de la limite des secteurs public et privé. Les traits 1 et 5 expriment le fait que l’action publique doit pouvoir être décrite à l’aide de « ronds » (de systèmes ouverts) permettant le type d’autonomie que suppose le management. Les traits 4, 6 et 7 mettent l’accent sur l’importance de la quantification des « flèches » : les flux doivent être quantifiés comme l’exige l’analyse de système. Le trait 2 concerne la coordination de l’action des « ronds » et le privilège accordé aux processus de type marché qui exprime la préférence pour les logiques du secteur privé sur celle du secteur public qui caractérise le NPM32.

  • 33  Pour un développement complet de cette ligne de critique, voir Lynn (1998).

69S’il en est bien ainsi, nous pouvons en déduire immédiatement une première critique du NPM, c’est qu’il se présente comme la solution de tous problèmes rencontrés par l’administration publique et non comme l’expression d’une crise qui affecte autant le secteur public que le secteur privé du fait même qu’elle affecte la limite qui était censée les séparer. Comme le dit Laurence Lynn « Le NPM aura des conséquences importante dans la mesure où il est considéré comme un paradigme de questions plutôt que de réponses33. »

70La crise du système de légitimité ne se traduit pas seulement par la remise en cause de la limite public/privé que nous venons d’évoquer, mais encore par la définition des « flèches » et des « ronds » qui décrivent l’action administrative publique. C’est pourquoi, nous allons considérer la question de la quantification des « flèches » à travers la question de la mesure de l’efficacité de l’action administrative et celle de la délimitation des « ronds » à travers la question de la « souveraineté. »

La question de l’efficacité de l’action administrative et la crise de la mesure

71La façon habituelle de poser la question de l’efficacité du management public consiste à y voir la conséquence directe d’un système fondé sur la définition d’objectifs chiffrés et le contrôle de la performance effectivement réalisée : le système sera d’autant plus efficace que des incitations pourront être associées aux critères de performance ainsi définis. Ce mode de raisonnement repose sur l’idée qu’il est possible de définir les objectifs de l’action publique de façon satisfaisante. C’est à cette question que s’adresse toute la littérature relative aux indicateurs sociaux.

72Toutefois la question de la légitimité des indicateurs se heurte à la crise de la mesure ou, plus précisément, à l’absence de consensus sur la mesure, qui caractérise la troisième période de l’histoire du système de légitimité rationnel-légal. Déjà en 1980, il était possible de percevoir dans cette question le principal obstacle au développement du management public (Laufer R., Burlaud A., 1980, p. 123-140). Les modèles d’action qui résultent des procédures de la rationalité limitée définie par d’Herbert Simon ne pourront être légitimes que s’ils obtiennent l’adhésion de l’opinion publique, d’où l’importance croissante prise par la diffusion d’indicateurs de performance et tout particulièrement des classements d’organisations publiques (hôpitaux, universités, lycées et collèges…) publiés par la grande presse. Cette situation peut se résumer en une formule : « Ce n’est pas parce qu’un indicateur est bon qu’il circule, c’est parce qu’il circule qu’il est bon. ».

  • 34  Le rôle dominant de l’opinion publique s’exprime, en particulier, dans le rôle joué par le marketi (...)

73Nous retrouvons là la question du caractère socio-politique de l’action administrative qui se trouve au cœur du débat évoqué ci-dessus entre Dwight Waldo et Herbert Simon à propos de la façon d’articuler jugement de valeur et jugement de faits. La garantie de l’efficacité du management public ne peut donc être assurée en principe par des indicateurs de performance, quels qu’ils soient, au-delà de ce qu’autorise la prise en compte de l’expression de l’opinion publique34.

74On peut se demander, s’il en est bien ainsi, comment il se fait que le développement incontestable du management public soit associé à l’idée d’efficacité. A cela il est possible de de répondre que, s’il s’impose, c’est moins pour des raisons d’efficacité pratique, toujours contestables, que pour des raisons d’efficacité symbolique liées à la crise de la limite public-privé. Étant nécessaire au niveau symbolique, le management public ne peut que se développer quels que soient les doutes quant à son efficacité pratique, à condition toutefois qu’il soit impossible de démontrer son inefficacité : or, c’est précisément ce que garantit la notion même de crise de la mesure.

75Les effets pervers qui résultent de la crise de la mesure ont été bien décrits par Gwyn Bevan and Christophe Hood en 2006 dans un article intitulé « C’est ce qui est mesuré qui compte » où ils écrivent : « Dans les années 2000, les gouvernements de Grande-Bretagne, et en particulier en Angleterre, ont développé un système de gouvernance des services publics associant la définition d’objectifs quantifiés à un élément de terreur. »

76Les évènements récents ont montré que la crise de la mesure affecte, comme il se doit, non seulement le secteur public mais encore le secteur privé. L’évaluation des actifs à leur valeur de marché, les notations des agences de rating, la question de la valorisation des actifs toxiques et, de manière générale, ce qu’il est convenu d’appeler la crise de confiance qui affecte le système économique mondial illustrent qu’il ne s’agit pas là que d’élucubrations de théoriciens mais de phénomènes ayant des manifestations empiriques non négligeables.

Conclusion : la question de la souveraineté et le développement des risques majeurs

77Étant donné l’intensité des paradoxes, tensions et contradictions qui viennent d’être décrits à propos de notre définition du management public, il semble logique de considérer s’il ne conviendrait pas mieux d’emprunter une autre voie, celle qui consiste à définir le management public comme le management de la puissance publique ou comme le management du régalien (Gibert, 1996).

78Pour répondre à cette question, il nous faut d’une part préciser le sens de la notion de souveraineté et, d’autre part, montrer en quoi elle est susceptible de produire une définition de la notion de management public meilleure que celle que nous avons tentée de mettre en avant. Nous ne pourrons guère faire mieux ici que d’indiquer la façon dont il nous semble possible de répondre à ces questions en montrant, sur le premier point, que désormais la définition de la notion de souveraineté ne permet pas d’échapper aux paradoxes, tensions et contradictions auxquels nous avons été confrontés et, sur le second point, qu’il est possible de montrer l’équivalence des deux définitions du management public qui ont parfois été données comme opposées, sinon antinomiques.

  • 35  Deux colloques de la revue Politiques et Management Public ont porté sur ce thème : « La souverain (...)

79Le premier point résulte du fait que la notion de crise du système de légitimité implique la crise de la notion même de souveraineté35 : si la description symbolique du monde ne peut échapper, au niveau épistémologique, au règne de la systémique qui met en cause l’idée même de frontière clairement définie, il en va nécessairement de même du domaine du régalien. Ceci se manifeste au niveau économique et social par la mondialisation des systèmes de production et d’information, et au niveau politique par le rôle croissant joué par des instances internationales régionales qui tentent de coordonner l’action des États dans des domaines plus ou moins étendus (Asean, AELE…) cette coordination pouvant aller, comme dans le cas de l’Europe, jusqu’à une intégration impliquant une part non négligeable d’abandon de souveraineté de la part des États-membres, ou encore par le développement d’organisations internationales spécialisées, telles que l’OMC, et d’instances de gouvernance mondiale comme les réunions du G7, puis du G20.

  • 36  Charles Leben (dir.) (2006) Le Contentieux arbitral transnational relatif à l’investissement, LGDJ (...)
  • 37  Suivant Durkheim, le droit pénal est celui qui vise les actes qui mettent en danger la société tou (...)

80La crise de la souveraineté étatique se manifeste , enfin, au niveau du droit par des novations telles que le développement du droit , ou mieux encore du devoir, d’ingérence humanitaire, la remise en cause des immunités étatiques par les arbitrages relatifs aux investissements internationaux36, le développement de la compétence internationale des tribunaux nationaux en matière de protection des droits de l’homme et, last but not least, le développement de la notion de crime contre l’humanité37.

81La notion de souveraineté n’étant plus définie de façon non ambiguë, définir le management public comme le management du régalien ne peut suffire à permettre d’échapper aux complexités et aux incertitudes qui résultent de la crise des systèmes de légitimité. C’est parce que les deux définitions considérées subissent les conséquences d’une même conjoncture institutionnelle - la crise du système de légitimité rationnel-légal - qu’il est possible de montrer que, loin de s’opposer, elles convergent et permettent par leur conjonction de mieux comprendre ce qui est en jeu dans la notion de management public.

  • 38  Pour une analyse détaillée de la notion de risque majeur et de son histoire, voir Laufer R. (1991) (...)
  • 39  Il s’agit de la définition donnée par Carl Schmitt dans Théologie Politique, Gallimard, (1988). Po (...)

82Pour cela, il suffit de remarquer, d’une part, que la crise du système de légitimité poussée à son comble prend la forme du risque majeur38 (qui correspond, pour reprendre les catégories de Mary Douglas, à la crise des « fondements institutionnels de nos croyances », c'est-à-dire à la remise en cause de « l’idée fondamentale qui soutient la possibilité de la société, l’idée qu’il peut y avoir une connaissance certaine », que désormais ni « la loi », ni « le tabou » ne parviennent plusà défendre) et, d’autre part, que la souveraineté de l’État peut être définie comme l’instance qui a en charge la décision dans les situations exceptionnelles39.

  • 40  Durkheim E., La Division du Travail Social, Puf. 2004

83L’analyse de l’histoire des risques majeurs, en relation avec l’histoire du système de légitimité rationnel-légal ,permet de distinguer trois temps : l’État-Gendarme dont la tâche et le destin sont d’être confrontés aux risques majeurs que sont la guerre et la révolution ; l’État-Providence qui ajoute aux risques majeurs de la période précédente la lutte contre l’anomie grâce aux développements des politiques de solidarité conformément aux analyses de Durkheim (2004)40 ; et enfin, l’État de la dernière période, caractérisée par la crise du système de légitimité rationnel-légal lui-même, crise qui s’exprime par la prolifération des risques majeurs dans tous les domaines de la vie économique et sociale.

84La même crise de légitimité qui semblait devoir conduire à un recul systématique de l’action publique (à travers la crise de l’État-Providence), au bénéfice de logiques privées parées de tous les mérites par les « révolutions » Thatchériennes et Reaganiennes ou le New Public Management, conduit, dès que se manifeste le risque majeur, au retour, rapide et massif, de l’État et du management public.

85C’est ce que montre aux États-Unis la critique de la faiblesse de l’intervention publique à la suite de l’ouragan Katrina, le retour de la régulation des marchés suite à l’affaire Enron, à travers la loi Sarbanes-Oxley et, plus récemment, la perplexité qui atteint la Grande-Bretagne et les États-Unis face à la question de la nationalisation éventuelle de leurs établissements financiers, ou encore, aux États-Unis, la question d’une éventuelle nationalisation de l’industrie automobile.

86C’est aussi ce que semble signifier la façon dont l’écologie ( dont l’association avec la notion d’environnement témoigne du lien étroit qu’elle entretient avec le langage de l’analyse de système, paradigme épistémologique dominant de la troisième et dernière période de l’histoire du système de légitimité rationnel-légal.) apparaît désormais autant comme une menace qui pèse sur le monde que comme une source d’espoir pour le développement économique exigé par la sortie de crise. Comme si une demande collective devait désormais prendre le relais d’une demande individuelle quelque peu essoufflée ou désorientée. C’est ainsi qu’à la question de savoir où est passé le management public, il semble que réponde parfois, comme en écho, la question de savoir où est passé le management privé.

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Notes

1   Laufer R., Burlaud A. (1980) Management public : gestion et légitimité ; Dalloz Gestion ; Laufer R. (1985) « Gouvernabilité et management des systèmes administratifs complexes », Politiques et Management Public, vol. 3 ; Laufer R., Paradeise C. (1982), Le prince bureaucrate. Machiavel au pays du Marketing, Flammarion ; « Les paradoxes du management public », Revue Française d’Administration Publique ; Gibert P., Laufer R. (1987), « Management de la frontière et management sur la frontière », Politiques et Management Public ; Laufer R., Burlaud A. (1983), ; Romain Laufer (1991) : L’Entreprise face aux risques majeurs.A propos de l’incertitude des normes sociales ;. L’Harmattan. Logiques Sociales ; Laufer R. (2008) « Les institution du management » in David A. et al., Les Nouvelles fondations de la gestion, 2° ed., Vuibert, col. FNEGE)

2  Douglas, M (2001) "Dealing with uncertainty”

3  Voir note 2.

4  Au sens de John L. Austin (1970), Quand dire c’est faire, Seuil.

5  Il n’est pas sans intérêt de savoir que Mary Douglas a consacré en 2004 un de ses derniers ouvrages à un commentaire du Lévitique : L’Anthropologie de la Bible, Lecture du Lévitique, Bayard.

6  Au sens d’Austin, voir note 5

7  Voir ci-dessus note 2

8  Herbert Simon, (2004), Les Sciences de l’artificiel, Folio Gallimard

9  Petit Robert et Robert Historique

10  Woodrow Wilson : (1887) The study of Administration, Political Science Quarterly

11  Voir Edward Litchfiels (1956), “Notes on a General Theory of Administration” ASQ ; William C. Frederick (1963), “The Next development in Management Science : A general Theory”, The Academy of Management Journal.

12  Harold Koontz (1961) “The Management Theory Jungle”, Journal of the Academy of Management.

13  Harold Koontz (1980), “The Management Theory Jungle revisited”, The Academy of Management Review, vol. 5, n° 2, April.

14  Ce sont : 1/ the empirical or case approach ; 2/ the interpersonal behaviour approach ; 3/ the group behaviour approach ; 4/ the cooperative social system ; 6/ the decision theory approach ; 7/ the system approach ; 8/ the mathematical or “management science “approach ; 10/ the managerial role approach ; 11/ the operational theory approach.

15  Waino W. Suojanen (1963), “Management Theory : Functional and evolutionary”, The Academy of Management Journal.

16  Id.

17  Sur ce même thème, voir aussi Luther Gulick (1965), “Management is a Science”, The Academy of Management Journal et Lawrence Lynn (1982), “Government Executives as Gamesmen”, Journal of Policy Analysis and Management, vol. 1, n° 4.

18  Oserais-je ajouter, à titre d’indication, qu’une très brève enquête exploratoire auprès de sept chercheurs en gestion m’a montré que la question de la définition précise du management reste sujet d’embarras et que le seul auteur cité comme référence éventuelle pour une telle définition était Barnard (quatre citations).

19  Paul P. van Riper (1983), "The American Administrative State : Wilson and the Founders. An Unorthodox View", Public Administration Review.

20  Chester Barnard (1940), « Comment on the Job of the Executive”, Harvard Business Review, p. 307.

21  Sur la notion de quasi-positivisme, voir Romain Laufer, « Les institutions du Management », op. cit.

22  Chester Barnard op. cit. C’est nous qui soulignons.

23  Id.

24  Hatchuel A., Management et action collective.

25  Il n’est pas sans intérêt de savoir que cette approche du management comme langage est soutenue par Lyndall Urwick dans Urwick L. (1960), “The Problem of Management Semantics”, California Management Review.

26  Herbert Simon : op.cit.

27  Gulick L ;, “”Next Steps in Public administration” Public Administration Review vol. 15, n° 2 (spring 1955)pp 73-76

28  Sur la nature de ces méthodes, voir Laufer et Burlaud op. cit.

29  Pour une description plus développée du management public, voir Laufer et Burlaud (1980).

30  Il est possible à partir de ce moment de vérifier si la définition proposée ici permet d’inclure les onze définitions définies dans Koontz, 1980. Voir note ci-dessus.

31  Loren A. Smith, (1985) « Juridicialization : The Twilight of Administrative law », Duke Law Journal.

32  Il est possible de remarquer que la Lolf a justement pour caractéristique de transformer la syntaxe de la procédure budgétaire de l’État de façon à la rendre compatible avec celle du management. Sur ce point, voir Romain Laufer (1985) « Procédure Budgétaire et Management », in Jean-Paul Costa, Le budget de l’Etat, Institut Français des Sciences Administratives.

33  Pour un développement complet de cette ligne de critique, voir Lynn (1998).

34  Le rôle dominant de l’opinion publique s’exprime, en particulier, dans le rôle joué par le marketing dans la vie politique.

35  Deux colloques de la revue Politiques et Management Public ont porté sur ce thème : « La souveraineté éclatée : les nouveaux cadres de l’action publique » et « L’action publique face à la mondialisation ». Voir en particulier l’intervention de Hubert Védrine qui donne une vision synthétique des bouleversements qui affectent la gouvernance mondiale.

36  Charles Leben (dir.) (2006) Le Contentieux arbitral transnational relatif à l’investissement, LGDJ et Anthemis

37  Suivant Durkheim, le droit pénal est celui qui vise les actes qui mettent en danger la société toute entière. Dans cette perspective, la notion de crime contre l’humanité peut être comprise comme une première tentative pour constituer effectivement l’humanité entière en une seule société, ce qui a pour effet de mettre en cause, dans cette mesure même, la souveraineté des Etats-Nations.

38  Pour une analyse détaillée de la notion de risque majeur et de son histoire, voir Laufer R. (1991), L’entreprise face aux Risques Majeurs : à propos de l’incertitude des normes sociales, L’Harmattan, Logique Sociales.

39  Il s’agit de la définition donnée par Carl Schmitt dans Théologie Politique, Gallimard, (1988). Pour surmonter le recul que peuvent très naturellement susciter les relations que cet auteur entretint avec le régime nazi, voir : Gwenaëlle Le Brazidec (1998), René Capitant, Carl Schmitt : Crise et réforme du parlementarisme, préface de Jacques Chevallier, L'Harmattan, Coll. Logiques Juridiques ; la préface de Julien Freund à Carl Schmitt, La conception de la politique, Théorie du partisan, Calmann-Levy, 1972 ; et enfin, last but not least, Jacob Taubes (2003), En Divergent Accord : A propos de Carl Schmitt, Rivages, Paris.

40  Durkheim E., La Division du Travail Social, Puf. 2004

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Pour citer cet article

Référence papier

Romain Laufer, « Où est passé le management public ? Incertitude, institutions et risques majeurs »Politiques et management public, Vol. 26/3 | 2008, 25-48.

Référence électronique

Romain Laufer, « Où est passé le management public ? Incertitude, institutions et risques majeurs »Politiques et management public [En ligne], Vol. 26/3 | 2008, mis en ligne le 12 mai 2011, consulté le 14 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pmp/1498 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/pmp.1498

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Auteur

Romain Laufer

HEC Paris

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Droits d’auteur

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