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Sécurité, complexité, imprévisibilité : apports et perspectives des travaux de Leplat 

Safety, Complexity, and Unpredictability: Contributions and Perspectives from Leplat’s Work
Seguridad, complejidad, imprevisibilidad, contribuciones y perspectivas de los trabajos de Jacques Leplat
Lucie Cuvelier, Françoise Decortis et Pierre Falzon

Résumés

Le thème de la sécurité a un statut particulier dans les travaux de Jacques Leplat puisqu’il est transversal à toute sa carrière (Leplat, 1985, 2011; Leplat & Cuny, 1974). À partir des années 80, il s’est lié à celui de complexité, devenu indispensable pour décrire le monde qui nous entoure (Leplat & De Terssac, 1990; Morin, 2008; Woods, 1988). Les travaux de Leplat sur la complexité (1988) sont directement liés à son modèle-guide pour l’analyse de l’activité à partir du couplage (Leplat, 1997, 2000b). Cette modélisation met l'accent sur la manière dont les individus traitent les tâches complexes, intégrant les caractéristiques des sujets. Elle a ouvert d’importantes voies de recherche et de nouvelles perspectives de prévention centrées sur les compétences (Leplat, 2000a, 2008; Leplat & de Montmollin, 2001). Alors que de nouveaux courants et modèles ont émergé (en particulier autour de l’ingénierie de la résilience , par exemple Hollnagel, Woods, & Leveson, 2006), cet article propose de revisiter l’apport singulier des travaux de Jacques Leplat dans ce paysage mouvant et parfois divisé des sciences de la sécurité. C’est un article programmatique et théorique qui ouvre des perspectives pour tracer de futures recherches.

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Texte intégral

La sécurité : porte d’entrée de la psychologie dans le monde du travail

1Le thème de la sécurité a un statut particulier dans les travaux de Jacques Leplat puisqu’il est transversal à toute sa carrière (Leplat, 1985, 2011; Leplat & Cuny, 1974). Comme il le rappelait régulièrement, la sécurité fut la porte d’entrée de la psychologie dans le monde du travail (Leplat, 1982, 2006). Ses premières études de psychologie du travail portent la marque de cet intérêt : analyse des erreurs et de la fiabilité humaine (Leplat, 1985, 1990; Leplat & Rasmussen, 1984), analyse des accidents (Leplat, 1978, 1995; Leplat & Cuny, 1974), analyse des facteurs humains dans les systèmes complexes (Leplat & De Terssac, 1989, 1990), analyses d’activités à risques (Leplat, 1997, 2000b, 2003, 2006). Tous ces travaux ont alimenté le dialogue avec la communauté internationale (Bainbridge & Weill-Fassina, 1993; Leplat & Rasmussen, 1984; Rasmussen, Brehmer, & Leplat, 1991). Ils ont notamment contribué à la naissance du « génie cognitif » (Cognitive Engineering). Formé dans les années 80 autour des questions de supervision et d’automatisation des systèmes « homme-machine », ce courant de recherche a traité trois principaux thèmes : la gestion de la complexité, les systèmes cognitifs conjoints et l'utilisation d'outils/artefacts (Hollnagel & Woods, 1983; Rasmussen, 1987).

  • 1 L'ingénierie de la résilience se concentre sur la performance résiliente, plutôt que sur la résilie (...)

2Vingt ans plus tard, alors que Jacques Leplat est en retraite – active – depuis plus de 15 ans, ce courant a donné naissance à « l’ingénierie de la résilience » dont l’ambition est de mettre en discussion la définition même de la sécurité, encore trop souvent associée au respect de la norme (Hollnagel et al., 2006) : « Le glissement entre conformité et sécurité, l’assimilation de l’activité sûre à l’activité normée, se fait encore très rapidement, de façon quasi automatique », jusque dans les dernières Tribunes de la sécurité industrielle (Cuvelier, 2022a). À l’inverse, la résilience (ou plus précisément la capacité à fonctionner de manière résiliente1) se réfère en première instance à la capacité d'un système à agir, à faire face efficacement à des évènements imprévus (Hollnagel et al., 2006). L’objectif de l’ingénierie de la résilience est la conception de situations qui permettent aux individus, aux équipes et aux organisations de mener à bien leur tâche dans toutes les conditions, et non plus celui, propre à la sécurité, d’éviter coûte que coûte les issues négatives (Hollnagel, 2010).

3Depuis les années 2000, les publications se sont multipliées et différents courants se sont démarqués, plaidant pour des ruptures théoriques et pratiques plus ou moins franches. Ils suscitent des discussions, parfois même des tensions et des oppositions avec des travaux plus anciens (Doorn, 2018; Le Coze, 2022). Des voix discordantes se font entendre (Bergström, 2019; Godin, 2022; Le Coze, 2013, 2022; Nyssen & Berastegui, 2016; Ribault, 2021). Elles mettent en avant les risques véhiculés par cette notion dans le champ de la sécurité (par exemple le transfert de responsabilité et les injonctions à la résilience) et les limites de ses apports vis-à-vis de travaux trop ignorés (par exemple les travaux sur les régulations et l’appropriation des règles de sécurité (De Terssac & Gaillard, 2009; Rasmussen et al., 1991; Terssac, 2003; Vidal-Gomel, 2002) ou bien ceux menés dans les organisations dites hautement fiables (Bourrier, 1999; Pavard, 2002; Weick, 1987; Weick & Sutcliffe, 1999). Ces débats ont eu des échos singuliers dans la communauté francophone, marquée par l’ergonomie dite « de l‘activité » (Daniellou & Rabardel, 2005). Ils résonnent avec des travaux et débats déjà anciens pour l’ergonomie de l’activité, habituée à décrire les variabilités, les diversités, les savoir-faire de prudence, et à rendre compte de leur plus-value face au caractère  « lacunaire » des normes (Cru, 1996, p. 3; De Terssac & Chabaud, 1990; Leplat, 1998; Mayen & Savoyant, 1999; Noulin, 2000; Vidal-Gomel, 2001; Wisner, 1976). Dès les années 70, Faverge (1967, 1970) avait présenté l’homme comme un potentiel « agent de fiabilité » dans le processus industriel, seul « élément » du système qui puisse adapter son comportement aux variations des situations : les travailleurs, « à côté de [leur] rôle de production […] adoptent des compromis ménageant sécurité et fiabilité d’une part, productivité et économie de l’autre » (Faverge, 1970, p. 302).

4Le courant de la résilience a donc donné lieu à diverses tentatives de dialogues et des rapprochements entre ergonomie de l’activité et sciences de la sécurité, ouvrant parfois la voie à la mise en œuvre d’approches développementales (Caroly, 2010; Cuvelier & Woods, 2019; Faye, 2007; Morel, Amalberti, & Chauvin, 2009; Nyssen, 2010; Owen, Béguin, & Wackers, 2009). Cet article propose de positionner l’apport singulier des travaux de Jacques Leplat dans ce contexte, en s’intéressant plus particulièrement à ceux qui portent sur la complexité. Il montre combien les modèles pour l’analyse de l’activité qu’il a initiés dans les années 80 peuvent encore servir d’inspiration et de liant dans ce paysage mouvant et divisé. C’est un article programmatique et théorique qui ouvre des perspectives pour tracer de futures recherches.

La complexité : Du système, à la tâche, à l’activité

Complexité des systèmes, complexité de la tâche

5La complexité, thématique centrale des travaux sur la sécurité, la fiabilité et la conception des systèmes, est devenue omniprésente à partir des années 80 (Leplat & De Terssac, 1990; Morin, 2008; Woods, 1988; Xiao, 1994). À tel point que le terme, devenu « mot problème » (Morin, 2005), en perd parfois son sens et son efficacité (Hollnagel, 2012a). Malgré tout, aujourd’hui encore, divers auteurs considèrent que la notion de complexité n’a pas été suffisamment explorée alors qu’elle reste centrale pour comprendre le monde présent et à venir (Le Coze, 2016; Le Moigne & Morin, 2013).

6« On s’accorde, en général, à caractériser la complexité d’un système par deux traits essentiels : le nombre d’éléments ou unités qui le composent, et le nombre et la nature des relations entre ces éléments » (Leplat, 1996, p. 52). À partir de là, Leplat (1996), comme bien d’autres auteurs, fait le constat que les systèmes sont de plus en plus complexes, les éléments les composant étant de plus en plus nombreux, de plus en plus « couplés » (i.e. imbriqués), dynamiques, et de moins en moins maîtrisables (Boy, 2014; Hollnagel, 2008b; Maguire, 2024). La taille des installations augmente de façon exponentielle, l’automatisation va toujours croissante, si bien que les effets d’une simple décision peuvent générer des conséquences dramatiques, qui se propagent rapidement à travers l’ensemble du système (Rasmussen, 1997; Reason, 1997) et les interactions entre les composants ne sont plus visibles, ni même compréhensibles. Les évolutions permanentes des systèmes les rendent « instables » et très difficiles à décrire (i.e. « sous-spécifiés ») (Bourrier, 1999; Hollnagel, 2008a, 2009; Leplat, 1996; Rasmussen, 1997; Reason, 1997).

7Deux enjeux deviennent alors importants pour la sécurité : (1) caractériser la complexité des systèmes (Dekker, Bergström, Amer-Wåhlin, & Cilliers, 2013; Glouberman & Zimmerman, 2002; Patriarca & Bergström, 2017) et (2) identifier les facteurs de complexité des systèmes (Goodstein, Andersen, & Olsen, 1988; Hollnagel, 2008b). Ces facteurs sont directement liés à la tâche (Johannsen, 1990). Ils sont nombreux : nature des relations entre les éléments du système, couplage (au sens d’« imbrication »), opacité, irréversibilité, dynamique des systèmes techniques, etc. Ils ont été décrits et répertoriés dans diverses catégorisations, très souvent illustrées par des études conduites sur le contrôle des systèmes dynamiques à risques. Woods (1988), par exemple, décrit quatre dimensions pouvant influer sur la complexité : le degré de dynamisme du système, le nombre de pièces le composant et leur degré de connexion, l'incertitude et le niveau de risque. Selon lui, tous les systèmes peuvent être caractérisés par rapport à ces quatre dimensions. En résultante, « un monde décrit comme complexe sera élevé dans ces quatre dimensions » (op. cit. p. 130). Pour Leplat (1988), l’analyse de la complexité des systèmes, loin d’être une exception, est une dimension importante des analyses visant la sécurité. Elle est liée à l’analyse de la tâche : l’analyse des facteurs de complexité liés à la tâche  permet la caractérisation de travaux « qui comportent des traits difficilement maitrisables pour une gamme étendue d’opérateurs » (Leplat, 1996, p. 53). Néanmoins, cette caractérisation reste insuffisante, car « la complexité est essentiellement liée au couplage entre les caractéristiques de l’opérateur et celles de la tâche » (op. cit. p 56).

Le couplage « complexité/compétences »

8Les travaux de Leplat (1988) sur la complexité sont directement liés à son modèle-guide pour l’analyse de l’activité à partir du couplage (Leplat, 1997, 2000b). Selon ce modèle fondateur, « l’activité est à concevoir comme dépendant du couplage entre la tâche et le sujet » (Leplat, 2011, p. 14). Le symbolisme initialement proposé par Leplat est A=f(S,T) pour indiquer que l’activité dépend de la conjonction entre un sujet (S), caractérisé par des conditions internes, et une tâche (T) déterminée par des conditions externes (Leplat, 1993). « Le couplage marque que chaque type de conditions est lié à l’autre et n’intervient sur l’activité qu’en rapport avec l’autre » (Leplat, 2000b, p. 10). Par la suite, Leplat a présenté une diversité de formes et de cadres se rapportant à cette conceptualisation du couplage. « Le couplage compétences-complexité » en une et il est « très important à analyser » (Leplat, 2000b, p. 80).

9Le couplage entre la complexité  de la tâche et les  compétences du sujet - incluant notamment la prise en compte des instruments mis à disposition du sujet - met en évidence la pluralité des facteurs de complexité du point de vue de l’activité : outre les facteurs de complexité liés à la tâche (cf. § précédent), il faut tenir compte des facteurs de complexité liés au couplage et la gestion par l’agent lui-même de la complexité (Leplat, 1988). Cela implique que la complexité d’une activité pour un opérateur donné dépend de la compétence dont il dispose pour effectuer cette tâche. Ainsi, comme l’indique le schéma extrait et traduit de Leplat (1988, cf. figure 1.), une même tâche sera l’objet d’une activité plus complexe pour un sujet débutant, ou moins formé, que pour une personne expérimentée : « plus la compétence est grande, plus faible sera la complexité de la tâche pour l’agent concerné » (Leplat, 2000b, p. 80). Autrement dit, pour une même tâche et un même sujet, la complexité et la compétence varient de manière conjointe, dans des directions opposées (Leplat, 1988, 1996). « La région où la complexité excède les compétences (assumée être estimée sur une même échelle) correspond aux activités complexes. La région des activités simples [est celle] pour laquelle les compétences excèdent la complexité » (Leplat, 1988, p 107). Compétence et complexité se définissent ainsi en miroir  : « Si les caractéristiques de la tâche sont discutées dans les termes de l’opérateur, alors nous parlons de complexité; quand les caractéristiques de l’opérateur sont discutées en relation avec la tâche, alors nous parlons de compétences » (Leplat, 1988, p. 113).

Figure 1. Compétences et complexité des activités pour une tâche donnée. Image extraite et traduite de (Leplat, 1988).

Figure 1. Compétences et complexité des activités pour une tâche donnée. Image extraite et traduite de (Leplat, 1988).
  • 2 Comme l’indique Leplat (1996), on retrouve notamment des proximités avec les modélisations issues d (...)
  • 3 Cette définition peut être rapprochée des approches constructivistes de Le Moigne and Morin (2013) (...)

10Cette modélisation met l'accent sur la manière dont les individus traitent la tâche complexe et sur les ressources dont ils disposent pour le faire. Elle tient compte des compétences et des stratégies développées pour caractériser les activités complexes. Autrement dit, pour Leplat, la complexité est subjective, dépendante de la perception et de l'expertise de l'individu ou du groupe qui interagit avec le système. « Les facteurs de complexité sont importants à identifier, mais ils n’occupent leur vrai statut qu’en lien avec un opérateur donné, caractérisé par un type de fonctionnement cognitif. La connaissance de ces facteurs, et de ce fonctionnement, nous permet de déterminer quelles actions spécifiques peuvent réduire la complexité, soit en changeant les sujets – via la formation - soit en changeant la tâche – via des mesures ergonomiques » (Leplat, 1988, p. 113). Cette conceptualisation « psychologique » de la complexité est très différente de celle définie en cybernétique ou en ingénierie (Hollnagel, 2012a; Le Coze, 2023) même si des rapprochements ont été faits, y compris par Leplat lui-même (Leplat, 1996; Leplat & Rasmussen, 1984; Norros, 2014; Rasmussen et al., 1991)2. Elle a des conséquences importantes pour la conception des systèmes sociotechniques puisque les situations complexes ne sont plus abordées comme un type de problèmes spécifiques, indépendamment du ou des sujets qui y participent : « La complexité n’est pas un invariant de l’objet ou du système, mais elle dépend du modèle que fait de celui-ci son utilisateur » (Leplat, 1996, p. 59) 3. Elle porte un regard original parmi les divers travaux sur la complexité dans les sciences de la sécurité. Du point de vue de la sécurité, ce modèle conforte les nouvelles « visions » selon lesquelles la (in)fiabilité humaine n’est pas uniquement l’expression de la (in)fiabilité intrinsèque de l’homme (Rasmussen, 1987). Pour autant, il ne transpose pas dans les situations « les apories que la psychologie cognitive situait dans le sujet », au risque de faire disparaître l’activité du sujet (Béguin & Clot, 2004). En tant que résultat de l’interaction opérateur-tâche, la fiabilité humaine dépend de la qualité du couplage entre les compétences de l’opérateur et le travail demandé dans des conditions données (Leplat & De Terssac, 1989). Ce modèle a ainsi ouvert d’importantes voies de recherche et de nouvelles perspectives de prévention : face à la complexité, « simplifier » la tâche n’est pas la seule voie d’action possible. Comprendre les compétences et trouver des moyens de les développer devient un axe de recherche et d’intervention tout aussi central (Leplat, 2000a, 2008; Leplat & de Montmollin, 2001).

L’imprévisibilité: de la sécurité à la résilience

La résilience : à situation exceptionnelle, compétences exceptionnelles?

  • 4 Le glissement entre les notions de résilience, de « sécurité gérée » et de « work-as-done » est trè (...)

11Aujourd’hui, une majorité des travaux sur la sécurité s’accorde pour pointer les limites d’approches dites classiques ou traditionnelles, essentiellement normatives, centrées sur la connaissance et la maitrise des risques et des accidents (Amalberti, 2004; Cru, 2014; Dekker, 2004; Dien, 1998; Galey et al., 2024; Hollnagel, 2004; Llory, 1997). Les démarches traditionnelles de sécurité « relèvent d’une vision déterministe du travail [qui] considère que si tout est bien prévu, bien pensé, bien programmé le travail ne comportera pas de risque » (Noulin, 2000, p. 3). Depuis les années 2000, le courant l’ingénierie de la résilience ambitionne de quitter ce paradigme traditionnel, en déplaçant les questionnements depuis une définition de la sécurité fondée sur l’absence (la sécurité est l’absence de risques, d’erreur, d’évènements indésirables, etc.) vers une recherche de ce qui est présent et contribue à gérer les variabilités plus ou moins prévues, le nouveau, l’incertain, ou même la crise. Très souvent, la résilience des systèmes sociotechniques y est définie, en première instance, comme une capacité à gérer des situations imprévues, exceptionnelles qui dépassent les « zones anticipées d’adaptation » et « sortent des sentiers battus » (Cook & Nemeth, 2006; Dekker, Dahlström, van Winsen, & Nyce, 2008; Hollnagel et al., 2006; Ketelaars, Gaudin, Flandin, & Poizat, 2024; Lundberg & Johansson, 2007). Et très souvent, la « capacité de résilience » est associée à la « sécurité gérée » c’est-à-dire à une forme de sécurité basée sur les connaissances expertes locales, de terrain (Bourgy & Amalberti, 2010; Morel, Amalberti, & Chauvin, 2008) et est située dans le travail tel que réalisé concrètement (« work-as-done ») (Braithwaite, Wears, & Hollnagel, 2016; Hollnagel, 2012b)4.

  • 5 La métaphore de l'extrémité tranchante, pointue (sharp end) et de l'extrémité émoussée (blunt end, (...)
  • 6 C’est ce même découpage qui sous-tend la plupart des travaux sur les sécurités réglée et gérée (Ama (...)

12Cette vision « restreinte » de la résilience suppose que les évènements peuvent être compris et pris en charge selon deux modalités distinctes (Cook & Nemeth, 2006; Lundberg & Johansson, 2007; Woods, 2006, 2009) : soit ils appartiennent au domaine du prévu, du standardisé, du contrôlé dans ce cas, ils ne relèvent pas du champ de la résilience; soit ils sortent du fonctionnement usuel, ils ne font pas l’objet de règles ni de prescriptions et requièrent alors des capacités à fonctionner de façon résiliente. Dans le premier cas, la sécurité est fondée sur les règles et les formalismes : elle est portée par les concepteurs, la hiérarchie et le management « at the blunt end5 », supposant en creux que les opérateurs « de première ligne » n’y contribuent pas ou peu. Outre l’extension de ce domaine réglé, si l’on admet que cette extension est par nature limitée, l’enjeu devient alors d’identifier les évènements et les perturbations « hors normes » susceptibles d’affecter les fonctionnements usuels, anticipés et réglés. Ainsi, pour Woods and Cook (2006), l’amélioration de la résilience passe par la définition des « classes de processus adaptatifs » qui permettent à un système de s’ajuster pour maintenir son fonctionnement dans des conditions variables. De multiples catégorisations découpent désormais l’espace des possibles en fonction des perturbations plus ou moins fréquentes auxquelles un système ou une organisation peuvent être confrontés6. Pour Westrum (2006) par exemple, trois types de « menaces » peuvent être distingués : les menaces habituelles qui se produisent relativement souvent, les menaces inhabituelles plus rares et qui ne peuvent pas être anticipées de façon algorithmique et les menaces « sans précédent » impossibles à imaginer. Ces catégorisations sont établies en référence aux plans et règles dans le sens où elles distribuent les évènements en fonction de l’existence (ou non) de règles et plans (plus ou moins) disponibles a priori (Miller & Xiao, 2007; Wears, Perry, & McFauls, 2006; Woods & Wreathall, 2008). Dans le second cas, les évènements sont « inconnus », ils ne font pas l’objet de règles ni de prescriptions et ils nécessitent donc des capacités d’ajustements, d’improvisation ou autrement dit des capacités de « résilience ». Un enjeu important est alors d’identifier et de développer ces compétences adaptatives, portées par les praticiens « at the sharp end », c’est-à-dire ceux qui « interagissent réellement avec le processus dangereux » (Reason, 1990). Ils sont en effet considérés comme les plus en mesure d'effectuer les adaptations nécessaires face à des évènements hors normes, qui sortent du cadre des règles et des prescriptions (Dekker, 2003; Woods, 2024).

  • 7 Ces deux domaines sont très souvent décrits en opposition, ce qui donne lieu à une approche binaire (...)

13Cette approche dichotomique est très fréquente et a déjà fait l’objet de plusieurs discussions et critiques, bien avant la naissance de l’ingénierie de la résilience (De Terssac, 1992; Norros, 2004; Noulin, 2002; Weick, 1998). Elle sous-entend qu’il existe deux zones bien définies, exclusives, et qui relèvent de deux modes de fonctionnement différents : un mode de fonctionnement « normal » et un mode de fonctionnement « perturbé » (Norros, 2004)7. Les courants issus des théories de l’activité argumentent la nécessité de dépasser cette dualité (Béguin & Clot, 2004; Cuvelier & Woods, 2019). D’une part, diverses études sur les « travaux d’exécution » montrent que même dans les situations « normales », « quotidiennes », « que l’on imagine parfois réglées comme du papier à musique », l’incertitude et les perturbations sont « omniprésentes » (Guérin, Laville, Daniellou, Duraffourg, & Kerguelen, 1997; Marescaux, 2007, p. 253; Perrenoud, 1999, p. 124; Teiger et al., 2006). Ces études révèlent également que les travailleurs ne développent pas des connaissances ou savoir-faire originaux uniquement lorsqu’ils se retrouvent acculés ou en l’absence de règles : en situation réelle, les sujets s’engagent souvent délibérément de façon proactive dans des processus de résolution de problèmes et de création afin d’anticiper des incidents futurs, d’éviter de se retrouver en surcharge ou d’améliorer la production (Teiger & Laville, 1972; Vicente, Mumaw, & Roth, 2004). D’autre part, des recherches portant sur la notion d’improvisation révèlent que celle-ci ne peut pas être assimilée à la création spontanée de nouveautés ex nihilo, par opposition au respect contrôlé de « partitions composées à l’avance » et au suivi de « règles rigides » (Charton, 2013; Saladin, 2002). Dans la réalité, les mécanismes d’improvisation sont plus nuancés et bien plus complexes.

14Les disciplines artistiques (musicales, théâtrales, sportives, littéraires) nous montrent combien ces activités créatives sont multiples (improvisation, imagination, composition, créativité, inventivité). Elles s’enchevêtrent les unes aux autres, tout en présentant chacune des subtilités et spécificités propres, en continuité avec les expériences de vie (Bationo - Tillon, 2021; Decortis, 2011; Visioli & Petiot, 2015). L’improvisation collective libre en particulier s’avère être « un appui conceptuel idéal » pour aborder la créativité de l’agir et en affiner notre compréhension (Canonne, 2012; Charton, 2013; Joas, 1999). Dans le champ musical ou théâtral par exemple, composer et improviser sont deux activités créatives proches, qui différent essentiellement par leur dynamique : alors que la composition peut se faire sur des temps longs, intégrant notamment le développement de compétences, l’improvisation est associée à une contrainte temporelle élevée qui rend l’activité irréversible et fait coïncider « produit et processus » (Canonne, 2012; Fisher & Amabile, 2009). De façon réciproque, l’étude de processus de création artistique montre que l’imprévu est un motif récurrent de l’activité artistique : « l’imprévisible prend des formes plurielles, mais [il] constitue souvent un moteur de création » (Balint & Bell, 2017). En aucun cas, les connaissances et les règles ne viennent s’y opposer : au contraire, ce sont les règles, mais aussi les compétences, les modèles transmis, les routines incorporées, les répertoires d’action développés pendant le travail quotidien « routinier » qui dotent les sujets de moyens pour gérer les conditions nouvelles et imprévues (Dien, 1998; Weick, 1998). Dans le domaine du jazz, comme dans celui de la gestion organisationnelle, l’improvisation repose toujours sur un mixte entre le « pré-écrit » et la spontanéité (Chédotel, 2005; Lorino, 2005; Tatikonda & Rosenthal, 2000). Les règles et les structures formelles, tout comme la mémoire du passé, sont des éléments indispensables pour « nourrir » les ajustements et pour construire des adaptations sur le vif. Sans elles, il est impossible de faire face à l’imprévu. L’activité du musicien, comme celle de l’ingénieur ou celle du chef de projet, relèverait ainsi d’une gradation nuancée de plusieurs niveaux d’improvisation, depuis l’interprétation jusqu’à la composition en passant par la variation et l’enjolivement (Weick, 1998).

Le couplage « imprévisibilité/imagination créative »

  • 8 Cette recherche déjà publiée ne sera pas développée ici. Pour plus d’information, voir par exemple (...)

15Dans la continuité de ces réflexions, nos travaux autour de l’ingénierie de la résilience nous ont conduits à proposer une modélisation moins binaire, plus subjective et nuancée de l’activité « imprévue » en nous inspirant directement des travaux de Leplat (1988) sur la complexité. Cette modélisation a été mise à l’épreuve par une recherche menée en anesthésie pédiatrique (Cuvelier, 2011; Cuvelier & Falzon, 2008, 2010)8. La modélisation met en relation deux variables : l’imprévisibilité de la tâche (associée à son degré d’incertitude) et la capacité du sujet à imaginer, à composer et improviser un futur possible dans la situation réelle. Comme Leplat le proposait pour la complexité, ce modèle affirme que toute étude de la résilience - et plus généralement de situations imprévues - commence nécessairement par trois questions : « imprévu pour qui? de quoi? et pour quoi? ». Cela suppose de préciser, en plus de l’imprévisibilité de la tâche (i.e. de son caractère incertain et hors-norme), les caractéristiques du/des sujet(s) qui l’exécute(nt), les expériences qui le nourrissent et la ou les finalités, sens et mobiles qui l’animent.

16Au centre, ce couplage met en évidence deux types d’activités en situations imprévues : les situations possibles et les situations impensées (Cuvelier, 2011). Ce qui différencie ces deux types d’activités imprévues ne tient pas seulement aux caractéristiques de la tâche, mais également à celles du sujet et à leur couplage (cf. Figure 2). En ordonnée, la tâche est située selon une cartographie probabiliste d’un monde plus ou moins certain. On retrouve sur cet axe, le découpage « objectif » du monde décrit précédemment, indépendamment des sujets en présence, établis à partir d’un regard « externe » et de « descripteurs » à connotations statistiques : dans la continuité directe des travaux sur la complexité et la planification, cet axe distribue les évènements à partir de leur probabilité d’occurrence et de l’existence de règles et plans disponibles a priori (Miller & Xiao, 2007; Wears et al., 2006; Westrum, 2006; Woods & Wreathall, 2008). Il reconnait aussi l’existence « d’incertitudes radicales » marquées par l’indétermination et donc hors cadre probabilistes (Dupuy, 2009, 2020). Mais, si la tâche est vue sous l’angle de son imprévisibilité, alors le sujet doit être considéré en fonction de son ouverture à de nouvelles façons d’agir, de sa capabilité à regarder les choses comme si elles pouvaient être autrement. Autrement dit, le modèle nous invite à penser le couplage « imprévisibilité/imagination créative » et à analyser les situations imprévues dans un rapport de codétermination dont les deux termes constituent les deux faces d’une même pièce. En transposant les propositions de Leplat (1988) sur la complexité, on peut dire que la région des situations possibles est celle pour laquelle l’imagination et la créativité excèdent l’imprévisibilité de la tâche (degré d’incertitude). A contrario, la région pour laquelle l’imprévisibilité dépasse l’imagination créative (assumée être estimée sur une même échelle) correspond aux situations impensées.

17Cette modélisation intègre ainsi le niveau de surprise de celui qui a vécu la situation et la façon dont il donne sens aux indices in situ. Elle fait écho à d’autres travaux comme ceux de Lanir (1986), sur la « surprise profonde » et la « surprise situationnelle ». Elle intègre la « création de sens » et « l’étonnement de celui qui perçoit l’évènement » (Weick, 1993, p. 633). Elle montre bien que « l’imprévu est toujours relatif à un sujet concret et à des processus cognitifs à la fois situés dans un contexte d’action, des rapports sociaux, un cadre matériel et limités par les savoirs et savoirs faire de l’opérateur » (Perrenoud, 1999, p. 123). Cette conceptualisation est donc dynamique et située. Elle peut être illustrée par des cas d’étude ou des analyses aux ampleurs et temporalités très diverses, mais illustrant chaque fois l’importance du couplage imprévisibilité de la tâche/imagination créative du sujet. Par exemple, le témoignage de Yoshida - directeur de la centrale de Fukushima qui a fait face à l’accident de mars 2011 - analysé par Guarnieri and Travadel (2018) souligne nettement le décalage qui existe entre les agents qui sont sur le terrain, dans la centrale et ceux qui en sont éloignés par exemple au siège de TEPCO, l’exploitant. Ces derniers maintiennent dans la mesure du possible « la temporalité du formalisme et des règles de gestion des catastrophes, réputées garantir une forme de contrôle et de maintien de l’identité des institutions » (op.cit. p 86). Dans le même temps, le directeur et les occupants de la centrale font face à « l’inimaginable ».  Les informations indéniables qu’ils relèvent sur place et la possibilité tangible d’une catastrophe (possibilité induite par une expérience antérieure d’accidents, datée de 1991) conduisent le directeur à se fier à son instinct et aux sensations du groupe sans même envisager le passage d’une procédure à l’autre. Dans la centrale, l’intersubjectivité s’organise autour de l’action, sous contrainte temporelle : un imaginaire collectif construit avec les occupants de la centrale autour d’un « noyau représentationnel de lutte contre des réacteurs anthropomorphisés » se construit (op. cit. p. 0 72/p.38). Cet imaginaire (alimenté par des émotions et évènements réels vécus tels la crainte liée à l’expérience de 1991) fait la bascule vers un futur plausible. Il permet au directeur de passer de l’impensé au possible, dans cette situation extrême sans précédent. Cette nouvelle temporalité de la catastrophe conduit l’équipe à faire face au chaos via le « bricolage » - ce qui ne signifie nullement amateurisme ni absence de formalismes (Gisquet & Duymedjian, 2022). Mais dans le même temps, face au même évènement, pour le siège de TEPCO, la situation reste impensée. Les ordres envoyés aux occupants de la centrale, depuis l’extérieur, sont reçus comme des « parasites ».

18L’approche par le couplage imprévisibilité/imagination créative ouvre de nouvelles perspectives : face à l’imprévu, réduire l’incertitude de la tâche n’est pas la seule voie d’action possible. Il faut aussi se préparer à, parfois, ne pas être prêt : à devoir imaginer l’impensable. Ceci suppose de comprendre ce que recouvrent ces capacités de changement de perspectives et d’élaboration, d’ouverture à de nouvelles façons de penser et agir dans le monde. Comprendre comment l’imagination du sujet alimente la création continue et collective de sens et soutient l’action devient dès lors un axe de recherche et d’intervention central. Cet axe prospectif (en abscisse sur la figure) est celui qui correspond aux caractéristiques du sujet qui agit dans l’incertitude. Il reste largement sous-estimé dans les travaux sur la sécurité. Nous proposons ci-dessous d’ouvrir des pistes pour s’y atteler à partir de la notion d’imagination créative.

Figure 2. Caractérisation des situations imprévues du point de vue de l’activité : le couplage imprévisibilité/imagination créative

Figure 2. Caractérisation des situations imprévues du point de vue de l’activité : le couplage imprévisibilité/imagination créative

L’imagination créative, une fonction mentale supérieure en développement

19Dans la littérature sur la sécurité et sur la gestion de crise, les notions de créativité et d’imagination ont tendance à être employées de façon interchangeable avec celles d’improvisation, de composition, d’inventivité (Bourgeois-Bougrine, 2023). Ces capacités, souvent qualifiées d’adaptatives (Rankin, Lundberg, Woltjer, Rollenhagen, & Hollnagel, 2014; Woods, 2019, 2024) sont généralement abordées sous l’angle de de la conscience partagée de la situation (« situational awarness » (Salmon et al., 2008)), de la résolution de problème ou des compromis cognitifs (Amalberti, 1996; Bourgeois‐Bougrine & Lubart, 2019; Marc & Rogalski, 2009; Mollo & Falzon, 2008; Rogalski, 2004). Focalisés sur les situations imprévues et les crises, ces travaux ambitionnent de « guider » l’adaptabilité, c’est-à-dire de « guider la manière dont les échelons les plus pointus (At the sharp end) s'adaptent à la demande, à des défis qui dépassent le cadre du plan » (Woods, 2019, 2024). En ciblant « l’expertise à la gestion de crise », ces travaux aboutissent souvent à la définition de compétences réifiées et désincarnées de sorte à concevoir des formations susceptibles de les développer (Flandin, Scannell, Ketelaars, & Poizat, 2023; Ketelaars, à paraitre). Puisque l’objet est l’imprévisibilité de la tâche, décontextualisée, indépendamment du sujet, ces travaux identifient des compétences génériques (Viktorelius, 2023a). Parmi ces compétences non spécifiques à un domaine, on trouve par exemple la gestion de l'information, la gestion du stress, le contrôle émotionnel, la communication et compétences collaboratives, le leadership ou bien la flexibilité mentale (Bergström, Henriqson, & Dahlstrom, 2011; Bergström, Petersen, & Dahlström, 2008; Bourgeois-Bougrine, 2023).

  • 9 L'imagination (« safety imagination ») peut soutenir cette extension du domaine réglé via l’élabora (...)

20Les conséquences pratiques de ces approches, notamment en matière de formations, sont paradoxales. En instituant la crise et les compétences pour y faire face comme des catégories génériques, elles aboutissent à « une bureaucratisation de la gestion de crise, elle-même constitutive d’une normalisation de la crise » (Borraz & Gisquet, 2019, p. 44). À partir de là, de façon non surprenante, mais tout aussi paradoxale, « la plupart des ouvrages consacrés à la formation à la résilience se concentrent sur la manière de se préparer à des évènements indésirables (préventif) ou de s'en remettre (palliatif) » (Ketelaars et al., 2024), y compris lorsqu’ils mobilisent l’imagination (Pidgeon & O'Leary, 2000)9. On retrouve aussi cette tendance à l’échelle systémique, dans les analyses d’accident : après Fukushima par exemple, « le retour d’expérience s’est principalement focalisé sur la gestion des risques avant le 11 mars, afin de prévenir ce type d’anomalies à l’avenir » (Guarnieri & Travadel, 2018, p. 167). Les ajustements, les adaptations, la création du sens et l’improvisation développée face aux perturbations plus ou moins prévues et qui constituent « la résilience par l’action » à différents stades des évènements s’avèrent au final relativement peu traités dans les recherches, les rapports d’expertise et les formations (Lièvre, Aubry, & Garal, 2019). Les dimensions sensibles, affectives, corporelles, imaginaires caractéristiques des sujets à l’origine de cette résilience par l’action ne sont que rarement évoquées (Ciccone, 2023; Ciccone, Cuvelier, Baugnon, Orliaguet, & Decortis, 2018; Guarnieri & Travadel, 2018; Récopé, 2019). L’imaginaire en particulier est entaché de représentations négatives et de craintes, car rapidement associé aux fantasmes, au chimérique, au spectaculaire, à l’inexistant (Archambault & Venet, 2007; Faure, 2015).

21Il apparait pourtant paradoxal de proposer des formations visant le développement de compétences génériques et une expertise dédiée à la gestion de crise, alors que l’enjeu est justement de développer des capacités à agir dans des situations qui par définition sont uniques, inédites et contingentes (Viktorelius, 2023b). Au-delà, il peut même sembler hypocrite de chercher à développer au travail des compétences d’improvisation et de créativité pensées exclusivement comme palliatives et compensatoires de situations dégradées du point de vue de la sécurité, alors que les systèmes de travail dans leur ensemble proscrivent la créativité et le développement intellectuel au profit de l’automatisation et de la spécialisation des tâches  (Clot, 2010; Clot & Gollac, 2014; Gorz, 2004; Linhart, 2010). À l’inverse, l’apprentissage des disciplines artistiques en vue des activités évoquées précédemment (improvisation, imagination, composition, créativité, inventivité) montre la nécessité pour les improvisateurs de « désapprendre », c’est-à-dire de quitter les postures de protections endossées au quotidien dans des espaces marqués par la peur pour jouer avec sa personnalité propre, être soi-même : « Les improvisateurs se défendent contre les dangers imaginaires comme si ces dangers étaient réels » (Johnstone, 1999, cité par Charton 2013 p. 231).

« Cela implique deux choses fondamentales : il ne faut pas partir d’une conception prédéterminée de la forme et du contenu de ce qui est à créer, le processus créateur risquant à tout moment d’être perturbé, faussé par cette image mentale arbitraire; il ne faut pas non plus chercher l’originalité ni le résultat, pas se forcer à « être bon », ce qui risquerait de faire intervenir des éléments étrangers » (Charton, 2013, p. 231).

22L’apprentissage repose alors sur différents concepts et passe notamment par l’injonction de « partir du banal et de l’exploiter ». Ainsi, improviser ne s’improvise pas. Mais la capacité à imaginer, improviser, composer, inventer en un mot à créer ne se prescrit ni ne se transmet pas pour autant. Elle se construit à partir de matériaux tirés de l'expérience réelle et repose sur la recombinaison imaginative d'éléments connus vécus, à partir du réel, de l'expérience, de la médiation de l'expérience, des émotions et de la transformation du réel (Vygotski, 2004). « Apprendre à improviser, c’est apprendre à apprendre » (Charton, 2015), car c’est d’abord « apprendre à se vaincre »  (Rancière, 2014, p. 73). Cela se construit dans les « répétitions sans répétitions » de l’activité quotidienne (Clot & Béguin, 2004). Cela suppose de dépasser ses inhibitions, ses peurs, d’accueillir l’échec et de se libérer de la volonté de vouloir être original (Charton, 2015). «  L’imagination et la créativité exigent la liberté de penser et d’agir et un niveau de connaissance propre à la pensée conceptuelle, car si les fonctions mentales supérieures sont perturbées, l’imagination s’annihile » (Archambault & Venet, 2007).

23Le cadre théorique de la fabrication du sens, issu des sciences de la gestion, ouvre des perspectives pour penser les compétences à improviser (Weick, 1988, 1998). Selon cette approche, la capacité d’improvisation d’un individu consiste à « puiser un cadre d’analyse dans les réservoirs de sens » dont il dispose grâce à son expérience et à sa formation. « Plus l’individu dispose de « cadres » variés et différenciés, plus ses perceptions seront diverses, plus il sera capable d’identifier les indices pertinents et d’agir de manière adéquate » (Laroche & Steyer, 2012, p. 9). Pour Weick (1998), un continuum, associé à un niveau accru d'imagination et de concentration peut ainsi être défini, depuis l'interprétation, vers l'embellissement et la variation pour aboutir à l'improvisation. Celui-ci pourrait être associé à des « capabilités pour l’action » (Weick & Sutcliffe, 1999) ou des « attitudes » (Dewey, 1938; Roth & Jornet, 2014) qui ne supposent pas le contrôle et la rationalité comme "condition sine qua non" de l'activité, mais qui caractérisent un certain degré d’ouverture à de nouvelles façons de penser et agir sur le monde.

24Outre les travaux issus du pragmatisme américain, ceux qui relèvent des théories de l’activité, bien qu’ayant surtout porté sur le développement des enfants, sont également intéressants puisqu’ils envisagent la créativité comme une caractéristique intrinsèque de toute activité humaine, et non plus comme associée à certains types d’action ou tâches, ni comme attributs réservés à quelques « génies » privilégiés (Decortis, 2008; Joas, 1999; Kaptelinin & Nardi, 2018). Pour Vygotski (2004) « la créativité est une condition essentielle de l'existence et tout ce qui sort de la routine et innove, même de façon infime, doit son existence au processus créatif humain ». En reprenant la formule de Berthoz (2009), on pourrait parler de mémoire pour prédire, ou de « souvenir pour le futur » traduisant l’idée que, dès les niveaux physiologiques et neuronaux, le cerveau projectif impose ses règles de perception, d’interprétation et de simulation d’un monde sensible. L'imagination est donc omniprésente dans toutes les formes d'activités humaines : dans le jeu, dans l'invention scientifique, dans l'art, et dans la planification quotidienne. Elle joue un rôle central dans le développement cognitif, en particulier des enfants (Decortis, 2015; Dewey, 2018). Tout individu est créatif à sa manière et les détournements, les ajustements sont la preuve de cette créativité (Rabardel, 1995). Cette idée est défendue aujourd’hui par des chercheurs psychologues, philosophes, spécialistes de sciences cognitives de diverses écoles qui s’intéressent à l’esprit imaginant (Weinberg, 2010).

25Avec d’autres auteurs (Archambault & Venet, 2007), dans le sillage de Vygotsky, nous définissons l’imagination comme une fonction mentale supérieure qui se développe graduellement, parallèlement à la pensée rationnelle sans s’y opposer. Cette approche relie la créativité à l’imagination, via la terminologie « imagination créative » (Smolucha & Smolucha, 1986). C'est la puissance créatrice de l’imagination qui permet de se dégager du réel pour construire quelque chose d’inédit et de personnel, que ce soit une idée, une solution, une œuvre d'art ou une invention. Comme l’explique Decortis (2013), Vygotski (1930/1983) n’oppose pas réalité et imagination : l’imagination se construit avec des matériaux pris dans la réalité et l’activité créative de l’imagination dépend directement de la richesse et de la variété des expériences. Réalité et imagination sont unies dans un cycle : « Une fois qu’un produit de l’imagination est concrètement incarné dans quelque chose, il commence à exister en tant que tel. Ce qui peut être vrai pour des objets physiques ou pour des idées et des émotions » (Decortis, 2011). Ainsi, plus un individu a vécu d’expériences, plus il a de matériel pour imaginer, construire et pour créer (ce qui va à l’encontre de l’idée classique selon laquelle l’imagination atteindrait son paroxysme chez le jeune enfant) (Archambault & Venet, 2007). Le point zéro de l’imagination serait celui constitué de la dépendance complète au réel alors que l’imagination suppose une liberté de pensée qui suppose la pensée conceptuelle. « Considérée sous cet angle, l’imagination joue certainement un rôle important non seulement dans le développement individuel, mais aussi dans celui des sociétés et de l’espèce » (Archambault & Venet, 2007).

Conclusion 

26Penser l’imprévisibilité, à partir du couplage « imprévisibilité/imagination créative » rend inopérante toute tentative de catégoriser les situations en termes de fréquence, de seuil, de normalité ou tout autre délimitation nette. De ce fait, elle invalide toute modélisation duale de la sécurité. Non seulement la sécurité (purement) réglée n’existe pas, mais en plus toute contribution créative à la sécurité intègre des règles, formalistes, et d’autres types de supports en devenir et construction perpétuelle. Autrement dit toute sécurité est gérée, et est gérée à partir de règles (entre autres). Tout comme les propositions visant à restreindre ou « recentrer » la résilience « vers la capacité à faire face aux surprises et aléas anormaux » (Thellier, Largier, & Dechy, 2022), ces modélisations omettent les trois questions centrales posées par Leplat : normaux pour qui? de quoi? Pour quoi? Ce faisant, ils prennent le risque de s’affranchir de la sensibilité du sujet et de son engagement imaginaire dans la situation (Récopé, 2019).

27Le modèle du couplage réaffirme la nécessité de comprendre « de l’intérieur » la façon dont les sujets imaginent, construisent leur activité et créent du sens, en relation avec le monde, pour atteindre les objectifs des tâches compte tenu des ressources et des contraintes toujours singulières du contexte dans lequel est située cette activité (Daniellou & Rabardel, 2005; Norros, 2004). Cette perspective intrinsèque est celle des théories historico-culturelles de l’activité. Elle tient compte de l’activité humaine dans son contexte, en lien avec une pluralité d’acteurs et intègre les dimensions historico-culturelles de la relation de l’homme aux objets (Béguin, 2003; Kaptelinin & Nardi, 2018; Rabardel, 1995; Vygotski, 2004). La perspective enactive (Varela, Thompson, & Rosch, 1993) offre également un cadre prometteur pour rendre compte de ce couplage à partir des dimensions profondément incarnées de l’activité (Récopé, 2019; Viktorelius, 2023b). Elle a déjà permis de proposer des orientations originales en termes de formations (Drakos et al., 2021; Flandin, Poizat, & Perinet, 2021; Flandin, Vidal-Gomel, & Ortega, 2022; Horcik & Durand, 2015). Plus récemment elle développe les notions d’« extension de l’entendement » ou de « capacités négatives » pour essentialiser et développer cette capacité à agir dans l’inconnu sous un postulat tacite « d’inconnaissabilité » (Flandin, Salini, Drakos, & Poizat, 2021; Flandin et al., 2023). Ces caractéristiques du sujet, qui restent largement à étayer empiriquement et conceptuellement pourraient venir éclairer l’axe « sujet » dans la modélisation présentée. Elles renvoient d’ailleurs elles aussi aux travaux de Weick. Elles désignent une disposition du sujet à «  (i) à accepter inconditionnellement sa propre vulnérabilité à l’incertitude, alors que ses habitudes de pensée et d’action le disposent à l’inverse, et (ii) à trouver des moyens d'agir, même sans but précis [et sans compréhension préalable de la situation par déduction de connaissances antérieures], en créant de fait des opportunités de signification (repérage d'indices), d’élaboration et d'expérimentation d'hypothèses (enquête) et d'inflexion de la sémiose (abduction) » (Flandin, Salini, et al., 2021, p. 19). Alors que les sciences de la sécurité sont de plus en plus « dévoyées » par les sciences de l’ingénieur (Bergström, 2019; Pécaud, 2010), sur la base du « détournement utilitariste de résultats empruntés opportunément à la sociologie, à la psychologie ou encore aux sciences cognitives  » (Travadel & Guarnieri, 2019, p. 46), les travaux visant une définition intrinsèque, située et incarnée de l’activité, intégrant ses dimensions imaginaires, corporelles et sensibles, nous paraissent plus que jamais nécessaires.

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Visioli, J., & Petiot, O. (2015). Dynamique de l’improvisation dans l’activité d’un enseignant en cours d’EPS : quelles relations avec les émotions et la spécialisation dans l’APSA enseignée? . eJRIEPS [En ligne], 36.

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Notes

1 L'ingénierie de la résilience se concentre sur la performance résiliente, plutôt que sur la résilience en tant que propriété (ou qualité).

2 Comme l’indique Leplat (1996), on retrouve notamment des proximités avec les modélisations issues du cadre de l’ingénierie des systèmes cognitifs (Joint Cognitive Systems) (Hollnagel & Woods, 2005). Ce cadre met en effet l’accent sur le couple formé par l’homme et la machine (via la terminologie anglaise « joint » souvent traduite pas « couplé »). Ce modèle a été développé par Hollnagel et Woods (2005) pour permettre de mener des analyses sans tenir compte de l’agent qui réalise la fonction (l’homme, la machine, l’équipe, l’organisation …). C’est une unité d’analyse focalisée sur le système socio-technique, appréhendé comme un tout. Elle permet de ne plus comprendre les systèmes comme des sommes de composants, mais comme des interactions et des « coactions ».

3 Cette définition peut être rapprochée des approches constructivistes de Le Moigne and Morin (2013) puisqu’elle reconnait que « la modélisation se construit comme un point de vue pris sur le réel » (op. cit. p. 341.). La complexité, sujet central des travaux de Morin, lui permet également d’inclure le sujet dans la production de connaissances et ainsi d'introduire la subjectivité dans l'objectivité de la science (Morin, 1980, 2007).

4 Le glissement entre les notions de résilience, de « sécurité gérée » et de « work-as-done » est très fréquent dans la littérature. Même si ces terminologies sont liées et présentent des liens de parenté, elles ne sont pas selon nous synonymes. Pour plus de détails, voir par exemple (Cuvelier & Woods, 2019).

5 La métaphore de l'extrémité tranchante, pointue (sharp end) et de l'extrémité émoussée (blunt end, à l’arrière-scène), introduite dans les sciences de la sécurité par Reason est actuellement mobilisée par de nombreux auteurs (Cook & Woods, 1994; Faye, 2007; Hollnagel, 2004; Reason, 1990; Woods, Johannesen, Cook, & Sarter, 1994). Elle véhicule une vision à la fois hiérarchique et linéaire des systèmes sociotechniques : « Sharp end » fait référence au contexte dans lequel le travail est effectué, là où les conséquences des actions se manifestent directement et immédiatement. [..] « Blunt end » fait appel à des sphères de l'organisation qui ne participent pas directement au travail « de l'extrémité tranchante », mais qui influencent le personnel, l'équipement et les conditions générales de travail à l'extrémité tranchante » (Haavik, 2023, p. 43, notre traduction).

6 C’est ce même découpage qui sous-tend la plupart des travaux sur les sécurités réglée et gérée (Amalberti, 2021; Morel et al., 2009). Ces approches, orientées vers la notion d’espace d’adaptation s’inscrivent dans la lignée des travaux de Rasmussen (1997).

7 Ces deux domaines sont très souvent décrits en opposition, ce qui donne lieu à une approche binaire selon laquelle une politique de gestion des risques devrait choisir entre l'une ou l'autre des perspectives : étendre la sécurité réglée, c’est-à-dire étendre la zone du connu, du prévu, du planifié se ferait nécessairement aux dépens de la sécurité gérée (Amalberti, 2007; Morel, 2007; Morel et al., 2008; Pariès & Vignes, 2007; Woods, 2024). Avec ce point de vue, les questions de recherche se posent en termes de seuil, d’arbitrages ou de positionnement du curseur (comment assurer un bon dosage entre sécurité réglée et sécurité gérée? (Amalberti, 2021; Falzon, 2011; Morel et al., 2009)) et les questions d’articulation entre les deux formes de sécurité sont peu discutées (Cuvelier, 2022b; Cuvelier & Falzon, 2012, 2015; Daniellou, Simard, & Boissières, 2009; Falzon, 2008). Face à cette dualité, l’ambition de supprimer ou de réduire l’écart qui existe entre ces deux formes de sécurité, en les assimilant l’une à l’autre, est souvent rapidement affichée comme un objectif (Braithwaite et al., 2016; Dekker, 2006; Hartley, 2011).

8 Cette recherche déjà publiée ne sera pas développée ici. Pour plus d’information, voir par exemple (Cuvelier, 2011; Cuvelier & Falzon, 2010).

9 L'imagination (« safety imagination ») peut soutenir cette extension du domaine réglé via l’élaboration de scénarios d'accident les plus riches possible (Pidgeon, 2010; Pidgeon & O'Leary, 2000).

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Compétences et complexité des activités pour une tâche donnée. Image extraite et traduite de (Leplat, 1988).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pistes/docannexe/image/8604/img-1.png
Fichier image/png, 17k
Titre Figure 2. Caractérisation des situations imprévues du point de vue de l’activité : le couplage imprévisibilité/imagination créative
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pistes/docannexe/image/8604/img-2.png
Fichier image/png, 79k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Lucie Cuvelier, Françoise Decortis et Pierre Falzon, « Sécurité, complexité, imprévisibilité : apports et perspectives des travaux de Leplat  »Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé [En ligne], 26-3 | 2024, mis en ligne le 15 décembre 2024, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/pistes/8604 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/130lb

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Auteurs

Lucie Cuvelier

LINEACT CESI, CESI École d’Ingénieur, Tour Hyfive 1 avenue du Général de Gaulle, 92074 Paris La Défense – France

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Françoise Decortis

Laboratoire Paragraphe, Équipe C3U, Université Paris 8, 2 Rue de la Liberté, 93200 Saint-Denis

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    Paru dans Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé, 17-2 | 2015

Pierre Falzon

Centre de Recherche sur le Travail et le Développement, Équipe Ergonomie, Le Cnam, 41 rue Gay-Lussac, 75005 Paris

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