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Fusionner pour activer les chômeurs ? Conflits institutionnels autour d’un objectif politique consensuel (2001-2009)

Merging to activate unemployed? Institutional conflicts about a consensual political objective (2001-2009)
Claire Vivés
p. 215-232

Résumés

Cet article rend compte des évolutions des politiques d’activation des demandeurs d’emploi entre2001 et2009 en France à partir de l’analyse des liens entre évolutions des pouvoirs des acteurs décisionnaires, variations dans l’administration de ces politiques et transformations de leur contenu. La « fusion » des Assédic et de l’ANPE qui a donné naissance à Pôle emploi met un terme à l’extension des pouvoirs des partenaires sociaux et des prérogatives de l’institution paritaire au-delà de l’indemnisation amorcée depuis 2001. L’Unédic est marginalisée au sein du service public de l’emploi suite à cette réforme et la fusion est synonyme d’une reprise en main du service public de l’emploi par les institutions publiques. Ces transformations institutionnelles, outre qu’elles redistribuent les pouvoirs entre acteurs, visent à renforcer la politique d’activation des demandeurs d’emploi.

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Texte intégral

Introduction

1Cet article rend compte des évolutions des politiques d’activation des demandeurs d’emploi entre 2001 et 2009 en France à partir de l’analyse des liens entre évolutions des pouvoirs des acteurs décisionnaires, variations dans l’administration de ces politiques et transformations de leur contenu.

2En vue de caractériser le traitement du chômage et ses évolutions, nous étudions dans cet article deux missions centrales du service public de l’emploi (SPE) : l’indemnisation et le placement des demandeurs d’emploi. En France, elles étaient, jusqu’en 2009, réalisées par deux institutions différentes : l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), opérateur public, avait la responsabilité du placement des chômeurs alors qu’une institution paritaire – composée de l’Unédic (institution centrale) et des Assédic (institutions locales) – fournissait un revenu de remplacement à certains d’entre eux. À ces deux institutions s’ajoutaient les services du ministère - la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) - assurant l’encadrement réglementaire de l’ensemble. Ces deux missions, qui n’ont jamais été parfaitement indépendantes, ont connu depuis la Libération des articulations variables. Alors que l’indemnisation était appréhendée au moment des reconversions massives dans l’industrie à partir de la fin des années 1950 comme un appui au retour à l’emploi, elle est ensuite perçue comme un obstacle potentiel dont il faudrait limiter les effets désincitatifs sur la reprise d’emploi (Colomb, 2012a). La manière d’envisager l’articulation se modifie lorsque l’activation devient un référentiel dominant en matière de traitement du chômage. En dépit de leur diversité, les politiques d’activation ont en commun de chercher à articuler plus étroitement l’indemnisation et le placement en faisant du revenu de remplacement une contrepartie de la recherche d’emploi et plus largement en développant des mécanismes d’incitation au retour à l’emploi (Barbier, 2002). Si les acteurs publics et paritaires partagent cette orientation générale, rapprocher indemnisation et placement pour activer est rendu difficile par l’existence de deux institutions dont les statuts diffèrent. Au cours de notre période d’étude, plusieurs réformes sont entreprises pour tenter de mettre en œuvre ce rapprochement.

3Ces réformes transforment les politiques d’activation aussi bien du point de vue de leur contenu que de leurs modalités d’administration. Ceci reflète le fait que derrière la visée générale de développer l’activation, les acteurs publics et paritaires n’ont pas exactement la même définition des politiques à mettre en œuvre et des manières de les déployer. Les équilibres des pouvoirs entre acteurs décisionnaires évoluent, ce qui se traduit par des transformations de ces politiques au gré des évolutions de ces rapports de force. Il apparaît donc que pouvoirs des acteurs, modalités d’administration des politiques d’activation (périmètre et fonctionnement des institutions) et leviers mobilisés pour activer les demandeurs d’emploi sont liés.

4La sociologie des relations professionnelles est particulièrement appropriée pour analyser ces différentes dimensions. Non seulement, parce qu’elle examine les relations entre trois catégories d’acteurs qui sont au cœur des politiques d’activation : les pouvoirs publics, les salariés et leurs représentants, les employeurs et leurs organisations (Bévort, Jobert, 2008 : 5). Mais également parce qu’elle analyse la création de normes par d’autres acteurs que les acteurs législatifs, en l’occurrence les représentants des organisations syndicales et patronales. Cette approche met au centre le concept de régulation qui - mobilisé bien au-delà du champ de l’emploi - désigne la manière de « codifier les règles légitimes ou de les recomposer » (Gaudin, 2004 : 193) et ne s’arrête pas à l’étude du contenu des règles mais inclut l’analyse de leur élaboration comprenant donc l’étude des compromis et des ajustements sociaux entre une pluralité d’acteurs et d’institutions (Duclos, Groux, Mériaux, 2009 : 14).

5Notre période d’étude s’ouvre sur la négociation de la convention d’assurance chômage qui donne naissance au Plan d’aide au retour à l’emploi (PARE) et se clôt avec la construction du cadre réglementaire bâti autour de la loi du 13 février 2008 créant Pôle emploi, nouvel opérateur public issu de l’intégration des Assédic et de l’ANPE. Nous faisons le choix de nous intéresser à une séquence de réformes plutôt qu’à une réforme des politiques d’activation prise isolément pour appréhender les dynamiques d’évolution de l’activation des chômeurs. Nous souhaitons montrer que si la création de Pôle emploi est la réforme la plus « brutale » et celle qui introduit les changements les plus importants, depuis 2001 s’est ouverte une séquence ininterrompue de transformations des politiques d’activation. Appréhender la création de Pôle emploi non pas uniquement à partir des débuts de l’élaboration de cette réforme mais en la mettant en perspective sur le temps plus long permet de mieux saisir à la fois les enjeux de la réforme (qu’est-ce que cela change ?), les objectifs (que cherchent les promoteurs de la réforme ?) et ses effets (en quoi la réforme modifie-t-elle les régulations existantes ?). Cette période est traversée par une rupture qui marque l’affaiblissement des acteurs paritaires dont le poids était croissant et débouche sur la fusion. Si, comme le soulignent Bonnaud et Martinais (2014) pour le secteur de l’environnement, dans les réformes de fusion, choix d’organisation et contenu de l’action publique sont étroitement liés, la naissance de Pôle emploi n’est pas une opération classique de fusion administrative, notamment parce qu’elle intègre un opérateur public et une institution paritaire et parce qu’elle présente des spécificités par rapport aux réformes néo-managériales couramment menées. En analysant l’évolution des régulations de moyen terme, nous mettons en lumière la manière dont cette réforme redéfinit le pouvoir des acteurs pour comprendre les nouvelles modalités d’administration et les nouveaux contenus des politiques d’activation. Nous nous cantonnons, dans cet article, à l’analyse du cadre réglementaire, laissant de côté les effets de sa mise en œuvre sur le travail des agents et sur les services effectivement dispensés aux usagers.

6À partir de cette analyse des régulations de l’indemnisation et du placement nous montrons que ces missions et les politiques d’activation sont prises en charge par une pluralité d’acteurs et d’institutions, à rebours de l’idée que l’élaboration et la conduite des politiques d’emploi seraient la chasse gardée de l’État voire d’un très petit nombre de hauts fonctionnaires (Colomb, 2012b). Notre travail permet donc d’analyser le rôle des représentants des organisations syndicales et patronales – que ce soit en tant que gestionnaires de l’institution paritaire, négociateurs de la convention d’assurance chômage ou administrateurs de l’opérateur public de placement – dans la définition des dispositifs de traitement du chômage, diversité des rôles qui est souvent un angle mort des travaux portant sur le SPE. Ceux-ci tendent en effet à minimiser la diversité des acteurs du retour à l’emploi et à se concentrer sur l’opposition entre acteurs publics et privés laissant dans l’ombre les divergences entre acteurs publics ainsi que les oppositions entre acteurs publics et paritaires.

  • 1 Les interviewés étaient des inspecteurs de l’IGAS et des agents de la DGEFP. Certains de ces entret (...)
  • 2 Dans le cadre d’un contrat CIFRE (Convention Industrielle de Formation par la Recherche).

7Cet article s’appuie sur un volet d’une enquête sociologique portant sur l’institutionnalisation du recours aux opérateurs privés de placement (OPP) au sein du service public de l’emploi français entre 2003 et2011 qui a donné lieu à une thèse de sociologie (Vivés, 2013). Nous mobilisons dans cet article la partie de l’enquête consacrée à l’étude de la fusion de l’ANPE et des Assédics qui s’est révélée incontournable pour saisir les redéfinitions du recours aux OPP à partir de 2008. Il n’est pas aisé d’isoler la partie de l’enquête consacrée à cette réforme qui a été évoquée dans l’ensemble des entretiens réalisés avec des représentants des organisations syndicales et patronales et des salariés et agents des institutions du SPE (n = 96). Nous reprenons prioritairement dans cet article les 46 entretiens avec l’encadrement supérieur des trois institutions concernées (ANPE, DGEFP, Unédic) pour leur proximité avec la réforme en train de se faire : ces enquêtés étaient présents avant l’annonce, ont suivi l’élaboration législative et ont contribué à l’établissement des textes conventionnels. En vue de comprendre la fusion, nous avons également réalisé un travail spécifique reposant sur l’analyse des rapports politico-administratifs et les débats parlementaires et sur des entretiens complémentaires1. Notre présence au sein de l’Unédic dans une position d’observation privilégiée2 du 1erseptembre 2008 au 31août 2011 – période où la fusion devient effective après la promulgation de la loi - a très largement enrichi notre compréhension de cette séquence de réforme.

8Dans une première partie, nous analysons les évolutions des politiques d’activation avant la fusion qui sont marquées par l’élargissement du champ d’intervention de l’institution paritaire. La deuxième partie est consacrée à l’étude du renversement que constitue l’annonce de la fusion sous l’égide de l’État alors que l’Unédic défendait à travers un projet de « paritarisation » de l’ANPE le déploiement de sa propre politique d’activation. Nous étudions, dans la troisième partie, les transformations des politiques d’activation découlant de la naissance de Pôle emploi en termes de contenu et de modalités d’administration de ces politiques qui marquent l’affaiblissement de l’institution paritaire. Elle est une opération de fusion spécifique bien qu’elle présente certains traits communs avec les mesures relevant de la Révision générale des politiques publiques (RGPP).

1. Le rôle moteur de l’institution paritaire dans le développement des politiques d’activation (2001-2007)

9L’analyse des politiques d’activation entre 2001 et 2007 nous permet de mettre en évidence le rôle croissant joué par les « partenaires sociaux » dans leurs transformations, à rebours de la tendance à l’affaiblissement que connaît le paritarisme dans les autres secteurs de la protection sociale et à rebours de l’idée que les acteurs étatiques seraient seuls décisionnaires. Si l’objectif d’activation est partagé avec les acteurs gouvernementaux, ces deux catégories d’acteurs s’opposent sur la possibilité ou pas de traiter différemment demandeurs d’emploi indemnisés et non indemnisés.

1.1. L’impulsion donnée par l’Unédic pour renforcer l’activation

10Les régulations de l’indemnisation et du placement reposent jusqu’au tournant des années 2000 sur une division historique des prérogatives que l’on peut schématiser de la manière suivante : à l’opérateur public, le placement, à l’institution paritaire l’indemnisation.

  • 3 Si on définit la démocratie sociale par la gestion majoritaire par les salariés, alors l’institutio (...)

11L’architecture du SPE s’est construite progressivement à partir de la Libération jusqu’à la création de l’ANPE en 1967. Un monopole sur l’activité de placement est instauré en 1945 et, à partir de cette date, une institution publique (dont le nom et les contours sont variables) a la responsabilité du placement (Muller, 1991). Les artisans de la Sécurité sociale écartent la création d’une branche destinée à couvrir le risque chômage. À la fin des années 1950, dans le but d’accompagner les reconversions que connaît l’économie française, le projet de confier la gestion d’un revenu de remplacement financé par les cotisations salariales aux représentants des employeurs et des salariés est mis en discussion. En 1958, une institution est créée qui est gérée à parité par les organisations représentatives des salariés et des employeurs. Si, à cette date, l’assurance chômage paritaire ne constitue pas l’intégralité du revenu de remplacement mais est complémentaire à l’aide publique (Daniel, Tuchszirer, 1999), le choix est fait de déléguer la mission d’intérêt général que constitue l’indemnisation du chômage aux représentants des employeurs et des salariés et de leur confier la gestion des cotisations salariales sans que la tutelle de l’État ne s’y substitue. Le choix de l’institution paritaire est fait « contre la démocratie sociale3 » (Friot, 1998). Le paritarisme est utilisé par le CNPF (avec le soutien de la CGT-FO) comme un moyen de prouver qu’une autre forme de protection sociale, extérieure à la Sécurité sociale (dominée par la CGT) mais offrant également des droits aux salariés, peut se développer (Daniel, Tuchszirer, 1999).

12L’institution paritaire est définie dans une convention qui organise son fonctionnement et confère aux « partenaires sociaux » le pouvoir de déterminer les paramètres de l’indemnisation et les interventions pour accompagner les allocataires dont l’importance varie selon les périodes.

Encadré 1 - Le fonctionnement de l’Unédic

  • 4 Trois des six organisations représentatives siègent au sein du collège employeurs : le Mouvement de (...)
  • 5 Selon les critères établis à la Libération.
  • 6 Cette procédure est inscrite dans le code du travail à l’article L. 352-2.

Au sein des instances de direction d’une institution paritaire, parties patronale et syndicale ont un même nombre de voix. En raison de la structuration différente des représentations patronale et syndicale en France, ceci conduit à ce que les pouvoirs dont disposent les représentants des employeurs soient plus importants que ceux dont disposent les représentants des salariés. Les sièges au Bureau et au Conseil d’administration (CA) de l’Unédic sont partagés entre trois organisations patronales représentatives4 et cinq organisations syndicales représentatives5. Au sein du Bureau, les 10 sièges sont répartis comme suit : le Medef dispose de trois sièges et CGPME et UPA pour le patronat et CGT, CFDT, CGT-FO, CFTC et CFE-CGE en ont chacun un. Pour les 50 sièges du CA, côté patronal, 17 vont au Medef, 5 à la CGPME et 3 à l’UPA ; chaque organisation syndicale représentative dispose de 5 sièges. Plus que majoritaire, le Medef détient donc un pouvoir hégémonique au sein du collège « employeurs », renforcé par la discipline patronale. Pour la fonction de président et vice-président (qui alterne tous les deux ans entre syndicat et patronat), alors qu’elle a été occupée par la CGT-FO et la CFDT côté syndical, seul le CNPF/Medef l’a occupée côté patronal. Sans avoir la moitié des voix au sein du Bureau, le Medef a un pouvoir d’influence déterminant sur la moitié des votes. De ce fait – au moins mathématiquement parlant - pour qu’une décision soit adoptée, le Medef n’a besoin du vote que d’une seule organisation syndicale.
- Au sein du collège « salariés », l’égalité en nombre de sièges ne doit pas masquer des différences dans le pouvoir détenu, pouvoir qui évolue dans l’histoire de l’institution et varie selon que les organisations se trouvent dans une situation de négociation ou d’administration du régime. Ce pouvoir d’influence est déterminé par quelques éléments principaux : le fait que l’organisation soit ou non signataire de la convention, le nombre de ses adhérents, le fait qu’elle occupe ou ait occupé la présidence ou des fonctions au sein du Bureau (vice-président, trésorier, etc.). L’organisation élue par le CA pour occuper la fonction de présidente/vice-présidente détient un pouvoir supérieur à celui des autres organisations. Côté syndical, la CGT-FO occupe cette fonction entre 1958 et 1992. La CFDT lui a succédé depuis. Parce que la CGT n’a signé aucun accord depuis la naissance du régime, elle a dans les instances du RAC une position faible au regard de son influence nationale. Ce faible rôle dans la gestion du régime est déconnecté de son poids dans les négociations. CFTC et CFE-CGC occupent des positions relativement similaires. Ces organisations sont le plus souvent signataires des accords. La CFDT a un pouvoir d’influence sur la CFTC et la CFE-CGC. Comme l’UPA et la CGPME au sein du collège patronal, ces deux organisations ne s’éloignent guère de l’organisation chef de file, notamment en raison des ressources financières liées à leur présence au sein du RAC, ressources déterminantes pour l’existence de ces « petites » organisations.
- Cette structuration explique la domination du Medef et dans une moindre mesure de la CFDT au sein de l’institution paritaire.
- L’État n’est cependant pas totalement absent de la régulation de l’indemnisation puisque, par la procédure dite « d’agrément » qui rend la convention applicable à l’ensemble des salariés6, il encadre ce pouvoir normatif donné à l’institution et impose à l’institution salariale un impératif d’intérêt général (Lafore, 2001). Cet encadrement est la contrepartie du fait que l’État est juridiquement garant des dettes contractées par l’institution paritaire.

13Une période de redéfinition des régulations de l’indemnisation et du placement s’ouvre avec la négociation de la convention d’assurance chômage qui débute en janvier 2000 dans un contexte de développement de l’activation de la protection sociale. L’activation est une notion floue dont le succès est largement dû à son emploi par les institutions internationales (OCDE, UE, etc.) pour qualifier des politiques nationales très diverses. Ces politiques auraient en commun l’introduction ou le renforcement du lien entre droit à la protection sociale et activité professionnelle (Barbier, 2011) en incitant davantage, selon des méthodes variées, à occuper un emploi avec pour objectif d’augmenter les taux d’emploi et réduire les dépenses de protection sociale.

14Désireux de mettre en place leurs propres dispositifs pour activer les allocataires, les négociateurs du Medef et de la CFDT sont à l’initiative pour élaborer de nouvelles régulations qui brouillent la division initiale et donnent davantage de pouvoir à l’institution paritaire. L’accord d’assurance chômage qui donne naissance en 2001 au « Plan d’aide au retour à l’emploi » (PARE) amorce un tournant dans les politiques françaises d’activation et une transformation de l’intervention publique en matière de chômage Si l’agrément ministériel montre que cette transformation est réalisée avec l’accord des acteurs gouvernementaux, l’État veille à contenir les différences de traitement entre chômeurs indemnisés et non indemnisés. Les modalités de mise en œuvre des instruments prévus dans le PARE requièrent d’enrôler l’opérateur public, ce qui soulève des difficultés.

1.2. L’Unédic brouille les règles de prise en charge des chômeurs

15En étant à l’initiative pour élaborer leurs mesures d’activation, les partenaires sociaux élargissent le champ d’intervention de l’institution paritaire au détriment de celui de l’opérateur public, mettant également en cause les prérogatives des acteurs du ministère du Travail et modifiant les rapports de pouvoir. Les interventions du législateur, bien qu’orientées par le même objectif de renforcement de l’activation, consistent, elles, à mettre en place des mécanismes de coordination entre la multiplicité des intervenants tout en laissant inchangée l’architecture institutionnelle.

  • 7 Le terme expérimentation désigne ici des dispositifs de politiques publiques mis en œuvre de manièr (...)

16Étudier le recours à des opérateurs externes par l’Unédic permet de montrer comment, en accroissant ses prérogatives, l’Unédic fait évoluer le traitement du chômage pour ses allocataires. Suite à l’échec du Medef et de la CFDT à inscrire dans l’accord qui a débouché sur la création du PARE la possibilité pour l’institution paritaire de recourir à d’autres opérateurs que l’ANPE pour accompagner certains allocataires, cette disposition est introduite à partir de 2003 par l’Unédic de manière expérimentale et en contrevenant à la réglementation existante. En lançant ces expérimentations d’externalisation du placement, l’institution paritaire espère accélérer le reclassement : les opérateurs privés réaliseraient des reclassements plus nombreux et/ou plus rapides parce que placés dans un environnement concurrentiel. Cette politique trouve son origine dans l’insatisfaction traditionnelle au sein de l’institution paritaire vis-à-vis de l’ANPE jugée insuffisamment efficace notamment en raison du refus de ses agents de prendre en compte le coût de l’indemnisation dans l’établissement de priorités pour reclasser les demandeurs d’emploi. Pour l’ANPE, cette pratique de sélection serait incompatible avec le principe directeur du service public qu’est l’égalité de traitement. D’ampleur très limitée puisque concernant environ 10 000 demandeurs d’emploi, ces expérimentations7 modifient les modalités d’administration des politiques d’emploi en donnant à l’Unédic la main sur l’ensemble du parcours des demandeurs d’emploi et en confiant à des prestataires l’accompagnement et le reclassement des allocataires et en les rémunérant en fonction des résultats obtenus sur le retour à l’emploi.

  • 8 Dès 1993, Philippe Seguin se dit favorable à une fusion. La possibilité est examinée dans le rappor (...)
  • 9 L’ANPE a la mission de recevoir l’ensemble des demandeurs d’emploi qu’ils soient allocataires de l’ (...)

17Le gouvernement, qui a laissé faire ces expérimentations d’ampleur très modeste alors même qu’elles constituaient une attaque contre l’opérateur public, reprend la main avec la loi du 18 janvier 2005, dite de « Programmation pour la cohésion sociale ». Elle définit d’une part les missions du SPE et d’autre part les institutions qui y contribuent sans préciser les prérogatives de chacune. En organisant la coordination pour contrecarrer les effets de la multiplication des intervenants et pour rapprocher indemnisation et placement conformément à l’objectif d’activation, la loi se veut une alternative à la fusion entre ANPE et institution paritaire. Cette possibilité évoquée à différentes reprises8 est écartée en raison de son coût, des difficultés de mise en œuvre et du refus de l’imposer aux partenaires sociaux qui s’y opposent. La loi reconnaît l’Unédic comme prescripteur des politiques d’emploi et financeur des aides attribuées aux demandeurs d’emploi indemnisés entérinant ainsi les inégalités entre allocataires de l’assurance chômage et non allocataires9.

18Un second volet du texte supprime le monopole de l’ANPE sur le placement des demandeurs d’emploi dans l’espoir d’accroître l’efficacité en matière de placement par la mise en concurrence. L’État qui avait contenu les velléités des partenaires sociaux en matière d’évolution des régulations en 2000, inscrit dans la loi les pratiques jusqu’ici illégales d’externalisation qui constituent pourtant un empiétement du champ d’intervention de l’ANPE. Cet arbitrage, favorable à l’Unédic et réalisé contre l’ANPE, est significatif de la volonté de l’État d’utiliser l’institution paritaire pour « aiguillonner » l’opérateur public, soulignant ainsi qu’il n’y a pas forcément continuité et communauté d’intérêt entre institutions publiques.

  • 10 Les représentants de la CGT-FO et de la CGT ont voté contre.

19Forts de ce cadre réglementaire modifié, les partenaires sociaux gestionnaires de l’Unédic10 continuent à faire évoluer leurs prérogatives en lançant une nouvelle expérimentation d’externalisation du placement de plus grande ampleur fin 2006. Signe de sa position de force, l’Unédic impose son calendrier et ses orientations. Cette expérimentation exacerbe les tensions avec l’ANPE qui voient ses prérogatives diminuer. Si le flou dans la répartition des prérogatives est désormais inscrit dans le cadre réglementaire, pour autant, la DGEFP est mise en position d’arbitre alors que l’expérimentation apparaît comme une agression de l’opérateur public.

20D’importantes évolutions des régulations de l’indemnisation et du placement interviennent entre 2001 et 2007. Les organisations signataires des conventions d’assurance chômage développent leur propre politique d’activation. En dépit des conflits suscités avec l’opérateur public, les acteurs gouvernementaux ne bloquent pas ce mouvement d’extension des prérogatives de l’Unédic qui contraste avec les tendances à l’œuvre dans les autres institutions paritaires et particulièrement dans le domaine de l’assurance maladie. En effet, une réforme intervient en 2004 qui renforce le pouvoir de l’administration au détriment de celui des partenaires sociaux via la modification des pouvoirs du nouveau directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) dans un contexte où la démocratie sociale faisait l’objet d’une contestation croissante (Pierru, 2012b). Au cours de cette période, dans le SPE, priorité est donnée à la stabilité de l’architecture institutionnelle. Pour atteindre l’objectif de plus en plus prégnant de renforcer l’activation, ces politiques connaissent de nouvelles modalités de mise en œuvre. L’Unédic partage désormais avec l’ANPE les interventions sur l’accompagnement des chômeurs et tente même d’être en position de donneur d’ordre de l’opérateur public. Ceci démontre à la fois le caractère non univoque du mouvement d’évolution du rôle des partenaires sociaux (Duclos, Groux, Mériaux, 2009 : 16) et le fait que les institutions publiques ne sont pas les seules à intervenir dans le domaine de l’emploi (Freyssinet, 2010). Ces modes de régulation qui mettent au centre le compromis, la pluralité des sources de régulation et des acteurs sont significatifs de modalités de conduite de l’action publique caractéristiques de la sphère de la « démocratie sociale » mais qui se diffusent plus largement (Duclos, Groux, Mériaux, 2009 : 9).

2. Deux projets de fusion concurrents

21Les changements législatifs et conventionnels destinés à éviter la fusion et renforcer la coordination sont rapidement jugés insuffisants pour atteindre l’objectif d’approfondissement de l’activation partagé par les acteurs gouvernementaux et paritaires. Si un accord se fait autour de l’idée que le changement devrait intervenir au niveau institutionnel, deux projets d’organisation institutionnelle s’opposent. L’État parvient à imposer son projet au détriment de l’Unédic, en rupture avec la configuration précédente mais selon une situation davantage conforme à la faiblesse de la régulation sociale en France.

2.1. « Paritariser » l’ANPE : une utopie du seul Medef ?

22Un projet d’architecture institutionnelle alternative du SPE est élaboré au sein de l’Unédic qui s’inscrit dans la lignée de l’extension des prérogatives de cette institution. Baptisé par un responsable patronal « paritarisation » de l’ANPE, il prévoit une institution unique dont la gestion incomberait principalement aux partenaires sociaux.

23« Peut-on aller jusqu’à fusionner l’ANPE et l’Unédic ? Ce serait certes une démarche de bon sens que de faire travailler ensemble plus étroitement qu’aujourd’hui le SPE et le service de gestion des allocations de chômage. (…). Mais nous savons à quelles conditions ce nouvel ensemble sera efficace et à quelles conditions il ne le sera pas. Nous demandons (…) qu’elle soit placée sous la tutelle unique des partenaires sociaux. » (Medef, 2007 : 102)

  • 11 Entretien avec un représentant du Medef, président et vice-président de l’Unédic au moment des expé (...)

24Le rédacteur de ce passage, chef de file du Medef au sein de l’Unédic présenté par l’ensemble des acteurs qui ont mentionné ce projet comme son principal initiateur et promoteur, décrit ainsi la « paritarisation » de l’ANPE :
« C’est une fusion sous l’égide de l’Unédic et non pas sous l’égide de l’État. (…) Ne nous faisons pas d’illusions, on aurait eu beaucoup de difficultés (…). Vous avez rarement vu l’État français, quelle que soit la couleur politique des gens au pouvoir, se défausser et se dégager d’un instrument de pouvoir. (…) En réalité, je pense qu’on ne serait pas allé jusqu’à une paritarisation totale de l’ANPE. Il y aurait eu une coopération entre l’ANPE et l’Unédic beaucoup plus étroite11.  »

  • 12 Entretien avec un membre du comité de direction de l’Unédic, novembre 2011.

25Ce projet a fait l’objet d’un travail d’élaboration au sein de la direction générale de l’Unédic :
« Le Bureau des directeurs avait des séminaires sur ces questions. On avait essayé d’imaginer un dispositif. C’était l’inverse, c’est l’Unedic qui absorbait l’ANPE. C’était un dispositif quasi privatisé, où l’État avait peut-être un rôle plus important que dans l’Unédic aujourd’hui mais c’était quand même les partenaires sociaux qui restaient les décideurs. Ce qu’on voulait créer, ça circulait au niveau des pouvoirs publics12. »

  • 13 Entretien avec un représentant du Medef, président et vice-président de l’Unédic au moment des expé (...)

26Dans la droite ligne de l’extension des prérogatives de l’institution paritaire sur le retour à l’emploi (cf. I), les innovations envisagées sont significatives de l’ambition d’alors de certains représentants des organisations syndicales et patronales (Medef et CFDT en tête) : créer une structure paritaire qui s’arrogerait une partie des missions qui relevaient auparavant de l’ANPE, par une généralisation des expérimentations réalisées avec les OPP :
Medef : « L’affaire des opérateurs privés n’est pas anecdotique. (…) Si jamais l’expérience des opérateurs privés s’était développée de telle façon que finalement l’Unédic, en finançant les opérateurs privés, reclassait de plus en plus de monde de plus en plus vite, c’était un problème majeur pour l’ANPE.
CV : Le recours aux opérateurs privés de placement représente l’évolution voulue pour l’assurance chômage…
Medef : … absolument. Comme évolution vers le reclassement. Ce qui était probablement difficilement supportable par l’ANPE13. »

27Avec ce projet, l’Unédic cherche à étendre ses expérimentations et à institutionnaliser ses nouvelles prérogatives en matière de retour à l’emploi, suscitant des oppositions au sein de l’ANPE.

28Les acteurs de l’Unédic proposent un projet de régulation de l’indemnisation et du placement qui les mettrait au centre au détriment de l’ANPE. Cependant, si les acteurs du ministère du Travail ont laissé faire tant qu’il s’agissait d’expérimentations, l’exécutif va non seulement s’opposer à une révision des régulations pour l’ensemble du SPE sous l’égide de l’Unédic mais reprendre la main et imposer unilatéralement un projet très largement éloigné de celui proposé par les promoteurs syndicaux et patronaux, mettant fin à une période de partage des prérogatives entre institutions publiques et paritaires.

2.2. L’annonce d’une fusion dont les contours restent flous

  • 14  Commission Européenne, 1998, « Moderniser les services publics de l’emploi pour soutenir la straté (...)

29Le projet gouvernemental consiste en une réforme de l’architecture institutionnelle du SPE destiné à rendre plus efficaces les politiques d’activation. Il voit le jour au cours de la campagne électorale pour l’élection présidentielle sans toutefois être élaboré précisément. Dans la rubrique du programme « Vaincre le chômage », le candidat Sarkozy propose la fusion de l’ANPE, de l’Unédic et des maisons de l’emploi. Ce projet est seulement désigné par l’expression « guichet unique » qui fait écho aux recommandations de l’OCDE et de l’UE14. Comment expliquer le revirement qui conduit à ce que la fusion soit finalement réalisée et dans une version qui affaiblisse l’institution paritaire ?

  • 15 Entretien avec une Déléguée générale ajointe à l’Emploi et à la Formation professionnelle lors des (...)

30Dès l’automne 2007, différents groupes de travail se réunissent pour préparer ce qui apparaît déjà comme une des réformes majeures du quinquennat. À ce stade, les contours restent très flous à tel point qu’une fusion dominée par l’institution paritaire apparaît comme plausible. Selon une ancienne Directrice générale adjointe à l’Emploi et à la Formation professionnelle,
« Dans les premiers mois de la présidence, l’Unédic était persuadée qu’effectivement ils allaient emporter le morceau [pour l’organisation du guichet unique]. (…) Je pense qu’on aurait pu aboutir à un tout autre résultat. Ce n’était pas acquis, la bataille était assez rude […] Le directeur général m’avait dit « on a les assurances de l’Élysée » [que l’Unédic absorberait l’ANPE]15 ».

  • 16 Le bureau est l’instance qui administre l’Unédic au quotidien. Elle se réunit sur une base mensuell (...)

31Croire à ce projet de « fusion à l’envers » n’est donc pas une forme d’aveuglement des partenaires sociaux. Cependant, au cours de l’élaboration de la réforme, les acteurs de l’exécutif imposent une autre réforme de l’architecture institutionnelle à laquelle les représentants des organisations syndicales et patronales auparavant porteurs de l’autre projet vont rapidement se rallier. Le retournement qui s’opère est visible à travers l’évolution de la position des instances de l’Unédic. Lors du conseil d’administration extraordinaire du 29 novembre 2007, convoqué en urgence pour réagir au projet gouvernemental, celui-ci est rejeté à l’unanimité au nom de la défense de l’autonomie de l’institution paritaire et de ses attributions. Or, à la réunion du bureau16 de l’Unédic du 15 février 2008, alors que la fusion est à nouveau à l’ordre du jour, aucun administrateur n’exprime d’opposition. Deux explications éclairent ce revirement. La première tient à l’affaiblissement de l’Unédic que l’ensemble des acteurs (représentants de l’État, des organisations syndicales, patronales ou des membres des services) s’accordent à qualifier de délibéré via « l’affaire UIMM ».

  • 17 Entretien avec un représentant du Medef, président et vice-président de l’Unédic au moment des expé (...)

32« L’État a pu faire ce qu’il voulait en profitant d’un moment où le Medef et où le bras armé social ou le bras social du Medef était en très grande difficulté à cause de la crise de l’UIMM. Les pouvoirs publics ont pu faire à ce moment-là ce qu’ils ont voulu. Et après, c’est fait. On applique la loi17 ».

33L’éclatement de l’« affaire UIMM », qui crée une fenêtre d’opportunité pour réaliser la fusion, est rendu possible par l’affaiblissement progressif de cette fédération patronale qui regroupe un ensemble de fédérations professionnelles de la métallurgie (Pelletier, 2010) au profit d’autres fédérations (banques, assurances, holdings). Les différences de mode de gestion des entreprises expliquent les positions opposées vis-à-vis du paritarisme : lorsqu’il s’agit de maximiser la valeur actionnariale, les dépenses sociales sont des coûts à réduire (Offerlé, 2009 : 51). La puissance de l’Unédic était liée à celle de l’UIMM, une fois la fédération patronale affaiblie, l’institution paritaire ne peut maintenir sa position, signe du rôle moteur de cette organisation patronale dans l’institution et plus largement de la fragilité du paritarisme. Alors que le régime d’assurance chômage était en position de force et étendait ses prérogatives depuis plusieurs années, ces dirigeants n’ont pas les moyens de s’opposer à une réforme qui renverse cette dynamique. L’opposition de la CGT-FO et la CGPME n’a pas suffi. Conformément à ses réserves vis-à-vis du paritarisme, la CGT ne s’est pas fortement impliquée pour défendre cette institution.

  • 18 Le président de la République organise le 19 décembre 2007 une réunion avec les partenaires sociau (...)

34Une autre explication complémentaire à ce ralliement rapide est la situation d’asphyxie des représentants des organisations syndicales et patronales en raison des nombreuses négociations qui se déroulent dans cette période. Au vu de « l’agenda social 200818 », le choix a pu être fait de concentrer les forces sur les négociations – notamment celle de première importance qui débouchera sur l’ANI du 11 janvier 2008 dit de « modernisation du marché du travail » et qui implique les mêmes représentants que ceux en charge de l’assurance chômage - plutôt qu’à défendre une institution mal connue du grand public et même des syndiqués (Lartigot Hervier, 2014). Ceci confirme le constat de la faiblesse sur le long terme des médiations sociales et professionnelles dans l’action publique en matière de chômage (Garraud, 2000 : 218) en dépit d’une parenthèse où l’institution paritaire était en position de force.

35Si la création d’un guichet unique fait consensus entre initiateurs du projet de paritarisation de l’ANPE et membres de l’exécutif, la bataille pour savoir qui de l’institution publique ou paritaire pilotera ce guichet fait rage dans les arènes en charge de l’élaboration de la réforme tout en restant ignorée au-delà. L’exécutif met un terme aux espoirs de l’institution paritaire en interrompant la période d’extension de ses prérogatives en matière d’activation par l’imposition de sa réforme institutionnelle. La rapidité de ce retournement est le signe de la faiblesse du paritarisme et corrélativement de la puissance des acteurs gouvernementaux lorsqu’ils décident de ne pas céder davantage de compétences en matière de politiques d’emploi.

3. Une réforme institutionnelle sous la main de l’État pour approfondir l’activation

36La loi du 13 février 2008 qui prévoit la fusion de l’ANPE et des Assédic bouleverse l’architecture institutionnelle et modifie l’équilibre des pouvoirs entre acteurs : les interventions du SPE sont reprises en main par les acteurs publics au détriment de l’institution paritaire. Cette opération de fusion administrative particulière modifie l’administration des politiques d’activation des chômeurs : elles sont déployées exclusivement par la nouvelle institution, Pôle emploi, via la définition d’un nouveau mandat pour les conseillers désormais en charge de l’indemnisation et du placement (Pillon, Vivés, 2016).

3.1. Une nouvelle architecture institutionnelle qui renforce les acteurs publics au détriment de l’institution paritaire

37La loi du 13 février 2008 rompt avec les réformes antérieures en fondant le guichet unique non plus par le rapprochement de deux institutions mais par leur fusion au sein d’un nouvel opérateur, Pôle emploi, qui concentre l’ensemble des prérogatives détenues auparavant par l’ANPE et les Assédic. Les deux institutions qui s’intègrent dans Pôle emploi étaient extrêmement centralisées ; Pôle emploi conserve cette caractéristique (Dressen, 2014). Comme lors de la création des agences régionales de santé, le nouvel opérateur regroupe des personnels de statuts différents et issus d’institutions rivales (Pierru, 2012b) : des agents publics d’un côté (les 30 000 ex-agents de l’ANPE) et des salariés de droits privés de l’assurance chômage (environ 18 300).

  • 19 Ces négociations sont plus ou moins longues selon le poids de l’organisation et sa position sur la (...)
  • 20 Selon Louise Lartigot-Hervier le maintien de l’Unédic aurait permis le ralliement de la CFDT à la f (...)
  • 21 Le transfert du recouvrement à l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) est pré (...)

38La création de Pôle emploi et la redéfinition des prérogatives de l’institution paritaire qui en découle marquent la reprise en main par les pouvoirs publics des politiques d’activation. L’élaboration de la réforme institutionnelle a donné lieu à des négociations directes entre représentants de chaque organisation syndicale et patronale et l’Élysée19. La disparition de l’Unédic est présentée comme évitée pour ne pas provoquer une rupture avec les partenaires sociaux20, conformément à la tactique de réforme « qui consiste moins à recueillir les soutiens qu’à éviter le blâme » (Bezes, Le Lidec, 2011 : 82). Les prérogatives de l’institution se trouvent toutefois largement redéfinies : elle perd l’ensemble de ses activités opérationnelles et donc tout ancrage local. Elle conserve la gestion de l’assurance chômage et supervise la délégation à Pôle emploi de la distribution de l’indemnisation et du recouvrement des contributions21. Le pouvoir de l’Unédic en matière d’aide au retour à l’emploi résiderait désormais dans sa fonction de signataire de la convention tripartite qui définit les moyens et les objectifs attribués à Pôle emploi. Ce pouvoir nouveau n’empêche pas le constat unanime parmi les représentants des organisations syndicales et patronales d’affaiblissement de l’institution paritaire. Ce bilan est partagé par Jacques Freyssinet pour qui « l’intervention de l’Unédic dans le fonctionnement du marché du travail, qui était présente dès l’origine du régime, est donc rayée de la carte par décision unilatérale de l’État » (Freyssinet, 2010 : 242).

  • 22 Cette majorité qualifiée est très difficile à obtenir dans la mesure où sur les 18 membres du CA, h (...)
  • 23 Ceci se traduit par la réalisation d’un suivi du budget de l’opérateur par le ministère du Budget.
  • 24 Le CA de Pôle emploi est composé de 18 membres : cinq représentants de l’État désignés par différen (...)

39L’analyse des modalités de gouvernement de Pôle emploi étaie également la thèse d’un renforcement des pouvoirs des acteurs publics. Formellement, l’État perd sa fonction de tutelle de l’opérateur public mais le directeur général est nommé par le gouvernement. Le conseil d’administration n’a qu’un rôle consultatif sur cette nomination et ne peut révoquer le directeur général qu’à la majorité des deux tiers22. Les orientations suivies par Pôle emploi sont pour une large part celles qui lui sont données par le gouvernement via les politiques de l’emploi sans être discutées au sein du conseil d’administration. De plus, il est un opérateur assujetti à la LOLF23 alors même qu’il n’est pas majoritairement financé par l’État. En dépit de ces caractéristiques, Pôle emploi est présenté comme un établissement public spécifique en raison notamment de la composition de son conseil d’administration. Sur 18 administrateurs, 10 sont en effet des représentants des organisations syndicales et patronales24. Si, numériquement, les partenaires sociaux détiennent la majorité des sièges, cette majorité qui existait déjà au sein de l’ANPE est relativement « inoffensive » en raison de la faible probabilité d’une alliance des représentants syndicaux et patronaux.

  • 25 La dette s’élevait au moment de la fusion à environ 10milliards d’euros cumulés.

40Les modalités de financement de Pôle emploi sont également significatives des rapports de pouvoir favorables aux acteurs publics au moment de l’élaboration de la réforme. La loi dispose que l’institution paritaire verse une contribution forfaitaire définie par la convention d’assurance chômage mais dont le montant ne peut être inférieur à 10 % des recettes collectées. Cette somme est supérieure à celle que l’Unédic consacrait auparavant aux dépenses actives. Le budget de Pôle Emploi se trouve donc abondé aux deux tiers environ par l’institution paritaire et le tiers restant est financé par une dotation de l’État qui, elle, n’est pas fixe. Ce choix de financement, en maintenant l’existence institutionnelle de l’Unédic, permet à l’État de récupérer une partie des ressources issues des cotisations sans récupérer les dettes de l’institution25. La quasi-totalité des mesures d’activation auparavant financées via l’enveloppe consacrée aux dépenses actives disparaissent des conventions d’assurance chômage.

3.2. Une réforme administrative « rationalisatrice » spécifique

  • 26 IGA, IGF, IGAS, Bilan de la RGPP et conditions de réussite d’une nouvelle politique de réforme de l (...)
  • 27 Un rapprochement a été opéré en 2005 en Norvège entre des institutions initialement locales et nati (...)

41Cette réforme est très largement dominée par des enjeux sectoriels de politiques d’emploi. Cependant, lorsqu’on la resitue dans le contexte de réformes administratives, il apparaît que la méthode suivie pour conduire cette réforme corrobore également la thèse du renforcement des pouvoirs des acteurs publics au détriment des acteurs paritaires. Cette fusion s’inscrit dans le mouvement de réorganisations administratives comme composante essentielle de la « réforme de l’État » visant la rationalisation de l’appareil d’État pour accroître l’efficacité des administrations et des opérateurs et réaliser des économies de gestion (Meimon, 2008). Bien que ne « portant pas le label RGPP26 », l’opération de fusion a emprunté à cette « procédure de réforme » (Lafarge, Le Clainche, 2010 : 751) tout en présentant des similitudes avec des fusions menées dans d’autres services publics de l’emploi de l’OCDE27. En termes de méthode, comme d’autres opérations de la RGPP, la fusion a été réalisée au pas de charge, par un nombre restreint de personnes appuyées par des consultants (Pierru, 2012a), sans prise en compte des pratiques des agents. Elle était porteuse d’une ambition de simplification pour les usagers (en les adressant à un guichet unique) via la rationalisation de l’administration.

  • 28 Cette promesse répétée à plusieurs reprises a notamment été publiée dans une interview de la minist (...)

42Cependant, elle présente des spécificités. Alors que la RGPP « mise davantage sur les réorganisations administratives que sur les politiques publiques elles-mêmes » (Pierru, 2012b : 89), la création de Pôle emploi vise prioritairement un objectif de politique sectorielle : l’activation des demandeurs d’emploi. Elle se distingue également en ce qu’elle s’écarte d’un des objectifs prioritaires de la RGPP : réduire les dépenses via des économies d’échelles. La fusion est décidée malgré les surcoûts prévus liés notamment à l’engagement gouvernemental d’harmoniser les statuts des ex-Assédic et des ex-ANPE en prenant « le meilleur des deux statuts28 », harmonisation synonyme d’augmentation de salaire. De plus, les économies d’échelles visées, ne vont pas de pair avec une réduction des effectifs – dérogeant ainsi au principe de « non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux », central dans la RGPP - mais supporte au contraire un redéploiement des personnels afin d’augmenter le taux d’encadrement des demandeurs d’emploi. À travers cette réforme administrative spécifique, il s’agit de créer l’architecture institutionnelle qui permettra de mettre en œuvre une nouvelle politique d’activation.

3.3. Un nouveau mandat aux conseillers pour mieux activer les demandeurs d’emploi

43Quelles sont les conséquences de la création de Pôle emploi en termes de contenu des politiques d’emploi et plus particulièrement d’activation ?

  • 29 Interview de N. Sarkozy, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, président de l’ (...)

44La principale intervention nouvelle permise par la fusion, consiste à mettre dans les mains du conseiller qui accompagne le chômeur l’ensemble des outils de l’activation. Cette politique était inenvisageable en cas de création d’un guichet unique qui aurait maintenu côte à côte les deux institutions et donc deux groupes professionnels distincts. Le mandat des conseillers est redéfini : ils deviennent des « référents uniques » en charge de l’indemnisation et du placement, conformément aux annonces faites par le candidat Sarkozy durant la campagne, selon lequel « celui qui donne le chèque ce doit être celui qui propose un emploi »29. Deux modalités sont envisagées pour rapprocher indemnisation et placement. D’abord, l’augmentation de la fréquence des rendez-vous, autorisée par la réduction de la taille des portefeuilles, doit permettre un suivi plus serré des démarches des demandeurs d’emploi. Ensuite, de nouvelles prérogatives en matière de contrôle de la recherche d’emploi sont attribuées aux conseillers qui découlent de la loi du 1er août 2008 « relative aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi ». Cette loi définit de manière plus stricte les devoirs associés au projet personnalisé d’accès à l’emploi (qui est élaboré lors de l’inscription du demandeur d’emploi), et notamment les critères relatifs aux « offres raisonnables d’emploi », que les chômeurs ne peuvent refuser sans se voir sanctionnés. La réforme prévoit également de mettre fin au traitement différencié entre les demandeurs d’emploi – conformément aux positions prises contre l’Unédic lorsqu’il s’agissait d’approfondir l’accompagnement des demandeurs d’emploi indemnisés. Alors qu’auparavant, les aides au retour à l’emploi reçues dépendaient notamment du type d’allocation perçu, le seul critère désormais en vigueur doit être les besoins d’accompagnement, enlevant à l’Unédic toute possibilité de cibler les mesures sur les allocataires potentiellement les plus coûteux. Ces différentes dispositions sont supposées accélérer le retour à l’emploi et limiter les dépenses d’indemnisation dites « passives ». Cet espoir de « retour sur investissement » est une des justifications avancées au fait d’avoir réalisé la fusion en dépit de son coût.

45L’analyse de la nouvelle architecture institutionnelle et de la méthode d’élaboration de la réforme montrent la marginalisation de l’Unédic dans les interventions du SPE au profit des acteurs publics qui construisent ainsi un cadre réglementaire permettant de déployer une nouvelle politique d’activation.

Conclusion

46Si la gestion de l’assurance chômage est une compétence octroyée de longue date aux partenaires sociaux par l’État, les interventions sur l’aide au retour à l’emploi sont une conquête progressive de l’institution paritaire initiée par certains représentants des organisations syndicales et patronales, sortant ainsi de la seule gestion dans laquelle ils sont souvent cantonnés et réfutant l’idée que les acteurs publics décideraient seuls des interventions du SPE. L’évolution du pouvoir des acteurs n’est cependant pas linéaire comme l’illustre le retournement que constitue la fusion qui intervient alors qu’un projet de « paritarisation de l’ANPE » porté par l’Unédic était discuté au sein même des pouvoirs publics. Ce retournement conduit à une concentration accrue des pouvoirs par les institutions publiques et met en évidence la fragilité de la régulation sociale en France. Au cours de cette séquence de réforme, l’État redéfinit le champ d’intervention du régime d’assurance chômage ainsi que le financement de l’opérateur public par l’institution paritaire. L’Unédic perd ses prérogatives en matière de politiques d’emploi pour n’avoir plus que des compétences gestionnaires, signe de son affaiblissement qui, s’il n’est pas propre au secteur de l’emploi, intervient après une période d’extension des prérogatives de l’institution paritaire, extension tout à fait singulière au regard des autres organisations à gestion paritaire. En se focalisant sur la période allant de 2001 à 2009, cet article a montré les liens entre pouvoirs des acteurs, architecture institutionnelle et contenu et administration des politiques d’activation. Bien que les acteurs partagent l’objectif général « d’activer les chômeurs », l’analyse des conflits institutionnels a toutefois montré que le contenu précis voulu pour ces politiques d’activation varie.

47Pour mettre en œuvre ces nouvelles régulations de l’indemnisation et du placement, un opérateur est créé - Pôle emploi - qui déploie une nouvelle politique d’activation. Celle-ci devait reposer sur un nouveau levier : le « conseiller unique » qui, en concentrant dans ses mains le placement et l’indemnisation autrement dit l’accompagnement et le contrôle, était supposé être la cheville ouvrière de cette politique. Or, la création de cette fonction est abandonnée quelques mois après la réforme parce que jugée impossible à mettre en œuvre (Pillon, Vivés, 2015), ce qui pose la question des modalités de l’activation depuis la fusion.

48L’analyse faite dans cet article du cadre réglementaire élaboré au moment de la fusion devra être complétée par une étude de sa mise en œuvre. L’étude des conventions tripartites négociées et mises en œuvre depuis ainsi que celle de l’intégration des deux institutions et de ses conséquences en termes de pratiques professionnelles dominantes permettraient d’enrichir la compréhension des pouvoirs détenus par les différents acteurs et des modalités de mise en œuvre de l’activation.

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Notes

1 Les interviewés étaient des inspecteurs de l’IGAS et des agents de la DGEFP. Certains de ces entretiens ont été réalisés avec J.-M. Pillon.

2 Dans le cadre d’un contrat CIFRE (Convention Industrielle de Formation par la Recherche).

3 Si on définit la démocratie sociale par la gestion majoritaire par les salariés, alors l’institution paritaire d’assurance chômage, caractérisée par un paritarisme strict où le nombre de représentants nommés par les organisations syndicales est identique à celui des organisations patronales, fait figure d’alternative au projet de démocratie sociale (Friot, 1998).

4 Trois des six organisations représentatives siègent au sein du collège employeurs : le Mouvement des entreprises de France (Medef (qui était auparavant le Conseil national du patronat français)), la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et l’Union professionnelle artisanale (UPA). L’UNAPL (l’Union nationale des professions libérales), la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) et la CNMCCA (Confédération nationale de la mutualité, de la coopération et du crédit agricoles) sont absentes.

5 Selon les critères établis à la Libération.

6 Cette procédure est inscrite dans le code du travail à l’article L. 352-2.

7 Le terme expérimentation désigne ici des dispositifs de politiques publiques mis en œuvre de manière limitée qui se caractérisent par le fait de tester une nouvelle mesure et d’en réaliser une évaluation.

8 Dès 1993, Philippe Seguin se dit favorable à une fusion. La possibilité est examinée dans le rapport signé par Jean Marimbert en 2004 (Rapport au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur le rapprochement des services de l’emploi, La Documentation française). Jacques Chirac alors président de la République le mentionne à nouveau en 2007.

9 L’ANPE a la mission de recevoir l’ensemble des demandeurs d’emploi qu’ils soient allocataires de l’assurance chômage, bénéficiaires de l’Allocation de solidarité spécifique (financée par l’État) ou bénéficiaires du RMI / RSA.

10 Les représentants de la CGT-FO et de la CGT ont voté contre.

11 Entretien avec un représentant du Medef, président et vice-président de l’Unédic au moment des expérimentations de recours aux opérateurs privés de placement, octobre 2010.

12 Entretien avec un membre du comité de direction de l’Unédic, novembre 2011.

13 Entretien avec un représentant du Medef, président et vice-président de l’Unédic au moment des expérimentations de recours aux OPP, octobre 2010.

14  Commission Européenne, 1998, « Moderniser les services publics de l’emploi pour soutenir la stratégie européenne pour l’emploi », Communication de la Commission ; Secrétariat de l’OCDE, 2001, « Les politiques du marché du travail et le service public de l’emploi : principales caractéristiques, nouveaux enjeux » in OCDE, Politiques du marché du travail et service public de l’emploi, pp. 35-72.

15 Entretien avec une Déléguée générale ajointe à l’Emploi et à la Formation professionnelle lors des premières expérimentations de recours aux OPP, septembre 2010.

16 Le bureau est l’instance qui administre l’Unédic au quotidien. Elle se réunit sur une base mensuelle. Le conseil d’administration est lui destiné à donner les orientations politiques (cf. encadré).

17 Entretien avec un représentant du Medef, président et vice-président de l’Unédic au moment des expérimentations de recours aux opérateurs privés de placement, octobre 2010.

18 Le président de la République organise le 19 décembre 2007 une réunion avec les partenaires sociaux pour fixer l’agenda social pour l’année 2008. Parmi les thèmes retenus figurent la modernisation du marché du travail, le développement de la négociation collective, la représentativité syndicale, l’assurance chômage et la formation professionnelle.

19 Ces négociations sont plus ou moins longues selon le poids de l’organisation et sa position sur la réforme.

20 Selon Louise Lartigot-Hervier le maintien de l’Unédic aurait permis le ralliement de la CFDT à la fusion (Lartigot-Hervier, 2012, p. 502).

21 Le transfert du recouvrement à l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) est prévu à partir du 1er janvier 2011.

22 Cette majorité qualifiée est très difficile à obtenir dans la mesure où sur les 18 membres du CA, huit sont liés plus ou moins directement à l’État.

23 Ceci se traduit par la réalisation d’un suivi du budget de l’opérateur par le ministère du Budget.

24 Le CA de Pôle emploi est composé de 18 membres : cinq représentants de l’État désignés par différents ministères, cinq représentants des organisations syndicales de salariés interprofessionnelles représentatives au niveau national, cinq représentants des organisations professionnelles d’employeurs représentatives aux niveaux national et interprofessionnel, deux personnalités qualifiées désignées par le ministre chargé de l’emploi.

25 La dette s’élevait au moment de la fusion à environ 10milliards d’euros cumulés.

26 IGA, IGF, IGAS, Bilan de la RGPP et conditions de réussite d’une nouvelle politique de réforme de l’État, septembre 2012, p. 11. On peut faire l’hypothèse que l’absence du « label » RGPP tient à ce que cette fusion ne concernait pas exclusivement des structures publiques mais également une institution paritaire.

27 Un rapprochement a été opéré en 2005 en Norvège entre des institutions initialement locales et nationales, à savoir la fusion des services distribuant les allocations, les services en charge de l’emploi et les institutions locales de protection sociale. Cette réforme avait pour objectifs d’accompagner vers l’emploi davantage « d’allocataires passifs » et de rendre le SPE plus facile d’accès pour les usagers et plus efficient (Christensen, Fimreite, Laegreid, 2014).

28 Cette promesse répétée à plusieurs reprises a notamment été publiée dans une interview de la ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie Christine Lagarde dans l’édition de Les Échos du 9 octobre  2007.

29 Interview de N. Sarkozy, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, président de l’UMP et candidat à l’élection présidentielle 2007, à France 2 le 2 mars 2007, sur la campagne électorale, ses adversaires politiques et sur les grandes lignes de son programme électoral. Source : Discours.vie-publique.fr.

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Pour citer cet article

Référence papier

Claire Vivés, « Fusionner pour activer les chômeurs ? Conflits institutionnels autour d’un objectif politique consensuel (2001-2009) »Politiques et management public, Vol 33/3-4 | 2016, 215-232.

Référence électronique

Claire Vivés, « Fusionner pour activer les chômeurs ? Conflits institutionnels autour d’un objectif politique consensuel (2001-2009) »Politiques et management public [En ligne], Vol 33/3-4 | 2016, mis en ligne le 11 janvier 2021, consulté le 15 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pmp/10342

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Auteur

Claire Vivés

LISE (CNAM) – CEET
29, Promenade Michel Simon
93166 Noisy-le-Grand cedex
Auteur correspondant : clairevives@hotmail.com

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